Deuxième dimanche de Pâques (B)

Auteur: Laurent Mathelot
Date de rédaction: 8/04/18
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : B
Année: 2017-2018



Qu’est-ce qu’avoir la Foi ; qu’est-ce que croire ?

Dans l’évangile, Thomas a besoin d’une preuve tangible de la Résurrection, que le Christ lui donne. Plus tôt, dans ce même chapitre de l’évangile de Jean [20, 8], il est dit du disciple que Jésus aimait, alors qu’il entrait dans le tombeau vide : « Il vit et il crut » et ce qu’il voit c’est une absence – l’absence de Jésus parmi les morts. Enfin, la lecture d’aujourd’hui se conclut par cette parole du Ressuscité : « Heureux ceux qui croient sans avoir vu »

Clairement les textes nous parlent d’une foi issue de l’expérience pour les uns ; et fondée en dehors de tout constat immédiat pour les autres.

Remarquez que la science fonctionne aussi comme cela : il y a des choses que vous savez d’expérience – la gravitation universelle vous est sans doute apparue percutante dès votre première chute ; il y a des choses que vous croyez en dehors de toute expérience personnelle, sur base de témoignages auxquels vous vous fiez : vous n’avez rien vu du Big-bang par exemple, sinon que certains vous disent en déceler encore aujourd’hui les effets.

Tout discours est un regard direct ou indirect sur des faits, auquel je donne foi ou pas. Il peut m’arriver de ne pas croire ce que je vois – il peut m’arriver de me tromper – ; il peut m’arriver de donner à foi à un discours sur des faits que j’ignore – de croire simplement ce qu’on me raconte. Et c’est le cas de nombreux disciples : « Heureux ceux qui croient sans avoir vu ».

La foi chrétienne ne se mesure pas à l’expérience plus ou moins directe que l’on fait de la rencontre avec le Christ ressuscité – tout le monde ne vit pas une expérience tels les apôtres dans le passage que nous venons de lire ou Paul sur le chemin de Damas.

Dans la première lettre de saint Jean que nous venons de lire, il est dit : « celui qui croit que Jésus est le Christ, celui-là est né de Dieu » [1 Jn 5,1]. A Nicodème, Jésus dira qu’il faut renaître de l’Esprit [Jn 3, 1-8]. Ce terme de naissance contient en lui-même la notion d’incarnation. Naître c’est s’incarner. Jésus est le verbe incarné de Dieu.

Ainsi croire, c’est naître de Dieu et c’est incarner. Vous savez que, dans la Bible, « connaître » revêt un caractère intime et charnel. Quand il est dit qu’Adam connut Eve, on parle bien d’un corps à corps intime au point de ne faire qu’un. Il ne s’agit en rien d’une connaissance éthérée de principes, d’idées ou de pensées, il ne s’agit en rien de théorie, ni même d’une philosophie de l’amour. Il s’agit de concrètement faire l’amour ; c’est exactement cela que signifie, entre époux, se connaître.

Ainsi pour nous, il s’agit de croire que Jésus est le Christ avec notre corps, avec nos tripes oserai-je dire. C’est cela que signifie être né de Dieu, c’est incarner dans sa chair la vie de l’Esprit. Sans doute savez vous que le terme « miséricorde » en hébreux fait d’abord référence aux entrailles d’une mère qui sent vivre en elle son enfant. L’image est percutante mais elle dit que Dieu nous aime avant tout avec ses entrailles, son ventre, sa matrice ; ainsi, croire c’est avoir, nous aussi, Dieu dans la peau.

Le texte en effet poursuit : « Voici comment nous reconnaissons que nous aimons les enfants de Dieu : lorsque nous aimons Dieu et que nous accomplissons ses commandements. »

La foi n’est donc pas un énoncé – simplement accepter pour vraie l’idée que Dieu nous sauvera – ni un pari positif portant sur l’espérance – simplement croire que nous serons sauvé. La foi c’est éprouver maintenant quelque chose de l’effectivité du salut, c’est incarner l’espérance, vivre déjà quelque part sauvé.

La foi c’est aimer Dieu. Il y a quelque chose de la légèreté amoureuse à croire en Dieu ; comme il y a quelque chose de la puissance triomphante de l’Amour. Croire n’est ni une soumission, ni un fardeau. Ceux qui éprouvent cela se trompent sur ce qu’est « aimer Dieu », soit qu’ils ne comprennent pas bien ce qu’est « aimer » ; ou qui est « Dieu ».

A ses disciples qui n’ont pu guérir un épileptique, Jésus dit « Si vous avez de la foi gros comme une graine de moutarde, etc., etc. » [Mt 17,20]. Ainsi la foi se mesure.

Certains pourront m’objecter qu’il s’agit d’une image, comme s’en sert classiquement la rhétorique juive qui aime tant user de notions particulièrement concrètes pour rendre compte de ce qui est éminemment abstrait. Si la foi consiste simplement à aimer Dieu : la foi, comme l’amour, ne se mesurent pas. Au contraire, la foi, comme l’amour, pour être authentiques, sont précisément sans mesure.

Alors, la foi ne se mesure pas au mètre, c’est certain. Mais ce que dit la comparaison avec le grain de moutarde c’est que sa présence effective s’évalue concrètement. On retrouve ici la notion de foi incarnée, dont la présence concrète se voit. Si les disciples ne parviennent pas à guérir l’épileptique c’est parce leur foi manque d’incarnation (et eux d’amour).

On commence à comprendre que la mesure extérieure de la foi est apophatique ; qu’elle ne s’évalue qu’en creux, négativement, que ce que l’on mesure ce n’est pas l’amour mais les manques d’amour.

Pour paraphraser le Pape : « Qui suis-je pour juger de la foi d’autrui ? »
Rien, essentiellement, ne me permet de juger de l’amour que chacun porte à Dieu ; ni ses discours, ni ses idées, ni ses mœurs ne suffisent à en rendre compte : nous avons tous dés défauts.

Mais il reste qu’en moi-même, je peux juger de ma propre foi.
Ma foi s’évalue à la mesure de mon désir de Dieu.

La seule question que le croyant doit se poser c’est : « est-ce que j’aime Dieu ? »
Et, à mesure que la réponse sera incarnée, il saura qu’elle est authentique.

Êtes-vous amoureux, amoureuses de Dieu ?

Dimanche de Pâques

Auteur: Dominique Collin
Date de rédaction: 1/04/18
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : B
Année: 2017-2018

Si vous aviez lu le journal du 1er avril de l'an 30, vous auriez lu "Le Messie est ressuscité"... Le canular le plus fantastique jamais imaginé. Le plus gros poisson d'avril...

Vigile Pascale

Auteur: Philippe Cochinaux
Date de rédaction: 31/03/18
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : B
Année: 2017-2018

Pour comprendre le mystère qui nous rassemble, il y a lieu d'observer les saumons... Ces derniers remontent à contre courant...

Jeudi Saint

Auteur: Laurent Mathelot
Date de rédaction: 29/03/18
Temps liturgique: Triduum pascal
Année liturgique : B
Année: 2017-2018


« Jésus, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’au bout. »

Est-ce à dire qu’avant, ils ne les aimait que partiellement ? Que c’est seulement maintenant qu’il les aime pleinement ? Ce qui introduirait une sorte de progression de l’amour de Dieu, qui n’atteindrait finalement sa pleine intensité que sur la Croix ?

« Jésus, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’au bout. » En fait, il y a deux bouts possibles : le bout de la vie du Christ ; le bout de la vie des disciples. Et la subordination « qui étaient dans le monde » laisse à penser qu’il s’agit plutôt du bout de la vie des disciples. Ayant aimé ses disciples dans le monde ; Jésus les aima jusqu’ à leur Salut, leur complète délivrance, jusqu’au bout de leur libération.

Car en effet, ce que Jésus et ses disciples célèbrent ce soir-là c’est la Pâque juive qui commémore la libération du pays d’Égypte, de pharaon, lui aussi un homme révéré à l’égal d’un Dieu.

On imagine trop souvent la Cène – et au-delà l’Eucharistie – comme un repas entre amis où Jésus finit par partager du pain et du vin – geste que nous reproduisons …. On peine à systématiquement se souvenir qu’il ne s’agit en rien d’un repas normal qui se cristalliserait finalement par l’institution de l’Eucharistie. Ce n’est en rien un repas normal ; c’est un Séder, un rituel hautement symbolique depuis le début – un rituel propre à la fête de Pessa'h, commémorant l'accession soudaine à la liberté, après les années d'esclavage.

C’est un rituel où comme ce soir on se lave les mains en les bénissant et où on écoute le récit de l’Exode. Il y a sur la table les matzot, pains sans levain sur lesquels le chef de famille appelle la bénédiction de Dieu ; il y a sur la table les quatre coupes rituelles où on mélangera l’eau et le vin ; il y a les herbes amères pour rappeler la dureté de l’esclavage et il y a de l’eau salée pour évoquer le goût des larmes.

« Vous mangerez ainsi : la ceinture aux reins, les sandales aux pieds, le bâton à la main.
Vous mangerez en toute hâte : c’est la Pâque du Seigneur. »

Il y a là une question d’urgence, de départ, d’Exode vers la Terre promise.

Et c’est dans ce contexte, que prend place le lavement des pieds.

Le Séder de Pessa'h se termine traditionnellement par la lecture du grand Hallel, un ensemble de six psaumes de louanges à Dieu. On voit se dessiner l’image d’un lavement des pieds pour l’Exode, comme chant de louange avant le départ.

On a souvent souligné que laver les pieds de ses disciples était l’occasion, pour Jésus, de témoigner de sa condition de serviteur, voire d’esclave, de s’abaisser, de se montrer authentiquement le plus humble. Et il y a de ça. L’exubérance de Pierre traduit immanquablement une gène à cet égard : « Tu ne me laveras pas les pieds ; non, jamais ! »

Et c’est vrai – la Bible en témoigne – que, dans un pays de sable et de poussière, laver les pieds des convives à leur entrée d’une maison est un geste courant d’hospitalité, que les riches faisaient faire par leurs serviteurs voire leurs esclaves.

Et c’est vrai, par ailleurs, qu’il y a de nombreuses références évangéliques à la notion d’abaissement : « quiconque veut être grand parmi vous, qu'il soit votre serviteur; et quiconque veut être le premier parmi vous, qu'il soit votre esclave » [Mt 20, 26-27] ; « quiconque s'élève sera abaissé, et celui qui s'abaisse sera élevé » [Lc 14, 11]

Mais il y a plus ...
Certes, laver les pieds est un geste de service qui implique l’abaissement mais nous ne pouvons pas l’extraire totalement et encre moins l’abstraire du contexte dans lequel il est posé : il ne peut en aucun cas s’agir ici de l’accueil de convives : nous sommes à l’issue du repas.

Dieu avait demandé qu’on sacrifie un agneau. Il allait libérer son peuple.
Du sang de l’agneau, Dieu avait demandé qu’on couvre les linteaux des portes. Pour distinguer les fils d’Israël des fils d’Égypte. Laissant vive l’espérance des uns, tuant celle des autres. Et la colère de Dieu s’est abattue.
En toute hâte, il avait fallu partir et se contenter d’herbes amères et de pâte qui n’avait pas encore eu le temps de lever. On est là, à l’issue du repas et on part. C’est le début de la liberté retrouvée.

Le lavement des pieds n’est pas tant un geste d’accueil – il l’est bien sûr – mais pas tant un geste d’accueil qu’un soin préliminaire apporté à l’exode chrétien, le premier geste en faveur d’un parcours de libération autonome de chacun des disciples.

Où vont les Hébreux au sortir d’Égypte ? en Terre promise, terre de libération où coule le lait et le miel. Quelle est notre Terre promise ? Le salut offert par Dieu. Si Jésus nous lave les pieds c’est pour repartir, pour le chemin qu’il nous reste à accomplir vers le Salut.

Et puis il s’efface. Il disparaît volontairement laissant chacun libre – nous, comme Pierre, Jean ou Judas – de prendre la direction qu’il veut ; de renier, d’accompagner ou de trahir le Christ – même en prétendant l’embrasser – de nous rendre en Terre promise ou de prendre une direction qui s’oppose au Salut. Libres mais libres munis de sa prévenance. Libres mais libres aussi de rejeter le don.

Laver les pieds c’est offrir en s’abaissant le soin préliminaire à la vocation de tous vers la délivrance, y compris celle du frère qui me frappera du talon ou m’humiliera d’un baiser.

Laver les pieds, c’est favoriser à tout prix la liberté d’aller. De quiconque. Quitte à s’abaisser. Quitte à se laisser trahir et même livrer à l’ennemi et à la mort. De tous, prendre soin de l’autonomie.

Laver les pieds c’est se livrer totalement à la liberté de chacun d’aller – ou pas – vers le salut offert par Dieu.

« Jésus, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’au bout. »

Cinquième dimanche de Carême (B)

Auteur: Mateusz Luksza
Date de rédaction: 18/03/18
Temps liturgique: Temps du Carême
Année liturgique : B
Année: 2017-2018

Car Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais obtienne la vie éternelle.

Cinquième dimanche de Carême (B)

Auteur: Philippe Henne
Date de rédaction: 18/03/18
Temps liturgique: Temps du Carême
Année liturgique : B
Année: 2017-2018

Voilà que Jésus est ému, saisi par la crainte de mourir.  Comment Dieu peut-il avoir peur ? Comment peut-il douter ? Cela paraît être un moment de faiblesse.  Comment Dieu peut-il connaître un moment de faiblesse ? C’et de genre de phrases dans l’Evangile qui a jeté beaucoup de chrétiens dans de mauvaises interprétations.

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Quatrième dimanche de Carême (B)

Auteur: Dominique Collin
Date de rédaction: 11/03/18
Temps liturgique: Temps du Carême
Année liturgique : B
Année: 2017-2018

Car Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais obtienne la vie éternelle. Car Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé.

Quatrième dimanche de Carême (B)

Auteur: Philippe Henne
Date de rédaction: 11/03/18
Temps liturgique: Temps du Carême
Année liturgique : B
Année: 2017-2018

On a un peu l’impression que cette phrase s’adresse à des gens d’une autre époque, une époque où tout le monde tremblait de peur devant un Dieu juste et sévère, une époque où les prédicateurs décrivaient les flammes de l’enfer pour que les gens se convertissent.  Bref, une époque où les gens étaient écrasés par une autorité lourde et étouffante.  Comment pouvait-on être heureux dans un tel climat infantilisant ?

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Troisième dimanche de Carême (B)

Auteur: Philippe Cochinaux
Date de rédaction: 4/03/18
Temps liturgique: Temps du Carême
Année liturgique : B
Année: 2017-2018

Comme la Pâque juive était proche, Jésus monta à Jérusalem. Dans le Temple, il trouva installés les marchands de bœufs, de brebis et de colombes, et les changeurs. Il fit un fouet avec des cordes, et les chassa tous du Temple, ainsi que les brebis et les bœufs ; il jeta par terre la monnaie des changeurs, renversa leurs comptoirs,

Derde zondag van de Vasten (B)

Auteur: Philippe Cochinaux
Date de rédaction: 4/03/18
Temps liturgique: Temps du Carême
Année liturgique : B
Année: 2017-2018

In de evangelielezing van deze Zondag zien we dat Jezus zich eens echt kwaad maakt. In de catechismus hebben we altijd geleerd dat Jezus vriendelijk was, maar kijk, hier ontdekken we een ander facet van zijn persoonlijkheid. Ook Hij kan kwaad worden. Eigenlijk een beetje zoals elk van ons. Hoeveel ouders, onderwijzers, opvoeders hebben zich niet een keer kwaad gemaakt, want ze waren het eenvoudig moe altijd hetzelfde te herhalen en niet het gevoel te hebben dat ze gehoord werden.

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Troisième dimanche de Carême (B)

Auteur: Michel Van Aerde
Date de rédaction: 4/03/18
Temps liturgique: Temps du Carême
Année liturgique : B
Année: 2017-2018

« Il jeta par terre la monnaie des changeurs, renversa leurs comptoirs. » Que signifie cette attitude de Jésus à l’égard de l’argent ? « Enlevez cela d’ici. Cessez de faire de la maison de mon Père une maison de commerce. » Pouvons-nous nous passer de l’argent ? Plus radicalement pouvons-nous cesser de commercer ? Le commerce, n’est-ce pas simplement le fait d’échanger, d’être en relation, de s’entraider ?

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Deuxième dimanche de Carême (B)

Auteur: Laurent Mathelot
Date de rédaction: 25/02/18
Temps liturgique: Temps du Carême
Année liturgique : B
Année: 2017-2018


Le récit que nous venons de lire de la Transfiguration est hautement symbolique, très imagé. La présence d’Élie et de Moïse renforce ce sentiment : ils sont les deux seuls personnages de l’Ancien Testament à avoir bénéficié d’une apparition de Dieu sur cette montagne (Ex 3 et 1 R 19), l’un – Moïse – symbolise la Loi, et l’autre – Élie – l’arrivée du Messie. Tout est en place pour un récit plein de sens : Jésus apparaît comme le Messie tant attendu d’Israël, l’envoyé resplendissant de Dieu. Et la blancheur éclatante de son vêtement, que n’atteindrait même pas Dash, vient ajouter la classique touche concrète que la rhétorique juive apprécie particulièrement. Non seulement il est le Messie, mais ça se voit de manière éclatante. Il est lumineux de la présence de Dieu. Une voix venue du Ciel vient sceller le tout : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé : écoutez-le ! ».

Voilà, c’est du tragique, c’est du pimpant, c’est du colossal, du Cécil B. De Mille. C’est tellement massif que l’on ne peut plus douter : il est Messie ; l’authentique Fils de Dieu, c’est lui.

Mais est-ce vraiment tout ce que le récit veut dire ? S’agit-il simplement de nous présenter une image – une de plus, oserais-je dire – qui dit la divinité de Jésus ? Fallait-il une théophanie, que les disciples ne comprennent pas – et nous peut-être pas plus – qui redise, qui rejoue, ce qui était déjà scellé au baptême : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé : écoutez-le ! » ? On a l’impression que ce récit de la Transfiguration fonctionne comme un surlignage blinquant. Il y a quelque chose de too much.

Et surtout, pourquoi lire ce récit en plein Carême, alors que nous allons vers Pâques ? L’épisode du sacrifice d’Isaac est plus dans l’air du temps. Pâque est le pendant divin à ce récit de la Genèse où Dieu sacrifiera son Fils là où celui du père des croyants a été épargné.

Abraham auquel Dieu avait déjà demandé de quitter son pays, sa patrie et la maison de son père se voit maintenant réclamer en sacrifice son fils chéri – la traduction grecque utilise le même mot « bien aimé » qu’utilisera l’Évangile à propos Jésus – et de vouer ce Fils bien aimé en sacrifice à Dieu.

Dans le Proche-Orient ancien, avoir des enfants est un gage de sécurité pour les vieux jours. Il n’y a pas d’aide sociale, d’assurance maladie, de pension. Seul l‘amour généreux de vos enfants garantit une paisible vieillesse. Demander à Abraham de sacrifier son fils c’est lui demander de sacrifier tout : son enfant, son avenir et la joie de son cœur. D’autant qu’Isaac était également le fruit d’une promesse de Dieu. Au fond, ici, Dieu reprend même sa parole. Le texte semble vouloir dire : à mesure où tu me sacrifieras tout ; je te comblerai de bénédiction.

Évidemment le sacrifice envisagé pour Isaac est un holocauste qui ressemble fortement aux sacrifices qui s’opéraient alors au Temple de Jérusalem, l’animal étant voué totalement à Dieu dans les flammes d’un brasier. Et il s’est trouvé des historiens pour dire – peut-être avec raison d’ailleurs – que ce passage, dont la tension culmine dans l’arrêt de la main d’Abraham – signifierait simplement le rejet par Dieu des sacrifices d’enfants qui existaient dans l’Antiquité. Dieu ne veut plus de sacrifice humain ; l’holocauste d’un animal au Temple désormais suffit et pour nous l’Eucharistie.

Mais le texte dit beaucoup plus que ça. Il présente finalement le sacrifice d’Isaac comme un test de la foi d’Abraham. C’est une lecture littérale de penser que Dieu demande ici qu’on s’apprête à lui sacrifier tout ce qu’on a de plus précieux, d’ailleurs cette interprétation est proprement inaudible par qui a perdu un enfant. Dieu ne demande pas ce genre de sacrifice. Ce que dit le texte c’est que l’amour d’Abraham pour Isaac devient un jalon pour Dieu de sa foi, qui justifie la fin des sacrifices. Notre foi se mesure à l’aune de notre relation d’amour la plus intense, la plus essentielle. Et l’amour suffit à tous les sacrifices.

Reste la question de la place de la Transfiguration du Christ dans cette ambiance pascale ? Est-ce simplement, comme je l’ai déjà dit, un récit de plus pour nous faire prendre la mesure de la divinité du Christ par la mise en scène d’images extraordinaires ? Finalement, le récit de la transfiguration se réduit-il à un artifice littéraire ?

Au fond, la résurrection est une transfiguration de la mort. Si nous disons que les morts ressuscitent, la mort – toute mort – s’en trouve transfigurée … Finalement toujours quelque part rayonnante.

Que ce soit quand il nous précède sur la montagne ou qu’il nous devance au Calvaire, le Christ transfigure tout.

Ainsi, la place de ce récit dans le cadre pascal se justifie pleinement pour dire que le Christianisme est autant une transfiguration de la vie qu’une transfiguration de la mort. Tout est plus rayonnant.

Tout change, le réjouissant comme le triste ; le tragique comme l’exaltant ; le banal comme le précieux. Il y a continuité de transfigurations. Marcher à la suite du Christ c’est en permanence se transfigurer.

Regardez les personnes rayonnantes ; regardez les personnes lumineuses : elles vous montrent l’autre versant de la Crucifixion, la joie d’aimer.

Et puis si vous apprenez à les connaître vous remarquerez que certaines d’entre elles vous montrent aussi la Crucifixion : qu’en-deçà de leur vraie joie, il y a un sacrifice profond, une blessure essentielle, une crucifixion passée. Et vous verrez alors la résurrection.

Transfiguration et résurrection s’embrassent pour dire que tout – la vie, la mort, les joies, les peines, les deuils – tout ! peut rayonner de l’amour.