25ème dimanche ordinaire

Auteur: Philippe Cochinaux
Date de rédaction: 18/09/16
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2015-2016


Voilà un bien curieux évangile : un gérant malhonnête utilise l’argent de son maître pour son propre compte. Car si ce gérant diminue la dette de plusieurs personnes, ce n’est pas par pitié pour leur misère, mais pour son propre intérêt. Il espère ainsi être bien accueilli quand il sera renvoyé. Et Jésus fait l’éloge de ce gérant. Est-ce que Jésus ferait l’éloge de la malhonnêteté ? Bon, bien sûr, ce n’est pas possible. Il faut donc relire cet évangile, mais le relire sous son bon angle d’approche. Et on découvre la phrase clef de cet évangile : « les fils de ce monde sont plus habiles que les fils de la lumière ». Eh oui ! Il y a des gens qui sont tellement habiles en affaires qu’ils font de l’argent avec tout ce qu’ils touchent. Ils commencent avec deux fois rien et ils se retrouvent avec une grande maison et une grosse voiture. C’est cette créativité, cette inventivité que Jésus admire. Il voudrait que nous aussi, nous puissions être créatifs et inventifs dans le domaine de l’amour. Car, malheureusement, nous le voyons souvent dans les couples qui se déchirent. C’est parfois effrayant de voir la cruauté qui se déchaîne au cours d’un divorce. Les conjoints trouvent mille et une astuces pour détruire l’autre, pour le dépouiller de tous ses biens. Et on se dit que, s’ils avaient mis autant d’énergie à se réconcilier, à se faire de petits cadeaux, ils seraient encore ensemble. Et c’est là une chose effrayante que l’on découvre chaque jour : il est plus facile de détruire que de construire. C’est plus facile de détruire l’amour que de le construire. C’est plus facile de détruire sa santé par l’alcool, la drogue, que de la préserver et surtout que de la retrouver. Et c’est cela que Jésus voudrait que l’on fasse : faire preuve d’inventivité et de créativité dans l’amour et le partage. Et c’est ce que des gens comme Mère Teresa et Sœur Emmanuelle ont fait. Devant une situation désespérée comme les mourants à Calcutta ou les enfants au Caire, elles ont apporté leur présence et toute leur énergie. Alors, ce soir, demain, trouvons, inventons un geste de réconciliation et d’amour qui construira encore davantage le Royaume de Dieu sur terre.

25ème dimanche ordinaire

Auteur: Philippe Henne
Date de rédaction: 18/09/16
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2015-2016

Voilà un bien curieux évangile : un gérant malhonnête utilise l’argent de son maître pour son propre compte. Car si ce gérant diminue la dette de plusieurs personnes, ce n’est pas par pitié pour leur misère, mais pour son propre intérêt. Il espère ainsi être bien accueilli quand il sera renvoyé. Et Jésus fait l’éloge de ce gérant. Est-ce que Jésus ferait l’éloge de la malhonnêteté ? Bon, bien sûr, ce n’est pas possible. Il faut donc relire cet évangile, mais le relire sous son bon angle d’approche. Et on découvre la phrase clef de cet évangile : « les fils de ce monde sont plus habiles que les fils de la lumière ». Eh oui ! Il y a des gens qui sont tellement habiles en affaires qu’ils font de l’argent avec tout ce qu’ils touchent. Ils commencent avec deux fois rien et ils se retrouvent avec une grande maison et une grosse voiture. C’est cette créativité, cette inventivité que Jésus admire. Il voudrait que nous aussi, nous puissions être créatifs et inventifs dans le domaine de l’amour. Car, malheureusement, nous le voyons souvent dans les couples qui se déchirent. C’est parfois effrayant de voir la cruauté qui se déchaîne au cours d’un divorce. Les conjoints trouvent mille et une astuces pour détruire l’autre, pour le dépouiller de tous ses biens. Et on se dit que, s’ils avaient mis autant d’énergie à se réconcilier, à se faire de petits cadeaux, ils seraient encore ensemble. Et c’est là une chose effrayante que l’on découvre chaque jour : il est plus facile de détruire que de construire. C’est plus facile de détruire l’amour que de le construire. C’est plus facile de détruire sa santé par l’alcool, la drogue, que de la préserver et surtout que de la retrouver. Et c’est cela que Jésus voudrait que l’on fasse : faire preuve d’inventivité et de créativité dans l’amour et le partage. Et c’est ce que des gens comme Mère Teresa et Sœur Emmanuelle ont fait. Devant une situation désespérée comme les mourants à Calcutta ou les enfants au Caire, elles ont apporté leur présence et toute leur énergie. Alors, ce soir, demain, trouvons, inventons un geste de réconciliation et d’amour qui construira encore davantage le Royaume de Dieu sur terre.

24ème dimanche ordinaire

Auteur: Didier Croonenberghs
Date de rédaction: 11/09/16
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2015-2016

24ème dimanche ordinaire (année C) Régler ses comptes, ne pas avoir d’ardoise… Etre quitte et libre de toute dette et de tout devoir. Voilà ce que nous recherchons parfois — consciemment ou non— dans nos rapports humains, en particulier lorsque les choses s’enveniment ou que nous traversons des zones de turbulences dans notre vie. Car, il faut bien le reconnaître, il peut arriver que nos relations deviennent un peu “comptables” ! Lorsque le ressentiment ou la colère s’installent, nous faisons des comptes… Bien entendu, vous me direz que les relations humaines et familiales sont faites de gratuité et de don… mais elles aussi façonnées par le contre-don, par cette envie de faire en sorte que la relation, comme un bilan, est bien à l’équilibre… Et bien plus, dans nos lieux de vie —que ce soit au travail, en couple, en famille,— il y a parfois quelqu’un qui s’improvise comptable (pas celui qui est nommé pour cette tâche) mais celui ou celle qui note, qui retient, qui vient souligner les devoirs et les obligations des autres, ou qui leur rappelle qu’il a ses propres droits. C’est celui qui confronte —lorsque la crise s’installe— chacun à ses engagements, qui rappelle ce qui a été dit, ce qui a été fait, et surtout, ce qui n’a pas été fait. Voilà pourquoi, il y a parfois un sorte de livre de compte à l’intersection de nos relations humaines, et quelqu’un pour nous lier à nos devoirs et obligations… L’extraordinaire parabole des deux frères est une des plus belles scènes des Evangiles. Par les deux fils qu’elle met en scène, elle nous présente deux manières de “désajuster nos relations” en tenant un grand livre de compte. En effet, les deux fils de la parabole inscrivent subrepticement du calcul dans la relation qu’ils entretiennent avec leur Père. Regardons le fils cadet. « Père, donne-moi la part de fortune qui me revient », dit-il. Et le père s'exécute sans discussion, comme s'il n'avait pas le pouvoir de s'opposer à ce fils en quête d’autonomie. La relation filiale n'est ici que de la succession. Et c’est comme si ce fils voulait tuer son père… On a même l’impression que ce premier fils regarde son Père comme déjà mort… Voilà une première manière de se désajuster de l’autre : par désir d’autonomie et de liberté, vouloir être indépendant de l’autre. Regardons maintenant l’aîné. Que dit-il ? « Il y a tant d’années que je suis à ton service ». Ici, la relation filiale n’est qu’obligation, grand livre de comptes. Ce second fils n’a pas tué son Père, mais il ne rend pas vivant pour autant… et, dans sa logique marchande, il ne voit en lui —non des droits comme le premier, mais que des devoirs… Voilà une seconde manière de se désajuster de l’autre : ne voir en lui devoirs. Et par excès de zèle, être dépendant de lui. Voilà deux fils qui, finalement, se trompent de Père, se désajustent de lui, par souci d’indépendance ou excès de zèle ! Le premier ne lui donne aucun pouvoir, le second lui en donne trop… Quant à nous, voilà pourquoi on peut véritablement s'écarter de Dieu en s'en croyant tout proche, et paradoxalement s'en rapprocher en s'en sentant éloigné, perdu, égaré… Finalement, cette parabole pose la question de la bonne et juste distance par rapport aux autres, par rapport à Dieu. Il y a une proxémie, c’est-à-dire une juste distance entre les êtres à découvrir chaque jour. Car, il est plus facile qu’on ne le pense de se mettre hors jeu, de se mettre en dehors de sa vie, lorsque nous entrons dans cette logique marchande, du don et du contre-don, du dû et du contre dû !. Car, où commencent dans notre monde d'aujourd'hui le refus d’aimer, si ce n'est dans un cœur qui compte, dans un cœur qui compare, qui n’accueille pas la distance ? Dans un cœur qui n’accueille pas l’autre comme un frère, mais comme le fils d’une autre ! Quand « ton fils » que voilà dit l’ainé… Mais le Père de la parabole vient rappeler à l’ainé que la vraie relation est horizontale, et que le cadet est avant tout son frère… Oui, c’est bien dans notre propre cœur lorsqu’il se met à comparer, que vient notre refus d’aimer, de pardonner ou d’être pardonner, que vient notre besoin de compter ? Au contraire, seul l’amour vrai, celui qui sait s’émouvoir sans se perdre, celui accepte la distance sans se désintéresser, celui qui accueille sans étouffer, celui qui donne sans comparer c’est cet amour qui emporte dans sa folie la comptabilité des hommes, nos logiques marchandes, pour accueillir la gratuité de Dieu. Voilà vraiment une parabole pour des retrouvailles, celle du père dévoilé, celle du frère retrouvé. Puisse cette quête constante de vérité —de proximité et de distance dans nos relations— nous accompagner tout au long de cette année. Amen.

23ème dimanche ordinaire

Auteur: Dominique Collin
Date de rédaction: 4/09/16
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2015-2016

23ème dimanche ordinaire

Auteur: Michel Van Aerde
Date de rédaction: 4/09/16
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2015-2016

A. Un évangile qui fait problème
Voici un évangile qui me pose problème, permettez-moi de vous l’avouer d’entrée. Quel type de problème ? Non pas pour le vivre, mais pour le prêcher. Or je dois proclamer l’Evangile honnêtement, c’est à dire de ne pas traiter un autre passage si celui qui se présente est compliqué, ne pas non plus en atténuer la radicalité, même s’il est mal vu aujourd’hui d’être radicalisé. Pourquoi cet évangile me fait difficulté ? Pour deux raisons
1° La première difficulté concerne la rupture avec la famille. D’où vient cette exigence de rupture avec la famille ? N’est-ce pas le discours de toutes les sectes ? « vos relations familiales sont « toxiques », vous devez couper ces liens pour vous libérer !» Vous remarquerez qu’il ne s’agit pas ici de rompre seulement avec les parents, les frères et les sœurs. C’est plus radical encore : il faut rompre avec sa femme (pourquoi pas le mari ?) et avec ses enfants. Si le mariage est un sacrement, comment Jésus peut-il parler ainsi ? Quand saint Augustin confesse qu’il a renvoyé la femme avec laquelle il vivait et aussi son fils, je m’interroge sur l’héroïcité de cette décision surtout que les obsessions de saint Augustin se sont transmisses dans la tradition chrétienne et jusque dans nos contrées avec le jansénisme qui a pourri la vie spirituelle de nos arrières grands parents, ce qui explique en partie le rejet de nos générations. Rompre avec les parents peut paraître excessif et, en même temps, le langage courant nous avertit : il y a des gens qui sont prêts à « tuer père et mère », comme l’on dit, pour un peu de pouvoir, quelques biens, une réputation. Cela montre qu’au fond de l’homme il y a des mécanismes dont les sciences humaines nous appellent à être conscient. Quand Augustin abandonne femme et enfant, est-ce ce qu’il fait de mieux ou ce qu’il fait de pire ? Abraham a fait la même chose avec Ismaël et il s’apprêtait à sacrifier Isaac si l’ange de Dieu ne s’était interposé. Il y a des structures archaïques auxquelles il n’est pas sûr que nous échappions même si nous vivons en des temps très différents…
2° La seconde difficulté concerne les modèles historiques proposés. Et justement, cette dimension historique correspond à la deuxième difficulté que je rencontre, avec les modèles qui prétendent illustrer ce choix radical. La vie religieuse a été présentée comme la voie parfaite, comme la seule réponse adéquate aux exigences de Jésus. Mais n’y avait-il pas là un abus ? Ce discours n’est plus audible aujourd’hui. La vie familiale, avec le travail professionnel afférant, ne demande-t-elle pas autant d’énergie, et peut-être beaucoup plus de courage pour durer fidèlement ? Les modèles historiques sont à revisiter, ils ne sont plus des modèles à copier tels quels pour aujourd’hui. Il y a, comme à chaque époque, quelque chose à réinventer avec d’autres valeurs, une autre relation à l’amour de soi-même, à l’équilibre de vie, au respect du corps, à la nécessité des études, à l’importance de la joie de vivre. Le passé n’est pas toujours porteur. On le voit très nettement pour les vocations féminines. Des générations de femmes ont évangélisé les campagnes, les quartiers pauvres des villes, ont soigné les malades, enseigné les enfants et l’on parle aujourd’hui de « bonnes sœurs » comme si c’étaient des caricatures et un modèle périmé. Le modèle du prêtre totalement dédié, exploitable et corvéable à merci, toujours disponible comme s’il était un service public, ne fonctionne plus non plus. Ce surhomme est abandonné à sa solitude. Non : il faut inventer une nouvelle forme de sainteté. Une sainteté humaine, équilibrée, pour gens normaux et non pas pour des fakirs ou des purs esprits.
B. Ecouter sur une autre longueur d'onde
Cela dit, la parole du Christ aujourd’hui doit-elle nécessairement être entendue dans cette longueur d’onde là ? Jésus s’adresse à la foule. Il ne s’adresse pas seulement au petit cercle de ses sympathisants. L’exigence qu’il manifeste est radicale et elle ne semble pas être facultative. La fidélité : le triomphe de la liberté Ce sur quoi il insiste, c’est la détermination. Si j’essaie de formuler le message en termes d’aujourd’hui, je dirai que pour être disciple du Christ, il n’est pas possible de rester un simple sympathisant. Il n’est pas possible de n’engager que le petit doigt : tôt ou tard, tout finira par « y passer ». Il n’est pas possible de se laisser aller à vivre le quotidien comme il se présente, sans faire de choix. Certes Nous sommes dans un monde où il est difficile de s’engager, où l’on considère que la liberté, c’est de ne pas choisir pour toujours avoir la possibilité de saisir les opportunités. Mais la liberté, précisément, c’est de se déterminer, c’est de s’en servir. La liberté s’use quand on ne s’en sert pas. Et la fidélité, c’est le triomphe de la liberté, celle d’avoir duré dans ses choix et dans ses engagements. Comme pour la construction d’une tour ou d’une maison, il faut aller jusqu’au bout de ce que l’on a commencé. La simple vérité des exigences de la vie Jésus ne fait aucune publicité mensongère. Il dit à l’avance ce qu’il en est. Pourquoi ? Parce qu’un jour ou l’autre, tôt ou tard, il faudra faire face, ce qui veut dire qu’il faudra mobiliser toute son énergie, toutes ses ressources, être pleinement présent à son affaire. Il faudra « faire corps », s’identifier à l’Evangile, quitte à perdre tout le reste. Il faudra choisir cette vie là, éventuellement au risque de perdre sa vie comme elle va. Il peut arriver qu’il faille choisir la source de la vie, plutôt que de vouloir sauver sa vie pour survivre, en reniant ce qui fait tout son sens. La question n’est donc pas celle de renoncer, de sacrifier, d’abandonner ce que l’on a. Le choix proposé n’est pas celui de la mesquinerie, ce que l’on entend parfois sous le mot renoncement. Le choix proposé, tout à l’opposé, est celui d’investir vraiment : d’investir toutes ses ressources, au point de s’investir soi-même à corps perdu, avec toute son intelligence, tout son cœur, en mobilisant toute sa volonté. Il ne s’agit pas de renoncer aux biens parce qu’ils sont des biens, de renoncer à l’amour parce que cela rendrait heureux, pour mener une vie entre quatre murs de recluse ou de reclus. Il ne s’agit pas de renoncer à vivre pour se mettre entre quatre planches par anticipation d’une mort qui viendra de toutes façons. Il s’agit au contraire d’être vivant, bien vivant, pour aimer comme le Christ nous a aimés, à la suite de ce maître de vie qu’est Jésus. Il s’agit de vivre à fond, en combattant tous les mécanismes de mort, de mensonge, d’injustice et de perversion, en nous et autour de nous. Il s’agit de tout risquer, de tout donner (comme on le disait ces temps-ci des sportifs). Il s’agit d’entreprendre de grandes choses et de s’y investir, parce que les pauvres, parce que le monde en a besoin. Il s’agit de vivre avec un grand « V », ou un grand « R », comme résurrection.

22ème dimanche ordinaire

Auteur: Philippe Cochinaux
Date de rédaction: 28/08/16
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2015-2016

Quand on y pense, les verbes auxiliaires "être" et "avoir" sont assez originaux. En effet, ce qu' « avoir » aurait voulu « être », « être » voulait toujours l' « avoir ». C'est pourquoi le verbe « avoir » a besoin d' « être » et le verbe « être » a besoin d' « avoir ». L'un ne va pas sans l'autre. Ils sont indissociables mais ils ont à trouver leur propre équilibre car à force de trop vouloir avoir, on risque de ne plus être. Il n'y a donc pas lieu de rechercher la première place. Il y a lieu de trouver sa propre place dans la vie et pour ce faire, il nous faut toujours chercher à être. Toutefois, il n'est pas possible d'être par soi-même uniquement. Nous avons besoin de relations qui vous nous permettre d'advenir à nous-même, c'est-à-dire de devenir qui nous avons à être. Ainsi, notre vocation humaine qui prend sa source en Dieu est de veiller à permettre à tous celles et ceux de qui nous nous faisons proches de devenir qui ils ont à être. Comment faire? Une clé possible se trouve dans la première lecture de ce jour où Ben Sira le sage conseille l’humilité à son fils. « L’idéal du sage, dit-il, c’est une oreille qui écoute ». L'humilité est la condition nécessaire à toute relation qui fait grandir l'autre dans son humanité. Et se comporter humblement, ce n’est certainement pas se considérer comme moins que rien. Ce n'est pas se rabaisser mais plutôt s'abaisser. Il ne s'agit donc pas de s'humilier mais de toujours veiller à élever l'autre. Etre humble, c'est avoir cette capacité de se connaître en vérité et veiller à ne jamais diminuer la personne en face de soi mais plutôt lui laisser tout l'espace nécessaire pour qu'à son tour il ou elle puisse vivre avec ce sentiment d'exister. Etre humble, c’est donc renoncer à la volonté de puissance sur les autres et toujours veiller à chercher ce qu’ils ont de positif, à mettre en évidence leurs côtés lumineux. Nous avons à faire entre nous ce que Dieu a fait Lui-même pour nous. "Dieu le Père s'est anéanti, nous dit saint Paul, prenant la condition de serviteur, devenant semblable aux hommes. Il s'est abaissé devant obéissant jusqu'à la mort, et la mort de la croix". En s'anéantissant de la sorte, Dieu ne s'est pas renié, il a simplement pris cette condition à laquelle nous sommes toutes et tous appelés, c'est-à-dire la condition de serviteur. Pourquoi? Parce que sans doute la condition première du serviteur est d’écouter la voix de son Maître. Devient ainsi Maître, celle ou celui qui se confie à nous et qui a besoin de cette oreille attentive pour grandir, pour se remettre en question, pour avancer sur le chemin de sa propre vie. Nos oreilles sont faites pour écouter et pour entendre. Elles nous ont été données pour vraiment recevoir ce que l'autre nous révèle de sa vérité intérieure. Elles sont là pour désirer l'accomplissement de la personne qui se dévoile en confiance. Elles veillent toujours à chercher à comprendre sans juger et encore moins à condamner. Une telle écoute demande donc un abaissement de celui qui devient le réceptacle de la parole d'autrui. Cet abaissement est d'ordre divin car nous agissons à notre tour comme Dieu l'a fait pour nous. Il s'est abaissé afin de nous relever. Et par notre propre abaissement, par notre écoute attentive, nous devenons pour l'autre un océan de bienveillance où les rivières des propos de la personne qui se confie peuvent s'écouler et se mélanger avec l'eau de toutes les rivières à qui nous avons donné accès. Si nous voulons être océan les uns pour les autres, il nous faut être à bon niveau, c'est-à-dire à nous abaisser pour que toutes ces rivières humaines puissent couler et venir se réconforter auprès de nous. Par cette écoute attentive, tout ruisseau devient rivière puis fleuve de la Vie. Et il en va de même pour notre Dieu dont la rivière d'amour n'attend qu'un seule chose: pouvoir s'écouler toute tendrement dans l'océan de notre cœur. Avec Dieu, avec nos proches, restons à bon niveau. Nous avons tout à y gagner. Il n'y a rien de plus beau que de pouvoir devenir cet océan de tendresse où toutes et tous aiment venir plonger pour se réconforter et accomplir leur propre destinée. Amen

13ème dimanche ordinaire

Auteur: Didier Croonenberghs
Date de rédaction: 26/06/16
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2015-2016

Vous vous souvenez peut-être de “Contact”, une vieille émission télévisée qui donnait des conseils de sécurité routière, avec “Monsieur Sécurité”. Et vous connaissez peut-être également la parodie humoristique de cette émission, qui s’appelait “Faux Contact”, et qui pastichait ce programme en donnant des conseils absurdes pour les usagers de la route. Il y avait notamment le sketch conseillant d’ajouter un rétroviseur arrière, pour faciliter la marche arrière. Et l’humoriste de conclure avec cette phrase absurde :“De même qu’il est utile de voir vers l’arrière à l’aide du rétroviseur avant, il est primordial, en cas de marche-arrière, de voir vers l’avant à l’aide du rétroviseur arrière ”.  Voir vers l’avant à l’aide du rétroviseur arrière… Avouez que derrière cette phrase absurde, il y a comme un clin d’oeil face à notre incapacité, certains jours, de nous projeter en avant! Cela ne vous aura pas échappé, nous vivons dans une culture qui aime regarder en arrière, qui aime mettre des retroviseurs. Que ce soit pour des événements récents ou plus lointains, il y a ce besoin croissant de regarder le passé, de commémorer pour apprendre les leçons de l’histoire! Et bien plus, avec cette forme d’obsession parfois du devoir de mémoire, nous ressassons souvent davantage les événements douloureux que les histoires heureuses. Toutefois, s’il y a un nécessaire et évident besoin de commémoration, il y a aussi cette tendance à se réfugier dans un passé à jamais dépassé, à dire « c’était mieux avant » par peur de vivre l’avenir, par crainte d’affronter les défis d’aujourd’hui. Il peut en effet nous arriver de nous enterrer littéralement dans le passé des morts par peur de nous tourner vers l’avenir des vivants. Et c’est très exactement ce que Jésus pointe dans l’Evangile de ce jour, à trois reprises, par des petites phrases tranchantes qu’il est parfois si difficile à entendre, alors qu’elles nous pressent à vivre plus intensément notre vie. « Le fils de l’homme n’a pas d’endroit où reposer la tête ». « Laisse les morts enterrer les morts », « Quiconque met la main à la charrue et regarde en arrière n’est pas fait pour le royaume ».  Trois phrases qui nous rappellent que l’existence ne se vit pleinement qu’en regardant devant. Et si on parle beaucoup aujourd’hui du devoir de mémoire, Jésus nous confronte dans l’Evangile de ce jour à un « devoir d’avenir ». Alors que sa fin est proche —et que dans de tels moments de crise on se tourne souvent vers ce qu’on a été—, Jésus se tourne résolument vers son avenir. Il envoie devant lui des messagers pour préparer sa venue. A ceux qui sont confrontés à leur destinée mais qui regardent l’avenir avec méfiance, les réponses de Jésus sont cinglantes : ne pas s'installer, ne pas se retourner, ne pas se réfugier dans ses sécurités et ses droits acquis. Incompréhensible à première vue. Et pourtant… Ne soyez pas « has been » nous dit Jésus, comme des gens qui « ont été », qui vivent dans leur passé, à ce point aveuglés dans leur présent qu'ils sont incapables de voir un avenir.  L’Evangile de ce jour semble donc bien difficile à vivre. Il ne s’agit en rien de renier ses proches et de se couper de ses racines. Cette forme de « détachement » n’est en rien de l’insensibilité. Il a pour but de nous aider à porter notre regard vers un futur à construire en toute liberté car nous sommes des êtres en devenir, jamais atteints, toujours en évolution, quel que soit notre âge. Bien entendu, il est parfois plus facile et rassurant de conjuguer sa vie au passé, par nostalgie, car nous trouvons ainsi refuge dans les sécurités de nos histoires ou de notre expérience. Nous nous tournons alors vers ce qui est mort en nous, ce qui a déjà vécu. Or si le Christ, nous dit saint Paul, nous a libérés, c'est pour que nous soyons vraiment, réellement libres.  Alors, laissons vraiment les morts enterrer les morts, ne nous enfermons pas dans notre passé. Intégrons-le tout au contraire à nos chemins respectifs et reconnaissons qu'il constitue la richesse de ce que nous sommes devenus, et nous offre un « devoir d’avenir ». Car quand on laisse derrière soi son chez-soi et ses propres sécurités, on découvre, devant soi une terre nouvelle, celle du Royaume. Amen.

13ème dimanche ordinaire

Auteur: Philippe Henne
Date de rédaction: 26/06/16
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2015-2016

Je pensais vous faire pleurer en évoquant tous ces hommes et toutes ces femmes qui, par amour pour Dieu, ont renoncé à une vie de confort. Je pense à tous ces religieux et religieuses qui ont renoncé à avoir une petite famille avec une femme et des enfants, une petite maison et une grosse voiture. Mais je ne peux pas parler de cela sans songer aussitôt à tous ces réfugiés qui, par vagues incessantes, échouent dans notre pays. Ils ont tout perdu, leur maison, leur travail, leur village, leurs amis. Et je songe en particulier à tout cela parce que je viens de Rome où j’ai participé à un forum qui rassemblait des représentants d’Eglises d’Orient en difficulté et des associations bienfaitrices qui soutiennent ces chrétiens d’Orient. Je fais, comme vous le savez, partie d’une association, Solidarité Orient, qui soutient ces Eglises d’Orient, en Terre Sainte, en Syrie, en Irak et en Egypte.

            La première impression, c’est évidemment la diversité. Quand le premier jour je me trouvais dans la sacristie, j’était entouré de prêtres et d’évêques habillés de mille façons différentes : avec ou sans chapeau, avec ou sans chape, avec ou sans dorure sur le costume. Au-delà de cet aspect un peu folklorique, il y surtout cette redécouverte qu’il y a mille façons d’aimer Dieu et de Le servir. Nous sommes tellement habitués à notre petite image de Dieu que nous en oublions presque que Dieu est beaucoup plus grand, beaucoup plus riche que nous le pensons. J’avais presque envie de dire à chacun de ces chrétiens d’Orient : « dis-moi, qui est Dieu pour toi ? Quelles sont les merveilles qu’Il a faites pour toi ? » afin de pouvoir moi aussi me nourrir de cette nouvelle approche de Dieu. Frères et sœurs, restons toujours attentifs, assoiffés de découvrir une nouvelle façon d’aimer Dieu et de Le servir.

Une deuxième chose surprenante dans cette réunion, c’est la grès grande franchise et simplicité avec laquelle on se parlait. J’ai déjà participé à des congrès, des journées d’études, des forums, etc. C’était réservé à des spécialistes et on était tous un peu fiers d’y être parce que ce n’était pas pour tout le monde. Ici, à Rome, lors de cette rencontre pour les chrétiens d’Orient, c’était la franchise et la vérité qui dominaient. On parlait d’hommes et de femmes qui souffraient. Derrière le nom de ville ou de village, c’était la souffrance concrète d’hommes et de femmes qu’on voyait, qu’on entendait. Il n’y avait pas de temps à perdre. C’était maintenant qu’il fallait agir. A ce moment-là, on ne perd pas de temps en belles déclarations ou en belles discussions sur des thèmes philosophiques. Il fallait agir.

Enfin, un troisième élément qui m’a touché pendant cette rencontre, c’était la foi de ces Orientaux. Ils n’ont pas la foi comme si c’était quelque chose en plus. Non, ils sont chrétiens. Cela fait partie de leur être même, de leur existence. Pour nous, la foi, c’est quelque chose qu’on peut avoir ou ne pas avoir. C’est quelque chose qui peut être utile. C’est un plus dans la vie. Pour eux, la foi, c’est la vie. Et je comprends l’attitude des premiers chrétiens pendant le martyre. Renoncer à la foi chrétienne, c’est pour eu pire que perdre un bras ou une jmabe. C’est perdre le sens même de la vie. Oui, ces chrétiens d’Orient ont de belles choses à nous apprendre. Et tout d’abord qu’un Syrien, ce n’est pas seulement un réfugié. C’est avant tout un être humaine, un enfant de Dieu, créé par amour, porté et soutenu par la tendresse de Dieu. Oui, il nous rappelle notre formidable dignité, celle d’avoir été créé pour être aimé et pour aimer pour l’éternité.

12ème dimanche ordinaire

Auteur: Philippe Henne
Date de rédaction: 19/06/16
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2015-2016

Tout est dépassé.  Avec la réponse de Pierre, toutes les certitudes et mêmes toutes les merveilles du passé sont … dépassées. Ecoutez les réponses des autres apôtres à  la question de Jésus : « c’est Moïse, c’est Elie ».  Les apôtres évoquent les deux plus grandes personnalités de la Première Alliance.  Notez que Moïse et Elie seront les deux personnages qui apparaîtront à côté de Jésus lors de la Transfiguration.  Moïse représente la Loi, Elie personnifie la prophétie.  Ce sont là les deux piliers de la Première Alliance.  Mais ce sont des personnages du passé.  La foule, comme certains disciples, pensent Jésus reste dans cette tradition.  Pierre soudain prend conscience que tout a changé.  C’est comme Roméo.  Il avait sa famille, ses amis, ses distractions.  Et voilà que soudain surgit devant lui quelqu’un qui l’entraîne dans un monde totalement différente, beaucoup plus grand, beaucoup plus beau que tout ce qu’il a connu.   Les joies du passé sont dépassées par la surprise d’une découverte.   Mais, pour bien profiter de toute la richesse de cette découverte, il faut pouvoir renoncer un moment aux certitudes de la famille et de la vie de tous les jours.  Roméo préférera renoncer à la solidarité familiale et s’élancer dans une aventure folle, celle de l’amour qui dépasse les haines.  Ce sera un déchirement.  C’est sans doute la raison pour laquelle Jésus parle aussitôt de souffrances et de séparation.  Entre son confort céleste et son amour pour les hommes, le Fils de Dieu n’a pas hésité.  Il est venu au milieu de nous.  Il accepte et assume ce dépouillement.  La gloire dont il jouit dans la cour céleste n’est rien en comparaison avec le bonheur qu’il a d’être au milieu de nous.  C’est justement parce qu’il a renoncé à tout cela qu’il a pu rencontrer Marie-Madeleine, la pécheresse publique, Zachée, le fonctionnaire corrompu, Matthieu, le publicain désespéré.       Et c’est ce que Pierre a compris.  Au-delà des habitudes rassurantes, des convictions réconfortantes, il y a ce Jésus qui est beaucoup plus que tout cela : il est les Christ, le Messie de Dieu, celui que Dieu nous a envoyé pour nous apporter la richesse et la certitude de son amour.  Pierre n’est pourtant le plus intelligent de la bande.  Ce n’est même pas celui que Jésus aimait.  Mais il y a en lui une telle fraîcheur, une telle générosité qu’il a été capable de comprendre tout ce que Jésus pouvait lui apporter.  Sa générosité ? C’est lui qui a juré qu’il préférerait mourir plutôt que de voir Jésus arrêté, et c’est lui qui par trois trahira Jésus, puis pleurera.  C’est sans doute cette générosité pleine de spontanéité qui lui a permis de comprendre la générosité spontanée de Dieu pour chacun d’entre nous.       Remercions donc Dieu de nous permettre de rencontrer des gens si remarquables qui nous dépassant par leur générosité et par leur belle relation avec Dieu.  A leur suite, apprenons nous aussi à quitter nos petites vérités qui sont bien vieilles pour nous ouvrir chaque jour à la révolution de Dieu, une révolution d’un amour plus grand encore que nous pouvons l’imaginer.  Libérés du passé, nous pourrons jouir du présent de Dieu.

12ème dimanche ordinaire

Auteur: Dominique Collin
Date de rédaction: 19/06/16
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2015-2016

11ème dimanche ordinaire

Auteur: Didier Croonenberghs
Date de rédaction: 12/06/16
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2015-2016

Il est classique de dire que la philosophie commence avec l’étonnement. Pour le sage, l’étonnement est la racine de tout questionnement… C’est ainsi que les philosophes aiment à répéter cette phrase d’Aristote : “Tout homme doit commencer par s’étonner. Et s’étonner de ce que les choses sont ce qu’elles sont”.   Dans le curieux récit d’Evangile que nous venons d’entendre, Jésus s’adresse à Simon en lui faisant la liste, non de ce qu’il a fait, mais justement de ce qu’il n’a pas fait. C’est un peu comme si Jésus, loin de toute philosophie, s’étonnait plutôt de ce que les choses ne sont pas! “Tu ne m’as pas versé de l’eau”. “Tu ne m’as pas embrassé”. “Tu ne m’as pas fait d’onction”.  Mal comprise, avouez qu’une telle liste n’est pas loin de constituer un catalogue de reproches culpabilisants… Et rien de plus pénible qu’une personne faisant la liste de ce que nous n’avons pas fait ou que nous aurions du faire…  Mais lire ainsi la réaction de Jésus, c’est finalement entrer dans le jeu de Simon, le pharisien. C’est entrer dans le jeu du permis et du défendu, dans le jeu de la morale, qui prescrit ce qu’il faut bien faire, et donc ce qu’il ne faut pas faire. La morale, vous le savez, dit ce qu’il ne faut pas faire… Et lorsqu’on se place dans le champ de cette morale,  il peut nous arriver de ne pas agir, par peur de mal agir,  de nous taire par peur de mal parler,  de rester silencieux par crainte de blesser,  d’être poli, à défaut d’être vrai …   Voilà le sentiment qui peut parfois nous traverser, par fausse humilité ou timidité, lorsque nous avons peur de mal faire. Et l’Evangile nous rappelle que la foi n’est pas de l’ordre de la morale, et que la peur d’agir sera toujours l’opposé de la foi.  Simon, lui, respecte le protocole, les codes, quitte à se dispenser de vivre ou d’aimer ! Voilà pourquoi Jésus dit à la femme “Ta foi” t’a sauvé. Non pas ton amour, fût-il grand. Mais ta foi, cette confiance qui ose quitter le lieu de la bienséance, pour aimer, même maladroitement…  pour aimer “même trop, même mal” comme dirait Brel.  Le regard de Jésus sur les gestes de cette femme —qui fait ce que la bienséance interdirait de faire— nous rappelle qu’à la racine et l’origine de nos actions se trouvent non le permis et le défendu, mais ce qui amène de la vie ou non, ce qui procure de l’amour, du désir, de la douceur, de la tendresse. Pour paraphraser le provincial, la femme voit, s’émeut et agit. Le pharisien, quant à lui, voit, s’indigne et n’agit pas !  Car l’essentiel du récit est bien ceci : l’opposition entre une peur qui étouffe l’action et la confiance qui la libère. Simon évite d’agir, par peur de mal agir. Par contre la femme aime, quitte à mal aimer... Elle a compris que la confiance croit en osant et en agissant, et que, tout au contraire, la peur grandit dans ces lieux où nous ne sommes pas dans la dépossession…   Voilà pourquoi l’inverse de la foi, ce n’est pas le doute, mais c’est la peur. D’ailleurs, lorsqu’on parle de peur, on est toujours dans le registre de la possession et de l’inaction. On “a” peur. Avoir peur, c’est la la crainte de faire et de mal faire. Tout le contraire avec la confiance. Lorsque l’on fait confiance, et le mot le dit, nous sommes directement dans l’action, et la dépossession de soi, puisqu’on ne fait pas confiance tout seul. Finalement, celui qui a peur est toujours un non pratiquant, un non agissant. Alors qu’il est impossible d’être un confiant non pratiquant…  L’histoire du créancier et des deux débiteurs, c’est donc finalement l’histoire de Jésus face aux deux débiteurs que sont Simon et cette pécheresse. Ni l’un ni l’autre ne peuvent rembourser la confiance, ce qui ne s’achète pas, ne se possède pas, mais ne peut que se donner.  Et puisque la dette des deux débiteurs est remise, en disant “Femme, tes péchés sont pardonnés”, Jésus montre  subtilement qu’il offre également son pardon à Simon.   S’il en est ainsi, à nous d’être contagieux de ce pardon. A nous d’en témoigner, sans peur et sans culpabilité mal placée,  A nous d’aimer, même trop, même mal ! A nous de témoigner à notre tour de cette confiance,  par des actes, même malhabiles,  par des paroles, même maladroites,  par des gestes, même même maladroits,  mais qui s’enracinent dans cette confiance, envers et contre tout. Amen.

10ème dimanche ordinaire

Auteur: Philippe Cochinaux
Date de rédaction: 5/06/16
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2015-2016

En se laissant ainsi émouvoir jusqu’au plus profond de ses entrailles face à la mort du fruit des entrailles d’une veuve, le Fils de Dieu nous fait opérer un changement conceptuel quant à sa propre divinité.  En effet, dans l’Antiquité, pour la pensée stoïcienne qui était considérée comme la foi la plus noble, la caractéristique première de Dieu était d’être apathique, c’est-à-dire un Dieu incapable de sentiments.  Dans sa toute-puissance, Dieu ne peut se laisser influencer.   Dès lors, si quelqu’un est capable de rendre un autre désolé ou triste, joyeux ou heureux, cela signifie, qu’au moins, à ce moment précis où il altère les sentiments de l’autre, il peut exercer une influence sur celui-ci.  S’il est donc capable de l’influencer, cela signifie qu’au moins à ce moment précis, il est plus grand que lui.  Or personne ne peut être plus grand que Dieu, en conséquence personne ne peut influencer Dieu : c’est pourquoi, selon les stoïciens, dans la nature des choses, il est une évidence que Dieu doit être incapable de sentiment. L’argumentation philosophique tient la route.  Elle poursuit sa propre logique. Et pourtant, pourtant, il en va tout autrement de notre Dieu révélé en Jésus-Christ dans l’Esprit.  Dieu se laisse émouvoir.   Il ne s’agit pas d’un simple sentiment de compassion, d’empathie, de miséricorde face à la douleur d’une personne.  Comme nous venons de l’entendre dans l’extrait de l’évangile de Luc, Dieu se laisse remuer au plus profond de ses entrailles, c’est-à-dire qu’il cherche à vivre au plus profond de lui la douleur de cette veuve. La toute-puissance de Dieu s’inscrit dans cette attitude noble du cœur.  Il est capable de sentiments.  Il s’émeut de ce qu’il peut nous arriver de devoir traverser.  Il ne reste pas insensible à nos pertes sentimentales, physique ou encore économiques.  Il ne nous abandonne pas.  Il porte sur chacune et chacun d’entre nous son regard empreint de bienveillance divine.  Il se laisse ainsi toucher au cœur de son propre cœur par ce qui nous touche et nous émeut.  Et bien évidemment, il nous invite à faire de même lorsque nous nous faisons proches de celles ou ceux qui sont confrontés de plein fouet par la dureté de la vie.   Il nous offre une dynamique d’accompagnement : « voir, s’émouvoir et agir ».  Tout d’abord, nous sommes invités à voir ce qui se vit autour de nous et en nous.  Et voir, c’est plus que regarder.  En effet, en voyant, nous cherchons à percevoir par les yeux, c’est-à-dire à chercher à comprendre ce que l’autre vit et ressent sans pour autant jamais avoir la prétention d’être capable de se mettre à sa place.  En voyant l’être humain dans sa propre réalité de souffrance, nous pouvons alors nous laisser émouvoir par sa situation.  Il peut également nous arriver d’en être complètement remué, voire retourné.  Nous sommes sans voix.  Nous ne trouvons plus les mots ajustés à la situation.  Tout simplement parce qu’il n’y a peut-être plus rien à dire, à ajouter à la brutalité de ce qui se vit.  Le silence est d’or et vraisemblablement beaucoup plus parlant que toutes les phrases que nous aurions apprises.  S’émouvoir, c’est donc être à même de se taire et de contempler le mystère d’une personne en souffrance.  Un regard de tendresse ou la douceur d’une caresse auront plus de poids que tout logorrhée qui sortira de notre bouche.  Toutefois, nous sommes conviés à ne pas nous enfermer dans notre contemplation et à en rester là.  Voir et s’émouvoir ne sont que les prémices de ce qui va nous conduire à agir.  Cette fois encore, il ne nous faut pas chercher les solutions qui souvent ne sont pas en notre possession ou veiller à agir de manière miraculeuse.  Nous n’en avons pas le pouvoir tout en étant capable d’accomplir des miracles.  Notre agir consistera à permettre à la personne de se relever et ce, même au seuil de sa propre vie d’éternité.  Relever un être humain, c’est l’inviter à partir à la rencontre du meilleur de lui-même et  à advenir à sa propre destinée.  Relever un être humain, c’est donc lui permettre de s’accomplir dans le cœur de Dieu.  « Voir, s’émouvoir et agir » : trois verbes tirés de ce récit de la guérison du fils de la veuve de Naïn.  Trois verbes qui nous font entrer dans une dynamique de vie solidaire les uns des autres.  Ils prennent leurs sources au plus profond nos entrailles, là où notre Dieu a choisi de venir habiter en nous.  « Voir, s’émouvoir et agir » sont nécessaires au relèvement de notre humanité. Amen