Eh bien, non, il n’y a pas assez souvent de tremblements de terre. Et pourtant, nous sommes si souvent secoués et bouleversés par de grandes tragédies ou de violentes blessures, et rien ! La vie continue sans changement. À l’école, on nous racontait que les grands poètes voyaient dans la nature le reflet de leurs sentiments : un violent orage éclatait quand ils étaient en colère, un soleil rayonnant éblouissait la nature quand ils étaient heureux et contents. Mais tout cela n’est pas vrai. Quand un médecin vous annonce que vous avez un cancer, la terre ne tremble pas. Vous, vous tremblez et vous êtes prêt à tomber par terre, mais, autour de vous, tout continue comme si de rien n’était.
Et cela, c’était aussi valable pour Jésus. Il est né dans une nuit froide d’hiver, et ce sont quelques bergers, pas très propres, qui sont venus le voir et l’adorer. Il a quitté Nazareth et il est allé au bord du Jourdain, et là il a été baptisé par Jean, mais c’était au milieu d’une grande foule, et Dieu, son Père, a eu beau crier : « celui-ci est mon Fils bien-aimé. » Personne n’a bougé. Et Jésus a été arrêté, et les hommes ce soir-là sont restés autour du feu, sans faire attention à ce nouveau prisonnier. Il y avait bien une femme avec eux, mais elle a accusé Pierre d’être un compagnon de Jésus. Non, décidément, la nature et les gens sont souvent bien indifférents à toute la souffrance que nous portons dans notre cœur et dans notre vie.
C’est la très grande solitude que nous vivons tous avec le drame caché de notre existence. Même si nous expliquons à tous nos voisins que nous allons être opérés ou que nous allons devoir partir à l’étranger pour de nombreuses années, rien, ni personne ne pourra soulever le poids qui écrase notre cœur. Nous sommes seuls devant le destin de notre vie, prêts à être écrasés par cette terrible solitude.
Et c’est cela aussi que Jésus, le Fils de Dieu, a voulu vivre : la solitude au milieu de sa splendide apparition. Lui, le créateur du ciel et de la terre, vient sur terre, et rien ne change. Lui, le sauveur du monde, meurt sur la croix, et tout le monde va dormir. Lui, le Fils de Dieu, ressuscite et nous apporte une vie nouvelle, et seules quelques femmes viennent sur sa tombe pour le pleurer. Elles ne sont pas venues, chacune toute seule de son côté. Elles sont venues ensemble. Peut-être parce qu’elles avaient peur d’être attaquées, si elles étaient seules. Mais c’était tôt, très tôt, le matin, alors que le jour allait poindre et se manifester. Non, si elles sont venues ensemble, c’était pour partager leur chagrin et leur désespoir. C’est ce que Juda n’a pas pu faire. Il n’a pas voulu partager sa honte d’avoir trahi Jésus, alors que Pierre allait rejoindre les autres disciples dans le Cénacle et qu’il allait avec eux et la Vierge Marie continuer à prier. C’est la raison pour laquelle nous sommes ici tous réunis. Parce que nous ne voulons pas vivre seuls la tristesse de voir Jésus souffrir sur la croix, et surtout parce que nous voulons ensemble partager la joie de le voir et de le recevoir vivant dans notre vie.
C’est comme cela que l’on comprend que les grandes douleurs comme les grandes joies, ce ne sont pas des événements que l’on peut vivre tout seuls. Jésus les a partagés avec son Père. Il n’a pas eu peur de lui dire : « éloigne de moi cette coupe. » Il n’a pas eu peur de lui crier : « pourquoi m’as-tu abandonné ? » Mais, au-delà de ce cri de désespoir, il y avait déjà la certitude que Dieu était là, silencieux, apparemment sans réaction, mais déjà actif en vue de la résurrection. Jésus a voulu connaître le désespoir de la solitude et de l’abandon pour nous montrer que son Père était toujours là et que tout cela allait aboutir à la joie de la résurrection. Le mal ne pourra pas nous écraser parce que Dieu est toujours auprès de nous.