7ème dimanche de Pâques

Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique: A
Date : 21 mai 2023
Auteur: André Wénin

« J’ai demandé une chose au Seigneur, la seule que je cherche :
habiter la maison du Seigneur tous les jours de ma vie, »

(Psaume 27,4a) 

Que je n’ai guère d’atome crochu avec les lectures retenues pour ce dimanche qui précède la Pentecôte est peu dire. Je dois donc me forcer, ce qui n’est pas très indiqué quand on écrit dans l’espoir d’intéresser ne serait-ce qu’un peu. Pazienza ! 

Attente priante (Actes 1,12-14)

Les Apôtres, après avoir vu Jésus s’en aller vers le ciel, retournèrent à Jérusalem depuis le lieu-dit « mont des Oliviers » qui en est proche, – la distance de marche ne dépasse pas ce qui est permis le jour du sabbat. À leur arrivée, ils montèrent dans la chambre haute où ils se tenaient habituellement. C’était Pierre, Jean, Jacques et André, Philippe et Thomas, Barthélemy et Matthieu, Jacques fils d’Alphée, Simon le Zélote, et Jude fils de Jacques. Tous, d’un même cœur, étaient assidus à la prière, avec des femmes, avec Marie la mère de Jésus, et avec ses frères.

Luc choisit de « distiller » le mystère de la Résurrection sur une période de 50 jours. Il distingue le 1er jour de la semaine, jour du relèvement de Jésus, le 40e jour, jour de son élévation en gloire et le 50e jour, celui du don de l’Esprit. Pour recevoir celui-ci, une préparation est nécessaire et Luc évoque sommairement cette période d’attente. Dans son évangile, le même Luc fait dire à Jésus que le Père des cieux s’empresse de donner l’Esprit à ceux qui le lui demandent (Luc 11,13). Tout en mentionnant ces jours de prière ardente, Luc précise le nom de ceux qui, une fois l’Esprit reçu, seront les premiers à témoigner publiquement de la résurrection de Jésus. Ils sont onze, un groupe bientôt complété par la désignation de Matthias qui, en remplacement de Judas, viendra compléter l’embryon du peuple de la nouvelle alliance que le don de l’Esprit fera naître. Luc mentionne aussi des femmes, dont la mère de Jésus et d’autres membres de sa famille. Au sein de la première communauté de Jérusalem, ces derniers ont probablement joué un rôle non négligeable (voir des traces en Galates 1,19 ; 2,9 ou Actes 12,17 ; 15,13-22). Dans les premiers écrits chrétiens, ce rôle sera rapidement occulté au profit des seuls apôtres et de Paul. Le fait de ne pas donner leurs noms ici en est peut-être un premier signe.

Jésus prie (Jean 17,1b-11a)

Jésus leva les yeux au ciel et dit : « Père, l’heure est venue. Glorifie ton Fils afin que le Fils te glorifie. Ainsi, comme tu lui as donné pouvoir sur tout être de chair, il donnera la vie éternelle à tous ceux que tu lui as donnés. Or, la vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus Christ. Moi, je t’ai glorifié sur la terre en accomplissant l’œuvre que tu m’avais donnée à faire. Et maintenant, glorifie-moi auprès de toi, Père, de la gloire que j’avais auprès de toi avant que le monde existe. J’ai manifesté ton nom aux hommes que tu as pris dans le monde pour me les donner. Ils étaient à toi, tu me les as donnés, et ils ont gardé ta parole. Maintenant, ils ont reconnu que tout ce que tu m’as donné vient de toi, car je leur ai donné les paroles que tu m’avais données : ils les ont reçues, ils ont vraiment reconnu que je suis sorti de toi, et ils ont cru que tu m’as envoyé. Moi, je prie pour eux ; ce n’est pas pour le monde que je prie, mais pour ceux que tu m’as donnés, car ils sont à toi. Tout ce qui est à moi est à toi, et ce qui est à toi est à moi ; et je suis glorifié en eux. Désormais, je ne suis plus dans le monde ; eux, ils sont dans le monde, et moi, je viens vers toi. »

Ce passage du 4e évangile est le début de la grande prière que Jésus adresse à son Père en présence des disciples avant de partir pour le jardin au-delà du Cédron. C’est un texte assez complexe qui reflète surtout l’expérience de l’auteur de cet écrit et de sa communauté. Voici un essai de clarification qui restitue l’ordre chronologique ce que Jésus évoque. Cela commence avant la création du monde et se termine avec la vie éternelle : on embrasse donc toute l’histoire, relue à partir du point focal qu’est la mort-résurrection de Jésus. Je pourrais synthétiser ce que je comprends en une question : comment l’auteur du 4e évangile appréhende-t-il l’histoire du monde à partir de son expérience du Christ éclairée par les Écritures de l’Ancien Testament ?

Avant le commencement du monde, le Fils partage la gloire de Dieu auprès de lui. Ce que Jean fait dire ici à Jésus rejoint ce que lui-même écrit dans le prologue de l’évangile : il y parle la communion de toujours entre Dieu et la Parole (le Verbe) qui s’incarnera en Jésus Christ. Ce thème est repris ici à travers l’idée de la gloire partagée. Selon la conception biblique, la « gloire » correspond à la capacité que Dieu a de peser sur les événements. Ainsi, pour reprendre les termes du texte de Jean, il « se glorifie » en déterminant le cours de l’histoire, en la faisant évoluer dans le sens de son désir de vie. Il « est glorifié » par quelqu’un lorsque celui-ci lui donne de révéler son être, sa force, son poids, dans sa personne ou par son action. Il « glorifie » quelqu’un en manifestant son importance de médiateur de l’action divine dans le monde. Dès avant le commencement, la Parole divine a le poids et l’efficacité de Dieu lui-même. C’est ce qu’illustre le tout début de la Genèse en racontant comment la parole de Dieu est efficace puisqu’elle fait surgir un monde harmonieux où la vie des vivants a de quoi se développer et s’épanouir.

Quand la parole se fait chair en Jésus Christ, investissant ainsi la fragilité d’un être humain, elle lui confère l’autorité de Dieu même, le pouvoir de donner la vie. Cependant, l’incarnation implique que les humains que Jésus rencontre sont en nombre limité (et c’est aussi le cas de ceux qu’une communauté chrétienne comme celle de Jean rencontre). Parmi eux, certains sont « pris » du monde et viennent à Jésus. Pour Jean, c’est Dieu qui les « prend » et les « donne » à Jésus, car c’est de Dieu qu’ils reçoivent de croire en lui. (C’est ainsi que Jean voit les personnes de sa communauté : c’est Dieu qui leur donne de croire.) Ces croyants sont entrés en communion avec Jésus parce que, en entendant sa parole, ils ont gardé celle-ci en eux et l’ont mise en pratique. C’est ainsi qu’ils ont reçu Dieu lui-même en eux, car ils ont reconnu que cette parole est celle que Jésus a reçue du Père, qu’elle est celle de Dieu même.

À présent, Jésus arrive à « son heure », moment capital où va être dévoilée sa « gloire », c’est-à-dire ce qu’il est véritablement. C’est la Passion qui révèle en quoi il est revêtu de la gloire de Dieu, en quoi il réalise l’action de Dieu au cœur de l’histoire, en pesant sur elle avec la seule la puissance de l’amour : amour dont Jésus fait preuve en mourant pour ceux qui le mettent à mort, amour que Dieu manifeste en le relevant de la mort. Car loin de condamner et de châtier ceux qui mettent à mort son bien-aimé, Dieu, en cassant leur jugement lors de la résurrection, leur offre la possibilité de reconnaître que c’est leur injustice qui a mis à mort le juste, et de s’en détourner. Avant d’être ainsi « glorifié », Jésus prie pour les disciples qui resteront dans le monde hostile à Dieu, à l’amour, à la vie, alors que lui s’en sera allé vers le Père. Ce qu’il demande pour eux, c’est la vie « éternelle » qui leur permettra de traverser les épreuves qui les attendent. Cette vie éternelle ne se réduit pas à la vie après la mort. C’est bien plutôt une vie en communion avec Dieu et son fils, une vie de connaissance de Dieu et de son Christ, de leur désir de vie, de leur volonté de voir l’amour venir à bout du mal, de sorte que cette vie en plénitude atteigne chaque être humain. Voilà ce qui permettra aux disciples d’affronter les épreuves du monde sans cesser de se tenir dans l’amour qui vient de Dieu.

Bible et liturgie

Commentaires des lectures du dimanche par André Wénin

L’Église ne sait pas ce qu’elle perd à négliger le Testament de la première Alliance…

Les textes qu’on lira sous cette rubrique ne sont pas des homélies. J’y propose plutôt un commentaire, à mi-chemin entre une analyse exégétique et une lecture attentive à la fois au texte biblique et à la réalité humaine qui est la nôtre.
La traduction des textes commentés (le plus souvent les passages de l’Ancien Testament et de l’évangile) est très souvent corrigée. La version liturgique est globalement insatisfaisante, en effet. Elle lisse le texte au point d’en gommer les difficultés, c’est-à-dire précisément les points où peut venir "s’accrocher" le commentaire parce qu’ils posent question. Quant au texte de l’Ancien Testament, il est fréquemment amplifié de manière à restaurer le passage dans son intégralité en vue du commentaire. 

André Wénin