Jésus n'a pas eu facile à se faire comprendre par la foule avide de miracles et de prodiges. Il change alors de méthode, devient pédagogue et se met à raconter des paraboles, des histoires. Ce ne sont pas de belles histoires pour enfants. Mais des récits dans lesquels nous sommes appelés à devenir acteur. Qui sommes-nous, que sommes-nous, où sommes-nous, dans cette belle histoire ?
C'est vrai que la semence dont parle Jésus, c'est sa propre parole, celle dont nous avons à prendre le relais, celle qui remet debout, celle qui encourage, donne confiance, celle qui donne sens à la vie et qui n'est pas toujours bien reçue et comprise. C'est vrai qu'en tombant au bord de nos chemins, cette parole s'envole parfois dans la poussière de l'indifférence. C'est vrai que dans les cailloux, l'enracinement est difficile. C'est vrai que les ronces et les orties peuvent grandir plus vite que nous et nous étouffer. Et c'est vrai bien sûr que dans de la bonne terre, la graine germe, pousse en harmonie et porte du fruit en abondance !
En devenant acteurs dans cette parabole, nous sommes tour à tour semeur et semence, bonne terre le plus souvent possible mais parfois aussi, ronces et cailloux. Ou encore, il nous arrive parfois d'être vent, portant au loin la graine semée jusqu'à un lieu d'enracinement inattendu d'une graine jusque-là perdue… Voilà l'aventure humaine, celle que nous expérimentons, celle qui nous permet de croire en la fécondité de la vie et de semer dans la confiance. Et si l'on se mettait alors du côté du semeur.
Le Semeur de l'évangile ne vise pas la bonne terre. Ce n'est d'ailleurs pas lui qui la prépare. Il n'économise pas les graines. Tout simplement, il sème en abondance sans spéculer sur une récolte dont le fruit sera pour celui qui saura s'en nourrir. La graine, la semence de l'évangile, cette capacité d'aimer et d'être aimé qui est la vie même de Dieu, est jetée à tous vents, offerte par Dieu lui-même, le semeur, à l'extraordinaire liberté de l'homme, à la variété de sa fécondité, sans objectif et sans spéculation mais dans la confiance que quelque chose germera toujours quelque part, même en dehors du terreau fertile bien préparé et sans pesticide. Pas un enfant n'a grandi de la même façon que les autres, pas un n'a porté du fruit au même rythme et aux mêmes saisons. Il y a dans les familles aussi bien les fruits de l'hiver que ceux de l'été.
J'ai lu, il y a quelques années, le récit de deux biologistes anglais qui ont réussi à faire germer une graine trouvée dans un sarcophage égyptien daté de plus de deux mille ans. Folie de la fécondité qui se réveille après 2000 ans passés dans l’obscurité. Folie aussi de ce petit arbrisseau enraciné dans une anfractuosité de rocher inaccessible, tordu et buriné par le soleil de l'été et le gel de l'hiver mais aux racines plus fortes et mieux ancrées que celles des grands arbres de la forêt ? Folie encore de ce grand père touareg qui fait découvrir à son petit-fils cette minuscule fleur du désert, perdue seule dans le sable et qui se nourrit d'une petite goutte de rosée le matin pour se refermer et se protéger du soleil brûlant à midi. Quel vent en a t'il transporté la semence ? Pour quoi et pour qui germer, pousser et fleurir dans le désert ? N'avons-nous pas tous, dans l'histoire de nos vies, connu un de ces moments privilégié et rare d'avoir vu pousser et fleurir l'inattendu, le fragile, le vulnérable ? Cette expérience nous permet d'y croire et d'oser l'aventure proposée par Dieu le semeur.
Alors, préparons bien sûr en nous le terreau fertile de l'amour et n'hésitons pas à semer dans la confiance d'une fécondité souvent insoupçonnée. L'essentiel n'est pas dans la création finie. L'essentiel est que toujours elle se fasse. L'essentiel n'est pas dans la récolte immédiate. L'essentiel est dans l'ensemencement.