25ème dimanche ordinaire

Auteur: Philippe Cochinaux
Date de rédaction: 24/09/17
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2016-2017


Quelques citations et proverbes illustrent à souhait la parabole que nous venons d’entendre: "Comparaison n’est pas raison"; "Qui se compare à autrui voit la balance toujours pencher du côté qu'il veut"; "On compare plus volontiers pour abîmer que pour rehausser"; "Le bonheur survient lorsque nous nous arrêtons de nous comparer aux autres", ou encore, "Celui qui aime n’a pas besoin de comparer: quand la comparaison entre par la porte, l’amour sort par la fenêtre." Comparer, toujours comparer!

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25ème dimanche ordinaire

Auteur: Philippe Henne
Date de rédaction: 24/09/17
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2016-2017

C’est une question qui m’a taraudé dès le début de ma vie religieuse : à quoi passer toute ma vie au couvent, si les prostituées, les voleurs, les menteurs et les adultères auront la même récompense que moi, celle du paradis ? A quoi cela sert-il de passer toute une vie dans la prière et dans la vie commune, si c’est pour obtenir le même résultat que ceux qui profitent de la vie ? Parce qu’il y a là quelque chose de pervers. 

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24ème dimanche ordinaire

Auteur: Philippe Henne
Date de rédaction: 16/09/17
Année: 2016-2017

Pardonner, ce n’est pas seulement rendre la vie à l’autre, celui qui nous a blessés, mais c’est aussi, et peut-être surtout, se donner la vie à soi-même.

Il n’y a rien de plus dangereux que de sa laisser envahir par la rancune.  Il y a des gens qui nous ont blessés, soit volontairement, soit involontairement.  Et, consciemment ou inconsciemment, nous gardons vivante la trace de cette blessure.  Combien de fois ne nous arrive-t-il d’entendre quelqu’un d’un certain âge réagir violemment : « celui-là ! Non, je ne veux plus le voir, après ce qu’il m’a fait en 1942 ».  Eh oui ! Après des années, des lustres, des dizaines d’années, nous gardons de vieilles rancunes.  C’est à ce point qu’un jour par hasard je prononçai le nom d’un confrère mort depuis longtemps.  Aussitôt, un autre confrère, pourtant atteint d’un Alzheimer profond, s’est écrié : « oh ! Celui-là ! Quel sinistre personnage ! » J’ai eu beau posé quelques questions.  Le frère outragé était incapable de dire pourquoi le frère mentionné était un sinistre personnage.  Donc, malgré l’Alzheimer qui efface tout, la rancune demeurait bien vivace. Et il n’y a pas seulement la rancune contre l’une ou l’autre personne.  Il y a aussi la liste des exclus qui s’allonge.  Oui, nous sommes toujours un peu blessés par celui-ci, ou par celui-là.  Et petit à petit la liste des gens avec lesquels nous prenons nos distances s’allonge.  Et petit à petit le voisinage des gens auxquels nous faisons confiance devient de plus en plus étroit.  Et on voit des couples ou des communautés qui n’ont plus rien à se dire parce que de toutes façons cela ne sert à rien.  Et on voit des gens qui n’ont plus personne à qui parler parce qu’ils ont petit à petit exclus tout le monde autour d’eux.

Oui, mais, me direz-vous, ces personnes m’ont blessé, elles m’ont injustement maltraité.  Et vous avez raison.  Pardonner, c’est être injuste envers soi-même et avec la loi, la politesse, les bonnes manières.  Mais, voyez-vous, la justice est représentée par une femme, les yeux bandés, le glaive à la main.  Et elle est toute seule.  Alors que la Vierge Marie, maltraitée par la vie, est entourée d’une multitude de croyants.  Elle a pardonné à la vie qui l’a trompée.  Elle a pardonné aux apôtres qui ont suivi Jésus.  Elle aurait pu leur en vouloir et pensé que, volontairement ou involontairement, ils avaient entraîné son fils sur les voies d’une étrange révolution. 

Pardonner, c’est piétiner son amour-propre.  Seul Dieu est capable de faire cela.  Et nous, comment pouvons-nous pardonner ? Peut-être en changeant notre regard sur la vie et sur les autres.  Nous sommes souvent déçus parce que, pleins d’énergie et de bonne volonté, nous voudrions changer les choses en quelque chose de meilleur selon nos plans et nos projets, alors que, peut-être, il faudrait d’abord considérer les richesses qui sont autour de nous, et leur donner la grâce et la possibilité de pouvoir se développer.  Cela nous oblige à regarder l’autre avec un nouvel intérêt.  Cela nous oblige à quitter notre monde pour s’ouvrir à celui du Bien-aimé.

C’est tous les jours qu’on apprend à pardonner.  C’est tous les jours qu’on se donne l’un l’autre la chance d’exister à nouveau.

24ème dimanche ordinaire

Auteur: Didier Croonenberghs
Date de rédaction: 17/09/17
Année: 2016-2017

Vous savez peut-être que j’apprécie les figures de style. Anaphore, litote, asyndète, euphémisme, oxymore, aposiopèse et autres synecdoques se cachent souvent dans les textes d’évangile et il est amusant de les rechercher. Ce soir, permettez-moi de vous demander si vous connaissez une forme de style assez peu connue, que l’on appelle l’adynaton… L’adynaton est un procédé rhétorique qui consiste à pousser à l’extrême une exagération, quitte à être dans l’impossible. L’adynaton est, si vous préférez, une sorte d’hyperbole, une image qui frise avec l’inconcevable.

Comme dans beaucoup d’autres paraboles, le récit que nous avons entendu ici tombe dans la démesure, dans une exagération impossible. Un homme devait 10.000 talents ! A l’époque de Jésus, le salaire normal pour une journée de travail —si vous ne jouiez pas au foot— était de un denier. Cette parabole nous parle donc d’une remise de dette de 10.000 talents, ce qui équivaut à 60.000.000 deniers, c’est à dire 2.400.000 mois. Bref, la dette dont parle l’évangile équivaut à 200.000 ans de salaire.

Voilà notre adynaton. Avouez que l’arithmétique divine est d’une toute autre logique que la nôtre et qu’un chiffre comme cela ne représente pas une dette possible à rembourser. La parabole ne parle donc pas d’une dette qu’un homme peut espérer rendre à un autre humain. Elle souligne plutôt le contraste entre la surabondance du don offert par Dieu et nos petits calculs, souvent mesquins. Car Dieu n’est pas un comptable qui offrirait ses bénédictions et ses dividendes aux uns et ses malédictions aux autres. Il ne se place pas dans un rapport de mérites, ne se fait pas prier, comme si un certain nombre de bonnes actions nous valait un poids d’indulgence. Dieu se cache toujours dans la démesure de la gratuité, dans l’inouï, l’impossible, l’incroyable.

Voilà pourquoi la dette dont il est question dans la parabole ne doit pas être comprise comme une faute dont nous pourrions nous acquitter. Plus fondamentalement, si nous sommes débiteurs insolvables, c’est au sens où nous ne serons jamais à l’origine absolue de nous-mêmes. Nous ne pourrons donc jamais ‘rembourser’ la vie qui nous a été donnée, même en la donnant. Car ce que nous avons de plus précieux nous est toujours donné !

Cette parabole nous rappelle donc que nous sommes toutes et tous précédés par un don originel —non par une dette— ce don de la vie que nous avons à accueillir et non à rendre. Et pourtant l’ homme endetté de l’Evangile y prétend : « Prenez patience envers moi, je rembourserai tout ! » Pour lui, le temps permet d’entrer dans une logique marchande. « Tu me donnes et je te rends et puis on est quitte ». Régler ses comptes, être quitte et libre de tout devoir : voilà ce que nous recherchons souvent inconsciemment dans nos rapports humains! Nous sommes ainsi dans le contre-don, qui souhaite avec le temps que la relation soit comme un bilan, à l’équilibre… « Prends patience, je te rembourserai ».

Bien entendu, nous ne sommes pas toujours dans un tel rapport comptable avec la vie. Combien de fois n’entrons-nous pas subtilement dans ce jeu. « Comment peux-tu me faire ça, avec tout ce que j’ai fait pour toi ». Nous le savons, si nous sommes tous égaux, la vie ne nous nous a pas rendus tous équivalents. Certains arrivent à l’existence avec un lourd passif, d’autres sont traversés par un sentiment d’injustice. Et pourtant, aussi difficile que cela puisse paraître, la parabole nous dit : « abandonne tes comptes ». Ne compare pas. Dieu te dit que tu ne lui dois rien et —plus difficile à entendre pour certains— il ne te doit rien non plus. Car le Royaume des cieux est un monde de gratuité, un Royaume où tout est don, tendresse, émerveillement, reconnaissance, pardon, don au-delà du don.

Lorsque nous découvrons cette économie divine du don, nous entrons alors dans une joie insoupçonnée, dans une logique de gratitude qui nous fait sortir de l’engrenage du chantage affectif, du cycle de la violence engendré par le ressentiment d’injustice. La démesure du pardon de Dieu se vivra alors à la démesure de notre don. Car c’est à nous de nous ouvrir, réellement, à l’impossible. C’est à nous d’accueillir ce pardon inconditionnellement, pour le répandre sans compter !

Quitter la logique du donnant-donnant, pour entrer dans la dynamique du don, de la gratuité, de la grâce, de l’impossible… Voilà une figure de style à donner à notre vie et ce à quoi l’évangile nous invite en ce temps de retrouvailles. Voilà l’économie nouvelle du Royaume.
Parce qu’être toujours dans le dû, c’est être à terme perdu.
Etre toujours dans le don, c’est s’ouvrir au pardon. Amen.

24ème dimanche ordinaire

Auteur: Michel Van Aerde
Date de rédaction: 17/09/17
Année: 2016-2017

Je ne sais pas si,  en dehors du christianisme, il est une seule culture humaine où le pardon soit vraiment valorisé. Le pardon, en général, n’est-il pas une faiblesse, une démission, une fuite, voire même un déshonneur ? Si c’est cela que vous pensez, chiche, essayez !

Rien n’est aussi difficile que pardonner. Il est plus facile de partir à zéro, de commencer une relation nouvelle que de recommencer après une blessure, des injustices, des injures, des trahisons. Comment redonner sa confiance, comment se rendre à nouveau vulnérable, comment reprendre la relation ? Il reste toujours une cicatrice, un endroit plus sensible, où l’on se heurte chaque fois plus cruellement. Il est plus facile de créer du neuf, que de re-créer à partir de ce qui a été détruit.

Rien n’est aussi difficile que pardonner et plus encore s’il s’agit de pardonner, non pas seulement une erreur ponctuelle, une distraction, mais des offenses répétées, jusqu’à septante fois sept fois.

Rien n’est aussi difficile que pardonner, surtout s’il s’agit de pardonner « du fond du cœur », ce qui suppose une guérison intérieure ! Il y a là quelque chose qui dépasse la mesure, qui est plus que de l’héroïsme, qui dépasse la nature humaine.

«  Dieu seul peut pardonner » disent les ennemis de Jésus. Je pense qu’ils disent vrai, mais pour d’autres raisons que ce qu’ils pensent, ce n’est pas une simple question d’autorisation. Dieu seul peut pardonner, parce que pardonner est impossible. Or Dieu est le maître de l’impossible, acteur de libération au cœur du génocide, auteur de la vie, au fond du tombeau. Dieu seul peut pardonner parce que Dieu seul est capable de pardonner, de ressusciter. Dieu peut ouvrir un avenir là où il n’y a plus de futur. Il peut créer du nouveau là où tout est fini. Il pardonne à Pierre et lui redonne sa confiance. Il pardonne à Paul qui persécute les chrétiens et lui donne mission d’évangéliser les païens. Quand des êtres ou des peuples se réconcilient, l’histoire peut se poursuivre à nouveau.

Mais attention, nous dit Jésus, Dieu peut-il remédier au refus d’entrer dans le pardon ? Peut-il sauver du refus délibéré d’un être humain, de participer à la dynamique du pardon ? Peut-il pardonner le blocage têtu de se laisser entraîner dans le Souffle de la réconciliation ? Peut-il contraindre à la vie ? Peut-il obliger à la liberté ?

Pardonner, comme le mot l’indique bien, c’est donner à nouveau. S’il s’agit d’une dette, je vous remets votre dette, je transforme en don ce qui était un prêt. Cela je peux le faire à l’infini, si je suis d’une richesse infinie. Mais s’il s’agit de plus qu’un don ? S’il s’agit du don de donner ? S’il s’agit du don d’aimer ? Dieu peut-il donner le don de donner à qui refuse de donner ? Dieu peut-il donner l’amour à qui refuse d’aimer ? Dieu peut-il donner la liberté à qui refuse de libérer ?

23ème dimanche ordinaire

Auteur: Laurent Mathelot
Date de rédaction: 10/09/17
Année: 2016-2017

Vous connaissez sans doute l'expression « qui aime bien châtie bien ». C'est un peu de cela dont il s'agit aujourd'hui dans les lectures. Pour autant que châtier s'entende, non pas tant comme « infliger une peine » que « corriger, rendre plus correct, meilleur ». Qui aime bien, sait comment bien corriger.

L'Évangile de Matthieu nous présente aujourd'hui ce qu'il est convenu d'appeler les étapes de la correction fraternelle. Il expose comment, entre nous, nous corriger. Et mis de la sorte en perspective avec le passage du livre d’Ézéchiel que nous venons de lire, se développe même l'idée d'une obligation morale à corriger. « Si tu ne lui dis pas d’abandonner sa conduite mauvaise, lui, le méchant, mourra de son péché, mais à toi, je demanderai compte de son sang ». Est-ce à dire que l’Écriture nous invite à devenir des redresseurs de torts, voire des dénonciateurs zélés ? Oui et non. En tous cas, face au mal, elle nous interdit la passivité. L'apocalypse qui est également un texte qui traite de la confrontation avec le mal dira à l’Église de Laodicée : « parce que tu es tiède – ni brûlante ni froide – je vais te vomir de ma bouche. » [Ap 3, 16].

Que faire lorsque nous sommes confrontés au mal que fait autrui ? Se taire ? Parler ?

Le récent scandale de la pédophilie qui a touché notre Église est, à cet égard, particulièrement éloquent. Nous le savons : des enfants furent sexuellement humiliés par des prêtres, leurs vies brisées. Et pour l'essentiel, l’Église s'est tue.

« Parce que tu es tiède, je vais te vomir de ma bouche. »

Maintenant, nous voyons les dégâts d'un silence complice : c'est la crédibilité de toute l’Église – et donc la nôtre, ici aussi – qui a été sévèrement atteinte par cette volonté coupable de dissimuler un mal que le commandement divin demandait pourtant d'affronter : « ce que vous avez fait à l’un de ces plus petits, c’est à moi que vous l’avez fait » [Mt 25, 40].

Chaque fois que l’Église s'est tue face au mal commis par l'un des siens s'est appliquée la parole d’Ézéchiel : « le méchant, mourra de son péché, mais à toi, je demanderai compte de son sang ».

La honte est un sentiment complexe dont les synonymes se partagent entre humiliation et remord. La honte est un sentiment qui ne touche pas seulement l'agresseur, mais aussi bien souvent la victime et son entourage. La honte est un sentiment intrinsèquement attaché au péché et à tous ceux qu'il affecte. Et c'est la honte – la peur du « qu'en dira-t-on ? » – qui pousse au silence. C'est bien la honte, personnelle et collective, qui nous incite à dissimuler le péché.

L'amour, lui, n'a pas honte.

On comprend que la charité chrétienne – ni même le pardon – ne consistent à fermer les yeux sur le mal qui est commis. On comprend même qu'il nous est interdit de nous taire face à l'injustice – en particulier l'injustice dont nous sommes nous-mêmes victimes. Le texte dit : « Si ton frère a commis un péché contre toi, va lui faire des reproches seul à seul ».

C'est sans doute une attitude difficile pour beaucoup de victimes, d'affronter encore leur agresseur. Aussi difficile à entendre que le commandement d'aimer ses ennemis. Mais c'est une attitude nécessaire, pour justement se délivrer de la honte d'un péché qui n'est pas le sien et que l'on a pourtant subi.

L'amour n'a pas honte et l'amour n'a pas peur.

Si on suit Paul dans sa vision de la Loi comme l'odieux catalogue de péchés qu'elle sanctionne, on voit qu'au-delà du mal, l'Évangile offre une méthode pour réhabiliter le pécheur dans l'amour. Aller trouver celui qui nous a offensé, c'est déjà le maintenir humain, digne de considération et ce, parfois, au prix d'un effort considérable. Ce n'est en effet pas évident, à mesure d'ailleurs du mal subi, de souhaiter rendre dignité à celui qui nous a offensé.

Impliquer deux ou trois voire la communauté, s'il refuse de reconnaître sa faute, c'est persévérer encore dans cette voie de reconnaissance humaine et de relèvement. Paul a raison, la Loi, la sanction ne suffisent pas : encore faut-il une démarche de réhabilitation de la relation blessée. Comme le souligne l’Épître aux Romains : l'accomplissement de la Loi ce n'est pas la sanction, c'est l’amour.

On comprend finalement que le pouvoir de lier et de délier sur la terre comme au ciel, si souvent interprété comme une licence divine à administrer dès ici-bas les réalités d'en-haut est plutôt de l'ordre du devoir. Il s'agit de désirer ne laisser personne lié à son propre péché, pas même ceux qui nous agressent.

Enfin, de tout ceci, nous pouvons tirer des leçons pour notre propre vie spirituelle. Nous sommes nous-mêmes victimes de notre péché ; le mal que nous faisons nous nuit aussi personnellement. Ainsi l'Évangile nous invite aussi à la compassion envers le pécheur que nous sommes. Il nous incite à avoir un véritable dialogue intime avec nous-mêmes à propos des maux que nous nous infligeons et à maintenir vivant un désir authentique de toujours nous en relever. C'est de là qu'émane le désir de se confesser. J'ose un abus de langage : à mesure que croit sa vie spirituelle, le chrétien aime avoir honte de confesser son péché comme il s'agit de trouver bonne une pilule amère parce qu'on a conscience de la guérison qu'elle apporte.

Face aux maux qui nous agressent – du fait d'autrui ou de nous-mêmes – notre rôle est d'être toujours, à tous égards, des facilitateurs de relèvements, de résurrections.

22ème dimanche ordinaire

Auteur: Didier Croonenberghs
Date de rédaction: 3/09/17
Année: 2016-2017

« Si quelqu’un veut venir à ma suite, qu’il se renie lui-même, prenne sa croix, et qu’il me suive. »

Pour bien des personnes, ce verset est scandaleux… et j’imagine que, comme moi, vous avez quelques difficultés avec la promotion de l’abnégation, du martyre ou de la dépréciation de soi. Mais si nous sommes ici, c’est qu’il y a au fond de vous un parti pris absolu. Nous osons croire que toute Parole d’Évangile est réellement une bonne nouvelle : toute page d’évangile nous est donnée pour notre croissance. Alors, si Jésus nous invite à nous « renier nous-mêmes et porter notre croix », c’est qu’il y a là une perspective de joie et de liberté.

Pour poser un tel regard sur cette invitation du Christ, il me semble qu’il nous faut bien lire ce verset au complet.  « Se renier soi-même » doit s’accompagner de « prendre sa croix ».

Prenons tout d’abord la première partie de ce verset. « Qu’il se renie lui-même ». Quel sens mettre derrière cet appel du Christ ? N’est-ce pas avant tout une invitation à l’apprentissage du deuil ? En effet, toute croissance est ponctuée de pertes successives. Toute avancée dans l’existence s’accompagne inévitablement d’un détachement. Pour cela, il faut un réel acte de foi : celui de croire que le renoncement à certaines parties de notre existence peut de lui-même s’accompagner d’un surcroit de vie. Se renier soi-même n’a de sens que pour un surcroit de vie. C’est donc du patient travail de deuil qu’il est question derrière « le renoncement à soi-même ». Il s’agit bien de mourir à ce qu’on n’est plus pour renaître à ce qu’on peut devenir. C’est cela marcher à la suite du Christ : ouvrir des perspectives. Il ne s’agit pas de répondre simplement à la question « Consens-tu à lâcher cela ? » mais bien « Es-tu prêt à te séparer de ce qui t’empêche d’aller plus loin ? » Notre monde, nous le savons bien, n’aime pas les renoncements. Prenez par exemple le cas des addictions, des dépendances et des assuétudes. Que ce soit une dépendance à une personne, un produit, ou un comportement. Ces dépendances sont le symptôme de quelque chose de profond : le besoin de renforcement de soi. Etre dépendant, c’est donc croire erronément que tout renoncement s’accompagne d’une vie davantage difficile…

Tout au contraire, le chemin que nous propose le Christ est un chemin de liberté, d’indépendance. Pour cela, il faut porter notre croix. Et voici la deuxième partie de notre verset.
 

Avouez aussi que l’expression est un peu doloriste. Toutefois, comme le fait remarquer Lytta Basset, théologienne suisse, la traduction classique de ce verset rend imparfaitement le grec. Plutôt que de « porter » ou « prendre » sa croix comme un poids, il s’agit en réalité de « lever », de « mettre en mouvement », de « soulever » sa croix. « Si quelqu’un veut me suivre, qu’il renonce à lui-même, et qu’il élève sa croix » devrions-nous dire. Il ne s’agit donc pas de porter sa croix au sens de subir le poids, mais « lever, élever ». Et cela change tout !

Elever sa croix, ce n’est pas la faire porter aux autres ou par les autres. Elever sa croix, c’est prendre sa vie en mains, lui donner de la hauteur. Prendre sa vie en main, c’est donc l’accueillir telle qu’elle est. Voilà donc l’expérience que nous avons à faire tous les jours : faire mourir une partie de nous-mêmes —un petit peu d’égoïsme qui nous tire vers le bas— pour élever notre vie, pour avoir une vie plus pleine de vie ! Soulever sa croix, c’est par conséquent une démarche quotidienne de renoncement à tout ce qui nous tire vers le bas. Elever sa croix, c’est prendre de la hauteur sur sa vie, c’est prendre ses échecs en mains, oser les regarder.  Non pas en les justifiant, mais en disant qu’il y a de l’inexplicable qui peut être franchi, de l’échec qui peut être traversé, une impasse qui peut devenir paradoxalement féconde. Elever sa croix, c’est mettre, remettre sa vie en mouvement.

Voilà pourquoi le sens ne jaillit réellement que si nous lions bien ce verset au complet.  « Se renier soi-même », faire des deuils féconds, doit s’accompagner de « l’élévation de la croix », d’une prise de hauteur sur sa vie. Alors, si tel est l’appel qui nous est lancé aujourd’hui, réjouissons-nous et ne tentons pas de prendre la croix des autres —c’est cela faire obstacle comme Pierre l’a fait avec Jésus—, mais soulevons notre croix, une croix de vie, une croix de résurrection ! Nous voilà donc aux antipodes de l’interprétation première. Prendre sa croix, c’est tout l’inverse de sacrifier sa vie. C’est la rendre sacrée… en la donnant, en la mettant en mouvement jusqu’au bout. Alors, quelles que soient nos difficultés, voulons-nous nous sacrifier, porter cette vie comme un fardeau, ou bien donner de la hauteur à notre existence ? A chacun et chacune d’y répondre.

Sources : Lytta Basset : La joie imprenable pp. 218-227
Marion-Muller Collard : Commentaire du 22 dimanche ordinaire année A (site www.Reforme.net).

22ème dimanche ordinaire

Auteur: Philippe Henne
Date de rédaction: 3/09/17
Année: 2016-2017

            Pauvre Pierre ! Il s’est bien fait cassé aujourd’hui.  Dimanche dernier, c’était lui qui, avec une spontanéité toute particulière, s’était exclamé : « tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant ! » Et Jésus l’avait félicité et lui avait donné le pouvoir des clefs, le pouvoir de lier et de délier.  Et voilà qu’aujourd’hui le Christ le traite de Satan.  Pourquoi ? Parce que Pierre n’a rien compris et qu’il a tout détruit.  Quand Jésus a évoqué sa mort prochaine, Pierre a réagi violemment : « Non ! Jamais cela ne se fera.  Je serai là pour te défendre et te sauver. »

            C’est étrange, cette capacité que nous avons de détruire.  Mettez deux enfants, deux garçons dans une salle où il y a cent quarante-deux camions rouges, tous identiques.  Il suffit qu’un des garçons se mette à jouer avec un de ces camions pour qu’aussitôt l’autre garçon veuille jouer avec le même camion et c’est la dispute.  Et c’est la même chose dans la Bible.  Dieu crée l’homme et la femme, et c’est aussitôt le péché originel et le fratricide.  Oui, le premier acte accompli par l’homme dans la Bible, c’est le meurtre, le meurtre de Caïn commis sur Abel.  Dieu arrache son peuple de l’esclavage en Egypte et il le conduit à la montagne sainte où il fait alliance avec lui, et c’est au même moment que le peuple élu se forge un veau d’or et se met à l’adorer.  Jésus naît dans une crèche.  Dieu se fait homme et vient partager notre existence et, au même moment, le roi Hérode fait massacrer tous les nouveau-nés de la région.  Oui, il y a en nous une force de destruction.  C’est comme si nous étions incapables de recevoir l’amour, le vrai amour.

            C’est pour cela que Jésus interdit à ses disciples de dire aux autres qu’il est le Messie, le Fils du Dieu vivant.  Parce que alors tout le monde aurait cru que c’était la libération politique que Jésus allait apporter.  C’est pour cela que Pierre refuse que Jésus parle de sa mort prochaine.  C’est pour cela que les fils de Zébédée demandent à Jésus les meilleures places dans le gouvernement royal que Jésus allait instaurer. 

            Oui, on détruit les plus belles choses autour de soi.  Un homme, une femme nous parle incidemment d’une chose qui le fait particulièrement souffrir et nous balayons cette confidence, un appel au secours par une boutade, par une remarque ironique.  Il y a des choses trop belles pour être dites.  Même dire que Dieu est amour, cela ne devrait être révélé qu’après de longs moments de silence et de vérité.  Oui, Dieu se donne dans cette eucharistie.  Cela ne devrait être reçu que dans un immense mouvement de reconnaissance et d’humilité.  Qui sommes-nous pour être aimés ainsi ?

Alors peut-être pouvons-nous espérer retrouver cette même fraîcheur, cette même simplicité de cœur qui poussa Pierre à dire : « tu es le Fils du Dieu vivant », « tu sais comme je t’aime. » Débarrassé de nos petites ambitions humaines de gloire et d’intelligence nous pourrons alors rayonner de toute la lumière de l’amour de Dieu pour chacun d’entre nous.

21ème dimanche ordinaire

Auteur: Philippe Henne
Date de rédaction: 27/08/17
Année: 2016-2017

            Je voudrais aujourd’hui m’attacher à la figure de saint Pierre.  Il est au centre de l’évangile d’aujourd’hui et il mérite quelques secondes d’attention.  Je vous voudrais retenir trois événements de sa vie. 

            Le premier événement, c’est sa trahison.  Et oui ! par trois fois, saint Pierre a trahi le Christ.  Et il l’a fait avec autant de spontanéité et de ferveur que lorsqu’il avait promis au Christ de ne pas l’abandonner et de toujours le protéger.  Et oui, saint Pierre, c’est quelqu’un d’entier, pour le meilleur et pour le pire.  « Même si tout le monde t’abandonne, moi, je resterai avec toi pour te défendre ».  Et il l’a fait : saint Pierre a tiré son épée et il a frappé Malchus, un serviteur du Temple.  Mais voilà ! les gardes étaient trop nombreux et ils étaient tous armés d’épées et de bâtons.  Alors saint Pierre s’est enfui.  Nous aussi, nous avons tous beaucoup de courage dans nos paroles et dans nos jugements, mais, quand vient le moment d’affronter les difficultés, nous sommes parfois bien moins courageux. 

            Mais le plus important dans la vie de saint Pierre, ce n’est pas sa trahison, mais c’es le courage et l’honnêteté avec lesquels il reconnaît sa faute.  Vous vous souvenez : c’était à Antioche.  Pierre avait l’habitude de manger avec les chrétiens d’origine juive comme d’origine païenne.  Mais voilà que des chrétiens venus de Jérusalem ne veulent pas manger à la même table que les pagano-chrétiens, et ils entraînent Pierre dans leur attitude de rejet.  Et saint Paul se fâche.  Il accable saint Pierre de violents reproches, car, quand saint Paul se fâche, cela fait du bruit.  Et saint Pierre reconnaît son erreur.  Il se remet à table avec des chrétiens d’origine païenne, avec les étrangers.  Saint Pierre a accepté cette humiliation faite en public. 

            C’est incroyable ! Nous, nous refusons le plus souvent de reconnaître nos erreurs.  Nous ne supportons pas qu’on remette en doute notre autorité, nos compétences.  Nous préférons même parfois voir une situation pourrir plutôt que reconnaître notre erreur et changer de cap.  Et Pierre, le prince des apôtres, reconnaît son erreur et accepte cette humiliation publique.  S’il est capable de faire cela, c’est parce qu’il plonge au plus profond de lui-même et qu’il trouve l’essentiel de sa vie. 

            Et c’est le troisième événement de la vie de saint Pierre : sa conversation avec Jésus aux bords de la mer de Tibériade.  C’est après la résurrection et Jésus demande par trois fois : « Pierre, m’aimes-tu ? »  Remarquez que Jésus n’accable pas saint Pierre de reproches.  Il ne lui dit pas : « comment as-tu pu faire une chose pareille ? » Jésus dépasse les petite trahisons et les gros mensonges de tous les jours.  Il va à l’essentiel.  Il nous pose la question de savoir ce que nous voulons faire de notre vie : aller vers les marécages de notre orgueil et de notre égoïsme, ou aller vers l’océan d’amour de Dieu pour chacun d’entre nous.

            Et c’est à chacun d’entre nous que Jésus pose cette question et c’est à chacun d’entre nous d’avoir cette même hauteur de vue sur les autres et sur nous-mêmes.  Soit s’égarer dans les petits méandres de notre vie quotidienne, soit retrouver le grand élan de votre vie à l’intérieur de la vaste plaine de notre histoire.

21ème dimanche ordinaire

Auteur: Didier Croonenbegrhs
Date de rédaction: 27/08/17
Année: 2016-2017

Vous connaissez peut-être la technique de la « navigation à l’estime ». Naviguer à l’estime consiste à calculer approximativement sa position en mer à l’aide d’une boussole rudimentaire, qui portait le nom d’estime. L’estime est donc originellement un mode de calcul de trajectoire qui permettait aux marins d’avoir une orientation plus ou moins précise de leur chemin.

Aujourd’hui, la littérature sur l’estime est absolument débordante. Mais, vous l’imaginez, elle se situe bien évidemment dans les rayons « santé et bien-être » plutôt que dans ceux consacrés à la navigation. L’estime de soi est en effet un concept très à la mode —trop peut-être pour certains— et souvent mal compris. Nous imaginons parfois qu’il s’agit d’une prétention un peu mal placée, incompatible avec l’humilité. Or, il s’agit d’une réalité essentielle pour s’orienter dans la vie. Dans son livre « L’estime de soi pour grandir », le psychopédagogue Bruno Humbeeck, détaille trois composantes cette réalité. L’estime de soi se compose selon lui
- de l’amour de soi (nécessaire pour aimer en retour)
- de l’image de soi (que l’on donne aux autres et qu’on ne mesure pas toujours)
- et de la connaissance de soi.
L’estime regroupe ces trois dimensions et l’essentiel est une question d’équilibre ! Car on peut très bien se connaître, avoir une image précise de soi, sans s’aimer soi-même. Et une personne peut mal se connaître, tout en ayant une haute image d’elle-même.

L’évangile de ce jour nous confronte à toutes ces questions de la connaissance et de l’image de soi. « Pour vous, qui suis-je ? » dit Jésus à ses disciples. « Au dire des gens, qui est le fils de l’homme ? ».

Comme pour nous rappeler que c’est en partie à travers le regard des autres qu’on se découvre soi-même… La connaissance de soi passe en effet par la reconnaissance de l’autre, par le regard de nos proches. Se connaître, c’est fondamentalement se poser la question de ce qu’on donne à reconnaître aux autres, tout en sachant qu’on ne s’y réduit jamais. C’est oser leur poser la question « Qui suis-je pour vous ? »

Toutefois, dans nos relations humaines, nous confondons souvent connaissance et compréhension de soi. Nous sommes des êtres de contradictions. Toutes et tous, ne pouvons faire l’expérience de ne pas comprendre un proche, alors que nous le connaissons fort bien. Il y a en effet plus de chances d’entendre un proche vous dire « je ne te comprends pas », que « je ne te connais pas » ! Bien souvent donc, nous pensons qu’il est nécessaire de comprendre l’autre pour pouvoir mieux l’accompagner. Or, « comprendre », écrira Bruno Humbeeck, n’est pas toujours utile. Au contraire, on peut très bien aimer l’autre sans le comprendre. Dans toute relation, en effet, il est souvent plus avantageux de s'intéresser l'un à l'autre, de chercher à se connaître que de s'évertuer à se comprendre complètement l'un l'autre.

« Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant ! » dira Pierre. Réponse juste, mais qu’il ne comprend sans doute pas réellement. Voilà pourquoi «ce n’est pas la chair et le sang qui lui ont révélé cela», mais le Père. Pierre est ainsi à l’image de nos contradictions, de nos zones d’ombres et de lumière. C’est lui qui dira au bord du lac de Tibériade « Oui, Seigneur, tu sais que je t’aime ». C’est lui qui trahira le Christ, en disant « je ne connais pas cet homme ».

Alors, plutôt que de chercher à saisir, c’est comme si cet évangile, à travers la figure de Pierre, nous glissait ce conseil aussi simple qu’exigeant : n’essayons pas à tous les coups de comprendre notre prochain, notre partenaire, nos amis, nos parents, nos enfants,… Ne tentons pas de déchiffrer ce qu’ils vivent. Cependant, vivons au contraire avec eux ce qu’ils essaient de comprendre eux-mêmes. Accompagnons-les sur leur propre chemin de vérité.

Connaître l’autre, ce n’est pas le comprendre. Et si cela est vrai dans nos relations humaines, cela est d’autant plus vrai avec Dieu. Connaître Dieu, ce n’est pas chercher comprendre. C’est faire place à une sage inconnaissance. Et tel est le message de la lettre aux Romains : « Quelle profondeur dans la richesse, la sagesse et la connaissance de Dieu ! Ses décisions sont insondables, ses chemins sont impénétrables ! »

Toute relation se nourrit donc davantage de curiosité que l'on suscite chez l'autre que la certitude d'être compris par lui. « Et pour vous, qui suis-je ? » Cette question s’adresse à chacun de nous. A chacun d’y répondre. Alors heureux sommes-nous, si le Père inspire nos paroles, et que nous avons une hauteur de vue sur les autres et sur nous-mêmes. Amen.

Assomption

Auteur: Philippe Cochinaux
Date de rédaction: 16/07/17
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A, B, C
Année: 2016-2017

Assomption

Auteur: Philippe Henne
Date de rédaction: 15/08/17
Année: 2016-2017

Je vous invite à méditer le mystère de l’Assomption sous un angle spécial.  La question que je me pose aujourd’hui est de savoir en quoi l’exaltation de la Vierge Marie peut être pour nous aujourd’hui une aide et un exemple pour notre vie de tous les jours.  Et pour cela je voudrais prendre une période difficile de sa vie.  C’est après l’Ascension : le Christ est monté au ciel et les apôtres ont le sentiment d’être abandonnés.  Ils ont surtout un sentiment de culpabilité : ils avaient abandonne Jésus lors de son arrestation.  Ils n’osent pas trop se regarder les uns les autres droit dans les yeux parce qu’ils sont honteux de ce ce qu’ils ont fait.  Et c’est sans doute pour cela que le Christ ressuscité leur dit au début de chaque apparition : « la paix soit avec vous ».  C’est bien entendu la salutation habituelle chez les sémites : shalom en hébreu, salem aleikoum en arabe.  Mais, sans doute, Jésus voulait quelque chose de plus.  Il ajoute d’ailleurs : « n’ayez pas peur » parce que je ne viens pas me venger, je ne viens pas venu vous punir.  Et il y a une seule personne qui peut regarder Jésus ressuscité droit dans les yeux parce qu’elle n’a rien à se reprocher : c’est Marie parce qu’elle est restée jusqu’au bout avec son fils crucifié.  Jean était là aussi.  Mais ce n’est pas autour de Jean que les apôtres se réunissent.  C’est autour de Marie.  Pourquoi ? Pare qu’elle leu a déjà pardonné.

Elle aurait pu crier toute sa haine et son dégoût pour les apôtres.  Ces hommes étaient tellement courageux qu’ils ont déguerpi dès le premier moment de l’arrestation de Jésus.  Oh ! Ils sont beaux, ces lascars ! Quand Jésus faisait des miracles, ils étaient là.  Quand Jésus annonçait un nouveau royaume, ils intriguaient pour avoir la première place.  Mais, quand les soldats sont apparus avec leurs armes, ils ont disparu.  Oui ! Marie aurait pu les écraser de toute son amertume de mère au cœur brisé.  Mais elle leur avait pardonné.  Pourquoi ? Comment ? Parce qu’elle priait.  Parce qu’elle méditait tout cela dans son cœur.

            Eh oui ! depuis le début, Marie est en prière.  Elle guettait la présence de Dieu dans sa vie et elle a reçu la visite de l’ange Gabriel.  Elle méditait tout cela dans son cœur et, quand son fils meurt sur la croix et que son cœur à elle est transpercé de douleurs, elle reste fidèle à la prière.  C’est au cénacle qu’elle s’installe avec les apôtres, et c’est là qu’elle prie. 

Les apôtres n’ose pas évoquer le passé, les bons moments passés avec Jésus, car aussitôt surgissait le souvenir de leurs trahisons.  Non, avec Marie, comme Marie, ils laissaient de côté le poids du passé et espéraient un signe de réconciliation.  C’est comme si, dans la prière, ils voulaient dépasser les sombres nuages de la culpabilité et atteindre le soleil rayonnant de la confiance et de la dignité.  Oui, retrouver la confiance en soi et surtout celle de l’autre que l’on a trahi. Oui, retrouver sa véritable dignité, non pas celle d’un coupable, mais celle d’un enfant de Dieu tendrement aimé. 

Alors vraiment cette première communauté des apôtres autour de Marie est à l’image de l’Eglise réunie non pas par amitié ou par sympathie entre nous (car il y a toujours de l’ambition et de la rivalité entre les hommes), mais réunie par la recherche de Dieu.  Quand, parfois, dans un couple, on ne ressent plus d’amour, ni même de sympathie, c’est dans la prière, dans la recherche de l’amour et de la sympathie de Dieu qu’on peut retrouver la confiance en soi et la confiance dans l’autre.  Faisons donc comme Marie, ou plutôt faisons comme les apôtres autour de Marie : profitons de celle et de ceux qui nous réunissent dans la prière pour retrouver la douceur de la tendresse de Dieu pour chacun d’entre nous.  Alors oui, notre intimité avec Dieu aura un goût d’éternité.