6e dimanche de Pâques, année A

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : A
Année: 2001-2002

Jn 14, 15-21

Un ami faisait un jour le constat suivant : Dieu est muet pourvu qu'il ne soit pas sourd. Il est vrai que malgré son jeune âge le deuil l'avait déjà frappé à plusieurs reprises. Etre confrontés à la mort brutale ou lente d'êtres chers nous oblige à nous resituer chacune et chacun face au mystère de Dieu. Croire quand tout va bien n'est pas évident, alors croire quand tout va mal, cela complique encore un peu plus nos interrogations. Dieu est-il muet ? Vercors l'écrivait déjà dans son livre " les animaux dénaturés ". S'il n'est pas muet, il est en tout cas bien silencieux pour ne pas dire trop souvent absent. Dieu est-il sourd ? La question a en tout cas le mérite d'être posée. Heureusement pour nous, un coin du mystère se dévoile à nous dans les lectures entendues.

Pour comprendre ce soi-disant mutisme et cette surdité de Dieu, nous sommes invités à nous tourner vers l'Esprit de Vérité dont nous parle l'évangile. C'est cet esprit que nous avons reçu à notre baptême et que certains parmi nous ont choisi de confirmer par la suite. Cet esprit nous le connaissons, affirme le Christ, parce qu'il demeure auprès de nous et qu'il est en nous. Dieu, par son esprit de vérité, vit en nous. Il n'est alors pas nécessaire d'attendre et de rechercher de grands miracles, des prodiges pour croire. Il nous suffit d'entrer au plus profond de notre être et de découvrir Dieu, le redécouvrir là où il vit. En nous. Il y a donc une force divine en chacune et chacun de nous et si nous souhaitons voir des signes de sa présence, il suffit de regarder notre propre manière de vivre la vie. Ne cherchons pas Dieu dans un ailleurs, ce n'est pas là qu'il se révèle à nous, qu'il nous attend. Dieu est en nous, à nos côtés, présence invisible qui nous accompagne. Si c'est vrai, cela signifie que Dieu n'est ni muet, ni sourd. Il entend nos prières et souhaite y répondre mais lorsque Dieu intervient sur notre terre, il ne peut le faire que par nous. Quittons nos images enfantines d'un Dieu magicien qui pourrait tout résoudre en un seul coup de baguette magique ou, en termes plus contemporains, par l'envoi d'un rayon laser en provenance du ciel. Dieu ne peut intervenir que par nous.

Quelle responsabilité divine. Mais aussi, quelle responsabilité humaine. Par la liberté reçue, nous sommes acteurs non seulement de nos vies mais également de Dieu. Par nos actes, nos paroles, nos regards, par des amitiés partagées, l'amour offert, la tendresse donnée, nous permettons à Dieu d'exister, de vivre sur notre terre. Cela signifie également que si nous proclamons que nous croyons en Dieu mais qu'en même temps nous posons des actes inqualifiables, nous sommes des menteurs. En effet, clame le Christ, si vous m'aimez, vous resterez fidèles à mes commandements. L'Esprit de vérité rayonne dans tout notre être. C'est de cette manière que nous pouvons affirmer que Dieu se vit tous les jours de notre vie grâce à nous. Il est vrai qu'il n'est pas toujours aisé de percevoir, de ressentir cette vie divine en nous et que Dieu, malgré tout ce que je viens de dire, nous semble bien silencieux, bien mystérieux. Pour dépasser cela reprenons un instant la dynamique divine telle qu'elle se dévoile dans l'évangile de ce jour. Dans cet extrait nous redécouvrons l'image d'un Dieu qui est Père, Fils et Esprit. Dieu le Père tout puissant de douceur et de tendresse a créé le monde et s'est retiré de celui-ci en donnant un mandat à son humanité de le conduire à son achèvement.

Pour se faire, il nous offre la liberté totale. Au moment, où les êtres humains ont été capables d'entendre, Dieu le Fils s'est incarné parmi nous pour nous proposer un chemin de vie. Ce chemin conduit au bonheur, il suffit de s'enraciner dans toutes les paroles de Jésus et de vivre de ses commandements. Puis, lui aussi, s'est retiré de ce monde pour nous laisser conduire nos vies en toute liberté. Par son retrait, il permet à Dieu, l'Esprit de vérité, de venir habiter en nous pour que nous nous habituions à Dieu et vivions de Lui. Le Père et le Fils se sont retirés de notre monde, l'Esprit de Vérité est en nous et c'est par nous, et uniquement par nous, que Dieu est à l'½uvre en notre monde. Le Père nous a donné la vie, le Fils nous montre le chemin de vie et l'Esprit nous invite en toute liberté à vivre notre vie. Dieu n'est ni muet, ni sourd. Il est à l'½uvre par nous : à nous d'agir, à nous de le reconnaître avec les yeux de la foi, à nous de vivre notre vie.

Alors les mots d'Hetty Hillesum, écrits à Auschwitz peu avant sa mort résonneront en nous : " Une chose est de plus en plus claire à mes yeux : à savoir, que vous ne pouvez nous aider, que nous devons Vous aider à nous aider. Hélas, il ne semble guère que Vous puissiez agir Vous-même sur les circonstances qui nous entourent, sur nos vies. Je ne Vous tient pas non plus pour responsable. Vous ne pouvez nous aider mais nous, nous devons Vous aider, nous devons défendre votre lieu d'habitation en nous jusqu'à la fin ".

Amen.

9e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Gihoul Luc-Henri
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2001-2002

Dans presque toutes les langues, le mot maison désigne à la fois le bâtiment et la famille qui l'habite. L'image de Jésus est donc pertinente. Sommes--nous de frêles bâtisses élevées hâtivement au ras du sol comme sur du sable, chrétiens dont la foi est un héritage familial, une habitude sociologique, un usage traditionnel ? Ou sommes-nous de ces bâtisses qui, au contraire, révèlent leur qualité à l'épreuve et restent debout, malgré les bourrasques qui les assaillent ? Une seule chose compte aux yeux du Seigneur. Ce n'est ni la hauteur, ni la grandeur, ni l'élégance ou la richesse apparente de la maison qui frappe Jésus. Il va tout de suite à l'essentiel. Ce qui retient son attention c'est la fondation de l'édifice. Pourquoi ? J'y répondrai par l'intermédiaire d'un autre pourquoi.

Pourquoi les mêmes adversités affaiblissent-elles l'âme et la foi de certains et chez d'autres sont-elles au contraire comme le ciment qui renforce le tout ? Pourquoi, dans un cas, les épreuves tournent-elles au drame ou à la rupture et pourquoi dans d'autres cas, les contrariétés forgent-elles des c½urs aguerris ? La réponse est claire. Jésus interroge : Regardez les assises de ces âmes et de leur foi. Sont-elles fondées sur ma personne ou sur des mots ? La foi est-elle fondée sur une expérience personnelle de Dieu ou se base-t-elle sur des propositions, fussent-elles dogmatiques ou conciliaires ?

La pierre fondamentale de notre existence doit être le Christ. Si nous restons fidèles aux consignes du Seigneur, ni les tempêtes bruyantes d'un monde agité, ni les infiltrations sournoises du malin n'ébranleront nos bâtisses. Si nous restons fixés au sol rocheux de l'amour de Dieu, nul soubresaut n'ébranlera la stabilité sereine de notre confiance, ni les remous intérieurs, ni les tempêtes de la vie.

La symbolique des deux fondements possibles de la maison : le sable ou le roc peut s'appliquer à la famille et au monde, au groupe familial comme à la famille humaine.

La maison, c'est d'abord la maisonnée, la gente familiale, le chez soi où se vivent les premiers échanges. C'est le milieu où s'exerce l'éducation où s'apprend l'affection. La maison, pour Israël, marquait la fin de l'errance et de la précarité, signifiée par les tentes du désert. La maison, dans l'évangile, est pour Jésus le lieu privilégié des entretiens confidentiels et l'endroit de sa pédagogie particulière aux apôtres. Souvent Jésus se retrouve avec ses disciples « malentendants » dans une maison pour les enseigner et leur donner d'ultimes explications. Les apôtres se souviendront et agiront de la même manière plus tard, comme en témoignent les actes (AA 10,11,20,23...)

Pour nous, ce ne sont pas seulement les églises ou les couvents mais chaque foyer qui devrait être une maison de Dieu, la maison- Dieu. La famille n'est-elle pas en effet le lieu de tous les partages et de tous les pardons. La famille, cet arbre dont chaque branche s'élève séparée de sa voisine mais qui, sortie d'un tronc commun, se dresse vers un seul et même ciel. Le foyer familial, arbre qu'une même sève souterraine alimente avec au centre une « maman », peut-être le plus beau mot de toute la langue, celle que tous portent au c½ur comme un secret gravé. Le foyer suggère l'image du feu, cet âtre éclaire et illumine, réchauffe et enflamme, chante et réjouit. La famille, de nos jours, n'a peut-être plus malheureusement la majesté et l'aura d'autrefois, mais, elle demeure première et irremplaçable parce qu'elle reste le lieu de tous les éveils et de tous les départs. La famille est à la fois la mémoire joyeuse du passé, le climat chaleureux du présent et l'élan confiant de l'avenir. La famille enfin, symbole d'harmonie et de paix. Quand Jésus parle au sujet de sa propre personne de refus et de division au sein de la famille, elle devient symbole de la plus grande division qui soit. Puissions-nous mettre Dieu au c½ur de nos familles. « Si le Seigneur ne bâtit la maison, c'est en vain que les ouvriers travaillent. » (Psautier)

Quant à l'humanité, la famille humaine, n'est- elle pas elle aussi, à l'image des paroles du Seigneur, bâtie sur le sable et sur le roc ! S'il est vrai que nous prenons la nature humaine essentiellement dans un état de non-reconnaissance, d'imperfection innée, mais d'émergence constante vers un mieux, alors tout est à reprendre pour chacun d'entre nous par le commencement, à chaque génération. La tâche du salut, la vocation au plein humanisme ou à la sainteté est à reprendre par chaque individu de la communauté humaine. Pour tous et chacun, rien n'est jamais définitivement acquis, rien n'est jamais définitivement perdu, personne ne doit jamais être définitivement abandonné. Pour chaque homme, le choix est impérieux et inévitable et la vocation incontournable : faire naufrage corps et bien ou lutter contre la tempête et sauver le navire ! Avec chaque homme, la tragédie d'être soi-même, sable ou roc, se joue tout entière.

Depuis Darwin, on sait que l'humain est l'aboutissement d'une lente, longue et difficile évolution, issue d'une laborieuse émergence de la matière. Dans cette mouvance, l'être humain reste imparfait, il se perçoit inachevé, il se ressent ambigu, divisé, complexe en son corps, anarchique en son c½ur, mystère en son esprit. Il progresse à tâtons, dans un effort ardu vers une intégration difficile de ses multiples virtualités. Dans l'exigence il construit laborieusement sa propre identité. Plus il s'ouvre au spirituel en lui, plus est intense la tension en son moi profond. Tous les mystiques ont parlé de cette ambivalence en l'homme à accueillir dans la candeur d'un c½ur humilié.

L'histoire humaine n'est ni un cycle monotone d'absurdités, ni la combinaison gratuite d'une série de phénomènes aveugles. Elle n'est pas plus l'exaltation d'utopies nostalgiques que l'incantation illusoire d'un triomphalisme terrestre futur à l'image d'un paradis perdu. La vie sur terre, malgré ses améliorations, ne sera jamais paradisiaque. La sécurité absolue n'aura jamais de réalité ailleurs que dans nos rêves. Mais le roc de la foi, lui, peut donner dès à présent à nos existences malmenées une stabilité, une solidité qu'aucun cyclone ne pourra détruire. Sable des espoirs farfelus des illuminés de la terre ou roc d'une expérience chrétienne comblant l'indicible besoin d'infini qui nous habite ? Tel est le choix. « Sous les pavés, le sable ! » disaient les protagonistes de mai 68. Le mai chrétien nous dit mieux : « Sur le rocher, la cité de Dieu, sur le roc, la Sion de l'âme «  », sur le Christ, la Jérusalem de notre foi.

Dans un monde qui chavire, où la meute des frustrés du sexe triomphe, où l'incompétence et l'ambiguïté des pouvoirs politiques n'ont d'égal que les dérives d'autres pouvoirs publics, magistrature ou police ; dans nos démocraties molles ou des cancrelats de la photo, des charognards de la pellicule se muent en dealers de faux rêves, en artisans de l'intox ou en voyeurs impudiques de toutes les intimités, dans ce monde d'éboulis, c'est à notre foi de s'accrocher, ferme et tenace, au rocher, à la pierre angulaire de notre existence qu'est le Christ. Loin de toutes les frénésies millénaristes, loin des hystéries collectives, musicales ou sportives, loin des fanatismes imbéciles d'ayatollahs analphabètes, notre foi nous mènera par les chemins de l'humilité et de la gratitude, de la compassion et de l'adoration vers un Dieu de bonté et un Royaume de paix. Quand un monde est bouclé sur lui-même, aucun bonheur n'est plénier, puisque rien n'est plus partagé. Ultime luxe de l'extrême malheur, il s'enroule sur lui-même et étouffe sa victime. Méconnaître notre véritable humanité, baptiser nos erreurs ou tuer notre conscience, c'est comme détourner un torrent, un jour de grand orage. Il retrouve sa pente naturelle et c'est la débâcle et la désolation.

Face aux lourdeurs des temps présents ou à la fuite en avant qui efface toute trace d'un passé spirituel magistral, il faudrait méditer l'image de St. Jean de la Croix pour comprendre que seule la foi en Dieu de Jésus-Christ peut rétablir les vrais équilibres. Le peigne, disait le grand mystique, commence par le haut du crâne pour démêler les n½uds dans les cheveux. Ainsi pour démêler nos impostures faudrait-il partir du point central de l'histoire qui est l'amour de Dieu pour nous. Nietzsche ne s'est pas rendu compte de la grande vérité qu'il énonçait lorsqu'il affirmait que Dieu aussi avait son enfer. Oui, son enfer c'est son amour pour nous, tant nous le lui rendons mal et réouvrons, à chaque coup, les plaies du Christ.

Baptême du Seigneur, année A

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps de Noël
Année liturgique : A
Année: 2001-2002

De temps à autre, il m'arrive de rencontrer des couples ayant des jeunes enfants et qui me disent : j'espère que vous ne serez pas vexé, mais nous avons choisi de ne pas baptiser nos enfants, nous voulons qu'ils restent libres de le faire plus tard lorsqu'ils seront en âge de décider. A une telle affirmation, je m'étonne toujours. Pourquoi, serai-je vexé ? Comme si ma susceptibilité risquait d'être éprouvée. Notre paroisse n'est pas une entreprise économique et je n'ai pas l'impression d'avoir fait une mauvaise année si le nombre de baptêmes diminue. Mais surtout à une telle affirmation, je réponds toujours avec un léger sourire. Je me réjouis que vous ayez pris une telle décision pour votre enfant. Quelle chance a-t-il de pouvoir naître ou d'être accueilli au sein d'un couple comme le vôtre. Ensuite, commence une petite litanie de questions : lui avez-vous laissé le choix de venir au monde ? est-il aujourd'hui libre de vivre ? Je suppose qu'il n'ira ni chez une gardienne, ni dans une crèche, ni à l'école, tant qu'il ne sera pas à même de vous dire laquelle il choisit, voire même s'il en veut ? Vous ne prendrez évidemment aucune décision à sa place étant à ce point respectueux de sa liberté ? Mais de toute façon, pour qu'il soit libre, il devra être à même de pouvoir choisir. Alors comment allez-vous l'accompagner et lui faire découvrir la foi pour qu'il puisse vraiment choisir ? Il est vrai que ces quelques questions laissent en général un léger blanc dans la conversation.

Le baptême du Christ que nous célébrons en ce jour est une occasion de revisiter notre propre baptême. Pour la majorité d'entre nous celui-ci a été décidé par nos parents. Nous n'avons pas eu le choix. Pour ma part, ce n'est pas bien grave puisque dans ma vie, quand j'étais petit enfant, il y a eu un ensemble de décisions sur lequel je n'ai rien eu à dire. Mes parents ont beaucoup décidé pour moi et c'est tant mieux. D'ailleurs c'était leur rôle. Ce choix du baptême, je ne le regrette pas et l'église m'a donné l'occasion lorsque j'étais un peu plus grand de pouvoir le confirmer. A ce moment-là, j'ai vraiment eu le sentiment de pouvoir choisir. J'avais conscience que je pouvais infirmer le choix de mes parents et je n'ai pas eu le sentiment d'une quelconque pression sociale. J'étais libre. Mais libre de quoi ? Libre d'accepter mon baptême. Non pas un baptême, comme il a été compris pendant des siècles et hélas encore aujourd'hui par certains comme étant le lavement d'un péché originel comme si j'étais moi-même responsable de cet Adam dont nous savons aujourd'hui qu'il n'a jamais historiquement existé. Comment peut-on encore aujourd'hui continuer à prétendre que nous subissons un châtiment suite à une erreur de quelqu'un qui n'a jamais existé ? Une punition que nous devons laver dans les eaux d'un baptême. Il faudra un jour que quelqu'un m'explique cela mais intelligemment et non pas comme tout ce que j'ai lu jusqu'à ce jour sur ce thème.

C'est pourquoi, demander le baptême pour la conversion de ses péchés est, pour ma part, reconnaître que nous sommes des disciples de Jean le Baptiste. Il prônait, lui, un tel baptême. Mais nous ne nous inscrivons pas comme tel à sa suite. Notre présence en ce lieu est signe de notre foi au Christ qui se fera baptiser non pas pour ses péchés mais pour une raison beaucoup plus noble : recevoir l'Esprit saint et vivre de la vie en Dieu. Dès notre conception, dès le début de notre vie, nous sommes aimés de Dieu. Nous avons de l'importance à ses yeux. Par le baptême, nous sommes marqués de l'Esprit Saint, nous devenons enfants de Dieu par adoption. Robert Neuberger, psychologue, dans un superbe livre sur la famille affirmait qu'il n'existe pas d'enfants adoptés mais seulement des enfants par adoption.

Il importe peu la manière dont nous entrons dans une famille. L'important, c'est de faire partie d'une famille. Par notre baptême, nous sommes entrés dans la famille de Dieu, nous sommes ses enfants d'adoption. Etre enfant de Dieu, c'est oser croire et accepter que pour Lui, nous sommes ses filles et ses fils bien-aimés et qu'en chacune et chacun de nous, il a déposé tout son amour. Cette filiation divine se vit dans l'Esprit de Dieu qui nous accompagne tout au long de notre vie pour que celle-ci se vive dans la douceur, la paix et l'amour. S'il en est vraiment ainsi, revisitons notre propre baptême et qu'au c½ur de nos nuages intérieurs, le ciel s'ouvre pour que la colombe vienne se poser sur chacune et chacun d'entre nous. En nous, Dieu a mis tout son amour. Par son Esprit, nous sommes devenus ses enfants par adoption. Son désir pour nous est de vivre à jamais en Lui, c'est-à-dire de plonger dans le bonheur de la vie, dès ici et maintenant.

Amen.

Fête de la Sainte Trinité

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A, B, C
Année: 2001-2002

Permettez-moi de vous conter ou de vous rappeler pour celles et ceux qui la connaissent l'histoire suivante : celle de l'ange et du cinéma. Imaginez-vous un instant que vous mourrez. A l'instant même où vous passez de l'autre côté, vous vous retrouvez assis dans une superbe salle de cinéma, sièges très confortables, de l'espace pour mettre ses pieds, accoudoirs, écran géant et Dolby stéréo. Vous êtes là, tout seul et vous attendez. Et puis, par derrière l'écran vole un petit ange. Sois le bienvenu au Ciel, vous dit-il. Nous te proposons d'assister à la projection d'un film, ton film, c'est-à-dire le film de ta vie. Durant cette projection tu reverras tout ce que as fait, ce que tu as dit voire même tout ce que tu as rêvé, pensé. Au nom de tous les anges du Ciel, nous te souhaitons un excellent film. Et puis, l'ange disparaît derrière l'écran. Et le film se met en route et vous revoyez tout ce que vous avez fait, dit et surtout pensé. A la fin du film, au moment où les lettres " The End " apparaissent vous êtes on ne peut plus enfoncer dans votre fauteuil, le front perlé par l'émotion de ce que vous venez de voir. L'ange revient vers vous et vous dit : j'espère que tu as passé un bon film. Vous trouvez à ce moment-là son humour légèrement douteux. Et il reprend : tu t'es sans doute demandé pourquoi tu étais seul dans une aussi grande salle de cinéma. Et bien c'est très simple, tu vas maintenant assister à une deuxième projection du film de ta vie, la même que la première, mais cette fois, tous les acteurs et actrices qui apparaissent dans ton film, vont venir te rejoindre dans cette salle pour regarder avec toi cette seconde projection. De la sorte, ils sauront vraiment ce que tu as dit, fait et surtout pensé. Nous te souhaitons à nouveau une excellente projection. A l'instant même où les portes de la salle s'ouvrent et que s'installent auprès de vous tous les acteurs et actrices, vous de votre côté, vous vous décomposez. L'horreur.

Si je vous ai conté cette belle histoire, c'est parce que je crois ce que nous dit l'évangile de ce jour. Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé. C'est-à-dire que, par cette affirmation puissante, j'ai la conviction qu'il n'y aura jamais cette seconde projection du film de notre vie. Nous sommes marqués du sceau de nos paroles, de nos actes et de nos pensées mais ça, c'est entre Dieu et nous uniquement. D'ailleurs, comme le rappelle saint Jean dans une de ses lettres, " si notre c½ur nous condamne, Dieu est plus grand que notre c½ur et il connaît tout ".

Dieu n'est donc pas venu pour nous juger, nous condamner mais pour nous sauver. Non pas dans la mort mais déjà sur cette terre. Nous ne sommes pas d'abord sauvé de tout ce qui nous empêche de devenir nous-mêmes, nous sommes sauvés par Dieu pour nous accomplir, nous réaliser, nous épanouir. Si nous sommes sauvés dans la vie, nous serons également sauvés dans la mort. Le salut est d'abord et avant tout cette quête du bonheur, ce désir de se mettre, de se remettre debout. A l'instar du sacrement qui sera proposé à celles et ceux qui le souhaitent dans quelques instants. Nous sommes conviés par la vie à toujours aller vers un mieux-être, vers un plus-être, à entrer dans la joie, la perfection, la paix pour reprendre les mots de saint Paul. Cette quête incessante du bonheur nous invite à vivre le paradis sur cette terre. Le bonheur n'est donc pas une promesse à atteindre un jour, dans l'au-delà ; le bonheur, le salut de Dieu est à découvrir et à vivre dès maintenant.

Dieu le Fils est venu pour nous donner la vie, pour faire de chacune et de chacun de nous des êtres vivants, vivant pleinement chaque instant qu'il nous est donné de vivre. Le bonheur, il n'a pas de secret, il est comme une fleur qui pousse au bort du temps, notre temps. Le bonheur est aussi simple qu'une étoile qui nous illumine. Il nous suffit de la laisser scintiller. Le bonheur n'est pas une recette, il est ce sentiment qui nous étreint lorsque nous laissons l'amour se dire, l'amour se vivre. Si je t'aime, et si tu crois en mon amour, tu peux t'aimer. T'aimant, tu m'aimeras et tu aimeras d'autres. Etant aimé, je peux aussi m'aimer pour mieux t'aimer. Il importe peu de savoir où commence la dynamique de l'amour, l'important c'est que l'amour, à l'image de Dieu, soit vivant. Par cet amour donné et reçu, nous pouvons donner, en toute tendresse et confiance, ce que nous sommes. Amour donné, amour reçu, c'est le bonheur partagé, ou tout simplement le salut.

Amen.

Noël

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps de Noël
Année liturgique : A, B, C
Année: 2001-2002

Cela fait un peu moins de deux mille ans que Jésus nous a dit qu'il reviendrait un jour. Imaginons-nous alors la situation suivante. Dans notre pays, depuis quelques mois, une étoile s'est mise à briller de plus en plus sur la clinique Edith Cavell. C'est quand même plus chic que notre Sauveur naisse à Uccle. Les astrologues sont unanimes pour nous dire que cette étoile annonce un événement exceptionnel et en ce temps des télécommunications, tous les journalistes sont là dans l'attente de l'heureux événement. Marie et Joseph sont arrivés depuis quelques heures déjà. Et voilà soudainement que les portes de l'hôpital s'ouvrent, le porte-parole s'avance et est maintenant prêt à s'adresser à la presse. Un sentiment d'inquiétude traverse les gens qui attendent depuis si longtemps. Ils lisent dans les yeux du porte-parole, une certaine gêne, comme si quelque chose d'anormal s'était passé. Et voilà qu'en quelques secondes, la tension monte alors que l'étoile brille plus que jamais dans le ciel au-dessus d'Edith Cavell. Tout doucement, le porte-parole commence à parler : " l'accouchement s'est très bien passé ; la mère et l'enfant se portent à merveille mais... poursuit-il en ne sachant plus très bien quoi dire, mais à notre grand étonnement, Jésus est une fille ". Une fille ! crie la foule, mais ce n'est pas possible. C'est une imposteur et nous nous sommes faits avoir ".

Ce petit conte de Noël contemporain peut apparaître blasphématoire pour certains. Et pourtant, telle n'est pas mon intention. Si je vous l'ai raconté, c'est parce que j'ai le sentiment que face à un tel événement à ce point inattendu nous serions sans doute pour beaucoup choqués. Ce n'est pas comme cela que nous l'avions imaginé, attendu le retour du Messie. Tout comme les gens, il y a deux mille ans. Ils attendaient un " Merveilleux-Conseiller, Dieu-Fort, Père-à-jamais, Prince-de-la-Paix ", comme le proclamait Isaïe. Et ils découvrent que ce Dieu promis est un bébé emmailloté dans une mangeoire. Pauvre parmi les plus pauvres. Ils étaient, je pense, aussi étonnés que nous ne le serions si mon petit conte était devenu réalité.

En cette nuit de Noël, Dieu nous invite à faire place à l'imprévu, place à l'inattendu. La foi en Jésus Christ qui nous rassemble aujourd'hui ne peut passer que par l'étonnement. Nous pourrions presque affirmer qu'avoir la foi, c'est être étonné. Certains sont étonnés que nous puissions croire et nous, nous croyons car nous sommes des êtres non seulement étonnants mais également étonnés. Des étonnés de l'amour de Dieu pour sa création, des étonnés de l'amour de Dieu qui se dévoile dans toute relation où chaque être est libre d'aimer. Tant que je ne serai pas étonné, je ne serai pas croyant comme si, lorsque j'arrête de m'étonner, je perds la foi. Tout simplement parce que le visage de Dieu, tel qu'il nous est révélé par Jésus, est étonnant. L'évangile est étonnant.

Dès lors, croire est étonnant. Par le mystère de l'Incarnation, nous devenons les étonnés de la vie. En nous, nous laissons une lézarde dans nos certitudes intérieures pour laisser surgir l'imprévu, l'inattendu de Dieu. Nous nous ouvrons à l'irruption du nouveau dans notre vie. Nous lâchons prise parce que nous acceptons que c'est dans cet inattendu que Dieu nous attend. Lâcher prise, c'est se reconnaître non maître de son histoire et de sa destinée. C'est ne pas adapter l'événement à mes propres désirs mais recevoir chaque jour, chaque instant comme il vient et pouvoir m'en réjouir. Lâcher prise, c'est accepter que tout ne nous appartient pas, qu'il y a une grande part de mystère en Dieu, en l'autre mais également en nous. C'est donc se déprendre de nous-même pour mieux vivre et grandir pour l'avenir. En lâchant prise, je crains moins et j'aime davantage.

C'est vrai, lorsque je contrôle tout, je me rassure ; tandis que lorsque je laisse place à l'imprévu, à l'inattendu, je lâche prise et donc, je peux vivre. Noël nous convie de la sorte à laisser place en nous pour mieux nous abandonner dans le c½ur de Dieu. Vivre de cette confiance que le bonheur est un chemin proposé à chacune et chacun même si les ronces de la violence désenchantent le monde dans lequel nous sommes pour le moment. Vivre la vie avec étonnement pour redécouvrir les merveilles de chaque instant. Cueillir et accueillir l'imprévu des événements comme richesses à dépasser et bienfaits à découvrir. Si l'inattendu et l'imprévu nous déstabilisent, rappelons-nous qu'à tout instant qui passe, le Christ frappe lui aussi à notre porte de façon toujours inattendue. C'est dans l'inattendu et l'imprévu de l'événement que Dieu se révèle à nous en cette nuit de Noël. Que dans la foi, nous puissions nous en réjouir pour que l'étoile de Noël ne se lasse pas en une nuit mais s'offre à nous dans l'étonnement de chaque instant. S'il en est ainsi, dans l'inattendu de cet événement merveilleux, il me reste à vous souhaiter un Joyeux Noël.

Amen.

Sainte Famille, année A

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps de Noël
Année liturgique : A
Année: 2001-2002

La fête de la Sainte famille que nous célébrons en ce jour, est la fête de toutes les familles du monde ayant pour modèle la famille de Jésus, pouvons-nous lire dans certains manuels de liturgie. S'il en est ainsi, permettez-moi alors de m'interroger et de me demander pourquoi tant de parents vivent des difficultés lorsque leurs enfants n'épousent pas le modèle familial de notre société d'aujourd'hui si la sainte famille est vraiment ce qu'il y a lieu de suivre. La sainte famille est composée, sans pour autant être irrespectueux, d'une mère étant tombée enceinte avant son mariage officiel, d'un père n'étant pas le père biologique de l'enfant mais assumant sa paternité avec force, d'un enfant unique qui ne reprendra pas les affaires familiales et dont les parents mettront une journée à se rendre compte que leur fils n'est pas avec eux lors d'un voyage à Jérusalem alors qu'il a à peine douze ans. Si ce type de famille est à envisager comme modèle, nous ne sommes plus très exigeants me semble-t-il. C'est la raison pour laquelle je ne souhaite plus m'attarder sur cette fête comme telle mais profiter de celle-ci pour méditer sur la famille.

Aujourd'hui, il y a différents types de famille et n'étant pas sociologue, je ne vais pas commencer à vous les énumérer. La substance traditionnelle de la famille, même si elle reste le modèle majoritaire dans notre société puisque tout couple qui se marie souhaite le réaliser, se réfracte cependant en une nébuleuse que nous avons de plus en plus de peine à appréhender.

C'est pourquoi, je voudrais simplement souligner que nos familles, quelles qu'elles soient d'ailleurs, à l'image de celle du Christ, sont le lieu par excellence de notre enracinement dans la vie. C'est le premier endroit de notre socialisation, c'est-à-dire de notre manière de nous insérer dans un groupe humain. Nous y découvrons des valeurs, des codes de conduite, parfois aussi des contradictions. C'est en elles que nous faisons également l'expérience de nos premières frustrations de désirs non assouvis. Mais pardessus-tout, les familles sont le lieu où se construit chaque être humain par les mots de tendresse et de douceur. La famille est le lieu par excellence d'apprentissage de l'amour.

Et c'est sans doute une des raisons principales qui fait que nous nous tournons vers elles, lorsque nous traversons des moments plus difficiles. L'amour familial qui a son propre nom dans la langue grecque est un amour difficile à cerner, à préciser les contours. C'est l'amour marqué par les liens de sang, l'amour d'une histoire commune partagée dans la quotidienneté pendant de nombreuses années pour la plupart d'entre nous. C'est l'amour de parents qui se mettent à rêver des projets pour les enfants. C'est l'amour déçu face aux deuils de l'impossibilité d'enfantement et tout le chemin intérieur d'arriver à vivre sa fécondité autrement. C'est l'amour du sentiment d'appartenance et d'enracinement dans l'histoire d'une famille, sa famille. C'est l'amour qui trop souvent se transforme en haine lorsqu'il y a des questions d'argent. Quoiqu'il en soit c'est un amour auquel aucun d'entre nous ne restons indifférents. Il nous marque, nous façonne, nous modèle. Chaque famille a son histoire. Chaque famille est une histoire.

Dans nos relations familiales d'abord, mais également dans toute relation, nous sommes conviés par saint Paul à revêtir nos c½urs de tendresse, de bonté, d'humilité, de douceur et de patience. Cela paraît tellement évident et pourtant si difficile chaque jour. C'est cela agir au nom du Seigneur Jésus Christ, c'est-à-dire à sa manière et selon son esprit. De la sorte, nos relations s'en trouveront renforcées, enrichies, dépassées, voire même réconciliées. Avec autant d'amour, nous permettons à chacune et chacun d'exister. Et pourtant, pourtant, Dieu ne semble pas se contenter de cela. Par le baptême, nous sommes entrés dans une autre famille, toute aussi importante : celles des croyantes et croyants, des étonnés de la vie. Dans cette famille-ci, celle que nous composons en ce moment précis, nous sommes conviés à nous tourner vers Joseph, même si le récit entendu n'est sans doute pas historique. Joseph est silencieux, discret. Il laisse place aux autres tout en ne se niant pas lui-même. Il est également disponible et surtout, accueillant à la volonté de Dieu. Peut-être alors, pourrions-nous mettre un peu plus d'amour dans nos relations ecclésiales, c'est-à-dire entre nous dans cette église. Aux yeux de Dieu, nous ne sommes pas des étrangers les uns pour les autres. Nous sommes ses enfants appartenant à une même famille, sa famille. Adoptés par Dieu de la sorte, puissions-nous à l'image de Joseph, dans notre silence intérieur et en toute discrétion, nous ouvrir et accueillir la volonté de Dieu pour mieux entendre l'ange du Seigneur, nous dire : " Lève-toi ".

Amen.

Tous les Saints

Auteur: Gihoul Luc-Henri
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A, B, C
Année: 2001-2002

On a écrit bien des livres, plus érudits les uns que les autres, sur les Béatitudes. Je laisserai toute cette érudition, savante et utile, pour aller au c½ur de message. En comparant le texte des Béatitudes selon Matthieu et celui de ce jour, rédigé par St. Luc, les spécialistes nous affirment que Jésus a fait trois grandes proclamations, fondamentales, à prendre au pied de la lettre. L'une s'adresse aux pauvres, à ceux qui manquent de tout. L'autre aux affligés, brisés par la vie. La troisième aux affamés qui périssent du manque du nécessaire vital. Pauvres, opprimés et victimes : trois groupes de misérables qui, à l'ère messianique inaugurée par Jésus, devaient connaître le bonheur. Ces trois proclamations sont renforcées chez Luc, après les Béatitudes. Jésus stigmatise l'argent, la violence et l'injustice. « Malheur à cela ! » crie Jésus.

Tout cela est bien beau. Mais qu'en est-il aujourd'hui ? Que reste-t-il de ces affirmations lapidaires. Elles annonçaient un règne de bonheur et nous vivons dans un monde déchiré. Ce règne de bonheur devait s'engendrer à partir de la pauvreté et des larmes et c'est bien la souffrance et l'inégalité qui perdurent et elles n'engendrent que le chaos. Il faut se dire avant tout que c'est le même constat d'échec apparent que firent les premières communautés chrétiennes après la mort de Jésus.

Rien n'avait apparemment changé. Les pauvres étaient toujours là, alors qu'on attendait un royaume de bonheur. Il y avait toujours des victimes qui pleuraient leur infortune, alors qu'on leur avait promis un royaume de paix. Et on entendait toujours la plainte des affamés, alors qu'on leur avait promis un royaume d'équité. Le monde merveilleux attendu ne s'était pas réalisé. Il n'y avait pas d'amélioration pour les Ecrasés de la vie.

C'est tellement vrai que Matthieu donnera une orientation catéchétique et morale aux paroles de Jésus.

Les pauvres financièrement et économiquement, ceux de st. Luc, deviendront les pauvres en esprit, c'est à dire, dans la tradition rabbinique, le croyant, le fidèle, le pieux ou l'humble. Les affamés deviendront les affamés de justice dans le sens religieux , ceux qui cherchent à comprendre et réaliser en tout la parole de Dieu, c'est à dire la sainteté :. Et les affligés deviendront ceux qui pleurent sur le péché du monde et qui ne veulent en rien pactiser avec ce monde dominé par le mal. Et ceux-là, non seulement connaîtront un jour le triomphe final du Bien sur le Mal dans l'amour éternel du père au paradis, mais ils auront la consolation messianique.

A ce jour, il faut bien reconnaître que tout semble identique et que rien n'a changé, comme au temps du christianisme primitif, voire que c'est pire encore !

Aujourd'hui par la TV ou Internet, les marchands de bonheur font fortune. L'argent, les plaisirs et l'égocentrisme semblent satisfaire et combler beaucoup de nos semblables. Et cependant les marasmes de toutes sortes semblent être le sort commun de tous. D'une part des messages euphoriques annoncent comment gagner des millions. D'autre part, à l'aube du 3ème Millénaire, le monde à nouveau résonne des prophéties de malheur, annonçant les horreurs légendaires de toutes les années « mille ».

Pour l'heure, d'un côté, c'est la perspective d'une réussite totale, définitive et rapide mais qui trop vite se révèle être un mirage. Le mot dit bien ce qu'il est : c'est le nom donné à des avions de guerre ultra-rapides. Oui, tous ces trésors terrestres promis pourraient bien disparaître dans les airs aussi subitement que les engins de guerre du même nom ! Et, d'un autre côté, pour l'heure, c'est un monde surpeuplé, cloné et affamé, une terre stérilisée, des fleuves surchauffés, des mers irradiées et des océans morts.

Que l'on ne s'étonne guère que face à des rêves utopiques ou devant de tels chaos, l'angoisse des faibles ranime les vieux fantômes mythiques des cataclysmes apocalyptiques de la fin des temps.

Face à cela, St. Luc, en ces béatitudes, va dénoncer toutes les non-valeurs et nous inviter à voir dans ce marasme les prémices possibles d'un ordre nouveau, appelé le Royaume. A quoi d'ailleurs servirait la parole de Dieu si elle n'était que le miroir rassurant de nos vues à court terme et de nos égoïsmes ? Les Béatitudes nous disent que celui qui s'ouvre à Dieu sera toujours persécuté. Ce qu'il y a dans le monde d'impur, de perverti, luttera toujours contre le Bien. Ce combat est la condition du Royaume. Cette tension est le signe que le Royaume est bien là et que le monde s'y oppose.

Si vous souffrez du mal dans le monde, la parole de Dieu nous dit : vous êtes les élus du Royaume et c'est à vous que s'adressent ces béatitudes. Le mal n'aura pas le dernier mot. Il n'en sera pas toujours ainsi. La Résurrection du Christ vous assure de la victoire finale. Il y a un autre règne que cet empire de l'argent, un autre Royaume que ces paradis fiscaux, un autre ciel que la voûte étoilée des plaisirs terrestres. Mais la possibilité de vivre, un temps soit peu, cette foi en une telle parole n'est due qu'à la Résurrection du Christ, qu'à l'Esprit de Dieu en nous, qu'à la grâce de notre conversion à Dieu. Le mal du monde ne peut se supporter que dans la foi. Le deuil du monde ne peut se vivre que dans un grand amour. Pour l'évangile, il est certain que le Paradis n'est pas pour cette terre.

Mais, les Béatitudes nous disent aussi que l'abandon de nos illusions ne signifie pas nécessairement le triomphe de nos afflictions. Face à nos malheurs accablants, ces fractures magistrales du monde, les Béatitudes proclament un Dieu qui veut faire de nous des Vivants !

Comment ? La grande leçon des Béatitudes, selon St. Luc, c'est face au mal, aux inégalités, aux injustices, un appel afin de retisser toutes les solidarités possibles entre nous, précisément à partir de nos expériences communes de douleurs et d'échecs. Attention à toutes nos richesses spirituelles ou matérielles ! Dans le monde des humains : le trop plein de l'un pourrait bien constituer le trop peu de l'autre et Le bonheur des uns pourraient bien être la cause du malheur des autres. La pauvreté des uns pourrait bien n'être pas un retard de leur effort ou de leur économie, mais la condition de la richesse des autres ! L'enjeu des Béatitudes est une volonté de multiplier tous les espaces possibles de bonheur, à partir de l'expérience même de nos souffrances mutuelles.

Ce Royaume de félicité, dont il est question dans les Béatitudes, à vous de l'établir ici- bas par tous vos efforts de solidarité. Ayant connu les mêmes souffrances, sachant la douleur présente du monde, une douleur à l'échelle de l'espèce humaine, puisque vous en avez tous l'expérience terrible, poignante, ne pouvez-vous, ensemble, découvrir les causes de ces malheurs et travailler, dès lors, à remédier à cette souffrance en créant les vraies conditions de vie propices au bonheur de tous. Connaissant les mêmes tribulations, vous savez où se situent les vrais bonheurs que vous recherchez. Ne pouvez-vous les créer là où la vie vous a mis par de petits services quotidiens et bienveillants, par des actes journaliers au sein de toutes les proximités familières ? Face au mal, dans le monde, servez-vous de l'expérience de tous les malheurs nés de ce mal pour relever tous les défis que vous rencontrerez. Le défi des inégalités par l'entraide et le partage. Le défi des replis sur soi par l'attention portée à l'autre et sa promotion. Le défi des intolérances par un autre regard et celui d'être enfin vraiment soi-même malgré la faute. Le défi d'être enfant de Dieu malgré nos manques de foi et d'espérance. Les Béatitudes nous disent : » Vous êtes promis à une vie éternelle céleste à recevoir, après une vie terrestre à donner. Alors, « vous sauterez de joie »( St. Luc) . Alors, « les affligés seront consolés. »( St. Matthieu). Consoler ( étymologiquement, signifie une solitude à deux, un solo à deux voix) veut dire sortir de sa solitude parce qu'on est deux, parce qu'on a été entendu et soutenu.

Les Béatitudes nous invitent à réveiller en chacun de nous le Dieu qu'il porte en lui, l'espérance de l'amour. Elles nous disent : « Nul bonheur n'est entier s'il n'est partagé. » Et, si nous les vivons dès à présent, par elles, nous serons de ceux qui dès le matin travaillent à la beauté du jour. Nous serons de ceux qui, par l'amour, travaillent à la grandeur des autres.

Veillée pascale

Auteur: Dianda Jean-Baptiste
Temps liturgique: Triduum pascal
Année liturgique : A, B, C
Année: 2001-2002

 

Mt 28, 1-10

" Voici la nuit, l'immense nuit où tout culmine ", et où nous célébrons la Pâques du Christ ; l'espérance plus forte que le désespoir, la vie plus forte que la mort. "

En cette veillée de Pâques, nous sommes invités à refaire la longue route des Alliances de Dieu avec son peuple, progressant de victoire en victoire, de lumière en lumière, il nous est proposé de recueillir à chaque étape les germes de la résurrection, les signes avant-courreurs de temps nouveaux.

C'est bien au creux de la nuit, de toutes les nuits, que nous sommes conviés, non pour nous y blottir, mais à l'inverse pour en partir, pour y recueillir le souffle vital qui nous en chasse afin de surgir dans la lumière. Souvenons-nous, ce soir, de toutes ces parts d'ombres et de nuit du péché, du doute, du désespoir et des innombrables blessures reçues de l'existence. Que célébrons-nous cette nuit ? L'évangile de Matthieu que nous avons proclamé cette nuit, nous laisse sur l'interrogation, la peur, l'absence ( le tombeau vide) et le silence...nous sommes comme en attente, un peu déconcertés...l'énigme, mieux le mystère est total(malgré la mise en scène extraordinaire :tonnerre, tremblement de terre, crainte, l'ange... !) Nous attendions l'affirmations joyeuse, le cri de victoire, l'attestation de la vie et voilà qu'il ne nous est donné qu'un vide, une absence, une ouverture...J'avoue ce soir ma peur, à moi aussi.

C'est ici que se joue pour ma foi la réalité de la résurrection de Jésus. Entre vérité et l'illusion, voire la supercherie, la distance est infime...Elle représente juste le déplacement d'une pierre tombale...Elle n'est comblée que par la parole d'un jeune homme vêtu de blanc...Elle est le vide d'un tombeau qui aurait dû contenir la dépouille d'un jeune homme crucifié...j'ai l'impression, ce soir que toute l'histoire du Salut, toute l'histoire de l'Alliance, est comme une immense pyramide inversée, en équilibre sur sa fine pointe .C'est vertigineux !

Peut-être, sans doute même, devons-nous, en cette nuit, accepter de passer nous aussi par cette inquiétude :accepter de rester là, au seuil du tombeau vide, au c½ur de notre grande interrogation. C'est peut-être là, dans notre Galilée à nous, ce grand tohu-bohu de nos questions, nos peurs, de nos désirs, que le jeune homme vêtu de blanc nous envoie, là où le Vivant nous précède, là où il nous a donné rendez-vous ? Loin des trompettes enrouées de la gloire, la flûte de l'évangile (de Marc ) nous rejoint ici dans le vif de notre chair qui tremble. Ce récit est comme le négatif de la photographie que nous rêvions de contempler. Il nous dit " déchiffres, apprends à déchiffrer le négatif de ta vie. Un jour alors, tu pourras voir se développer l'image positive. Tu verras les formes et les couleurs, les lumières...tu contempleras, tu comprendras... "

Que te donne ce négatif pour l'heure ?

D'abord, on a roulé la pierre. Le mystère de la vie, que tu croyais à jamais enfermé dans les tombeaux de la mort, écrasé sous la lourde pierre de tes désespérances ou de tes résignations, le mystère de la vie a trouvé cette nuit ouverture. Tu sais désormais que la nuit communique avec le jour, que la mort peut communiquer avec la vie. Tu comprends que ta vue était un peu courte, te rendant incapable d'en saisir la fin comme d'en saisir l'origine..

Puisqu'on a roulé la pierre, puisque tu peux désormais passer, sors du tombeau et regarde : Regarde la vie dans les yeux d'un enfant, dans l'impatience d'un adolescent, dans l'élan d'un jeune, dans le courage d'un adulte, dans la fidélité d'un vieillard... Regarde la vie dans le don qu'en font tant et tant de tes frères et s½urs, au service des blessés de l'existence, des souffrances, des pauvres, des exclus de nos sociétés, des opprimés...

Regarde, des jeunes hommes vêtus de blanc, tu reconnaîtras sans cesse sur ta route, maintenant que tu es passé par l'ouverture étroite(du tombeau). Des êtres de lumière, des êtres de la résurrection. Peut-être toi même, quelques jours, seras-tu à ton tour, pour quelqu'un cet être vêtu de blanc. Alors, tu pourras annoncer : " n'ayez pas peur, je vous annonce la vie. La mort est déjà vaincue. Sortez de vos tombeaux ! Allez à la rencontre du Vivant, en toutes les Galilée du monde :il vous précède, il est déjà passé ! Et vous le verrez !

13e dimanche ordinaire, année C

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2000-2001

Quand j'étais jeune adolescent, il y avait une bande dessinée qui circulait dans notre classe. C'était Don Bosco de Jijé dans sa version en noir et blanc. Tous les garçons qui la lisaient en étaient subjugués. Nous rêvions tous de devenir comme Don Bosco et de donner notre vie à Dieu et faire de grandes choses pour les autres. L'idéal que nous avions à cette époque était bien au-delà de ce que nous étions capables de réaliser. Même si nous voulions réellement vivre à la suite du Christ et répondre à son invitation « Suis-moi ».

Ce que nous n'avions pas compris à cette époque-là, c'est que finalement Dieu n'attend pas de nous de faire de grandes choses. Il n'espère pas des actions d'éclat avec beaucoup de publicité. Il ne souhaite pas que nous entrions dans un processus de séduction pour manipuler celles et ceux que nous croisons. Dieu nous invite à le suivre. Il ne nous impose rien. Il nous propose un chemin. Nous seuls, je dis bien, nous seuls, pouvons y répondre et ce, en toute liberté, sinon nous contredisons le projet de Dieu sur sa propre humanité. Alors évidemment, nous pouvons nous étonner des propos du Christ dans l'évangile de ce jour. Nous pouvons les trouver un peu durs, voire irrespectueux même de nos proches. Au premier abord, ce sentiment est tout à fait respectable. Et pourtant, je crois que Jésus a raison. Si un jour, vous me demander de vous conduire à un endroit que vous ne connaissez pas et que je vous propose de me suivre, de manière toute naturelle, vous regarderez devant vous et non pas en arrière puisque je suis en avant de vous. Je me vois mal vous conduire en marche arrière pendant quelques kilomètres. Je trouve qu'il en va de même avec Dieu. S'il nous invite à le suivre, c'est pour marcher sur la route de nos vies. C'est d'aller de l'avant. Pour paraphraser l'expression de Teihard de Chardin, Dieu n'attend pas de nous d'être des nostalgiques qui nous enfermons dans les vestiges d'un passé à jamais révolu, même s'ils nous sont chers. Dieu nous attend en avant, dans la construction de notre vie. C'est là que nous lui serons fidèles. Il ne s'agit pas d'oublier mais le passé appartient au passé même s'il nous a façonnés.

Le passé est un temps nécessaire pour mieux aller de l'avant. La vraie manière d'être fidèle à Dieu, ce n'est donc pas de vivre dans le passé mais fort du souvenir de ce que nous avons été, nous avons à construire aujourd'hui, dès maintenant notre présent et notre futur. Ainsi, nous lui resterons proche et serons dignes de la confiance qu'il a posée en nous pour conduire le monde à son achèvement. Dieu nous attend en avant, dans la construction de notre vie. Si suivre le Christ, c'est construire alors nous devons accepter que le chemin qu'il propose est un chemin exigeant. Nous n'avons pas à avancer en traînant les pieds, en soufflant et en nous plaignant constamment, un peu comme lorsque nous étions enfant et qu'à peine entrés dans la voiture, nous demandions, toutes les trois minutes : c'est encore loin ? Dieu nous demande de construire notre vie en marchant sur son chemin d'un pas décidé pour que nous puissions toujours grandir et nous dépasser mais sans jamais aller au-delà de nos propres forces. Croire en Dieu, contrairement à ce que certains essayent de nous faire croire, n'est pas une foi de planqués, de poules mouillées qui veulent se réconforter parce qu'ils ont peur de la mort et peut-être aussi de la vie et qui fuient les risques. Notre foi n'est pas de la guimauve. Non, croire en Dieu c'est décoller de soi pour monter toujours plus haut et plonger dans la vie, plonger dans sa vie. Cette dernière n'est pas une longue sieste dans laquelle nous nous reposons, elle est construction et nous en sommes les maçons. En avant de nous, Dieu, à chacune et chacun tend la main. A nous de la saisir et d'avancer, toujours avancer, sans se retourner. Au bout de ce chemin, il y a une lumière resplendissante, accueillante, réconfortante. Une lumière qui nous fait découvrir que nous n'avons pas raté notre vie, que nous ne sommes pas passés à côté de nous, que nous avons tout simplement construit, bâti quelque chose de merveilleux. Non pas tout seul mais accompagnés de tous ceux et celles que nous avons aimés et soutenu par l'amour de Dieu. C'est cela le salut. C'est « en avant » qu'il faut le chercher. Amen.

1er dimanche de Carême, année C

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps du Carême
Année liturgique : C
Année: 2000-2001

Le Père Maon, jésuite et professeur émérite de droit romain aux Facultés de Namur répondait toujours de la manière suivante à la question : « père, comment faites-vous, au niveau de la chasteté, pour ne pas vous laissez tenter ». C'est très simple, disait-il, ce n'est pas parce que nous sommes au régime que nous ne pouvons pas apprécier le menu. Depuis ce jour, j'ai une admiration certaine pour cet homme, admiration liée bien évidemment à l'excellent professeur qu'il était. Les tentations : vaste sujet et voilà que nous sommes invités en ce premier dimanche de carême à nous arrêter un instant sur toutes ces tentations qui quelque part donnent de la saveur à nos vies.

Il est vrai que des tentations nous en avons toutes et tous. Parfois nous succombons, parfois nous résistons. Tout simplement parce que, au plus intime de nous-mêmes, nous savons que les tentations peuvent nous apporter soit le bonheur, soit le malheur. Elles sont donc bien de deux ordres, c'est pourquoi il n'y a pas lieu de les rejeter toutes en bloc. Là maintenant en vous parlant si l'un ou l'une d'entre vous me proposait un morceau de javanais, délicieux gâteau, je ne dirais certainement pas non et cela me donnerait du baume au c½ur. Pourquoi me priver ? Mais il existe également des tentations, qui, lorsque nous succombons, peuvent nous faire souffrir, abîmer notre intégrité, notre dignité. Ces tentations-là sont bien évidemment à éviter même si parfois nous passons par des temps d'errance plus ou moins longs. Le carême est une occasion unique qui nous est donné pour nous repositionner vis-à-vis de toutes ces tentations qui marquent nos vies. Les tentations de Jésus au désert, quant à elles, sont un bel exemple de se laisser aller à demander des moyens qui facilitent la vie par des puissances magiques. Qui d'entre nous n'a pas un jour prié pour que l'examen de mathématiques ou de toute autre branche soit facile ? Nos prières peuvent être parsemées de « Seigneur, fais que... » ou encore « que ceci se passe Seigneur et alors je m'engage à... ». D'ailleurs tout au long de l'évangile, le Christ nous invite à tout demander. Revenons alors à la dernière réplique de Jésus dans l'évangile de ce jour : « Il est dit de ne pas tenter le Seigneur ».

Tenter Dieu, écrit André Sève, c'est attendre de lui des choses qui fausseraient tout : ce qu'il est, ce que nous sommes et la vie qu'il nous donne. Nos vies sont traversées d'angoisses, de peurs, de moments difficiles et de souffrances et nous ne les comprenons pas toujours. Tant de pourquoi restent en nous sans réponse et nous aimerions bien parfois vivre une vie faite uniquement de bonheurs et de joie. Nous pourrions être tentés de demander cela à notre religion. Sinon à quoi bon venir à l'église, à prier. Si ce n'est pas pour cela, à quoi la foi peut-elle bien servir ? Je crois que cette dernière n'apporte pas des moyens et des solutions pour rendre notre vie plus facile. La foi est la possibilité qui nous est offerte de vivre à fond les moments faciles mais également les moments difficiles de nos existences. C'est-à-dire de mener une vraie vie : être le plus souvent possible au maximum de ce que nous sommes capables d'être et tirer parti de tout ce que la vie nous propose. La foi en Dieu est alors bien plus qu'un sentiment, elle est désir profond et sincère de vouloir vivre pleinement chaque instant, chaque moment parce que nous avons acquis cette conviction intime que la vie vaut vraiment la peine d'être vécue et ce, malgré son lot d'incompréhension. Tenter Dieu, c'est lui demander de nous rendre la vie plus facile. Prier Dieu, c'est lui demander de me donner la force de ne jamais m'arracher à ce que la vie attend de moi. Prier Dieu, c'est espérer que l'Esprit nous accompagne pour que nous prenions chacune et chacun là où nous sommes, la vie à bras-le-corps en éveillant au maximum toutes les potentialités qui définissent l'être que je suis et que je deviens jour après jour. Et cela ne peut se vivre que dans l'amour : l'amour de soi, l'amour des autres et l'amour de Dieu.

Nous ne sommes sur terre ni pour souffrir, ni pour vivre facilement mais pour vivre intensément, en abondance. Pour ce faire nous n'avons pas besoin de magie et de coups d'éclat, juste de l'amour pour ne jamais échapper à l'effort de vivre. Que l'esprit de Dieu nous accompagne durant ce temps de carême pour que nous vivions de manière la plus intense possible cette vie donnée avec pour seul objectif celui d'aimer.

Amen.

1er dimanche de l'Avent, année C

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Avent
Année liturgique : C
Année: 2000-2001

Peu de temps après l'installation de l'équipe pastorale au c½ur de nos paroisses, j'avais été assez surpris de découvrir que dans nos communautés aussi il existait des personnes qui pouvaient faire des montagnes de petits détails d'une liturgie. En voici quelques exemples : la chorale a de nouveau mal chanté le répond du psaume ; vous devriez dire au lecteur de tout à l'heure qu'il ferait bien d'un peu mieux préparer sa lecture ; n'y a-t-il pas moyen que les enfants fassent moins de bruit, cela devient vraiment énervant. Et je recevais ces plaintes, l'une après l'autre. Je dois vous avouer que cela m'énervait. Jusqu'au jour où j'ai trouvé une phrase clé. Une phrase qui m'apportera la paix définitive. Depuis ce moment, chaque fois que quelqu'un me fait part d'un tel type de souci, je réponds toujours : "mais rendez grâce à Dieu". La personne étant interloquée par mes propos me demande toujours de préciser ma pensée. Ce que je fais : "oui, je vous invite à rendre grâce à Dieu de pouvoir vous encombrer l'esprit d'un tel souci et de se dire qu'il va vous occuper toute la semaine. Si un tel petit détail liturgique vous ennuie tant et que vous n'arrivez pas à le dire aux personnes concernées, rendez grâce à Dieu de ne pas avoir de soucis plus importants à devoir gérer". Et depuis ce jour, je n'ai plus jamais entendu ce genre de plainte.

Des soucis nous en avons toutes et tous. Ce n'est donc pas étonnant que même l'évangile nous en parle lorsque nous pouvons lire : "tenez vous sur vos gardes, de crainte que votre c½ur ne s'alourdisse dans la débauche, l'ivrognerie et les soucis de la vie". Ces soucis dont parle l'évangile ne sont pas des petits tracas quotidiens ou encore de faux problèmes pour s'occuper l'esprit, non le terme grec utilisé signifie plutôt le souci qui déchire le c½ur, qui divise notre âme, qui fait souffrir notre conscience et notre être tout entier. Il est ce souci qui vous donne mal l'âme et au corps. Une blessure béante qui met tant de temps à pouvoir se cicatriser avec parfois cette impression tenace qui nous fait penser que jamais nous arriverons à dépasser ce qui fait cette lézarde inférieure. Une lézarde, un gouffre qui nous donne un vertige à nous faire perdre la tête. Et voilà qu'aujourd'hui le Christ nous fait découvrir que c'est au c½ur même de ces soucis profonds qu'il se révèle, se dévoile à nous comme une lumière ténue au c½ur de nos ténèbres. Nous pourrions même aller jusqu'à dire que notre épiphanie, notre manifestation de Dieu se réalise souvent dans le lieu de nos fragilités comme si Dieu se glissait tendrement en nous dans nos failles pour venir nous donner un peu de baume au c½ur et à l'âme. De la sorte le récit apocalyptique de l'évangile s'adoucit et nous fait découvrir ce visage de Dieu tel qu'il nous est révélé dans la première lecture : "le Seigneur-est-notre-Justice". Une justice non pas humaine c'est-à-dire une justice qui juge et condamne. Non plutôt une justice divine c'est-à-dire une justice dont les racines s'enfoncent dans l'amour à notre égard. Un amour qui connaît nos vies. Un amour qui déborde de cette affection dont nous avons toutes et tous tant besoin. En ce temps d'avent, Dieu, notre Dieu, Celui qui se révèle à nous en Jésus Christ nous fait découvrir que sa justice s'inscrit au c½ur de nos êtres, dans l'empire personnel de nos vulnérabilités. Et finalement c'est assez normal.

Ne reconnaissons-nous pas les meilleurs temps d'amitié comme étant ceux où les personnes se sont racontées sensibles, se sont fragilisées en toute confiance ? Lorsque la vie nous offre de tels temps de bonheur nous découvrons, redécouvrons que la fragilité fait la beauté de l'être. Elle n'est pas à craindre. Il n'y a pas lieu de l'occulter. Elle devient lieu de résidence, de révélation de Dieu. Si le débauche et l'ivrognerie existent bel et bien, ils sont signes de notre incapacité à gérer ces fragilités. Que ce temps d'avent soit pour nous un moment privilégie de repartir à la découverte de nos soucis véritables. De les reconnaître comme tel et puis de les poser tendrement en toute confiance en Dieu. Alors toutes et tous nous pourrons nous trouver debout devant le Fils de l'homme. Cela se vit de manière toute simple. Le dépôt de nos soucis est aussi une superbe forme de prière. Et c'est à cela que l'évangile nous invite aujourd'hui. Amen.

23e dimanche ordinaire, année C

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2000-2001

Quand j'étais adolescent, au grand dam de mes parents il est vrai, j'avais une admiration sans borne pour un chanteur français. J'écoutais toutes ces chansons et ma grand-mère, comme toute bonne grand-mère, c'est-à-dire complice de ses petits-enfants, m'envoyait les articles qu'elle trouvait sur ce chanteur. Pour rien au monde je n'aurais raté une de ses émissions de télévision même si nous n'avions que la RTBF en noir et blanc à cette époque-là. Je vous disais au grand dam de mes parents parce que le chanteur était tout simplement Claude François. Pour eux, il n'était pas une référence culturelle et spirituelle absolument nécessaire à mon épanouissement personnel. Ce fanatisme m'est passé, je vous rassure même si aujourd'hui lorsque j'entends une de ces chansons, les paroles me reviennent à l'esprit.

Je ne suis pas sûr que Claude François, de son vivant, ait jamais imaginé qu'un jour il servirait d'exemple pour aider à la compréhension d'un évangile. Et pourtant c'est à cet exercice que je souhaite me livrer. Claude François pour moi, je ne sais qui pour d'autres. A une époque de nos vies, nous avons eu ou nous avons encore des modèles médiatiques que nous admirons. Ces derniers appartiennent parfois au domaine de la chanson, parfois à celui des sports, de la culture ou encore de la politique. Et notre société continue de favoriser cela en proposant des programmes où l'aventure est extrême, à la limite d'une certaine éthique. Nous nous passionnons et nous oublions que ces prouesses spectaculaires supposent souvent des années d'abnégation, d'efforts inconditionnels ainsi qu'une minitieuse préparation physique, psychologique et technique. Il leur a fallu tant de temps à tous ces gens et nous ne pouvons pas nous contenter d'un simple éblouissement. S'il en va ainsi pour nos idoles médiatiques, à plus forte raison fait constater Jésus, il en va de la sorte dans le champ de la foi. La foi que nous sommes invités à vivre, le chemin sur lequel nous marchons ne se décide pas sur un coup de tête. La foi nous a un jour été transmise. Enfant, elle a grandi en nous puis sont venus des temps de doute, de révolte, de discernement. Et puis un jour nous nous sommes assis, nous nous sommes arrêtés pour contempler un mystère qui peut donner sens à nos existences. La route de la foi n'est pas un cul de sac mais une longue route, celle de la vie. Elle demande un effort d'intelligence, d'évaluation de ce que nous sommes, de ce que nous ressentons. Elle se dévoile à l'écoute de nos intuitions, pétris de nos relations. Un peu comme le roi, un peu comme le constructeur de la tour de l'évangile : nous réfléchissons, nous méditons. La foi en Dieu se découvre au c½ur de notre propre mystère, dans ce lieu insondable de nos êtres. Elle s'y révèle dans un silence intérieur. Ce silence-là se trouve en nous. Il est au plus profond de notre intime. Oui, c'est à cet endroit précis que la foi éclot en chacune et chacun de soi. Mais pour se faire, nous devons nous arrêter, nous asseoir face à nous-même pour mieux découvrir et aimer Celui qui a choisi de demeurer à jamais en nous. Ce n'est pas un simple exercice intellectuel mais plutôt la quête d'une émotion qui nous fait saisir que jamais nous ne serons seul. Dieu s'inscrit au c½ur de l'amour que nous vivons, que nous donnons mais aussi que nous recevons.

La foi qui nous a conduit en cette église ce dimanche est un chemin, une longue et belle route mais à condition d'y marcher dessus. En prenant le départ, en reprenant le départ après chacun de nos arrêts, nous acceptons que nous ne connaissons ni la durée, ni le tracé exact du parcours. La vie nous montre simplement que nous traverserons des obstacles mais aussi des surprises merveilleuses. Nous affronterons des moments de doute et de découragement. Nous trébucherons. Puis viendra le temps de l'émerveillement, de la joie d'avoir accompli sa vie. Pour cette performance accomplie, il n'y aura pas de récompense, de caméra. Non au bout de la route, il y a une lumière et derrière celle-ci la promesse et l'espérance d'une rencontre avec Celui qui nous aura toujours accompagné, qui aura été à nos côtés, Jésus Christ Ressuscité. Derrière la lumière, dans la foi, Dieu donnera tout son sens au chemin parcouru. Amen.