Nous sommes toujours sur la montagne et Jésus s’adresse à ses disciples. La montagne est un lieu privilégié chez Matthieu, plus tout à fait sur la terre et déjà plus proche du ciel. Tous ceux qui aiment la montagne y trouvent le recul, la hauteur par rapport au quotidien de la vallée et se sentent reliés à ce grand mystère de ce qu’il y a plus haut. Chez Matthieu ce qui se passe sur la montagne relie ciel et terre.
Jésus y a rassemblé ses disciples et ceux qui les suivaient pour leur parler longuement.
Nous sommes dans l’évangile d’aujourd’hui à la fin de cet enseignement dont le sujet est le sens de la loi. Jésus reconnait qu’il faut une loi et qu’il faut la respecter pour s’organiser et vivre en société. Mais, sur la montagne, il propose de dépasser la loi des hommes pour la prolonger dans la loi de Dieu, tout Amour. Matthieu utilise la thèse et l’antithèse pour bien le faire comprendre. « Vous avez appris qu’il a été dit (dans la loi des hommes) : … Eh bien ! moi, je vous dis (dans la loi de Dieu) : … »
Et Jésus prend en exemple une des lois les plus anciennes : Pour punir et rétablir un équilibre avec celui qui a fait du mal, il faut lui faire subir un mal identique à celui qu’il a commis. On trouve déjà des traces de cette loi, « Œil pour œil, dent pour dent », loi dite plus tard du Talion, à Babylone en 1730 ACN.
Pour Jésus, le rapport à la loi dépasse l’obéissance ou la transgression pour vivre une justice différente qui conduit à l’harmonie dans le royaume des cieux. Au-delà du rendre coup pour coup, Jésus nous propose de garder confiance. Comme le fait Dieu pour chacun de nous. Au-delà des gestes, des paroles, des regards, qui m’ont fait mal, il y a toujours une personne capable d’aimer et qui a besoin d’être aimée pour vivre.
La solution n’est pas dans la vengeance, elle est relationnelle. La vengeance entraine l’escalade de la violence et la destruction. La démarche relationnelle de confiance, proposée par Jésus, entraine la possibilité de construire la réconciliation. … Mais nous restons libres !
Vous avez appris qu’il a été dit que si on est frappé à la joue gauche, on a le droit de frapper à notre tour celui qui a blessé. Eh bien moi je vous dis de ne pas répondre par la violence mais de présenter l’autre joue à votre adversaire.
Jésus ne propose pas une attitude de soumission. Mais propose donc de répondre à la violence de l’adversaire autrement que par la violence. Jésus propose même d’entrainer son adversaire dans la prolongation de son acte au-delà de son intention première. Cette réaction déstabilise, entraine le doute, l’hésitation sur l’attitude à prendre. Jésus propose d’entrer ensemble dans un autre type de relation qui place Dieu en son centre.
Tendre l’autre joue, cela devient alors relativiser l’importance du coup. C’est dire à l’autre : tu m’as fait mal, mais cela ne m’empêche pas de croire que tu es capable d’autre chose. Peut-être alors que cette autre justice nous conduira un jour dans ce royaume de Dieu attendu et espéré. Ce sera la fin, à notre portée, d’un monde dont nous ne voulons plus.
Cela me donne à réfléchir sur le sens de la balance utilisée comme symbole d’équilibre de notre justice ! Dans la loi de Dieu, il n’y a plus de balance.
Dieu est la source de l’amour déposé en nous. Il garde toujours confiance et nous sait capable de dépasser l’appel de la vengeance.
Marion Muller-Colard nous dit que « Les coups qui nous atteignent encore, sont ceux qui ont quelque chose à nous dire ».
Amen