26e dimanche ordinaire, année C

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2000-2001

Il y a trois jours, j'ai vécu une expérience évangélique merveilleuse. Je suis allé mangé dans un McDonald. J'étais au premier étage de ce genre d'établissement et de l'autre côté de la rue, au même étage, se trouvait un restaurant hyper-chic. Je me suis alors mis à méditer sur l'évangile de ce jour. Moi mangeant avec mes mains ce McChicken et ces frites et de l'autre côté, des gens se délectant de petits mets. Je ne me suis cependant jamais imaginé être à la place de Lazare. Le lien qui m'était venu à l'esprit était le suivant. Au McDo on mange avec ses doigts, il n'y a pas de couverts. Comme à l'époque de Jésus d'ailleurs. Ce Fast-food n'a donc rien inventé. Par souci de propreté aujourd'hui nous recevons des serviettes. Dans l'évangile, les gens s'essuyaient les mains avec des mies de pain. Nous voyons alors la désolation de Lazare. Ce ne sont donc pas de simples miettes tombées de la table qu'il attendait. Pire, il espérait au moins pouvoir bénéficier des déchets du nettoyage des mains du riche et de ses convives. Nous retrouvons ici donc le style de l'évangéliste Luc où chaque détail est important.

Arrêtons-nous un instant sur ce riche. Un riche parmi tant d'autres. Un riche qui n'était pas mauvais. Il était simplement riche. Riche d'argent et riche de lui-même. Un riche se suffisant à ce point qu'il n'a même pas besoin de recevoir un prénom. Un riche tellement riche qu'il pouvait festoyer tous les jours. Un riche se prélassant de la richesse et du luxe. Un riche qui tout simplement s'est endormi à la vie. Ce texte nous dérange par la dureté de ses propos, par cette condamnation sans appel de quelqu'un qui n'a pas fait le mal si ce n'est qu'il ignorait tout ce qui était différent de sa condition. Il ne voyait pas. Il ne voyait plus. Il se suffisait à lui-même ayant oublié ce principe premier que nous sommes des êtres de relation puisque nous sommes nés et nourris de celles-ci. Seul nous ne pouvons pas exister. Nous avons besoin les uns des autres pour vivre dans la foi et l'amour, la persévérance et la douceur, rapporte saint Paul. Par ces lectures nous sommes conviés à ne pas nous aveugler de ce qui nous entoure, à ouvrir les yeux sur les réalités de notre monde non pas pour nous en apitoyer mais pour participer de manière positive à la réalisation de la création. Rien de plus. Rien de moins. C'est exigeant et tout nous a été donné dans les Ecritures pour saisir l'ampleur de notre tâche. Nous n'avons pas d'excuse selon l'évangéliste. Tout est là et nous sommes partagés entre l'urgence du royaume et l'urgence de l'instant présent. Nous sommes un peu dépassé par le courant de la vie. Tout va tellement vite, trop vite. Et nous cherchons des circonstances atténuantes, justifiant nos choix, nos options. Dans notre logique, nous restons d'ailleurs souvent cohérent et en harmonie avec nous mêmes. Nous avançons à tâtons, nous reculons, nous trébuchons mais nous marchons aussi et nous avançons à notre rythme, avec ce que nous sommes. Telle est la vie terrestre.

Conscient de notre propre réalité, nous pouvons être indignés devant le comportement de Dieu au travers des mots d'Abraham. La facture est plutôt salée : le riche n'a même pas droit à une petite goutte d'eau qui apaiserait sa langue de feu. Pire encore, alors que notre riche se soucie de ses propres frères restés sur terre, implorant pour qu'ils puissent changer d'attitude, Dieu fait la sourde oreille. Pas de miséricorde. Pas de pardon. Un jugement, une condamnation. Où est notre Dieu d'amour ? Où est-celui qui nous rassemble ce soir (matin) ? Est-il vraiment un Dieu vengeur, le sourci plissé, la foudre entre les mains ? Un Dieu se délectant dans la souffrance ? Dieu nous punit-il éternellement ? (On ne peut pas croire que Dieu va laisser son enfant dans le coin indéfiniment constatait un de ceux qui a préparé cette eucharistie). Et nous voilà revenir au mystère de la mort avec son enfer ou son purgatoire pour les plus optimistes. Je n'ai pas le souvenir d'avoir déjà traversé cette mort, il m'est donc très difficile de l'aborder. Je ne sais pas si ces lieux que je considère comme horribles existent. Mon seul espoir est que s'ils existent, ils seront vides à la fin des temps. Avec John Hick, philosophe anglais, je partage l'idée que l'enfer serait l'échec de Dieu puisque certains ne seraient pas sauvé. Quoiqu'il en soit nous pouvons passer des heures à en parler, sans pour autant trouver de solution. Acceptons la dureté des propos de l'évangile de ce jour non pas comme un événement historique mais plutôt comme une invitation faite à chacune et chacun d'avoir la simplicité de se remettre en question et de se demander : " mes actions et mes paroles sont-elles véritablement enracinées dans la foi qui m'habite ? ". A nous d'y répondre. Amen.

27e dimanche ordinaire, année C

Auteur: Croonenberghs Didier
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2000-2001

" Il ou elle d'ailleurs aura bien mérité son ciel ". Ce genre de phrase, il m'est déjà arrivé de l'entendre sur le parvis de notre église après la célébration de funérailles. Il est évidemment difficile de défier de telles affirmations surtout au moment où nous disons au-revoir à quelqu'un pour la dernière fois. Mériter son ciel comme si ce dernier ce méritait. Le ciel ne se mérite pas, il se donne à vivre éternellement. Nous pourrions passer toute notre vie à faire le bien, à répandre la bonne nouvelle, à prendre le temps pour les autres, à offrir le meilleur de nous mêmes à chaque instant. Malgré tout cela nous ne mériterons rien. Nous resterons à jamais aux yeux de Dieu des serviteurs quelconques, des êtres inutiles n'ayant fait que ce que nous avions à faire. Face à de telles affirmations de l'évangile, notre ego en prend un sacré coup. Notre image de marque est attaquée. Nous faire traiter de la sorte alors que nous pensons ½uvrer pour le royaume de Dieu. C'est dur à entendre mais tellement vrai. Tout simplement parce que dans le champ de la foi, Dieu attend de nous d'être avant tout des semeurs. Le reste il s'en occupe lui-même. Cela ne nous appartient pas. Nous nous semons et si Dieu est vraiment Dieu, il prendra la relais. Tout simplement parce que par l'amour et dans l'amour Dieu agit en nous.

Or l'amour n'est jamais une question de mérite, de calcul. Si nous nous mettons à comptabiliser nos sentiments, nous risquons de les perdre à jamais. Même s'il est vrai que c'est plus facile à dire qu'à réaliser. " Un je t'aime " prononcé qui ne reçoit en écho qu'un silence, peut parfois faire mal, très mal. Et pourtant c'est trois mots offerts ne devraient être que l'envol de notre lumière intérieure dans l'astre de l'autre. Ils deviennent ainsi étincelle dans notre ciel étoilé de tous ces " je t'aime " reçus. En ce sens, ils sont eux aussi inutiles, quelconques. Nous ne faisons que dire ce que nous ressentons. Il n'y a aucun mérite. Les sentiments naissent d'une émotion sur laquelle nous n'avons aucune prise, aucun contrôle. Ils surviennent en nous et nous submergent comme une lame de fond prenant tout sur son passage. S'il en va ainsi de l'amour, il en va de même pour Dieu qui est Amour. Dans l'amour, comme dans la foi, nous sommes conviés à faire confiance. Et pour avoir confiance en l'autre qu'il soit humain ou divin, je dois d'abord devenir monde pour moi pour l'amour d'un autre. Il y a donc tout ce travail sur soi, ce désir de se connaître pour mieux aller à la rencontre de l'autre, cette capacité, découverte d'avoir confiance d'abord en soi pour pouvoir mieux se laisser apprivoiser par l'autre. C'est ce chemin tout intérieur d'oser croire en ses propres ressources, se reconnaître apprécié et reconnu pour ce que je suis. Tout inutile que je sois d'ailleurs. En ne me niant pas pour toi, je deviens plus moi et je découvre ainsi la beauté. La mienne, la tienne. Je peux alors lâcher prise, m'abandonner, refuser de tout contrôler et t'offrir ainsi mes fragilités à toi Dieu ou être aimé. Je commence alors à voir la vie par tes yeux et ce, toujours dans l'amour ou la foi. C'est pourquoi, je ne me suffirai jamais à moi-même. La rivière de ma destinée se détourne de son propre cours pour se perdre au coeur de nos images où chaque pensée, chaque acte vaut un royaume. A ce moment précis, nous sommes enlevés de nous-mêmes. Nous découvrons un espace plus grand que nous : où l'amour infiniment dépasse l'amour, où la foi infiniment traverse la foi. Il nous suffit de vivre alors de cette confiance. Une confiance, comme dans l'extrait de notre évangile de ce jour. Un confiance qui permet à la vie de jaillir en nous et autour de nous dans l'amour. Car comme l'écrivait une amie, comme on ose la vie quand on vient au jour, on ose l'amour quand on vient à la vie. L'amour, la vie, la foi, trois dimensions essentielles de nos existences qui s'enracinent au plus profond de nos êtres. Elles trouvent leurs sources en nous. Et toutes les trois sont gratuites. Elles nous sont offertes. Nous n'avons aucun mérite. Puissions-nous chacune et chacun découvrir que c'est dans cette inutilité-là que réside notre bonheur. Oui, toutes et tous, nous sommes des serviteurs inutiles. Et c'est tant mieux. En confiance, réjouissons-nous d'avoir reçu la vie, l'amour et la foi. Amen.

29e dimanche ordinaire, année C

Auteur: Materne Pierre-Yves
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2000-2001

Dans ce passage d'Evangile, Jésus veut nous dire comment prier. En particulier, il nous invite à prier sans cesse et sans désespérer. Comme modèle à suivre, il nous présente une veuve qui demande justice. Elle s'adresse au juge - un type antipathique -. Malgré les silences de refus du juge, elle insiste et s'accroche. Finalement, le juge en a ras-le-bol et consent à exaucer la veuve. L'attitude de cette femme est faite de patience et de persévérance. Il doit en être de même entre nous et Dieu. Ce n'est pas parce que Dieu semble faire la sourde oreille qu' il faut tout arrêter.

Nous exprimons des demandes à Dieu. Cela constitue une part plus ou moins importante de la prière selon les personnes. Les demandes ne portent pas toujours sur des besoins matériels ou égoïstes. Elles sont souvent en faveur des autres. Il y a le "seigneur, fais que je réussisse mon examen" tout comme il y a le "Seigneur aide mon ami a trouver son chemin dans la vie". Bref, il y a une richesse et une variété dans nos prières. N'oublions pas un point essentiel : La prière où l'on demande n'est pas toute la prière. Il y a aussi la prière de remerciement ou encore le simple silence dans lequel je me remets en question. C'est donc une réalité plus large et plus mystérieuse qu'on ne pense. Les demande que nous adressons à Dieu ne sont pas toujours exaucées comme nous l'attendions. Dans la culture de l'immédiateté qui est la nôtre, nous voulons tout tout de suite, y compris avec Dieu. Certaines mauvaises langues diraient que c'est quand cela va mal qu'on se met à prier. Quand Dieu ne répond pas à nos besoins, nous nous posons des questions. Du genre : "Est-ce qu'il y a quelqu'un qui m'entend quand je prie ?". Parfois, on peut même perdre la certitude d'être écouté. Notre relation à Dieu est alors mise à l'épreuve de notre cri. "Réponds, si tu es là", "Fais quelque chose, bon sang". On passe par un moment de révolte, voire une phase de désespoir. A quoi bon, finalement croire et prier un Dieu qui ne fait rien pour moi. Si Dieu n'est d'aucune utilité, je peux m'en passer. Notre prière n'est pas toujours calme et joyeuse. Il arrive qu'on traverse des zones de silence. Dieu est alors le vide de nos prières, le grand absent. Nous vivons une attente qui exige patience et persévérance. C'est peut-être le temps de découvrir notre besoin essentiel, le désir profond de vivre pleinement l'amour qui vient d'en haut. En tout cas, cela nous conduit au combat. C'est le temps de la lutte, quand on a envie de secouer Dieu comme un prunier. "Montres que tu existes, descends et viens à mon secours". Bien souvent, ce combat avec Dieu mène à l'abandon. Vous l'avez deviné : c'est Dieu qui est le plus fort. L'abandon ne signifie pas le désespoir. L'abandon, c'est reconnaître que Dieu est plus grand que moi. C'est cesser de me fabriquer ma prière sur mesure et découvrir que la prière de Dieu coule au fond de moi. Le bavardage s'estompe alors pour laisser place au silence. A ce moment, on lâche prise et on remet à Dieu le gouvernail de son existence. Je rejoins alors Dieu dans l'abandon, je m'ouvre à son accueil silencieux.

Nous espérons qu'il nous exauce. Cependant, c'est peut-être lui qui veut être exaucé par nous ? Quel paradoxe ! Ce Dieu inutile ne serait pas totalement inactif mais aurait besoin de nous. Il nous prie, du fond de son mystère. Il nous prie de prendre soin de nos semblables et de faire jaillir l'éclat de la charité, cet amour qui est plus que de l'amour. Il nous appelle à faire triompher la vie dans les lieux de mort qui nous entourent. Il y a tant de gens qui cherchent un chemin de vie, un chemin de bonheur sans artifice.

A l'image de la veuve, nous devons nous armer de patience, de persévérance, de courage et de ténacité. Du coup, ce n'est plus de la petite bière que la vie de prière. Pour que la vie devienne prière et que la prière devienne vie, nous pouvons garder une vision simple de la prière tout en travaillant un peu sur nous-mêmes. Cela peut s'avérer inconfortable et fatigant. La fatigue, signe de notre humanité, pèse sur la prière. Même les meilleurs élans de générosité finissent par retomber. Il ne faut pas s'en faire car la Bible nous dit quelque part que "Dieu comble son bien-aimé quand il dort ". Un mystique tel que Tauler pense qu'on peut aussi prier sur son lit. Alors, pas de panique !

Il est parfois difficile de prier seul, c'est pourquoi notre prière a besoin de fraternité. Dans la première lecture, nous avons entendu le récit de Moïse priant sur la montagne, les bras levés au ciel. Il prie pour que la bataille se termine bien pour son peuple. Il prie et se fatigue. C'est alors que deux hommes de sa communauté viennent lui soutenir les bras. Donc, vous voyez, même les grands prophètes ont besoin d'un soutien dans la prière. Cela peut nous rassurer.

La prière avec les autres est importante, surtout quand on a de lourds fardeaux à porter. Prier pour autrui et avec autrui est une chance que nous avons. Ainsi, nous gardons espoir et courage comme Moïse et la veuve de l'Evangile. Nous savons qu'ils ont été entendus. Alors, bien que Dieu n'ait pas la même notion du temps que nous, osons croire que notre désir le plus sincère trouvera son accomplissement en Dieu. Amen.

2e dimanche de l'Avent, année C

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Avent
Année liturgique : C
Année: 2000-2001

Ce matin (soir) en ce temps d'Avent, nous sommes conviés à faire taire en nous tous les bruits, les soucis qui nous encombrent. Non pas faire le vide mais plutôt à vivre un silence, un silence profond tout habité de ce que nous sommes pour laisser, à nos rythmes respectifs, venir en nous la présence de celui que nous attendons. Au c½ur même de ce désert une voix crie à nous : "préparez le chemin du Seigneur, aplanissez sa route et tout homme verra le salut de Dieu". Y a-t-il plus belle promesse que celle-là : voir le salut de Dieu. Savoir que toutes et tous un jour nous vivrons en Dieu, être en présence éternelle de sa divinité. Se lover à jamais dans la chaleur de Dieu. C'est un don qui nous est offert mais pour pouvoir le recevoir, il y a lieu de se préparer car sans préparation nous risquons de passer à côté d'une telle merveille. Nos vies sont tellement encombrées, nous courons tellement après le temps que ce dernier devient une valeur plus précieuse que l'or.

C'est à ce temps d'intériorité que nous sommes invités aujourd'hui. Aplanir tout ce qui en nous nous empêche de devenir pleinement nous-mêmes. Ce chemin se fera d'ici quelques minutes, après un temps de silence par une procession avec imposition des mains. Cette démarche est d'abord et avant tout une démarche de conversion, un signe public de demander à l'Esprit de Dieu de nous accompagner sur le chemin de nos vies, de nous montrer la route qui conduit à la lumière véritable et de nous aider à reconnaître face à lui tous les manques d'amour qui jalonnent nos journées. Ce sont nos manques d'amour, nos inattentions, nos paroles parfois un peu dures, nos égoïsmes et nous pourrions continuer d'allonger la liste que nous posons ce matin (soir) en Dieu. Ayant accompli un tel geste, nous croyons en toute confiance que Dieu nous accordera par l'absolution son pardon. Mais qu'est-ce que le pardon de Dieu ?

Pour nous aider à entrer dans ce mystère, je voudrais vous raconter l'histoire suivante, peut-être vous l'ai-je déjà raconté, c'est possible, je ne me le rappelle plus. Tant pis et puis, c'est de toute façon agréable d'entendre plusieurs fois la même histoire. Cette histoire je l'ai entendue il y a une dizaine d'années en Angleterre. Imaginez-vous un instant que vous mourrez. Au moment précis de votre mort, lorsque vous quittez cette terre, vous vous retrouvez au ciel dans une superbe salle de cinéma aux sièges extrêmement confortables, écran géant, Dolby stereo, j'en passe et des meilleures. Vous voilà confortablement assis attendant que quelque chose se passe. Et vous êtes là avec une certaine paix intérieure. Puis voilà que par derrière l'écran apparaît un ange qui vous souhaite la bienvenue. Cher ami, dit-il, vous allez maintenant assister à la projection privée du film de votre vie. Vous y reverrez tous les événements que vous avez traversés, vous redécouvrez tout ce que vous avez dit, pensé. L'ange vous souhaite un bon film et s'en va à nouveau par derrière l'écran. Au fur et à mesure de la projection, vous vous enfoncez dans votre fauteuil pour ne finalement plus voir que les lettres "Fin" juste au-dessus du bord du siège de la rangée précédente. Et voilà que l'ange revient espérant que vous avez passé un bon moment. Vous êtes quant à vous plutôt livide, blême. Et voilà que l'ange vous dit : "vous vous êtes sans doute étonnés de vous retrouver seul dans une aussi grande salle. Et bien tous les sièges vides vont maintenant être pris par tous ceux qui ont été les acteurs et actrices dans le film de votre vie. Nous allons faire une seconde projection avec eux et ils verront vraiment qui vous étiez lors de votre pèlerinage sur terre". A ce moment là, l'horreur vous envahit. Et bien, concluait le prédicateur anglais, c'est pourquoi nous avons toutes et tous besoin du pardon de Dieu. En effet, le pardon de Dieu, c'est qu'il n'y ait jamais, je dis bien jamais cette seconde projection. De la sorte le pardon divin n'est pas un oubli puisqu'il restera toujours la première projection.

Pardonner n'est pas oublier. Non pardonner c'est d'abord et avant tout une affaire de souvenir. Ces souvenirs douloureux qui nous ont été infligés ou que nous avons commis. Ils font partie de notre histoire. La démarche de pardon vis-à-vis de Dieu, démarche éminemment subjective, nous invite à nous libérer de nous-mêmes, de ce poids qui nous empêche d'avancer en vérité, pour un jour voir le salut de Dieu. Amen.

30e dimanche ordinaire, année C

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2000-2001

Certains prétendent aujourd'hui que la confession n'est plus à la mode. Que c'est un sacrement qui n'a plus sa place dans la vie de beaucoup de croyants. S'avouer pécheur face à un autre semble de plus en plus démodé. Il est vrai que nos confessionnaux sont très souvent vides (ou comme ici à Froidmont, il n'y en a même pas). Cependant je suis convaincu que la confession n'a pas pour autant diminuer. Nous continuons à confesser les péchés. Souvent, très souvent et bien plus qu'on ne le pense. Oh, nous ne confessons pas les nôtres mais plutôt ceux des autres. Un peu à l'image du pharisien de notre évangile lorsqu'il affirme qu'il n'est pas comme les autres : voleurs, injustes, adultères.

Nous n'allons sans doute pas aussi loin. Nous ne sommes peut-être pas aussi durs dans nos propos. En tout cas nous en avons l'impression. Mais combien de fois, ne sommes nous pas entrain de parler des autres aux autres. Et cela peut se vivre que nous soyons à deux ou en groupe. C'est tellement rassurant et si facile. Tant que je parle de l'autre, je ne me dévoile pas, je me protège. Je passe un bon moment tout en ne permettant à personne de venir vaguer dans les méandres de ma propre pensée. Cette distance me rassure. Je ne crains pas d'être abusé voire même trahi puisque je ne te dis pas qui je suis. Pharisiens, nous le sommes donc parfois et nous avons alors à quitter ce sourire amusé pensant que l'évangile ne nous est pas personnellement adressé. Si nous ne parlons pas des autres aux autres, nous avons encore un autre moyen de nous protéger. Je ne parle toujours pas de qui je suis mais de ce que je fais. Et nous voilà à nouveau dans la peau du pharisien : " je jeûne deux fois par semaine et je verse le dixième de tout ce que je gagne ". Phrase à transposer dans notre langage d'aujourd'hui : " j'ai fait ceci et encore cela ". J'acquiers une certaine valeur à mes propres yeux et à ceux à qui je m'adresse. M'enfermer dans la spirale du " faire " me conduira peut-être à être admiré. En effet, j'ai la conviction profonde, que nous sommes admirés pour ce que nous faisons et aimés pour ce que nous sommes. Il y a donc du pharisianisme en chacune et chacun de nous et nous sommes conviés avec les lectures de ce jour à dépasser nos propres craintes, nos propres attitudes d'auto-protection pour faire ce chemin intérieur d'oser dire qui nous sommes. A l'image, cette fois du publicain qui susurre : " Mon Dieu, prends pitié du pécheur que je suis ". " Que je suis ". Mais pour oser dire " qui je suis ", je dois me sentir en sécurité, en confiance. La relation doit être simple, désencombrée de toute crainte. C'est dans l'amitié, dans l'amour que je peux le vivre. Et cette fois, je prends un risque parce que m'offrant de la sorte, j'accepte d'être confronté au regard de l'autre même si je sais que puisqu'il ou elle m'aime, je ne serai pas jugé, condamné. N'oublions jamais que plus grand est le risque, plus grand sera la récompense (le rendement pour reprendre les termes de notre seconde lecture). La vérité partagée de qui nous sommes et de ce que nous ressentons au plus profond de nous, submerge notre être d'un sentiment de bonheur indicible. Je peux vraiment être qui je suis, sans ombre, sans bruit, face à quelqu'un d'autre. Notre condition humaine fait que nous avons l'impression que puisque nous sommes dans le champ de l'amitié et de l'amour de sentiments, cela ne peut pas se vivre très souvent. Le chemin de la confiance prend du temps. Entre nous c'est vrai. Mais il en va tout autrement avec Dieu. Dieu, pour nous croyantes et croyants est le lieu par définition de vérité et de confiance. A Dieu, je peux tout dire, tout partager et j'ai en moi ce sentiment profond qu'il m'entend et qu'il m'aime. Nous avons donc une chance, un privilège unique sur cette terre : celui de croire avec force qu'en nous Dieu vit à chaque instant, à tout moment. Il est là présent et chaque fois que nous en ressentons le besoin, nous pouvons nous tourner vers lui, lui partager ce que nous sommes, ce que nous ressentons. Avec lui, je peux m'avouer mes contradictions, mes paradoxes. Il m'accueille et m'accepte tel que je suis. Dieu est amour et confiance. Ne passons pas à côté d'une telle aubaine : vivons en Dieu de cette vérité qui nous façonne et éclaire l'être que nous sommes. Fort de cette expérience en Dieu peut-être arriverons-nous, entre nous, plus facilement à nous dévoiler nous aussi sans crainte, sans bruit. Amen.

31e dimanche ordinaire, année C

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2000-2001

L'histoire de Zachée, nous la connaissons sans doute toutes et tous. Elle nous rappelle des souvenirs de notre enfance où Zachée dans son arbre nous était conté pour mieux comprendre la vie de Jésus. Zachée est aujourd'hui encore tellement connu, qu'il est même devenu un exercice type chez les logopèdes ou dans la formation des frères dominicains pour apprendre à développer certains muscles de la langue en disant de plus en plus vite, la phrase suivante : " Jésus s'en va chez Zachée ". Je vous invite à faire cet exercice, mais plutôt chez vous afin d'éviter une cacophonie dans notre église.

Au-delà du périlleux exercice de diction, la phrase " Jésus s'en va chez Zachée ", et je prends quelques risques en la répétant, peut être reçue comme une invitation à nous remettre fondamentalement en question. Je m'explique. Lorsque j'avais huit ans, ma maman m'a avoué que tout ce qui tournait autour des cloches de Pâques ou encore d'un grand saint dont je tairai le nom pour que le rêve puisse se poursuivre dans le c½ur des plus jeunes, étaient le fruit de la générosité d'autres. Vous ne pouvez imaginer à quel point fut le choc. J'y avais tellement cru. Ma déception passée, mes premiers mots l'ont alors effrayée lorsque je lui ai demandé : " maman, et Dieu, c'est pas vrai non plus ? ". Vous imaginez son désarroi. Comment me faire comprendre qu'il y a des choses auxquelles je ne dois pas croire alors que d'autres, qui me semblent encore plus invraisemblables, je devais les accepter. Dieu existe et j'étais prié de ne pas remettre cela en question.

Dieu existe. Je ne peux le prouver puisque nous sommes dans le champ de la foi. Une foi, aujourd'hui encore, parfois traversée de certains doutes. Est-ce vraiment vrai ? Existe-t-il réellement alors que je ne vois rien ? Est-ce que je ne me trompe pas ? Avons-nous la bonne interprétation et sommes-nous sur la bonne voie ? Ces questions nous traversent parfois l'esprit. Alors imaginons-nous un instant non plus que " Jésus s'en va chez Zachée " mais plutôt " Jésus s'en vient chez nous ". Nous sommes à la maison, afférés aux tâches quotidiennes, quelqu'un sonne à la porte. Nous le reconnaissons. Je ne sais pas vous dire comment et pourquoi. Mais son regard nous transperce et nous avons la conviction intime que le Fils de Dieu est bien devant nous. Passé cette surprise émotionnelle, notre raison reprend vite le dessus. Nous lui posons alors quelques questions pour être vraiment certain de ne pas s'être trompé. Peut-être que les incrédules lui demanderont de revenir à un autre moment pour vérifier cette certitude qui les envahit. Voilà, Jésus est chez moi, devant moi. Je lui parle de ce que je vis, de ce que je ressens, de mes questions : suis-je sur la bonne voie ? est-ce que je le déçois ? Dieu pardonne-t-il réellement ? Lui, ne me dit sans doute pas grand chose. Il me regarde et dans ses yeux je lis toute la tendresse de Dieu. J'ai confiance, je suis bien. Après un temps, il décide de s'en aller. Il est vrai qu'il a encore tant de gens à rencontrer. Et je me retrouve seul face à moi-même mais cette fois avec la joie de vivre dans le c½ur de Dieu. La foi n'est plus une question, elle est certitude. Je n'ai plus d'interrogations sur la divinité mais bien sur le sens de mon humanité. Je décide alors de vivre intensément. Peut-être même que je me mettrai en marche sur les routes pour partager l'expérience vécue. En tout cas je m'impliquerai beaucoup plus encore. Toutes les valeurs que j'estime fondamentales ne sont plus de vain projets à réaliser mais bien le c½ur même de ce que je veux vivre. Elles ouvrent la voie à la vie ici et maintenant. En Dieu, je me lance sans peur, je n'ai plus d'inhibitions. Je vis dans la confiance. Et à chaque croisement, je me tourne vers lui et je communique, je prie avec cette certitude d'être entendu. Suis-je entrain de vous conter un rêve éveillé ? Je ne le crois pas. " Jésus s'en va chez Zachée ". Cela s'est passé, il y a deux mille ans. Dieu s'est incarné et a partagé notre humanité. A chacune et chacun d'y croire encore et toujours. Et Dieu ce soir (matin) frappe à la porte de notre c½ur. Allons-nous lui ouvrir sachant que notre vie en sera bouleversée, transformée ? " Jésus s'en vient chez moi ", cela se vit à chaque instant. Amen

32e dimanche ordinaire, année C

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2000-2001

En quelques secondes, dans un stupide accident de voiture, il perd la femme de sa vie et ses deux jeunes enfants. Réalisant le drame, cet homme se met alors à crier la mort. Quelque chose en lui s'est déchiré à jamais. Trois vies se sont envolées vers ailleurs et lui, du plus profond de sa solitude, ne peut exprimer avec des mots humains, la souffrance intérieure qui le tenaille. Il a mal, tellement mal et rien ne peut le calmer, diminuer sa peine. En tout cas, pour le moment. Seul le temps adoucira cette blessure même si de temps à autre, sans comprendre pourquoi, une lame de fond à nouveau le submergera. Aujourd'hui, dans l'ensemble, il va mieux. Il continue de vivre ou de survivre. Mais c'est vrai aussi que par moment, il glisse sans pouvoir s'arrêter dans cette faille intérieure où il refait avec douleur l'expérience du vide insoutenable laissé en lui par la perte de ces trois vies qui sont de l'autre côté de la lumière.

De l'autre côté de la lumière, mais existe-t-il vraiment quelque chose ? Nous sommes en droit de nous la poser cette fameuse question. Aucune certitude. Juste une espérance. Cette dernière dépendra de l'intensité de notre foi en Dieu et du crédit que nous accordons aux Ecritures. Ce soir (matin), Jésus dévoile un coin du mystère. Il ne se laisse nullement piégé par ces Sadducéens qui ne croient pas à l'idée de la Résurrection. En déjouant leur intention malveillante, le Christ nous surprend à nouveau. Tout d'abord, en Dieu, la mort n'est qu'un instant. Nous la traversons et nous n'y résidons pas. Nous poursuivons ce que nous avons entamé sur cette terre. Dieu nous accueille en lui et aucune image connue ne peut décrire ce mystère. Nous sommes hélas bien incapables d'envisager ce qui peut bien se passer de l'autre côté. Un peu comme l'expérience suivante : lorsque nous visitons un zoo, nous découvrons les animaux, nous les voyons mais ils ne sont plus tout à fait eux-mêmes puisqu'ils sont enfermés, en cage. Ils sont tellement différents, ils ont perdu une partie de leur identité. Lorsque nous les visitons dans leurs milieux naturels, l'image qu'ils offrent, en pleine liberté, n'a plus rien à voir avec ce que nous avions découvert chez nous. Tant que nous n'en avons pas fait l'expérience, nous ne pouvons pas saisir la beauté de la vie animale dans leur milieu originel. Il en va de même avec la vie.

Nous vivons notre vie ici et maintenant. Demain, nous serons dans la vie éternelle. Tant que nous ne ferons pas ce grand saut nous ne pourrons pas nous émerveiller de tant de beauté et d'amour. Notre vie aujourd'hui n'est peut-être finalement qu'un avant-goût de ce qui nous attend. C'est possible et nous restons ici-bas avec nos questions : serons-nous les mêmes ? à la résurrection aurai-je le corps de mes 20, 40, 60 ans ou plus âgé encore ? si je perds un membre, est-ce que je le retrouverai de l'autre côté ? nous reconnaîtrons-nous les uns les autres ? où se situe-t-il notre au-delà ? celles et ceux qui sont de l'autre côté, sont-ils vraiment là alors que trop souvent nous butons sur un terrible silence ? Des questions qui resteront sans réponse pour longtemps encore. Sauf si nous prenons les dires de Jésus au sérieux. D'après lui, nos morts sont bien vivants. Quelle formule paradoxale. Ils sont vivants sans pour autant être réinstallés confortablement dans une demeure spéciale communément appelée le Ciel, le nouvel Eden. Les morts en effet ne sont plus dans un lieu. Ils sont dans un état. Un état de bonheur dans lequel ils nagent. C'est la raison pour laquelle, ils sont devenus semblables aux anges, filles et fils de Dieu. Il vivent dorénavant la vraie vie, la vie des enfants de Dieu. Qu'est-ce à dire ? Je n'en sais rien. Le monde de Dieu semble tellement différent du nôtre. Ma seule espérance est de croire ce que l'évangile dévoile aujourd'hui. N'appelons plus celles et ceux qui sont partis de l'autre côté de la vie : les morts. Ils sont vivants, les grands vivants de notre histoire puisqu'ils vivent en Dieu, dans cet état de bonheur éternel. Si nous y croyons, malgré notre tristesse d'être séparés, réjouissons-nous pour eux et vivons de cette espérance que leur état est à ce point merveilleux que pour rien au monde, ils ne souhaitent revenir sur notre petite terre. Ils vivent à jamais en Dieu l'immensité de l'éternité. Ils sont vivants, bien plus vivants que nous n'aurions pu l'imaginer. Ils sont les grands vivants. Amen.

3e dimanche de l'Avent, année C

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Avent
Année liturgique : C
Année: 2000-2001

Comment priez-vous ? Comment dialoguez-vous avec Dieu ? demanda un journaliste de La Croix au frère Timothy Radicliffe, actuel Maître de l'Ordre des Dominicains. "Dans la tradition dominicaine, répondit ce dernier, la prière est souvent conçue comme un acte d'amitié, nous n'avons pas vraiment de technique de prière. Je dois avouer que je ne suis pas très fort pour la prière. Je suis très facilement distrait. Souvent, je vais dans la chapelle, juste pour m'asseoir et rester avec Dieu, en silence. Mais, souvent, j'ai la tête et le c½ur trop pris pour cela. Je suis préoccupé par mes problèmes, mes dossiers, trop soucieux de moi-même. Un jour, l'auteur de théatre anglais Noel Coward rencontra l'un de ses amis dans une soirée et lui dit : "Nous n'avons pas le temps de parler de nous deux. Alors parlons de moi." Notre prière, souvent, commence un peu commça. Nous adressons à Dieu un bavardage sur nous-mêmes, sur les autres, tout en nous demandant ce qu'il y aura à manger pour le déjeuner. Mais si l'on prend le temps nécessaire, vient le moment du silence où nous sommes avec Dieu. Prier, ce n'est pas penser à Dieu. Comme dit mon camarade de noviciat Simon Tugwell, concluait le frère Timothy, lorsque nous sommes avec nos amis, nous ne pensons pas à eux, nous sommes avec eux. Prier, c'est être avec Dieu".

De tels mots dans la bouche du big boss de notre Ordre me font terriblement plaisir et nous ramènent au sens des lectures de ce jour. La vie de foi, la vie chrétienne, n'est pas comme l'ont prétendu de nombreuses personnes au cours des siècles et encore aujourd'hui quelque chose de difficile, de compliqué. Croire au Christ n'est pas vivre sa vie avançant à genoux sur un chemin rocailleux. Sans pour autant nier les souffrances que nous traversons, les heurts et trahisons que nous subissons, ces événements douloureux font partie de notre vie humaine. Mais la foi nous fait découvrir une autre facette de la vie. Même si nos journaux quotidiens sont trop friands de drames, la vie est également belle et vaut la peine d'être vécue. Cette beauté peut être illuminée de la lumière de Dieu qui prend son humanité tellement au sérieux qu'il se fait lui-même l'un des nôtres par l'Incarnation de son Verbe. Prendre la vie au sérieux n'est cependant pas synonyme de tristesse. Et pourtant ces deux notions sont souvent confondues. Pour croire, il faut être sérieux, entend-on parfois. Erreur, me semble-t-il.

C'est vrai, la foi c'est quelque chose de très important, et il faut donc la prendre au sérieux. La prendre au sérieux, c'est-à-dire en vivre pour donner du goût à sa vie, l'épicer d'une herbe toute spéciale, la parfumer d'une relation unique au Créateur. Pour croire, il ne faut pas être sérieux, il faut être joyeux. La foi n'a pas de sens si elle n'est pas vécue comme une joie, si elle n'est pas légère et douce. Croire n'est pas une obligation mais une invitation à laquelle toutes et tous nous avons envie de répondre positivement parce qu'elle nous nourrit d'un bonheur indicible. Et cette joie intérieure qui nous anime est une joie toute simple, sans fard, sans bruit, à l'exemple de la manière de prier telle qu'elle nous est proposée par le frère Timothy. Une joie qui nous envahit dans ce que nous faisons, dans ce que nous sommes. Par cette joie, la foi au Dieu de Jésus Christ nous fait découvrir que vivre chrétiennement n'est pas quelque chose de compliqué. Vivre chrétiennement, selon l'évangile de ce jour, c'est "n'exiger rien de plus que ce qui vous est fixé", c'est-à-dire elle n'est pas une longue démarche dans laquelle il y a lieu d'entrer au risque de souffrir car nous n'y arrivons pas. Non le Christ, en ce temps de préparation à sa venue, nous convie à ne pas aller au-delà de nos forces, à faire ce que nous avons à faire mais à notre mesure, selon nos capacités. Pas plus mais pas moins non plus. Vivons ce que nous avons à vivre avec tout ce qui nous a été donné et sans jamais chercher midi à quatorze heures. Mais vivons cette foi dans la joie avec cette certitude annoncée dans la première lecture : "Le Seigneur ton Dieu est en toi. Il aura en toi sa joie et son allégresse, il te renouvellera par son amour ; il dansera pour toi avec des cris de joie, comme au jour de fête". Si cette promesse est vrai et si nous le croyons, que cette foi qui nous habite soit fête pour celles et ceux que nous rencontrons.

Amen.

3e dimanche de Pâques, année C

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : C
Année: 2000-2001

La semaine dernière je me trouvais pour quelques jours en Italie. Non pas pour un séminaire, un colloque ou une retraite, mais tout simplement pour un petit temps de vacances que j'estimais bien méritées. Durant ce séjour, je me suis arrêté à Padoue où j'ai vécu une expérience religieuse intéressante. N'ayez aucune crainte, je ne vous montrerai ni photos, ni dias, ni vidéo. Ce n'est pas encore l'enfer sur terre. Je vous épargne ce genre de supplice. A Padoue, se trouve le tombeau de Saint Antoine, celui qui est invoqué lorsque nous perdons quelque chose. Les fidèles se pressent autour de son tombeau, le touchent et prient. Je ne permettrais jamais de porter un jugement sur cette piété populaire. A quelques mètres du corps se trouve un reliquaire où les pélerins peuvent apprécier la machoire inférieure, la langue et l'appareil oratoire baignant dans un liquide. Cet endroit de la basilique est d'ailleurs, à ma grande surprise, tout autant visité. Dehors, les échoppes sont nombreuses à proposer toute une série d'articles religieux et les cars s'arrêtent par dizaines à cet endroit. Ce qui est par contre tout à fait étonnant, c'est qu'à plus ou moins 750 mètres de saint Antoine se trouve la basilique sainte Justine. Cet édifice est nettement moins connu et de nombreux guides le passent sous silence. Ni touristes, ni pélerins ne s'y arrêtent. Il est vrai que l'église n'est pas très jolie et pourtant, pourtant c'est là que repose le corps de l'évangéliste Luc. Son tombeau se trouve dans un endroit peu chaleureux avec deux plantes vertes comme unique décoration. Vous imaginez ma surprise face à un tel contraste. Tant de dévotion pour un saint et aucune pour un évangéliste. La foi et notre manière de la vivre me surprendra toujours un peu.

Cette foi, il est évident que chacune et chacun d'entre nous, nous la vivons avec ce que nous sommes, façonnés par nos expériences de vie, nos histoires personnelles, nos états d'âme. Et voilà que ce matin (soir), le Christ nous pose cette question : « m'aimes-tu ? ». Difficile d'aimer quelqu'un que nous n'avons jamais vu pourraient dire certains. Et pourtant nous sommes là aujourd'hui, venu lui rendre une petite visite. Notre façon de l'aimer, de répondre positivement à son invitation est éminemment personnelle. Nous n'aurions pas assez de la mémoire du plus puissant ordinateur pour mémoriser tous les chemins de rencontre avec Dieu qu'il soit Père, Fils ou Esprit. Mais le Christ ne se contente pas d'une réponse positive : « oui, Seigneur, tu sais que je t'aime ». Il attend de nous que nous partions à sa rencontre. Comment ? Tout simplement, comme le récit évangélique le souligne. Dieu se rencontre au c½ur de nos vies, là où nous sommes. Je ne crois pas que Dieu se rencontre uniquement dans nos églises, ou encore dans des lieux précis, propices à la méditation, au silence intérieur. Dieu se laisse découvrir là où nous vivons. Il est présent dans notre vie quotidienne. C'est peut-être un peu pour cela que le sondage réalisé dans nos paroisses nous a fait découvrir que pour certains, l'eucharistie est le seul lieu où je rencontre Dieu. Mais alors, si je rate, un dimanche, cela signifie-t-il que Dieu devra attendre la semaine suivante pour que je prenne un peu de temps avec lui. La question a le mérite d'être posée en tout cas.

Pourtant, Jésus Ressuscité n'attend pas que ses disciples soient à nouveau entre eux, dans un endroit calme pour se révéler à eux. Il offre sa présence alors qu'ils sont en plein travail. Un peu comme s'il nous envoyait un petit clin d'½il pour nous dire, partout où vous êtes, quoique vous fassiez, je suis avec vous. Non pas comme un ½il qui contrôle, vérifie mais comme une présence toute attendrissante dont le regard d'amour se donne à vivre en plénitude chaque fois que nous le souhaitons, chaque fois que nous nous tournons vers lui. Dieu s'offre à nous dans notre quotidien. Vivre sa foi, ne se réduit pas à une pratique. Vivre sa foi, c'est respirer Dieu et prendre un peu de temps hors du temps chaque fois que l'occasion ou l'envie est là. C'est la raison pour laquelle j'aime cette phrase du frère Louis Dingemans : « ma voiture est ma chapelle ». Cette affirmation, je l'ai faite mienne et il m'est déjà souvent arrivé de rater des sorties d'autoroute parce que j'était bien avec Dieu tout en conduisant. En voiture, en promenade, dans la nature ou encore en travaillant, abandonnons-nous et laissons à Dieu de l'espace dans notre quotidien. Nos gestes, nos regards et nos vies changeront de ton puisqu'ils seront inscrits dans l'amplitude du divin. « Et toi, m'aimes-tu ? », demande Dieu. Je ne puis répondre à votre place. A nous de le faire, chacun séparément et de se laisser envahir de sa présence dans tous ces petits moments qui font la richesse de nos vies.

Amen.

5e dimanche de Carême, année C

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps du Carême
Année liturgique : C
Année: 2000-2001

Il y a quelques années au cours d'une prédication, le prieur du couvent dominicain d'Oxford disait ceci aux fidèles : si vous aimez l'argent, le sexe et la violence, lisez la Bible. Il faut dire que l'évangile de ce jour ne fera que confirmer de tels propos. Mais ce matin, je voudrais avec vous, méditer plutôt sur tout ce climat de violence que nous retrouvons dans ce passage de la femme adultère. [Il y a quelques jours, monsieur Demol, qui est assis ici à ma droite à la deuxième rangée, me faisait gentillement remarquer que mes homélies étaient devenues un peu trop classique. Je suis heureux de le rassurer aujourd'hui, l'évangile parle de sexe et de violence. Tiens, c'est étonnant, en prononçant les mots sexe et violence, tout à coup, les gens se taisent même au troisième étage de cette église. Afin de ne pas incommoder votre épouse et au risque de vous décevoir, je ne m'attarderai pas tant sur la question de l'adultère mais plutôt sur celle de la violence.] Violence qui existe également en nous et que nous serons invités tout à l'heure à nous déposséder pour retrouver par le pardon de Dieu une certaine sérénité au plus profond de nos êtres. C'est pourquoi, il nous a paru intéressant de vous proposer deux récits de lapidation pour cette célébration du pardon : celui de la femme adultère et celui de la lapidation d'un mendiant décrit dans la vie d'Apollonius de Tyane, gourou célèbre du deuxième siècles après Jésus-Christ.

Dans ce récit, les Ephésiens sont d'humeur pacifique et défavorables à toute lapidation. Aucun Ephésien ne semble décider à lancer une pierre. Ces braves gens ne peuvent pas se résoudre, froidement, à massacrer un de leurs semblables, si misérable, si dégoûtant et insignifiant soit-il. Par contre la foule qui amène la femme adultère à Jésus est d'humour combative et pourtant elle ne lapidera pas. Dès lors pour arriver à ses fins, Apollonius doit distraire les Ephésiens de l'action qu'il leur demande de commettre en les aidant à oublier la réalité physique de la lapidation. Comment ? Tout simplement en accusant ce pauvre mendiant d'être un ennemi des dieux. En effet, écrit René Girard dans son dernier livre intitulé « Je vois Satan tomber comme l'éclair », pour rendre la violence possible il faut démoniser celui dont on veut faire une victime. Le gourou d'Ephèse réussit puisque les habitants se mettent à lapider cet homme. Et voilà qu'une foule au départ bien calme se met à détruire un des leurs.

Le récit évangélique est tout le contraire, la foule est excitée et pleine de violence. Pour ne pas exciter une telle violence qui pourrait dégénérer, Jésus se baisse et se met à écrire avec son doigt sur le sol. Ce n'est pas parce qu'il veut écrire quelque chose que Jésus se penche, je crois. Non je pense plutôt que c'est parce qu'il se penche qu'il se met à écrire dans la poussière. Il s'est penché pour tout simplement éviter le regard de cette foule aux yeux injectés de sang. En effet, si Jésus avait posé son regard sur eux, ceux-ci n'auraient vu que leurs yeux de haine à eux, ils n'auraient plus vu son regard à lui tel qu'il était réellement. Ils auraient transformé le regard du Christ en un miroir de leur propre colère. C'est leur provocation, leur défi qu'ils liraient dans le regard de Jésus, si paisible soit-il en réalité. Ils se sentiraient provoqués en retour. L'affrontement ne pourrait plus être évité et il entraînerait probablement ce que Jésus s'efforce à tout prix d'éviter : la lapidation de la femme. Jésus évite donc jusqu'à l'ombre d'une provocation. Agissant de la sorte, il peut alors leur dire : « Que celui qui est sans péché lui jette la première pierre ». Jeter le première pierre est devenue une expression populaire que tout le monde répète puisque même les étudiants en guindaille la paraphrase : « Que celui qui n'a jamais péché, me jette la première bière ».

Mais revenons à cette première pierre. Celle-ci n'est pas une pierre parmi d'autres elle est décisive parce qu'elle est la plus difficile à jeter. En effet, la première pierre est la seule à ne pas avoir de modèle. En attirant l'attention sur cette fameuse première pierre, Jésus en fait un véritable obstacle à la lapidation. Plus ceux qui songent à jeter la première pierre se rendent compte de la responsabilité qu'ils assumeraient en la jetant, plus il y a des chances que cette fameuse première pierre leur tombe des mains. Cette responsabilisation empêche tout être humain d'entrer dans l'escalade, dans le cercle vicieux de la violence. Cette première pierre nous invite à réfléchir à ce que nous faisons, à en assumer les conséquences, à regarder tout simplement devant sa propre porte. Ce que Jésus nous fait découvrir dans ce récit de la femme adultère c'est qu'il suffit parfois de peu pour calmer et faire taire la violence : s'abaisser et parler d'une première pierre. Ce matin, (ce soir), nous sommes nous aussi conviés à nous abaisser un instant sur nos violences intérieures pour les poser symboliquement dans un petit caillou. Ce dernier après l'imposition des mains, nous vous invitons à la déposer dans le panier qui vous sera présenté. Ne nous lapidons pas mais recevons comme un cadeau du Ciel cette conclusion : « moi non plus je ne te condamne pas. Va, désormais, ne pèche plus ».

Amen

6e dimanche de Pâques, année C

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : C
Année: 2000-2001
 Mes chers enfants, je vous quitte... Je vais tous vous bénir, sans exception, vous pour qui j'ai tant prié tous les jours de ma vie, pour que vous soyez des foyers heureux et chrétiens et que vous restiez tous unis ». Ces paroles, vous ne les avez sans doute jamais entendues même si elles nous en rappellent d'autres. Ce sont en fait les dernières paroles de mon grand-père maternel. Après avoir dit ces quelques mots, il a béni ses huit enfants puis s'en est allé tout en douceur et en confiance de l'autre côté de la lumière. A suivi alors le temps de l'apprentissage de l'absence, d'un deuil à devoir faire pour continuer à vivre. Un chemin à découvrir pour ne pas l'enfermer dans les vestiges d'un passé à jamais révolu mais plutôt une occasion d'enraciner sa propre vie dans ce qu'il avait semé en chacun de ses enfants et petits enfants. Il n'est plus de ce monde, il s'en est allé dans sa propre lumière. Et chaque fois que nous faisons l'expérience d'un deuil, ici sur terre, nous sommes forcés de faire ce type de chemin alors que souvent nous ressentons un vide, une grande absence, un profond silence.

Nous entendent-ils ? Y a-t-il vraiment quelque chose après cette vie ? Nous n'avons aucune certitude. Seulement une espérance. Seulement une foi en celui qui a dit à ses amis : « je m'en vais et je reviens vers vous ». Une phrase on ne peut plus paradoxale puisque le Christ dit en même temps : je pars et je ne pars pas. Nous avons l'impression qu'il dit une chose et son contraire. En tout cas, il ne nous a pas menti quand il a dit qu'il partait. Un peu comme s'il nous disait, aujourd'hui encore, vous ne me verrez plus. Faites-vous bien à cette idée. Vivez sans ma présence visible. Sans doute que je vous manque. Vous aimeriez peut-être voir mon visage, être certain de mon humanité et de ma divinité, contempler en mon regard toute la tendresse du Père pour ses créatures. Tout cela vous y aurez droit mais seulement dans l'éternité. D'ici là, le Christ nous laisse la place c'est-à-dire que tout ce que nous ne ferons pas nous-même ici sur terre pour améliorer l'humanité, il ne viendra pas le faire à notre place. Il nous respecte et nous laisse notre autonomie. Il ne veut pas que nous soyons de simples automates. Il s'en est allé rejoindre le Père pour y préparer notre propre place, notre demeure éternelle.

Ne soyons pas bouleversés, nous vivons tout simplement la vie telle qu'elle a été envisagée dans le plan de Dieu. Il s'en est allé, c'est vrai. Mais en même temps, il reste à nos côtés. Il n'est pas tout à fait parti. Il est là, présent, proche de nous, nous accompagnant sur cette traversée. Il est maintenant présence invisible et pourtant perceptible. Sa présence est plus profonde, plus intérieure. Elle s'enracine au plus profond de ce que nous sommes. Dorénavant, par l'Esprit, Dieu a choisi de se poser en chacune et chacun de ceux qu'il aime. Il vit en nous et reste vivant à jamais par ses paroles à méditer mais également au c½ur de chacune de nos eucharisties. L'Esprit poursuit son ½uvre divine : il est ce souffle qui nous pousse à retrouver Dieu dans les traits de celui qui s'est perdu dans sa vie, qui s'est enfermé dans une solitude de laquelle il n'arrive plus à sortir, qui dans le monde aujourd'hui a faim, ou souffre de la blessure infligée par d'autres. Oui, Dieu le Fils est là, dans chacun de nos visages, dans l'étincelle de nos regards. Il est là, bien là. Mais nous ne pouvons le découvrir et le rencontrer qu'avec l'aide de son Esprit. Ce dernier, troisième personne de la divinité, est invisible et pourtant aussi fort que le vent (nous rappelle la seconde lecture).

Si Dieu est aujourd'hui encore à l'½uvre dans notre monde, c'est par l'intermédiaire de l'Esprit. Un Esprit respectueux de nos libertés, de nos décisions, de nos choix même s'ils ne vont pas dans le sens divin. Un Esprit qui nous accompagne et ne nous lâche pas. Il se réjouit avec nous dans le bonheur et nous soutient dans les moments plus difficiles. Il est douce présence de Dieu sur notre terre. Dieu s'en est allé et pourtant il est toujours là. Il s'en est allé pour que nous puissions le chercher librement, l'aimer sans contrainte. Selon lui, notre dépendance à son égard n'a de sens que si elle est librement consentie, que si cet amour réciproque est une réponse personnelle liée à ce désir de vivre en lui. Mais en attendant un tel jour, Dieu ne souhaite pas nous laisser dans une absence insupportable, insoutenable c'est pourquoi, depuis ce jour, Dieu l'Esprit est à nos côtés. A chacune et chacun de le trouver. Ne le cherchez pas au loin. Dieu l'Esprit est en vous et chez votre voisin.

Amen.

7e dimanche de Pâques, année C

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : C
Année: 2000-2001

Dites, vous les dominicains, vous ne pensez pas qu'il serait bientôt temps d'organiser un petit week-end retraite pour aider vos paroissiens et paroissiennes à mieux prier ou tout simplement à nous apprendre à prier. Nous avons l'impression d'être fort éloigné de ce que Dieu attend véritablement de nous. Surtout lorsque nous nous mettons à lire des livres de spiritualité écrits par Jean de la Croix, Thérèse d'Avilla ou encore Ignace de Loyola. De grands spirituels, il est vrai mais qui sont profondément marqués par le siècle dans lequel ils ont vécu. Pour avoir lu ces auteurs, je reconnais avoir quelques difficultés à entrer dans une telle démarche qui me semble souvent un véritable parcours du combattant. Un peu comme si Dieu ne pouvait s'atteindre qu'au sommet d'une haute montagne qu'il faut gravir lentement et qui demande de nombreux efforts.

Des écoles de prière, au sein de notre église, il y en a beaucoup. C'est à chacune et chacun de nous de trouver celle qui correspond le mieux à notre personnalité. Certains apprécieront d'ailleurs les auteurs que je viens de citer. D'autres culpabiliseront parce qu'ils n'arrivent pas à atteindre un tel degré de spiritualité. D'autres encore, et j'en fais partie, estiment que la prière est beaucoup plus simple que ce que prétendent certains maîtres spirituels. Et l'évangile de ce jour semble leur donner raison.

Dans cette prière du Christ, acte d'intimité par excellence entre lui et son père, Jésus parle tout simplement. Il émet un ensemble de souhaits, d'abord pour ses amis puis pour tous ceux et celles qui se laisseront atteindre par leurs paroles les conduisant vers le Fils. Ce Fils qui les amènera en toute confiance vers le Père puisqu'ils ne font qu'un au sein de cette Trinité. Mais l'unité dont parle le Christ n'est pas une fusion dans laquelle nous nous sentons prisonniers, incapables de nous délier, une fusion idyllique dans laquelle nous ne pouvons plus respirer mais simplement étouffer. Non l'unité divine est d'abord et avant tout la rencontre de deux personnes uniques au sein de la divinité : le Père et le Fils. L'unité véritable n'est possible que s'il y a acceptation et reconnaissance de la différence, de l'altérité. Un plus un n'égalera jamais un mais toujours un plus un. C'est parce que deux créatures sont uniques, à ce point différentes, que la rencontre est possible. Mais n'exaltons cependant pas cette différence. Il est vrai que la différence pour être rencontrée, reconnue et surtout pour qu'elle ne fasse pas peur, exige qu'elle se vive au c½ur d'une certaine ressemblance, d'une certaine similitude.

En effet, si nous sommes trop différents les uns les autres, il n'y aura pas entre nous de points d'ancrage qui nous permettra de nous rencontrer. La différence est donc importante mais au c½ur de ressemblances. Ressemblance à laquelle nous sommes conviés, rappelle le premier récit de la Création dans le Livre de la Genèse. Nous sommes sur terre pour acquérir cette ressemblance puisque nous avons déjà reçu l'image divine. Cette acquisition ne passe pas par une recette toute faite, elle est tributaire des nos histoires personnelles mais également de la manière dont nous répondons à l'invitation de la foi. Et cette foi, nous y répondons par nos actes mais également par tous ces temps que nous prenons pour vivre de la vie divine c'est-à-dire par la prière. Prier, c'est parler à Dieu, souvent de soi d'abord : de ce qui nous préoccupe, de ce qui nous encombre. C'est également nous réjouir de la beauté de la vie, de moments merveilleux qui nous sont donnés à vivre. Prier c'est aussi demander comme le Christ le fait tout au long de l'extrait d'évangile que nous avons entendu aujourd'hui. La prière est parole. Mais pour que cette parole soit vraie, la prière est d'abord silence en nous. Un silence tout intérieur, un peu comme si nous éteignions notre lumière intérieure pour entrer au plus profond de ce que nous sommes, là où réside la lueur divine. Silence en soi pour mieux rencontrer l'autre, l'écouter dans son silence à lui. Là nous entrons dans le domaine de l'indicible, de l'inexprimable tant cette émotion est personnelle. Vient alors le temps du monologue où nous posons en Dieu tout ce qui nous préoccupe ou nous réjouit. La prière, ce n'est pas plus compliqué que cela, c'est simplement avoir un désir défait de tout ce que nous sommes pour rencontrer en nous ce Dieu qui est Père, Fils et Esprit. Et c'est vraiment en nous que cela se passe.

Amen.