Si nous arrivons à combiner la jeunesse, la beauté, la richesse, la gloire, l'harmonie amoureuse, l'enthousiasme tout au long de notre vie, celle-ci sera réussie nous promettent l'ensemble des médias en cette fin de millénaire. Tel est l'idéal qui nous est proposé. Et il est faux, archi-faux. Nous sommes saturés d'images idéales et elles sont placées tellement haut, beaucoup trop haut que nous n'arriverons jamais à nous hisser jusque là-haut. Face à un tel constat soit nous tombons dans la mélancolie et le désespoir de ne jamais pouvoir être heureux puisque ces critères de succès sont inatteignables, soit nous reconnaissons que notre société se trompe à ne présenter que les sommets des rêves et les merveilles comme étant l'acquisition de la plénitude promise. Un peu comme si seuls, les grands de ce monde pouvaient être heureux.
Et ceci va tout à fait à l'encontre de notre évangile. Ce n'est pas un grand de ce monde qui annonce la nouvelle qui va bouleverser ce même monde. Jean-Baptiste n'est pas la star que tout le monde adule et dont les secrets sont dévoilés chaque semaine dans Gala ou Voici. Il ne signe pas des autographes par milliers, protégés par ses quatre gardes du corps préférés. Et, il ne passe pas à la télé non plus. Non, Jean-Baptiste est un homme parmi d'autres. Une voix qui crie dans un désert. Une voix qui chante dans nos lieux intérieurs désencombrés de tout ce qui nous empêche de rejoindre notre essentiel. Une voix simple qui utilise des images que toutes et tous peuvent comprendre : il parle de sandales. J'ai personnellement toujours eu horreur des sandales, je trouve que ça fait « curé ou bonne soeur » mais comme ces deux catégories de personnes n'existaient pas à cette époque, l'image veut sans doute dire autre chose. Dans la culture juive, il n'y avait rien de plus humiliant que de défaire la courroie des sandales de quelqu'un, c'était réservé au plus petit des esclaves. De cela, il n'en est même pas digne, clame-t-il. Etonnant. Surprenant. Et pourtant, dans sa simplicité, Jean, sans pour autant s'écraser, se nier, nous convie à faire désert en nous pour entrer dans un mystère qui nous dépasse : celui du Fils de Dieu. Entrer dans un tel mystère, ce n'est pas réaliser un idéal, encore moins se désoler d'être dans l'ordre de l'incompréhensible. Non, entrer dans un mystère, c'est tout simplement se mettre en marche pour commencer à essayer de comprendre. C'est sans doute la raison pour laquelle, Jean le Baptiste nous dit : au milieu de vous se tient celui que vous ne connaissez pas. Il ne crie rien de plus. Jean-Baptiste ne dit rien de lui mais tout de Dieu en ne disant rien si ce n'est qu'il est au milieu de nous. Quel paradoxe ! Et c'est de cette manière que nous sommes invités à entrer, en ce temps d'Avent, dans le mystère de Noël.
Hier Jean-Baptiste, aujourd'hui l'Eglise disent la même chose : Dieu est là, parmi nous et nous, Eglise ou Jean-Baptiste, nous ne sommes pas Dieu. A chacune et chacun de Le trouver. Ne nous inquiétons pas, Dieu n'est pas comme ces faux idéaux de notre société, c'est-à-dire inatteignables. Dieu se laisse reconnaître. Il vient à nous. Il frappe chez nous. Il vit en nous. L'Evangile de ce jour ne nous dit rien de plus que cela : Dieu est au milieu de nous. En disant si peu, tout en disant tout, Jean-Baptiste nous rappelle que Dieu ne s'enferme pas dans des images, des idées que nous nous sommes façonnées. Personne ne peut nous imposer une définition de Dieu puisque par définition, Il est au-delà de ce que nous pourrions en dire. S'Il ne se définit pas, Il se rencontre, Il s'inscrit au coeur d'une relation que nous avons à construire avec Lui. Un peu comme si la voix qui crie dans nos déserts nous disait : il n'y a pas de lieu de Dieu. Dieu n'est pas plus dans une Eglise que chez soi ou en soi. Il est partout mais nous ne Le rencontrons personnellement que dans les lieux ou les temps qui nous parlent et correspondent à nos états d'âmes : au cours d'une ballade en montagne pour reprendre un des exemples de la seconde lecture de ce soir, devant l'océan, dans les flammes d'un feu, dans un recoin de son coeur, lors d'une rencontre empreinte d'amitié et de tendresse, dans les mille et une petite choses qui font la beauté de la vie. Si Dieu est vraiment là, qu'attendons-nous alors pour aplanir la route qui nous conduit à Lui ? C'est cela le temps de l'Avent, ne passons pas à côté.
Amen.