25e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Delavie Bruno
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 1999-2000

Qui donc est le plus grand ?

Les disciples de Jésus n'étaient pas très fiers, car, en chemin, ils avaient discuté entre eux pour savoir qui était le plus important.

A priori, nous aurions nous aussi peut-être tendance à les blâmer, parce qu'ils se disputent pour les premières places. A y regarder de plus près, il faut bien admettre que la compétition a quelque chose de positif Avancer, grandir, chercher à devenir meilleur, à acquérir plus de connaissances, à être plus compétent, réussir, gagner, tout cela est important . Cela fait partie de notre vouloir vivre, de la mise en valeur de nos capacités. Cela donne du dynamisme et de l'enthousiasme. Et aujourd'hui, dans notre monde de battants, c'est même nécessaire pour se faire une place au soleil.

Seulement, voilà, il arrive parfois que cette lutte nécessaire, s'accomplit au détriment des autres, au prix de l'écrasement de celles et ceux qui nous entourent . E y a là souvent un aspect mortifère, à la compétitivité. Pour gagner, pour être le premier et le plus grand, le plus fort, il faut absolument anéantir les autres concurrents. Cela ne s'accorde pas très bien avec l'esprit de Jésus qui nous déclare "Si quelqu'un veut être le premier, qu'il soit le serviteur de tous !"

Il arrivent que des personnes, parfois célèbres, accomplissent des oeuvres de bonté et de solidarité, Tout en réussissant leurs croisades du coeur, elles mettent en évidence et en lumière les grandes carences de l'organisation de nos sociétés, et l'incapacité des gouvernements d'enrayer les ravages de la grande pauvreté et de la misère. Comme pour se défendre, ou pour justifier une situation, on colportera volontiers les critiques vis à vis de ces actions humanitaires et l'on mettra en lumière les limites de leur efficacité. A l'occasion du décès de Mère Thérésa, les médias nous ont beaucoup parlé de son oeuvre, de la façon dont elle a permis à tant de malheureux de Calcutta de mourir, non pas dans la rue, mais d'une manière plus humaine et plus digne. Mais en même temps, d'autres ont essayé de dénigrer son action, lui reprochant d'agir uniquement sur les conséquences de la pauvreté en Inde, et de ne jamais remettre en question les causes de cette immense misère. D'autres lui ont reproché même de glorifier la souffrance de ces pauvres, comme si celle-ci avait en soi une valeur importante et rédemptrice.

Et nous-mêmes, ne nous arrive-t-il pas de nous irriter lorsqu'à côté de nous d'autres réussissent. Nous éprouvons du dépit devant les initiatives d'autrui. Nous sommes irrités quand quelqu'un s'oppose à nous, n'a pas la même pratique ou les mêmes opinions. Nous avons un inconscient plaisir à humilier les autres, surtout s'ils réussissent. Il nous est facile d'accuser et d'écraser l'autre quand nous sommes soi-disant supérieurs.

C'était déjà pareil au temps de Jésus. E avait jusqu'ici accomplit une oeuvre admirable, en guérissant de nombreux malades, en chassant les mauvais esprits et en accueillant les pécheurs. E s'était donc taillé un grand succès. Par ces nombreuses guérisons, ils s'opposaient aux autorités religieuses de son temps, qui prétendaient que la maladie ou l'infirmité était une punition de Dieu. Si quelqu'un était boiteux ou aveugle, c'est parce qu'il avait péché. Il ne fallait donc pas le soulager ni le guérir pour ne pas s'opposer à la vengeance de Dieu. C'est pourquoi les prêtres, les scribes et les pharisiens se voyaient remis en question par le succès du Nazaréen. Ils le critiquaient volontiers. "C'est par le prince des démons qu'il chasse les démons" disaient-ils. Ce prophète ne pouvait pas venir de Dieu puisqu'il accueillait les pécheurs. Jésus n'est pas dupe de ces pensées mortifères des juifs pieux de son temps. Il annonce clairement l'intention de ses adversaires de le faire disparaître. 'Le Fils de l'homme est livré aux mains des hommes ; ils le tueront, mais trois jours après il ressuscitera" En cela il réalise ce que l'auteur de la Sagesse disait du Juste : 'Attirons le juste dans un piège, car il nous contrarie et s'oppose à notre conduite. Condamnons-le à une mort infâme puisque quelqu'un, dit-il, veillera sur lui. " Jésus qui croit en la force du bien, annonce le relèvement, la puissance de la vie plus forte que toutes ces critiques. Il prédit la résurrection.

Pour fortifier ses disciples, Jésus fait un geste symbolique. Dans la maison,, il appelle un enfant, le place au milieu d'eux et l'embrasse. Appeler un enfant, c'est peut-être un geste émouvant, touchant voire même merveilleux. Pour les apôtres, c'est un rude coup de point sur la table. Ils ont discuté pour savoir qui était le plus fort et Jésus leur donne en leçon un petit enfant. Car Dieu ne se retrouve pas chez ceux qui veulent être grands au mépris des autres. C'est dans le petit qu'il se reconnaît.

L'attitude de Jésus apparaît comme radicalement neuve. S'il voit dans l'enfant celui qui est sans défense, il voit surtout un être disponible et ouvert à l'avenir. C'est vers lui que s'adresse la tendresse du Maître. Il l'embrasse. Il s'identifie à ce tout petit puisqu'il affirme que celui qui "accueille un enfant comme celui-la, c'est lui-même qu'il accueille et donc le Père qui l'a envoyé.

Aujourd'hui, Jésus ne va pas renouveler ce geste au milieu de nous, mais sa parole nous invite à accueillir l'enfant qui est en nous, qui demeure en nous. C'est une invitation à retrouver ce petit être qui sommeille en chacun de nos coeurs, cet enfant que nous avons été qui était ouvert à l'avenir, au progrès, à l'émerveillement devant la nature et le monde, dans le coeur duquel il n'y avait aucune violence, aucune agressivité, mais un désir d'aimer et de se donner tout entier dans la tendresse envers ceux qui l'entourent.

26e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 1999-2000

Cela fait trois semaines, trois semaines, me dit-il avec toujours cette rage dans la voix qu'il n'arrivait pas à contrôler. Trois semaines qu'il m'a dit cela et je n'arrive pas à l'oublier, à lui pardonner de telles paroles. Ce n'est pas tant ce qu'il m'a dit qui me rend fou, poursuivait-il, mais le fait que ce soit lui qui se soit permis de me le dire. Quelqu'un de plus proche m'aurait affirmé la même chose, cela ne m'aurait pas dérangé, je l'aurais même facilement accepté mais que ça vienne de lui : là, je dis non. Ces quelques phrases glanées au hasard d'une conversation n'ont rien d'exceptionnel et je suis convaincu que toutes et tous, nous nous sommes déjà trouvés dans une telle situation soit pour l'avoir entendue, soit pour l'avoir vécue personnellement. Et la morale d'une telle histoire pourrait se résumer par les mots suivants : « les gens n'ont que le pouvoir qu'on leur donne ». C'est si vrai dans la vie, cette maxime : « les gens n'ont que le pouvoir qu'on leur donne ». Je crois que dans la vie, nous sommes souvent confrontés à des problèmes d'autorité. Et la liturgie d'aujourd'hui en sa première lecture et son évangile, nous font redécouvrir, par la manière dont les disciples de Moïse et de Jésus réagissent, deux types d'autorité auxquels nous sommes quotidiennement confrontés : il s'agit de l'autorité de compétence et de l'autorité relationnelle. Il y en a sans doute d'autres, mais les textes du jour nous convient à nous pencher sur ces deux-là.

Prenons d'abord la dynamique de l'autorité relationnelle. Certaines personnes, au cours de ma propre existence, me feront des remarques et j'en tiendrai compte pour avancer sur le chemin de la vie. Je leur donne du pouvoir sur moi et je leur reconnais une compétence humaine. L'amitié et l'amour sont deux lieux où l'interpellation peut se vivre en douceur et en tendresse. Mais, c'est moi et moi seul qui autorise l'autre à prendre cette place dans mon existence. D'autres personnes pourront me faire, à la limite les mêmes remarques et ces dernières couleront sur la carapace de mon être n'ayant que faire de leur avis. Soit je ne vis pas une relation de proximité avec elles pour le moment, soit je n'ai pas de sympathie à leur égard. Dès lors, je ne leur donne aucune autorité. Il en va de même pour les lettres anonymes. J'en fais toujours un classement vertical, mais n'ayant cette fois que mépris profond pour ces gens qui n'ont pas le courage de leurs opinions. En fonction des personnes et des situations, je réagis donc émotionnellement différemment aux remarques reçues. Si donc une remarque m'affecte positivement ou négativement, c'est que j'accorde un certain pouvoir, une certaine autorité à la personne qui s'adresse à moi. J'ai alors à me poser la question, si énervement il y a, de la raison pour laquelle je donne tant de pouvoir à quelqu'un pour que ce dernier puisse arriver à me déstabiliser au point de ressentir une certaine colère monter en moi chaque fois que je pense aux mots échangés. Cette influence que je considère de manière négative me fait perdre un peu de ma liberté, de mon autonomie puisque l'autre occupe une grand part de ma pensée, de mes émotions. J'ai alors à reconnaître que par delà la pertinence vraisemblable des propos échangés, je ne suis pas émotionnellement aussi neutre que je ne le voudrais vis-à-vis de la personne et j'ai alors à faire le chemin intérieur pour me resituer par rapport à mon interlocuteur et comprendre les émotions qui me traversent. Ayant fait ce travail, je peux recouvrer ma liberté et décider de la suite que je donnerai aux propos échangés.

Si c'est vrai pour les émotions, il en va de même pour l'autorité de compétence puisque toutes deux trouvent leur siège au coeur de l'intelligence humaine. A certaines personnes nous reconnaissons aussi une autorité de compétences basées soit sur des connaissances scientifiques, soit sur des connaissances acquises par l'expérience de la vie. Pour cette autorité-ci, c'est à nouveau à nous à décider de la reconnaître même si nous sommes portés par l'ensemble de la société dans laquelle nous vivons. J'accepte ou je refuse la parole, le discours de certaines personnes, à l'instar des disciples de Moïse.

Alors que nous soyons dans le champ de l'autorité émotionnelle ou de compétence, nous devons admettre que même si nous ne saisissons pas tout, que cela va parfois au-delà de notre entendement, nous pouvons nous rappeler ces paroles du Christ et les faire nôtres : « celui qui n'est pas contre nous est pour nous ». De toute façon, les gens n'ont que le pouvoir qu'on leur donne.

Amen.

28e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Moore Gareth
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 1999-2000

Nous connaissons tous très bien, peut-être trop bien, cette histoire de l'homme riche. Mais cette connaissance peut nous empêcher d'en voir l'essentiel. Dans l'essentiel, ce n'est pas une leçon sur les dangers de l'argent, contre le matérialisme ou sur le fait que nous soyons souvent possédés par ce que nous possédons ; il s'agit plutôt de l'amour.

« Posant son regard sur lui, Jésus se mit à l'aimer » Cette rencontre est racontée par trois des quatre évangélistes, et Marc est le seul qui raconte ce petit détail, que Jésus regarde cet homme et l'aime. Mais en nous racontant ce détail, Marc va à l'essentiel de la rencontre. Jésus l'aime, c'est-à-dire que Dieu l'aime.

L'amour, ce n'est pas seulement une sorte de bienveillance désintéressée, distante. La bienveillance fait partie de tout véritable amour, c'est vrai. Mais quand nous aimons quelqu'un, il nous attire vers lui. Il attire notre regard, nous le regardons, comme Jésus regarde cet homme riche, et nous le regardons avec plaisir. Il attire, comme un aimant, notre regard et aussi notre corps ; nous voulons être près de lui. Quand nous aimons quelqu'un, nous voulons qu'il soit près de nous, avec nous, nous voulons qu'il partage notre vie et nous voulons partager la sienne ; et ceci, au quotidien : nous voulons manger avec lui, nous promener avec lui, faire la vaisselle avec lui, aller au cinéma avec lui. Autrement dit, nous voulons qu'il soit là pour nous, qu'il fasse partie de la texture de notre vie, et nous voulons aussi faire partie de la sienne. C'est pourquoi, quand deux personnes s'aiment mutuellement et que leur amour est fort et profond, ils veulent vivre ensemble, tous les jours et sous le même toit. Et cette intimité a souvent un aspect corporel et sexuel ; c'est pourquoi, pour nous les êtres humains, les rapports sexuels peuvent être l'expression et le symbole de l'amour fort et profond, l'union physique peut exprimer l'union intime de la vie des deux personnes.

Jésus regarde cet homme riche, il l'aime. Puisque il l'aime, il veut son bien, mais il veut aussi que l'homme partage sa vie : « viens, et suis moi », lui dit-il, je veux être avec toi, et veux que tu sois avec moi. Jésus révèle ici l'amour de Dieu, pour cet homme et pour nous tous.

Jésus le regarde. Or le regard de Jésus, c'est le regard de Dieu, le regard de celui qui nous a créés. Au premier chapitre de la Bible, Dieu crée le ciel et la terre, mais il fait plus que créer. Chaque fois qu'il crée un élément du monde, il le regarde et il se dit : « C'est bon » ; il aime ce qu'il a créé. Quand il a créé les êtres humains, il regarde l'ensemble de la création et se dit : « Ah, c'est très bon » ; il aime beaucoup les hommes. Dieu regarde le monde, il aime le regarder, il aime surtout les hommes, il aime les regarder. Nous attirons le regard de Dieu, comme l'homme riche attire le regard de Jésus. Dans cette rencontre de Jésus avec l'homme riche, Dieu dit effectivement à chacun de nous : Viens, sois avec moi, car je t'aime. Dieu nous aime pour ce que nous sommes, pas pour ce que nous avons, il nous aime parce qu'il nous a donné l'être et la vie, pas parce que nous avons amoncelé des vertus ou de l'argent. Dieu nous aime à ce point qu'il veut partager sa vie avec nous, au quotidien, de manière permanente et intime. C'est pourquoi, pour la tradition chrétienne, la meilleure image de l'amour de Dieu pour nous, à part la croix de Jésus, est l'amour érotique, tel qu'on le trouve dans le Cantique des Cantiques : « Qu'il me baise des baisers de sa bouche ! Car tes caresses sont meilleures que du vin, meilleures que la senteur de tes parfums ». C'est pourquoi aussi le mariage, où deux personnes partagent de manière intime leur vie quotidienne, peut être une image de l'amour de Dieu.

L'homme riche ne répond pas à l'invitation de Jésus, il s'en va. Mais il s'en va triste, et cela montre qu'il répond quand même d'une certaine manière à l'amour de Jésus, à l'amour de Dieu. Sa tristesse montre qu'il sait vaguement qu'en s'en allant il rate quelque chose qui l'attire, qu'il perd quelque chose qu'il aime. Si Dieu aime l'homme, l'homme aime Dieu aussi. Dieu nous aime parce qu'il nous a créés, nous l'aimons parce qu'il nous a créés pour lui. C'est de la nature de l'homme d'aimer Dieu, même s'il ne le sait pas, même s'il refuse l'invitation de Dieu. L'homme qui refuse Dieu agit contre son propre véritable amour, d'où sa tristesse. L'homme ne répond pas toujours à l'amour de Dieu et à son propre amour pour Dieu, mais nous savons que l'amour de Dieu peut combler notre manque d'amour. Même si pour les hommes c'est impossible, tout est possible à Dieu et à l'amour de Dieu.

29e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 1999-2000

« Celui qu veut devenir grand sera votre serviteur. Celui qui veut être le premier sera votre esclave ». Voilà bien le genre de phrase du Christ qui ne me fait vraiment pas plaisir. Suivre Jésus, c'est être esclave, être serviteur. Mais qui d'entre nous normalement constitué a envie de perdre ses privilèges, son état d'homme ou de femme libre pour devenir escalve et serviteur. Il pousse un peu le Fils de Dieu en affirmant une telle chose. Serviteur, esclave c'est-à-dire un état de vie totalement tourné vers les autres, vers leur bien-être, comme si nous devions nous nier quelque part pour qu'eux existent.

Etonnante d'ailleurs cette notion de service. En effet, en consultant tant les dictionnaires Larousse que Robert, quelle ne fut pas ma surprise de découvrir à quel point le service est présenté de manière négative. Dans les deux dictionnaires, cinquante pourcent touche à la notion de service militaire et beaucoup de ceux qui sont passés par là, n'ont pas vu ce temps à l'armée comme lieu d'épanouissment mais plutôt comme obligation à devoir accomplir. Quarante autres pourcent sont dévolus à la définition négative du service entendu comme travail à devoir acomplir, tâche imposée par la fonction, fait de se mettre à la disposition de quelqu'un par obligeance. Et enfin dix pour cent parlent du service comme une aide, une faveur. Alors si les dictionnaires s'y mettent aussi, cela signifie quelque part que cette notion de service soit rendue plus difficilement acceptable dans notre culture. [L'exemple de l'article de la promesse guide jamais choisi se comprend mieux dès lors].

Pourtant au c½ur du Royaume de Dieu, d'après les dires du Christ, la notion de service est essentielle. Comment la comprendre, la saisir. Peut-être tout simplement en relisant ce verset de Marc à la lumière de l'évangile de Jean où Jésus nous parle également de service. En Jean, le Christ nous annonce ceci : « Je ne vous appelle plus serviteurs mais amis ». Comme si la notion de service s'entendait comme le début d'une démarche, d'un chemin humain nous conduisant d'un état de serviteur à celui de l'ami. Ou mieux encore, comme si chacune des tâches que nous accomplissons par devoir, par obligation, nous apprenions à les vivre, à les réaliser au nom de l'amitié c'est-à-dire par amour. Le service que nous sommes invités à réaliser est celui qui se vit dans l'amour. Rien de plus, rien de moins. Et l'exemple qui me vient à l'esprit est celui de la mère au foyer, vous savez celle dont on dit : « qu'est-ce qu'elle fait ta maman ? Rien, elle reste à la maison ». Comme si rester à la maison n'était rien faire. Pour le savoir, il faut en faire l'expérience. Quand une maman n'est pas là, nous nous rendons compte de l'ampleur de tous ces petits services qui font l'harmonie d'une famille. Ces derniers sont d'ailleurs si peu reconnus par notre société. Combien de mères au foyer n'ont-elles pas reçu comme gifle la phrase suivante : « toi, tu ne peux pas comprendre, tu ne travailles pas ». Or il ne faut pas avoir tout vécu pour comprendre. La compréhension est d'abord une affaire d'écoute, d'attention et surtout de tendresse à l'autre. Qualités partagées par tant de mères au foyer.

Le service dont le Christ nous parle ce soir est un service d'amour, c'est-à-dire un service qui demande une certaine forme d'abnégation de notre part, une certaine humilité mais également une certaine richesse : celle de découvrir que la vie se vit avant tout et surtout dans une multitude de petites choses. C'est la multiplicité des petits services qui permet à une communauté humaine d'exister. Il n'y a pas de services plus grands que d'autres. Ils ont tous leur place et leur importance. Tout au long de notre vie nous passons par des étapes où nous sommes soit servis soit serviteurs. L'important c'est de ne jamais déconsidérer l'autre. L'un n'est pas mieux que l'autre. Et le mépris éprouvé à l'égard de celles et ceux qui nous servent disent nettement plus le peu d'humanité de celles et ceux ayant un tel sentiment que de celui qui sert. Un jour nous servons, un jour nous sommes servis.

Ne l'oublions jamais. Recevons le service comme un cadeau de la vie, offrons nos services comme signe d'amité. Alors avec Jésus, nous pourrons nous dire les uns aux autres : « je ne nous appelle plus serviteurs mais amis ».

Amen.

2e dimanche de l'Avent, année B

Auteur: Moore Gareth
Temps liturgique: Avent
Année liturgique : B
Année: 1999-2000

On disait autrefois que l'Avent était une saison de pénitence ; on dit maintenant que l'Avent est une saison d'attente. C'est presque la même chose. "Toute la Judée, tout Jérusalem, venait à lui", à Jean Baptiste, au désert. Pourquoi ? Les gens de Judée pourquoi ont-ils quitté leurs villages ? Les gens de Jérusalem pourquoi ont-il quitté leur ville, pleine de vie, centre de civilisation, pour aller à ce lieu désert, plein de rien, où il n'y avait que du sable, des rochers, de la poussière, des sauterelles et cet homme étrange, Jean le Baptiste ? Pourquoi ne sont-ils pas restés chez eux, là où ils pouvaient gagner leur vie, se nourrir, se détendre et dormir convenablement ? Pourquoi n'ont-ils pas continué de vivre leur vie quotidienne ? Marc nous dit que c'est parce que Jean proclamait un baptême de conversion pour le pardon des péchés. Très bien, mais pourquoi l'a-t-on écouté, quitte à aller au désert ? Pourquoi se sont-ils convertis, et pourquoi ont-ils confessé leurs péchés ? Pourquoi ont-ils fait attention à ce prédicateur et à son message ? Il n'est finalement pas vrai qu'on écoute toujours les prédicateurs, qu'on confesse ses péchés et qu'on se convertisse. Il y avait dans cet homme et sa prédication, à ce moment-là, quelque chose qui les a réveillés. Ils étaient mûrs, à ce moment-là, pour écouter Jean et son message de conversion. S'ils étaient pécheurs, s'ils vivaient « dans le péché », ils pouvaient à tout moment se convertir, abandonner leur vie de péché, mais ils ne l'ont pas fait. Ils étaient donc dans un certain sens contents de vivre ainsi. Mais d'autre part, ils ont répondu à l'appel de Jean. Même s'ils semblaient contents de vivre ainsi, il y avait une partie d'eux qui n'etait pas contente, qui espérait la possibilité de vivre autrement, de trouver un autre sens dans la vie. Ils n'étaient pas tout à fait immergés dans leur vie de tous les jours. S'ils vivaient dans le péché, ils vivaient aussi dans l'espérance, même s'ils ne le savaient pas. Et l'espérance crée l'attente ; on attend ce qu'on espère. Ceux qui n'espèrent pas n'attendent pas ; si on abandonne l'attente, on abandonne aussi l'espérance. (Exemple banal : Si vous cessez d'attendre le train, c'est parce qu'il ne vaut plus la peine d'attendre, parce que vous n'espérez plus qu'il arrivera, ou parce que vous n'espérez plus arriver à temps à votre destination. Vous désespérez.) Même si on continue de vivre sa vie quotidienne, on guette ce qu'on attend. Et Jean et sa prédication correspondent aux attentes inconscientes de ces gens et les ont mises au grand jour. L'apparition de Jean leur signifie qu'ils ne se sont pas trompés en espérant, qu'il valait la peine d'attendre.

Le mot grec que nous traduisons par le mot de « conversion » ou « pénitence » signifie en réalité penser autrement, comprendre les choses autrement, donc trouver un autre, un meilleur sens dans la vie. Leur « conversion », leur « pénitence », leur « confession de péchés » n'est donc pas quelque chose de sombre, mais elle fait partie d'une célébration. C'est leur réaction à une découverte, à une nouvelle possibilité de vie, à un nouveau sens de la vie, qu'ils discernent en Jean. Ils voient une possibilité attrayante de changement de vie, et ils le saisissent. Ce n'est pas parce qu'ils se culpabilisent qu'ils confessent leurs péchés ; ils rejettent leur ancien style de vie, leur ancienne façon de comprendre la vie, parce que Jean leur a montré une meilleure possibilité, un sens plus satisfaisant, qui rend plus heureux. Cette conversion ou pénitence, ce rejet d'un mode de vie moins satisfaisant, est une préparation pour vivre une vie plus satisfaisante.

Ils croient voir en Jean l'accomplissement de leur espérance, le but de leur attente. En fait, ils se trompent, mais pas parce que leur espérance est fausse et leur attente vaine. Ils se trompent parce que Jean n'est pas celui qu'il faut attendre. Jean est, lui aussi, dans l'attente, il espère. Celui qui correspondra vraiment à leurs espérances, celui qu'ils attendent en réalité, même s'ils ne le savent pas, c'est Jésus. Le véritable sens de la vie, c'est Jésus. Et Jean le sait.

L'Avent est une saison d'attente, et nous l'observons pour marquer que notre vie, comme celle des habitants de la Judée et de Jérusalem, est une vie d'attente, même si nous n'en sommes pas toujours conscients. Nous attendons, comme eux, parce que nous ne sommes pas tout à fait immergés dans la vie de tous les jours. Nous attendons parce que nous espérons ; mais, contrairement aux juifs qui ont répondu à l'appel de Jean, nous savons avec Jean ce que nous attendons et ce que nous espérons. Attendons donc avec confiance.

30e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 1999-2000

Mc 10, 46-52

Quand j'étais petit, et oui, moi aussi, un jour j'ai été petit, donc quand j'étais petit je rêvais d'une moto. Mais hélas, mes parents nous avaient déjà signifiés même à l'âge de 8 ans qu'il n'était pas question qu'une mobylette voire une moto entre un jour dans leur maison. Pas de mobylette, pas de moto. Hélas pour eux, déjà à cette époque j'aimais avoir le dernier mot. Puisque je ne pouvais pas avoir de moto, il ne me restait qu'à en fabriquer une. C'est ce que je fis avec quelques pinces à linge et des cartes à jouer. J'accrochai donc avec les pinces les cartes aux fourches du vélo. Les cartes frottant les rayons des roues, cela faisait vraiment le bruit d'une moto même s'il me fallait encore pédaler. Vous auriez entendu le bruit des motos des enfants du quartier. Un vrai tintamarre. Et nous criions de bonheur sur nos engins supersoniques. On criait, on criait à en enerver les grands qui nous demandaient de nous calmer. Pourtant qu'est ce que c'était gai de pouvoir crier de la sorte.

Aujourd'hui encore je trouve le cri important. N'ayez pas d'inquiétude je n'ai plus de vélo et je ne viendrai pas perturber votre tranquilité. Non mes cris ont changé. Ils sont plus variés. Il y a les cris de joie, les cris de bonheur. Le cri, c'est un peu la vie ; n'attend-on pas que le bébé crie lorsqu'il naît pour se rassurer que sa respiration se mette bien en route. Il y a aussi les cris liés à la surprise, à l'étonnement : le fameux "bouh fais-moi peur" en cas de hocquet. Il y a également les cris de colère. Ceux-là je les aime moins. Je trouve qu'ils font très peu éduqués. Puis il y a aussi les cris de révolte, d'incompréhension. Ces derniers sont importants, essentiels. Osons crier ce qui nous dérange, ce qui nous paraît impossible, incompréhensible. Nous sommes en droit de tenter de comprendre pour mieux vivre avec nos souffrances.

Le cri fait bien partie de la vie. A l'image de celui entendu dans l'évangile de ce jour. Comme Bartimée, nous ne voyons pas Dieu. Il n'est pas visible comme tel à nos regards. Il vit au-dedans de nous, au plus profond de nos êtres. Nous devons donc crier vers lui pour qu'il nous entende. Notre cri dans la foi doit faire écho en Dieu et cela ne peut se vivre que dans la confiance et l'espérance. Il n'y a rien de pire que de découvrir que notre cri n'a comme unique réponse le silence, le vide. (Un peu à l'image du GSM qui est coupé, comme s'il fallait que l'autre réponde toujours quand nous le souhaitons). Crier vers Dieu tant sa joie que son désarroi n'est pas déplacé mais réalité de ce qui peut nous habiter. Le cri est de la sorte une invitation à ne pas se taire, à ne pas nous enfermer dans une spirale de questions restées sans réponse. Il est appel. Un appel de la vie à la vie. Une nécessité nous permettant tout simplement de continuer à respirer. C'est un échauffement qui nous fait du bien, le départ d'une démarche. En effet, Bartimée ne s'est pas simplement contenté de crier. Il s'est levé et puis il a dû se taire pour pouvoir se diriger et partir à la rencontre de Jésus, celui-là même qu'il reconnaissait comme Fils de David, c'est-à-dire Fils de Dieu. Selon cette dynamique évangélique, un cri ne peut s'enfermer dans un cri, sinon il devient une plainte lanscinante, une paralysie d'enfermement sur soi et ses problèmes. Un cri se dit, un cri se crie et puis silence. Au cri, suit l'écoute attentive, le désir de percevoir la brise légère qui conduit immanquablement à Dieu. Il devient cette respiration entendue comme invitation à se lever, à avancer et partir à la rencontre du Fils sur notre propre chemin. Dieu le Fils, nous accompagne sur la route de nos vies malgré tous les bruits existants. Il se tient près de nous, en nous. Et il attend, il attend patiemment notre cri, celui du désir de le rencontrer, de le découvrir, de l'aimer. Dans cette rencontre, dans cet apaisement, Jésus le Fils nous guérit de nous-mêmes, c'est-à-dire de tous nos aveuglements, de toutes ces certitudes ancrées en nous ainsi que de toutes nos duretés, nos intransigeances. Il nous désaveugle de tout ce qui nous encombre pour nous éclairer de la vraie lumière, l'unique. Celle qui illumine les êtres que nous sommes. Une lumière merveilleuse qui conduit au bonheur mais au bonheur en Dieu.

Alors si parfois nous avons l'impression que nous vivons un peu trop dans nos ombres, que l'amour n'est pas au c½ur de nous-mêmes, que nous n'arrivons pas à nous réconcilier, que nous nous enfermons dans nos nocturnités, retournons-nous vers Bartimée et crions avec lui vers le Christ pour qu'il nous dise : "va, ta foi t'a sauvé". Alors nous aussi nous verrons.

Amen.

31e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 1999-2000

Je ne sais pas pour vous, mais je dois bien reconnaître qu'il y a des gens qui me sont nettement moins sympathiques. Je n'accroche pas avec eux. Ils ne m'intéressent pas et je dirais même plus, ils m'ennuyent profondément. En fait, je dois bien oser me l'avouer, je ne les aime pas. Ils ne sont évidemment pas dans cette assemblée, n'ayez crainte. Pourtant je ne les aime pas. Oh vous me direz cela n'est pas bien. Il faut aimer son prochain, c'est Jésus qui l'a dit. Et de plus, il faut l'aimer comme soi-même, pourriez-vous poursuivre. Et comme vous êtes dominicain et que donc vous vous aimez, il y a un problème, pourriez-vous conclure avec un brin de malice.

Aimer son prochain qui nous dérange et nous ennuie ? Cela exige un sacré sens de l'humour. Et ce d'autant plus que l'amour, un peu comme la foi d'ailleurs, est un sentiment qui ne se commande pas. Comment pourrions-nous dans les faits être capable de décider d'aimer parce qu'un ordre nous a été donné d'en haut. Je m'imagine entrain de vous dire : "Je vous aime parce que Dieu me le demande". Cela ne vous ferait sans doute pas plaisir et ne sonnerait pas juste d'ailleurs. En effet, l'amour ne se commande pas tout comme il m'est impossible de décider de ne pas aimer quelqu'un alors que je l'aime. Nous n'avons pas prise sur nos sentiments d'amour et d'amitié. Mais est-ce peut-être là notre erreur : croire que l'amour dont le Christ nous parle est un élan du c½ur, un sentiment profond qui nous échappe totalement. Le texte grec de l'évangile entendu nous précise mieux l'amour que nous sommes invités à vivre. Il ne s'agit pas d'un amour de sentiment, d'un amour d'amité qui trouve sa source dans notre c½ur. Non, l'amour du prochain est un amour de raison, c'est-à-dire un amour qui demande un acte de notre volonté. Il n'est pas sentiment jaillissant du plus profond de notre être. Il est un amour qui se décide, qui se choisit donc pas l'amour dont on parle habituellement. L'amour du prochain est d'abord et avant tout un amour de respect, un désir de vouloir le bien de l'autre, lui souhaiter tout ce qu'il désire pour pouvoir se réaliser pleinement. Par ces mots, le Christ élargit l'espace de l'amour que nous connaissons pour le faire passer de la spontanéité à la volonté. Une volonté qui convie les créatures que nous sommes à transformer nos regards, nos perceptions des autres pour les faire entrer dans une nouvelle dimension celle du respect de leur altérité, de leur différence. En décidant d'aimer de respect celles et ceux que je rencontre, mon regard se transforme, un sentiment de douceur et de tendresse peut m'habiter puisque mon devoir de chrétien est de vivre pour eux un désir de bonheur et d'épanouissement. L'amour de raison n'est pas une fin en soi mais le début d'un processus, d'une démarche, celle d'apprendre à voir l'autre autrement et à le reconnaître comme quelqu'un partageant la dignité de notre humanité. Peu à peu alors, pas à pas, je me dis qu'une nouvelle relation peut s'installer. Un espace de respect mutuel est possible. Je découvre l'autre comme autre, ayant lui aussi une part de mystère. Cet autre, j'ai à le respecter, à lui permettre d'exister comme lui l'entend. Il en va alors pour mon prochain, comme il en va pour Dieu. Lui aussi, reste pour nous un profond mystère. Mais un mystère qui s'est dévoilé, révélé à nous par l'Incarnation de son Fils. Un Dieu qui s'est fait Verbe, parole donnée. En Dieu, le commandement devient également acceptation du divin dans sa différence, dans sa divinité. Un ensemble de chose nous échappe. Nous sommes dans le champ de l'indicible, de l'ineffable. Et pourtant, c'est ce Dieu là que nous sommes invités à aimer. Aimer Dieu, c'est le respecter malgré le mystère qu'i représente, malgré toutes nos questions face au mal et à la souffrance que nous subissons. L'amour pour Lui, à la mesure de son amour pour nous, est un commandement d'abord. Mais ce commandement n'est pas un ordre mais plutôt un appel et une révélation. Un appel à aimer et à découvrir que notre capacité d'aimer est bien plus grande que ce que nous avions pu imaginer. Comme si pour lui, un jour, nous vivrons en harmonie les uns avec les autres. C'est-à-dire que nous serons véritablement entrer dans l'ère du Royaume de Dieu, celui où il n'y aura plus de différence entre l'amour de sentiment et l'amour de raison puisque seul l'amour existera. Mais ce jour n'arrivera que si vraiment nous nous mettions à aimer dès maintenant. Et il y a du travail pour tout le monde dans l'accomplissement d'un tel commandement. Ne perdons pas de temps pour nous mettre à la tâche. Amen.

32e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 1999-2000

Grâce à l'évangile de ce jour, j'ai trouvé le moyen de devenir extrêmement riche et je me dois d'aller déposer un brevet pour mon invention. D'ici peu, je l'espère du moins, vous pourrez trouver dans les grands magazins de notre pays mon produit intitulé "le kit complet de la solidarité". Un kit mis à jour chaque année d'ailleurs. Dans ce kit, vous trouverez tous les objets mais à moindre prix pour vous donner bonne conscience lors des diverses opérations organisées tout au long de l'année, c'est-à-dire les bics pour le Père Damien, une collection d'auto-collants de la Croix-Rouge à poser sur le pare-brise, les c½urs pour Télévie, les cartes de v½ux pour une maison s'occupant de femmes battues, les sachets de café 11.11.11, un ou deux vêtements usagers pour Terre des Hommes, des langues de chat pour 48.81.00 et depuis peu, le petit porte-monnaie ou la grand pince à linge Saint Vincent de Paul. Le tout livré dans un sac "Made in Dignity" d'Oxfam.

C'est vrai tout au long de l'année, nous sommes sollicités par divers appels à notre générosité. Et il est évident que tous ces petits dons permettent à des hommes et des femmes dans notre monde de trouver ou retrouver leur dignité. Dès lors au-delà du kit de la bonne conscience, il y a lieu de poursuivre et répondre positivement, dans la mesure de nos moyens, à ces appels, même si à certains moments nous avons la nette impression que ces sollicitations sont continues et qu'on ne nous laisse pas le temps de respirer. Elles peuvent nous donner alors un sentiment de culpabilité si nous n'ouvrons pas notre porte-monnaie. Comme si c'était mal de ne pas soutenir le projet proposé. Nous sentons une certaine pression. Faut-il donner à la maman avec son enfant dans la rue, alors que je viens de dépenser de l'argent pour m'offrir un petit cadeau. Ce type de pensée nous traverse l'esprit. C'est vrai. Tout simplement parce que la notion de don, de cadeau n'est pas aussi simple que cela. Elle est d'abord et avant tout éminement subjective. Je peux dépenser une grosse somme d'argent pour offrir quelque chose à quelque que j'aime. Et en même temps, cela peut me faire mal de dépenser le dixième de cette somme pour un cadeau d'obligation à quelqu'un pour qui j'éprouve de la sympathie mais non de l'amour. Le don est d'autant plus subjectif que certains d'entre nous préférent donner que recevoir. Un cadeau fait évidemment plaisir, mais lorsque nous un recevons un, souvent nous sentons redevable d'une dette. Et il y aura lieu de créer un espace temps entre ce don reçu et celui que nous ferons pour nous donner l'impression que notre don à nous est également gratuit. Un peu comme si, écrivait un philosphe, tout don est une invitation dans le temps à un autre don.

Le don est également ambigu : certains aiment les cadeaux d'obligation comme à Noël ou aux anniversaires. Moi, personnellement, je ne les aime pas à ces occasions-là parce que je ne me sens pas libre d'offrir. Si je ne fais pas de cadeau, je blesse la personne aimée. D'autres me diront que même les cadeaux d'obligations sont de vrais cadeaux parce que nous aurons pris le temps de chercher comme si dans le cadeau d'obligation, il y avait le don du temps, temps vécu comme valeur en elle-même. Et nous reviennent à l'esprit le temps passé pour les pâtes peintes de nos colliers en macaroni lors de la fête des mères. Ces petits cadeaux sans réelle valeur marchande disent tellement de l'amour donné et partagé. Il y aussi les cadeaux que nous faisons à l'autre mais qui sont aussi un peu pour nous. Je me rappelle qu'à l'âge de 9 ans, j'avais acheté un 45 tours de Claude François pour ma maman parce que j'adorais cette chanson et que je savais très bien qu'il n'était pas question qu'un tel type de musique entre à la maison sauf par le biais du cadeau. Ce cadeau n'en était pas véritablement un puisqu'il était un moyen en vue d'une fin autre que le plaisir de recevoir quelque chose qui plait. Les dons peuvent donc bien être parfois ambigu.

Je crois cependant que les plus beaux dons sont ceux qui sont offerts sans raison ou plutôt qui ont pour unique raison l'amour ou l'amitié. Tiens voilà ce cadeau est pour toi, en voyant cet objet, j'ai pensé à toi et j'ai eu envie de te l'offrir sans raison si ce n'est toi. Lorsque le don est vécu dans l'amour, nous quittons le champ du superflu, nous donnons tout simplement un peu de ce que nous sommes.

Et voilà qu'aujourd'hui, l'évangile nous invîte à ne pas nous enfermer dans notre superflu mais à donner de nous-mêmes, à nous donner totalement dans ce que nous sommes, dans nos relations et dans nos gestes de solidarité. Le superflu est trop facile, le don qui nous coûte est don véritable. Amen.

33e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Delavie Bruno
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 1999-2000

Mc 13, 24-32

Le passage de l'évangile de Marc que nous venons de lire, se situe au terme du ministère public de Jésus, avant les récits de la passion et de la résurrection. Dans un langage apocalyptique, en usage en son temps, Jésus donne à ses apôtres les signes avant coureurs de l'événement pascal, moment décisif où le monde change. En effet, le monde de la première alliance, celui de la loi mosaïque va disparaître pour faire place à l'avènement du salut définitif, manifesté en Christ, mort et ressuscité. Par sa mort et sa résurrection, Jésus fait entrer tous les humains dans une nouvelle Alliance avec Dieu, dans un nouveau mode de relations de l'humanité avec son Père. C'est la fin des temps, qui commence au Calvaire et ne s'achèvera qu'à la fin du monde. La glorification du Fils de l'homme va bientôt débuter par sa mort sur la croix. Cette glorification ne sera pleinement achevée qu'au moment, ignoré de tous mais connu de Dieu seul, moment où le Christ remettra son oeuvre accomplie dans les mains du Père. C'est dans cette perspective qu'il nous faut lire dans les évangiles, les discours eschatologiques, qui parlent de la fin des temps. Dans les années 70 de notre ère, au moment où Marc écrit son évangile, la ville de Jérusalem et le Temple viennent d'être détruits par le romain Titus. Le discours de Jésus rapporté par l'évangéliste, répond d'abord à la question posée par les disciples : "Quand cela arrivera-t-il ?" alors que le Maître vient de se lamenter sur le sort de Jérusalem. Marc semble associer les deux : l'ultime bouleversement cosmique précédant la manifestation du Fils de l'homme à la fin du monde et la ruine de cité sainte.

Comment alors interpréter aujourd'hui l'évangile de ce jour ?

Jésus avait dit : "Après une terrible détresse, le soleil et la lune perdront de leur éclat et les étoiles tomberont" Et je me suis demandé s'il ne rejoignait pas ces devins et ces extralucides qui pullulent aujourd'hui et qui prétendent avoir des relations spéciales avec l'au-delà- ces prophètes de malheur qui s'amusent à faire peur. Je me suis demandé s'il ne rejoignait pas ces membres des sectes qui viennent à nos portes pour nous annoncer la fin du monde et tenter de nous convertir. Et quoi de plus tentant que de confier son sort à toutes sortes de gourous, quand on tremble tellement en pensant à l'avenir incertain, à la montée de la violence, aux menaces toujours croissantes sur l'environnement. Peut-être conviendrait-il aussi de tempérer un peu notre fascination pour l'an 2000 ! Certes à toute époque, l'homme s'est fixé des repères dans le temps. Nous aimons les dates-clés. Sur la tour Eiffel à Paris l'on peut voir le décompte des jours jusqu'à l'an 2000. Bien sûr, il y a le jubilé. Mais les scientifiques nous disent que Jésus n'est pas né en l'an 0, mais probablement en l'an-4. Alors faut-il tomber dans cette manie qui focalisent l'attention sur des dates, des échéances et des ultimatums ? Comme dit le psaume : "Pour Dieu, nulle ans sont comme un jour et un jour vaut nulle ans".

Il avait ajouté : "Alors on verra les Fils de l'homme venir sur les nuées avec grande puissance". Et je me suis demandé s'il allait, lui aussi, chercher à nous faire peur en brandissant le jugement dernier comme une sorte de menace. Suivant le principe que la crainte du Seigneur est le commencement de la Sagesse. Dans un monde difficile, il suffirait d'attendre, sans faire trop de bêtises et d'être toujours prêts, afin de garder l'espoir d'être de ceux qui seront admis dans le ciel.

Heureusement, il avait ajouté : "Que la comparaison du figuier vous instruise. Quand les branches deviennent tendres et que sortent les feuilles, c'est que l'été est proche". Voilà bien un message positif

Et j'ai observé alors les signes d'aujourd'hui, ceux qui me font découvrir qu'il est là, présent, tout proche de moi, ceux qui me permettent de voir son règne grandir et progresser ! Et j'ai expérimenté dans la réflexion de foi, dans la prière et le recueillement qu'Il était toujours là à mes côtés, pour partager mes joies, mais aussi pour m'aider dans les peines et les difficultés et m'entraîner sur des chemins de dépassements. Et j'ai vu autour de moi ceux qui luttent pour que les petits deviennent grands et les grands tout petits, ceux qui cherchent à donner les places d'honneur aux pauvres et aux exclus. Et je me suis dis que le Fils de l'homme était proche, à notre porte. Aurions-nous peur d'un monde nouveau qui naît ?

34e dimanche ordinaire, année B (Christ Roi)

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 1999-2000

Jn 18, 33-37

A la lecture de l'évangile de ce jour, une horrible question m'a traversé l'esprit : Jésus serait-il jésuite ? En effet, comme tout bon jésuite, à la question de Pilate : "es-tu le roi des Juifs", Jésus répond par une autre question : "Dis-tu cela de toi-même, ou bien parce que d'autres te l'ont dit ?" Vous imaginez mon désarroi, en tant que dominicain. Me serais-je tromper d'Ordre. Heureusement pour moi, la suite du texte remets les pendules à l'heure. La devise de notre Ordre est "Veritas" : la vérité. Les frères précheurs sont donc en quête incessante de cette vérité et voilà que le Christ nous dit qu'il est venu rendre témoignage à la vérité et que tout être humain qui appartient à la vérité écoute ma voix. Jésus est donc un peu jésuite, un peu dominicain et c'est sans doute pour cela qu'il y a tant de diversité dans les congrégations et ordres religieux au sein de notre Eglise puisque tous à leur manière approche le mystère de la divinité du Fils.

Un Fils que nous reconnaissons comme Roi aujourd'hui. Cette fête du Christ-Roi me pose chaque année un problème de conscience. En effet, elle est née dans l'époque politique trouble des années vingt de ce siècle ce qui fait que dans l'obscurité de certaines consciences malveillantes, elle a servi et sert hélas encore toujours à justifier les excès de pouvoir des tyrans et des dictateurs et ce, au nom de la toute puissance et de la domination de Dieu. Nous pourrions alors décider de ne pas la célébrer. Je crois cependant qu'agir de la sorte serait dommageable non pas à la fête mais à ce qu'elle dénonce. Les hommes, et les femmes aussi d'ailleurs, ont depuis toujours compris la toute puissance de Dieu comme étant une toute puissance de contrôle, une toute puissance de domination, une toute puissance de maîtrise. Si Dieu est vraiment Dieu, il peut tout faire. C'est vrai mais il peut également décider de ne pas utiliser cette toute puissance de domination. Et je crois personnellement que c'est ce qu'il fait depuis qu'il a créé le monde. En nous créant, le Père a donné à ses enfants un outil merveilleux : la liberté. Et afin que nous puissions exercer cette dernière, il ne peut pas intervenir à son gré. Sa création est signe de sa décision de ne pas exercer sa domination comme telle. Avec Paul Beauchamp et André Wénin, deux exégètes contemporains, nous pouvons même aller plus loin encore. Non seulement, il n'exerce plus sa maîtrise mais en plus, nous avons mal compris sa toute puissance. Elle n'est pas une puissance de dominationn écrivent-ils. Elle est une puissance de douceur puisque rappelle le livre de la Genèse, Dieu achève son ½uvre en se reposant. Le repos de Dieu est son désir de maîtriser sa maîtrise, de dominer son pouvoir de domination. De là naît cette douceur signe de la toute puissance de Dieu. Si les dictateurs et tyrans du monde entiers pouvaient mieux lire les écritures, ils gouverneraient sans doute autrement.

Mais que signifie-t-elle cette douceur finalement ? La douceur pour naître à d'abord besoin de calme et de silence. Elle ne s'apprend pas puisqu'elle est la bonification de l'amour. Elle se développe sur le terrain du c½ur. La douceur humaine éclaircit l'être. Elle est comme une lumière de printemps éveillant la frondaison d'un sous-bois. Une lumière si finement diffuse et qui pourtant porte en elle toutes les espérances de sèves. La douceur existe bien à l'état latent en chacune et chacun de nous. Elle peut, si nous le souhaitons, se développer comme une flamme dans laquelle notre amour peut marcher libre. Elle n'est pas une qualité que l'on s'octroie mais un état qui s'offre au c½ur d'une rencontre en vérité. Cette douceur dont nous avons tant besoin est la grâce de l'âme et est silencieuse dans ses échos. Et lorsqu'elle s'exprime par des mots, elle le fait à voix de c½ur. Elle est tout simplement l'âme qui caresse et promulgue tous les bonheurs possibles. C'est pourquoi avec le poête nous pouvons chanter qu'un homme, une femme sans douceur est un peu comme une forêt sans oiseaux.

S'il en est véritablement ainsi, c'est-à-dire si la toute puissance de Dieu est bien une toute puissance de douceur qui nous est offerte à vivre en liberté dans la relation que nous établissons avec lui alors il y a vraiment lieu de célébrer la fête du Christ Roi. Notre Roi, le Christ, un roi doux empreint de tendresse, nous invite à partager le bonheur de son royaume. Un royaume d'amour. Un royaume de douceur. Pour en faire partie, c'est tout simple : mettons de la douceur dans nos relations ; celles-ci se transformeront et surtout nous transformeront pour donner à notre âme un peu de Dieu.

Amen.

34e dimanche ordinaire, année B (Christ Roi)

Auteur: Moore Gareth
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 1999-2000

La fête que nous célébrons aujourd'hui, la fête du Christ, roi de l'univers, a été instituée en 1925. C'était une manière de proclamer l'autorité universelle de Dieu et de son Messie. C'était le début de l'époque des grandes idéologies politiques, le communisme et le fascisme. Staline était au pouvoir dans l'Union Soviétique, le premier état communiste du monde, et Mussolini en Italie, le premier état fasciste. Pour ces régimes totalitaires, l'homme est complètement subordonné à l'état, ou au dictateur qui est censé incarner l'esprit du peuple. Notre fête est en partie une sorte de réponse à ces idéologies, une réponse que dit qu'aucune idéologie politique ne doit dominer sur l'homme, que l'état n'est pas la source de la vie humaine, qu'il n'est non plus la vraie fin de notre vie. L'état n'est pas « l'alpha et l'oméga ». L'alpha et l'oméga, celui qui a le premier mot et le dernier mot, notre origine et notre fin, c'est Dieu, le Dieu qui nous est révélé par et en Jésus Christ, comme le dit la lecture de l'Apocalypse de Jean. Ce n'est donc pas à Staline que devons obéir, ni à Mussolini, mais au Christ.

Les années 20 du 20e siècle n'étaient pas une époque de rois, mais de dictateurs et d'idéologues. L'Église parle plutôt en termes de rois parce que c'est plus conforme le langage traditionnel de la Bible. Mais c'est évidemment un titre très paradoxal. Si nous appelons Jésus « roi », c'est un roi qui n'assujettit pas son peuple mais qui les libère, qui ne s'impose pas à eux mais qui leur lave les pieds, c'est un roi dont le trône est un gibet. Le terme « roi » n'est pas approprié pour décrire Jésus. En fait, quand Pilate lui demande « Alors, tu es un roi ? », Jésus détourne la question, il change le vocabulaire. « C'est toi qui dit que je suis roi » dit-il. « Je suis venu dans le monde pour ceci : rendre témoignage à la vérité. Tout homme qui appartient à la vérité écoute ma voix ».

Les gouvernements totalitaires, tous les idéologues, tous les dictateurs, essaient, comme tout le monde, de se justifier ; ce faisant, ils essaient de supprimer la vérité. Ils doivent essayer de la supprimer, parce que la vérité est trop grande et trop diverse pour eux. Elle est trop riche pour être conforme à une idéologie. Ils doivent déformer la vérité, mentir, faire taire ceux qui essayent de dire la vérité. Il y avait un historien maoïste en Chine qui a écrit une histoire de la Chine. Un de ses lecteurs a remarqué que certaines choses que disait cet historien n'étaient pas conformes aux faits historiques, et il lui a reproché ce manque de vérité. L'historien lui a répondu : « Si les faits historiques ne s'accordent pas avec la théorie marxiste, il faut changer les faits. » C'était au moins un idéologue honnête. Pour lui, l'important n'était pas de proclamer la vérité, mais de suivre la ligne du parti.

Le Christ, par contre, n'est pas venu imposer une idéologie, mais apporter de la lumière, rendre témoignage à la vérité. Suivre le Christ, être obéissant au Christ, c'est être fidèle à la vérité, c'est toujours chercher la vérité. L'adhésion au Christ n'a rien à voir avec le fait de suivre la ligne du parti. Parfois, même l'Église a été tentée de se comporter comme un état totalitaire, comme si elle devait imposer une idéologie : elle a fait taire, parfois de manière violente, ceux qui ne suivaient pas la ligne officielle, elle a déformé la vérité. Mais, quand l'Église agit de la sorte, elle n'est plus fidèle à sa vocation, elle n'est plus fidèle au Christ, son roi. Les chrétiens, ceux qui suivent celui qui est venu rendre témoignage à la vérité, ont toujours le devoir de chercher la vérité et de ne pas se laisser séduire par ce qui est moins que la vérité, par ce qui est partiel et partial. Si nous cherchons la vérité, nous pouvons nous tromper, bien sûr - nous pouvons tomber, même sur le bon chemin - et en la cherchant il faut profiter de la sagesse et de l'expérience des autres, mais c'est finalement notre responsabilité de rester fidèle, non pas à la tradition, non pas à la doctrine de l'Église, mais à la vérité elle-même. Parfois, il peut sembler y avoir un conflit entre le christianisme et la vérité ; certains aspects du christianisme peuvent nous sembler faux. Il faut toujours suivre la vérité. Nous ne pouvons pas rester fidèles au Christ en ne restant pas fidèles à la vérité ; mais si, par contre, nous insistons pour suivre le chemin de la vérité, nous restons forcément fidèle au Christ, même sans le savoir, car le Christ est la vérité.

3e dimanche de Carême, année B

Auteur: Moore Gareth
Temps liturgique: Temps du Carême
Année liturgique : B
Année: 1999-2000


Jésus trouva installés dans le Temple les marchands de boeufs, de brebis et de colombes, et les changeurs. Il fit un fouet avec des cordes, et les chassa tous du Temple ainsi que leurs brebis et leurs boeufs ; il jeta par terre la monnaie des changeurs [et] renversa leurs comptoirs.

C'est une des scènes les plus difficiles de l'évangile . Il y a des scènes choquantes dans l'évangile, notamment les scènes de la Passion, où nous sommes confrontés à une violence et à une cruauté indicibles. Mais nous sommes malheureusement habitués à la violence humaine. Nous savons bien que nous, les être humains, sommes capables de violence et de cruauté. Mais la violence de Jésus, c'est autre chose. Jésus n'est pas censé être comme nous, mais meilleur que nous. Il nous enseigne l'importance capitale de l'amour, de la patience, du pardon, de ne pas se rebiffer contre les injustes et les violents. Il nous dit : « Venez à moi... Prenez sur vous mon joug et mettez-vous à mon école, car je suis doux et humble de coeur » (Mt 11:28-29). Et c'est pourquoi cette scène de la purification du Temple est choquante. Qu'est devenue la douceur de Jésus ? Jean nous dit que les disciples, en voyant ce que faisait Jésus, se sont rappelés le verset du psaume 68 : « L'amour de ta maison fera mon tourment ». Mais même si Jésus a fait ce qu'il a fait par amour de la maison de Dieu, est-ce que cela justifie sa violence ? Comment Jésus peut-il agir violemment tout en nous disant de renoncer à la violence ? Il y a une contradiction, semble-t-il. Peut-il rester notre modèle ?

Si ceci est notre question, ce n'était pas la question la plus évidente pour les gens de l'époque. Nous trouvons cette scène dans tous les quatres évangiles. Il ne semble donc pas qu'elle soit gênante pour l'église primitive. Et les Juifs qui étaient là n'ont pas réagi en déplorant la violence de Jésus ou en lui rapprochant la contradiction entre son enseignement et sa conduite. Ils lui disent : « Quel signe peux-tu nous donner pour justifier ce que tu fais là ? » Pour eux, ce qui justifierait ce geste de Jésus n'est pas une explication, mais un signe. Le signe qu'il faut est un miracle, ou quelque chose qui montre que Jésus a une autorité divine. Cela montrerait que sa violence vient, elle aussi, de Dieu. C'est-à-dire que pour eux l'intérêt de ce geste de Jésus est la possibilité que par son biais Dieu leur parle. Pour eux, le geste de Jésus est peut-être un geste, une parole, un signe de Dieu. Et Jésus leur parle du signe de la résurrection. « Détruisez ce temple, et en trois jours je le relèverai » ; et le temple dont il parlait, nous dit Jean, était son corps. Quand Jésus ressuscitera, ils comprendront ce que signifie son action, et ils sauront que Dieu est dedans.

Jésus, en mettant dehors tous les marchands, voulait en fait accomplir une prophétie du prophète Zacharie, dans le tout- dernier verset du livre de Zacharie, où le prophète parle du jour de la grande bataille où Dieu lui-même va apparaître. En ce jour-là, le temple et tout ce qu'il y a dedans sera saint, consacré à Dieu ; et en ce jour-là, dit-il, « il n'y aura plus de marchand dans la maison du Seigneur le tout-puissant » (Za 14:21). En purifiant le temple, Jésus dit que cette prophétie s'accomplit, que c'est la fin, que Dieu lui-même est là. Et c'est la résurrection, quand le temple son corps sera relevé, qui montrera que Dieu est présent en lui, et que c'est son corps qui est le vrai temple, la véritable demeure de l'esprit de Dieu.

Si la violence de son geste reste quand-même choquante pour nous, il faut dire que la violence est parfois nécessaire quand il s'agit d'un signe spirituel, un signe qui concerne ce qui est fondamental dans la vie humaine. Le but d'un signe est d'ouvrir nos yeux à quelque chose que nous ne voyons pas. Parfois, nous ne voyons pas parce que, pour le moment, nous faisons attention à quelque chose d'autre, et il suffit de nous rappeler doucement l'essentiel. Mais, parfois, nous ne voyons pas parce que nous sommes endormis, ou parce que nous sommes totalement pris par inessentiel et immergés dedans. Dans le temple, ç'aurait été une rencontre inutile si Jésus avait dit doucement aux marchands : « Messieurs, auriez-vous peut-être la gentillesse de mettre vos brebis ailleurs ? » Il fallait un geste dramatique, même violent et choquant, qui arrache leur attention et celle des autres Juifs, qui la retire de leur commerce bien-aimé, pour leur rappeler que Dieu est plus important que le commerce.

De même, dans notre vie, un rappel doux n'est pas toujours suffisant ; souvent, une lecture biblique, une homélie, ne nous impressionne pas, nous le savons tous. Il faut que Dieu nous parle parfois par le biais d'un choc qui nous rende attentifs à l'essentiel. Si nous nous endormons, il nous faut être secoués pour être éveillés. C'est pourquoi, quelquefois et avec un peu de recul, nous pouvons voir la main de Dieu même dans un événement de notre vie qui nous choque ou qui nous fait mal.