Fête de la Sainte Trinité

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A, B, C
Année: 2000-2001

Connaissez-vous le nouveau manon du fameux chocolatier belge, fondé il y a déjà plus de cent cinquant ans ? C'est un manon de chocolat noir, fourré à la mousse de chocolat, sur une petite plaque de chocolat blanc. Pour tout vous dire, il est absolument délicieux. Trois types de chocolat pour faire une délicieuse praline. Trois en un. Trois ingrédients pour faire un tout, mais trois ingrédients séparés et malgré tout, trois en un. Contrairement à ce que nous aurions pu imaginer, ce type de raisonnement ne nous aide malheureusement pas beaucoup pour comprendre le mystère de la Trinité. Tout simplement parce que ce mystère, cette révélation défie toutes les mathématiques. Cette équation de trois égale un est impossible à réaliser sauf si ce n'est dans la Trinité. Ce n'est donc pas avec les armes de la raison, de la curiosité mal placée que nous pouvons entrer dans la compréhension de cette fête d'aujourd'hui. En effet, croire en un Dieu trois et un se comprend uniquement dans l'expérience que nous en faisons.

Notre Dieu est à la fois unique et pluriel. En lui, il constitue sa propre famille. Dieu ne peut seulement être un car si Dieu est amour et un, il doit d'abord s'aimer lui-même ; vous imaginez le narcissisme divin dépassant de loin tous les narcissismes dominicains et ce depuis la fondation de notre Ordre. Impossible. Dieu ne peut se nourrir de ce type d'amour. Dieu est amour, à l'image de l'amour que nous pouvons éprouver les uns pour les autres. Avec comme nuance, le fait que l'amour divin n'est pas un feu mais une fournaise qui ne peut être un véritable foyer d'amour que s'il existe un échange entre des personnes. Dieu le Père ne peut se complaire en lui-même. Il a besoin du Fils et de l'Esprit pour vivre l'amour qu'il a en lui. Nous n'arriverons jamais à tout comprendre tant le mystère est grand et pourtant nous devons tenter de dévoiler un coin de ce voile. Comme le disait le philosophe Pascal : « je crois parce que je ne comprends pas ». Je ne comprends pas alors j'essaye de croire ce mystère que nous contemplerons toutes et tous dans la foi au soir de notre vie. En attendant ce jour, nous n'avons que notre petite terre au c½ur de cet univers pour entrer dans ce mystère par l'expérience que nous en faisons.

Certains ont prétendu que le Père s'était révélé dans l'Ancien Testament, le Fils dans l'évangile et l'Esprit Saint dans la vie de l'Eglise. Cette manière de voir ne me paraît pas respecter la Trinité. Elles n'est pas une suite de séquences dans le temps à écarteler. La Révélation de la divinité a été de tout temps et elle a toujours été celle du Père, du Fils et de l'Esprit. Par l'expérience, la Trinité, est un mystère à scruter, à découvrir pour en vivre. Elle n'est pas une dynamique théologique enfermée dans la tour d'ivoire de certains penseurs. Elle se donne à vivre dans notre expérience quotidienne et en fonction de nos états d'âme et de nos moments de vie. Dieu s'offre à nous aujourd'hui encore. Il ne nous écrase pas de sa divinité pour nous montrer à quel point nous sommes petits face à lui. Dieu nous prend tellement au sérieux qu'il s'est fait l'un des nôtres pour nous montrer le chemin d'accès à sa propre divinité. Nous sommes conviés, en suivant l'enseignement de Jésus, de découvrir dans l'amour qu'il est le seul chemin permettant à l'homme et la femme de s'épanouir, de se réaliser. Le chemin de Dieu le Fils est une autoroute du bonheur. Et sur celle-ci, il n'y a jamais d'excès de vitesse puisque tout se vit dans l'amour de l'autre au nom du Tout-Autre. Dieu le Père envoie son Fils, pour donner un visage humain à sa divinité. Il est un Dieu qui a pris le temps de venir en notre monde par amour. C'est dans l'expérience de notre rencontre avec Dieu le Fils que nous comprenons un peu mieux le mystère du Père puisque Jésus ne se suffit jamais à lui-même et ramène toujours tout à son Père. Non content, de son passage historique, Dieu le Père ne veut pas nous laisser orphelin de sa divinité filiale. Il répand alors son Esprit sur notre monde. Ce dernier se découvre et se vit également dans l'expérience de nos vies. L'Esprit de Dieu est toujours à l'½uvre dans notre monde mais il se laisse découvrir dans le silence de la vie, avec les yeux de la foi en accompagnant tous nos gestes de tendresse et de solidarité, en soutenant nos larmes et nos désespoirs. L'Esprit de Dieu, c'est l'expérience divine au quotidien, même si nous avons parfois l'impression qu'absence est un de ses prénoms. C'est ce même Esprit qui par le baptême nous pousse par des petits clins d'½il, tout en douceur, à partir, repartir à la rencontre du Fils. Par son Fils et dans l'Esprit, nous redécouvrons ainsi le visage de Dieu le Père. Il est ce Dieu créateur, plein d'amour, qui se révèle et se dévoile dans tous les actes d'amour que nous posons. Il attend de nous d'être heureux, de poursuivre notre marche incessante vers notre accomplissement. Il est Dieu de finesse qui espère la réalisation de sa création. En fait, Dieu désire tout simplement que nous vivions intensément. De la sorte nous deviendrons trinitaires d'instinct puisque nos actes seront marqués du sceau de sa présence. Dieu, trois et un, un mystère qui se découvre par nos expériences personnelles et qui se rencontre en fonction de nos chemins. Tantôt, il est Père, tantôt il est Fils, tantôt il est Esprit. Mais quoiqu'il en soit, toujours il est Dieu. Amen.

Tous les Saints

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A, B, C
Année: 2000-2001

Lorsque la météo annonce un temps de Toussaint, tout de suite nous imaginons un temps de grisaille, une pluie fine sous un ciel bien gris. Un peu comme si la déprime était au goût du jour. Certains pourraient même aller jusqu'à dire que puisque tout est lugubre et maussade, c'est que c'est vraiment la Toussaint. S'il en est ainsi nous devons reconnaître que la Toussaint est la fête de l'opposition. Opposition à la grisaille, opposition à toute forme de tristesse. En effe,t la Toussaint est une fête qui ne parle que de bonheur, c'est-à-dire la Toussant des Béatitudes. Par neuf fois nous entendons dans l'évangile de ce jour le terme " heureux ". Ce n'est donc pas Toussaint des ambiances de cimetière mais plutôt Toussaint la fête. Notre fête. Alors à toutes et à tous : bonne fête.

Oui, c'est bien notre fête. Par les sacrements, nous sommes devenus Corps du Christ et Temple de l'Esprit. Nous sommes appelés à la sainteté de Dieu. Cela nous paraît peut-être impensable, impossible. Et pourtant telle est notre condition humaine : l'appel à la sainteté. Et le Père, par son propre Fils, nous donne les moyens de réaliser un tel objectif : ces fameuses béatitudes. Le chemin de la sainteté est celui de la réalisation des béatitudes en nous. Si nous essayons de les vivre approchons de ce qui paraît tellement loin de nous. Heureux nous sommes parce que nous avons reçu le plus cadeau qu'il puisse nous être donné : celui de vivre notre vie. Elle peut parfois nous sembler faite d'embûches, de dérapages, c'est vrai. Mais avant tout elle est belle et vaut tellement la peine d'être vécue. Cette vie reçue nous en sommes responsables et c'est la manière dont nous traverserons les événements qui nous permettront de nous rendre compte que nous ne passons pas à côté d'elle, que nous y croquons à pleine dents. Oui, la vie est belle et heureux sommes-nous. Désencombrons nous alors de tout ce qui nous empêche de nous rendre compte d'une telle réalité et retrouvons le sens de nos existences. Pour nous, croyantes et croyants, il passe immanquablement par la foi en Dieu. Un Dieu qui ne nous demande pas de souffrir, de peiner. Un Dieu qui nous demande tout simplement d'être heureux : avec ce que nous sommes.

La sainteté à laquelle nous sommes appelés variera d'une personne à l'autre. En fonction de nos qualités et de nos fragilités nous serons plus à même de commencer à développer une béatitude plutôt qu'une autre. L'essentiel, c'est qu'à la fin du parcours nous ayons comme souci de les vivre toutes. Certains auteurs envisagent les béatitudes comme étant le renversement des dix commandements. Nous ne sommes plus dans l'ordre d'une loi vétéro testamentaire complètement dépassée. Par le Christ, nous entrons dans une ère nouvelle, celle des béatitudes. Une ère qui reconnaît que l'important sur la terre, c'est le bonheur. Et s'il y a plusieurs béatitudes, c'est pour nous rappeler que le bonheur comme tel n'existe pas. Le bonheur se construit chaque jour. Nous seuls pouvons le réaliser. Le bonheur n'existe pas par essence et pourtant nous le vivons. Tout simplement parce que le bonheur est le fruit d'une somme et d'une multiplication. Le bonheur est la somme de tous les petits bonheurs que nous vivons : un sourire, un regard, un geste de tendresse, un acte de solidarité, un refus de juger et de condamner, une parole de compassion voire même de pardon, une oreille attentive, une épaule sur laquelle sécher ses larmes, un souci de paix, un cri face aux injustices. Ces petits bonheurs sont les béatitudes d'aujourd'hui. Celles que nous pouvons vivre quotidiennement. Notre vie en sera complètement transformée. Nous pourrions alors nous contenter d'une telle addition et vivre notre vie. C'est possible mais j'ai l'impression que nous vivrions un fameux manque. Pour nous qui avons reçu le don de la foi, l'addition doit se compléter par une multiplication. En effet, pour qu'il y ait vraiment bonheur, nous devons multiplier la somme des petits bonheurs que nous vivons par le message du Christ Ressuscité. Dieu s'est incarné parmi nous pour que nous ayons la vie et que nous l'ayons en abondance. Vivre sa vie par le prisme de la foi rend la vie plus belle encore car nous lui donnons sens. Dans la foi, nous vivons notre vie en Dieu. Que les béatitudes soient pour chacune et chacun de nous un chemin merveilleux vers la sainteté, notre sainteté ici et maintenant.

12e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Moore Gareth
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 1999-2000

« Pourquoi avoir peur ? »

C'est le soir ; il commence à faire nuit. Les disciples sont sur la mer, dans une petite barque fragile au milieu d'une grande tempête ; la barque a déjà commencé à se remplir d'eau ; elle va bientôt sombrer. Ils sont entourés d'obscurité et du chaos de la mer, ils vont mourir. Et Jésus leur demande pourquoi ils ont peur. Question curieuse. Dans de telles circonstances, qui n'aurait pas peur ? La merveille est le fait que Jésus n'ait pas peur.

En fait, le mot grec qu'utilise S Marc ne signifie pas « avoir peur », mais plutôt « être lâche ». Jésus n'est pas contre la peur. Ce serait inutile ; la peur fait partie de notre vie, il y a beaucoup de situations face auxquelles il est normal d'avoir peur. C'est pourquoi le courage est nécessaire dans la vie humaine ; le courage suppose la peur. Jésus même aura peur dans le jardin de Gethsémani. Mais il vaincra sa peur, il se montrera courageux. Ici, les disciples ne se montrent pas courageux, ils sont saisis de panique.

Mais ce récit n'est finalement pas une leçon sur le courage. L'accent est plutôt sur le miracle, mais surtout sur la réaction des disciples au miracle. S'ils sont dans la crainte avant que Jésus n'apaise la tempête, ils y sont après aussi : « Saisis d'une grande crainte, ils se disaient entre eux : 'Qui est-il donc, pour que même le vent et la mer lui obéissent ?' ». Leur question n'est pas une demande de renseignement. Ils en connaissent déjà la réponse. Dans la mentalité juive la mer représente le chaos, l'incompréhensible ; la mer fait disparaître tout repère, on y est perdu. Sa force destructrice représente la violence et la mort. La mer est l'ennemi du Dieu qui donne l'ordre, la paix et la vie ; elle révèle la fragilité et l'impuissance de l'homme, et seul Dieu peut la maîtriser, et le fait qu'il peut la maîtriser révèle la puissance infinie de Dieu. C'est ce que la première lecture d'aujourd'hui, tirée du livre de Job, nous dit. La scène sur le lac rappelle les premiers versets de la Genèse - l'obscurité, la tempête, l'abîme, le chaos incompréhensible avant que Dieu ne prononce sa parole créatrice. Dans leur barque, les disciples sont au milieu de ce chaos, ils sont perdus, et ils sont menacés par la violence de la mer. Et Jésus prononce sa parole de puissance, sa parole de paix et d'ordre. La question des disciples montre qu'ils sont confrontés, en Jésus, à la puissance de Dieu, et qu'ils le savent. Ils passent d'une crainte à une autre, d'une incompréhensibilité à une autre, du chaos de la tempête où on ne se retrouve pas à la majesté mystérieuse et incompréhensible de Dieu. Le fait que Jésus apaise la tempête est plus qu'impressionnant ; pour les disciples, c'est un moment révélateur.

Il y a des moments révélateurs dans nos vies, des moments où nous voyons un aspect de la vie, du monde, de l'existence, dont nous étions inconscients. Pour prendre un exemple familier : la première fois qu'on tombe amoureux, c'est une révélation ; la personne dont nous tombons amoureux semble changée, elle nous ouvre son mystère. Mais le monde entier aussi peut nous paraître changé. Nous pouvons percevoir une intensité dans les choses, une vie, une profondeur, une richesse auxquelles nous n'avons même pas songé avant. Il y a une double révélation : on voit autrement la personne dont on est tombé amoureux, mais on voit le monde autrement aussi. Il en va de même pour les disciples de Jésus. Maintenant, ils voient Jésus autrement, ils voient en lui la présence divine, d'où leur crainte. Mais désormais ils verront autrement le monde entier aussi. A partir de ce moment le monde sera pour eux un monde sujet à la parole de Jésus, comme à la parole de Dieu. La parole de Jésus est la parole créatrice de Dieu. Même les choses menaçantes, qui font peur, comme les tempêtes, sont plus que le jeu aveugle des forces naturelles ; elles sont soumises à la parole de Jésus, et les disciples se voient entourés de la puissance mystérieuse de Jésus.

Dans ce récit, tout finit bien ; les disciples ne périssent pas, Jésus les sauve. Mais ils vont périr un jour. Pour eux, comme pour nous, tout ne va pas finir bien. Il y a souvent ceux qui, perdus dans une situation périlleuse, dans l'obscurité, dans le chaos, n'en sortent pas, qui crient éperdument vers Jésus, et qui finissent par périr. Marc, semble-t-il a écrit son évangile pour les chrétiens de Rome, qui périssaient sous la persécution de l'empéreur Néron. Ils criaient sans doute vers Dieu, vers Jésus, et ils périssaient quand-même. Le but de ce récit n'est pas de dire aux disciples qu'ils survivront s'ils font appel à Jésus ; ils savaient déjà que ce n'était pas le cas. C'était de leur rappeler que même dans le danger, dans la souffrance incompréhensible, dans la mort, ils n'étaient pas abandonnés. Ils étaient dans un monde animé par la parole de Dieu, de Jésus, et ils étaient entourés par sa puissance mystérieuse. Face à la souffrance, face à la mort, face au chaos, il fallait du courage, et c'est ce moment révélateur sur le lac, qui leur montre la majesté incompréhensible de Jésus, qui leur donne ce courage.

13e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 1999-2000

Perfection, performance, réussite, créativité, voici quelques mots qui résonnent en nous et qui nous chantent la clé du succès d'aujourd'hui. Si nous voulons être heureux, si nous voulons être appréciés, voire même aimés dans cette vie, nous devons être au-dessus de la moyenne, presque être meilleur encore que des ordinateurs quant à la mémoire et à la connaissance. Comme si le monde était réservé à une élite bien choisie où seuls quelques uns trouvent leur place et s'épanouissent. Heureusement, pour nous de tels sur-êtres humains n'existent pas. Et s'ils existaient, il y a fort à penser qu'ils passeraient à côté de l'essentiel de leur vie. Et pourtant, tous les messages de notre société vont dans le sens de la performance, de la réussite sociale avant tout. Une réussite que nous n'emporterons pas avec nous dans notre mort d'ailleurs puisqu'elle est fondée sur les valeurs d'ici-bas qui vont à l'encontre même des valeurs d'en-haut.

Reconnaissons cependant que nous sommes désarmés par rapport à une telle demande de succès. Plusieurs chemins s'offrent à nous. Soit nous essayons en épuisant un ensemble de nos forces de naviguer dans ces eaux troubles, soit nous les refusons et nous choisissons de nous réaliser ailleurs, soit encore, pour garder la tête hors de l'eau nous nous appuyons sur les épaules de celles et ceux qui nous entourent quitte à ce que eux se noient plutôt que nous. Ayant peur de l'avenir, de l'échec toujours possible, des mes propres fragilités, je veux à n'importe quel prix garder la tête haute, avoir une grande estime de l'être que je suis. Et comme je n'y arrive pas par mes propres moyens, limité par l'expérience de la vie et ma propre personne, je me mets à écraser celles et ceux que je rencontre. Cela me fait du bien de les diminuer, j'ai alors l'impression d'être supérieur, de mieux m'en sortir. Comme si mon idéal de vie était : « je te diminue à mes yeux et aux tiens pour que je puisse grandir ». Mais écraser l'autre pour sa propre réussite, est un leurre. En effet, cette attitude petit à petit tue toutes les relations nous entourant. Les proches se mettent à nous fuir parce que nos propos deviennent désagréables, parfois grossiers ou méchants. « En te dénigrant, j'existe » voilà bien une maxime qui nous conduit à la mort sociale, familiale. Et au bout d'un tel chemin, nous sommes confrontés à la solitude, notre solitude. S'il est vrai que nous aimons être seuls lorsque nous sommes entourés et que nous aimons être entourés lorsque nous nous sentons seuls, il existe cependant des solitudes très lourdes à porter surtout lorsqu'elles sont le résultat de son propre comportement, souvent inconscient hélas. Et pourtant, ce type de comportement existe bel et bien dans notre société et nous en sommes responsables. D'autant plus que nous allons irrémédiablement vers l'échec. Il est faux de croire qu'en dénigrant l'autre, j'existe parce que, tout simplement, c'est par l'autre que j'existe. Par le respect que j'éprouve à son égard, son regard donne de la valeur à mes yeux. Et au fil des mois et des années, l'image que j'ai de moi est belle. Elle est loin d'être parfaite parce que j'ai acquis la conviction que la perfection n'est pas de ce monde, mais elle est belle. Je puise alors dans cette beauté intérieure pour vivre, exister, rencontrer.

Je sais alors au fond de moi que seul, je ne peux pas vraiment exister. L'autre est essentiel à mon épanouissement, à ma réalisation. Mais cela demande une sacrée dose d'humilité : oser reconnaître que j'ai besoin des autres, que je ne suis pas suffisamment fort pour réussir, que je ne suis pas aussi parfait et performant que je ne le souhaiterais. J'arrête ainsi de croire que je suis celui que je voudrais être, je reviens sur mon propre globe pour retrouver et aimer celui que je suis, là où j'en suis. Ce n'est peut-être pas aussi brillant mais je peux m'habiter pleinement parce que je suis moi et non plus le rêve dans lequel je m'étais enfermé. Cette conversion intérieure, me paraît essentielle dans notre société en cette fin de millénaire, parce qu'elle nous conduit au chemin de la rencontre avec le divin. C'est parce qu'une femme, un homme ont eu l'humilité de croire que seuls, ils ne pouvaient rien qu'ils se sont tournés vers le Christ. Ils ont alors fait confiance. Ils ont fait la découverte de l'humilité humaine et de la grandeur de la foi. Puisions-nous découvrir chacune et chacun que le dénigrement de l'autre nous tue à petit feu et que nous marchions sur le sentier de l'humilité, celui qui donne à l'autre et au tout Autre, sa véritable dimension. Alors, confiance et amour chanteront dans nos vies à l'unisson.

Amen

15e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 1999-2000

Souvent, peut-être même trop souvent, certaines personnes justifient leur incroyance en attaquant l'Eglise. Nous avons alors droit à la litanie des « comment pouvez-vous encore croire avec les prises de positions de l'Eglise ? », « je ne vais plus à la messe quand je vois qui fréquente l'Eglise ». Quand je reçois ce type de remarque, j'invite toujours les personnes à préciser leurs pensées. Est-ce vraiment à cause des gens ou bien ne vivez-vous pas plutôt un moment de remise en question par rapport à votre foi. Ou encore, quand vous critiquez l'Eglise, est-ce l'Eglise ou certaines parties de l'Eglise ? Est-ce le Vatican ? Ce dernier fait évidemment partie de l'Eglise mais il n'est pas l'Eglise en tant que telle parce que tout simplement l'Eglise est d'abord et avant tout, l'Eglise du peuple de Dieu. Cette Eglise, fondée par le Christ, ne se limite pas à ses structures, elle est formée de l'ensemble des croyantes et croyants qui croient au mystère et se reconnaissant dans la divinité du Fils de Dieu.

Au cours des siècles de notre histoire chrétienne, il me semble que quelques dérapages vont se vivre. L'institution va de plus en plus professionnaliser certaines tâches, certaines fonctions. Pour prendre la parole publiquement, expliciter les Ecritures, il faut quelques années de formation, avoir pris le temps d'étudier et d'entrer dans la lumière du mystère. Mais il y a un certain danger à s'isoler dans ce type d'appréhension de notre vie chrétienne. Laisser la parole aux professionnels, c'est quelque part s'autoriser à entrer dans une démarche de passivité. C'est s'en remettre à d'autre comme si la prédication n'était réservée qu'à quelques élus. Erreur. Grave erreur.

Méditons le texte d'évangile de ce jour. Le Christ ne s'est pas tourné vers de grands scientifiques, des théologiens réputés de l'université de Jérusalem ou d'ailleurs. Non ses disciples, ses apôtres sont des gens tout simples. Ils ne comprennent pas tout du mystère de l'homme-Dieu qu'ils ont pourtant décider de suivre. Pierre croit comprendre se trompe et le niera, Jacques et Jean veulent la meilleure place, Judas trahira et tous l'abandonneront. Et pourtant ce sont de tels hommes que Jésus envoie sur les chemins pour proclamer la bonne nouvelle. Ils n'étaient vraisemblablement pas des érudits du savoir intellectuel, mais ils avaient la connaissance du savoir de la vie, celui qui s'apprend au jour le jour. Par cet évangile, Jésus nous rappelle que toutes et tous nous sommes invités prêcher. La prédication de la foi n'est pas réservée à quelques spécialistes. Même si nous le refusons, nous prêchons que nous le voulions ou non. Lorsque le Christ envoie les premiers apôtres, il se préoccupe d'abord et avant tout de leur style de vie. C'est vrai, nous enseignons, nos mots sont véritablement les nôtres par la manière dont nous nous comportons. C'est pour cette raison précise que je puis affirmer que tout le monde prêche. Si nous sommes avares, médisants, peu scrupuleux, fainéants et si nous sommes connus comme chrétiens, nous prêchons. Nous prêchons c'est vrai, mais nous prêchons contre la religion, contre Dieu. La prédication n'est pas seulement une affaire de paroles mais également d'attitudes. Si notre comportement va à l'encontre de notre foi, des commandements des évangiles, nous sommes des menteurs vis-à-vis des autres mais également vis-à-vis de nous-mêmes. Notre prédication devient alors un contre-témoignage et par notre attitude, nous faisons reculer la bonne nouvelle du Royaume. Par contre, si nous montrons un visage heureux, si nous sommes épanouis, attentifs, compatissants, respectueux, nous prêchons également. Et cette prédication est notre devoir. Une lumière dans un regard, un geste de tendresse, disent souvent beaucoup plus que des mots.

De la sorte la prédication n'est pas un temps de la journée, voire même de la semaine, notre prédication se doit d'être à l'oeuvre à toute heure du jour. Il y va de la crédibilité du message évangélique. C'est notre tâche ; mieux encore, c'est notre responsabilité. Chacune et chacun d'entre nous sommes parcelle de l'Eglise de Dieu. Jésus nous a envoyé par notre baptême sur les chemins de la vie. Que nos paroles, nos gestes, nos attitudes soient alors en harmonie avec cette foi qui nous habite. Amen.

18e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Moore Gareth
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 1999-2000

Le dimanche passé, Jésus a multiplié les pains pour rassasier la foule qui l'entourait. Aujourd'hui commence le long discours de Jésus où il explique la signification de ce qu'il vient de faire. Derrière son discours, et derrière les questions des juifs, il y a l'histoire de la manne que nous avons entendue dans la première lecture.

Israël est dans le désert, dans une terre stérile, sans eau et sans nourriture, et Dieu donne au peuple à manger. C'est un miracle, mais c'est aussi une métaphore. De même que nous avons besoin de bien manger pour bien vivre, pour bien fonctionner au niveau physique, nous avons besoin de quelque chose pour bien vivre au niveau plus personnel. Comme on le disait autrefois, si on a besoin d'une nourriture physique, on a besoin aussi d'une nourriture spirituelle.

Cette métaphore semble quasi naturelle. On peut dire plus ou moins la même chose en parlant de la faim. Il y a en Afrique du Sud aussi un grand désert aride. Il y a un peuple qui habite ce désert. Ces gens ont du mal à vivre ; la nourriture n'est pas facile à trouver. Pour eux, la faim est un élément central et quotidien de la vie. Ils ont un vocabulaire intéressant : ils parlent de la grande faim et de la petite faim. La petite faim est la faim, l'absence de nourriture, tandis que la grande faim, la faim la plus importante, est ce qu'on pourrait appeler une faim spirituelle, l'absence de Dieu.

Ce n'est pas difficule à comprendre. La faim, l'absence de nourriture, c'est l'estomac vide, et c'est la fatigue, la faiblesse et la douleur qu'il entraine. Quand on a faim on doit manger, il n'y a pas de repos, pas de paix, avant qu'on ne se remplisse la bouche. Mais, après un certain temps, on s'y habitue, on ne sent plus le manque de nourriture, on s'engourdit. C'est comme si on avait mangé, comme si on n'avait plus hesoin de nourriture, sauf que la faiblesse et la fatigue restent. Il peut sembler que la faim est vaincue, parce que cela ne fait plus mal. Mais c'est parce qu'on n'est plus assez vivant pour souffrir, la machine du corps a déjà commencé à s'arrêter, la vie commence à s'éteindre. On cesse de chercher la nourriture. Il peut y avoir une sorte de confort dans cette condition, parce qu'on ne sent plus rien, mais en fait, c'est le triomphe de la faim ; on n'est pas loin de la mort.

La grande faim, la faim de Dieu, est semblable ; il s'agit d'un vide, d'une lassitude, d'une faiblesse. Mais ce n'est pas la faim de la nourriture. Le vide n'est pas dans l'estomac, mais dans la vie. La vie semble dépourvue de sens, elle ne nous nourrit pas. On est lassé par les tâches multiples de chaque jour, qui semblent de plus en plus lourdes et embêtantes. Le monde devient gris et plat, et l'existence devient pénible. Il est possible de s'habituer à ce vide de sorte qu'on ne le remarque plus. Alors le vide semble la condition humaine naturelle, et on ne remarque pas qu'il manque quelque chose, on ne cherche plus. On comprend la vie et le monde comme si ses besoins sprituels n'existaient pas, comme si Dieu n'existait pas. Il y a une sorte de bonheur dans cette condition, mais c'est le bonheur de l'oubli, c'est le triomphe du vide.

Il y a donc une grande ressemblance entre ces deux faims, c'est pourquoi il est naturel d'employer le mot « faim » en parlant des choses spirituelles. Mais il y a aussi une différence importante, et c'est une différence qu'indique Jésus. Quand on a l'estomac vide, on peut, si les circonstances le permettent, travailler pour se rassasier. On peut aller à la chasse des bêtes sauvages, on peut cultiver des plantes. Par son travail, on peut se nourrir. En fait, les premières pages de la Bible font le lien entre manger et travailler : Dieu dit à Adam « Le sol sera maudit à cause de toi. C'est dans la peine que tu t'en nourriras tous les jours de ta vie... A la sueur de ton visage tu mangeras du pain ». Par contre, le vrai pain dont parle Jésus ne sort pas du sol, il tombe du ciel. On ne doit pas travailler pour le produire, et on ne peut pas. C'est gratuit, et cela a l'aspect d'un don ; Dieu le donne. Si on veut être rassasié, il faut d'abord s'ouvrir à recevoir le gratuit. Quand les juifs demandent à Jésus « Que faut-il faire pour travailler aux oeuvres de Dieu ? », lui répond « L'oeuvre de Dieu, c'est que vous croyiez en celui qu'il a envoyé ». Mais croire en Jésus n'est pas travailler, c'est cesser de travailler, cesser de s'occuper de ce qu'il faut faire, pour s'ouvrir, pour se permettre de recevoir le don de Dieu. La première lecture dit la même chose : les cailles descendent sur camp après le coucher du soleil, après la fin de la journée, quand on ne travaille plus. Et la manne est déjà là le lendemain quand les gens se lèvent. Dieu donne dans la nuit, et la nuit est le temps de repos, où on ne travaille pas.

Dans un monde qui prône la valeur du travail et du non-gratuit, de ce qu'on achète, il n'est pas toujours facile d'être simplement passif, ouvert à recevoir le gratuit, d'accepter le fait que notre nourriture ne vient pas de nous-mêmes, mais c'est ce qu'il faut. Il faut accepter le gratuit, et en reconnaître la gratuité en disant merci. C'est pourquoi nous nous sommes réunis aujourd'hui, pour recevoir à cette table le pain que Jésus nous donne, et pour en rendre grâce.

1er dimanche de Carême, année B

Auteur: Moore Gareth
Temps liturgique: Temps du Carême
Année liturgique : B
Année: 1999-2000

Convertissez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle.

Nous avons souvent entendu cet appel de Jésus. Toutes les semaines, mais surtout en carême, l'église nous invite à nous convertir, à ne plus pécher, à vivre dans la vertu et pas dans le péché. Parfois, nous écoutons cet appel et nous faisons un petit effort. Mais, pour la plupart, cela ne dure pas très longtemps. Nous retombons dans nos anciens péchés. Un des problèmes est que nous ne sommes pas, en général, de grands pécheurs. Nos péchés ne sont pas impressionnants, spectaculaires. Nous ne sommes pas des meurtriers habituels. Nos péchés sont quotidiens et médiocres. Ici, un petit manque de patience ; là, un petit manque de générosité. Si nous étions de grand pécheurs, nous pourrions faire un effort spectaculaire de conversion. Nous pourrions, avec beaucoup de force et d'énergie, rejeter le meurtre, décider d'éviter toute occasion de tuer. Mais nos péchés sont tellement petits, ils sont souvent là avant que nous ne les remarquions. Un geste presque automatique d'impatience, une phrase un peu dure, une phrase irréflechie, et nous voilà encore une fois dans le péché. Impossible d'être parfait. Et finalement, est-ce que c'est vraiment important de nous débarrasser de nos petits défauts ? On dit que le péché est une horreur, et il est vrai que le meurtre, le viol et l'oppression sont horribles ; mais nos péchés ne sont pas comme ça. Le langage de Jésus et de l'église semble un peu exaggéré et dramatique quand il s'agit de nos faiblesses quotidiennes.

C'est vrai. Il ne faut pas trop dramatiser quand on parle du péché ou des péchés de la plupart des gens. En plus, ces petits travers peuvent même être amusants, intéressants et satisfaisants. Même si nos péchés nous embêtent de temps en temps, ils peuvent nous attirer aussi.

Mais, il n'est pas tout à fait exact de dire la conversion, la pénitence, est un rejet du péché. Quand nous nous convertissons - si nous nous convertissons - nous ne nous détournons pas du péché. Nous nous tournons plutôt vers Dieu. Si la conversion est un concept important pour Jésus, ce n'est pas parce que le péché lui semble tellement laid ou horrible. N'oublions pas qu'il est très content d'être avec les pécheurs. L'importance de la conversion vient de la beauté de Dieu. Même si le péché n'était pas très intéressant, ce ne serait pas la peine de s'en détourner. Pour que nous regardions ailleurs, il faut quelque chose de plus attrayant, un meilleur bien, qui attire nos yeux, notre attention. Pour Jésus, c'est Dieu qui est plus attrayant, le plus attrayant. C'est lui qui attire, c'est lui qui satisfait nos désirs les plus importants et les plus profonds. Quand il parle de la conversion, c'est toujours la conversion vers Dieu. Il ne condamne pas le péché, il ne condamne pas les pécheurs, il leur offre quelque chose de meilleur, de plus attrayant, de plus satisfaisant. C'est pourquoi il dit : Croyez à la bonne nouvelle du royaume de Dieu. C'est seulement parce qu'il y a une bonne nouvelle, quelque chose de meilleur, qu'il vaut la peine de se convertir.

Le but de la conversion n'est pas un rejet. Un simple rejet nous laisse avec rien. Le but est plutôt de voir la beauté, l'attrayant, de Dieu. Et c'est important, parce que c'est Dieu qui est notre destin, pas le péché. Nous ne sommes pas faits pour le péché. Nous sommes faits pour Dieu. Tournons-nous vers lui.

20e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Moore Gareth
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 1999-2000

Jn 6, 51-58

"A tout moment et pour toutes choses, rendez grace à Dieu le Père, au nom de notre Seigneur Jésus Christ."

Voilà ce que St Paul (ou son disciple) dit aux chrétiens d'Éphèse. Mais pourquoi ? Pourquoi rendre grâce tout le temps et pour toutes choses ? De quoi dois-je rendre grâce à Dieu ? On rend grâce à quelqu'un pour un don, pour ce qui est donné, pour ce qui est gratuit. Mais il y a beaucoup de choses dans la vie qui ne sont pas données, qui ne sont pas gratuites. Si j'achète une bouteille de vin au GB, je n'en rends pas grâce au GB ; c'est un simple échange économique. Si je travaille pour gagner mon salaire, mon salaire est le juste récompense de mon travail, il m'est dû. Si je gagne un million de francs au Lotto, c'est par hasard ; c'est gratuit, mais ce n'est le don de personne, il n'y a personne à remercier. Si je contemple la beauté de la nature, j'en suis heureux, mais rien ne m'est donné, et tout ce que je vois est simplement le résultat d'un jeu de forces naturelles ; pourquoi en rendre grâce, et à qui ?

Bien sûr, je peux aussi recevoir un don, mais alors c'est un être humain qui me le donne : un ami, un époux, un parent, et c'est l' ami, l'époux, le parent que j'en remercie. Je remercie l'être humain, pas Dieu.

Dans tout cela, Dieu est absent. En plus, tout ne va pas toujours bien ; il y a des moments très difficiles dans la vie, des moments de danger, de faim, de solitude, de maladie. A de tels moments, pourquoi rendre grâce ?

Il est, semble-t-il, toujours inutile et déplacé de rendre grâce à Dieu. Mais St Paul me dit de lui rendre grâce à tout moment et pour toutes choses, de lui rendre grâce pour le vin que j'achète, pour le salaire que je gagne, pour le hasard, pour la beauté de la nature, pour le cadeau qu'un ami me donne, quand tout va bien et quand tout va mal. Comment est-ce possible ?

Quand je reçois un cadeau, je ne reçois pas que le cadeau. Si un ami me donne un CD, le CD est aussi un instrument ; à travers le CD, c'est l'ami qui se donne à moi ; par le biais du CD, une relation personnelle est créée, recréée ou renforcée. Le CD est révélateur ; si je ne vois que le CD, il y a quelque chose de plus important qui m'échappe. Pour bien voir un cadeau, il faut toujours vois plus que le cadeau, il faut y voir une personne.

Pour St Paul, il en va de même pour le monde entier, pour la vie entière. Bien sûr, il est possible de dire que tout est dû, que tout est naturel, que tout est hasard, et il y a beaucoup de gens qui le disent. Mais ceux-là voient mal le monde et leur vie. Oui, tout est nature dans le monde, et tout est hasard, mais tout est aussi et en même temps révélateur, tout est sacrement. Bien voir le monde, bien voir la vie, c'est reconnaître que dans le monde nous avons à voir avec quelque chose, avec quelqu'un qui dépasse le monde, c'est y voir ce mystère que nous appelons Dieu et qui se donne à nous. Dans le monde, tout est nature, tout est hasard, mais rien n'est que nature, rien n'est que hasard ; tout est aussi grâce, pour laquelle nous rendons grâce.

C'est pourquoi les chrétiens chantent des psaumes, des hymnes, des louanges, c'est pourquoi ils rendent grâce, comme nous le faisons aujourd'hui dans cette eucharistie, où un morceau de pain deviendra pour nous un sacrement, révélateur de Dieu.

20e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 1999-2000

Je ne sais pas pour vous mais moi, un rien me profite. Il suffit que je mange même un petit peu et cela me profite. Et comble des combles, plus cela me profite, plus j'aime en manger. Chocolat, douceurs, féculents, j'adore. Au grand dam, de mon médecin généraliste d'ailleurs qui n'a que faire de mes excuses. Ca me profite. Et tout est si bon surtout lorsque l'on est gourmet. Même une simple tranche de bon pain. Alors vouloir me faire prêcher sur « venez manger mon pain et boire le vin que j'ai apprêté » tel que proposé dans la première lecture de ce jour, je trouve cela du sadisme pur et simple. Je pourrais presque écrire un livre, un best seller comme celui de Montignac : « je prêche, donc je maigris ». Prêcher, sur le pain, le pain de vie.

Permettez-moi avec vous de reprendre la métaphore du pain, de ce féculent qui nous fait grossir et de la transposer dans le discours du pain de vie de Jésus. Si le pain me profite, le pain de vie devrait en faire tout autant. Si le pain est agréable à manger, me fait du bien, il devrait en être de même avec le Christ, pain de vie par excellence.

Mais en est-il vraiment ainsi dans nos vies ? Est-ce que nous nous nourrissons réellement de ce pain de vie ? Donne-t-il un autre goût à la vie ? Sommes-nous parfois, souvent ou jamais rassasiés de ce fameux pain qu'est le Christ ? Il ne s'agit pas ici comme tel de l'eucharistie, mais de la rencontre intime du Fils de Dieu comme nourriture de vie. Lorsque j'ai faim, je vais vers l'armoire à provision, c'est vrai, mais est-ce que je fais de même lorsque j'ai faim de vie, de sens, de quête de bonheur, de désir d'être heureux ? Est-ce qu'à ce moment précis, je me tourne vers l'armoire intérieure du Fils de Dieu, est-ce que j'ouvre le placard des Saintes Ecritures pour trouver cette nourriture céleste dont j'ai tant besoin ? Pas toujours, il est vrai. Alors pour me rassurer, je deviens un peu comme les juifs de l'évangile, je me mets à discréditer le Fils : non pas en me disant, « comment cet homme-là peut-il nous donner sa chair à manger » mais plutôt en retraduisant cela en termes contemporains : « je suis trop pris par la vie, pour prendre un peu de temps pour Dieu ; de toute façon, il ne pourra pas faire grand chose pour moi, mes affaires sont tellement compliquées que moi-même je ne m'y retrouve pas ». Et la litanie monotone des plaintes peut s'écrire sur des pages entières. Alors pour passer au-dessus des frustrations de ce monde, je me mets à manger et comme tout me profite...

Le pain fait grossir, c'est vrai et j'en sais quelque chose. Par contre la pain de vie fait grandir. Voilà toute la différence. Avec l'un, il s'agit d'expansion vers l'avant et les côtés, avec l'autre, il s'agit de maturation, de mûrissement, de réalisation, voire même de divinisation. Le Christ, Fils de Dieu, nous invite à sa table et se fait nourriture pour nous. Il est l'entrée, le plat consistant et le dessert de nos vies. Ses paroles ne sont pas à boire d'un coup sec. Nous risquerions de trop vite en oublier le goût. Non le message du Père, par l'entremise du Fils, se laisse d'abord regarder, admirer, puis nous prenons le temps de le goûter, de le mâcher et enfin de l'avaler. Les paroles du Fils nous nourrissent de l'intérieur. Le pain de vie est une nourriture céleste non pas qui nous profite mais dont nous devrions profiter tellement il est un don merveilleux du Ciel. Fort de ce constat, nous pouvons alors affirmer à celles et ceux que nous croisons, que Jésus, pour nous, est bon comme le pain. C'est-à-dire que lorsque nous prenons le temps de le rencontrer au coeur de la course folle de la vie, nous découvrons, redécouvrons que chaque rencontre, chaque instant passé en sa présence, au coeur de notre intimité est enrichissant, mieux encore nourrissant. Le pain de vie se mange à volonté, nous ne sommes jamais rassasiés et nous pouvons toujours en recevoir plus. Ce pain de vie donne le goût à la vie. Il est un chemin que nous empruntons. Mais pas n'importe quel chemin, le pain de vie est la route qui nous conduit à l'éternité, c'est-à-dire au lieu même où se noue l'humain et le divin.

Alors, encore un peu de pain ? Oui, mais seulement du pain de vie, le pain de Jésus Christ. Amen.

21e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 1999-2000

L'audimat, voilà une expression bien contemporaine. L'audimat est la frayeur de tous les présentateurs et animateurs de radio et de télévision. Vous pouvez être excellent dans votre profession mais si l'audimat ne suit pas, vous passez à la trappe. Le danger, c'est qu'en ne faisant plus que des programmations basées sur l'audimat, la qualité des émissions est de plus en plus médiocre. Comme si le « nivellement par le bas » était devenu la règle. J'en arrive presqu'à lier audimat et médiocrité. Et pourtant l'audimat est malgré tout quelque chose de naturel. Toutes et tous, lorsque nous faisons quelque chose, nous aimons savoir comment cela a été reçu par les autres, nous aimons être apprécié. Peut-être parce que parfois nous confondons le fait d'être apprécié avec être aimé. En tout cas, à la lecture de l'évangile, s'il y en a bien un qui n'en à rien à faire de l'audimat. C'est Jésus.

Jésus ne semble absolument pas préoccupé du nombre d'adhérents ou de spectateurs. La qualité de son enseignement, en tout cas à ses propres yeux, ne se juge pas à la foule de ses disciples. Les suiveurs, prêts à tout abandonner à la moindre contrariété ne semblent pas l'intéresser comme si le Christ attendait autre chose de ses disciples. En fait, ce qu'il attend de nous, même deux mille ans plus tard, c'est que nous croyons. Croire, c'est-à-dire faire confiance à ce qui peut sembler impensable, inimaginable. Croire sans jamais avoir la prétention de tout comprendre, de tout saisir. Croire pour refuser de s'enfermer dans le champ de la connaissance certaine. Croire pour reconnaître qu'il est le Fils de Dieu, ayant les paroles de la vie éternelle, le Saint, le Saint de Dieu. Et cette foi, nous dit Jésus, elle ne vient pas de nous. Elle nous a été donnée par le Père. Voilà encore un mystère. Cela voudrait-il dire que nous naissons toutes et tous avec un niveau de foi différent ou encore que le don de la foi varie d'une personne à l'autre. Dès lors, si je crois, je n'ai pas de mérite puisque Dieu l'a voulu ainsi. Si cette affirmation est correcte, il en va de même pour son opposé. Si je ne crois pas, c'est que Dieu ne m'a pas donné la foi. En tout cas, pas pour le moment.

Une telle dynamique nous permet de nous déculpabiliser lorsque nos proches ne partagent pas nos convictions de foi puisqu'ils n'ont sans doute pas reçu le même don de croire en Dieu que celui que nous avons eu. Cette théorie, tient la route. François Varone, théologien suisse ira même jusqu'à écrire un livre sur ce sujet : Inouïes les voies de la miséricorde. D'après lui, la foi est bien un don et nous le recevons tous à un moment donné dans cette vie-ci ou dans l'au-delà mais toutes et tous nous la recevrons un jour. Ce qui est important, c'est de prendre conscience que ce don ne nous est pas imposé. Nous avons la liberté soit de le refuser, soit d'entrer dans ce mystère mais à notre rythme. La foi est donc bien un don. Un don merveilleux puisqu'il nous montre le chemin de l'éternité, de la rencontre avec la divin en nous et autour de nous. Face à ce don magnifique, le Christ nous invite aujourd'hui à décider de ce que nous en faisons. Il attend de nous une réponse. A nous d'accepter ou de refuser ce don. Un peu comme si Jésus, nous demandait à nous aussi, dans l'intime de notre coeur : « voulez-vous partir, vous aussi ? ». C'est-à-dire voulez-vous mettre vos pas dans les miens et avancer en toute confiance, en toute espérance sur le chemin de la vie ou bien préférez-vous prendre une autre route où je vous laisserai tranquille ? Ce matin (soir), nous nous retrouvons face à nous-mêmes, devant Dieu, avec comme première tâche : un choix à faire. Et pour qu'il y ait choix, il faut qu'il y ait au moins une alternative. C'est ce que le Christ nous propose : croire ou ne pas croire. Ici, il n'est plus question de sentiments, d'audimat mais bien de conviction personnelle malgré des doutes pouvant surgir à tout moment. Ce choix nous conduit au coeur de notre liberté parce que la foi n'est pas quelque chose qui s'emprisonne ou qui nous emprisonne. Nous répondons à la foi, en toute liberté pour vivre pleinement de cette liberté en vérité. Croire, c'est d'abord choisir.

As-tu, Seigneur, les paroles de la vie éternelle ? Croyons-nous que tu es le Saint, le Saint de Dieu ? Nous ne pouvons répondre à la place des autres. Ces questions sont éminemment personnelles. A chacune et chacun de choisir et d'assumer les conséquences de ses choix. Amen.

22e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Delavie Bruno
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 1999-2000

Mc 7, 1-23

En ce temps-là, les hommes avaient bien cru qu'ils avaient réussi à faire Dieu prisonnier. Ils l'avaient enfermé dans le Temple. Ils avaient rangé Dieu comme on range un bijou dans sa boite.

Dieu était donc prisonnier derrière les grands murs. Les prêtres le gardaient et sauf eux, personne n'avait le droit de rentrer dans la cellule de Dieu. Les gens venaient au Temple pour passer leur commande à Dieu. Dieu était comme un père Noël dans un grand magasin.

"Seigneur, donne-moi le beau temps pour mon blé...

"Seigneur, fais que mes affaires marchent bien...

"Seigneur, fais réussir les examens à ma fille...

Et pour payer Dieu, il fallait acheter des moutons, des taureaux, des agneaux, des colombes, des pigeons...

Dans les villages, on pouvait aussi passer ses commandes à Dieu, en s'adressant aux hommes lettrés, aux malins ou aux scribes.

"Seigneur, donne-moi beaucoup d'agent...

"Seigneur, guéris-moi et donne-moi la santé...

Mais pour obtenir satisfaction, il fallait imiter les savants et les sages et respecter les traditions dictées par les plus religieux : lavage des mains, des coupes, des cruches et des plats.

Ce jour-là, Jésus en a assez de tous ces marchands de prières et de tous ces voleurs de Dieu. Aussi, proclame-t-il la critique que faisait autrefois le prophète Isaïe : "Ce peuple m'honore des lèvres, mais son coeur est loin de moi".

Jésus a toujours combattu cette séparation faite entre les soi-disant purs et les impurs : entre ces prêtres, ces scribes, ces pharisiens qui prétendent être proches de Dieu parce qu'ils connaissent ses lois jusque dans le moindre détails et tous les autres ignorants les conditions pour s'approcher de Lui. Jésus s'est opposé à la séparation que tous faisaient entre ceux qui se croyaient jutes et les pécheurs, les collecteurs d'impôts, les malades, le petit peuple et les païens. Depuis Jésus, Dieu n'est plus prisonnier. Il n'est plus la propriété de quelques orgueilleux qui se croient justes. Il n'habite plus le Temple, à la disposition de ses seuls gardiens, les prêtres. Sa vraie maison, c'est le coeur de l'homme.

La communauté des chrétiens n'a jamais oublié ces combats que Jésus a menés, au nom de l'amour que Dieu porte à tous les hommes sans exception, au nom de l'amour préférentiel que son Père a en faveur des exclus de la société. Ainsi, quand dans la communauté Matthéenne, la question s'est posée de savoir si l'on pouvait annoncer l'évangile aux païens, si l'on pouvait manger à la même table et partager l'eucharistie avec des incirconsis et des non-juifs convertis, la réponse a été oui. Cela demeure vrai pour l'église aujourd'hui. Nul ne peut être exclu de la Bonne Nouvelle, ni à cause de la couleur de sa peau, ni à cause de sa race, de son manque de culture, de sa pauvreté, ni de sa misère spirituelle. Personne ne peut être écarté de l'Eucharistie parce qu'il en serait soi-disant indigne : Dieu seul peut juger ce qui se passe à l'intérieur des conscience.

Aujourd'hui, nous ne pouvons dire de personne : il n'y a rien à attendre de lui ! Il n'en vaut pas la peine ! Tout est perdu d'avance !

 

23e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Moore Gareth
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 1999-2000

Is 35, 4-7 ; Mc 7, 31-37

L'ancien testament est plein de choses horribles. Il y a beaucoup d'histoires violentes, où les gens s'imposent de manière brutales aux autres, ou se vengent sur leurs ennemis de manière atroce, inhumaine et trop humaine. Par exemple, une femme est violée et tuée gratuitement, et par vengeance toute une tribu est massacrée (Juges 19). Il y a des prières violentes ; il y a un psaume où le psalmiste prie Dieu de ne pas oublier la violence de Babylone et qui se termine : « Fille de Babylone, promise au ravage, heureux qui te traitera comme tu nous as traités ! Heureux qui saisira tes nourrissons pour les broyer sur le roc ! (Ps 137)

Même Dieu semble être pris dans cette inhumanité. Puisque l'homme est violent, Dieu l'est aussi. Dans l'histoire primitive de l'homme, Dieu voit que le coeur de l'homme est plein de violence ; sa réponse n'est pas de lui offrir le pardon ou de le mener vers la justice, mais de l'exterminer dans les eaux de déluge. Plus tard, c'est Dieu qui ordonne à son peuple élu de prendre possession de la terre promise en massacrant tous les habitants du pays.

Dieu n'est pas vraiment comme cela, mais c'était une époque violente, et l'homme a construit l'image de Dieu sur base de sa propre nature ; puisque l'homme était inhumain, Dieu devait l'être aussi, plein d'égoïsme, de violence, de rancune. L'homme était et reste incapable de construire de ses propres ressources l'image de Dieu tel qu'il est. Si nous avons une bonne image de Dieu, c'est parce que Dieu s'est révélé à nous en Jésus Christ.

Mais il y a quand même des moments, même dans l'ancien testament, où la vraie nature de Dieu nous est révélée, tels que la première lecture d'aujourd'hui, le texte d'Isaïe. « Dites aux gens qui s'affolent : Prenez courage, ne craignez pas. Voici votre Dieu, c'est la vengeance qui vient, la revanche de Dieu. ». C'est toujours, semble-t-il, le vieux Dieu compris à l'image de l'homme. Mais quelle est cette vengeance de Dieu dont parle le prophète ? « Alors s'ouvriront les yeux des aveugles et les oreilles des sourds. Alors le boiteux bondira comme un cerf, et la bouche de muet criera de joie. » La vengeance divine n'est pas la vengeance comme la comprennent les hommes. La vengeance de Dieu est paradoxale, elle n'est pas la violence et la mort, mais la guérison et la joie. Si on peut parler de la vengeance divine, ce n'est pas contre les hommes que Dieu se venge, mais contre tout ce qui est contraire à la vraie vie humaine.

Dans les évangiles, c'est Jésus, la vraie image de Dieu, qui accomplit cette vengeance de Dieu. Partout, comme dans l'extrait d'aujourd'hui, il se bat pour enlever aux hommes tout ce qui les empêche de vivre humainement, il se bat contre la maladie, contre les démons qui assujettissent les hommes et les réduisent en esclavage, contre le péché qui détruit et rend malheureux les hommes. C'est là, la vraie vengeance divine, paradoxale et merveilleuse.

Quand nous lisons et écoutons l'ancien testament, nous trouvons souvent une image déformée de Dieu, une image faite par des hommes trop enfermés dans la violence, une image trop peu chrétienne, une image trop loin de Jésus Christ. Mais cette image n'est pas simplement à jeter à la poubelle. Elle est précieuse, parce qu'elle sera transformée par Jésus ; en Jésus nous verrons la vraie nature de Dieu ; ce n'est plus un dieu fait à l'image de l'homme. En Jésus aussi nous serons transformés ;.la vengeance de Dieu nous guérira, enlèvera de notre coeur la violence et la vengeance, pour que nous soyons vraiment faits à l'image de Dieu.