Noël

Auteur: Philippe Cochinaux
Date de rédaction: 24/12/16
Année: 2016-2017, 2015-2016


Cela faisait maintenant de longues années, qu’ils étaient tous les trois liés par une profonde amitié. Ils aimaient prendre du temps ensemble pour discuter et refaire le monde. Ils se définissaient comme des chercheurs de sens. C’est pourquoi ils écoutaient régulièrement les programmes de Rcf Liège. Ils chérissaient ces moments où ils débattaient sur des questions fondamentales telles que Dieu, la Vie, la mort, la souffrance. Ils avaient l’humilité de reconnaître qu’ils ne détenaient pas la vérité mais qu’ils la recherchaient avec avidité. Ils avaient acquis la conviction que les questions les plus intéressantes restaient des questions et que seules les questions sans intérêt avaient une réponse certaine. Puis, une nuit, alors qu’ils débattaient à nouveau, ils virent une étoile briller plus fortement que d’habitude. Ils se levèrent, et comme tant d’autres, ils décidèrent de la suivre. Après de longues heures de marche, ils arrivèrent devant cette étable et contemplèrent l’enfant posé tendrement dans une mangeoire, entouré de ses parents. La question de la foi leur était à nouveau posée suite à ce qu’ils voyaient. Dieu existe-t-il ? Le premier se dit : « je ne sais pas, mais je crois que oui ». Le deuxième poursuivit sa réflexion : « je ne sais pas, mais je crois que non ». Quant au troisième, il conclut par ses mots : « je ne sais pas et je n’ai pas envie de m’encombrer de cette question ». Ils étaient là, comme nous le sommes, toutes et tous, aujourd’hui, face à ce mystère de l’incarnation, face au mystère de ce Dieu qui s’est fait l’un des nôtres. En cette nuit, sur cette terre, certains se diront « je crois que oui », d’autres « je crois que non » et d’autres encore « ce n’est pas le moment ». Trois attitudes possibles face à ce mystère. Trois attitudes qui nous font prendre conscience que croire, ce n’est pas cesser de réfléchir mais plutôt de commencer à le faire. Nous avons besoin de notre pensée pour préciser notre croyance et trouver les mots justes afin d’arriver à la formuler. En cette nuit, nous sommes invités à faire ou refaire le choix de croire puis de chercher à comprendre ce que nous croyons. Tel est le sens de la foi. Elle ne se confond pas avec notre raison mais elle est éclairée par cette dernière. Ma raison peut douter alors qu’en même temps mon cœur croit. Et cette attitude est normale puisque nous ne pouvons pas prouver Dieu tout en sachant que l’absence de preuve ne fait pas la preuve de l’absence. La merveille de Noël, c’est d’oser accepter que Dieu veut que nous soyons à ce point libre par rapport à Lui, qu’il ne peut être une évidence démontrée par la raison alors qu’en même temps notre cœur peut ressentir sa présence. L’enfant déposé dans la mangeoire vient nous dire tout en douceur que nous ne pourrons jamais le saisir, le maîtriser. Il attend de nous que nous l’aimions et que nous venions auprès de Lui pour donner un sens à notre propre vie. Il nous convie à un cœur à cœur, un cœur humain à cœur divin car c’est au cœur de notre cœur que peut jaillir l’expérience de la foi. Il s’agit d’une espérance et d’une confiance en ce Dieu qui s’est fait l’un des nôtres pour que nous puissions à notre tour participer à sa vie divine. Et c’est peut-être à cet endroit précis que Noël opère un bouleversement, un renversement de nos concepts. Nous aurions pu nous attendre à un Dieu tout puissant de maîtrise et de domination, à un Dieu qui nous dicterait toutes nos conduites afin que nous atteignons un état de perfection. Mais c’est tout le contraire qui se passe. Dieu vient à nous tout petit, tout fragile. Il n’a pas encore l’usage de la parole. Il n’a que son regard d’enfant. Il nous tend les bras pour que nous le prenions dans les nôtres. En cette nuit de Noël, Dieu a choisi de mettre sa vie entre nos mains. Il nous fait confiance. A notre niveau, il peut parfois nous arriver de douter de son existence alors que Lui vient dans l’événement de l’incarnation, nous dire qu’il croit en nous. Oui, la merveille de Noël, c’est de pouvoir se dire que Dieu croit en chacun de nous quel que soit notre chemin, nos doutes, nos errances, nos fragilités. En s’incarnant, il tente le tout pour le tout et vient partager notre humanité avec ses tiraillements, avec ses contradictions, avec ses souffrances. Dieu croit en ce point en nous qu’il est devenu l’un de nous. Réjouissons-nous de pouvoir, à notre tour, croire en un tel Dieu qui croit en nous et par notre propre foi, répondons à cet appel d’amour de vivre notre vie par lui, avec lui et en lui, c’est-à-dire une vie illuminée de cet amour que nous pourrons alors nous offrir les uns les autres. Si c’est vraiment cela Noël, alors à chacune et chacun d’entre vous : un très Joyeux Noël. Amen

4ème dimanche de l'Avent

Auteur: Didier Croonenberghs
Date de rédaction: 18/12/16
Temps liturgique: Avent
Année: 2016-2017, 2015-2016

Il y a des seconds rôles qui occupent parfois des places essentielles… Et l’histoire de Jésus est entourée de deux seconds rôles, appelés Joseph, de deux hommes justes… D’une part, Joseph, l’époux de Marie, dans le récit de l’enfance, et d’autre part Joseph d’Arimathie, lors de la mise au tombeau… L’Évangile est donc encadré par deux Joseph « qui ont permis que Jésus ait un berceau et un tombeau, une famille et une sépulture ». Tous les deux, d’ailleurs, sont appelés « justes » par les Evangélistes. Ce sont finalement deux seconds rôles qui ont résisté à l’opinion majoritaire, aux rumeurs, au qu’en dira-t-on face à l’angoisse ou la peur… Et le contexte de l’histoire de Joseph que nous venons d’entendre nous dépeint une peur bien particulière. Cette peur qui naît du regard de l’autre, des murmures de la foule, des rumeurs. Cette peur créée par l’inconnaissance. Une peur qui met en danger notre réputation, notre image… Imaginez l'histoire de Joseph, dans la Palestine du 1er siècle... Elle a probablement scandalisé les habitants du petit village de Nazareth : le récit de Marie, fiancée à Joseph et enceinte avant son mariage, a du certainement alimenter les ragots dans le quotidien « Le Jourdain », la presse à sensation locale... Vous savez, ce n’est pas seulement au foot que la meilleure défense est l’attaque. Lorsque nous avons peur, il est plus facile d'attaquer que de se remettre en question. Dans nos familles, dans nos lieux de vie également, nous alimentons souvent, involontairement parfois, la suspicion et les intrigues... Nous sommes convaincus d'avoir certaines clés, alors que celles-ci nous manquent. La suspicion est toujours une inconnaissance. Elle est un moyen bien facile de ne pas se remettre en question. Les murmures sont aussi des signes d'orgueil car nous pensons savoir. L'histoire de Joseph nous montre que nous ne savons pas tout, que l'intimité de notre histoire ne peut jamais nous appartenir pleinement. Joseph, lui non plus, ne savait pas tout… Mais il a trouvé cette capacité d’accueilli le présent simplement, sans juger la vie qui lui était confiée. Il est passé de l’inconnaissance à la reconnaissance : cette capacité d’accueillir sans juger » : voilà ce qui fait de lui un homme juste. Et comme Joseph, nous pouvons aujourd’hui entendre une voix nous dire : « Ne crains pas ». « N'aie pas peur de ce qu'on dit de toi ». Et parce que tu ne connais pas l'intimité des histoires de ceux que tu rencontres, ne juge pas à ton tour. Car juger, c'est avant tout ne pas connaître.

Dans l'Evangile de ce jour, nous voyons la naissance de Jésus à travers les yeux de Joseph. Joseph ne comprend pas ce qui lui arrive. Deux possibilités s'offrent alors à lui, comme elles s’offrent à nous dans toute situation que nous ne maîtrisons pas : la suspicion qui murmure ou la reconnaissance qui ne juge pas.  Le juste est donc celui qui ne juge pas.  Le juste est celui qu’il s’ajuste au désir de Dieu, qui ajuste son regard et le déplace. La justice devient ainsi la justesse de nos relations inscrites dans un projet qui nous dépasse : celui de permettre à l’Emmanuel d’être vraiment Dieu-avec-nous ! Juste est celui qui transformera alors sa méconnaissance en reconnaissance. Si Pâques transforme notre rapport à la mort, le mystère de Noël vient accomplir en nous une révolution complète de notre rapport à la vie, au-delà de tout ce que nous pouvons imaginer. l’histoire de L’histoire de Joseph nous invite ainsi à lire élargir notre regard, pour accueillir avec confiance l'imprévu, ce que nous n'avons pas choisi, ce que nous n'avons pas décidé pour nous-mêmes. Cela prend du temps de découvrir qui nous sommes. Une vie ne suffit jamais. Cela prend du temps de discerner qui nous pouvons devenir, ce que Dieu nous invite à être. Parfois nous prenons des décisions, et nous ne comprenons nos choix que bien plus tard. Il ne s'agit pas de tout justifier, mais où que nous soyons, il est possible de relire notre chemin pour intégrer dans nos vies ce qui semble impossible à accepter ou à digérer. Voilà la liberté des enfants de Dieu. C'est cette liberté que nous montre l’histoire de Joseph : un chemin d'humilité qui passe de l’inconnaissance à la reconnaissance, pour permettre à l’humain une nouvelle naissance. A nous de relire notre propre histoire avec les yeux de Joseph, dans la liberté et la confiance. Car « Lorsque tu désires ce que tu as, tu as ce que tu désires. »    Amen. 

4ème dimanche de l'Avent

Auteur: Myriam Gosseye
Date de rédaction: 18/12/16
Temps liturgique: Avent
Année: 2016-2017, 2015-2016

Depuis le début du livre de la Genèse c.-à-d. depuis l’apparente catastrophe arrivée à nos tous premiers ancêtres, tout l’Ancien Testament nous dévoile que Dieu a un puissant désir : celui de sauvegarder l’être humain des dangereuses fondrières dans lesquelles il se met. Son but semble être de nous mener, difficilement, vers le juste chemin qu’Il nous promet.

Ce Premier Testament nous montre combien ce désir de Dieu repose sur la confiance qu’Il veut  mettre plus particulièrement en certains d’entre nous. Et cela, malgré la fragilité et même les faiblesses de ceux-ci.

Il semble donc,  que sans ces personnages-clé, rien ne peut se faire, ou tout au moins rien de l’avancée que Dieu a voulu pour l’humanité, en dépit des difficultés multiples.

Bien entendu, pour que ce dessein divin, qui en même temps repose sur la liberté humaine, fasse son chemin en humanité, ces mêmes personnes doivent donc, à leur tour, mettre leur confiance dans les signes que Dieu leur adresse. Or, il s’agit de  signes  bien souvent infimes ou difficiles à décrypter, à travers lesquels Dieu semble parfois  demander l’incroyable et même l’impossible.

Il en est ainsi d’Abraham, à qui il faudra une fameuse dose de confiance pour accepter de quitter sa terre ancestrale, ses racines, son bien-être, afin de partir là où tout est incertain et même sujet de crainte. En effet, le livre  de la Genèse nous indique qu’à travers une torpeur et une grande terreur, le Seigneur s’adresse ainsi à lui : « Sache bien que ta descendance résidera dans un pays qu’elle ne possèdera pas. On en fera des esclaves  qu’on opprimera pendant quatre cent ans… »(Gn. 15,13).

Il en sera de même pour bien d’autres, tel que Sarah, l’épouse d’Abraham, à qui on annonce une grossesse invraisemblable, ou Moïse qui doit sortir un  peuple hébreu hésitant et récalcitrant, du pays d’esclavage. Ou même ce peuple hébreu lui-même, qui à travers ombres et lumières, doutes et avancées, suivra finalement la route indiquée par Dieu, nous devançant dans ce chemin vers notre destinée en Dieu.

 Ou encore, au seuil du nouveau testament, il s’agit de  Jean le Baptiste qui, malgré ses doutes, nous indique la venue de ce Messie tant attendu.

On le constate en lisant la bible : ces personnages historiques ont, pour la plupart,  comme nous aujourd’hui, une foi  fluctuante, remplacée parfois même par de la peur ou de la défiance.

Arrivent alors Marie et Joseph, personnes centrales aux yeux de Dieu : elles ont pour mission de faire avancer le  dessein d’amour de Dieu au sein d’une humanité souvent fragile sinon carrément rétive : «un peuple à la nuque raide» (Ex. 32,9).

 Dans ce projet de divinisation de l’homme, comme l’affirment certains Pères de l’Eglise,  Marie et Joseph sont essentiels. En effet, la confiance de Dieu a toujours voulu s’appuyer sur la liberté de l’homme et donc, sans leur acceptation libre et totale, pas d’incarnation du Verbe de Dieu  et  pas de salut pour l’humanité, telle que Dieu le veut pour elle.

Ainsi donc, lorsqu’est venu le temps juste pour l’incarnation du Verbe  en notre humanité, Dieu fait reposer sa confiance sur deux personnages, un homme et une femme. Quoiqu’obscurs aux yeux des hommes, ils semblent cependant forts bien ajustés aux désirs de Dieu. Comme on peut le constater, une fois encore,  les critères de Dieu ne sont absolument pas les nôtres, ainsi qu’il nous est affirmé par la voix du prophète Isaïe (15,8) « Mes pensées ne sont pas vos pensées et mes chemins ne sont pas vos chemins».

Joseph, comme Marie avant lui, doit donc  aussi  faire cette démarche,  ô combien difficile,  de remettre tout son destin en jeu, de faire totalement confiance. Et cela, malgré, si je peux m’exprimer ainsi, une  promesse complètement décalée, étrange et dérangeante : celle qu’ils seront les parents  d’un enfant non seulement d’origine divine, mais dont le salut de  toute l’humanité dépend.

De la même manière que Marie, avec le flou du rêve en plus, Joseph doit faire confiance à ce  songe, qu’il va devoir décoder d’abord et prendre au sérieux ensuite. D’où l’importance qu’il ait cultivé préalablement son ajustement à Dieu : Joseph n’est pas appelé homme parfait, mais homme juste!

Mais ce n’est pas tout, Joseph doit aussi accepter de prendre du recul par rapport à toute une culture stricte de la loi: toute femme adultère doit être dilapidée ou tout au moins répudiée ….en secret. On ne joue pas avec la paternité, ni surtout avec la filiation, particulièrement lorsqu’il s’agit de celle du roi David.

 Nous savons tous que sortir d’années d’habitudes enracinées et justifiées par des siècles de culture, ne se fait pas sans mal.

 Alors, qu’est ce qui fait que le  choix de Joseph  se porte vers l’option que l’on voit ? A savoir, croire que l’impossible des hommes n’est pas de la même catégorie que le possible de Dieu.

 Mais aussi, que le désir intense de Dieu pour nous ne se traduit que malaisément  ou même pas du tout en nos mots.

Alors si tel est le cas, si tout est si mystérieux voire obscur et si Dieu semble si lointain, que nous reste-il ?

 Il semblerait bien que, seule, la confiance nous reste. Et si nous décidons de la donner, il faut alors qu’elle soit indéfectible pour résister  à l’ampleur de nos angoisses, de nos souffrances, de nos faiblesses.

Ces personnes si représentatives de notre histoire avec Dieu, sont aussi hautement symboliques de ce que Dieu peut faire en chacun de nous…..avec chacun de nous. Ce sont des personnages modèles, en quelque sorte, qui, quoique porteurs d’une  mission particulière, restent pour la plupart fragiles et sujets aux faiblesses.

Il peut également  être justifié de  penser que, si Dieu est bien ce Dieu qu’annoncent les prophètes et que Jésus Christ affirme incarner, alors, comme il l’a fait tout au long de Son histoire avec nous, Il  a tout pouvoir de passer également dans nos vies. Il peut même nous faire signe de la même manière que par le passé.

Dans ce cas, nous pourrions bien nous demander : que peut bien signifier  un songe ou un ange, dans notre vie aujourd’hui ?

Si tout cela est bien réel, au-delà de la jolie histoire pour les enfants ou du mythe fondateur, alors Dieu pourrait bien aussi nous visiter, nous faire signe d’une manière ou d’une autre. Comment ou à travers qui ou quoi pourrions-nous Le rencontrer ?

Tel est le mystère propre à chacun de nous, propre à notre confiance en nos perceptions bien discernées, mais aussi en Sa capacité à nous rejoindre. Avons-nous cette foi grande, juste comme une graine de moutarde (Lc. 17, 5-6) ?

 Pouvons-nous, voulons-nous, dans nos pertes et nos souffrances, mais aussi dans nos bonheurs, mettre nos vies entre Ses mains et devenir progressivement des femmes et des hommes justes, ajustés. 

3ème dimanche de l'Avent

Auteur: Philippe Cochinaux
Date de rédaction: 11/12/16
Temps liturgique: Avent
Année: 2016-2017, 2015-2016

Lors d’une assemblée d’évêques dans un pays proche du nôtre, plusieurs prirent la parole pour dire tout le mal qu’ils pensaient des médias. Ils dénonçaient le sensationnalisme, le fait que certaines personnes étaient jetées en pâture et condamnées avant même que la justice n’ait été saisie, les titres racoleurs de certains articles, le manque d’objectivité et l’absence de recherche de la vérité. Après s’être étendu de la sorte sur le sujet pendant de nombreuses minutes, l’évêque en charge des médias prit la parole et commença son intervention par cette question : « Messeigneurs, ne pensez-vous pas que les médias sont la caisse de résonnance de ce que nous sommes ? Prenez l’exemple suivant : vous rentrez épuisés d’une journée pastorale et juste avant d’aller dormir vous regardez une dernière fois votre journal en ligne sur internet. Votre regard se porte sur le titre suivant : « le pape vient de sortir une nouvelle exhortation apostolique ». Vu votre état de fatigue, vous vous dites que la lecture de cette information peut attendre demain. Toutefois, si votre regard avait croisé le titre suivant : « le pape est secrètement amoureux de la reine d’Angleterre ? » auriez-vous attendu le lendemain ou votre curiosité aurait été à ce point titillée que vous auriez cliqué sur l’article pour en connaître son contenu ? L’évêque conclut son intervention en invitant les prélats à analyser leur propre manière de fonctionner avant de critiquer le monde des médias.

Cette question se pose également à nous aujourd’hui ? Sur quels types d’articles cliquons-nous ? Sommes-nous également épris de sensationnalisme ? Pourquoi les journaux passent-ils leur temps à relater les mauvaises nouvelles ? Est-ce un moyen de nous rassurer et de nous dire la chance que nous avons de vivre notre vie en comparaison aux drames des autres ? Un philosophe contemporain soulignait le fait qu’il y tant de merveilles dans notre monde mais se posait la question de savoir s’il existait encore des émerveillés. Voilà précisément ce que l’évangile de ce jour nous demande. Sommes-nous encore des émerveillés de la vie ? Si nous souhaitons vivre l’émerveillement au quotidien, il nous faut alors apprendre ou réapprendre à nous émerveiller dans ce que nous considérons sans doute trop souvent comme les petites choses de la vie. Nos vies ne sont pas féériques ou exceptionnelles. Elles s’écrivent avec l’encre de nos âmes. Cette encre est fragile, vulnérable mais elle est belle lorsque nous prenons le temps de la contempler. Nous ne sommes pas dans l’extraordinaire et c’est cela que le Christ vient nous annoncer : « Les aveugles retrouvent la vue, et les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, et les sourds entendent, les morts ressuscitent, et les pauvres reçoivent la Bonne Nouvelle ». Ces actions sont évidemment extraordinaires pour ceux qui les vivent mais est-ce que cela va pour autant émouvoir le reste de l’humanité ? A notre tour d’annoncer ce que nous entendons et nous voyons dans le quotidien de nos vies. Soyons capables de nous émerveiller de la multiplicité des petits gestes, regards ou attentions qui jalonnent nos journées. S’émerveiller c’est être capable de s’extasier, d’éprouver un étonnement agréable face à ce que nous voyons et entendons. Pour ce faire, il nous prendre le temps de nous arrêter ne fut-ce qu’un instant dans le brouhaha de nos vies. Prendre ce temps pour contempler ce qui s’offre à nous et rendre grâce pour toutes ces petites choses qui agrémentent notre quotidien. C’est une des manières dont la résurrection opère déjà en chacune et chacun de nous. Nous ressuscitons ainsi à nous-mêmes lorsque nous quittons une vision mortifère de notre monde pour accompagner celles et ceux qui vivent aujourd’hui encore des situations de souffrance. Par l’annonce qu’il a ainsi faite, le Christ a réintroduit dans la société tous ceux et celles qui en avaient été exclus : les boiteux, les aveugles, les lépreux, les sourds et les pauvres. En agissant de la sorte, il leur a rendu leur dignité. L’émerveillement auquel nous sommes appelés, nous invite à faire de même. Là où nous sommes, nous sommes conviés à rendre à la dignité à chaque être humain. C’est de cette manière que nous participons à la construction du Royaume de Dieu. Refusons de rejeter et d’exclure ceux qui sont différents de nous et cherchons plutôt à nous émerveiller de leurs différences et à les accompagner sur la route de leurs vies même lorsqu’elles sont parsemées d’embûches. Si nous en sommes capables, alors Noël aura une toute autre saveur cette année. Noël aura la saveur du Sauveur. Amen.

3ème dimanche de l'Avent

Auteur: Philippe Henne
Date de rédaction: 11/12/16
Temps liturgique: Avent
Année: 2016-2017

« Qui es-tu ? Celui qui doit venir, ou devenons en attendre un autre ? » (Mt 11, 2 – 11) C’est la panique. Jean Baptiste, du plus profond de sa prison, du plus profond de son désespoir, se demande s’il n’a pas raté sa vie, s’il ne s’est pas trompé. « Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre ? » Pour lui, c’est une question de vie ou de mort. Ou, plus exactement, ce n’est plus une question de vie ou de mort, puisqu’il le sait, il le sent, il ne sortira pas vivant de cette prison. Mais ce Jésus, qui est-il ? Est-il vraiment le Sauveur qu’on attend ? Et, pour nous, qui est Jésus ? Et d’ailleurs, est-ce que nous attendons un sauveur ? Cette question n’est peut-être pas si bête que ça. Elle m’est apparue quand je faisais un remplacement à Oslo, en Norvège. Le plus gros souci des Norvégiens, c’est d’arriver au vendredi après-midi. Alors tout le monde à Oslo prend sa voiture et part dans la montagne, dans la forêt rejoindre sa cabane. C’est un endroit isolé. Le plus proche voisin est à cinq kilomètres. Le plus souvent, il n’y a pas d’eau, ni d’électricité, ni surtout pas de connexion internet. On est là pour retrouver l’harmonie avec la nature. Mais dans ce cas-là est-ce qu’on attend encore un sauveur ? Un sauveur pour être sauvé de quoi ? Posez cette question à un chrétien syrien ou irakien. Ils savent, eux, ce que c’est d’attendre un sauveur. Alors la question se pose pour chacun d’entre nous : le Christ est-il pour un sauveur ou un consolateur ? Avons-nous vraiment besoin d’être sauvés, et de quoi ? Il en va peut-être de la foi comme de l’amour conjugal. Au début, on ne peut pas se séparer. « Une heure sans toi, c’est un siècle de solitude ». et les années passent, et l’habitude s’installe. On ne sait même plus pourquoi on est là l’un avec l’autre, l’un à côté de l’autre. Et c’est pour cela que je suis bouleversé quand un homme dit : « j’ai la chance de vivre avec ma femme parce que c’est elle qui donne un sens à ma vie ». Je trouve cela d’autant plus beau que cet homme reconnaît alors sa faiblesse. « Sans toi, je ne suis rien ». Et c’est la question qu’on peut se poser : est-ce que la vie nous apprend à devenir autonome au point de devenir égoïste ? Et c’est alors qu’on retrouve toute la grandeur d’un personnage comme la Vierge Marie. Après la mort de son fils, elle est resté avec les apôtres, avec Matthieu, ce collabo qui collectait les impôts pour l’occupant, Pierre, le pleutre et ce lâche, qui par trois fois a trahi Jésus, son fils, alors qu’on le traînait enchaîné d’Anne à Caïphe pour finir chez Ponce Pilate. La Vierge aurait pu leur dire à tous leurs quatre vérités, à ces hommes si fiers quand tout va bien, et si peureux devant la moindre difficulté. Elle est restée là avec les apôtres dans la prière entrain de fonder ce qui sera l’Eglise. Cette Eglise qui porte au sommet de son clocher un coq. Ce coq qui rappelle la trahison de Pierre, le chef des apôtres. Ce coq qui rappelle aussi nos petites et grandes trahisons, celle de nous habituer aux malheurs autour de nous, celle aussi de ne plus rien espérer, pas même d’être à nouveau follement aimé par Dieu. Alors, pendant cette période de l’Avent, faisons de la place pour Dieu dans notre cœur, laissons de côté toutes nos fausses certitudes et redevenons comme des enfants vulnérables, angoissés et inquiets, mais des enfants de Dieu, remplis d’espérance de recevoir encore une fois le Bien-aimé.

2ème dimanche de l'Avent

Auteur: Dominique Collin
Date de rédaction: 4/12/16
Temps liturgique: Avent
Année: 2016-2017, 2015-2016

2ème dimanche de l'Avent

Auteur: Philippe Henne
Date de rédaction: 4/12/16
Temps liturgique: Avent
Année: 2016-2017

Quelle magnifique et idyllique image ! Le lion, féroce et indestructible animal, et l’agneau, pauvre godiche toujours prêt à être détruit, abusé et dévoré.  Voilà des deux animaux toujours prêts à se quereller et se disputer qui sont ainsi réunis dans la paix et la concorde.  Cette image à vraiment de quoi faire sourire par sa naïveté.  Il y a non seulement dans la nature des prédateurs, des assassins naturels, mais il y a aussi dans la société et dans l’univers de tels destructeurs.  Vous pensez bien et vous comme moi nous avons souffert qu’il y ait des gens dans la société pour lesquels l’argent et le pouvoir sont le seul souci quotidien, toujours prêts à se remplir les poches, toujours prêts à abuser des plus pauvres et des plus innocents, ils rodent partout, prêts à s’enrichir et à détruire leurs voisins. 

            Et voilà que le prophète Isaïe dans la première lecture nous parle d’une réconciliation entre la voracité de l’un, le terrible lion, et la pauvreté de l’autre, celui du malheureux agneau. Mais cette réconciliation ne se fait pas n’importe quand, ni n’importe comment. Elle se fait quand le Messie reviendra.  Et c’est cela le plus important.  Ecoutez.  Vous entendez que cette prophétie se fait quand le peuple d’Israël est en exil, quand le pays est occupé, pillé, exploité.  Et la restauration d’Israël se fait non pas par la vengeance et la destruction, mais par la réconciliation et le dépassement.

            Oui ! La réconciliation ne se fait pas par la destruction de l’ennemi.  Elle se fait par le respect de la différence.  Oui ! Un lion restera toujours un lion, et un agneau restera toujours un agneau.  Il ne s’agit pas de faire disparaître les différences.  Il s’agit de les faire vivre différemment.

            Regardez dans la Bible.  David, ce petit garçon qui gardait le troupeau et que ses parents avaient oublié de présenter à Samuel qui cherchait le roi choisi par Dieu, David était devenu un grand roi.  Il avait rassemblé les différentes tribus d’Israël.  Il avait établi sa nouvelle capitale pour son royaume.  Il avait fait venir l’arche d’Alliance à Jérusalem.  Et il a couché avec la femme d’un autre et il avait fait tuer le malheureux mari trompé. Il avait dépassé les lois du Seigneur.  Il avait oublié qu’il était son serviteur. Et c’est cela que la liturgie d’aujourd’hui nous rappelle : sommes-nous maîtres du monde ou serviteurs du Bien-aimé ?

            Sommes-nous sur terre pour piller et gaspiller les richesses de la nature et exploiter le malheur de tant d’hommes et d’enfants abandonnés sur terre ? Ou sommes-nous prêts à reconnaître que notre seul but sur la terre est non pas de nous enrichir et de profiter de notre pouvoir, mais de reconnaître que nous sommes tous les serviteurs et les bien-aimés d’un maître qui nous dépasse et qui nous apporte la paix. 

            Oui, le lion se couchera avec l’agneau quand il reconnaîtra que ce n’est pas lui le roi de la jungle, mais que c’est le Seigneur qui donne la vie et qui permet à chacun de vivre sa véritable dignité, celle d’avoir été créé, aimé et transformé par l’amour du Dieu tout-puissant.

            Que cette période de préparation à cette période de paix ouvre nos esprits et nos cœurs à cette merveilleuse aventure, celle de se laisser aimer par Dieu tout entier.

1er dimanche de l'Avent

Auteur: Philippe Henne
Date de rédaction: 27/11/16
Temps liturgique: Avent
Année: 2016-2017

Le temps de l’Avent, c’est le temps de la préparation de la fête de Noël. Et on le voit dans les magasins, et même dans nos villes, avec les marchés de Noël. Mais le temps de l’Avent, ce n’est pas seulement cela. C’est aussi et surtout le temps de la venue. Rappelez-vous : avent vient d’un mot latin adventus qui veut dire venue, arrivée. Venue, arrivée de qui ? Mais de Jésus, bien sûr. Nous vivons dans le souvenir de la venue du Christ sur terre pendant son Incarnation, et nous vivons dans l’attente de son retour glorieux à la fin des temps. A quoi pourrions-nous bien comparer ce curieux sentiment d’attente ? A celui d’une femme dont le mari est retenu prisonnier. Vous vous souvenez de cette histoire tragique des femmes laissées seules pendant la guerre. Leur mari était soldat, fait prisonnier, emporté dans des camps bien loin en Silésie, dans l’Est du Reich allemand. Les jours passent : il faut s’organiser, il faut manger. Les semaines passent : il faut travailler. Les mois passent et toujours pas de nouvelles. L’attente s’estompe. La solitude s’installe et un jour parfois pour certaines c’est trop dur : c’est la faiblesse. Deux choses à retenir. Il y a tout d’abord cette rencontre amoureuse avec le Christ. Oui, un jour, il nous a transformés. Nous sommes devenus un homme. Nous étions comme des enfants révoltés, isolés, sans vrai but dans la vie. Et il est apparu. Il a touché notre cœur et l’immense réservoir d’amour que nous avions, caché derrière le rempart de notre solitude, s’est déversé vers l’océan de son amitié. Mais voilà les années passent et au son fulgurant de notre enthousiasme pour le Bien-aimé a succédé le pas lent et monotone de la traversée de l’immense plaine de notre vie, avec parfois des périodes de tristesse et d’ennui. C’est comme si l’eau de notre vie traversait les marécages de l’ennui et de la monotonie. Et pourtant l’eau s’écoule peu à peu vers l’océan d’amour de Dieu. Car nous aspirons tous à cette rencontre merveilleuse avec le Bien-aimé. C’est là le danger de la vie de tous les jours : c’est d’oublier pourquoi, pour qui nous vivons. C’est pour le Bien-aimé. Alors oui ! Ravivons dans notre cœur ce désir amoureux. Oui mais, me direz-vous, cela va faire mal. Nous ressentirons d’autant plus la douleur de la solitude et de la séparation. C’est vrai, mais seuls les morts ne souffrent plus. Les vivants, les vrais, ont mal, mal de ne pas être aimés, mal de ne pas aimer vraiment. Alors, crions-le tous ensemble : viens, Seigneur Jésus. Alors, cherchons, creusons les mille et un petits signes de l’amour et de la tendresse de Dieu dans notre vie. Pendant cette période de l’Avent, devenons des chercheurs de Dieu, des chercheurs d’amour.

1er dimanche de l'Avent

Auteur: Laurent Mathelot
Date de rédaction: 27/11/16
Temps liturgique: Avent
Année: 2016-2017

Christ-Roi

Auteur: Philippe Henne
Date de rédaction: 20/11/16
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2015-2016

Le Christ, Roi de l’univers : ce titre fait penser à un être supérieur, assis au sommet du pouvoir, il n’y a personne au-dessus de lui.  Mais voilà ! La liturgie nous dit tout le contraire.  Relisons la prière d’ouverture de la messe d’aujourd’hui : « fais que toute la création reconnaisse ta puissance et te glorifie sans fin ».  Nous sommes invités à reconnaître la puissance non pas du Christ, mais celle de son Père.  Voilà qui est étrange et bouleversant.  Nous sommes tout tendus vers Jésus et la liturgie nous dit : « Non, ce n’est pas lui qu’il faut adorer.  C’est son père. »  Et ce n’est pas seulement la liturgie qui dit cela, mais le Christ lui-même.  C’est surtout évident dans l’Evangile selon saint Jean.  Le Christ y parle tout le temps de son Père, de celui qui l’a envoyé.  Et les apôtres sont décontenancés.  Ils demandent à Jésus de leur montrer le Père et Jésus leur répond avec un profond soupir : « il y a si longtemps que je suis avec vous. » C’est comme un jeune papa qui se tourne vers sa femme et lui dit : « où es-tu ? J’existe.  Est-ce que tu m’as oublié ? » Et la jeune maman lui répond : « mais je m’occupe du petit. » Nous vivons toujours avec un étranger.  Nous voudrions que Dieu, notre Dieu, s’occupe de nous tout le temps, mais Jésus est tourné vers le Père et il veut nous entraîner avec lui dans cette relation amoureuse.  Nous sommes comme ce petit garçon qui est jaloux de son papa parce que sa maman s’occupe de son mari.  Oui ! Dieu n’est pas tout entier à notre service.  Jésus est nourri par un plus grand amour, celui qu’il reçoit de son Père. 

            Mais, regardez ! Cet amour n’est pas de tout repos.  Voyons ce que dit la préface, la prière juste avant la consécration : « Tu as consacré Prêtre éternel et Roi de l’univers ton Fils unique, Jésus Christ, pour qu’il s’offre lui-même sur l’autel de la croix en victime pure et pacifique. »  Ce n’est pas très sympathique tout cela.  Dieu le Père fait de son Fils le Roi de l’univers pour qu’il s’offre en sacrifice.  Merci ! C’est un peu comme si un empereur nommait son fils chef de l’armée pour qu’il se fasse tuer par l’ennemi.  Et c’est ce qui s’est passé : en venant sur terre, Jésus n’a pas fait de fugue.  C’est son Père qui l’a envoyé.  C’est par obéissance qu’il s’est offert en sacrifice sur la croix.  Vous vous rappelez les paroles qu’il a dites en tremblant sur le mont des Oliviers : « Père, si c’est possible, éloigne de moi cette coupe.  Mais pas ma volonté, mais ta volonté. »  Voilà bien toute l’absurdité de cette situation : Jésus le Christ, Roi de l’univers, ne fait pas ce qu’il veut, mais il se sacrifie.  C’est bien là tout le contraire de ce qui se passe parfois dans les couples ou dans les communautés.  Combien de fois les murs ne tremblent–ils pas quand le mari crie : « qui est le maître, ici ? Je vais leur montrer, moi, qui est le chef.  Je ne vais pas me laisser faire. »  Et nous nous battons, nous affirmons avec violence notre autorité dans le couple, dans la famille, dans la communauté, quitte à faire souffrir les autres.  Et le Christ, Roi de l’univers, pend tout nu sur une croix.

            Parce que tout ce pouvoir qu’il a reçu, il ne le garde pas pour lui.  Continuons la lecture de la préface : « après avoir soumis à son pouvoir toutes les créatures, il les remettra entre les mains de son Père. »  Ce qu’il a réussi à faire, il le remettra entre les mains de son Père.  Tout ce que nous réussissons à faire, nous le faisons grâce à ce que Dieu nous a donné.  La réussite dans les études, c’est grâce à l’intelligence reçue.  La réussite dans le travail, c’est grâce au courage reçu.  Les moments de tendresse partagée, c’est grâce à l’amour reçu.  Laissons-nous donc emporter par l’amour de ce Roi tout-puissant, qui est venu non pas pour nous écraser de tout son pouvoir, mais qui est venu pour nous sauver, nous racheter, nous ressusciter .

33ème dimanche ordinaire

Auteur: Philippe Henne
Date de rédaction: 30/10/16
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2015-2016

Voilà ! C’est fait ! C’est réussi ! Après les deux terribles guerres juives de 70 et de 130, les Romains ont tout d’abord fermé, puis détruit le Temple de Jérusalem pour y construire un nouveau temple,  celui-là consacré à Jupiter, leur dieu, le dieu suprême de l’Olympe romain.  Et pourtant les Juifs avaient dépensé beaucoup de temps et d’énergie pour la construction de ce temple, le deuxième, puisque le premier avait été détruit par les Babyloniens en 587.  Pour cette reconstruction, les Juifs n’avaient rien négligé.  La base du Temple était assurée par d’énormes pierres, pharaoniques.  On peut encore les voir maintenant.  Elles forment le mur des Lamentations.  Rien ne pouvait le détruire. Et pourtant le Temple a été rasé par les Romains.  Il n’en reste plus rien.  C’est maintenant l’esplanade du Temple, à Jérusalem, où se dresse une mosquée.

            N’est-ce pas là un bel exemple de la tragique destinée de toutes nos entreprises ? Tant d’hommes et de femmes se sont donné tout entiers à entreprendre, à construire, à réussir leur vie.  Des hommes et des femmes, partis de rien, ont petit à petit, patiemment, ardemment, construit leur entreprise qui a grandi, s’est développé, a prospéré.  Et puis vient la maladie, la crise cardiaque, le cancer, et tout s’effondre.  Oh ! Ce n’est pas mieux avec l’Eglise.  Nous avons, nous, de la chance : on est encore nombreux dans cette église.  Mais ils sont nombreux, ces temples sacrés, qui, dans les campagnes et dans les villes, n’accueillent qu’un petit groupe de fidèles frigorifiés.

            Et voilà ! La terrible prophétie du Christ s’est réalisée : le Temple est détruit et l’Eglise continue à sombrer.  On pourrait se consoler en se disant qu’ailleurs, très loin, au Vietnam, en Afrique, de nouvelles moissons de vocations se dressent, de grandes assemblées de croyants se pressent dans des églises beaucoup trop petites pour accueillir tout le monde.  Mais tout cela est bien loin et ils sont tellement différents de nous.  On a envie de leur dire : « Très bien ! Tant mieux pour eux ! » Et on a envie d’ajouter : « laissez-nous tranquilles ! Laissez-nous mourir en paix ! »

            Et c’est vrai que la vie, ça dérange.  Roméo aimait faire la fête avec ses copains.  Il a vu Juliette.  Il en est mort.  Saint Pierre s’ennuyait un peu auprès de son bateau de pêche et de sa belle-mère.  Il a vu Jésus et il en est mort.  Saint Dominique était un chanoine riche et respecté.  Il a vu la misère spirituelle dans le Sud de la France.  Il a tout quitté et il a vécu seul pendant plusieurs années pour prêcher la bonne nouvelle.

            Oui, on pense construire et réussir de belles choses, mais, au bout d’un certain temps, au bout d’un certain nombre d’années, on se rend compte que tout cela est bien vide parce qu’il y manque l’essentiel : cette relation amoureuse, profonde, essentielle avec quelqu’un qui, au-delà de nos réussites et de nos échecs, continue à nous faire confiance et à nous apporter la lumière de la vie.  Et alors, face à tous les problèmes et à toutes les difficultés, nous nous sentons portés, emportés par un amour invincible, celui de Dieu, pour l’éternité. 

Commémoration des défunts

Auteur: Raphaël Devillers
Date de rédaction: 2/11/16
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2015-2016