Epiphanie

Auteur: Jean-Bertrand Madragule
Date de rédaction: 7/01/24
Temps liturgique: Temps de Noël
Année liturgique : B
Année: 2023-2024

Chers frères et sœurs,
Dans mon enfance, le Curé nous racontait l’histoire des trois Rois-Mages Gaspard, Melchior et Baltazar. Il les décrivait comme un Africain, un Européen et un Asiatique. Mais si nous avons écouté avec attention l’Évangile de Matthieu (Mt 2, 1-12), il n’y a rien qui est dit sur le nombre et le nom des Mages et même pas sur la couleur de leur peau. C’est la dévotion populaire qui en a fait des Rois par la suite et de ce fait, ils représentent l’humanité tout entière.


Dans la tradition de l’Église catholique, on célèbre la Solennité de l’Épiphanie du Seigneur comme un deuxième Noël. Et cette fête a été fixée au quatrième siècle le 6 janvier pour célébrer la visite des Mages à l’Enfant Jésus. Nous savons également que l’Église orthodoxe célèbre Noël en ce jour de l’Épiphanie du Seigneur.
Que signifie pour nous aujourd’hui l’Épiphanie du Seigneur ?
Dans l’Ancien Testament, l’Épiphanie ou la Manifestation de Dieu signifie la présence de Dieu au milieu de son peuple. Pour nous chrétiens, l’Epiphanie est le mystère de l’amour et de l’attention que Dieu porte à notre monde en son Fils Jésus-Christ. La Manifestation de Dieu a eu lieu dans une étable où est couché le nouveau-né. C’est le paradoxe de l’amour et de la présence de Dieu parmi nous. Dieu est venu dans notre humanité dans les conditions les plus humbles.
Dans le Nouveau Testament, seul l’Évangéliste Matthieu rapporte la venue des « Mages », guidés par une étoile, auprès de l’Enfant nouveau-né à Bethléem. Chez Luc, c’est plutôt l’ange du Seigneur qui annonce aux « Bergers » la naissance du Messie.
Avec ces récits de la visite des Mages et des Bergers, les Évangélistes poursuivent un objectif bien précis : Matthieu, qui écrit pour des chrétiens juifs, rapporte la venue des étrangers, l’adoration de l’Enfant-Roi par des païens. Luc, qui n’est pas très familier avec le judaïsme, écrit sur la venue des Bergers qui se précipitent pour aller voir le nouveau-né. Nous célébrons aujourd’hui l’universalité du salut offert à toutes les nations.
C’est dans une même perspective que nous lisons le récit de l’Évangile de Matthieu et celui de la vision du prophète Isaïe, dans la première lecture : « Les nations marcheront vers ta lumière » (Is 60, 3). On croirait que le Prophète Isaïe prévoyait la visite des Mages à Bethléem. Les Mages d’Orient sont ainsi les premiers qui inaugurent le pèlerinage de l’humanité vers Jésus-Christ – vers ce Dieu qui est né dans une étable. Ils ont tout quitté et ont parcouru un long chemin pour rendre visite à l’Enfant Jésus et l’ont reconnu comme Seigneur. Ils étaient prêts à prendre des risques et à partir à la recherche de Dieu. Nous ne savons pas ce que ces Mages ont vécu au cours de leur long voyage.
Les Mages ont aperçu une étoile dans le ciel, pour laquelle ils se sont mis en route. Il est important de préciser que l’étoile n’a pas guidé les Mages venus d’Orient à Jérusalem (Mt 2, 2). Mais c’est seulement après que le roi Hérode le Grand (règne de 73 à 4 av. J.C.) avait convoqué les Mages en secret pour leur demander à quelle date l’étoile était apparue que celle-ci se met à les guider de Jérusalem jusqu’à Bethléem où était né le Roi d’Israël (cf. Mt 2, 7-9). L’Évangéliste Matthieu note qu’« Hérode fut pris d’inquiétude et tout Jérusalem avec lui » (Mt 2, 3). Hérode, Juif lui-même, est le roi des Juifs, mais un roi sanguinaire. Par jalousie, il a fait massacrer les membres de sa propre famille. Il veut se renseigner sur cet Enfant, en qui il voit un rival potentiel.
Quant aux Mages, ils poursuivent leur route pour témoigner de leur solidarité à l’Enfant-Roi, à Marie et à Joseph. En signe de solidarité, ils apportent à l’Enfant Jésus des cadeaux précieux : de l’or, de l’encens et de la myrrhe. Ils reconnaissent en Jésus le Sauveur du monde. Après avoir rencontré le Dieu de leurs attentes dans l’Enfant Jésus, les Mages s’en allèrent d’où ils étaient venus remplis d’une lumière nouvelle qui brillait sur leur visage et autour d’eux.
Chers frères et sœurs,
Les Mages se prosternent devant l’Enfant-Roi et lui offrent des présents chargés de symboles. Et nous, qu’allons-nous lui offrir ou demander ? Que pouvons-nous apprendre des Mages ? Trois choses :
Tout d'abord, la première. Les Mages ont suivi l’étoile. Comme eux nous sommes aujourd’hui invités à chercher l’étoile de l’espoir et le Messie-Roi. Cette recherche du nouveau-né peut durer longtemps, le chemin peut être très long. Parfois, nous faisons l’expérience de sa proximité, souvent il nous semble que le Seigneur est comme absent. Les croix quotidiennes, les soucis et les problèmes de la vie pourraient nous empêcher de trouver Jésus. C’est pourquoi les Mages peuvent nous servir de modèles.
Un deuxième élément me semble important dans cet Évangile : les Mages apportent à l’Enfant dans la crèche les cadeaux précieux qui ont tous une valeur symbolique en plus de leur valeur matérielle : L’or, qu’on offre aux rois, nous dit que l’enfant Jésus est Roi – une expression de la foi ; l’encens, qu’on brûle devant les autels, nous dit qu’il est Dieu – un signe d’amour ; la myrrhe, avec laquelle on embaumait les morts, nous dit qu’il est Homme – un symbole de la fidélité persévérante, de l’espérance.
Dans ma prière quotidienne et silencieuse devant le Seigneur, je me demande souvent : qu’est-ce que je peux apporter à Jésus ? Tout ce que j’ai, je le tiens de lui. Je suis conscient de mon indigence. Bien sûr, je peux servir Jésus dans le pauvre et le nécessiteux. Pour être concret, j’ai créé une association pour soutenir les personnes indigentes au Congo-Kinshasa. Je ne pouvais pas préparer ma thèse de doctorat tranquillement à l’Université de Bonn, pendant qu’un enfant était en train de mourir de la malaria parce que ses parents n’avaient pas les moyens de payer les médicaments. Je ne pouvais pas profiter de la vie avec insouciance, tout en sachant qu’une femme enceinte ne survivrait pas à l’accouchement de son bébé parce qu’elle recevrait des soins médicaux insuffisants. Nous connaissons tous la Parole de Jésus : « Dans la mesure où vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait » (Mt 25,40).
Cette Parole de Jésus nous permet d’aborder le troisième et dernier point. Les Mages avaient un grand cœur et un cœur ouvert. Ils ont offert à l’Enfant Jésus des cadeaux très précieux. En ce Dimanche de l’Épiphanie, notre Évêque nous invite à soutenir, avec notre collecte, les « Jeunes Églises d’Afrique », plus particulièrement celles de la République démocratique du Congo, du Rwanda et du Burundi. « Il y a plus de joie à donner qu’à recevoir » (Actes 20, 35), rappelle saint Paul. Et pour savoir donner, la prière est une source où puiser la charité active. Amen.