Chers frères et sœurs,
Chaque salle de bains a besoin d’au moins un miroir. Ce miroir nous montre seulement notre « visage naturel », c’est-à-dire nos traits physiques extérieurs et notre apparence. La Parole de Dieu est aussi un miroir. Contrairement au « miroir naturel », le « miroir de la Parole de Dieu », lorsque nous nous regardons dedans, ne nous révèle pas nos traits physiques extérieurs, mais notre nature spirituelle intérieure et notre relation à Dieu et à nos prochains.
C’est parfois assez embarrassant et désagréable lorsque la Parole de Dieu nous tend soudain un miroir. Et l’Évangile de Luc de ce dimanche est un tel miroir que Dieu nous présente.
En ce « Dimanche de la Mission universelle », nous avons tous reçu de Jésus la vocation d’être des témoins de Dieu dans ce monde. Mais la question est de savoir de quel christianisme nous témoignons aux hommes et aux femmes aujourd’hui ? Et c’est justement là que cet Évangile nous tend un miroir.
L’Évangile de Luc mentionne deux hommes importants. Aujourd’hui, il pourrait aussi s’agir de deux femmes, dont les attitudes s’opposent diamétralement. Ces personnes prient dans le Temple.
L’un des deux hommes est un pharisien. Or, il faut savoir : à l’époque, le mot pharisien n’avait pas la connotation négative qu’il a aujourd’hui. Les pharisiens étaient alors des gens très respectés en Israël. C’étaient des gens qui étaient particulièrement rigoureux en matière de foi, qui faisaient plus que ce que l’on doit normalement faire. Tout le monde en Israël regardait les pharisiens avec respect.
Le publicain est exactement le contraire du pharisien. En Israël, tout le monde montrait les publicains du doigt, car ils étaient des gens qui faisaient cause commune avec les forces d’occupation romaines. Ils étaient donc des « collaborateurs » des occupants. À l’époque, ils avaient toujours le droit de leur côté ; ils pouvaient utiliser la force militaire pour collecter les droits de douane et les impôts.
Si nous prenons cet Évangile comme un miroir, nous devrions nous poser les questions suivantes : Suis-je ce pharisien qui se compare aux autres, dresse la liste de ses mérites et le catalogue de ses réalisations, au point qu’il n’a plus rien à demander à Dieu ? Ou bien suis-je ce publicain qui, devant Dieu, en toute humilité, se reconnaît pécheur et s’ouvre à la miséricorde de Dieu ?
L’expérience de la vie me fait dire que le pharisien et le publicain ne sont pas hors de nous, mais en nous. C’est en chacun de nous qu’il y a un pharisien et un publicain qui prient. J’ai fait certainement l’expérience de ces deux rôles, chacun d’entre nous a des forces et des faiblesses.
Luc le dit si bien dans l’Évangile d’aujourd’hui : « Jésus dit une parabole pour certains hommes qui étaient convaincus d’être justes et qui méprisaient tous les autres » (Lc 18, 9). Cela nous arrive à tous de mépriser les autres comme le pharisien de la parabole. Tout ce que le pharisien dit dans sa prière est certainement vrai. Et pourtant, tout est faux. Ce n’est pas une prière, c’est une glorification de soi-même, une autosuffisance ; il ne cherche pas le dialogue avec Dieu. Que peut-il encore attendre de Dieu ? Rien du tout ! Si ce n’est que Dieu lui confirme ses réalisations !
Le pharisien s’est coupé de la source de l’Amour. Il tire tous les regards sur sa personne. Il a beau avoir beaucoup de mérites, il ne cherche pas à ramener les gens à Dieu, mais il les ramène tous à lui pour qu’ils deviennent ses partisans. Jésus n’avait pas besoin de partisans, mais des disciples. En réalité, la prière du pharisien montre qu’il n’aime personne – car ils sont tous des voleurs ou des adultères. Il n’a que du mépris pour les autres. Il ne s’adresse à Dieu que pour se contempler lui-même : « Je te rends grâce parce que je ne suis pas comme les autres hommes » (Lc 18, 11).
Et comment expliquer que l’Évangile nous propose le publicain comme modèle ? Et pourtant, il est traité par son peuple de pécheur public ?
Pendant sa prière, le publicain reste debout à l’arrière du Temple. Il n’ose même pas lever les yeux au ciel et se frappe la poitrine en disant : « Mon Dieu, montre-toi favorable au pécheur que je suis ! » (Lc 18, 13). Il ne dit que la stricte vérité. Il offre à Dieu sa vie telle qu’elle est, sans rien dissimuler, et attend tout de son Créateur. Il se tient « à distance », avec humilité. Il est vrai devant Dieu.
Être vrai devant Dieu et devant ses frères et sœurs, c’est reconnaître sa précarité et sa fragilité. Il faut du courage pour s’avouer que l’on a fait des erreurs, que l’on a péché. Le publicain est conscient de sa condition de pécheur. Il supplie Dieu de lui être favorable malgré ce qu’il est : pécheur ! Dans sa prière et dans sa foi, le publicain cherche à entrer en relation avec Dieu. Voilà la vraie prière ! La prière est avant tout une action de grâce, une Eucharistie !
Jésus redresse ce publicain humble et dit : « Il redescendit dans sa maison et il était devenu un homme juste » (Lc 18, 14) ; il est donc juste aux yeux de Dieu. Dieu ne condamne pas, mais il élève quiconque se tient devant lui avec humilité. Et Dieu te dira : tu as du prix à mes yeux (Is 43, 4). Je t’ai rendu juste. Ce que l’Évangile nous apprend, c’est que Dieu préfère l’humilité du pécheur à l’orgueil du juste.
Dans la prière, ce qui importe, c’est d’être ouvert à Dieu, de savoir que nous ne pouvons finalement compter que sur Lui, et non pas de prendre appui sur nos propres réalisations ou nos qualités particulières.
Quiconque accepte dans l’humilité de dépendre totalement de Dieu sera élevé par lui dans Sa communion d’amour. Le Saint Curé d’Ars enseignait : « Celui qui s’accuse, Dieu l’excuse. Celui qui s’excuse, Dieu l’accuse. ». Amen.