« La terre a donné son fruit : Dieu, notre Dieu, nous bénit. »
(Psaume 67,3)
Des apôtres et des miracles (Actes des Apôtres 15,1-2.22-29)
En ces jours-là, des gens, venus de Judée à Antioche, enseignaient les frères en disant : « Si vous n’acceptez pas la circoncision selon la coutume qui vient de Moïse, vous ne pouvez pas être sauvés. » Cela provoqua un affrontement ainsi qu’une vive discussion engagée par Paul et Barnabé contre ces gens-là. Alors on décida que Paul et Barnabé, avec quelques autres frères, monteraient à Jérusalem auprès des Apôtres et des Anciens pour discuter de cette question. […] Les Apôtres et les Anciens décidèrent avec toute l’Église de choisir parmi eux des hommes qu’ils enverraient à Antioche avec Paul et Barnabé. C’étaient des hommes qui avaient de l’autorité parmi les frères : Jude, appelé aussi Barsabbas, et Silas. Voici ce qu’ils écrivirent de leur main : « Les Apôtres et les Anciens, vos frères, aux frères issus des nations, qui résident à Antioche, en Syrie et en Cilicie, salut ! Attendu que certains des nôtres, comme nous l’avons appris, sont allés, sans aucun mandat de notre part, tenir des propos qui ont jeté chez vous le trouble et le désarroi, nous avons pris la décision, à l’unanimité, de choisir des hommes que nous envoyons chez vous, avec nos frères bien-aimés Barnabé et Paul, eux qui ont fait don de leur vie pour le nom de notre Seigneur Jésus Christ. Nous vous envoyons donc Jude et Silas, qui vous confirmeront de vive voix ce qui suit : L’Esprit Saint et nous-mêmes avons décidé de ne pas faire peser sur vous d’autres obligations que celles-ci, qui s’imposent : vous abstenir des viandes offertes en sacrifice aux idoles, du sang, des viandes non saignées et des unions illégitimes. Vous agirez bien, si vous vous gardez de tout cela. Adieu ! ».
Encore un passage des Actes des Apôtres victime d’amputation… À peine a-t-on décidé à Antioche d’envoyer Paul et Barnabé à Jérusalem pour discuter d’une question que, à Jérusalem, on décide de les renvoyer d’où ils viennent avec une réponse… Serait-ce un signe qu’en catholicisme, on préfère les réponses aux questions et aux débats ?
Qu’est-ce que la version liturgique cache donc ? D’abord le voyage de Paul et Barnabé qui racontent leur expérience de voyage : des non-judéens se sont convertis au Christ sans recevoir la circoncision, ce qui est source de joie pour les frères et sœurs (les disciples de Jésus). C’est pourtant à cause de la non-circoncision que des judéens estiment que ces convertis ne peuvent être sauvés, source du conflit à régler. Une fois Paul et son compagnon arrivés à Jérusalem, des croyants d’origine pharisienne posent à nouveau le problème : hors circoncision et Loi de Moïse, pas de salut. Il faut donc les imposer aux païens qui veulent adhérer au Christ.
Les apôtres et les anciens se rassemblent donc pour examiner la chose. La discussion se prolongeant, Pierre prend la parole et rappelle sa propre expérience avec le centurion Cornelius et sa famille (Actes 10,1–11,18) : ces romains ont reçu la parole de Dieu et se sont convertis, sur quoi Dieu a envoyé sur eux son Esprit, sans qu’ils aient été circoncis. C’est là un signe que Dieu ne fait pas de différence entre les circoncis et les autres. « Pourquoi provoquer Dieu – conclut-il – en imposant aux disciples des exigences que ni nos ancêtres ni nous n’avons été capables de porter ? » La grâce du Seigneur Jésus suffit donc au salut ! Paul et Barnabé racontent alors ce dont ils ont été témoins dans le monde grec : cela corrobore amplement la thèse que Pierre vient de défendre.
Alors Jacques, probablement le président de la communauté de Jérusalem, prend la parole pour conclure le débat. Reprenant l’intervention de Pierre, il reconnaît que Dieu s’est choisi un peuple parmi les nations et que cela a été annoncé par les prophètes (Amos en particulier, qu’il cite). Dès lors, il ne faut pas mettre des bâtons dans les roues des non-judéens qui se tournent vers lui. Ils ne devront respecter que quelques règles de base bien connues. L’assemblée se range à son avis, d’où la lettre rédigée pour être portée à Antioche par Paul et Barnabé, flanqués de deux témoins crédibles, Jude et Silas qui répéteront ce qui s’est dit lors de l’assemblée et confirmeront donc les décisions écrites. On notera que la décision est amputée à la fois à l’Esprit saint et aux apôtres et anciens. Comme Pierre l’a dit, en effet, le don de l’Esprit à des non-judéens convertis au Christ a été le signe par lequel Dieu a manifesté que ce n’est pas la Loi qui sauve, mais l’adhésion aux paroles de vie des prédicateurs de l’Évangile.
Un complément à ce récit des Actes peut être lu dans la lettre que Paul adresse aux Galates, chapitre 2. On verra qu’entre Paul et Pierre, le torchon a parfois brûlé…
Jérusalem (Révélation 21,10-14.22-23)
Moi, Jean, j’ai vu un ange. En esprit, il m’emporta sur une grande et haute montagne ; il me montra la Ville sainte, Jérusalem, qui descendait du ciel, d’auprès de Dieu : elle avait en elle la gloire de Dieu ; son éclat était celui d’une pierre très précieuse, comme le jaspe cristallin. Elle avait une grande et haute muraille, avec douze portes et, sur ces portes, douze anges ; des noms y étaient inscrits : ceux des douze tribus des fils d’Israël. Il y avait trois portes à l’orient, trois au nord, trois au midi, et trois à l’occident. La muraille de la ville reposait sur douze fondations portant les douze noms des douze Apôtres de l’Agneau. […] Dans la ville, je n’ai pas vu de sanctuaire, car son sanctuaire, c’est le Seigneur Dieu, Souverain de l’univers, et l’Agneau. La ville n’a pas besoin du soleil ni de la lune pour l’éclairer, car la gloire de Dieu l’illumine et son luminaire, c’est l’Agneau.
La description de la Jérusalem nouvelle donnée par un dieu désireux d’y habiter avec « ses peuples » (cf. 5e dim.) est inspirée d’un passage du prophète Ézéchiel (48,31-35). Celui-ci y décrit la Jérusalem restaurée après son violent saccage et la déportation de sa population. Cette ville dont le nom est « Le Seigneur (vient) là » a douze portes, aux noms des tribus d’Israël : on y accède donc à travers le peuple que Dieu a élu pour se faire connaître des nations de la terre entière. Mais en reprenant cette description, le livre de la Révélation, précise quelles sont les fondations des murailles de la ville : les douze apôtres de l’Agneau : la ville éternelle repose donc sur les témoins de la vie, de la mort et de la résurrection de Jésus. Ainsi, la communauté que Dieu est en train de fonder pour ceux qui adhèrent à la foi en Jésus repose sur le témoignage des deux Testaments : ceux-ci révèlent en effet le désir qu’a Dieu de voir l’humanité pleinement vivante, soustraite à toute violence et réconciliée. Caractéristiques de cette ville : l’éclat qui l’envahit fait d’elle un véritable joyau (voir aussi les versets 18-21 « oubliés ») ; elle est elle-même un sanctuaire dont Dieu et l’Agneau sont le cœur ; d’elle émane une lumière qui attire les nations et chasse définitivement la nuit.
Des dons pour vivre l’absence (Jean 14,23-29)
[Jésus disait à ses disciples :] « Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole ; mon Père l’aimera, nous viendrons vers lui et, chez lui, nous nous ferons une demeure. Celui qui ne m’aime pas ne garde pas mes paroles. Or, la parole que vous entendez n’est pas de moi : elle est du Père, qui m’a envoyé. Je vous parle ainsi, tant que je demeure avec vous ; mais le Défenseur, l’Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit. Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix ; ce n’est pas à la manière du monde que je vous la donne. Que votre cœur ne soit pas bouleversé ni effrayé.
Vous avez entendu ce que je vous ai dit : Je m’en vais, et je reviens vers vous. Si vous m’aimiez, vous seriez dans la joie puisque je pars vers le Père, car le Père est plus grand que moi. Je vous ai dit ces choses maintenant, avant qu’elles n’arrivent ; ainsi, lorsqu’elles arriveront, vous croirez. ».
Encore un extrait du testament de Jésus à ses disciples au cours de la Cène telle que Jean la raconte. La passion et résurrection de Jésus, c’est aussi son départ « vers le Père », et il avertit les disciples pour les préparer son absence. De la sorte, ils ne seront pas désemparés. Au contraire, leur foi en Jésus et son Père en sera renforcée et cela sera pour eux une source de joie.
En partant ainsi, Jésus ne laisse pas les disciples à eux-mêmes. Trois dons lui permettront de rester avec eux. Le premier est sa parole. Quiconque la garde parce qu’il aime Jésus deviendra une demeure de Dieu. En lui, Jésus sera présent en permanence avec le Père. Le deuxième don viendra de Dieu lui-même : c’est l’Esprit de sainteté qui ravivera sans cesse la parole de Jésus dans un enseignement permanent. De la sorte, ce que Jésus a dit de la part de son Père sera sans cesse actualisé et entretiendra la possibilité d’être demeure de Dieu. Enfin, l’absence de Jésus pourra bouleverser les disciples, voire les effrayer, étant donné les circonstances tragiques de son départ. C’est pourquoi le troisième don est la paix intérieure, la paix du cœur. C’est la présence du ressuscité qui sera source de cette paix profonde (Jean 20,19.21.26) et elle permettra aussi aux disciples d’affronter avec courage les épreuves qu’ils auront à traverser, à l’image de leur maître (16,33).
André Wénin