<<Aimez vos ennemis>>
Depuis plusieurs semaines, nous suivons pas à pas le discours de Jésus sur la montagne. Notre Sauveur y explique tout son programme. Il est de plus en plus dur et exigeant. La semaine dernière, il nous demandait d’être parfait. Aujourd’hui, il nous demande d’aimer nos ennemis. Ce n’est pas plus facile. Et pourtant c’est nécessaire et indispensable. Et nous le savons parce que nous le faisons tous les jours un petit peu ou parfois même beaucoup.
En effet, pour pouvoir vivre dans un couple ou même dans une paroisse, il faut parfois avaler des couleuvres, c’est-à-dire accepter des choses inimaginables et même fondamentalement injustes. Les autres autour de nous ont parfois des comportements blessants, et même parfois humiliants. Certains diront qu’ils ne le font pas exprès. Le résultat est le même : nous sommes blessés et même révoltés. On aimerait même parfois faire sentir à l’autre qu’il nous a fait mal. Ce n’est pas vraiment de la vengeance. Ce serait même plutôt pédagogique : faire comprendre à l’autre que ce qu’il a fait n’est pas gentil et même franchement méchant. Et voilà que Jésus nous dit qu’il faut pardonner à nos ennemis.
C’est ce que parfois nous recommandons à des frères et sœurs qui se disputent tout le temps. Ils sont comme chiens et chats, et même parfois ils vous avouent qu’ils essaient de se calmer, mais c’est plus fort qu’eux. Il faut qu’ils se battent. Alors, je leur suggère parfois de faire ceci : le soir, pendant deux ou trois jours, ils doivent chercher une qualité chez leur frère ou leur sœur qu’ils ne peuvent pas supporter. Si c’est trop difficile, tant pis ! Mais cela peut les aider à changer leur regard sur l’autre. Nous aussi, nous sommes souvent braqués à l’égard de notre voisin ou de notre conjoint. On s’attend, on attend qu’il dise ceci ou qu’il fasse cela, et cela nous met hors de nous. On ne le supporte plus. C’est comme une petite blessure qu’on a sur la main. On la gratte jusqu’à ce que cela fasse vraiment mal. Pour changer cela, il faut fixer son attention sur autre chose, sur quelque chose de positif.
C’est ce qui s’est passé après la guerre. Tout le monde aurait pu vouloir se venger et tout le monde avait raison de le vouloir parce que tout le monde avait vraiment trop souffert, mais ce chemin de la vengeance avait conduit à des guerres de plus en plus cruelles. Alors les hommes ont recommencé à se parler et à travailler ensemble. Et grâce à cela nous vivons depuis quatre-vingts ans dans la paix. Et nous voyons maintenant que des pays et des régions entières du monde sont sans cesse déchirés par la guerre, et de nouveau, et encore tout le temps, des hommes et des femmes meurent, et que des enfants voient leurs parents mourir. Quand pourront-ils apprendre à aimer et à être aimés, à serrer quelqu’un dans leurs bras non pas pour l’étrangler, mais pour le caresser ?
C’est en voyant tout cela autour de nous, mais aussi parfois à l’intérieur de nous que nous pouvons imaginer tout ce que Dieu nous donne aujourd’hui dans son eucharistie. C’est son propre corps pendu sur la croix, mais aussi vivant et ressuscité qu’il nous offre chaque dimanche. C’est grâce à lui que des hommes et des femmes blessés par la méchanceté ou la maladresse de leur conjoint ou de leur voisin sont capables non seulement de vivre ensemble, mais aussi de travailler ensemble pour construire un couple, une famille, une paroisse, tout simplement parce qu’ils ont changé leur regard sur l’autre, non plus en se focalisant sur le mal qu’ils ont fait, mais sur le bien dont ils sont capables. C’est tous les jours qu’on apprend à vivre ensemble.