Sixième dimanche de Paques

Auteur: Didier Croonenbegrhs
Date de rédaction: 21/05/17
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année: 2016-2017


En lisant cet évangile de Jean, j’ai comme l’impression d’être face à un vieux disque un peu griffé… comme avec ces 33 tours que j’écoutais encore lorsqu’ils étaient abîmés et rayés. La musique revenait soudainement sur la même parole, sur la même mesure… Vous en doutez peut-être mais, j’ai écouté des disques vinyls dans ma lointaine jeunesse.

Dans ce court passage que nous avons entendu, le mot amour revient 7 fois. Et même les phrases semblent se répéter ! C’est comme si le disque de l’évangile était griffé.
« Si vous m’aimez », nous dit Jésus, «alors vous garderez mes commandements. »
Et quelques versets plus loin, Saint Jean inverse la phrase : « Si vous gardez mes commandements » nous dit Jésus « alors vous m’aimerez » ! Avouez que ce texte, par sa répétition, a quelque chose d’un peu lassant… Certes, l’amour amène l’amour et il se multiplie quand il se donne. Mais ce discours n’est-il pas connu trop connu ? Ne lui manque-t-il pas quelque chose d’autre pour qu’il soit parlant, signifiant, pour qu’il s’élève, nous élève ?

       « D’ici peu de temps, le monde ne me verra plus » nous dit Jésus. « Moi, je prierai le Père, et il vous donnera un autre Défenseur ».

Face à l’imminence de la séparation, c’est comme si Jésus allait directement à l’essentiel. Et il nous promet ce qui peut justement nous faire sortir de la répétition, du connu trop connu. Ce don, c’est celui de l’Esprit, le défenseur, le créateur, le consolateur. En nous donnant ce Défenseur, il vient mettre du souffle dans nos paroles, sans en avoir l’air. Je ne vous surprendrai pas si je vous dis que nous avons parfois tendance à « éteindre l’esprit » plutôt qu’à lui rendre témoignage. Par nos mutismes, nous l’éteignons, car ce n’est pas lui qui parle, mais il lui qui nous fait parler. Toutefois, il se rend présent lorsque notre parole ou nos gestes redeviennent ajustés, lorsque l’espérance revient là où tout semble désespéré. C’est lui amène de la joie, là où tout semble paralysé. Voilà bien le cœur de cet espérance qui est en nous.

Et la lettre de Pierre que nous avons entendue nous invite à témoigner de cette espérance-là d’une manière particulière: « Soyez toujours prêts », nous dit la seconde lecture, « à rendre compte de votre espérance devant ceux qui vous en demandent compte, avec douceur, et gardant une conscience droite !

Pour témoigner de cette espérance indicible qui est en nous, voilà deux petites clés. Elles sont toutes simples, et pourtant, nous ne les utilisons pas toujours ensemble. Je vous invite simplement à les garder toujours… à l’Esprit ! Il s’agit de la douceur et de la droiture !

La première clé pour se rendre capable de témoigner de l’Esprit est la douceur. La douceur n’a pas bonne presse de nos jours. Dans le langage courant les ‘doux’ sont un peu mou ! Un peu Chavroux et sans goût ! Au contraire, la douceur est cette faculté d’ouverture. C’est elle qui nous donne d’écouter sans juger ce qu’un proche a des difficultés à partager.
La douceur est cette plasticité humaine qui assouplit la raideur des principes, la froideur des arguments. La douceur, c’est fondamentalement cette tendresse, cette non-violence qui désarme sans maîtriser ! Finalement, la douceur est cette capacité d’adaptation aux circonstances, c’est cette faculté de ne jamais être cassant lorsque l’imprévu survient.
Elle est comme cette huile qui vient assouplir ce qui est raide et qui s’accommode de nos chemins tortueux. Elle amène souplesse et changement.

Mais nous le savons, dans nos relations, la douceur ne suffit pas toujours. Et il est des moments où cette douceur semble vaine. Il faut alors la seconde clé de la droiture, qui met de la permanence dans l’impermanence de nos sentiments et nos réactions. La droiture nous rappelle qu’il faut parfois une certaine fermeté pour que la douceur passe, qu’il y a des sentiers tortueux qu’il faut rendre droits, qu’il y a ces personnes courbées qui ont besoin d’un tuteur pour se relever…
La droiture est ce qui amène la justice dans la justesse de la relation.
Elle est cette conviction intérieure, mais qui n’a pas pour but de vaincre.

Si vous retirez la droiture de la douceur, il se peut que votre gentillesse ne soit pas juste et vraie. Mais si vous enlevez la douceur à la droiture, il se peut que votre justice ne soit pas ajustée à l’autre tel qu’il est ! Car la douceur est ce qui nous permet de nous adapter à l’autre, alors que la droiture est ce qui nous permet de rester nous-mêmes, quelles que soient les personnes sur notre chemin. La droiture nous donne constance et fidélité.

Voilà pourquoi, dans notre langage d’amour parfois rayé, griffé, nous sommes conviés à conjuguer sans cesse ces deux dimensions : douceur et droiture. C’est cela qui nous rend disposés à accueillir davantage l’Esprit. Cet Esprit de Vérité qui « assouplit ce qui est raide, et qui rends droit ce qui est faussé. » Amen.

Quatrième dimanche de Pâques

Auteur: Philippe Henne
Date de rédaction: 7/05/17
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année: 2016-2017

La liturgie peut avoir des expressions très poétiques, mais elle ne sont pas toujours très flatteuses. Voilà qu’aujourd’hui la liturgie nous compare à des brebis, ces bêtes soumises et bêlantes. Franchement, je ne trouve pas cette comparaison particulièrement flatteuse, ni même agréable. Vous et moi, nous avons d’autres ambitions que celle d’être des moutons soumis à un berger, quel qu’il soit. Les images liées à celle du mouton sont tout, sauf flatteuses. Vous connaissez l’histoire des moutons de Panurge. C’est Rabelais, cet auteur truculent du seizième siècle qui raconte cette histoire. C’est un certain Panurge, qui, furieux contre son voisin, s’empare d’un des moutons du troupeau de son ennemi. Il le jette du haut de la falaise, mais voilà que les moutons de Panurge se précipitent eux aussi du haut de la falaise, et ils entraînent avec eux le malheureux Panurge lui aussi. Et l’histoire, la vraie histoire, celle qui s’écrit avec un grand H, nous a montré que parfois des peuples entiers suivent un chef, un Duce, un Führer, et finalement se précipitent, eux et leurs voisins, vers une catastrophe abominable.

            Est-ce vraiment cela que la liturgie d’aujourd’hui nous invite à imiter ? Particulièrement en ce dimanche de prières pour les vocations ? Certainement pas, mais réfléchissons un instant à ce mot vocation. Nous sommes tous invités partout dans le monde à prier pour les vocations. Mais quel prêtre souhaitons-nous avoir ? Quel religieux ou quelle religieuse souhaitons-nous fréquenter ?
            La première chose que je dirai, c’est qu’il n’y a pas de bon prêtre, ni de bon religieux, c’est-à-dire qu’il n’y a pas de beau modèle ou de bel idéal du prêtre parfait ou du religieux parfait. Consciemment ou inconsciemment, nous avons tous une image un peu molle du bon prêtre ou du bon religieux. Ce doit être quelqu’un qui est toujours gentil, aimable et poli, qui parle avec tout le monde, mais pas trop avec ma femme, qui s’occupe des enfants et des jeunes, mais pas trop, qui doit être cultivé, mais pas trop, autrement je ne comprends qu’il dit. Bref, l’image parfaite du jeune homme ou de la jeune fille de la bonne société bourgeoise du dix-neuvième siècle, qui a passé son adolescence dans un bon pensionnat religieux. Oui, mais si Maximilian Kolbe et Mère Teresa sont des saints, ce n’est pas parce qu’ils furent polis, aimables et gentils. C’est parce qu’ils ont tout donné, parce qu’ils ont quitté leur confort, leurs aises et leurs facilités pour aimer.

            Et c’est là la chose la plus important qui existe pour eux, comme pour nous, c’est être libres de notre confort et notre égoïsme comme le Fils de Dieu l’a été pour quitter le confort du ciel et connaître la trahison sur terre. C’est cette liberté qui caractérise permis à Mère Teresa. Elle a passé toute sa vie dans un pensionnat chic et cher, bien propre. Et, une fois arrivée à l’âge de la retraite, elle s’est mise à soigner des hommes et des femmes qui mouraient dans leur saleté et leurs détritus. C’est cette liberté qui a permis à Maximilian Kolbe de donner tout ce qui lui restait. Les nazis lui avaient pris la liberté. Ils lui avaient interdit de prier avec ses frères. Et lui, il a donné ce qui lui restait, sa vie.

Et c’est à ce moment-là que l’on comprend que prier pour les vocations, ce n’est pas seulement prier pour avoir de bons prêtres et de bons religieux, mais c’est prier pour que chacun d’entre nous, nous puissions réaliser notre vocation de baptisés, d’enfants de Dieu. Nous sommes invités à retrouver la folie de Dieu, celle qui a poussé Jésus à mourir par amour pour nous, à transformer ainsi notre vie non pour éviter tous les ennuis, mais pour pouvoir vivre, libres de notre petit confort et de notre égoïsme, pour offrir aux autres ce que nous avons reçu, l’immense amour de Jésus-Christ pour chacun d’entre nous.

Troisième dimanche de Pâques

Auteur: Philippe Henne
Date de rédaction: 30/04/17
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année: 2016-2017

L’épisode des disciples d’Emmaüs est construit comme une célébration eucharistique. Oui, la rencontre de Jésus avec ces deux disciples se déroule comme une messe. Il y a tout d’abord la liturgie de la Parole : Jésus leur explique l’Ecriture. Il y a ensuite la liturgie du pain : Jésus prend le pain, le bénit et le donne. C’est pour cela que je voudrais aujourd’hui méditer avec vous la première partie du récit : Jésus leur explique l’Ecriture. La liturgie eucharistique fait penser à un repas de fête. Des amis se rassemblent et, avant de passer à table, ils parlent entre eux, ils disent ce qu’ils ont fait, comment ils vont. Cela permet de créer le contact. Parfois même ils évoquent des souvenirs communs. Cela crée une communauté. Il en est un peu de même pendant une Eucharistie. On se rassemble et on évoque celui qui nous rassemble, ce qu’il a fait pour nous. Mais ce n’est pas simplement le rappel d’événements anciens. C’est beaucoup plus que le souvenir. On peut ouvrir un vieil album de photos, c’est émouvant pour les uns, énervant pour les autres. On peut lire les mémoires du Général de Gaulle ou de Churchill, ou même de Jules César.   Cela rappelle des événements, mais cela ne rend pas les personnes présentes comme cela se passe pendant la messe. C’est là toute la différence entre un musée et une église. Un musée, c’est une collection d’objets. Un église, c’est l’occasion de rencontrer quelqu’un, d’être reçu par lui.

            Oui, mais vous me direz : « tout cela, c’est du sentiment. Moi, je peux passer devant une église sans rien ressentir, ou même sortir de la messe sans avoir rien ressenti de spécial. » C’est vrai, mais ce n’est de cela dont on parle. La vie ne se limite pas à ce qui est rationnel d’un côté et sentimental de l’autre. Il y a des choses qui ne sont pas rationnelles et qui sont beaucoup plus profondes que l’émotion superficielle et passagère qu’on peut ressentir. Il suffit de voir la mort du roi Beaudouin. Cela a provoqué une onde de choc incroyable. On ne savait qu’il occupait une place tellement grande dans notre vie. C’est pour cela que je suis un peu embarrassé quand quelqu’un me dit : « voilà ! Ca fait quinze ans que je suis marié et je ne ressens plus rien pour mon conjoint. » Je suis d’accord. Cela fait trente-cinq ans que je suis au couvent et je ne pleure pas d’émotion chaque fois que je célèbre l’Eucharistie, mais je sais que la beauté de ce sacrement nourrit ma vie. C’est comme le Gulf Stream, ce courant marin qui court du Golfe du Mexique à travers l’Océan Atlantique jusqu’aux côtes norvégiennes. C’est lui qui détermine notre temps et notre climat, non seulement pour la Belgique, mais aussi pour toute l’Europe occidentale. Il a une influence bien plus important sur notre vie que les vagues tumultueuses de la mer. Oui, mais, me direz-vous, ce sont ces vagues tumultueuses qui engloutissent les navires et les paquebots. Et je dis : vous avez raison, nous nous laissons souvent entraîner par les flots tumultueux de nos passions passagères, et nous oublions ce qui nous nourrit, ce qui nous transforme, ce qui nous fait vivre.

            Je vais maintenant vous dire le nom de ces deux disciples d’Emmaüs. Le premier, c’est Monsieur Je raisonne tout le temps. Il analyse tout, il ne veut pas se laisser avoir par des sentiments. La preuve, c’est qu’il ne comprend pas pourquoi quelqu’un peut donner sa vie pour lui. « Quel gâchis, se dit-il. Ce n’est pas raisonnable. » Le second, c’est Monsieur Sentiments. Pour lui, il faudrait que tous les jours soient un jour de fête et d’excitation. Il ne comprend pas que Jésus passe tellement de temps à prier tout seul dans son coin. Il faudrait que Jésus soit toujours en train de discuter avec les apôtres et à faire des miracles. Et entre eux deux il y a Jésus. C’est du solide. Ce ne sont pas de grands discours ou de longues réflexions. C’est l’amour qu’il donne. Ce ne sont pas des rires et des cris de joie. C’est sa vie qu’il donne. Et cela il le fait pour l’éternité.

Deuxième dimanche de Pâques

Auteur: Myriam Gosseye
Date de rédaction: 23/04/17
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année: 2016-2017

Depuis un certain nombre de chapitres déjà, l’évangéliste Jean nous parle du cheminement des apôtres dans leur relation humaine çàd à travers leur sens humains, avec le Christ, après sa mort.

 Le cheminement des disciples dans leur relation au ressuscité nous est montré comme assez complexe, entremêlé de moments où ils voient ou entendent certaines choses, suivis ou non de la fulgurance de la foi.

Cela commence par Marie de Magdala qui, voyant que la pierre du tombeau est roulée, imagine sans plus, mais avec douleur, qu’on a enlevé le corps.

Viennent ensuite les deux apôtres, dont il nous est dit que les deux voient mais, que seul ,l’un des deux  croit.

Vient ensuite le passage où, étant restée près du tombeau, Marie de Magdala voit les deux anges et entend le ressuscité l’appeler :  c’est à ce moment qu’elle croit.

Plus loin, en arrivant au récit qui nous concerne, en ce dimanche de la Miséricorde, l’évangéliste Jean nous raconte que Jésus-Christ se montre à voir aux disciples enfermés et se fait entendre d’eux : ils le reconnaissent alors et "sont remplis de joie".

Ensuite Thomas, sur la seule foi de leur parole ne peut croire : il veut voir à son tour, mais plus  précisément, il veut voir les plaies,  attestant,  à ses yeux, qu’il s’agit bien du même Seigneur qu’avant.

Répondant à son désir, Jésus Christ se montre à nouveau et fait voir ces fameuses plaies,  signe suffisant mais nécessaire à la foi de Thomas

Deux éléments peuvent être relevés, me semble-t-il, dans ces récits de post- résurrection :

  • - Tout d’abord, chacun voit et entend ce qui lui est important et les signes nécessaires aux uns   ne seront pas les mêmes que ceux importants pour d’autres,
  • - Ensuite, l’évangéliste nous montre que le ressuscité ne lésine pas sur les moyens pour faire connaitre son état de vivant au-delà de la mort : à chacun selon son besoin.

Ainsi, l’absence de son corps dans la tombe, malgré tous les enseignements précédents sa crucifixion, n’éclaire pas Marie sur ce qui  arrive : qu’à cela ne tienne, le Christ ressuscité la prépare d’abord par la vision de deux anges, nous dit l’évangéliste, et il va ensuite jusqu’à l’appeler par son nom, ce qui semble être le choc nécessaire pour croire.

Plus tard, Il vient jusqu’aux disciples qui se cachent,  à au moins deux reprises et accède à leur besoin de signes probants pour croire.

Malgré tout, le ressuscité, parlant à Thomas, semble insister sur le bonheur de croire sans tous ces signes si caractéristiques, ces signes directement t visuels ou auditifs.

Il insiste donc sur  la merveille de croire sur la foi de la parole d’un autre.

Serions-nous donc bien des privilégiés, nous qui tentons de lire avec foi aujourd’hui, ces paroles d’un autre ? En tout cas, Jésus semble le dire.

Ces récit, quant à eux, en dehors de la multiplicité des signes qui sont donnés et de la complexité de la manière dont chacun les verra et croira,  nous montrent donc aussi la grande patience et l’infinie bonté du Seigneur à l’égard de notre difficulté à croire.

Si l’évangéliste nous affirme encore à la fin de ce récit que « ces textes ont été écrits pour que vous croyiez que Jésus est le Fils de Dieu, et pour qu’en croyant, vous ayez la vie en son nom », c’est que la foi en la résurrection est vitale pour chacun de nous. Ainsi donc, cela indiquerait pourquoi le Christ montre une telle insistance.

Aussi, si ces récits insistent tant sur la manière personnelle que le Christ  a de répondre à la nécessité de chacun de ses disciples, nous pourrions penser qu’il en fait de même aujourd’hui encore, pour nous. Ne pourrions-nous déduire donc que le Christ, avec patience et miséricorde, accède encore aujourd’hui à nos moyens propres d’arriver à la foi.

Non seulement juste après Sa résurrection mais à chaque siècle, semble-t-il, des signes furent donnés, à travers les mystiques et visionnaires chrétiens, éclairant de façon particulière et nécessaire à ce siècle, ce que les évangiles annonçaient.

En ce dimanche de la miséricorde, il est particulièrement important de souligner, cette infinie bonté du Christ, qui avec patience et amour, revient à travers les différents mystiques entr’autres, nous expliciter encore et encore, différents aspects de sa personne.

Le XX ème siècle ne fut pas seulement un siècle de fer, mais au-delà de ces ténèbres, il fut aussi et sans doute à cause de cela  -  comme l’ont rappelé le saint pape  Jean-Paul II et  le pape François -  un siècle de mystiques annonçant  la miséricorde de Dieu pour nous.

Depuis  plus d’un siècle, Ste Thérèse à  Lisieux, Ste Marie Alacoque à Paray Le Monial ou  Ste Faustine Kowalska en Pologne, pour ne citer que les mystiques connus et reconnus, ont rappelé, à travers leur vie et leurs visions, l’infinie Miséricorde du Christ.

Croyons-nous que le Seigneur puisse aujourd’hui encore, donner des signes renouvelés de sa présence miséricordieuse pour chacun de nous, des signes qui renouvellent nos raisons de croire et vivifie notre espérance.

 Et par ailleurs, arrivons-nous encore à croire, sur la simple foi de leur parole, en une époque rationnelle, que ces mystiques ont bien vu et entendu le Seigneur ressuscité Lui-même ?

Croyons-nous, qu’à travers eux, le ressuscité nous fait signe aujourd’hui encore ?

 Croyons-nous qu’Il est toujours là et qu’Il ne nous oublie pas ?

Deuxième dimanche de Pâques

Auteur: Philippe Henne
Date de rédaction: 23/04/17
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année: 2016-2017

La scène de Thomas l’incrédule est bien connue de tout le monde, même des non-croyants.  L’expression : « je ne croirai pas tant que je n’aurai pas touché » est tellement populaire que certains l’utilisent sans même connaître l’histoire biblique.  Et pourtant aujourd’hui je ne voudrais pas parler de saint Thomas,  mais des plaies de Jésus.  Oui, les plaies de Jésus restent marquées dans son corps ressuscité.  On pourrait imaginer que le corps ressuscité serait un corps glorieux, sans tache, ni défaut.  Mais non ! Le corps ressuscité de Jésus porte les traces de son supplice et de sa mort.  Et c’est même cela qui permet à Thomas d’identifier Jésus.  Nous allons garder nos cicatrices, comme nos défauts, dans l’au-delà parce que cela fait partie de nous.  C’est avec cela que nous avons bâti notre vie : les unes étaient blondes et on s’est moqué d’elles parce qu’elles étaient blondes, les autres sont chauves et on s’est moqué d’eux parce qu’ils étaient chauves.  Cela fait partie de leur vie.  Les uns sont daltoniens, manchots ou sourds, et ils ont dû vivre avec ce handicap.  Et je trouve important que Jésus ressuscité porte les plaies de son supplice parce que cela veut dire que c’est à travers, et non pas malgré ses blessures, que Jésus a réussi sa mission : sauver les hommes.  Nous, nous voudrions éliminer tout ce qui nous empêche de nous épanouir : nos handicaps, nos limites, notre conjoint.  Et Jésus ressuscité nous montre qu’on peut réussir sa vie à travers ses limites, et non pas malgré nos handicaps. 

            Je me suis souvent demandé à quoi je pourrais comparer mon corps, mes facultés intellectuelles, ma structure psychologique par rapport à ma vocation religieuse et à mon amour pour Dieu.  J’ai souvent pensé à un abat-jour.  Vous savez ce morceau de tissu pendu autour de la lampe de chevet.  C’est là pour atténuer la brillance et l’éclat de la lumière.  Il y en a de très jolis, avec des dessins de toutes sortes et, même paraît-il, avec un gros nounours et un petit lapin.  Et donc c’est à travers ou à côté de cet abat-jour que la lumière passe, c’est –à-dire que c’est à travers ou à côté de mon corps, de mon âme et de mon esprit que l’amour de Dieu passe.  Mais je n’aime pas cette image parce que mon corps, mon âme et mon esprit seraient comme des obstacles au rayonnement de l’amour de Dieu.

            Il y a peut-être une autre image plus audacieuse, mais essayons-la.  Ce serait l’image d’un vitrail.  Vous savez, ces grandes fenêtres qui percent les murs de l’église.  Elles sont formées de centaines de petits morceaux de verre de couleurs toutes différentes, et, quand tout va bien, elles forment une belle image d’un saint ou d’un épisode biblique.  Et ces morceaux de verre sont tantôt noirs, tantôt gris, tantôt jaunes, etc.  Nous avons nous aussi des parties de notre cœur qui sont bien sombres et bien tristes.  Nous avons aussi de beaux côtés tout rayonnants de vie et de clarté.  Mais tout cela ne devrait pas arrêter pas la lumière rayonnante de l’amour de Dieu qui éclaire l’intérieur de notre cœur.  Mais, hélas!, parfois la poussière de l’ennui et de la solitude recouvre les verres de notre cœur.  Et il y a aussi parfois la boue du désespoir et de la tristesse qui assombrit tous ces petits morceaux.  Et c’est pour cela que nous sommes ici pour nettoyer le vitrail de notre cœur à l’eau claire de l’amour de Dieu, et pour laisser la lumière de son amour faire chanter les couleurs de notre cœur.

            Oui, les plaies font partie de notre vie.  Ce n’est pas malgré elles, mais à travers elles que nous pouvons communiquer l’amour que nous avons reçu.  C’est comme le regard malicieux qui brille dans les yeux d’une vieille religieuse.  Les rides qui plissent son visage ne sont pas les marques de l’amertume ou de regret, mais ce sont les sillons que Dieu, dans son amour, a creusés dans son cœur et sur son visage.  Elle est jolie, cette amoureuse de Dieu. 

Dimanche de Pâques

Auteur: Philippe Henne
Date de rédaction: 16/04/17
Temps liturgique: Triduum pascal
Année: 2016-2017

Et nous voilà arrivés à la grande fête de Pâques. Après la longue préparation du carême, après les longues célébrations des Jeudi et Vendredi Saints, et de la Veillée pascale, nous sommes arrivés au jour de Pâques.  Mais ce n’est pas fini.  C’est le temps pascal qui commence maintenant avec les fêtes de l’Ascension, puis de la Pentecôte qui s’annoncent.  On a parfois l’impression qu’on en rajoute toujours un peu, et qu’on risque d’oublier l’essentiel.  Car toutes ces fêtes ne font que développer un seul et grand mystère : celui de la manifestation de Dieu dans notre vie.  Oui, il s’est passé quelque chose après la mort de Jésus, quelque chose de fort, de tellement fort que les témoins ont eu du mal à l’expliquer. La preuve, c’est qu’il faut trois fêtes pour l’exprimer : la Résurrection, l’Ascension et la Pentecôte.  Oui, ce sont trois aspects d’une seule expérience.  Jésus est vivant, mais pas comme Lazare qui est sorti du tombeau.  Jésus est vraiment Dieu.  Il est là, dans les cieux, assis à la droite du Père.  C’est tellement incroyable, inimaginable qu’il nous faut recevoir la grâce de Dieu, la grâce de l’Esprit Saint pour pouvoir l’imaginer.  Le mystère de la Résurrection de Jésus-Christ est tellement grand qu’il nous faut l’approcher sous des angles différents. C’est comme le mariage.  Est-ce qu’on a besoin d’une alliance pour s’aimer ? Est-ce qu’on a besoin d’un banquet pour dire qu’on s’aime ? Est-ce qu’on a  besoin d’une robe blanche pour qu’on vive ensemble ? Le mystère de l’amour est tellement grand qu’on a besoin de signes pour en apercevoir un aspect.  Pâques, l’Ascension, la Pentecôte nous parlent d’un seul et même événement, d’une seule et magnifique rencontre, celle d’un homme vivant (c’est Pâques), qui est vraiment Dieu (c’est l’Ascension) qui transforme notre vie (c’est la Pentecôte). C’est la même chose avec le baptême.  Le prêtre verse de l’eau bénite sur la tête de l’enfant en prononçant les paroles sacrées.  Ça suffit.  L’enfant est baptisé.  Et pourtant la liturgie y ajoute trois rites complémentaires : l’onction, le vêtement blanc et le cierge, parce que nous avons besoin de gestes et de signes qui ouvrent notre cœur et notre intelligence aux multiples facettes de ce mystère.  L’enfant est consacré par l’huile sainte comme le fut le roi David.  Il est revêtu de la robe blanche comme les élus qui sont auprès de Dieu selon le livre de l’Apocalypse.  Il reçoit le cierge allumé parce que toute sa vie, tout notre vie est éclairée par cet amour de Dieu, et que nous sommes appelés à rayonner de cette présence éternelle. Oui, la fête de Pâques, c’est beaucoup plus que la résurrection d’un mort.  C’est la manifestation de sa divinité et l’envoi de son Esprit en chacun d’entre nous. Méfions-nous ! Ne cherchons pas Dieu là où Il n’est pas, dans un tombeau, dans les lieux vides et froids de notre passé.  Dieu n’est pas là où nous le croyons, mais Il est toujours auprès de nous, vivant pour l’éternité.

Vendredi Saint

Auteur: Philippe Henne
Date de rédaction: 14/04/17
Temps liturgique: Temps du Carême, Triduum pascal
Année: 2016-2017

Et voilà ! C’est fini.  Il est parti.  Le tabernacle est vide.  L’autel est nu.  Il n’y a plus de fleurs, ni de bougies.  Il n’y a plus que le vide, le vide laissé par le départ. Vous ne trouvez pas qu’on en fait un peu trop.  La vie n’est déjà pas très amusante, et voilà qu’on nous rajoute une cérémonie triste et déprimante.  Est-ce que l’Eglise a décidé de jouer sur le pathos pour faire venir des gens ? Est-ce que la liturgie veut nous émouvoir et nous faire pleurer ? Eh bien, non, parce qu’il y a une grande différence entre la vérité et la sensiblerie. La sensiblerie, c’est ce qu’on voit à la télévision au journal télévisé, quand on nous montre des hommes et des femmes rescapés de leur traversée de la mer Méditerranée.  La sensiblerie, c’est quand on nous montre le cadavre d’un enfant sur une plage, et que rien ne change. La vérité, c’est quand on est à ce point bouleversé qu’on est prêt à changer, pas seulement changer les autres, mais se changer soi-même.  Dans l’Evangile selon saint Luc, on nous parle d’un centurion qui se dit : « sûrement cet homme était un juste. »  Croyez-vous qu’après cela il continuera à vivre comme avant ? Non, il y a quelque chose qui a été bousculé en lui.  Il ne regardera plus la vie comme avant.  Il ne regardera plus les autres de la même façon. Oui, le monde et notre cœur sont bien vides quand on a enlevé Dieu.  Et on enlève Dieu quand on se bat pour avoir la meilleure place, quand on se bat pour avoir raison.  Rendons à Dieu sa vraie place, au centre de notre vie.  Nous qui sommes perdus dans un vaste univers sans frontière, perdus dans une petite ville dans un petit pays, Dieu donne à chacun d’entre nous ce qu’il a de plus précieux, son propre Fils.  Ça, ce n’est pas de la sensiblerie.  Ça, c’est la vérité.

Dimanche des Rameaux

Auteur: Philippe Henne
Date de rédaction: 2/04/17
Temps liturgique: Temps du Carême
Année: 2016-2017

            La liturgie de ce dimanche des Rameaux est un peu compliquée, mais riche en enseignements. Elle associe deux événements fort différents : l’entrée triomphale de Jésus à Jérusalem et sa pathétique crucifixion. En fait, aujourd’hui, dimanche, il ne faudrait célébrer que l’entrée triomphale de Jésus. C’est vendredi que nous célébrerons la crucifixion. Mais les organisateurs de la liturgie savaient que les gens travaillent le vendredi et que donc les chrétiens n’auraient pas la possibilité d’entendre le récit de la Passion. Et cette concomitance de ces deux célébrations aujourd’hui est riche d’enseignements théologiques.

            Il y a tout d’abord cette proximité entre la gloir et le succès d’une part et d’autre l’échec et la mort. Ne dit-on pas que la roche tarpéienne est proche du Capitole ? Cela rappelle un événement dans l’histoire de la République romaine. Tarpeia avait sauvé Rome en entendant les oies crier à l’arrivée des envahisseurs, mais il prit une orientation politique qui révolta le peuple, et il fut précipité du haut d’une roche qui porte son nom, la roche tarpéienne. Cruelle dérision que la destinée humaine ! L’échec et l’humiliation sont bien proches du succès et de la gloire.

            Et c’est là la deuxième leçon de cette liturgie. L’entrée solennelle de Jésus n’a duré qu’un bref instant : à peine dix lignes dans le texte sacré de l’Evangile. La Passion et la mort de Jésus ont duré bien plus longtemps : presque dix pages. Et c’est vrai que les lauriers de la gloire se fanent bien vite sur notre tête tandis que les cruelles blessures de nos échecs et de nos erreurs restent longtemps, bien longtemps douloureuses et sensibles.

            Et c’est cela que Jésus, le Fils de Dieu, a voulu partager avec nous : la gloire éphémère de nos succès et la cuisante blessure de nos échecs. Elle est bien lourde à porter, cette mauvaise réputation – justifiée ou injustifiée – que certains se plaisent à rapporter et à entretenir contre chacun d’entre nous. Mais le plus beau personnage dans toute cette tragédie, n’est-ce pas le bon larron ? Ecrasé par la souffrance, rejeté et abandonné de tous, il a encore la force de faire confiance en Jésus, cet inconnu. « Souviens-toi de moi quand tu seras dans ton royaume. » N’est-ce pas là la plus belle que nous puissions dire à Dieu : « souviens-toi de moi » ? Et tout sera transformé.

5me dimanche de Carême

Auteur: Didier Croonenberghs
Date de rédaction: 2/04/17
Temps liturgique: Temps du Carême
Année: 2016-2017

5ème dimanche de Carême Lorsqu’une épreuve se présente, comme pour Marthe et Marie, nous fuyons parfois la réalité du présent. Nous refusons notre fragilité, l’inéluctable, les évidences. Lorsqu’une telle douleur survient, il peut nous arriver de refaire l’histoire, de survivre en nous remémorant un passé : « Seigneur, si tu avais été là, Lazare ne serait pas mort ». Il peut nous arriver aussi de prendre la fuite en avant, dans un futur dont on ne sait rien de certain ! : « Seigneur, je sais qu’il ressuscitera à la résurrection, au dernier jour. » Finalement, Marthe et Marie conjuguent leurs vies dans un passé décomposé, dans un futur simplifié… mais pas au présent. Elles regrettent et elles espèrent, mais elles ne vivent pas le présent. Dans notre monde, il y a tant de personnes qui cessent de vivre au présent, sans pour autant mourir. Des intermittents de la vie en somme ! Or, l’enjeu décisif de toute existence n’est-il pas de mourir vivant, en ayant vécu, en ayant osé aimer ? Sur ce chemin, ne sommes-nous pas comme Marthe et Marie ? Ne nous arrive-t-il pas d’enfermer les autres dans leur passé ? Nos souvenirs ne sont-ils pas leurs tombeaux ? Comment ne pas dépérir comme Lazare lorsque le devoir de mémoire nous enferme, ou qu’une relation nous étouffe ? D’ailleurs, dans l’Evangile, Lazare n’est présenté que dans ses relations aux autres : « Celui que tu aimes », « ton frère », « mon frère ». C’est comme si les liens familiaux, presque fusionnels et possessifs, effaçaient sa personnalité. Seul Jésus s’adressera à lui par son nom, en lui disant « Lazare, sors ! ». L'enjeu de cet Evangile n'est donc pas celui d'un salut après la mort, ou d'une manifestation miraculeuse de puissance, mais avant tout de notre vie avant la mort ! Alors, comment mourir… en ayant vécu cette vie en abondance que le Christ nous propose ? Peut-être en entendant cet appel décisif à sortir de nos terres d’esclavages. Sors de tes histoires passées, comme pour la Samaritaine ; sors de tes aveuglements, comme pour l’aveugle-né ; sors de ce qui t’enferme, des masques et des bandelettes que tu te donnes. Ouvre ton regard sur ton présent ! Roule la pierre de ton tombeau, de ta mémoire, car ta vie sent le renfermé ! Laisse-toi délier et ton quotidien ne conjuguera plus ton passé. Un avenir délié est possible, un chemin de pardon existe pour celui qui y croit. Un meilleur « vivre ensemble » est possible, seulement pour celui qui y travaille. Notre monde multiplie les commémorations. Cela est bien nécessaire pour dépasser certaines histoires douloureuses. Toutefois, au lieu de faire mémoire, nous ressassons souvent le passé par incapacité à ouvrir un futur. L’histoire de Lazare nous invite à justement ne pas faire resurgir le passé, mais à se rendre présent à la vie qui s’offre à nous. C’est aujourd’hui que je vais ressusciter Lazare, Jésus fait-il comprendre à Marthe qui, elle, était coincée dans un avenir sans présent. Jésus permet à chacun de réinvestir le présent, qui est notre véritable patrie, le lieu pour s’épanouir, le bon lieu pour s’investir de tout son être. Pour cela, il nous faut accepter véritablement ce travail de deuil. Dépasser ce que nous avons rêvé pour nous-mêmes et pour nos proches. D’ailleurs, dans l’Evangile de Jean, les proches de Lazare ne parlent pas de lui comme un mort, avant que Jésus ne dise lui-même que Lazare est mort. Un peu comme s'il y avait des morts en nous que nous ne voulons pas voir, mais que le Christ nous invite à regarder lucidement ! Il y a toutes ces morts sociales, ces relations familiales qui étouffent, ces amitiés qui se meurent. Nous avons tellement de facilité à nous enfermer dans nos tombeaux, à conserver des projets qui nous tirent en arrière... Voilà la parole d’encouragement qui nous est adressée ! « Sors ! Meurs à ce que tu n’es plus, pour renaître à cette vie nouvelle qui t’es donnée à chaque instant. » C’est peut-être la chose la plus difficile à accueillir pour un être humain, mais peut-être aussi la plus féconde : ce travail patient et persévérant du deuil ; ce travail d’enfantement, qui précède toute résurrection, qui ne ligote pas l'être aimé dans des liens de possession, mais le délie pour qu'il puisse librement continuer à avancer. Parfois nos larmes —quand il n'y a plus rien à espérer— sont signes de cette eau d'un nouveau baptême. Nos larmes d'enfant, nos larmes de deuil, peuvent conduire à l'enfantement d'un monde nouveau. Elles nous permettent ce deuil fécond. Voilà le mystère de Pâques que nous nous préparons à célébrer. Car c'est en allant vers davantage de vie que nous dépassons la mort, et que nous pouvons renaître à ce que nous sommes, des êtres « habités par l’Esprit de Dieu » (Rm 8:9). Amen.