26e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Delavie Bruno
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 1996-1997

Mc 9, 38-48

Jean, un des douze apôtres, n'en revenait pas ! Il avait vu quelqu'un qui chassait les démons et les esprits mauvais, sans être mandaté par Jésus. Un concurrent, somme toute ! Et Jean le dénonçait et réclamait des sanctions. Car seuls les douze avaient reçu ce pouvoir de Jésus, lorsque celui-ci les avait envoyés deux par deux au devant de lui, dans les bourgades où lui-même devait ensuite aller. Voyez-vous, dans l'église à peine naissante, - dans ce petit noyau que le Christ a réuni autour de lui, - il y a déjà la tentation du pouvoir, réservé à un groupe d'élite. Clan des purs et des durs, qui sont convaincus d'être du bon côté, d'être propriétaires de l'esprit même de Dieu

Notez que ce n'est pas nouveau. C'est même une vieille histoire, puisque c'était déjà le cas au temps de Moïse. L'événement nous est raconté dans la première lecture. Moïse a convoqué 72 anciens sur la montagne, des hommes sages parmi le peuple, pour qu'ils reçoivent l'Esprit de Dieu, en même temps que lui. Or, deux d'entr'eux ne sont pas au rendez-vous. Ils sont restés dans le camp. Et voici que ces deux là se mettent à prophétiser eux aussi, autant que les 70 autres. Josué, un peu jaloux, s'en inquiète et vient réclamer près de Moïse. Alors celui-ci a une parole merveilleuse : "M si le Seigneur pouvait mettre son esprit sur eux pour faire de tout son peuple, un peuple de prophètes ! "

Ce souhait de Moïse est toujours d'actualité. Plaise à Dieu qu'il répande encore sur nous son Esprit pour faire de nous tous un peuple de prophètes. Mais comment être prophète aujourd'hui ?

L'Esprit de Dieu est répandu dans l'univers. Il agit à travers le monde. Il inspire tous les hommes au coeur droit et sincère. N'est-il pas vrai que beaucoup de non-chrétiens peuvent découvrir Dieu présent, dans la beauté de la nature, dans l'immensité des univers astraux et la grandeur des espaces et des galaxies, aussi bien que dans la complexité des organismes infiniment petits, observables seulement au microscope ? Beaucoup d'hommes de part le monde reconnaissent le Dieu créateur et l'honorent, selon la fidélité à leur propre conscience, ou selon leurs propres religions, dans le contexte de leur propre culture. Grâce aux communications modernes, et aujourd'hui par Internet, nous savons que les chrétiens ne sont pas majoritaires dans la population de l'univers, même si beaucoup d'être humains participent à la culture occidentale, issue du christianisme. Il y a des milliards d'hommes et de femmes, en Asie,(particulièrement en Chine,) en Afrique, en Amérique qui sont croyants dans leur propre religion et qui reconnaissent Dieu à leur manière. Qui sommes-nous donc, nous les chrétiens, pour être aujourd'hui jaloux et ne pas reconnaître que tous ceux-là possèdent également l'Esprit de Dieu ? Ce dernier ne supporte pas qu'on veuille le contenir dans nos petites limites. Cela ne veut pas dire que toutes les religions se valent et qu'il n'est pas important pour notre identité chrétienne de penser que nous sommes dans la vérité. Mais cela n'entraîne pas nécessairement que nous soyons les seuls à la posséder. On ne possède pas Dieu et pour l'approcher, nous avons besoin de la vérité des autres. Il y a certes des vérités objectives, mais qui nous dépassent tous et auxquelles on ne peut accéder que dans un long cheminement, en glanant dans les autres cultures, dans les autres types d'humanité, ce que les autres ont aussi acquis, ont cherché dans leur propre cheminement vers la vérité.

Remarquez que même Jean-Paul II, qui pourtant dans ses encycliques affirme que le magistère de l'Eglise est dans la vérité, mise cependant sur le rapprochement entre les -même qui religions, face aux défis du monde moderne. C'est lui qui voici quelques années, a convoqué à Assise une réunion de prières des représentants des grandes religions. Malgré tout cela, la tentation d'exclure ceux qui ne sont pas de notre bord est toujours là bien ancrée dans nos coeurs. Nous n'acceptons pas facilement que d'autres agissent pour Dieu, en dehors des normes imposées et des limites tracées. Nous n'admettons pas facilement les croyants qui ne sont pas en règle avec nos lois. "Ne les empêchez pas. " a répondu Jésus. Car s'ils libèrent leurs frères, s'ils les remettent debout, s'ils font entendre la voix de l'amour, loin de l'intolérance, l'Evangile est en marche. Comment pourrait-on croire qu'ils le font contre moi ?

Oui, ce que Jésus demande à ses disciples, aujourd'hui comme hier, c'est d'être tolérants, vis à vis des autres. C'est d'accepter que le bien se fasse autrement et par d'autres chemins que ceux que nous avons prévus. Ce que Jésus ne supporte pas c'est l'intolérance, parce qu'elle découle directement de l'orgueil de se croire meilleur que les autres, ou supérieur à eux. Parce qu'elle est une autodéfense, afin de garder ses privilèges ou ses pouvoirs. Or, dans notre monde actuel, il semble que l'intolérance face sans cesse des progrès. L'intolérance politique tout d'abord, quand on voit se développer, un peu partout, des tendances d'extrême-droite, on serait en droit d'être inquiet !. Si ces partis rassemblent des gens déçus par les magouilles ou les situations économiques désastreuses, il faut cependant se méfier des idées qu'ils propagent, des projets d'exclusion et de mise en ordre par la force qu'ils diffusent. Mais il y a aussi l'intolérance religieuse qui gagne partout du terrain. Nous assistons à un regain d'intolérance et de fanatisme. Il n'y a pas seulement que l'intégrisme musulman, qui fait parler de lui d'une façon tragique, comme ce fut le cas ces d dernière semaines en Algérie. Mais il y a aussi un intégrisme juif et des nombreux mouvements intégristes au sein même de toutes les confessions chrétiennes.

Je voudrais conclure en citant un petit texte de notre frère Pierre Claverie, l'évêque d'Oran, assassiné il y a à peine un an : "On parle de tolérance. Je trouve que c'est un minimum. Mais je n'aime pas trop ce mot, parce que la tolérance suppose qu'il y ait un vainqueur et un vaincu, un dominant et un dominé, et que celui qui détient le pouvoir tolère que les autres existent. On peut évidemment donner un autre sens à ce mot, mais j'ai trop l'expérience de ce qu'il signifie dans la société musulmane dans son acceptation condescendante pour l'accepter vraiment. Bien sûr, il vaut mieux que le rejet, l'exclusion, la violence. Mais je préfère parler du respect d e l'autre. Si seulement, dans la crise algérienne, on arrivait à concevoir que l'autre a le droit d'exister, qu'il porte une vérité et qu'il est respectable, alors les dangers auxquels nous sommes exposés maintenant n'auraient pas été courus en vain. "

27e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 1996-1997

Dieu : les maths, c'est vraiment pas son truc. Alors que pendant des années, à l'école, on nous a appris qu'1+1=2. Ce soir (matin), Dieu nous prétend que 2=1 c'est à dire qu'1+1=1 mais qu'en plus que pour qu'1+1=1, il faut également qu'1+1=1+1. Vous me suivez ? Quand je vous disais que Dieu et les chiffres, c'est compliqué. C'est sans doute pour cela qu'au coeur de la Trinité, comme je vous l'ai déjà dit : 1+1+1=1 puisque 3=1. Donc 2=1 et 3=1 au risque de nous embrouiller. Si vous le voulez bien, et même si vous ne voulez pas, comme c'est déjà assez difficile comme cela, je nous propose de nous limiter à 2=1 puisque c'est cette énigme-ci que les textes de ce soir (matin), nous invitent à méditer.

L'amour est très capable de durer, écrit France Quéré, mais il faut un peu d'arithmétique : pour aimer, il faut être deux, et pour être deux, il faut d'abord être un. En effet, pour tout donner, il faut d'abord avoir quelque chose à offrir. Et le don de l'Amour, c'est tout simplement soi. Pour être un, je dois d'abord être moi-même. La Genèse ainsi que le Christ, m'invitent à apprendre à être moi. Comment ? En se construisant petit à petit, en se fabriquant, dans la solitude, le drapé d'un silence au coeur de sa propre musique, en reprenant le temps d'être tout simplement présent à soi, tout en se laissant façonné, modelé en même temps par l'autre, parent ou ami.

Etre soi, c'est également se reconnaître comme étant un mystère, qu'il y aura toujours une part d'énigme, d'inconnaissable. C'est vrai, il nous faut un peu d'obscur pour bien voir car la nocturnité fait partie de notre projet de destinée et de vie Au cours des jours et des mois, peu à peu notre âme dénudée, accumule un trésor inépuisable, qui s'appelle pour chacune et chacun : moi et que nous pouvons offrir à l'autre, sans jamais craindre de manquer. Ainsi durera l'amour, s'il prend et reçoit sans compter (puisque comme le rappelle le texte d'introduction)(en effet, dans toute relation) : chacune apporte un peu de lui-même. Aimer signifie donc bien qu'il faut d'abord être soi. C'est pourquoi, Dieu a bien raison lorsqu'il dit qu'1+1= toujours 1+1. Voici donc notre première équation résolue.

Venons-en à la deuxième : 2=1. La ça se complique. Au premier abord oui, et puis pas tant que cela finalement. Il y a deux choses en chacune et chacun de nous : l'amour et la solitude, celle dont nous venons de parler. Elles sont entre elles comme deux chambres reliées par une porte étroite. Oui, nous sommes seuls dans le jour. Cette solitude est le plus beau présent que l'on puisse nous faire. Elle brûle dans le jour. Elle s'illumine dans nos absences. Nous avons besoin de quelqu'un qui nous conduise dans la pleine nuit du jour. L'amour atteint alors sa plénitude dans cette évidence d'une défaite : je ne peux me contenter de ma solitude, tout va vers la personne aimée, et les rivières de nos destinées se détournent de leur cours pour se perdre au coeur de nos images. La mienne, la tienne pour faire exister la nôtre. Nous sommes enlevés de nous-mêmes. Nous entrons dans le domaine de l'unité, non pas une fusion qui emprisonne, étouffe ou écrase mais une unité vécue comme un espace plus grand que soi : où l'amour infiniment dépasse l'amour. En effet, il y a ce que l'on connaît, qui est étroit. Et puis, il y a ce que l'on sent, qui est infini. C'est dans cette vision d'un infini toujours à découvrir que nous pouvons reconstruire chaque jour un peu de « nous », (pour reprendre les mots de la deuxième lecture). C'est seulement à ce moment-là au coeur de l'amour, de l'amitié, de la rencontre avec Dieu, que 2=1.

Tout ceci peut paraître bien beau, de l'ordre de la candeur et de l'utopie. Cependant au fond de nous sommeille la certitude que le bonheur existe ailleurs que dans les rêves. Il nous reste alors à renouer avec cet enfant au plus profond de nous-mêmes. Celui qui peut accueillir, comme nous convie Jésus, la confiance donnée à l'autre ainsi que la tendresse d'un Royaume de Dieu. Tendresse, candeur et confiance deviennent ainsi les mots clefs pour la réussite d'un amour, d'une amitié, d'une relation à deux et à Dieu parce qu'ils permettent de vivre pleinement de la fidélité, don divin, don de soi. Les chiffres de Dieu de ce soir (ce matin) sont-ils uniquement des équations mathématiques ou le désir d'une relation à construire. A chacune et chacun de décider.

Amen.

27e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Delavie Bruno
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 1996-1997

Dans notre pays, sur trois mariages célébrés, il y en a habituellement un, qui se termine par un divorce. Pourtant, si l'on fait une enquête sur les valeurs auxquelles les gens tiennent le plus, ce sont toujours le bonheur familial et la fidélité qui viennent en premier lieu. Au fond des coeurs, comme dans les chansons, "amour continue de rimer avec toujours". Ceci est vrai même des personnes qui se remarient après l'échec d'une première union !. On dirait qu'elles tiennent d'autant plus à la solidité d'une fidélité nouvelle, qu'elles ont souffert d'un abandon, d'un rejet.

Aujourd'hui, les séparations et les divorces se multiplient. Les lois et les contraintes sociales ne suffisent plus à enrayer ce développement et beaucoup d'hommes et de femmes cherchent à les contourner. Quand on ne s'entend plus, on se sépare. Et ce fait n'est pas nouveau. Il était déjà présent à l'époque de Jésus, comme en témoigne la question des pharisiens dans l'évangile "Est-il permis à un mari de renvoyer sa femme ?" "Est-il permis à un mari... ? " Et la femme, ne pourrait-elle pas renvoyer son homme ? La question n'affleure pas dans les esprits, même s'il existait au temps de Jésus des recours exceptionnels devant un tribunal, qui permettaient à l'épouse de reprendre sa liberté.

La question des pharisiens est un piège. Quelle que soit la réponse du Maître, ses adversaires veulent le ranger dans un camp : celui des rigoristes ou celui des laxistes. Comme souvent, Jésus ne répond pas à leur question. Il n'entre pas dans le débat juridique. Il va beaucoup plus profond, à la naissance même de l'amour et du couple humain. Il rappelle la parole créatrice, celle qui indique à jamais à l'homme et la femme leur vocation partagée : 'Au commencement Dieu les fit homme et femme. A cause de cela, l'homme quittera son père et sa mère, il s'attachera à sa femme, et tous deux ne feront plus qu'un. Ainsi, ils ne sont plus deux, mais ils ne font qu'un. "

Il n'y a donc aucune supériorité masculine sur la femme. L'humain a été "créé homme et femme". Que l'on ne fasse pas de l'épouse l'inférieure de son mari dont celui-ci pourrait disposer à sa guise : ce serait "séparer ce que Dieu a uni".

Marc place cette polémique sur la route de Judée vers Jérusalem, en un temps où Jésus affronte les autorités religieuses et dénonce leurs hypocrisies. Cette dispute sur le mariage n'est qu'une dispute parmi d'autres dans lesquelles Jésus oppose l'esprit de la loi aux interprétations qui en faussaient le sens. Ici, Jésus renvoie à la tradition juive : l'intention de Dieu est que l'amour soit Fidèle. Un peu comme Dieu l'est lui-même envers son peuple. Il a fait autrefois alliance avec Israël. Malgré les abandons de celui-ci, lui, Dieu demeure fidèle. Cette fidélité divine doit être le modèle de la fidélité humaine.

Malheureusement, dans le langage courant, on ne donne souvent de la fidélité qu'une définition négative. On parle de ne pas mettre son pied de travers. Dans l'Evangile, la fidélité n'est pas un rêve comme dans un roman, elle est une exigence. Et cette exigence est positive. La vraie fidélité va bien plus loin : Elle veut le bonheur du conjoint. Aussi se fait-elle au besoin, compréhension, pardon, encouragement et partage. La vraie fidélité s'inspire de la fidélité de Dieu. La grandeur de l'amour humain est d'être appelé à ressembler à l'amour de Dieu, dans générosité !

La deuxième chose sur laquelle nous devrions méditer, c'est le fait que nous ne sommes pas Dieu et que nous expérimentons chaque jour notre fragilité humaine. Nous pouvons connaître l'échec et parfois même subir la trahison.

Ceux qui approchent des personnes divorcées savent combien leur épreuve peut être pénible, souvent plus douloureuse que le veuvage. La personne dont le conjoint meurt, connaît bien sûr une période de tristesse et de désarroi, une vraie crise de confiance. "Que vais-je devenir ? Ai-je fait tout ce qu'il fallait pour rendre mon conjoint heureux ? Ne pouvait-on éviter sa mort ?" La personne divorcée se pose peut-être les mêmes questions, mais en plus elle a l'impression d'avoir été reniée, rejetée, trahie. Son idéal est détruit. Elle est surtout tentée de ne plus croire en l'amour. A tort ou à raison, elle se sent exclue, condamnée, par son entourage, parfois par ses proches. Elle se sent aussi mise à l'écart par les lois de l'Eglise. Pourtant, Dieu l'aime. Dieu lui reste fidèle, infiniment plus que les êtres humains !

Cette fidélité de Dieu, modèle du mariage chrétien, doit également inspirer à nos communautés chrétiennes le souci d'accueillir les naufragés de l'amour, les personnes séparées, divorcées. Nous avons le devoir de les soutenir et de leur ouvrir la porte d'une nouvelle espérance, y compris la possibilité de recréer un nouveau foyer chrétien si elles le souhaitent profondément.

Bien sûr, tous les divorces et tous les remariages ne sont pas légitimes. Il y en a qui reposent sur une injustice, sur cette dureté de coeur et cet égoïsme que l'évangile lu aujourd'hui condamne avec force. C'est bien ainsi que l'ont compris les premières générations chrétiennes. La fin du texte de Marc nous dit les paroles que Jésus a prononcées "à la maison" ' Celui qui renvoie sa femme pour en épouser une autre est coupable d'adultère envers elle. Si une femme a renvoyé son mari et en épouse un autre, elle est coupable d'adultère. " Quelle est cette maison dans laquelle Jésus parle à ses disciples ? C'est un lieu symbolique. Par ces mots, Marc introduit habituellement les conclusions que la communauté primitive a tirées de l'enseignement de Jésus. Conclusions, qui, selon un procédé littéraire habituel à l'époque, sont mises dans la bouche du Seigneur lui-même, parlant dans la maison.. Nous voyons donc que les premiers chrétiens n'ont pas accepté la répudiation permise par Moïse et qu'ils ont pris fort au sérieux la condamnation qu'en a faite Jésus..

Mais l'attitude du Christ qui rejette violemment l'hypocrisie et l'égoïsme, n'est pas un rejet des victimes, ni une négation de l'échec. Au contraire, la fidélité de Dieu s'exprime chez Jésus par son souci de guérir ceux qui ont souffert, de remettre les gens debout, de les réconcilier avec la vie et avec le Père, de ne pas les enfermer dans leur passé, mais de leur donner une nouvelle chance. Aussi, même si nous soutenons et admirons les divorcés qui restent seuls, soit par attachement au sacrement de mariage, soit par fidélité à un seul amour injustement trompé, il faut bien se rendre compte qu'une telle solitude n'est pas toujours possible, ni heureuse pour l'équilibre de la famille. Il est donc normal que beaucoup de divorcés essayent d'entreprendre une nouvelle union Il faut d'ailleurs du courage pour oser aimer et s'engager à nouveau pour toujours, après la blessure profonde due à l'échec d'un premier foyer. Si nos communautés chrétiennes doivent être signes de l'amour de Dieu, il faut qu'elles accueillent vraiment les divorcés, qu'elles aident ses membres blessés à rebâtir l'avenir. Cela veut dire rappeler à chacun qu'il est aimé de Dieu, malgré les échecs de sa vie et donc que les portes de l'espérance ne lui sont pas fermées.

29e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 1996-1997

Une nuit de cette semaine, j'ai fait un rêve. Puis, en le revivant éveillé, mon rêve est devenu désir. Le désir étant à ce point présent, j'espère qu'il va pouvoir se réaliser. Oh, ne vous inquiétez pas, mon rêve il n'est pas très compliqué. Je me suis mis à rêver qu'en quittant cette Eglise, tout à l'heure, chez vous, au cours d'un repas, en soirée, vous alliez prendre un peu de temps entre vous pour discuter de l'homélie. Non point pour satisfaire mon égo. De ce côté-là, ça se passe plutôt bien. Sinon, je ne serais pas dominicain. Mais parce que je crois que les textes de ce matin (soir) nous invite à dépasser deux des plus grandes peurs de notre temps. Peurs qui nous paralysent et nous conduisent à vaciller lorsque quelqu'un, proche ou lointain, vit une de celles-ci : j'ai nommé la souffrance et la mort.

Pour ce faire je voudrais nous provoquer en reprenant une phrase d'Isaïe : « à cause de ses souffrances, il verra la lumière, il sera comblé ». Voilà bien le type de citation des années 30, une théologie du martyr où nous pouvons nous imaginer un corps plein de flèches (ou encore le pet en flammes, pour reprendre l'expression d'un de ceux qui a préparé cette célébration), des êtres sanguinolents qui souffrent pour le plaisir. Or à la lumière de l'évangile, une telle phrase peut nous libérer d'un fardeau bien lourd à porter. Il est étonnant de remarquer, que bien souvent les diverses souffrances nous conduisent à découvrir une certaine lumière. Nous sommes en droit de nous demander pourquoi, nous autres, êtres humains, nous attendons de recevoir des claques, des gifles de la vie pour avancer, pour trouver sens ? Quand tout va bien, quand nous réussissons professionnellement, familialement, affectivement, notre vitesse de sens se met à ralentir, nous nous mettons à vivoter, sans trop nous poser de questions. Et puis, soudainement, au creux d'un tournant, la vie nous reprend et nous trébuchons, tombons.

L'expérience de la souffrance ou de la mort nous réveille de façon dramatique. La question du sens se fait alors pressante. D'abord nous voulons comprendre, le pourquoi de ce qui nous arrive. Vient ensuite, le temps pour accepter que nous ne connaîtrons jamais la vraie réponse. Suit alors, le temps du « pour quoi » en deux mots, de ce drame, qu'est-ce que j'en fais, où vais-je, qu'est-ce que j'en retire. Et je me mets à grandir en moi-même, à retrouver le sens de la vie, à redécouvrir qu'une seule chose compte, c'est d'aimer. Le reste, le matériel, facilite la vie, mais ne l'épanouit pas. Seul l'amour et l'amitié peuvent le faire. Nous retrouvons les valeurs essentielles de notre vie sur terre. Ces retrouvailles ne peuvent hélas se faire seul. Nous avons à ce moment, peut-être plus que jamais, besoin des autres, du Tout-Autre. Pour passer de la souffrance à la lumière, l'amour est devenu une nécessité. Et là, tout à coup, nous faisons la douloureuse épreuve de la solitude. La maladie, la mort font fuir. On ne téléphone pas, on ne prend pas de nouvelles, on ira même jusqu'à changer de trottoir pour ne pas devoir parler à cette personne qui souffre. Nous ne savons pas ce que nous devons dire, comment nous comporter. Nous sommes tout simplement tellement mal à l'aise. Vouloir trouver les mots justes, c'est croire que l'on peut comprendre, or nous ne comprenons pas ces deux mystères. Ils surviennent, jaillissent sans nous demander notre avis. Il nous reste alors la compassion, ce désir de porter ensemble la souffrance de l'autre. Rien ne peut endiguer la souffrance, il reste alors ce mystérieux pouvoir de l'amour pour reprendre les mots de Michel Quoist. Avoir de la compassion, c'est être là, dans son propre silence, aimer sans chercher ni ne trouver de réponses. Laisser l'espace à l'autre pour qu'il puisse se dire, se raconter dans sa propre souffrance. Le combler de son amitié pour affronter sa destinée.

Hélas, la compassion ne vient pas comme cela, elle n'est pas innée. Elle naît de notre capacité de communiquer, de nommer nos peurs de la maladie et de la mort, de quitter cette pudeur qui nous tenaille et nous emprisonne. Il ne faut pas tout vivre pour comprendre. Mais c'est vrai, lorsqu'on a vécu l'épreuve de la souffrance, on pressent mieux la solitude de l'autre. Si entre nous, nous trouvions la force de prendre un peu de temps pour parler de tout cela, nous serons alors plus à l'aise pour accompagner et aimer celle ou celui qui traverse un tel moment. Et c'est ensemble que nous grandirons. Comme le Christ nous le rappelle ce matin (soir), au Royaume de Dieu, c'est servir qui importe. En ce jour de la mission universelle, il ne me reste alors qu'à nous souhaiter de bonnes discussions chez nous. Mon rêve sera alors réalisé. Et il y aura un peu plus d'humanité lorsque nous traversons des difficultés.

Amen

2e dimanche de l'Avent, année B

Auteur: Moore Gareth
Temps liturgique: Avent
Année liturgique : B
Année: 1996-1997

Mc 1, 1-8

On disait autrefois que l'Avent était une saison de pénitence ; on dit maintenant que l'Avent est une saison d'attente. C'est presque la même chose. "Toute la Judée, tout Jérusalem, venait à lui", à Jean Baptiste, au désert. Pourquoi ? Les gens de Judée pourquoi ont-ils quitté leurs villages ? Les gens de Jérusalem pourquoi ont-il quitté leur ville, pleine de vie, centre de civilisation, pour aller à ce lieu désert, plein de rien, où il n'y avait que du sable, des rochers, de la poussière, des sauterelles et cet homme étrange, Jean le Baptiste ? Pourquoi ne sont-ils pas restés chez eux, là où ils pouvaient gagner leur vie, se nourrir, se détendre et dormir convenablement ? Pourquoi n'ont-ils pas continué de vivre leur vie quotidienne ? Marc nous dit que c'est parce que Jean proclamait un baptême de conversion pour le pardon des péchés. Très bien, mais pourquoi l'a-t-on écouté, quitte à aller au désert ? Pourquoi se sont-ils convertis, et pourquoi ont-ils confessé leurs péchés ? Pourquoi ont-ils fait attention à ce prédicateur et à son message ?

Il n'est finalement pas vrai qu'on écoute toujours les prédicateurs, qu'on confesse ses péchés et qu'on se convertisse. Il y avait dans cet homme et sa prédication, à ce moment-là, quelque chose qui les a réveillés. Ils étaient mûrs, à ce moment-là, pour écouter Jean et son message de conversion. S'ils étaient pécheurs, s'ils vivaient « dans le péché », ils pouvaient à tout moment se convertir, abandonner leur vie de péché, mais ils ne l'ont pas fait. Ils étaient donc dans un certain sens contents de vivre ainsi. Mais d'autre part, ils ont répondu à l'appel de Jean. Même s'ils semblaient contents de vivre ainsi, il y avait une partie d'eux qui n'etait pas contente, qui espérait la possibilité de vivre autrement, de trouver un autre sens dans la vie. Ils n'étaient pas tout à fait immergés dans leur vie de tous les jours. S'ils vivaient dans le péché, ils vivaient aussi dans l'espérance, même s'ils ne le savaient pas. Et l'espérance crée l'attente ; on attend ce qu'on espère. Ceux qui n'espèrent pas n'attendent pas ; si on abandonne l'attente, on abandonne aussi l'espérance. (Exemple banal : Si vous cessez d'attendre le train, c'est parce qu'il ne vaut plus la peine d'attendre, parce que vous n'espérez plus qu'il arrivera, ou parce que vous n'espérez plus arriver à temps à votre destination. Vous désespérez.)

Même si on continue de vivre sa vie quotidienne, on guette ce qu'on attend. Et Jean et sa prédication correspondent aux attentes inconscientes de ces gens et les ont mises au grand jour. L'apparition de Jean leur signifie qu'ils ne se sont pas trompés en espérant, qu'il valait la peine d'attendre. Le mot grec que nous traduisons par le mot de « conversion » ou « pénitence » signifie en réalité penser autrement, comprendre les choses autrement, donc trouver un autre, un meilleur sens dans la vie.

Leur « conversion », leur « pénitence », leur « confession de péchés » n'est donc pas quelque chose de sombre, mais elle fait partie d'une célébration. C'est leur réaction à une découverte, à une nouvelle possibilité de vie, à un nouveau sens de la vie, qu'ils discernent en Jean. Ils voient une possibilité attrayante de changement de vie, et ils le saisissent. Ce n'est pas parce qu'ils se culpabilisent qu'ils confessent leurs péchés ; ils rejettent leur ancien style de vie, leur ancienne façon de comprendre la vie, parce que Jean leur a montré une meilleure possibilité, un sens plus satisfaisant, qui rend plus heureux. Cette conversion ou pénitence, ce rejet d'un mode de vie moins satisfaisant, est une préparation pour vivre une vie plus satisfaisante.

Ils croient voir en Jean l'accomplissement de leur espérance, le but de leur attente. En fait, ils se trompent, mais pas parce que leur espérance est fausse et leur attente vaine. Ils se trompent parce que Jean n'est pas celui qu'il faut attendre. Jean est, lui aussi, dans l'attente, il espère. Celui qui correspondra vraiment à leurs espérances, celui qu'ils attendent en réalité, même s'ils ne le savent pas, c'est Jésus. Le véritable sens de la vie, c'est Jésus. Et Jean le sait. L'Avent est une saison d'attente, et nous l'observons pour marquer que notre vie, comme celle des habitants de la Judée et de Jérusalem, est une vie d'attente, même si nous n'en sommes pas toujours conscients. Nous attendons, comme eux, parce que nous ne sommes pas tout à fait immergés dans la vie de tous les jours. Nous attendons parce que nous espérons ; mais, contrairement aux juifs qui ont répondu à l'appel de Jean, nous savons avec Jean ce que nous attendons et ce que nous espérons. Attendons donc avec confiance.

2e dimanche de Pâques, année B

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : B
Année: 1996-1997

J'ai beau lire et relire ce texte d'évangile dans tous les sens, il manque toujours un clou dans cette histoire, celui des pieds et je ne comprends pas pourquoi. Certains prétendent que c'est parce qu'on les liaient plutôt que les clouaient. Je n'en sais rien et ne je vous ferai pas l'affront de la théologie du clou manquant. Je voudrais m'arrêter quelques instants sur cet étrange de personnage de Thomas.

J'irais même plus loin, je suis heureux qu'il ait existé cet homme et que l'évangile nous en parle, il remet un peu d'humanité, de doute face à cet événement de la résurrection. La résurrection s'est bien produite, nous l'avons célébrée la semaine passée. Grâce à Thomas, nous pouvons nous poser quelques questions sur la réalité de ces faits extraordinaires.

Thomas ne croit rien de cette histoire abracadabrante, ils ont vu le Christ prétendent-ils. Possible mais il veut le voir pour le croire Absence certaine de foi en un événement, cela n'empêche qu'il sera quand le premier à crier au Christ : « mon Seigneur et mon Dieu ». Le cri de Thomas devient l'espérance de la foi. Son doute nous donne la conviction de la foi. Un Thomas surprenant, un Thomas convainquant. L'on raconte sur lui une jolie histoire.

Après la mort de Jésus, les disciples divisèrent le monde entre eux de telle sorte que chacun puisse aller prêcher l'évangile. Thomas reçut l'Inde. D'abord il refusa, arguant du fait qu'il n'était pas assez solide pour faire un tel voyage. Il disait : « Je suis un hébreu, comme puis-je aller au milieu des Indiens pour prêcher la vérité ? » Une nuit Jésus lui apparut et dit : « ne crains pas Thomas, va en Inde et prêche l'évangile, je serai avec toi ». Mais Thomas, têtu comme une mule refusa : « envoie-moi où tu veux mais pas en Inde, je n'irai pas ».

Par un heureux hasard, un marchand se nommant Abbanes vint d'Inde à Jérusalem. Il fut envoyé par le roi Gundaphorus pour trouver un charpentier compétent et de le ramener en Inde or Thomas était charpentier. Jésus vint alors au marché où se trouvait Abbanes et lui demanda : « veux-tu acheter un charpentier ? ». Celui-ci répondit : « oui ». Jésus dit alors : « J'ai un esclave qui est charpentier et je désire le vendre , il est là-bas » et Jésus pointa Thomas. Ils se mirent d'accord sur un prix et conclurent un contrat. Quant l'affaire fut conclue, Jésus conduisit Abbanes à Thomas. Le marchand lui demanda : « est-il ton maître ? » et Thomas répondit : « bien sûr ! ». Alors Abbanes lui dit : « je t'ai acheté ». Thomas ne dit rien mais le lendemain matin, il pria le Seigneur en disant : « j'irai où tu m'enverras Seigneur Dieu, que ta volonté soit faite ». Thomas l'incrédule, le lent à comprendre, le têtu qui met du temps à faire la volonté de l'autre. Par contre, quand il abdique, alors son attitude devient totale tout comme son cri mon Seigneur et mon Dieu.

L'histoire nous dit alors, que le roi Gundaphorus commanda un palais à Thomas. Le roi lui donna beaucoup d'argent pour acheter le matériel, louer le personnel, mais Thomas donna tout aux pauvres. Et il racontait que le palais avançait rapidement. Le roi se posa quelques questions et demanda à Thomas s'il avait bâti le palais. Thomas répondit que oui et le roi proposa d'aller le voir ensemble. Mais l'apôtre lui dit alors avec beaucoup de tendresse et de conviction : tu ne le verras pas maintenant, tu dois d'abord quitter cette vie pour le voir. Le roi fut d'abord très fâché puis touché par l'histoire de Jésus et il se convertit.

Pour Thomas, la foi n'était pas quelque chose de facile, l'obéissance n'allait pas de soi. Il était l'homme qui avait besoin d'être sûr, d'évaluer les coûts. Mais une foi qu'il était sûr, qu'il avait bien évalué les coups, alors l'apôtre devenait l'homme capable d'aller jusqu'aux limites de la foi et de l'obéissance. Tout ceci pour vous dire, que l'évangile de ce soir nous invite à oser douter, à nous poser les vraies questions par rapport à Dieu, car le Christ sait que c'est dans nos doutes que nous trouverons la force de le suivre, de nous donner tout entier à son projet. Grâce à Thomas, par delà nos doutes et nos questions, nous osons nous laissez envahir par la première larme du bonheur que ce soir encore nous appelons : Seigneur.

Amen.

2e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Delavie Bruno
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 1996-1997

"Tu m'as appelé, me voici !"

Le petit Samuel entre dans une dynamique : à l'appel de Dieu, il se met debout ! Mais, seul, il ne peut découvrir son interlocuteur. Un autre doit entrer dans cette relation et doit lui prendre la main pour nommer l'auteur de l'appel. Ainsi, Eli n'intervient pas entre Dieu et l'enfant. Il n'interprète pas les paroles du Seigneur, mais il met l'enfant dans les conditions idéales pour connaître celui qui l'appelle.

L'initiative de la relation vient de Dieu. Cet appel divin met l'homme debout, même si celui-ci ne sait pas encore déterminer qui est à l'origine du message. "Samuel ne connaissait pas encore le Seigneur, et sa Parole ne lui avait @ encore été révélée. " Mais la réponse de Samuel est logique : il se présente à celui qu'il connaît et en qui il a confiance. A l'appel supposé d'Eli, il se lève et se déplace. C'est vraiment la démarche d'un enfant, d'un pèlerin, d'un croyant..... quelque chose ou quelqu'un l'interpelle et il fait ce qui lui semble juste. A travers Eli, nous découvrons une caractéristique du prophète : comme le parent, comme l'éducateur, il s'efface pour montrer l'Autre. Dans l'évangile, Jean, le Baptiste, s'efface également. Devant deux de ses disciples, il désigna Jésus comme l'Agneau de Dieu, pour permettre à ceux-ci de le suivre.

La première parole de Jésus, rapportée dans l'évangile de Jean, n'est pas un enseignement, mais une question : "Que cherchez-vous ? " Jésus commence par interroger les deux amis qui le suivent. Il s'intéresse à leur démarche. Il se met à leur écoute. Quelle est votre recherche ? Sans doute un peu embarrassés par cette question inattendue, comme pour se donner contenance, ils répondent :'Maître, où demeures-tu ? "

La réponse de Jésus aux deux disciples est une invitation à découvrir en Lui, ce qu'ils cherchent, et sans doute ce que tous les hommes cherchent "Venez.- et vous verrez" . Ils allèrent chez lui, y passèrent la journée. Mais ils ne savaient pas dans quelle aventure ils s'étaient engagés. Car la foi et la confiance ne sont jamais évidence et clarté. C'est un chemin qu'on prend en marchant à sa suite. Et tantôt, on avance, et tantôt on recule. On marche avec ses doutes et ses hésitations, avec amour aussi. On ne trouve peut-être pas tout de suite ce que l'on cherche. Mais l'important est de chercher. Toute leur vie durant et pas seulement ce jour-là, ils pourront découvrir dans l'humanité de cet homme, dans sa bonté, dans sa tendresse, dans son accueil, le secret du bonheur qu'il apportait, le visage de ce Dieu d'amour que confusément sans doute ils cherchaient.

"Que cherchez-vous ? "Cette question nous est aussi adressée. Savons-nous seulement ce que nous cherchons ? Pour répondre sans biaiser, nous dirions que nous sommes à la recherche de notre bonheur et celui des nôtres, que nous désirons la réussite de notre vie, que nous souhaitons la plénitude d'amour dans notre couple et l'épanouissement de nos enfants, que nous espérons des amitiés vraies et solides qui ne se dérobent pas aux heures difficiles. Dire notre recherche, c'est également en avouer les limites et prendre conscience que nous cherchons plus que ces objectifs, au fond très limités. Car, l'homme est cet être de désir qui ne cesse de se projeter au delà du présent. Il est le sujet d'un quête continuelle. Il est bien plus qu'un être de besoins à satisfaire. Au fond du coeur de chacun, il y a ce désir profond d'un bonheur qui nous dépasse, cette aspiration à la plénitude à rencontrer ce quelque chose ou mieux ce Quelqu'un qui pourrait nous combler parfaitement et nous satisfaire pleinement. N'est-ce pas le désir du bien, de l'éternel, du définitif, du parfait. Au fond, peut-être le désir de Dieu.

"Venez et vous verrez" nous dit encore le Maître. Oui, regarder, dans le coeur de Jésus, l'amour que cherchent les hommes, voir dans sa manière d'accueillir tout être humain, riche ou pauvre, malade ou étranger, pécheur, la tolérance que nous souhaiterions sans y parvenir, découvrir dans ces gestes de guérisons le respect des droits humains fondamentaux auxquels tout être aspire, comprendre dans les larmes du Christ pleurant -son ami Lazare le sens de nos déchirements devant la mort, voir dans la liberté de Jésus la vraie liberté à laquelle tous sont appelés. Regarder dans l'évangile, Jésus vivre, mourir et ressusciter nous invite à découvrir à travers lui qui est Dieu, son Père et notre Père. Mais il faut aller plus loin.

Aujourd'hui, Jésus nous appelle-t-il encore à le suivre ?. Comme Eli avait amené Samuel à rencontrer le Seigneur, comme Jean-Baptiste a conduit les deux disciples vers Jésus, de même nous n'ignorons pas quels intermédiaires inattendus nous conduiront à Jésus et par Lui à Dieu. Si, au delà de l'Ecriture, nous reconnaissons dans la vie courante la présence du Christ dans celui qui crie, celui qui appelle, celui qui a faim, ou soif, qui est malade ou prisonnier, alors notre vie ne peut plus être statique. Il nous faut répondre "Me voici".

33e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Delavie Bruno
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 1996-1997

Le passage de l'évangile de Marc que nous venons de lire, se situe au terme du ministère public de Jésus, avant les récits de la passion et de la résurrection. Dans un langage apocalyptique, en usage en son temps, Jésus donne à ses apôtres les signes avant coureurs de l'événement pascal, moment décisif où le monde change. En effet, le monde de la première alliance, celui de la loi mosaïque va disparaître pour faire place à l'avènement du salut définitif, manifesté en Christ, mort et ressuscité. Par sa mort et sa résurrection, Jésus fait entrer tous les humains dans une nouvelle Alliance avec Dieu, dans un nouveau mode de relations de l'humanité avec son Père. C'est la fin des temps, qui commence au Calvaire et ne s'achèvera qu'à la fin du monde. La glorification du Fils de l'homme va bientôt débuter par sa mort sur la croix. Cette glorification ne sera pleinement achevée qu'au moment, ignoré de tous mais connu de Dieu seul, moment où le Christ remettra son oeuvre accomplie dans les mains du Père. C'est dans cette perspective qu'il nous faut lire dans les évangiles, les discours eschatologiques, qui parlent de la fin des temps.

Dans les années 70 de notre ère, au moment où Marc écrit son évangile, la ville de Jérusalem et le Temple viennent d'être détruits par le romain Titus. Le discours de Jésus rapporté par l'évangéliste, répond d'abord à la question posée par les disciples : "Quand cela arrivera-t-il ?" alors que le Maître vient de se lamenter sur le sort de Jérusalem. Marc semble associer les deux : l'ultime bouleversement cosmique précédant la manifestation du Fils de l'homme à la fin du monde et la ruine de cité sainte. Comment alors interpréter aujourd'hui l'évangile de ce jour ?

Jésus avait dit : "Après une terrible détresse, le soleil et la lune perdront de leur éclat et les étoiles tomberont" Et je me suis demandé s'il ne rejoignait pas ces devins et ces extralucides qui pullulent aujourd'hui et qui prétendent avoir des relations spéciales avec l'au-delà- ces prophètes de malheur qui s'amusent à faire peur. Je me suis demandé s'il ne rejoignait pas ces membres des sectes qui viennent à nos portes pour nous annoncer la fin du monde et tenter de nous convertir. Et quoi de plus tentant que de confier son sort à toutes sortes de gourous, quand on tremble tellement en pensant à l'avenir incertain, à la montée de la violence, aux menaces toujours croissantes sur l'environnement.

Peut-être conviendrait-il aussi de tempérer un peu notre fascination pour l'an 2000 ! Certes à toute époque, l'homme s'est fixé des repères dans le temps. Nous aimons les dates-clés. Sur la tour Eiffel à Paris l'on peut voir le décompte des jours jusqu'à l'an 2000. Bien sûr, il y a le jubilé. Mais les scientifiques nous disent que Jésus n'est pas né en l'an 0, mais probablement en l'an-4. Alors faut-il tomber dans cette manie qui focalisent l'attention sur des dates, des échéances et des ultimatums ? Comme dit le psaume : "Pour Dieu, nulle ans sont comme un jour et un jour vaut nulle ans".

Il avait ajouté : "Alors on verra les Fils de l'homme venir sur les nuées avec grande puissance". Et je me suis demandé s'il allait, lui aussi, chercher à nous faire peur en brandissant le jugement dernier comme une sorte de menace. Suivant le principe que la crainte du Seigneur est le commencement de la Sagesse. Dans un monde difficile, il suffirait d'attendre, sans faire trop de bêtises et d'être toujours prêts, afin de garder l'espoir d'être de ceux qui seront admis dans le ciel.

Heureusement, il avait ajouté : "Que la comparaison du figuier vous instruise. Quand les branches deviennent tendres et que sortent les feuilles, c'est que l'été est proche". Voilà bien un message positif Et j'ai observé alors les signes d'aujourd'hui, ceux qui me font découvrir qu'il est là, présent, tout proche de moi, ceux qui me permettent de voir son règne grandir et progresser ! Et j'ai expérimenté dans la réflexion de foi, dans la prière et le recueillement qu'Il était toujours là à mes côtés, pour partager mes joies, mais aussi pour m'aider dans les peines et les difficultés et m'entraîner sur des chemins de dépassements. Et j'ai vu autour de moi ceux qui luttent pour que les petits deviennent grands et les grands tout petits, ceux qui cherchent à donner les places d'honneur aux pauvres et aux exclus. Et je me suis dis que le Fils de l'homme était proche, à notre porte. Aurions-nous peur d'un monde nouveau qui naît ?

34e dimanche ordinaire, année B (Christ Roi)

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 1996-1997

Au Royaume de Dieu, il n'y a pas de place pour les valeurs boursières. Au Royaume des Cieux, la valeur qui prédomine, d'après notre évangile de ce jour, est celle de la vérité. Etre vrai, voilà le programme de vie que le Christ nous propose. D'abord être vrai avec soi, puis avec l'autre et enfin avec Dieu.

Tout part d'un mouvement au coeur de nous-mêmes, là où nous sommes sans fard ni déguisement, pour nous comprendre en nos balbutiements, parfaire nos ébauches et pouvoir enfin se trouver. Etre vrai est sans doute une des choses les plus difficiles à réaliser, d'abord parce que nos « vérités » sont liées, enfermées, voire même emprisonnées dans nos histoires personnelles. Elles se sont façonnées tout au coeur de nos vies par les diverses rencontres faites, les influences subies... Nos vérités personnelles ne font pas que vivre en nous, elles se sont confondues avec ce que nous sommes devenus. Et c'est sans doute la raison pour laquelle, il est si difficile d'oser être vrai. Cela demande tout un travail intérieur d'accepter de prendre un peu de recul par rapport à soi, de se dissocier de ce qui nous a façonné et qui nous équilibre aujourd'hui. C'est sans doute oser reconnaître que la personne dont on a le plus peur au monde, c'est soi-même. En effet, il n'est pas aisé d'aller à la rencontre de ses propres noeuds, de ses contradictions. Pire encore, nous pouvons être pris d'un étourdissement, d'un vertige lorsque nous décidons d'aller nous promener du côté de nos nocturnités intérieures, au royaume de notre ombre où nous restons insaisissables par rapport à nous-mêmes. Ce serait, me semble-t-il, un leurre de croire que, seul, un tel chemin d'intériorité est possible : l'être humain a une trop grande capacité à se mentir à lui-même. Cette recherche se vit accompagné, toujours en vérité et si possible dans l'amour et l'amitié. Toutefois, pourquoi cette nécessité d'être vrai, pouvons-nous nous demander ? Est-il nécessaire de se fatiguer ? Je crois que oui parce que nous ne sommes pas sur terre pour vivoter mais pour vivre. Et Jésus nous le rappelle avec force dans un autre passage de l'évangile de Jean, la vérité fera de vous des êtres libres. Libre par rapport à soi, libre par rapport à l'autre, libre par rapport à Dieu.

Fort de ce désir d'être vrai vis-à-vis de soi-même, un désir à toujours réinventer d'ailleurs, nous pouvons alors partir à la recherche de vérité par rapport à l'autre. C'est vrai, tout n'est pas toujours bon à dire, cependant il y a la façon de le dire et là, tout peut tout changer. Refuser de le faire, c'est hélas souvent utiliser une excuse un peu paternaliste pour se protéger soi-même. Il n'est pas évident de parler de choses difficiles. Mais paradoxe étonnant, il en va de même pour les choses belles, agréables. Combien d'entre nous n'ont pas vécu l'expérience d'un vouloir dire quelque chose de beau qui brûlait en nous, nous l'avions au bout de la langue, prêt à sortir mais aucun son ne venait. Pudeur ? peur de soi ? crainte d'être mal reçu ? trop tôt au risque d'être trop tard... Or nous dit le Christ : je suis venu pour rendre témoignage à la vérité. Et cela vaut pour la vérité de ce que l'on ressent, la vérité de ses émotions. Si nous sommes vrai et que cela vient vraiment du fond du coeur, nous ne pouvons pas mal faire. Un simple mot, un petit geste montre que nous nous intéressons à l'autre, qu'il est important pour moi, que je tiens à toi. Un mot, une caresse, des signes d'amour et d'amitié sont à vivre et à offrir. Arrêtons d'attendre, il n'y aura jamais, jamais, jamais de moment idéal. La tendresse trouve sa place à n'importe quel moment, dans tous lieux, à nous de la recevoir ou de la donner sans s'inquiéter du regard des autres.

Vient alors ce désir de vérité vis-à-vis de Dieu. Etre vrai avec Lui, c'est prendre le temps de redécouvrir un Père de miséricorde, un Père de tendresse. Dieu nous ne pouvons que le rencontrer dans la vérité puisqu'il se laisse découvrir dans son propre vestiaire, lorsque nous l'avons déshabillé de tous les mots dont nous aimons l'affubler, pour reprendre l'expression de Maître Eckhart. Et nous, osons-nous faire de même à son égard ? N'est-ce pas cela écouter sa voix et appartenir à la vérité ?

Ce matin (ce soir), à nouveau, Dieu se donne à nous en vérité et vient nous rejoindre au plus profond de nous-mêmes, au coeur de notre royaume intérieur, où coule une source d'eau claire et pure : notre moi le plus profond, se donnant à toi, pour que se révèle celui qui se définit tout simplement par l'Amour.

Amen

3e dimanche de Carême, année B

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps du Carême
Année liturgique : B
Année: 1996-1997

L'histoire se passe au paradis. Le curé d'un petit village de campagne meurt en même temps que le garagiste du même village. En plus de son garage, l'homme tenait une petite société de transports. Il avait un grand car pour les excursions des gens des environs. Et voici que notre curé et notre garagiste arrivent au ciel en même temps et se retrouvent devant cette grande porte en fer forgé. Bien grand leur fasse, ils sont accueillis par saint Pierre en personne. Il va sans dire que leur émotion est grande. Et voilà que saint Pierre invîte le garagiste à entrer le premier au Paradis. Cela ne fait nullement plaisir au curé. Ce dernier interpelle saint Pierre en lui rappelant qu'il devrait avoir plus de respect à son égard : il était quand même le curé du village tandis que l'autre n'était qu'un petit commerçant. C'est vrai rétorqua saint Pierre mais toi, sur terre, ton église se vidait tandis que le garagiste, lorsqu'il conduisait son car, à chaque tournant tous ses voyageurs priaient.

Histoire étonnante. Et si elle était vraie. O me rétorqueront certains mais il n'y a aucune logique là-dedans. Cela va tout à fait au delà de ce que nous pouvons imaginer. Il y a comme de la folie dans l'air au Paradis. Nous sommes dépassés. Nous imaginons comment ce sera et voilà que cela semble être tout le contraire. C'est fou. Mais qu'est-ce que cette folie de Dieu dont nous parle saint Paul ? Je n'en sais trop rien et au risque d'en décevoir certains, comment voulez que je le sache, je ne suis pas Dieu. Je crois cependant que Dieu n'est pas fou mais qu'il y a de la folie dans le projet de Dieu. Les dix commandements de la première lecture en sont un exemple saisissant. Si nous les envisagions comme un tiercé, où nous nous engagons à en respecter seulement trois, les commandements deviennent possibles à vivre. Mais tous les dix en même temps, 24 heures sur 24, bonne chance. Et voilà que cette folie de Dieu se poursuit dans l'histoire de notre évangile.

Ce n'est pas de cette façon que nous nous imaginons le Christ. Jésus est tout sauf violent. Nous ne sommes pas habitués à cette image d'un Jésus qui n'arrive plus à se contrôler et qui se met dans une telle colère. Jésus, Fils de Dieu et Dieu lui-même, ayant un comportement à ce point humain. Si ça, ce n'est pas aussi un peu de la folie de Dieu. L'acte du Christ au Temple, étonne, surprend. Et comme homme, je pourrais même dire que je ne l'approuve pas. Si l'un d'entre vous faisait la même chose dans cette Eglise, je n'apprécierais vraiment pas. Un coup de colère est peut-être humain mais pour vivre en société il faut pouvoir se contenir. Je condamnerai sans doute le geste mais non la personne. Voici que se dessine peut-être une autre folie de Dieu, radicalité de l'évangile. L'acte est sans doute répréhensible, mérite une sanction. Mais la personne n'est jamais condamnée aux yeux de Dieu. Dans le projet du Père, tout acte qui porte atteinte à sa propre intégrité ainsi qu'à celle de l'autre est à condamner. Tout acte qui nous empêche de nous réaliser dans notre humanité est désapprouvé dans le plan du créateur. Alors si cela vaut pour l'homme, autant pour Dieu surtout lorsque Dieu est homme.

Pourtant la colère du Christ a sa raison d'être. Elle est une invitation pour nous-mêmes en ce temps de carême. Il est venu le temps du nettoyage intérieur, de vider nos greniers au fond de nos coeurs, de nous débarasser de ce qui n'est pas essentiel, voire existentiel pour redécouvrir tout simplement un peu de temps pour Dieu, un peu de temps pour l'autre. Le Temple de l'Evangile, la Maison de Dieu, c'est d'abord et avant tout notre coeur. C'est dans ce lieu où vivent nos sentiments que Dieu aime venir résider. Chasser les vendeurs du Temple, c'est oser chasser en nous tout ce qui nous empêche de pleinement exister pour rencontrer Dieu. Cette logique, folie de Dieu à nouveau nous pousse encore plus loin : si Dieu se repose en chacun de nous, si la Maison de Dieu est vraiment dans le coeur de mon voisin, comment faisons-nous Eglise ensemble, quelle place faisons-nous ne fut-ce que dans notre assemblée à l'étranger, comment accueillons-nous les nouveaux venus ? L'histoire du Temple c'est enfin dans notre Eglise, l'invîtation à partir à la rencontre de celles et ceux qui viennent d'arriver et de les accueillir pour que parmi nous puissse vivre la véritable fraternité. Si notre communauté devient un club fermé, alors il n'y aura plus de place pour la folie de Dieu.

Amen.

3e dimanche de Carême, année B

Auteur: Moore Gareth
Temps liturgique: Temps du Carême
Année liturgique : B
Année: 1996-1997

Jésus trouva installés dans le Temple les marchands de boeufs, de brebis et de colombes, et les changeurs. Il fit un fouet avec des cordes, et les chassa tous du Temple ainsi que leurs brebis et leurs boeufs ; il jeta par terre la monnaie des changeurs [et] renversa leurs comptoirs. C'est une des scènes les plus difficiles de l'évangile . Il y a des scènes choquantes dans l'évangile, notamment les scènes de la Passion, où nous sommes confrontés à une violence et à une cruauté indicibles. Mais nous sommes malheureusement habitués à la violence humaine. Nous savons bien que nous, les être humains, sommes capables de violence et de cruauté. Mais la violence de Jésus, c'est autre chose. Jésus n'est pas censé être comme nous, mais meilleur que nous. Il nous enseigne l'importance capitale de l'amour, de la patience, du pardon, de ne pas se rebiffer contre les injustes et les violents. Il nous dit : « Venez à moi... Prenez sur vous mon joug et mettez-vous à mon école, car je suis doux et humble de coeur » (Mt 11:28-29). Et c'est pourquoi cette scène de la purification du Temple est choquante. Qu'est devenue la douceur de Jésus ? Jean nous dit que les disciples, en voyant ce que faisait Jésus, se sont rappelés le verset du psaume 68 : « L'amour de ta maison fera mon tourment ». Mais même si Jésus a fait ce qu'il a fait par amour de la maison de Dieu, est-ce que cela justifie sa violence ? Comment Jésus peut-il agir violemment tout en nous disant de renoncer à la violence ? Il y a une contradiction, semble-t-il. Peut-il rester notre modèle ?

Si ceci est notre question, ce n'était pas la question la plus évidente pour les gens de l'époque. Nous trouvons cette scène dans tous les quatres évangiles. Il ne semble donc pas qu'elle soit gênante pour l'église primitive. Et les Juifs qui étaient là n'ont pas réagi en déplorant la violence de Jésus ou en lui rapprochant la contradiction entre son enseignement et sa conduite. Ils lui disent : « Quel signe peux-tu nous donner pour justifier ce que tu fais là ? » Pour eux, ce qui justifierait ce geste de Jésus n'est pas une explication, mais un signe. Le signe qu'il faut est un miracle, ou quelque chose qui montre que Jésus a une autorité divine. Cela montrerait que sa violence vient, elle aussi, de Dieu. C'est-à-dire que pour eux l'intérêt de ce geste de Jésus est la possibilité que par son biais Dieu leur parle. Pour eux, le geste de Jésus est peut-être un geste, une parole, un signe de Dieu. Et Jésus leur parle du signe de la résurrection. « Détruisez ce temple, et en trois jours je le relèverai » ; et le temple dont il parlait, nous dit Jean, était son corps. Quand Jésus ressuscitera, ils comprendront ce que signifie son action, et ils sauront que Dieu est dedans.

Jésus, en mettant dehors tous les marchands, voulait en fait accomplir une prophétie du prophète Zacharie, dans le tout- dernier verset du livre de Zacharie, où le prophète parle du jour de la grande bataille où Dieu lui-même va apparaître. En ce jour-là, le temple et tout ce qu'il y a dedans sera saint, consacré à Dieu ; et en ce jour-là, dit-il, « il n'y aura plus de marchand dans la maison du Seigneur le tout-puissant » (Za 14:21). En purifiant le temple, Jésus dit que cette prophétie s'accomplit, que c'est la fin, que Dieu lui-même est là. Et c'est la résurrection, quand le temple son corps sera relevé, qui montrera que Dieu est présent en lui, et que c'est son corps qui est le vrai temple, la véritable demeure de l'esprit de Dieu.

Si la violence de son geste reste quand-même choquante pour nous, il faut dire que la violence est parfois nécessaire quand il s'agit d'un signe spirituel, un signe qui concerne ce qui est fondamental dans la vie humaine. Le but d'un signe est d'ouvrir nos yeux à quelque chose que nous ne voyons pas. Parfois, nous ne voyons pas parce que, pour le moment, nous faisons attention à quelque chose d'autre, et il suffit de nous rappeler doucement l'essentiel. Mais, parfois, nous ne voyons pas parce que nous sommes endormis, ou parce que nous sommes totalement pris par inessentiel et immergés dedans. Dans le temple, ç'aurait été une rencontre inutile si Jésus avait dit doucement aux marchands : « Messieurs, auriez-vous peut-être la gentillesse de mettre vos brebis ailleurs ? » Il fallait un geste dramatique, même violent et choquant, qui arrache leur attention et celle des autres Juifs, qui la retire de leur commerce bien-aimé, pour leur rappeler que Dieu est plus important que le commerce. De même, dans notre vie, un rappel doux n'est pas toujours suffisant ; souvent, une lecture biblique, une homélie, ne nous impressionne pas, nous le savons tous. Il faut que Dieu nous parle parfois par le biais d'un choc qui nous rende attentifs à l'essentiel. Si nous nous endormons, il nous faut être secoués pour être éveillés. C'est pourquoi, quelquefois et avec un peu de recul, nous pouvons voir la main de Dieu même dans un événement de notre vie qui nous choque ou qui nous fait mal.

3e dimanche de l'Avent, année B

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Avent
Année liturgique : B
Année: 1996-1997

Jn 1, 6-28

En guise de méditation je voudrais m'inspirer du dernier livre de Jeanne Bourin , Le sourire de l'ange. Cet auteur résume bien me semble-t-il le sens premier de cette valeur. L'humilité ne consiste pas à se sous-estimer, à s'écraser, voire même se nier comme certains auraient tendance à le croire. Elle exige au contraire une très haute opinion de soi. Et voilà la raison pour laquelle même un dominicain peut en parler à l'aise. Cette valeur implique de reconnaître que tous les hommes et toutes les femmes sont semblables devant Dieu. Respecter les autres, c'est en premier, poursuit notre auteur, se respecter soi-même. Comment espérer faire une place à l'autre, si au départ, je n'ai pas un minimum d'estime pour moi-même. L'humilité ne consiste donc pas à s'abaisser par une sorte de masochisme pervers, mais, au contraire à faire humblement et scrupuleusement ce que Dieu attend de nous, sans en tirer ni orgueil, ni profit. Il n'y a aucune honte à oser se dire que j'ai reçu tel don. Jean-Baptiste ne disait-il pas : « Moi je baptise dans l'eau ». Il baptise, il le sait, le reconnait et le remet à sa juste place. Ce serait un péché contre le Ciel que de laisser en jachère les dons que le Créateur nous a généreusement octroyés, non pour les étouffer, mais, au contraire, pour les faire fructifier et pour Lui rendre gloire en les utilisant pour Le remercier. L'humilité nous invîte donc à ne pas se prendre au sérieux, à vivre la vie simplement, telle qu'elle nous est donnée.

Cette qualité est essentielle parce qu'elle nous demande un travail tout intérieur de reconnaissance personnelle, d'acceptation de ses propres faiblesses et forces, de mise en oeuvre des dons reçus. Par ce chemin personnel, je fais ainsi la découverte que je trouve d'abord en moi les ressources, l'essence de mon existence. Je suis la source même de ma Vie, même si j'ai besoin d'aller m'abreuver à d'autres, quelle soient humaines ou divine. Fort de cette intime conviction je peux alors aller à la rencontre du prochain, vous savez celui qui croise mon chemin, lui donner sa propre place et parfois même l'aider à découvrir sa propre valeur. De la sorte je lui permets tout simplement d'exister, de vivre sa propre vie en dehors de toute projection à son égard. Que cela nous permette de ne jamais porter un regard hautain, voire méprisant vis-à-vis de celles et ceux dont nous avons décidé qu'ils n'étaient pas aussi bien que nous.

Amen.