22e dimanche du temps ordinaire

Auteur: Philippe Henne
Date de rédaction: 3/09/23
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2022-2023

Quelle violence ! Comment Jésus peut-il parler ainsi ? C’est surtout étonnant parce que, quelques secondes auparavant, il avait félicité Pierre qui avait proclamé : « tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant. » et voilà maintenant que Pierre se fait traiter de Satan. Jésus lui-même donne l’explication de ce changement complet d’attitude. Il avait félicité Pierre parce que ce qu’il avait dit était inspiré par le Père : nous l’avons vu dimanche dernier. Aujourd’hui, Pierre reproche à Jésus d’annoncer son arrestation et sa condamnation. Alors Jésus se fâche parce que ce reproche ne vient pas de Dieu, vient des hommes.

Et c’est vrai que nous sommes parfois comme des enfants : on voudrait que tout soit parfait et sans douleurs, ou, plus exactement, on voudrait qu’on nous offre tout dans un parfait état et sans effort de notre part. Nous exigeons, nous attendons que Dieu nous apporte le bonheur. Et pourtant ce qu’il a fait est tout le contraire de cela. Il est venu non pas nous parler de son amour en étant tranquillement installé dans un fauteuil, mais il est venu partager notre vie dans ce qu’elle peut avoir de plus pénible : le froid dans la crèche, la soif sur les routes de Judée, les crachats dans les rues de Jérusalem, la mort sur la croix.

Mais pourquoi tant de souffrances ? Pourquoi Jésus lui-même insiste-t-il sur le fait qu’il faut porter sa croix si on veut le suivre ? C’est la question du mal et cette question est immense. Mais pour répondre à la question de l’évangile d’aujourd’hui, je prendrai cette comparaison : pourquoi un enfant est-il tout content de partir au camp scout alors qu’il sait qu’il devra affronter la pluie et le froid ? C’est beaucoup plus confortable pour lui de rester à la maison, de dormir dans son lit, de manger ce que sa maman a préparé. Mais non ! Il veut aller au camp malgré tout. Il peut arriver que certains enfants trop douillets et trop délicats soient effrayés par cette perspective. Les chefs lui répondront que, pour aller au camp, il faut accepter de porter son sac à dos, d’avoir les pieds dans la boue et d’avoir froid dans son sac de couchage. Si les chefs imposent tout cela, ce n’est pas par sadisme ou par méchanceté, c’est parce que cela fait partie de la vie scoute et que c’est ainsi que se construit et se développe un esprit de camaraderie et d’amitié. Mais personne au départ n’aime ce manque de confort.

Jésus lui-même n’était pas toujours enthousiasmé à l’idée de mourir sur la croix. Au jardin des Oliviers, il a transpiré de l’eau et du sang tellement il était inquiet à cette perspective. Et on comprend pourquoi dans l’évangile d’aujourd’hui il dit à Pierre que ce qu’il dit pourrait être pour lui une occasion de chute, c’est-à-dire une source de découragement devant les épreuves qui l’attendent. Il en est de même pour chacun d’entre nous. Nous avons parfois entendu des paroles destructrices alors que nous étions dans une situation difficile. Nous avions alors toutes les peines du monde pour tenir la tête haute et pour pouvoir continuer à vivre, et voilà que quelqu’un, par maladresse ou par méchanceté (oui, cela existe) nous lance une remarque qui nous enlève tout notre petit courage. Pierre, en interdisant à Jésus de parler ainsi de sa mort, sabote le moral de notre Sauveur.

Pour pouvoir continuer son chemin sur la route vers Jérusalem, c’est-à-dire vers la croix, Jésus doit penser à son Père et à sa mission sur terre : manifester tout son amour. Il ne doit pas se limiter à voir les difficultés, mais il doit se concentrer sur l’œuvre qu’il doit accomplir.

Alors, nous aussi, nous devons nous rappeler pourquoi nous sommes, nous devons nous rappeler l’engagement que nous avons pris et la joie que cela peut nous apporter, comme l’enfant qui porte son sac à dos, trop lourd pour lui, sur les chemins boueux qui le conduiront au camp scout. Une fois arrivé là, il goûtera la joie de la fraternité et de la solidarité.