32ème dimanche du temps ordinaire

Auteur: Stéphane Braun
Date de rédaction: 6/11/22
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2021-2022

Voilà une drôle d’histoire un peu abracadabrante !

D’abord ces sadducéens, inconnus dans l’évangile si ce n’est dans ce récit. Il s’agit d’une élite conservatrice sacerdotale et politique en Israël. Ils ne reconnaissent que les textes écrits du Pentateuque (les livres de la Torah qui correspondent aux cinq premiers livres de la bible). Ils rejettent la tradition orale et toutes les nouvelles croyances. La croyance en une résurrection remonte à deux siècles avant J-C et n’est pas reconnue à leurs yeux.

Ces sadducéens soumettent à jésus la loi du Lévirat évoquée dans le Deutéronome : Dans le but d’assurer une descendance, un homme peut épouser sa belle-sœur si celle-ci ne peut avoir d’enfants avec son mari. Mais, en poussant cette loi à la limite du raisonnable pour une femme stérile qui a sept frères, les sadducéens demandent à Jésus de qui cette femme sera t’elle l’épouse à la résurrection … Alors qu’ils ne croient pas eux-mêmes à la résurrection !!!

Jésus, ne critique pas la question, ne se moque pas de son invraisemblance, mais en profite pour dénoncer la croyance résurrectionnelle des pharisiens qui sont présents. La résurrection des morts n’est pas un « copier-coller » de la vie des vivants. Et la question du mariage n’a pas sa place dans ce monde d’après la mort. Le monde de la résurrection n’est pas imaginable. Il est autre. Les hommes ne sont plus humains. Ils sont, dit Jésus, « semblables aux anges, enfants de Dieu et de la résurrection ». Notre humanité, dans la limite de son intelligence, s’arrête aux portes de la mort.

Mais Jésus donne aussi tort aux sadducéens dans leur négation de la résurrection. Il rappelle l’histoire du buisson ardent dans lequel Dieu parle à Moïse pour lui rappeler sa fidélité à son peuple. Abraham, Isaac, Jacob, et tous ceux qui suivent, sont toujours vivants dans la mémoire divine. Dieu n’est pas le Dieu des morts mais le Dieu des vivants. Les vivants du passé, sont toujours vivants dans la mémoire divine. La mémoire divine est l’espace d’une nouvelle mémoire qui prolonge dans l’infini de Dieu les limites de celle de notre humanité.

Et nous tous alors, dans cette histoire de résurrection ?  Ne sommes-nous pas comme les sadducéens avec beaucoup de questions sans réponses satisfaisantes ? N’espérons-nous pas un jour une réponse dans le rationnel encore inaccessible de la science, de l’art, de la pensée, etc.

Jésus nous emmène ailleurs, pas encore avec les anges du ciel mais déjà dans l’histoire des Vivants (écrit avec un grand V majuscule).

Toute l’histoire de Jésus est une histoire d’expérience de la réalité de Dieu au cœur de notre humanité. Jésus rappelle aux sadducéens qu’ils sont inscrits dans une histoire à la suite d’Abraham, d’Isaac et de Jacob. Une histoire d’amour appelée à se prolonger dans l’amour infini de Dieu qui en est la source.

En prenant du recul, la loi du Lévirat déformée par les sadducéens est une loi de préservation du Vivant, de ce qui, en se transmettant, ne meurt pas.

 

Nous avons tous des histoires de famille, une généalogie qui nous relie à ceux qui nous ont précédés pour nous inscrire dans une histoire de l’avant nous, de l’aujourd’hui et de l’après nous. Cette histoire est plus qu’un album de souvenirs avec des moments de bonheur et de difficulté, avec des personnalités, des charismes, des traditions sociales ou culturelles, et même avec des recettes de gâteau au chocolat. Nous nous sommes construits en nous inscrivant dans cette histoire. A nous d’en écrire la suite mais pas l’épilogue que nous confions à Dieu avec notre participation.

Dans la célébration de funérailles, très souvent, la famille, les proches évoquent des souvenirs positifs pour dire aurevoir, rendre hommage, rappeler une place dans un réseau de relation, … etc. Mais la mort ne ferme pas la porte, elle l’ouvre sur un nouveau chemin qui commence par celui du deuil. Au-delà du souvenir, commence le chemin de la mémoire. Que me laisse de lui le défunt ? Qu’est ce qui de lui continue à m’habiter, à m’accompagner ? Que puis-je encore lui dire ? Autrement dit, qu’est ce qui de lui n’est pas mort, continue à donner sens à ma vie et à la sienne devenue ange ?

Cette expérience de l’humain qui nous entraine au-delà de l’humain, de la vie qui ne meurt pas et se transmet, est une expérience de résurrection qui nous permet d’y croire.

Jésus nous a entrainé dans la réalité de Dieu au cœur de nos relations humaines. En mourant, il nous en confie la prolongation. Nous devenons partenaire de sa vie qui continue, partenaires de sa résurrection. C’est le sens de notre vie, la grande responsabilité des chrétiens.

Amen