Dimanche de Pâques

Auteur: Philippe Henne
Date de rédaction: 9/04/23
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : A
Année: 2022-2023

C’est encore la nuit. Marie-Madeleine s’avance. Ses pas sont lourds. Elles trébuchent parfois sur une pierre du chemin. Ce n’est pas seulement parce qu’elle ne l’a pas vue, mais c’est aussi parce qu’elle est tellement triste qu’elle n’arrive pas à lever les pieds pour marcher. Quand on est fort, jeune et courageux, on marche d’un pas ferme sur la route.

Quand on est écrasé de chagrin, on peut à peine lever les pieds. C’est ce qui se passe avec Marie-Madeleine, mais, quand elle voit le tombeau vide, elle est comme brutalement réveillée : elle court et elle ne s’arrête que lorsqu’elle est arrivée chez Simon-Pierre et l’autre disciple. C’est l’horreur ! Jésus n’est plus là. S’il était mort, on pourrait pleurer sur son tombeau. S’il était vivant, on pourrait le trouver. On saurait où il est. Des gens l’auraient vu. Mais il n’est ni l’un, ni l’autre. Il a disparu. C’est comme pour nous aujourd’hui. On a parfois l’impression que Dieu a disparu de la vie moderne. On n’en parle plus dans la société. On ne vient plus à l’église. Les gens n’y pensent plus.

            Alors Marie-Madeleine court chez Simon-Pierre et elle a raison : il faut courir vers les autres, vers la communauté paroissiale pour partager son inquiétude, pour retrouver la foi des autres, pour se nourrir de leurs conseils et de leurs avis. Et pourtant les autres sont aussi démunis. Regardez ! Simon-Pierre lui aussi est paniqué : il court au tombeau et il ne trouve rien, mais saint Jean, qui est plus jeune que lui, est arrivé le premier et il a compris. Il ne faut pas chercher Jésus dans un tombeau, c’est-à-dire dans le passé des églises pleines de gens, mais dans le présent des églises pleines de prières. Simon-Pierre et l’autre disciple ne sont que deux, et pourtant c’est à partir d’eux que la Bonne Nouvelle que la résurrection va partir et se répandre partout dans le monde. Il ne faut pas être nombreux pour annoncer une mauvaise nouvelle. Il ne faut pas non plus être nombreux pour annoncer une bonne nouvelle. La différence, c’est que cela prend plus de temps pour que les gens croient une bonne nouvelle.

Mais le problème est de savoir comment on va à la messe. Comme Marie-Madeleine écrasé par le chagrin parce que les églises sont vides et tristes comme des tombeaux, ou comme saint Pierre et l’autre disciple en courant parce qu’on est impatients de retrouver Dieu vivant dans notre vie. Il faut avoir l’intelligence de saint Jean quand il voit les linges, posés à plat, sur le côté. Dieu est vivant dans notre vie, d’une façon différente que l’on croirait. On le croirait mort dans nos églises et dans nos prières. Il est vivant et il va se manifester à nous dans nos maisons où nous nous cachons parfois par peur des autres. Il va se manifester à nous comme il s’est manifesté à ses disciples après sa résurrection. Il s’est manifesté aux disciples qui étaient réunis autour de Marie et qui priaient dans le cénacle. Il s’est manifesté aux disciples qui étaient au bord de la mer de Tibériade, mais il leur a demandé de jeter leur filet de l’autre côté de leur bateau. Dieu peut dépasser les murailles de nos peurs, si nous prions ensemble et non pas seuls chacun de notre côté.

C’est dans la communauté que la Parole de Dieu nous est adressée et que Dieu peut nous surprendre par une parole nouvelle ou par une prière soudain redécouverte. « Dieu, viens à mon aide » : voilà ce que nous chantons au déb ut de chaque prière du jour, non pas parce que nous sommes persécuté par la police politique, mais parce que nous nous sentons bien loin de Dieu, loin de son amour. « Dieu, viens à mon aide », oui, nous avons tant besoin de Toi, Seigneur. C’est ainsi que, dans nos tâches quotidiennes, Dieu peut se manifester et peut nous surprendre, par une façon nouvelle et plus profonde de vivre notre petite vie monotone. C’est parfois après une période de marécage que la rivière peut s’élancer vers l’océan d’amour de Dieu. C’est parfois après une rude montée que les piétons peuvent découvrir un vaste plateau verdoyant et giboyeux.

Marie-Madeleine a peur d’avoir perdu le corps de Jésus. Elle a couru vers la communauté pour être éclairée. Simon-Pierre a couru vers le tombeau et n’a rien trouvé. Il fallait qu’à l’intérieur de la sécheresse de sa prière, il découvrît que le Christ était vivant au-delà des mots et des livres. Tout cela, c’est comme des lignes mortuaires qui sont posés sur le côté. Le corps vivant du Christ, il est là, dans l’eucharistie, plus grand et plus beau qu’un morceau de pain. Et c’est cela que nous découvrirons lors de la fête de la Pentecôte.
           

Pâques est à peine terminé que déjà nous sommes invités à découvrir Dieu sous un nouvel aspect, celui de son Esprit qui ouvre les portes et les fenêtres vers le monde et vers la vie. C’est ce que saint Jean avait compris : Jésus est vivant et on n’a pas fini de le découvrir.