7e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 1999-2000

Mc 2, 1-12

Imaginez-vous un instant vous trouvant dans la salle de consultation de votre médecin traitant. Vous ne vous sentez pas bien depuis plusieurs jours et vous décidez finalement d'aller le voir. Vous lui expliquez ce que vous ressentez et plutôt que de vous ausculter, de prendre votre dossier, il vous dit tout simplement : « mon enfant, tes péchés sont pardonnés ». Moi en tout cas, à votre place, je réagirais sans doute comme les scribes de l'évangile et me poserait la même question : « pourquoi cet homme parle-t-il ainsi ? Il blasphème » et j'ajouterais également : « c'est quoi ton problème, pour qui te prends-tu ? Je suis venu chez toi pour que tu t'occupes de mon corps pas de mon âme. Ca ce n'est pas ton problème, mêles-toi de ce qui te regardes ».

En cette fin de vingtième siècle, je crois ma réaction assez normale : en quoi mes péchés sont-ils la cause de ma souffrance physique ? Nous avons dissocié les deux. Cependant, il n'en allait pas de même du temps du Christ. En effet, pour les juifs de cette époque, péchés et souffrances ne font qu'un. Si vous souffrez, c'est parce que vous êtes pécheur. Et d'ailleurs, plus vous souffrez, plus votre souffrance doit être grande. Une telle conception de la souffrance déculpabilise évidemment très fortement l'entourage. Si tu as mal, tu n'as qu'à t'en prendre à toi-même puisque ta souffrance est le prix de ton péché. Et si ton handicap est de naissance, tu payes simplement pour le péché de tes parents. Rappelons-nous l'histoire de l'aveugle-né. Heureusement pour nous ce type de théologie, de discours sur la souffrance n'est plus de mise. La souffrance est un mal qu'il faut combattre à tout prix. Rien ne peut justifier la douleur physique. Cette dernière se doit d'être éradiquée par tous les moyens disponibles. Et pourtant, je crois pouvoir affirmer que nous sommes allés trop loin dans la séparation du corps et de l'esprit. Ils ne sont pas aussi dissociés et Descartes, grand philosophe qui a marqué notre culture, s'est sans doute trompé à ce sujet. L'âme et le corps forment le tout que nous sommes. Il fallait donc que Jésus guérisse l'âme, la prison intérieur du paralysé pour que ce dernier puisse se remettre à marcher sur le chemin de sa propre route.

Pour ce faire, et c'est ce qui est sans doute assez surprenant dans notre évangile de ce jour, c'est que Jésus ne fait pas de grands sermons. Il ne prêche pas la foi sous la forme d'un sermon comme je le fais pour le moment, il la voit. C'est par un regard, un simple regard que le Christ annonce la Parole. Pas de mots, peu de mots, juste un regard. Un regard qui permet de percevoir ce qui est de l'ordre de l'invisible, de l'indicible. Un regard qui va au-delà des mots pour comprendre et apprécier un geste. En effet, Jésus voit quatre hommes qui vont jusqu'à percer le toit d'une maison pour lui présenter un des leurs. Pas un mot dans ce récit, simplement une conviction de foi : l'homme-Dieu qui annonce la Parole peut guérir un paralysé et le mettre debout d'abord vis-à-vis de lui-même puis des autres. Et l'homme alors s'en va, prend son brancard et sort devant tout le monde. De cet homme, nous ne savons rien si ce n'est qu'il était paralysé. Nous ne connaissons même pas son nom. Peu importe d'ailleurs ou peut-être tant mieux. Parce que cet homme, ce paralysé, c'est sans doute chacune et chacun d'entre nous. Nos paralysies sont elles aussi nombreuses et nous empêchent d'avancer sur le chemin de nos destinées. Nous en avons hérité certaines, d'autres nous les avons acquises tout au long de notre vie. Petit à petit, elles nous encombrent jusqu'à ce que nous fassions du surplace. Seul nous ne pouvons plus nous en sortir. A l'image du paralysé de l'évangile, tournons-nous alors vers celles et ceux qui nous entourent et demandons-leur en toute humilité de nous porter, de nous accompagner sur cette route nous conduisant au Christ. Il s'agit d'une question de foi. Jésus est là pour nous permettre de nous débarrasser de tout ce qui nous empêche de devenir nous-mêmes, c'est cela aussi le péché.

Si nous le voulons, si nous crevons notre toit intérieur, le Fils de Dieu s'adressera également à nous par ses mots : « mon enfant, tes péchés sont pardonnés. Lève-toi ». Amen.

8e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 1999-2000

Le Déli-Choc. Le Déli-choc, anciennement appelé le Bi-choc est un biscuit recouvert d'une plaquette de chocolat. Une étude, des plus scientifiques puisqu'elle a été réalisée par moi (par l'équipe qui a préparé cette célébration) a montré qu'il y avait une certaine façon de manger un Déli-choc. Ce dernier ne se croque pas, on mange d'abord le chocolat qui dépasse. Pour ce qui est du choco-prince, biscuit fourré cette fois au chocolat, certains vont d'abord manger la partie supérieure du biscuit, racler le chocolat et terminer par la partie inférieure. Le petit beurre quant à lui se mange pour beaucoup en commençant par les quatre coins. Et enfin pour ce qui est de la barre de chocolat Côte d'Or, il y a deux traditions qui se côtoient : il y a celles et ceux qui commencent par la petite image de l'éléphant et puis il y a les autres qui terminent par cette dernière.

Pourquoi vous parler de ces diverses traditions alimentaires intimes, êtes-vous sans doute entrain de vous demander ? Simplement pour nous rappeler, à l'instar des lectures de ce jour, qu'il y a un ensemble de choses que nous faisons dans la vie par habitude, sans réfléchir. Certaines sont sensées, d'autres pas. Prenons l'exemple suivant : quand je suis arrêté devant un passage à niveaux, et qu'un train de marchandises passe, je ne peux m'empêcher de commencer à compter le nombre de wagons. J'ai beau me dire que c'est absurde, j'ai beau me battre contre moi-même en essayant de me convaincre que je ne dois plus faire cela, je tiens à peu près jusqu'à la moitié du train et je me remets à compter. Pourquoi ai-je besoin de faire cela ? Je n'en sais rien. Pour passer le temps ? Peut-être. En souvenir de mon enfance où notre maman nous invitait à compter les wagons pour que les quatre enfants restent calme à l'arrière de la voiture. Possible. Toujours est-il que je le fais encore aujourd'hui. Et je suis à peu près certain que si j'interrogeais chacune et chacun d'entre vous ce matin (ce soir), vous avoueriez sans doute aussi un ensemble de petits faits et gestes que vous commettez alors qu'ils n'ont en eux-mêmes aucune signification. Vous ne me croyez pas ? Combien d'étudiants ou étudiantes ne mettent-ils pas les mêmes vêtements lorsqu'ils ont réussi un examen, font le même trajet. J'en passe et des meilleures. Il y a à la fois la force de l'habitude, il y a aussi sans doute un zeste de superstition.

Ce que le Christ nous invite ce matin (soir), c'est tout simplement de nous arrêter et de réfléchir un instant à tout ce que nous faisons même parfois de manière inconsciente. Nos vies sont parsemés d'actes insensés, qui ne trouveront jamais une justification raisonnable. Et cela importe peu. L'important c'est de s'arrêter pour décider de continuer à manger mon déli-choc de la même manière. Je choisis de le faire. En posant un acte de choix, j'intègre l'insensé dans ma vie, je lui donne sens et je peux alors sourire de certains de mes comportements. Puis il y a tous les autres actes, ceux qui par essence ont un sens mais nous l'avons perdu ou oublié. Ces actes sont importants et constitutifs de notre être et essentiels à notre épanouissement. Seulement nous les accomplissons sans réfléchir. Ils se font eux aussi par habitude, par tradition ou pire encore parce qu'on nous a dit de le faire. Un peu comme ces pharisiens de l'évangile. Ils jeûnent. Ils jeûnent par habitude, par tradition. Ils jeûnent à en devenir légalistes. La loi importe plus que le sens. Une loi inscrite sur un bout de parchemin, dans un livre et non pas une loi inscrite dans le coeur. Or le Fils de Dieu s'est incarné pour venir accomplir la loi, non l'abolir ce qui signifie inscrire la loi à jamais dans le coeur de l'humanité de chaque personne. Jésus nous convie à trouver, à retrouver le sens des actes que nous posons. Ne faisons rien par habitude mais plutôt par plaisir ou encore parce que cela nous fait grandir, avancer sur le chemin de nos vies. Le jeûne est effectivement quelque chose de merveilleux que nous avons un peu perdu dans notre culture mais le jeûne n'a de sens que s'il nous ramène constamment à l'essentiel, à l'existentiel.

Alors que ce soit un déli-choc, un petit beurre, un choco-prince ou encore une barre de chocolat Côte d'Or, la prochaine fois que vous en croquer un, mangez-le de manière théologique : votre geste est peut-être insensé, reconnaissez-le, choisissez de le vivre et vous lui donnerez sens. Et si nous pouvons donner sens à ces multiples gestes quotidiens, alors nous pourrons également retrouver le sens des gestes, des actes qui nous conduisent vers le sens de la vie éternelle, c'est-à-dire le bonheur sans fin. Amen.

9e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 1999-2000

Amour de la règle ou règle de l'Amour. Voilà bien un dilemme auquel nous sommes toutes et tous confrontés quotidiennement. Nos vies sont parsemées d'un ensemble de lois dites ou non-dites d'ailleurs. Ces lois sont édictées par des hommes et des femmes en vue du bien de notre société et donc de tout un chacun. Elles nous protègent contre toute attaque, elles nous permettent de vivre ensemble et de nous respecter, elles sont des balises nécessaires pour canaliser nos égoïsmes respectifs, elles facilitent la rencontre humaine. Mais parfois aussi ces fameuses lois nous dérangent, elles n'ont plus de raison d'être, elles nous semblent dépassées voire même injustes. Quelles qu'elles soient, ce dont nous pouvons être assurés, même si n'aimons pas nous l'avouer, c'est que nos lois servent d'abord les valeurs de la classe dirigeante. Beaucoup d'entre nous seront vraissemblablement assez satisfaits, de voir en prison le petit voleur qui a cassé la vitre de notre voiture pour prendre l'auto-radio et s'indigneront sans doute moins de savoir ce qu'il advient de celui qui a détourné ne fut-ce que quelques millions dans une entreprise ou une banque. Dans ce dernier cas, il est vrai, notre sacro-sainte propriété privée n'aura pas été touchée. Malgré ce triste constat, les lois restent cependant nécessaires. Et ce n'est pas le juriste que je suis qui vais vous prétendre le contraire.

Pourtant, pourtant Jésus nous invite ce matin (soir) à prendre un peu de temps sur le sens des lois et à poser un nouveau regard sur elles. Pour ce faire, il repart de cette notion du sabbat : le sabbat a été fait pour l'homme et non l'homme pour le sabbat. Qu'est-ce à dire ? La clé de compréhension d'une telle affirmation se trouve dans notre première lecture tirée du Deutéronome. Dans ce texte, nous pouvons lire : « tu te souviendras que tu as été esclave au pays d'Egypte, et que le Seigneur ton Dieu t'en a fait sortir par la force de sa main et la vigueur de son bras. C'est pourquoi le Seigneur ton Dieu t'a commandé de célébrer le jour du sabbat ». Le sabbat est donc d'abord et avant tout le souvenir d'une libération. Ce jour devient de la sorte pour chacune et chacun d'entre nous, signe de le fête de la liberté. La loi selon le Christ ne peut donc pas être une loi qui enferme l'être humain mais plutôt une loi qui libère. Et Jésus nous convie donc à réfléchir sur toutes ces lois que nous nous imposons à nous-mêmes ou aux autres. Ces lois sont-elles là pour me rendre plus libre, pour libérer celles et ceux qui comptent pour moi ou bien sont-elles un moyen que j'utilise pour écraser l'autre de mon autorité c'est-à-dire mon autoritarisme, ou encore une manière de gérer mes propres frustrations, mes propres blessures. Ce que j'impose n'est donc jamais neutre. Il doit y avoir une raison. Parce qu'une loi sans raison perd sa raison d'être. Pour Jésus, c'est parce que les pharisiens se sont enfermés dans un code de lois stériles qu'ils en arrivent à passer leur temps à surveiller l'autre, à vérifier si les préceptes du texte sont bien respectés. Mais ces lois, vécues de la sorte, sont des lois stériles qui vont à l'encontre même de leur essence puisque ces êtres légalistes ne sont même plus capables de voir le bien, le merveilleux qui peut sortir d'une désobéissance ô combien justifiée en vue d'un bien meilleur. Leur dureté de coeur s'exprime et se résume dans leur amour de la règle.

Mais voilà que le Christ nous demande d'inverser cette dynamique : passons de l'amour de la règle à la règle de l'amour. Ce qui prime dans une vie ne doit jamais être la loi. Cette dernière n'est qu'un texte, une lettre morte si elle ne conduit pas à la vertu par excellence. La conduite de nos vies ne peut et ne doit jamais être guidée par l'amour de la règle. L'évangile, la vie de Jésus se résume dans la règle de l'amour. D'ailleurs si la règle de l'amour était le fondement de nos vies, il n'y aurait plus besoin de lois puisque l'amour serait partout. C'est sans doute une vue un peu trop idéaliste.

En tout cas ce qui est certain, c'est que ce matin (soir), nous sommes invités à choisir entre deux alternatives : amour de la règle ou règle de l'amour. L'un conduit à la mort, l'autre à la vie. A nous d'en décider. Amen.

Dimanche de Pâques

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : A, B, C
Année: 1999-2000

Etonnante cette attitude de Jean. Entendant une si bonne nouvelle, nous aurions pu nous attendre à un comportement un peu plus normal c'est-à-dire à ce que la curiosité le pousse au moins à entrer dans cette fameuse tombe pour comprendre ce qui s'y est vraiment passé. Non, lui il s'arrête. Il s'arrête prétendront certains au cours des siècles parce que Jean était un garçon bien éduqué et qu'il se devait de laisser passer la personne la plus âgée devant lui. Un exemple de courtoisie et j'en viens à espérer que les frères aînés de la communauté dominicaine de Froidmont ne se mettent pas à rêver que je fasse la même chose. De toute façon à l'impossible nul n'est tenu.

Jean se serait arrêté par simple politesse. C'est une des interprétations que la tradition chrétienne a retenu. L'autre se réfère à l'idée que Jean se devait de s'arrêter dans sa course effrénée pour entrer dans le mystère de Pâques. Un peu comme à l'image du monde dans lequel nous vivons : un monde où tout va si vite, voire même parfois trop vite. Dans un tel monde, nous aussi nous devons reprendre notre propre souffle pour retrouver une sérénité intérieure qui nous permet à nous aussi de saisir un peu du mystère de Pâques. Mais Jean s'est peut-être arrêté pour une troisième raison, complémentaire des deux autres d'ailleurs. Il s'est arrêté comme s'il avait été empêché d'aller plus loin, comme s'il avait atteint certaines frontières, certaines limites. Une limite à ne pas dépasser. En tout cas pas tout de suite. En effet Pâques, et nous l'avons trop souvent oublié, nous ramène à la limite de notre propre mort. Car c'est d'elle aussi qu'il s'agit. La mort, un instant, un passage de la vie à la vie éternelle. Et cette mort, comme Pâques, reste pour nous profondément mystérieuse. Elle est vécue sereinement par certains, elle est une peur pour d'autres. Elle est en tout cas, comme nous le disons en droit, un événement futur et certain par lequel nous passerons toutes et tous. La mort est bien la limite ultime de notre vie terrestre. Mais grâce à elle, nous sommes invités à vivre pleinement notre vie, à accepter les limites qui la fondent et pourquoi pas à nous en réjouir. Pâques devient de la sorte la fête du retour à ce qui donne sens puisqu'elle nous ramène à notre propre mort, celle qui nous convie à vivre intensément chaque jour qui nous est donné. Et cette intensité se laissera découvrir dans la manière dont nous intégrons dans nos vies ce que saint Paul appelle les réalités d'en haut. Ces dernières portent le nom d'amitié, d'amour, de tendresse, de douceur, de tolérance, de respect, c'est-à-dire les réalités que nous prendrons avec nous lors du grand voyage. Ce sont ces valeurs qui donnent de la lumière, lumière de Pâques à nos vies.

Laissez-moi vous conter l'histoire suivante. Un roi avait trois fils. Sentant sa mort venir, il voulait qu'un des trois hérite de son royaume. Il ne souhaitait pas le diviser. Il proposa alors le marché suivant. Le royaume sera à celui qui sera capable de remplir complètement la grotte se trouvant au fond du jardin. Pour ce faire, je donne à chacun une pièce d'or, dit le roi. Le premier fils qui était grand et fort décida d'acheter du bois et le coupa. Mais hélas, il ne remplit qu'une moitié de la grotte. Le deuxième, plus fainéant, acheta des plumes mais il ne remplit que la grotte au trois-quarts. Quant au troisième, il n'avait pas beaucoup d'idées. Il avait cependant un grand coeur. En chemin vers le magasin, avec sa pièce d'or il acheta de la nourriture pour une famille qui avait faim, il paya un nouveau toit pour le logement d'une autre et fit mille et une autres choses. Arrivé au magasin, il ne lui resta qu'une toute petite piécette avec laquelle il acheta une bougie. Il revint vers la grotte, alluma la bougie et la lumière de la flamme emplit toute la pièce. C'est lui, grâce à l'élan de son coeur, qui hérita du royaume.

Mon histoire n'est qu'un conte mais nous aussi aujourd'hui nous sommes devant une grotte, celle où Dieu le Fils a été déposé et est ressuscité. Telle est notre foi et nous vivons pleinement de la lumière du mystère de sa résurrection. Cette lumière est une invitation à vivre intensément et à fonder nos vies sur des valeurs éternelles sans jamais oublier qu'une simple petite flamme peut éclairer l'entièreté de notre vie intérieure. Que la lumière de Pâques soit alors aussi la lumière qui emplit nos vies. Amen.

Epiphanie

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps de Noël
Année liturgique : A, B, C
Année: 1999-2000

Et si c'était nous, tout simplement nous. Si nous nous étions mis à suivre une étoile plus lumineuse que toutes les autres. Si nous nous étions mis en marche à la quête de cette étoile, avec cette certitude intérieure qu'elle est venue se poser au-dessus de celui tant attendu. Si c'était nous, qu'aurions-nous pris avec nous pour un tel voyage ? Qu'aurions-nous apporter comme cadeaux à celui que nous pressentions comme l'enfant Dieu ? Voici une question parmi d'autres en cette fête de l'Epiphanie.

Le récit des mages n'a plus de secret pour personne. Au début de l'ère chrétienne, ils étaient douze, puis peu à peu ils sont devenus trois puisqu'ils n'y avaient que trois cadeaux. Ils ont été rois puis savants. L'un était vieux, l'autre d'âge moyen et le troisième beaucoup plus jeune, pour nous rappeler que toutes les générations sont présentes à la crèche. Ils sont venus d'Afrique, d'Orient et d'Occident pour rappeler que le monde entier est invité à suivre l'Enfant-Dieu. Enfin, l'or, la myrrhe et l'encens. Quelques versets et encore plus de symboles. Il y a 20 ans, ils ont fait la joie de la chanteuse Sheila et aujourd'hui encore et toujours, ils font le bonheur des enfants lors du partage de la galette des rois chez nous, ou encore en leur apportant des cadeaux comme en Espagne. La boucle est ainsi bouclée et nous revenons à notre question, mais quel cadeau pourrions-nous bien lui offrir ?

Un cadeau diront certains, c'est quelque chose qui doit faire plaisir à la personne qui le reçoit et ce peu importe ce que nous ressentons vis-à-vis de l'objet que nous offrons. L'important est d'offrir quelque chose qui rende l'autre heureux de recevoir. Non, affirmeront d'autres, un cadeau doit également dire quelque chose du donateur. Ce dernier ne peut pas être en contradiction avec son cadeau. De plus prétendront encore d'autres, un cadeau doit coûter. Un coût qui ne s'évalue pas spécialement en argent mais plutôt en temps. Un cadeau coûte, c'est-à-dire qu'il n'est pas pris sur notre superflu, sur notre surplus. Sa valeur augmente donc par le fait qu'il nous a obligé à faire des choix, à prendre du temps. Un cadeau est donc bien plus qu'un geste symbolique, voire même mécanique. Il dit quelque chose de la relation existante entre le donateur et celui qui l'a reçu. Il y dit toute la tendresse, le respect, la gratitude de l'offrant et c'est sans doute une raison et non des moindres qui fait que souvent nous préférons donner que recevoir. Un cadeau ne se réduit donc pas à un instant. Nous y avons réfléchi, nous avons fait des recherches, l'idée de l'offrir nous a rendu heureux et puis nous nous sommes aussi mis à imaginer la manière dont il allait être reçu. C'est pourquoi, je crois, les plus beaux cadeaux sont ceux qui n'ont aucune raison : ni anniversaire, ni Noël. Je t'offre ceci tout simplement parce que j'ai pensé à toi et je t'aime. Le don dit alors l'ampleur, la beauté et la profondeur de la relation. Et nous en arrivons presqu'à regretter de ne pas pouvoir donner aussi souvent. C'est vrai les cadeaux sont une manière que nous avons trouvé pour exprimer nos sentiments. Ils habillent notre pudeur à oser dire ce qui vit au plus profond de nous. Si un cadeau représente vraiment tout cela, nous pouvons comprendre que nous sommes parfois pris d'un vertige lorsque nous en recevons un.

Et voilà qu'aujourd'hui, nous sommes conviés à mettre nos pas dans les traces laissées par les mages de l'évangile. Dieu s'est fait enfant pour que nous venions nous aussi nous émerveiller devant un tel mystère qui dépasse tout entendement. Dieu se manifeste à nous d'une manière toute particulière et c'est dans cet enfant que nous Le reconnaissons. Jésus est l'enfant Dieu, c'est ce que nous croyons. Par sa venue, pour reprendre l'expression de saint Pierre Chrysologue, nous découvrons : « le ciel sur la terre, la terre dans le ciel ; l'homme en Dieu et Dieu dans l'homme ». Tant de merveilles contenues dans l'Enfant Dieu. Et ce matin (soir), nous sommes invités à refaire le voyage des mages. A la différence que le nôtre est tout intérieur. A nous de découvrir, redécouvrir cette étoile mystérieuse qui brille au plus profond de notre être, de nous mettre à la suivre pour retrouver le lieu de Dieu.

Et face à l'enfant Dieu sommeillant en nous, nous déposons chacune et chacun le cadeau que nous lui avons préparé : un peu de nous, tout de nous. Je ne puis répondre à votre place car ce cadeau-là est éminemment personnel.

Amen.

Epiphanie

Auteur: Moore Gareth
Temps liturgique: Temps de Noël
Année liturgique : A, B, C
Année: 1999-2000

Quand Jésus naît à Bethléem, il y a des bergers dans la même région. Ce sont des juifs, et la naissance du Christ leur est annoncée par des anges. Par le biais de ces anges, Dieu parle à son peuple comme il a parlé par Moïse et par les prophètes. Les mages ne sont pas juifs, ils appartiennent au monde dit païen. Ils habitent un pays lointain. Pour eux, il n'y pas d'ange qui leur annonce la présence de Dieu dans le monde. Ils n'ont qu'une étoile muette. Ils voient quand même l'étoile de Jésus, l'étoile du roi des juifs. Ils vont d'abord à Jérusalem annoncer l'apparition de l'étoile, puis ils la suivent jusqu'à ce qu'elle s'arrête au-dessus du lieu où se trouve l'enfant.

L'histoire est connue, mais elle n'est pas simple. Elle soulève quelques questions : Comment se fait-il que seuls les mages voient cette étoile ? Pourquoi les chefs des prêtres juifs et les scribes ne la voient-ils pas, eux aussi ? Peut-être qu'ils voient l'étoile mais pas ce qu'elle signifie. Une fois que les juifs comprennent sa signification, pourquoi n'accompagnent-ils pas les mages, pourquoi ne suivent-ils pas l'étoile, eux aussi, pour vénérer eux aussi leur roi ? Pourquoi Hérode ne les accompagne-t-il pas avec ses soldats pour assassiner l'enfant tout de suite ?

En lisant ce récit, on a l'impression que cette étoile est une étoile paradoxale. Elle apparaît dans le ciel, accessible à tout le monde, mais elle reste aussi cachée, de sorte que seuls ces quelques étrangers peuvent la voir, l'interpréter, la suivre. Bien qu'au ciel, loin au-dessus de la terre, elle peut indiquer aux mages qui la suivent le lieu précis où se trouve le petit enfant. Le phénomène publique qu'est l'étoile est en même temps, semble-t-il, un événement privé, un signe destiné uniquement aux mages. Bien que tout le monde puisse voir l'étoile, seuls les mages la comprennent. C'est uniquement aux mages que l'étoile révèle la présence du roi divin dans le monde, seulement aux mages qu'elle indique le lieu de sa présence. Dans un sens important, c'est leur étoile, l'étoile qui leur est destinée, qui s'adresse à eux. C'est une étoile muette, comme toutes les étoiles, mais elle leur parle. Plutôt, Dieu se révèle à eux par le biais de cette étoile comme il ne se révèle pas aux autres, ni juifs de Jérusalem ni aux milliers d'autres qui ont dû voir cette même étoile.

La fête de l'Épiphanie est censée être la célébration du moment où Dieu s'est révélé au monde non-juif. Dans ce récit évangélique, mystérieux et difficile à comprendre, il y a, me semble-t-il, une image de cette révélation. Nous vivons dans un monde publique, accessible, un monde plein de choses et d'événements que tout le monde peut voir, toucher, entendre. C'est un monde qui est plein de bruits mais qui, pour beaucoup, ne parle pas, qui reste muet. Si nous croyons que Dieu peut toujours se révéler dans ce monde, nous ne nous attendons pas à ce que des anges descendent du ciel annoncer la présence divine. Plutôt, il y a pour chacun de nous une étoile, quelque chose qui peut nous révéler la lumière de Dieu, un événement qui peut nous parler. Dieu peut s'annoncer à chacun de nous, à travers n'importe quoi - un sourire, une maladie, un bonheur, un malheur, même une étoile - même si, pour les autres, la chose ou l'événement reste muet.

A nous de garder nos yeux ouverts, d'être prêts à voir notre étoile, de la comprendre, de la suivre, jusqu'à ce que elle nous révèle le Dieu qui est né à Bethléem.

Le Corps et le Sang du Seigneur

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A, B, C
Année: 1999-2000

Mc 14, 12-26

Il y a quelques années, lorsque l'équipe pastorale avait souhaité distribuer les bulletins paroissiaux à la sortie de la messe plutôt qu'à l'entrée comme nous le faisons d'habitude à Saint-Etienne, une personne avait fortement manifester son regret quant à cette décision en arguant du fait que le meilleur moment pour lire les informations était justement lorsque le prêtre est occupé à l'autel à « faire ses affaires » pour reprendre ses mots. C'est par cette remarque que j'ai alors pris conscience que pour beaucoup d'entre nous l'important lors d'une messe était les lectures, les chants, l'homélie et la communion. Par contre, la prière eucharistique n'était qu'un moment obligé par lequel il fallait bien passé. Une jeune définissait d'ailleurs cette prière comme étant le « moment où tu baratines sur les hosties ».

Le coeur même de l'eucharistie semble donc souvent être le meilleur moment pour décrocher. Nous entrons dans nos pensées. Si toutefois, nous sommes moins attentifs à ce qui se vit, nous réfléchissons et prions plus. Des jeunes parleront durant les lectures et même lors de nos homélies, ils ne savent pas ce qu'ils ratent, et pourtant se taisent au moment de cette prière eucharistique. Pourquoi ? Ne pourrions-nous pas alors nous contenter d'une simple prière après les intentions suivie du Notre Père et de la distribution de la communion provenant du tabernacle. Beaucoup n'y sont cependant pas favorables, comme s'il leur manquait quelque chose. Tout aurait été trop vite, nous n'aurions pas pu entrer dans le sens de cette communion qui va être donnée.

Tournons-nous alors à nouveau vers l'évangile. Ce dernier pourrait sans doute nous aider. Une des clefs de compréhension se trouve dans la phrase suivante : « Allez à la ville ; vous y rencontrerez un homme portant une cruche d'eau ». Un homme portant une cruche d'eau. Petit détail du récit et pourtant essentiel. Un homme portant une cruche d'eau, à l'époque de Jésus, est de l'ordre de l'impensable, voire même de l'impossible. L'homme existe, la cruche existe, mais les deux ensemble, c'est de la science-fiction. L'histoire de l'homme et la cruche au temps de Jésus, serait un peu comme si aujourd'hui on voyait le pape Jean-Paul II descendre d'un avion avec un aspirateur et voilà que le Saint-Père, plutôt que de saluer les autorités venues l'accueillir, se met à aspirer le tapis rouge sur lequel il va s'agenouiller pour embrasser le sol. Le pape existe, l'aspirateur existe mais le pape passant à l'aspirateur nous paraît impossible, impensable et même inconvenant. Tout comme l'homme portant une cruche d'eau. Et pourtant c'est ce que le Christ invite à faire et le texte d'évangile insiste en plus sur le fait que « tout se passa comme Jésus le leur avait dit ». C'était impensable, impossible et pourtant cela s'est passé comme cela. Les disciples ont fait confiance. Et c'est ce que nous sommes invités à faire également avec l'eucharistie. Cette dernière est également une question de confiance, une question de foi. Par définition, par essence, l'eucharistie nous dépasse complètement. C'est vrai, comment pouvoir expliquer rationnellement, scientifiquement que ce pain et ce vin, par l'Esprit Saint, deviennent corps et sang du Christ. Par un simple geste, une simple prière, ils se transforment et changent de substance alors que ce que nous voyons sur l'autel n'a pas bougé, n'a pas changé d'un iota. Nous sommes en plein dans l'ordre du mystère, de l'incompréhensible, de l'inexplicable. En fait, nous sommes bien dans le champ de la foi et de la confiance. Malgré cela, le Christ nous demande de célébrer et il nous dit que « ceci est mon corps », « ceci est mon sang ». Il nous demande d'y croire comme il avait demandé à ses disciples de suivre l'homme portant une cruche. La prière eucharistique peut alors être vécue comme étant une invitation nous conduisant à entrer dans un mystère qui nous dépasse complètement. Elle est un cheminement nécessaire pour donner sens à ce moment de partage qui va suivre et qui nous permet en communauté de devenir membre d'un même corps. Cela aussi est inexplicable.

Que tout se passe alors, pour nous également, comme Jésus nous l'a dit et préparons dans la foi et la confiance ce repas qui nous nourrit intérieurement.

Amen.

Mercredi des Cendres

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps du Carême
Année liturgique : A, B, C
Année: 1999-2000

Et si Dieu venait ce soir nous susurrer dans l'oreille : « au fait, j'ai une mauvaise nouvelle pour toi, il te reste juste quarante jours à vivre sur cette terre. Dans quarante jours exactement, tu viendras vers moi pour l'éternité ». Malgré le fait que nous nous définissions comme chrétiens et chrétiennes, je ne suis pas du tout sûr que ce genre de nouvelle nous fera bondir de joie. Et si c'était tout simplement cela le carême.

Il y a quelques années, j'ai eu le privilège de vivre quelques jours, au sud du Rwanda, dans un camp composé de réfugiés en provenance du Burundi. Ces 5 jours m'ont marqué à jamais. Dans ce camp, il y avait une section où plus ou moins 500 jeunes de 15 à 20 ans se trouvaient. Ils avaient tout perdu, famille, amis, maison. De ce qu'ils avaient auparavant, ils ne restaient plus qu'eux-mêmes, mais vivant. Ils souhaitaient eux aussi vivre leur entrée en Carême, c'était un mercredi des Cendres. Il fallait prêcher, mais tout ce qu'on m'avait toujours dit sur ce qu'était le carême, ne fonctionnait pas là-bas. Il faut jeûner pour partager. Mais c'est ce qu'ils font déjà tous les jours vu la précarité de leur situation. Je découvrais que cette conception-là du carême était bien occidentale, c'est-à-dire était possible à vivre quand tout allait bien. C'était donc une vision trop restrictive. Le carême signifiait donc autre chose.

Et si c'était tout simplement le fait d'oser nous rappeler que nous sommes toutes et tous des êtres mortels, qu'il y a une limite au bout de notre vie terrestre, une échéance par laquelle nous passerons. La vie nous a été donnée. Notre vie s'inscrit dans un temps, nous le croyons immortel mais ce temps donné est court, bien trop court. Il n'y a pas de temps à perdre pour vivre, mais vivre intensément. Le Christ, ce soir, nous fait le cadeau de 40 jours pour redécouvrir ce qui est essentiel, pour nous désencombrer de ce qui nous alourdit, de ce qui nous empêche de devenir ce à quoi nous sommes appelés, c'est-à-dire nous-mêmes. 40 jours pour retrouver le sens de vivre notre vie, pour nous recentrer sur notre condition mortelle : « souviens-toi que tu es poussière et que tu retourneras en poussière ». Au-delà du caractère tragique de ces mots, les cendres que nous recevrons dans un instant sont là pour nous rappeler que sous nos cendres, il y a des braises qui ne demandent qu'à être attisées pour devenir à nouveau feu pour soi, feu pour l'autre. Mais cela n'est possible que si nous prenons véritablement conscience que nous ne sommes pas Dieu et donc bien des êtres mortels désireux de réaliser leur vie.

Le cadeau de Dieu : 40 jours. 40 petits jours pour revenir à ce qui fait notre essence. Et ne voulant pas nous laisser désemparés face à un tel chemin, le Christ nous propose des moyens : le jeûne, l'aumône et la prière. Ils sont des moyens et non des fins puisque la finalité de ces 40 jours, c'est la conversion : conversion des coeurs, conversion de vie. A chacune et chacun, dans le secret de son être à trouver les moyens qui lui permettront d'atteindre une telle fin ; si le Christ nous en propose trois, il y en a encore bien d'autres, à nous de les découvrir et de choisir. 40 jours, c'est peu ; une vie aussi c'est peu. N'attendons pas demain pour nous convertir. La conversion, c'est ici et maintenant. Alors et alors seulement, nous vivrons pleinement. Si le carême, c'est vraiment cela, c'est joyeusement que je vous le souhaite extraordinaire. Amen.

10e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 1998-1999

Il y a quinze jours, dans cette Eglise, un frère dominicain dont je tairai le nom qui commence par un L et se termine par orenzo, se demandait si j'avais en moi l'Esprit Saint. Je lui renvoie l'ascenseur ce soir en cette fête du Corps et du Sang du Christ. Est-il quant à lui, et sommes-nous par la même occasion, le pain vivant dont nous parle l'Evangile ? Si à sa question, toutes et tous vous avez pu, je l'espère, répondre par l'affirmative dans la seconde qui a suivi ; à ma question, par contre, il nous faudra effectivement un petit peu plus de temps.

Et pour répondre à une telle question je voudrais faire un petit détour en vous racontant une histoire vraie, l'histoire de Jessica, petite fille aveugle qui il y a quelques mois a participé à un spectacle donné ici à Rixensart. Durant les répétitions, tout le monde s'occupait de Jessica. On la guidait, on était toujours près d'elle. Elle ne voyait pas, il fallait donc l'aider. Elle était celle qui avait le plus besoin des autres. Et on se sent tellement fort quand on voit. Puis vint le soir du spectacle, les enfant devaient rester en silence dans les coulisses. Et dans les coulisses, il faisait noir, très noir. Et souvent, quand on est un enfant, on a peur du noir. Plus encore, quand on ne peut pas faire de bruit. Jessica, elle, elle n'avait pas peur du noir puisque sa vie était une longue nuit. Ce soir-là, dans les coulisses, elle prit un livre écrit en braille et elle se mit à le lire doucement aux autres enfants. Elle n'avait pas besoin de lumière. Et voilà que soudainement, celle qui était la plus faible, devient par l'absence de lumière, la plus forte. Les autres enfants étaient émerveillés. Ils n'avaient plus peur du noir, Jessica leur racontait une histoire. Quel lien me direz-vous entre la fête de ce jour et cette histoire, si ce n'est le fait que j'avais envie de vous la raconter ? Il est tout simple.

L'enfant fragilisé par la vie, aux yeux des autres, est devenu source de force pour chacune et chacun. Le Christ s'est lui aussi fragilisé au point d'en mourir. Dieu a trébuché sur le bois de la Croix. Dieu ne s'est pas révélé dans la gloire mais dans une vulnérabilité qui dépasse toute compréhension. Jésus, en mourant sur la croix, en ressuscitant et en montant au Ciel savait que nous ne pourrions nous en sortir tout seul. Il nous a alors envoyé l'Esprit mais ce dernier n'est pas toujours aisé à déceler, à rencontrer. Il faut une disposition spéciale du coeur. C'est pourquoi, Jésus nous offrit sa chair et son sang. C'est ce que nous célébrons, nous nous rappelons chaque dimanche. Au cours de nos eucharisties, nous attachons beaucoup d'importance à la qualité du sermon. Nous estimons, à raison, que celui-ci doit nous nourrir pour la semaine. Le reste de la messe peut sembler être un simple rite répétitif. Et pourtant, au risque de porter à mal notre égo de prédicateur, l'essentiel n'est pas l'homélie mais bien ce qui va suivre : l'eucharistie. Si notre esprit se nourrit du sermon, notre âme et nos sentiments ont besoin d'une autre nourriture, celle du Corps et du Sang de Jésus. Cette nourriture ne nourrit pas physiquement et pourtant le Christ s'est bien livré à nous de la sorte. En se livrant, il s'est fragilisé et depuis ce jour, nous puisons et trouvons force de vie en communiant ensemble à l'eucharistie. Le pain et le vin consacrés vont au-delà du rite, du souvenir d'un dernier repas. Ils sont les moyens donnés par Dieu pour nous nourrir ici sur terre. Ils sont donc plus qu'un symbole. Pain et vin, devenus corps et sang de Jésus, sont une nourriture qui donne force à l'âme. Par la communion, nous trouvons en nous les ressources nécessaires pour continuer d'avancer sur le chemin de la vie. Le corps du Christ vient se poser en notre coeur, lieu de rencontre avec le divin.

Mais ce n'est pas seulement un geste individuel de rencontre entre Dieu et chacun d'entre nous. Il est aussi un geste communautaire à la fois dans le mouvement de communion, mais également dans la prière eucharistique, dite par un ou plusieurs, mais toujours à la première personne du pluriel pour rappeler que cette prière est prière de la communauté. Pain et vin sont des signes tout simple, rappelant la fragilité du don. Mais de sa vulnérabilité naît une force qui nous dépasse et nous fait participer à la communion divine. Celle-ci fait de chacune et chacun d'entre nous une image du Pain vivant que nous devenons par ce simple geste. Nous pouvons ainsi répondre par l'affirmative à la question initiale. Puissions-nous rester digne de cette confiance de Dieu qui, par la communion, fait de nous ces « tenants-lieu » de Dieu sur terre. Amen.

11e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Moore Gareth
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 1998-1999

Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement (Mat 10:8)

Quel rôle jouons-nous dans l'évangile d'aujourd'hui ? Sommes-nous des apôtres, envoyés donner aux autres, ou sommes-nous des brebis, fatiguées et abattues ? Avons-nous quelque chose à offrir aux gens, ou avons-nous plutôt besoin de recevoir ? Les deux sont vrais. Parfois, nous pouvons donner ; parfois, nous avons besoin de recevoir. C'est humain ; nous ne sommes pas autosuffisants, nous sommes faits pour recevoir et donner, et nous devons normalement recevoir avant de pouvoir donner.

L'évangile même nous le dit. Vers le début de l'extrait d'aujourd'hui, Matthieu les douze 'disciples', c'est-à-dire des étudiants qui doivent recevoir de leur maître Jésus, qui ont besoin d'être nourris et formés. Puis, quand Jésus est sur le point de les envoyer guérir et proclamer le royaume des cieux, Matthieu les appelle 'apôtres'. Le mot grec signifie 'envoyé' ; les douze sont maintenant ceux qui sont envoyés apporter quelque chose aux autres.

Les douze ont reçu, maintenant ils doivent donner. Mais pourquoi Jésus souligne-t-il qu'ils doivent donner gratuitement, comme ils ont reçu gratuitement ? Pourquoi pas vendre ce qu'ils ont à donner ? Si vous êtes malade, vous allez voir le médecin, il vous soigne, vous lui donnez quelques francs. Comme cela, il y a un échange, et vous en profitez tous les deux. C'est ça le commerce, et c'est cela qui nous enrichit et nous rend heureux, n'est-ce pas ? Pourquoi les disciples doivent-ils donner gratuitement ?

Moi, j'aime beaucoup la musique, ce qui implique que j'achète des CDs. Si vous me vendez un CD, il y a un simple échange économique de biens matériels : moi, je reçois le CD, qui devient le mien ; vous recevez mon argent qui désormais vous appartient ; nous sommes quittes. Le CD ne vous appartient plus, le lien qui existait entre le vous et le CD est rompu ; de même, l'argent ne m'appartient plus. Mais si vous me donnez gratuitement le CD, il existe toujours un lien entre vous et le CD ; je le reçois comme un don de votre part. D'une certaine manière, vous vous donnez à moi en me donnant ce CD, et je vous reçois en le recevant ; je vous accepte en acceptant ce que vous m'offrez, et le fait de donner et d'accepter crée un lien entre nous dont le CD est le signe. Ce petit disque peu important devient ainsi porteur d'une réalité spirituelle qui est essentielle à la vie humaine. Chaque fois que nous recevons un don, nous recevons aussi un don plus important, nous recevons la personne qui nous le donne. (C'est pourquoi, si quelqu'un que nous n'aimons pas veut nous donner un cadeau, nous hésitons, refusons même ; nous savons que, si nous acceptons le don, nous acceptons aussi la personne.) C'est ce jeu de dons de soi-même, qu'ils soient grands ou petits, qui nous enrichit mutuellement. Si, en acceptant un don, je n'y vois que la chose qui m'est donnée, je suis aveugle à une réalité plus essentielle. Si je ne veux recevoir que la chose, je m'appauvris parce que je me rends incapable de recevoir la personne qui me la donne. Si je reçois beaucoup de cadeaux, je peux croire m'enrichir en amassant des choses, mais en réalité m'appauvris. Si je suis ainsi aveugle, si je ne comprends pas ce qu'est vraiment un don, je serai aussi incapable de donner vraiment, je ne pourrai donner que des choses. C'est là la pauvreté du matérialisme, la pauvreté de certains riches qui ne savent que vendre et acheter, qui ne savent recevoir que des choses.

Dans l'évangile, Jésus ne se vend pas, il donne gratuitement ; c'est-à-dire qu'en donnant il se donne, à ce point qu'il va donner sa vie. Et Jésus est l'image de Dieu. Dieu ne se vend pas ; il nous comble de dons, et dans tous les dons que Dieu nous donne, le plus important est le plus grand est Dieu même. Les premiers disciples ont reçu ce don, c'est-à-dire ils ont reçu Jésus, gratuitement. C'est cela qui les a rendus capables de donner, à leur tour, gratuitement, de se donner aux autres.

Ce jeu de dons mutuels n'est pas une limite malheureuse de la vie humaine ; il ne serait pas préférable de vivre sans se donner. C'est plutôt ce qui fait vibrer la vie humaine, ce qui la fait chanter. Savoir donner et savoir recevoir, savoir se donner et savoir recevoir les autres, c'est un élément essentiel de la musique et de l'harmonie de notre vie.

13e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 1998-1999

Régulièrement, je suis pris d'un désir un peu fou : celui d'installer des haut-parleurs sur le toit de la voiture communautaire que j'utilise. Pourquoi me direz-vous ? Pour tout simplement pouvoir traiter de tous les noms d'oiseaux que je connais, et la liste est plutôt longue, les automobilistes qui ne me remercient pas d'avoir été courtois au volant en me mettant sur le côté pour les laisser passer et ce, même s'ils sont en droit. J'imagine la tête de celui ou de celle qui n'ayant pas eu la délicatesse de m'envoyer à travers son pare-brise un petit geste de la main, voire même juste un sourire, se faire insulter à travers mes haut-parleurs. Vu que je rencontre cette expérience douloureuse régulièrement et que je ne suis pas à l'abri de me faire piéger également, je risque d'être poursuivi pour pollution du bruit. Evidemment, ce n'est qu'un rêve. Mais quel rapport avec l'évangile que nous venons d'entendre, êtes-vous en droit de me demander ?

Quand un automobiliste, que nous estimons grossier, ne nous remercie pas, il nous ignore et nous avons l'impression que nous n'existons pas. Nous ne sommes pas reconnus. Or pour être reconnu, il ne faut pas grand chose rappelle Jésus : même un simple verre d'eau fraîche. Ce n'est quand même pas la fin du monde, un simple verre d'eau fraîche. Cependant, celui qui donnera cela en sa qualité de disciple, il ne perdra pas sa récompense, conclut le Christ. Notre vie, aujourd'hui encore, est effectivement parsemée d'une multitude de petits gestes souvent plus insignifiants les uns que les autres et pourtant... Et pourtant qu'est-ce qu'ils sont importants ces petits détails qui rythment nos vies quotidiennes. Une attention par-ci, un sourire par-là, un geste de tendresse, quelques minutes d'amitié. Ils sont millions ces petits riens qui font la beauté de la vie. Mais ne risquons-nous pas de trop souvent les oublier. Nous ne pouvons, je crois, nous mobiliser de manière permanente pour faire des actions d'éclat, un peu exceptionnelles. C'est vrai, et notre communauté l'a encore prouvé récemment, nous sommes capables de nous montrer extrêmement généreux pour un acte ponctuel face à la détresse d'un enfant. Mais qu'un acte pareil, tout aussi merveilleux qu'il soit, ne fasse jamais d'ombre à tous les autres petits actes de la vie, qui sont effectués tout au long d'une année et dans la discrétion de rencontres sans tapage, sans bruit. Là, c'est l'accueil dans la fidélité qui se vit.

Etre accueilli, nous rappelle l'évangile ainsi que les autres lectures de ce jour, n'est pas quelque chose d'anodin mais bien de divin. L'accueil est échange, l'accueil est reconnaissance. Et l'accueil est aussi parfois un défi. En effet, il n'est pas toujours facile d'accueillir celles et ceux envers lesquels nous avons moins de sympathie. Nous ne sommes pas, non plus toujours prêts à nous faire surprendre par certains événements de la vie. Parfois, nous sommes saisis par une situation que nous n'avions pas prévue. Elle déjoue nos plans, fausse nos prévisions, ébranle nos sécurités. Et nous voilà au coeur de la réalité, avec toutes nos questions et nos désirs de tranquillité, de n'être pas dérangé. Les défis, eux aussi, se comptent par milliers. Et voilà, que ce matin (soir), nous sommes à nouveau bousculés dans notre foi, nos certitudes. Le Christ nous convie à répondre à un défi qui dépasse notre imagination : celui de Le choisir. De Le choisir en vérité.

Il nous rappelle avec force, utilisant certaines images d'amour sans concession, que lorsque nous choisissons le chemin de la foi, ce choix n'est pas des moindres. Il demande de nous une disponibilité de coeur et d'esprit qui pourra nous conduire, lors de certains événements, à prendre une direction qui ne va peut-être pas dans le sens de notre humanité mais bien dans celui de la divinité. Croire, c'est donc aussi faire des choix et se laisser surprendre, en confiance, par les défis de la vie. Mais, avons-nous cette disposition de coeur et ce désir de nous laisser émouvoir par l'amour radical de Dieu pour oser mettre nos pas dans les siens ? Que cette question puisse alimenter nos propres réflexions, cet été.

Amen.

14e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 1998-1999

Il y a quelques années, lorsque j'assistais à l'eucharistie dominicale, au moment précis du credo, j'avais l'impression, voire même la prétention de poser un acte politique digne de sens, au nom de cette liberté qui m'était si chère. En effet, quand l'assemblée disait d'une seule voix : je crois en l'Eglise une, sainte, catholique et apostolique. Moi, dans mon coin, je me taisais. Je refusais de dire une telle phrase, dans un souci d'oecuménisme. Je ne croyais pas en l'Eglise catholique. Et je reconnais que j'étais assez fier de ma prise de position. Moi au moins, je n'étais pas comme un mouton qui disait n'importe quoi. Je réfléchissais. Quelle ne fut pas ma surprise, assistant à une célébration protestante en Angleterre, d'entendre l'assemblée là aussi réciter le credo et cela ne leur posait pas de problème de croire en l'Eglise une, sainte, catholique et apostolique. J'ai dû à partir de ce jour faire le deuil de mon acte politique courageux dans mon silence. Je découvris que l'adjectif « catholique » du credo ne signifie pas Eglise Catholique avec un C majuscule. « Catholique » est doit être compris dans le sens d'universel. Au moment où le credo a été écrit, il y avait d'ailleurs des Jeux Catholiques, ancêtres des Jeux Olympiques et ils avaient la particularité d'être universels. Depuis ce jour, je n'ai plus de difficulté à dire que je crois en l'Eglise une sainte, catholique c'est-à-dire universelle et apostolique. J'étais donc loin d'être le savant courageux que je pensais être. Et tant mieux.

Il y a en effet un danger, un grand danger à vouloir tout comprendre. Le désir de connaissance nous honore mais je ne crois pas que nous pouvons nous y enfermer. Nous sommes et resterons toujours des chercheurs de Dieu. A force de vouloir tout comprendre, nous risquons de tomber dans le piège de croire que nous savons. Et si nous savons, nous n'avons plus besoin de croire puisque nous avons acquis les certitudes. Or la foi, c'est sans doute passer sa vie à tenter de comprendre ce que nous croyons mais en reconnaissant que ce qui habite au plus profond de notre être est d'abord et toujours un mystère. Un mystère qui ne peut se résoudre uniquement par les clés de notre raison. C'est ce que les tout-petits de l'évangile avaient compris, le mystère de la foi se découvre, se dévoile, se révèle peu à peu, pas à pas dans le temps d'une rencontre, d'une relation. Comme si Jésus nous disait que le mystère de la foi passe aussi par le coeur de l'être humain. Et c'est normal, puisque c'est à cet endroit précis que Dieu vit en nous. C'est parce que le coeur est le coeur de la foi que le Christ conclut ce soir (matin) : « oui, mon joug est facile à porter, et mon fardeau léger ».

Il y a cette vielle histoire qui illustre très bien cette conclusion de Jésus. Un jour, un homme voit un petit enfant qui porte sur son dos un autre enfant qui était estropié. Il avait l'air de peiner sous le poids et avançait lentement. Mais malgré cela, les deux enfants souriaient et semblaient heureux. « C'est un bien lourd fardeau que tu portes sur toi » dit l'homme. « Non monsieur, ce n'est pas un fardeau répondit l'enfant, c'est mon petit frère ». La sagesse de l'enfant, de ce tout-petit laissa notre homme pantois. Dans ses mots à lui, l'enfant nous rappelle que ce peut nous sembler lourd à porter de manière rationnelle et réelle, est souvent léger lorsque c'est vécu dans l'amour. Quand l'amour est au coeur de nos efforts, des défis que nous nous imposons pour grandir, parfois même pour survivre, le fardeau n'est plus fardeau mais expérience de vie. Seuls nous ne sommes pas capables de tout porter. Nous avons besoin les uns des autres c'est-à-dire que nous nous portons les uns les autres. Et ce que le Christ nous invite ce soir (matin) c'est d'accepter de poser en lui les fardeaux qui nous semblent insurmontables. Si ton joug est trop lourd, pose-le en celles et ceux que tu aimes. En le posant dans leur coeur, tu l'offres à Dieu qui le portera dorénavant avec toi. Bonheur ou malheur se posent en Dieu. Si nous le faisons au nom de l'amour, notre fardeau deviendra léger. C'est irrationnel. C'est également de l'ordre du mystère. Et le mystère est le coeur de notre foi au coeur de nous-mêmes.

Amen.