26e dimanche du temps ordinaire

Auteur: Philippe Henne
Date de rédaction: 1/10/23
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2022-2023

La disponibilité vaut mieux que l’obéissance. Rien n’est plus lourd à déplacer qu’un adolescent vautré sur son lit. C’est déjà la troisième fois que sa mère lui demande de ranger sa chambre. Ce matin déjà il s’était levé fort tard et son bol sale était resté sur la table. Heureusement, nous ne sommes pas tous restés à cet âge de la vie, et tous les adolescents ne sont pas aussi négligents. Mais l’évangile d’aujourd’hui nous pose la question de savoir comment nous répondons aux appels du monde et de nos frères.

Prenons l’exemple de Mère Teresa. Elle aurait pu rester bien tranquillement derrière les murs de son couvent. Au lieu de cela, elle est allée soigner les malades qui étaient couchés dans la rue. Personne ne lui avait rien dit. Ses supérieurs ne lui avaient rien demandé. Mais elle s’est levée et elle est allée dans la rue soigner les mourants. Elle avait perçu dans le regard désespéré de l’un d’entre eux un cri d’appel au secours. C’était Jésus qui l’appelait.

Il en est de même dans chacune de nos familles. Certains sont tristes et désespérés. Ils n’ont pas de travail, ou ils n’ont plus le goût d’aller travailler. Derrière ce dégoût se cache une crise plus grave encore. Il en était de même pour saint Matthieu. Installé derrière son bureau de percepteur d’impôt, il supportait de plus en plus mal le poids de la haine des autres. Car tous les autres Juifs le méprisaient non seulement parce qu’il prenait leur argent, mais aussi et surtout parce qu’il était au service de l’ennemi, ces Romains qui occupaient leur pays. Chaque matin c’était ce poids écrasant qu’il devait prendre sur ses épaules. Et il ne pouvait rien faire d’autre chose. Cultiver la terre ? Il ne connaissait rien à l’agriculture. Ouvrir un commerce ? Personne ne viendrait chez lui acheter quelque chose. Il n’avait pas d’autre possibilité que de continuer et de se laisser peu à peu écraser par cette animosité environnante. Et voilà que brutalement, de façon tout à fait inattendue, quelqu’un l’a regardé comme un être humain, et pas comme un sale collabo. Il existait ! Il était vivant ! Aussitôt il s’était levé et il s’était précipité à la suite de Jésus qui lui avait rendu la vie.

Il pourrait en être de même pour cet adolescent vautré sur son lit. Il pourrait lui aussi croiser le regard de quelqu’un qui lui redonnerait le goût de vivre, mais pour cela il faudrait qu’il se lève et qu’il sorte de sa chambre, ou, plus simplement encore, il faudrait qu’il découvre derrière le regard fatigué de sa maman l’amour d’une mère désespérée. Mais il n’y a pas pire sourd que celui qui ne veut pas entendre, il n’y a pas pire aveugle que celui qui ne veut pas voir.

C’est pour cela que nous sommes ici rassemblés : c’est pour soigner les yeux de notre cœur et les oreilles de notre âme. C’est laisser le regard de Dieu traverser les remparts de nos soucis et de nos déceptions. Mais pour cela il faut l’intelligence de la foi, c’est-à-dire la capacité de voir Jésus présent dans notre vie. C’est comme l’eucharistie. On pourrait dire que c’est un petit morceau de pain, fade et sans goût, un peu comme notre vie, diraient certains, ou bien on pourrait regarder cette hostie comme elle est réellement, remplie de la présence de Dieu.

C’est grâce à cette capacité de voir l’amour de Dieu présent dans notre vie de tous les jours que nous pouvons nous lever, et apporter aux autres le même regard chaleureux que Jésus nous a apporté.