4ème dimanche de Carême

Auteur: Raphaël Devillers
Date de rédaction: 26/03/17
Temps liturgique: Temps du Carême
Année: 2016-2017


3ème dimanche de Carême

Auteur: Philippe Cochinaux
Date de rédaction: 19/03/17
Temps liturgique: Temps du Carême
Année: 2016-2017

Le récit de la Samaritaine que nous venons d’entendre est tellement riche que nous pourrions être tentés de simplement faire silence et de le méditer chacun dans son for intérieur. Tous les détails ont leur raison d’être et jusqu’à ce jour, je n’avais jamais constaté que le Christ, ayant demandé à boire, ne recevra jamais son verre d’eau. Comment cela peut-il se faire ? Pour répondre à cette question, il nous faut revisiter le contexte de cette rencontre. Avec audace et surtout avec une extraordinaire liberté, Jésus va d’abord renverser trois barrières qui apparaissaient au premier abord comme infranchissables. La première concerne le fait que les Juifs de cette époque détestaient les Samaritains qui étaient pour eux un peuple d’hérétiques impurs car ils ne fréquentaient pas le temple de Jérusalem. La deuxième est liée au fait que la religion juive considérait les femmes comme étant des êtres impurs. Et enfin, la troisième touche la personne de cette femme qui n’a même pas de prénom et qui semble être de mœurs légères avec la succession de ses cinq maris et de son sixième compagnon de vie. Le décor est ainsi planté. Nous sommes au-delà des convenances culturelles et sociales car le Christ choisit d’abord et avant tout de rencontrer une personne, un être humain riche et fragile de son histoire personnelle. Pour ce faire, Jésus nous convie à entrer dans un chemin de vérité. Il vient creuser en chacune et chacun de nous un puits. Mais pas n’importe lequel : un puits qui deviendra source d’eau vive et de fécondité de vie. Comme il l’avait déjà fait pour tant d’autres personnes comme Nicodème, Zachée ou encore Marie-Madeleine, le Fis de Dieu fait naître en nous l’être nouveau, c’est-à-dire celui qui prend conscience qu’il vaut beaucoup plus que la somme de ses errances, de ses erreurs ou de ses échecs. Par ce récit de la Samaritaine, Dieu nous rappelle que personne n’est impardonnable ou irrécupérable à ses yeux. Nul n’est jamais trop loin pour Lui. Il vient à notre rencontre. Il y a donc toujours une possibilité de revenir à Lui et de le retrouver à la margelle de notre propre puits qu’il a creusé et où il nous attend. Jésus est ainsi le puisatier, qui continue quotidiennement de creuser en nous ce puits pour nous donner le goût de l’eau vive de son Esprit. Il vient mettre au jour nos plus secrètes blessures pour aussitôt les guérir afin qu’à notre tour nous devenions source vivifiante pour les autres. Quelle que soit son histoire, tout être humain a droit à l’eau vive de la Parole et de l’Amour de Dieu. Celui-ci s’est assis en nous pour vivre en ce temps de Carême une rencontre en vérité, de cœur humain à cœur divin. Lorsque nous sommes capables de vivre un tel face-à-face, nous redécouvrons la véritable nature du Père : « Dieu est esprit, et ceux qui l’adorent, c’est en esprit et en vérité qu’ils doivent l’adorer », souligne le Fils dans l’évangile de Jean. C’est en esprit et en vérité que nous sommes invités à nous tourner vers le Père. Pour ce faire, il nous faut retrouver le chemin de l’authenticité et nous désencombrer de toutes ces fausses images nous concernant et de celles dont nous avons affublé Dieu. Une rencontre en esprit et en vérité se vit au plus intime de notre être, à l’endroit même où le Fils est venu creuser notre propre puits. C’est précisément là que Jésus peut nous dévoiler sa propre divinité en nous disant : « Je le suis, moi qui te parle ». L’affirmation de foi qui nous fait proclamer que le Christ est le Messie est le fruit de notre rencontre personnelle en esprit et en vérité. A notre tour d’abandonner la cruche de nos superflus et courrons partager cette source d’eau vive qu’est le Christ à tous ceux et celles qui croisent notre route. Conduisons nos frères et sœurs en humanité vers Celui qui est la source jaillissante de cette parole d’amour qui nous fait vivre et grandir. Jésus le Christ n’avait donc nullement besoin de se désaltérer au puits de Jacob alors qu’il était midi puisqu’il est lui-même la source jaillissante de cette eau vive où chacun peut, à la mesure de son désir, en esprit et en vérité, venir y étancher sa propre soif. Amen

3ème dimanche de Carême

Auteur: Philippe Henne
Date de rédaction: 19/03/17
Temps liturgique: Temps du Carême
Année: 2016-2017

Ce dialogue entre Jésus et la Samaritaine pourrait être un beau sujet de méditation sur la prière.  Que faisons-nous ici ? Que cherchons-nous ? Que gagnons-nous au cours de cette messe, de cette heure de prière ?

            Tout d’abord, la prière est un moment de rencontre.  Il n’y a jamais de bon moment pour rencontrer quelqu’un.  Nous sommes tous écrasés, enfermés par  nos soucis et nos problèmes quotidiens. On n’a souvent même plus la force d’écouter l’autre qui  nous parle.  Regardez : c’est la sixième heure, le milieu du jour, l’heure la plus chaude de la journée. La Samaritaine est écrasée par la chaleur.  Si elle vient chercher de l’eau, c’est qu’elle en a vraiment besoin.  Elle préférerait être chez elle, à l’ombre, au frais.  Et voilà qu’un étranger (un juif, elle l’entend à son accent) lui demande à boire.  Un homme seul qui s’adresse à une femme seule au bord d’un puits, c’est suspect.  Il ne faut jamais parler à un inconnu.  C’est ce qu’on apprend aux enfants.  Et c’est ainsi que, nous, les adultes, enfermés dans la peur et la méfiance, nous laissons passer Jésus à côté de nous.  Pierre Hannosset, l’ancien curé de Louvain–la-Neuve, avait coutume de dire qu’il ne fallait jamais quitter l’église sans avoir pris le risque de saluer quelqu’un qu’on ne connaissait pas, et aussi sans avoir pris le risque de recevoir la salutation de quelqu’un qu’on ne connaissait pas.  Pourtant, ici, dans l’église, il n’y a pourtant pas de danger.  Ce n’est pas un lieu de rendez-vous dangereux.

            Il y a donc tout d’abord dans la prière un premier moment de rencontre : oser se laisser interpeller, déranger par Jésus.  Il y a ensuite le moment de la découverte, ou celui du déménagement.  Oser quitter le petit monde nos soucis quotidiens.  Oh ! Ils sont réels et bien vrais.  Ils sont même parfois lourds et écrasants.  Mais, par la prière, Jésus nous invite à les dépasser, à les voir autrement.  La Samaritaine vient chercher de l’eau.  Elle a soif.  Elle doit préparer le repas.  Ce n’est pas la prière qui va changer cela.  Et pourtant il y a des choses plus importantes que cela.  Elle a eu cinq maris, c’est-à-dire qu’elle n’a jamais connu le vrai amour, celui qui dure toujours.  Et Jésus n’est pas là pour la condamner ou pour souligner l’échec de sa vie.  Jésus lui offre à elle, comme à Marie-Madeleine, la femme publique, ou à Matthieu, le percepteur d’impôts malhonnête, ou à chacun d’entre nous, Jésus vient nous offrir la plénitude de la relation amoureuse avec lui.   Oui, Jésus nous invite à déménager, à quitter le niveau de nos soucis quotidiens pour nous  élever à la beauté de on amour qui nous transforme entièrement.

            Et, à partir de ce moment-là, se déploie une force nouvelle qui nous permet non pas de supporter les ennuis de tous les jours, mais de transformer notre vie en réussite. Car avec la confiance que Jésus nous apporte, nous pouvons avoir confiance en nous et dépasser les humiliations de tous les jours. 

            Oui, la prière déranger, come un étranger qui nous demande de l’eau en plein midi.  Elle nous fait déménager, quitter le milieu étroit et étouffant des ennuis de tous les jours.  Elle nous transforme par la confiance que nous recevons du Bien-aimé.  Profitons de ce temps de carême pour redécouvrir cette belle progression dans notre vie.

2ème dimanche de Carême

Auteur: Didier Croonenberghs
Date de rédaction: 12/03/17
Temps liturgique: Temps du Carême
Année: 2016-2017

Je n’aime pas les selfies ! Vous voyez : ce trouble presque compulsif qui pousse certains à prendre tout le temps des autoportraits avec leur smartphone. Bien entendu, ce besoin un peu narcissique de figer l’instant n’est pas nouveau et il est plus ancien que la mode actuelle des selfies. Regardez l’évangile de ce jour : « Seigneur, il est bon que nous soyons ici, dressons trois tentes." Comme pour dire : "Le paysage est magnifique. Figeons l’instant. Prenons un selfie » Notre culture de l’image ne fait que renforcer ce besoin de fixer, d’immortaliser l’instant plutôt que de le vivre. Or, à force de vouloir conserver tous ces instants qui nous sont donnés, nous passons justement à côté d’eux, à côté de leur saveur d’éternité. Pierre, comme beaucoup d’entre nous, a ce réflexe de l’appareil photo. Comme lui, au lieu d’accueillir l’imprévu de nos vies, nous jetons bien souvent notre grappin sur le présent, nous tentons de capturer l’instant. Or ni l’instant, ni Dieu ne se capturent. La transfiguration est ce récit clé dans lequel Jésus traverse une étape essentielle de sa vie ; où il se dévoile, se découvre une destinée. Il se reçoit de son Père, qui lui dit “Celui-ci est mon Fils”. Voilà cette parole qui nous est adressé également : “Regarde, tu es mon Fils bien aimé”. Deviens ce que tu es déjà au plus intime de toi ! Même si tu grandis grâce aux autres, tu ne te réduis pas à leur regard. Tu es autre que ce que la société veut pour toi, différent de ce que les autres —tes collègues, ta famille— rêvent pour toi, de ce que tes proches envisagent pour toi, de la manière avec laquelle ils te dévisagent. Ton visage est autre que tous ces masques que tu portes parfois. Il y a toujours au plus profond de toi une clarté qui peut réellement resplendir, briller davantage. L’évangile nous invite à gravir cette montagne-là, c’est-à-dire à prendre de la hauteur pour vivre pleinement les moments de dévoilement de nos vies pour ce qu’ils sont, sans vouloir les figer. Il y a donc une luminosité, une lucidité sur nous-mêmes que nous avons à accueillir, lorsque dans l’intimité d’une rencontre, de la prière, d’une lecture, d’un dialogue, nous parvenons à prendre de la hauteur. C’est justement dans ces moments lumineux que nous parvenons à faire le deuil d’une histoire, d’un proche, d’un espoir, d’un projet. Lorsque nous quittons notre ego, celui qui nous empêche une telle lucidité sur nous-mêmes— et que nous nous éveillons au regard de l’Autre qui nous estime. Voilà cette vérité que Jésus découvre pour lui-même sur la montagne. Il se découvre lui-même, en présence de ses disciples, il découvre sa mission, son chemin. Jésus vit une métamorphose et envisage son chemin autrement. Il prend ce visage d’éternité, pose un regard neuf sur sa route, sur son histoire. Il s’entretient avec Moïse et Elie, comme s’il relisait sa vie en silence, pour la vivre plus intensément. Ces moments de vraies transformations, de métamorphoses, nous pouvons toutes et tous en vivre. Et c’est à tout âge qu’il est possible changer de vision. Lorsque nous parvenons à être —ne fût-ce qu'un instant— en harmonie avec nous-mêmes, là où nous nous sentons compris, acceptés, aimé peut-être, pour ce que nous sommes et pas pour ce que nous avons fait. Etre métamorphosé, ce n’est pas être transparent, avec ce faux idéal de dire ce qu’on fait. C’est accepter ce que l’on est, de sorte qu’une sérénité interieure peut rayonner. Et chaque fois que nous poserons sur nous-mêmes un tel regard de lucidité, c'est peut-être la transfiguration de notre monde qui est en marche... En ce sens, la transfiguration est cette manière divine d'éclairer la banalité de nos histoires. Lorsqu’on parvient à être soi-même, on ne recherche ni approbation, ni admiration, mais on est capable de prendre la hauteur pour traverser une étape de sa vie. Pour certains, il s’agira d’apaiser un deuil, de porter désormais un regard non douloureux sur une cicatrice de l’existence ; pour d’autres, il s’agira de quitter un lieu qui les retient en arrière. Cette étape est toujours un moment de métamorphose authentique et profond où nous pouvons montrer un autre visage, envisager une autre route ; accepter le défi d'être plus encore devant les autres ce que nous sommes en vérité devant Dieu, ses fils et ses filles bien aimés. Amen.

2ème dimanche de Carême

Auteur: Myriam Gosseye
Date de rédaction: 12/03/17
Temps liturgique: Temps du Carême
Année liturgique : A
Année: 2016-2017

L’hymne des laudes de ce dimanche commence dans un premier éblouissement

« Aujourd’hui, revêtu de lumière, Jésus,
Tu révèles ta gloire aux témoins.
Choisis par le Père ».
Il continue son avancée, mais dans une sombre souffrance:

 « Demain, dépouillé

Devant Tes frères,

A l’heure où sur la croix

 Tu ouvriras les bras

Tu seras l’humilié.

Et se termine dans un jaillissement de vie

« Vienne le troisième jour,

Tu te lèveras d’entre les morts,

Revêtu de Lumière !

 

Cette hymne à l’instar des lectures d’aujourd’hui nous parle de lumière, de souffrance mais aussi de la nécessité de cheminer, d’avancer, de ne pas s’arrêter.

Le livre de la Genèse nous parle du dessein bienveillant de Dieu sur l’humanité, du dessein qui s’accomplit en faisant chemin : « Quitte ton pays et va… Et je te bénirai …..Et tu deviendras une bénédiction » : Ce n’est qu’au prix de cette marche en avant, à travers vents et marées, qu’ Abram découvrira le  grand destin qui l’attend.

A sa suite, et grâce à ce premier chemin tracé, l’humanité, que nous sommes, peut,  à son tour, découvrir, au long de routes parfois sèches et douloureuses, parfois lumineuses et fécondes, accomplir le destin qui est le sien, mais toujours chemin faisant, à la force de la marche, le cou tendu vers l’avenir qui l’attend.

Lorsque Jésus emmène, dans ses pas,  ces trois disciples là,  pour leur montrer une première fois, l’immense lumière qui l’habite, avec d’autres, Moïse et Elie, ce n’est pas pour qu’ils s’arrêtent à mi-chemin.

Mais au contraire, c’est pour que, habités  à leur tour par cet éblouissante clarté entrevue, cet espoir fou mais ‘comme en attente’,  ils puissent, contre vents et marées, douleurs et bonheurs,  le regard  tendu vers cette infinie Lumière « en promesse », continuer leur chemin terrestre jusqu’à son accomplissement.

 Comme nous l’indiquent les textes d’aujourd’hui, Il semble donc vital de ne pas rester à mi-route, comme imparfaitement éclairés, la tête et le cœur restés dans la demi-obscurité mais croyant avoir tout vu et tout compris. C’est une impasse, une fausse route, de celles qui font mourir mais dans l’illusion de vivre.

 A nombre d’entre nous, des révélations lumineuses nous ont été faites, des moments fugaces d’intense bonheur, parfois lors de  rencontres ‘transfigurantes’,  des moments privilégiés de notre vie, des illuminations soudaines au cours desquelles on a pu se dire, « mais oui c’est vrai, Dieu de tendresse est là qui se révèle ».

Ces moments restent, au fond de nous, dans un repli de la mémoire, comme des balises qui éclairent les sombres ravins. Ces moments si ténus mais parfois si lumineux, qui restent au fond de notre rétine comme un éblouissement, peuvent nous permettre,  par temps de tempête, de ne pas sombrer.

Mais c’est toujours, chemin faisant, car l’arrêt sur image nous fait risquer l’arrêt de la vie. L’arrêt sur image nous fait prendre le désir pour son accomplissement, le mirage pour l’Oasis. Le mirage n’est qu’un premier reflet. : il nait d’une  espérance, d’un désir intense.  Pour s’accomplir,  ce désir, cet espoir fou,  devra se transformer au fur et à mesure du chemin jusqu’à l’accomplissement.

Exactement de la même manière, mais à contrario ces lectures nous font aussi remarquer qu’il est  aussi vital de ne pas s’arrêter, fascinés par la sombre ténèbre des ravins. La fascination est semblable et mène aussi bien vers la mort. L’arrêt sur image est là aussi route vers la mort. La fascination de la souffrance est semblablement  mortifère qui nous fait prendre ce sombre miroitement  pour la percée du chemin. Il nous faut secouer la poussière de nos sandales, et reprendre route pour ne pas  mourir de soif, à quelques encablures de l’oasis. C’est grâce, ici aussi…. ici surtout……, à la lumière entrevue dans des moments ‘transfigurants, que nous aurons la force de reprendre route.

Le témoignage d’une personne appelée Sybil, paru dans la revue A.H. (Aumôneries Hospitalières) de janvier 2017, illustre cette nécessité de continuer la transformation. Sybil est en train de perdre la vue et une personne qui rend visite à la maison de l’Arche où elle travaille lui demande si elle a peur et elle répond : « Oui j’ai peur, parce que ce chemin vient déchirer mes certitudes, parce qu’il est difficile de quitter ce que l’on a construit (…), de quitter ses sécurités ».

Puis continuant sa route, elle dira plus tard : « Mais j’ose aussi dire que je n’ai pas peur de ne plus voir car, aussi paradoxal que cela puisse paraître, moins je vois, plus je sens combien mes yeux s’ouvrent à la lumière de ma vie (…). C’est comme un passage essentiel, celui du ‘vouloir vivre’ à celui du ‘consentir à la Vie.»

Le message que  l’Ancien et le Nouveau testament nous transmettent est que le chemin, pour donner vie en plénitude, pour passer de l’éblouissement momentané, à la lumière qui demeure, doit s’accomplir jusqu’au bout : la chenille doit continuer son avancée et doit passer par l’ inconnu de la chrysalide et en ressortir dans la lumière pour devenir papillon sinon elle est consumée et disparait.

C’est grâce au parcours, à l’avancée, à la transformation qui en résulte,  que la lumière entrevue devient progressivement vie éblouissante, que la lumière entrevue, nourrissant le cœur et l’âme permet, traversant montagnes et ravins, d’arriver à  l’oasis.

1er dimanche de Carême

Auteur: Dominique Collin
Date de rédaction: 5/03/17
Temps liturgique: Temps du Carême
Année: 2016-2017

Quelle mouche a donc pu piquer Jésus pour qu'il aille 40 jours dans le désert? La mouche, c'est une colombe. Et la colombe, c'est l'Esprit...

1er dimanche de Carême

Auteur: Philippe Henne
Date de rédaction: 5/03/17
Temps liturgique: Temps du Carême
Année: 2016-2017

            L’épisode des tentations de Jésus est comme la face sombre de l’épisode de son baptême. Tous deux ouvrent une nouvelle époque dans la vie de Jésus et dans l’histoire du salut. Tous deux marquent le début de la vie publique de Jésus. Or, l’Ecriture présente plusieurs fois le commencement d’une époque avec ce double aspect, positif et négatif. Il en est ainsi dès le début de l’humanité : Dieu crée l’homme et la femme, et aussitôt c’est le péché originel. Le Seigneur libère le peuple hébreu de l’esclavage. Il parle à Moïse sur le mont Sinaï, et pendant ce temps-là le peuple se met à adorer le veau d’or. Jésus nît à Bethléem dans une étable, et le roi Hérode tue tous les petits enfants. Il y a dans l’homme comme une force de destruction qu’il n’arrive pas à dominer. Le bonheur lui est offert, par la création, par l’Alliance, par la naissance d’un Sauveur. Mais c’est plus fort que lui, il faut que l’homme détruise tout. Il y a, dans l’homme, une force qui le pousse à détruire même le bonheur qui lui est offert.

            Et c’est justement cette logique infernale que Jésus vient briser en résistant à la tentation. Le baptême était pour Jésus l’occasion de venir nous chercher non pas dans nos réussites et dans notre gloire, mais dans les moments difficiles d’échec et de désespoir. L’homme aurait pu aussitôt se croire alors le plus fort, à tout jamais à l’abri de nouvelles erreurs et de nouveaux échecs. C’est la raison pour laquelle le diable vient tenter Jésus, comme s’il était un homme pour pousser chacun d’entre nous à rejeter la proximité et l’amitié que Jésus venait nous offrir en venant se faire baptiser.

            Mais Jésus brise cette logique infernale. Il résiste aux trois tentations. Il prouve ainsi que les hommes ne sont pas tous tout le temps condamnés à commettre des erreurs et à trahir l’amitié que Dieu nous offre spontanément. Très souvent nous sommes découragés parce que nous commettons toujours les mêmes péchés. Et lorsque nous sommes devant le prêtre pendant le sacrement de réconciliation, nous sommes embarrassés et déçus : ce sont toujours les mêmes fautes que nous confessons. Mais, par sa victoire sur le démon, Jésus brise ce cycle infernal de nos fautes et de nos péchés. Oui, comme un alcoolique et comme un drogué, nous pouvons nous sortir de notre addiction au péché.

            Et le plus beau, c’est qu’après cette victoire sur le démon, des anges viennent servir Jésus. Dieu ne nous abandonne pas. Dans nos victoires, comme dans nos échecs, Dieu nous offre son aide à travers nos frères et sœurs qui deviennent comme des anges pour nous, c’est-à-dire des messagers de la Bonne Nouvelle et des porteurs de la tendresse de Dieu pour nous.

            En cette période de carême, retrouvons la confiance en nous, non pas parce que nous sommes forts et invincibles, mais parce que Jésus a brisé le cycle infernal de la destruction et de la mort, qu’il nous ouvre ainsi les portes de la vie et de la liberté.

7ème dimanche ordinaire

Auteur: Laurent Mathelot
Date de rédaction: 19/02/17
Année: 2016-2017, 2015-2016

« Parle à toute l’assemblée des fils d’Israël. Tu leur diras : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. »

Si nous regardons ce commandement de l'Amour – « Aime ton prochain comme toi-même » – comme  une mesure – la mesure de relations correctes entre nous, la seule mesure sur laquelle se fonde une société juste – si nous disons que notre comportement envers autrui ne peut pas différer de celui que nous attendons envers nous-mêmes, comment comprendre cette mesure – « Aime ton prochain comme toi-même » – si on ne s'aime pas ?

Comment aimer les autres si on ne s'aime pas soi-même ? Et si nous n'avons pas un regard bienveillant sur nous-mêmes, comment espérer avoir un regard bienveillant – un regard d'amour – sur l'humanité ou sur le monde ?

Nous connaissons tous des chrétiens qui passent leur vie à faire des reproches aux autres : c'est le signe qu'ils ne s'aiment pas. Nous connaissons tous des chrétiens qui passent un temps considérable à critiquer leur prochain, la société et les temps actuels : c'est le signe qu'ils ne s'aiment pas. Nous connaissons tous des chrétiens sévères, cassants, méprisants ou moqueurs envers autrui : c'est le signe qu'ils ne s'aiment pas. 

Nous connaissons tous des chrétiens qui témoignent d'un regard injuste envers les autres, parce que nous sommes parfois ces chrétiens injustes et c'est toujours le signe que nous sommes aussi injustes envers nous-mêmes, que nous ne nous aimons pas. En tous cas pas comme Dieu nous aime, et nous commande d'aimer.

Déjà le Christ était averti de ce danger – de celui d'être incapable de véritablement aimer lorsque on a un regard méprisant envers soi. C'est pourquoi, il précisera ce commandement de l'Amour donné à Moïse : « Aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés. » [ Jean 15, 12 ] 

Aime ton prochain comme Dieu t'aime !

Mais avant toute chose : toi-même, aime-toi comme Dieu t'aime !

Paul dit : « Ne savez-vous pas que vous êtes un sanctuaire de Dieu, et que l’Esprit de Dieu habite en vous ? ». Avons-nous ce regard sur nous-mêmes ? Sommes-nous toujours conscients de la valeur inouïe que nous avons aux yeux de Dieu ? Croyons-nous vraiment que nous sommes des tabernacles, des calices au sein desquels Dieu se rend présent ? Avons-nous cette certitude que, dans nos corps et nos esprits brisés, Dieu désire tant venir vivre ? Pour toujours …

Si nous ne voyons pas nos corps et nos esprits comme des vases sacrés, d'une beauté particulière, intense et délicate, à la fois précieux et fragiles, d'une valeur inouïe aux yeux de Dieu c'est que nous ne nous aimons pas. En tous cas pas assez. 

Je sais : c'est parfois difficile. C'est difficile de s'aimer soi-même alors que nous avons les yeux rivés sur les failles qui nous brisent. C'est difficile de s'aimer soi-même, confrontés parfois à notre inintelligence, notre mauvaise volonté, nos habitudes détestables et les élans de haine qui parfois nous gagnent.

C'est difficile de s'aimer soi-même, confrontés à son propre péché.

Qui ne s'est jamais fait des reproches ? Qui ne s'est jamais trouvé ridicule, injuste ou parfois méchant ?

Comment s'imaginer vase sacré, temple du Dieu-Amour alors que nous côtoyons chaque jour notre propre laideur ? Comment avoir conscience de notre infinie valeur quand nous connaissons si bien nos mauvaises habitudes, nos détestables pensées et peut-être ce que nous considérons comme des vices ? N'est-il tout de même pas nécessaire d'avoir un regard lucide sur soi-même ?

C'est précisément cette sagesse du monde qui est folie devant Dieu.

Oui, bien sûr, il faut avoir un regard lucide sur soi-même mais il faut en outre, à ce regard, la lucidité de Dieu ! Ce regard ! ... qui est folie pour les hommes. Ce regard ! … qui fait de nous, malgré notre corruption, des sanctuaires sacrés. Ce regard empli de confiance et de bienveillance, qui nous voit déjà saints ! Parfaits comme notre Père céleste est parfait. 

Je vous en prie, émerveillez-vous de la bonté qui réside en vous ; je vous en prie, admirez la tendresse dont vous êtes capables ; je vous en prie, réjouissez-vous de votre désir d'affection, de communion et de paix. Émerveillez-vous de vous-mêmes comme de temples saints, de véritables sanctuaires de l'amour de Dieu. N'oubliez jamais de considérer votre propre beauté aux yeux de Dieu.

Alors tout vous appartiendra, […] le monde, la vie, la mort, le présent, l’avenir : tout sera à vous, et vous, au Christ, comme le Christ est à Dieu.

Nous n'aimerons les autres que si nous nous aimons nous-mêmes comme le Christ nous aime.

Et avant de se réconcilier avec le monde, il convient de se réconcilier avec soi-même. 

Aimez vos ennemis, même si c'est parfois vous-mêmes.

Et n'oubliez jamais de penser que vous êtes une merveille : la demeure sacrée de Dieu. 

Qui peut dire ici qu'il s'aime assez ?

7ème dimanche ordinaire

Auteur: Philippe Henne
Date de rédaction: 19/02/17
Année: 2016-2017, 2015-2016

L’exhortation faite par Jésus paraît bien exagérée et irréalisable.  Dans cette société faite de concurrence, et tout simplement dans le monde dans lequel nous  vivons, il faut pouvoir se défendre et même être parfois agressif.  Vous imaginez dans un magasin un gamin qui vole une pomme.  Vous croyez que le commerçant va lui dire : « c’est très bien ! Prends-en une autre ».  Ou bien vous imaginez dans un conseil d’administration un homme incompétent qui, grâce à des appuis politiques ou familiaux, obtient une place bien rémunérée.  Vous croyez que tout le monde va dire : « c’est très bien ! Prends encore une autre place ».  Non ! Bien au contraire, il faut se battre pour avoir une place.  Et il faut se battre pour la garder.

            Et pourtant chacun d’entre nous, nous réalisons un peu cette recommandation de tendre l’autre joue à celui qui nous a agressés.  Il y a cent ans notre pays a été dévasté par la guerre.  Et cela s’est répété.  Et maintenant nous travaillons, nous commerçons, nous échangeons avec nos pires ennemis.  Ce n’est pas seulement une question de commerce.  C’est aussi et surtout une question de vie.  On n’oublie pas, mais on vit avec.

            Nous le voyons aussi dans la vie de tous les jours.  Il y a des gens qui nous ont blessés, qui nous ont injustement agressés.  Certains, c’était par ambition personnelle ou par méchanceté.  Ils voulaient être les plus grands, les plus forts.  Ils voulaient avoir notre place.  Ils voulaient avoir toute la place.  D’autres, c’est par maladresse ou par incompatibilité d’humeur.  Il y en a qu’on ne peut pas supporter. Mais il faut vivre avec.

            Et c’est là sans doute toute la différence entre Dieu et nous.  Nous, on le fait parce qu’il le faut bien.  Dieu le fait par passion amoureuse.  Regardez le père du fils prodigue.  Le gamin fait sa crise.  Il prend l’argent, il claque la porte et il part.  une fois parti, il n’envoie pas de nouvelle, rien, pas un coup de fil, ni même un SMS.  Et un beau jour il revient.  Et le père l’accueille, fou de joie.  Nous, nous attendons quelques jours, quelques semaines avant de recommencer à parler avec celui qui nous a blessés.

            Il y a pourtant de bons moyens pour se réconcilier.  Il y a tout d’abord le baiser de paix.  Oui, le baiser de paix nous rappelle que nous sommes tout d’abord et avant tout des frères et des sœurs parce que nous venons d’un même Père.  Cette fraternité dépasse tous les liens d’amitié et de sympathie qui peuvent exister.  Comme le Christ qui, sur la croix, pardonnait à ses persécuteurs, nous sommes appelés à pardonner à celui qui nous a blessés.  Il y a ensuite la prière.  Et oui ! Prier pour celui qui nous agressés.  Non pas pour qu’il aille brûler en enfer, mais pour que nous le voyions autrement.  Parfois il est bon de demander à Dieu de nous donner la force de voir les qualités cachées dans le cœur de celui qui nous a blessés.  C’et ce regard-là que Jésus porte que chaque homme et chaque femme qu’il a rencontré au cours de sa vie et qu’il porte maintenant sur chacun d’entre nous.  Et cela nous permet de vivre à nouveau, de ressusciter.

            Tendre l’autre joue, oui, nous le faisons tous les jours un petit peu parce qu’il le faut bien.  Mais Dieu le fait avec tellement de passion que nous en sommes tout transformés. 

6ème dimanche ordinaire

Auteur: Myriam Gosseye
Date de rédaction: 12/02/17
Année: 2016-2017

Il y a quelques années, à Bruxelles, un projet chrétien de développement d’un lieu de vie semi- communautaire a vu le jour. Quelques personnes avaient voulu  tenter cette aventure de vie.

Au cours de la première et deuxième année, fus mis en place  quelques règles de vie commune. Pour les nouveaux participants cela  semblait aller de soi. Cela leur semblait  participer positivement de la bonne marche de ce nouveau mode de vie. 

Tout semblait donc aller pour le mieux, jusqu’au moment où, au cours de la deuxième  évaluation annuelle, les membres de ce  béguinage   moderne ont pris conscience que, pour que ce lieu devienne plus qu’un lieu de simple partage minimal, pour que ce lieu devienne lieu de solidarité véritable, lieu de grandissement spirituel et humain, un engagement d’une toute autre profondeur devenait nécessaire :   à savoir un engagement du cœur qui dépasse la surface des règles  du bien-vivre  en commun. Ils commencèrent à prendre  conscience de la nécessité d’un engagement fait de volonté  d’écoute de l’autre, de respect dans les échanges, de prières, de volonté de servir, de prier et de  construire ensemble. Un  engagement du cœur profond donc, qui demandait un lent mûrissement.  Les règles émises ne devaient certes pas être abolies mais elles devaient, pour être vie pour chacun et pour la communauté, s’approfondir de tout un cheminement de l’être.

Dans le discours de feu de Jésus à ces disciples qui constitue la trame de l’évangile d’aujourd’hui,  il s’agit aussi de dépasser les règles strictes et nombreuses pour engager progressivement la totalité du  cœur et de l’être.

Cependant ces  paroles de Jésus semblent si exigeantes  au premier regard, qu’elles peuvent effrayer et même rebuter.

Pouvons-nous cependant les relire avec un œil positif, comme une bonne nouvelle donc.

« Je ne suis pas venu abolir mais accomplir la loi» dit-il à ces disciples, et donc aussi à nous aujourd’hui qui faisons cet effort  particulier de tenter de comprendre. 

Tout au long de l’évolution d’Israël, Dieu eut une pédagogie progressive. Tout d’abord, La loi donnée par Dieu à Moïse fut faite de simples balises qui disaient le minimum à faire pour qu’un groupe  d’hominidés commence à devenir communauté humaine.

Ensuite, à travers les prophètes, Dieu affina progressivement cette Loi et commença à faire appel  avec force et insistance au cœur endormi des humains, là où git la profondeur du Royaume, notre être véritable.

Enfin vint  Jésus, qui s’inscrivit également  dans cette progression : il n’abolit pas tout ce chemin d’apprentissage qui avait servi d’ossature à l’homme pour devenir humain,  mais il lui  donna une toute autre dimension.

 Aujourd’hui encore, à travers ces paroles si fortes,  Il nous appelle  à  aller toujours plus profondément dans le cœur, là où git la sagesse et l’amour. 

Ce chemin  déconcertant  nécessite un long cheminement difficile !

Par sa phrase « Si votre justice ne surpasse pas celle des scribes et des pharisiens, vous n’entrerez pas dans le Royaume des Cieux » Jésus nous hausse d’emblée au niveau du cœur.

 En effet, pour devenir Vie véritable, vie du Royaume toutes ces règles externes de vie commune, toutes les règles de moralité, de bienséance, de bien-pensance, doivent être profondément imprégnées de  cet amour de Dieu qui habite notre cœur profond.

Jésus continue : 

« Vous avez appris qu’il a été dit aux anciens ………Eh bien moi je vous dis: 

1) Tout homme qui se met en colère contre son frère devra passer en jugement 2) Tout homme qui regarde une femme avec convoitise a déjà commis l’adultère dans son cœur »

Il  met ici  face à face, la loi ancienne qui ne régit plus bien souvent que les comportements  externes et d’un autre côté  ce  cœur profond qui meut l’être humain. Le Royaume ne concerne pas nos comportements externes seuls, mais bien les mouvements de ce cœur. C’est la transformation de celui-ci qui changera notre être profond.

Par ses paroles si intenses,  Jésus  crie au cœur humain endormi : réveille-toi, grandit, vient, marche, vit, sort de tes carcans, découvre ta vérité, ne reste pas dans l’obscurité  Saches que tu es habité, que tu es profondément sensible et vivant. Et puis  Il nous exhorte à ouvrir  ce cœur vivant et sensible afin de voir combien l’autre est aussi vivant et sensible et est donc digne de respect.

Ainsi  les membres du béguinage, de l’exemple de départ, ont  commencé à réaliser qu’il ne suffisait pas de règles externes de comportements, même si celles-ci régulent nos relations et sont donc nécessaires à toute vie sociale. Ils ont entrevu que  si le cœur ne s’engage pas, si la vision de l’autre ne change pas, si chacun est  juste enfoncé dans les règles comme dans un petit carcan  contraignant mais somme toute confortable, chaque  cœur mourra d’étouffement et la communauté aussi.  

Ne nous trompons pas, ces paroles si intenses sont de feu et d’amour, pas d’écrasement.

 Ces paroles nous montrent à quel point Jésus le Christ, parole du Père, croit en nous, en nos capacités à aller au plus loin de nous-même, sinon prendrait-Il la peine de venir jusqu’à nous encore et encore pour nous exhorter ?     

6ème dimanche ordinaire

Auteur: Laurent Mathelot
Date de rédaction: 12/02/17
Année: 2016-2017

Il est probable que la plupart d'entre vous n'a pas choisi d'être baptisée dans la foi chrétienne ; moi non plus. Mais notre présence ici est certainement le signe que nous nous la sommes appropriée, que nous avons fait nôtre ce choix. Nous n'avons pas choisi d'être baptisés, mais nous avons choisi d'être ici.

Pour ma part, parmi toutes les doctrines, toutes les opportunités spirituelles qui s'offrent à nous, je choisis la doctrine catholique parce qu'elle est celle qui me semble la plus difficile ; la plus exigeante. Et peut-être pardonnerez-vous le rigorisme d'un mathématicien qui n'a de joie que dans les problèmes ardus et complexes.

La doctrine catholique est la plus exigeante parce qu'elle implique tout le corps et tout l'esprit. Elle nous implique tout entier. Elle n'a rien d'une théorie, d'une belle pensée ; elle n'est pas non plus une simple éthique, des règles de bon comportement.

Ce qui ressort des lectures d'aujourd'hui, c'est cela, je pense, qui implique et emporte toute notre personne – corps et âme – la totalité de notre être, nous tout entier. Et c'est en cela qu'elle est difficile, et parfois bien exigeante.

« Si ton œil droit entraîne ta chute, arrache-le » C'est d'une radicalité inouïe, que nous avons sans doute tendance à estomper. Le péché est vu ici comme une gangrène qui pourrait nous envoyer à la tombe. Parce que c'est le cas !

« Si ta main droite entraîne ta chute, coupe-la » Ne laisse pas progresser le mal qui te ronge ; tu mourras sinon.

Oh nous sommes libres ! « Si tu le veux, tu peux observer les commandements, il dépend de ton choix de rester fidèle. Le Seigneur a mis devant toi l’eau et le feu : étends la main vers ce que tu préfères. » Libre à nous, évidement, de choisir l'infidélité ; libre à nous de préférer nous brûler. « La vie et la mort sont proposées aux hommes, l’une ou l’autre leur est donnée selon leur choix ». On peut choisir de se laisser gagner par la gangrène ; nous sommes libres … Mais Dieu « n'a commandé à personne d’être impie, il n’a donné à personne la permission de pécher. » Et le Christ renchérit : « Si [notre] justice ne surpasse pas celle des scribes et des pharisiens, [nous n’entrerons] pas dans le royaume des Cieux. » Libre à chacun, bien sûr, de courir au suicide spirituel ...

Le christianisme est aussi la doctrine la plus difficile parce qu'il est une doctrine de la liberté.

Alors comment vivre cette liberté, comment faire quotidiennement ce choix d'être chrétiens, fidèles et donc bien vivants ?

S'agit-il de nous raboter petit-à-petit, jetant de-ci de-là les parties de nous-mêmes qui nous entraînent au péché ? Il y a de cela, en effet. Nous avons tous à élaguer des branches mortes, à faire tomber des fruits pourris. Avec une certaine objectivité, en posant un jugement presque froid, parfois glacial sur nous-mêmes. Il y a en effet des choses en moi qui doivent changer ou disparaître ; nous le savons tous.

Et sans doute est-il perdu plus que tout autre celui qui s'aveugle sur son propre péché, qui refuse d'affronter sa part de laideur, de faire face à ce qu'il y a en lui de souillé. Une personne proche me disait un jour : « Je veux que l'on m'aime comme je suis ! » A peine prononcée, j'ai détesté cette phrase. « Moi je veux t'aimer comme tu dois être : comme une personne aimante et aimable, vivante et rayonnante, transparente et lumineuse !  Ça ne me suffit pas de t'aimer telle que tu es. » Trop de complaisance sur nous-mêmes et nous nous rendons incapables de nous épanouir. Et oui c'est vrai : parfois faut-il tailler dans le vif.

Mais à trop tailler, à tomber dans un rigorisme abscons, à ce que la vision des maux qui nous rongent emportent même la vision de la merveille que nous sommes : nous nous condamnons tout autant à mourir. A chaque arbuste convient une juste taille. A chacun d'entre nous, il convient de trouver une juste mesure. Aussi y-a-t-il un temps pour la rigueur et un autre pour la vigueur : quand l'hiver arrive il faut tailler ; quand le printemps revient, il faut laisser courir la sève.

Le christianisme est une doctrine exigeante parce qu'elle implique un équilibre difficile, positivement instable. Trop sévère ou trop lâche, le chrétien meurt. Mais immobile, il meurt aussi. Il nous faut résoudre cette difficile équation qui nous entraîne toujours vers l'avant tout en reculant parfois. Il nous faut réussir le difficile alliage de la liberté et de l'obéissance au commandement divin de l'Amour. Il nous faut toujours envisager notre ultime beauté malgré notre laideur.

Le Christianisme est une doctrine exigeante, c'est vrai. Mais personne ne s'attendrait à ce que soit facile une doctrine de l'accomplissement. « Je ne suis pas venu abolir, mais accomplir » nous dit Jésus.