Voilà un évangile bien dérangeant : Jésus refuse de guérir une enfant sous le prétexte qu’elle n’était pas une fille d’Israël : « je n’ai été envoyé qu’aux brebis d’Israël », répond-il à la mère désespérée. Et il a fallu que celle-ci insiste et insiste pour que finalement Jésus accepte de bien vouloir l’aider. Cela ne correspond pas à l’image que l’on se fait de Jésus, le Fils de Dieu, toujours prêt à aider et en faisant aucune distinction entre les personnes, ni les peuples. Qu’est-ce que cela veut dire ?
Tout d’abord que Dieu n’est pas un distributeur de grâces et de miracles. Et c’est vrai que nous-mêmes nous sommes parfois déçus parce que Dieu ne répond pas à nos prières. Cela peut arriver quand un proche est malade ou quand un enfant se sépare de son conjoint. Nous avons beau prier et prier. La guérison ne vient pas tout de suite ou le divorce est prononcé de façon définitive. Cela nous invite à faire preuve de modestie. L’amour et la tendresse ne sont pas des choses auxquelles on a droit automatiquement. Il est inutile d’aller chez le juge pour se plaindre que notre conjoint ou nos enfants ne nous aiment pas vraiment. Aimer les autres est un devoir. Être aimé est un cadeau inattendu et absolument gratuit. Nous nous plaignons souvent de ne pas être vraiment aimés et nous avons probablement raison, mais tout ce que l’on nous donne en matière d’amour est un présent offert gracieusement.
Et cela nous rappelle que nous avons un devoir de reconnaissance pour tous ceux et toutes celles qui veillent sur nous et qui nous apportent leur sourire. C’est là que l’on voit la différence entre un enfant et un adulte. L’enfant considère que tout lui est dû. Il faut lui apprendre à dire merci. L’adulte sait que tout est grâce et il dit merci. C’est peut-être là aussi que repose la sainteté : les saints sont toujours émerveillés de l’amour que Dieu leur donne à travers la nature et à travers les frères humains. Un adulte sait aussi qu’il est plus facile de détruire l’amour que de construire un foyer. Cela peut aller très vite pour détruire, mais il faut toujours recommencer à construire.
Le refus que Jésus oppose à la demande de la Cananéenne est donc un retard qui oblige cette mère de famille à mieux comprendre tout ce qu’elle doit déjà au Seigneur : la vie, un mari, une enfant. Tout cela paraît normal, mais non ! ce n’est pas normal d’être vivant, c’est un cadeau que Dieu nous fait à chaque instant. Ce n’est pas normal d’être entouré par des gens qui nous aiment. On le voit tous les jours. Il y a tellement de gens qui sont seuls et sans affection. Cela peut et doit nous pousser à poser la question de savoir dans quelle mesure ce que je demande contribuera à la construction de l’Église et à l’épanouissement de mes frères et sœurs. Volontairement ou involontairement, nous prions souvent pour l’amélioration de notre confort de vie, que ce soit au niveau matériel ou affectif, mais le Christ et Marie n’ont pas cherché la facilité ou le bien-être. Ils sont venus apporter des gestes d’amour et de vie au prix de leur agrément, et c’est ainsi qu’ils nous ont apporté la résurrection. Et nous le voyons encore une fois dans la célébration de la sainte eucharistie. Ce dernier repas avant la crucifixion est devenu source de vie et de réconciliation.
Alors puissions-nous dire avec Jésus : « non pas ce que je veux, mais ce que tu veux ». Jésus a pu le dire parce qu’il avait une entière confiance en son Père. C’est grâce à cela que Marie, elle aussi, a pu se mettre à la disposition de Dieu, en se présentant comme la servante du Seigneur et en demandant que tout se passe selon Sa parole. Voilà de beaux exemples de confiance que nous pouvons méditer quand nous recevrons la sainte eucharistie.