Chers frères et sœurs,
Un homme vint voir le célèbre rabbin Shammaï et lui dit. « Je veux bien devenir juif si tu peux me dire la chose la plus importante de la religion juive dans le laps de temps où je peux me tenir sur un pied. » Le rabbin pensa aux cinq livres de Moïse et à toutes les interprétations juives de ces livres, qui indiquent tout ce qui est important pour obtenir le salut. Cet homme dut admettre qu’il lui était impossible de tout résumer en quelques phrases.
L’homme se rendit alors chez un autre rabbin célèbre, Hillel, avec la même demande. Celui-ci répondit immédiatement : « Ce que tu détestes, ne le fais pas non plus à ton prochain ! C’est toute la Loi. Tout le reste n’est qu’interprétation » !
Cette légende juive résume bien le cœur de l’Évangile de Matthieu de ce sixième dimanche du temps ordinaire sur la LOI. Tout le reste n’est qu’interprétation ! Finalement qu’est-ce que la Loi ? Que signifie la Loi pour Jésus ? Le mot français « Loi » ne traduit en réalité qu’en partie le mot hébreux « Torah ». La Torah n’est pas seulement la Loi indiquant des ordres impératifs ou des obligations imposées, mais elle signifie avant tout un chemin à suivre, une direction à prendre ou une route que montre le Seigneur.
C’est ainsi que Jésus revient, dans l’Évangile d’aujourd’hui, sur la Loi qui a été transmise par Dieu à Moïse sur la Montagne du Sinaï. Il reprend plusieurs points concernant à la fois les relations humaines, sociales et religieuses. Dans la lecture brève d’aujourd’hui, Jésus cite les trois Commandements suivants : ne pas tuer, ne pas commettre d’adultère, ne pas tromper (cf. Mt 5, 21, 27, 33). Malheureusement, ces Commandements ont été souvent interprétés d’une façon négative ou tout simplement comme des interdits.
Jésus, en revanche, et cela de manière solennelle, parle de sa propre autorité et interprète ces Commandements de manière nouvelle et surtout différente de celle des Scribes et des Pharisiens. Ceux-ci avaient fait de la Loi un code figé, constitué d’obligations et de règles intangibles et donc irréformables.
Pour montrer la nouveauté de son enseignement, Jésus emploie une formule-choc : « Vous avez appris qu’il a été dit … Eh bien ! moi, je vous dis… ». Par-là, Jésus nous enseigne qu’il n’est pas un simple « Porte-Parole de Dieu », mais c’est bien lui-même le Fils de Dieu, le Logos, la Parole de Dieu par excellence qui s’exprime. À ce titre, Jésus annonce deux points importants : d’une part, ces Commandements transmis aux Anciens sont des acquis et il est hors de question de les abroger ; et d’autre part, il rappelle que ces Commandements de Dieu formulés en termes négatifs sont à comprendre et à vivre comme des chemins de conversion et d’amour.
Dans l’Évangile d’aujourd’hui, limitons-nous par exemple au Commandement sur le meurtre : « Tu ne commettras pas de meurtre » (Mt 5, 21). Il ne s’agit pas là seulement d’une interdiction de tuer une personne, mais il est avant tout une exigence de préserver la vie de tout être humain créé à l’image de Dieu. En d’autres termes, ce Commandement est le fondement du droit de tout être humain à la vie !
N’allons pas vite en besogne en disant : « Je n’ai jamais tué quelqu’un ». Mon expérience personnelle m’enseigne qu’il y a plusieurs façons de tuer autrui. Dans la vie quotidienne, combien de fois ai-je humilié mon frère ou ma sœur ? Combien de fois ai-je été indifférent à l’égard de mon voisin ? Combien de fois ai-je évité de rencontrer mon frère ou ma sœur ?
Jésus nous invite aujourd’hui à écarter dans notre vie le regard méchant ou indifférent que nous portons sur les autres, la rancune qui ne cesse de diviser nos familles ou nos communautés. Il nous invite à enlever de notre vie le mépris des autres, l’agressivité ou la vengeance. Ce sont ces actes et ces mots qui tuent autrui à petit feu et empoisonnent le vivre-ensemble.
Si nous ne savons pas où nous allons, revenons à la Source, revenons au premier des Commandements qui porte sur l’Amour. En fait, c’est la réponse que le Rabbin Hillel a donné à l’homme qui voulait connaître la chose la plus importante de la religion juive. L’Amour, c’est toute la Loi. Tout le reste n’est que pure interprétation !
C’est l’Amour qui donne la valeur d’une vie par excellence ! C’est précisément notre Amour de tous les jours pour nos frères et sœurs désespérés qui leur fait dire que la vie est belle et a un sens. C’est de cet Amour que Jésus a vécu jusqu’au bout, jusqu’à la mort sur une Croix. Nous sommes invités à aller toujours plus loin dans l’Amour !
Hier samedi 11 février, le Pape François a adressé un Message pour la 31e Journée Mondiale du Malade. Il nous « invite à réfléchir sur le fait que c’est précisément à travers l’expérience de la fragilité et de la maladie que nous pouvons apprendre à marcher ensemble selon le style de Dieu, qui est proximité, compassion et tendresse ».
Par l’intercession de la Vierge Marie, prions aujourd’hui spécialement pour tous les soignants bénévoles et professionnels qui se dévouent jour et nuit auprès des personnes fragiles à leur domicile, dans les hôpitaux et les maisons de retraite. Un jour, Jésus vous dira : « Chaque fois que vous avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait » (Mt 25, 40).
Amen.