8e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Materne Pierre-Yves
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2002-2003

Quand je vivais chez mes parents, j'étais obligé d'aller à la messe chaque dimanche. Cela m'ennuyait beaucoup et je passais le temps à compter les pavés de l'église ou bien à rêver. D'ailleurs, je ne voyais pas où le prêtre voulait en venir, manifestement il ne parlait pas la même langue que moi. C'est en partie à cause de cela que j'ai voulu être dominicain, pour dire Dieu dans les mots d'aujourd'hui.

Lorsque mes camarades découvraient que j'allais à la messe, ils trouvaient cela ringard. Le dimanche, il y a des choses plus palpitantes à faire (du sport ou de la musique, par exemple). En plus, ils m'ont fait prendre conscience que j'allais à la messe par habitude et par obligation. Des amis d'école m'ont provoqué à faire un pas de plus : chercher quel pouvait être le sens de cette vieille pratique religieuse. Je peux dire qu'ils ont réussi car aujourd'hui je ne viens pas ici par obligation mais par choix. Ainsi, je donne un sens nouveau à une pratique ancienne.

Jésus nous invite tous à aller dans cette direction. Quand les pharisiens l'attaquent et lui reprochent le fait que ses disciples ne suivent l'obligation du jeûne régulier, Jésus répond en insistant sur la nouveauté de la situation. Il n'est plus question d'habitudes mais de liberté. Les compagnons de Jésus sont libres de vivre leur foi à la manière de celui-ci. Les règles anciennes sont à réévaluer afin d'être ajustées au contexte de la vie. Il y aura du sens à jeûner lorsque les amis du Christ éprouveront leur besoin de conversion, notamment suite au départ de leur Maître, " le jour où l'Epoux leur sera enlevé ".

C'est pourquoi il vaut mieux ne pas mettre du vin nouveau dans de vieilles outres. Les outres sont des grandes gourdes faites en peau d'animal. Une fois remplie, l'outre subit la pression du vin qui fermente. Une vieille outre ne résiste pas à cette pression. Elle éclate. Jésus, qui aimait le vin (ses adversaires le traitaient d'ivrogne), utilise cette comparaison pour dire qu'une réalité nouvelle, un message nouveau exige une nouvelle manière d'être et de faire. On ne peut pas accueillir un nouveau message et rester collés aux vieilles habitudes. Donc, nos pratiques n'ont de sens que si elles sont mises au service d'une nouvelle vision des choses. Elles viennent soutenir notre croissance humaine et spirituelle.

Nous pouvons appliquer cette approche à l'eucharistie. L'essentiel n'est pas la quantité de messes auxquelles on va. L'essentiel est la nouveauté que l'eucharistie crée en nous : un regard nouveau sur le monde, sur la vie ou encore une conscience plus vive de la présence de Dieu, ou encore un sentiment de fraternité...

Je ne sais pas ce qui vous amène ici : l'habitude, la musique, les paroles du prédicateur, la prière...Les motivations sont multiples et variées.

Nous sommes libres de venir ou de ne pas venir. Et vous choisissez de venir. En venant à l'église, chacun s'expose aux remarques de ses voisins : la messe, c'est rétrograde, c'est ennuyeux, c'est une perte de temps. C'est vieux. Autrement dit, elle est un vin qui a vieilli. Or, soit on y voit du vinaigre (ennui, perte de temps), soit on y voit un grand cru (quelque chose qui fait du bien). Et Jésus ne renie pas le vieux vin mais les vieilles outres ! En la personne du Christ, l'eucharistie est aussi un vin nouveau.

Si nous voulons goûter ce vin nouveau, nous sommes invités à nous renouveler, à devenir une outre solide. La messe nous y aide car elle est un moment de ressourcement, de partage et de vérité sur nous-mêmes. Elle donne l'occasion de recharger nos batteries pour la semaine. On n'en sort jamais exactement comme on y est entré. Elle nous transforme pour que, comme une outre nouvelle, nous gardions une nourriture qui nous aide à avancer sur la route, en compagnie de nos frères et s½urs, à la suite de Jésus.

Amen.

Commémoration de tous les fidèles défunts

Auteur: Collin Dominique
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A, B, C
Année: 2002-2003

 

 

J'ai lu ce week-end un article d'un quotidien belge intitulé " Mais la mort a-t-elle encore un sens ? ". Cet article était signée par la vice -présidente de la Société française de Thanatologie. Société de thanatologie, quelle surprise ! On connaît pas mal de sociétés savantes, mais je n'en connaissais pas qui s'intéressaient à quelque chose d'aussi bizarre et d'aussi macabre : la mort ! Cette société a-t-elle été fondée pour nous apprendre ce qui n'est pas nouveau et semble bien connu depuis fort longtemps : nous sommes mortels ; la mort est la fin inéluctable de toute vie ?

Mais peut-être que le but de cette Société est de nous réapprendre que, si la mort est inéluctable, il faut donc prendre position par rapport à elle. La mort, parce qu'elle pose une fin absolue à notre désir de vie, de relations épanouissantes, de bonheur, nous oblige à nous reposer la question de notre relation à elle. Car, devoir mourir est un des problèmes fondamentaux de l'existence : comment dois-je vivre en sachant que je dois mourir ?

Or, le silence des morts pèse sur les vivants. La mort est une réalité, une des plus assurées pourtant, dont nous n'aimons guère parler. Sentiments confus de gêne, de peur ou d'incertitudes quant à notre sort après la mort nous font préférer taire la mort. Cette angoisse devant la mort est elle-même un mystère : s'il est vrai que tous les êtres vivants sont des " mortels ", que la mortalité fait partie intégrante du processus naturel, nous ne devrions éprouver en face d'elle aucune angoisse. La mort est le terme biologique de toute vie. Un point c'est tout. Mais alors, pourquoi s'angoisser devant cette réalité toute naturelle ? N'est-ce pas plutôt que nous éprouvons, secrètement, que nous ne sommes pas faits pour la mort ? N'y aurait-il pas en nous un désir de sens et de plénitude qui ne peut être comblé par une fin aussi irrévocable que la mort ?

Un philosophe français, Gabriel Marcel, a magnifiquement exprimé ce désir, lorsqu'il écrivait : " Aimer un être, c'est lui dire : toi, tu ne mourras pas ". Bien sûr, ce mot, " tu ne mourras pas ", les faits le démentiront puisque chacun doit mourir. De ce point de vue, il s'agit peut-être de se faire consciemment illusion à soi-même. Mais de l'autre côté, il est vrai que celui qui aime a le droit et le devoir d'espérer que la fidélité de son amour est plus grande que les faits, plus forte que mort. Ce " tu ne mourras pas " - et avec lui l'amour qui parle ainsi - n'est certes pas possible si la finitude et la mort ont le dernier mot. Mais n'est-il pas davantage vrai quelque part que l'homme aimé n'est pas totalement mort quand la mort l'a saisi puisque c'est au nom de cette même fidélité que chacun de nous se souvient plus fortement en ces jours d'un mari ou d'une épouse, d'un enfant, d'un membre de sa famille ou d'un ami, tous disparus à nos yeux, mais bien vivants dans notre c½ur ? Oui, aimer un être, c'est lui dire : toi, tu ne mourras pas.

Si une telle affirmation n'est pas absurde ou impossible, n'est-ce pas parce que quelqu'un de plus grand que notre c½ur ou notre esprit, quelqu'un plus grand que la mort, nous adresse en son Fils ces mots : " Je t'aime, toi, tu ne mourras " ? Tel est bien le sens de ce que nous avons entendu dans l'évangile : " La volonté de mon Père est que tout homme obtienne la vie éternelle ".

Ce désir de ne pas voir mourir l'être aimé, tout simplement parce que nous l'aimons et que la mort ne peut pas être le dernier mot à la fidélité, Dieu notre Père nous en garantit la vérité et la puissance de vie. Oui, quand nous aimons, il y a une force de vie qui transfigure la mort. " Moi, je le ressusciterai au dernier jour ", dit Jésus. Ce n'est pas une illusion ou une vaine promesse. Cette Parole a toute la force de l'amour : " aimer un être, c'est lui dire : toi, tu ne mourras pas ".

Amen.

 

Fête de la Dédicace

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A, B, C
Année: 2002-2003

Jn 2, 13-22

Dans la vie, il y a parfois des colères qui nous envahissent et dévoilent certaines zones d'ombre de nous-mêmes que nous n'arrivons pas encore à gérer convenablement. Puis il y a également des colères qui sont beaucoup plus saines c'est-à-dire qu'elles ne font plus référence à notre être mais à des situations que nous estimons à ce point inacceptables qu'il ne nous est plus possible de nous exprimer autrement que de cette manière. Il s'agit alors de ce que nous pourrions appeler de saintes colères. Elles sont saintes car leur expression va permettre à la vie d'évoluer, d'aller vers un mieux. Et c'est en ce sens que nous pouvons comprendre l'état d'esprit qui a animé le Christ dans l'extrait d'évangile que nous venons de lire.

Sa colère est sainte tellement était pour lui intolérable la manière dont certains êtres humains avaient trahi la religion qui est, par définition, ce qui relie Dieu à sa création. En effet, pour lui, vivre uniquement de sacrifices, c'est risquer d'entrer dans une religion exclusivement rituelle, une religion qui peut se pratiquer sans pour autant se vivre. Il suffit d'accomplir simplement un ensemble de prescrits pour avoir sa conscience apaisée mais sans vivre pour autant une transformation intérieure profonde. Dieu semble ne pas tolérer une foi ne s'exprimant que dans des formes, des pratiques rituelles. Il attend que notre foi se vive, se voit dans la manière dont nous conduisons nos existences.

Accomplir un rite tout en continuant de cracher sur celles et ceux qui nous entourent est non seulement un mensonge mais un contre-témoignage d'évangile, un scandale pour la foi. Seule la sainte colère peut répondre à une telle hypocrisie. Mais avant de chercher autour de nous des exemples de personnes qui pourraient sembler vivre leur foi de la sorte, posons-nous en vérité la question de savoir si ce n'est pas dans notre propre temple que Jésus vient mettre un peu d'ordre.

Le temple de Dieu est sacré et ce temple c'est vous, clame saint Paul dans sa Lettre aux Corinthiens. Nous sommes donc bel et bien le temple de Dieu sur cette terre. Nos églises ne sont donc pas le seul vrai lieu de notre foi. Elles sont des espaces qui nous permettent de nous rassembler, de méditer, de partager cette foi qui nous fait vivre. Elles sont donc un lieu de la foi mais le lieu de la foi par excellence, il est en nous, dans ce temple de Dieu qui nous constitue. En d'autres termes, nous pourrions même dire que nous sommes aujourd'hui encore et toujours la maison que Dieu construit. La maison que Dieu construit et non pas la maison que Dieu a construit. Il ne s'agit pas d'un acte épisodique d'un passé à jamais révolu. Il s'agit plutôt d'un présent continu. Dieu continue à nous construire. Comment ? Non pas par des rites vidés de leurs sens mais par des rites empreints de sa présence divine. Certains se demanderont sans doute comment il est possible d'évaluer nos rites de foi ? Cela peut se faire très simplement.

Si notre vie humaine est en contradiction avec notre vie de foi, c'est que nos rites sont vides de sens et de vérité. Par contre, si notre vie de foi se poursuit dans les paroles, les gestes et les actes dans notre vie humaine, alors les rites prennent tout leur sens. Dieu a donc besoin de notre vérité intérieure. C'est dans un tel environnement qu'il peut venir s'établir en nous. Et être temple de Dieu, c'est reconnaître qu'il y a en chacune et chacun de nous quelque chose de sacré, c'est-à-dire quelque chose qui nous dépasse et qui va bien au-delà de nous. En tant que temple de Dieu, tout sacré que nous soyons, nous portons en nous une part de Dieu qui est plus grand que nous. Dieu prend donc à ce point son humanité au sérieux qu'il choisit de venir résider en nous. Nous avons de la valeur à ses yeux. Cela peut sembler bien prétentieux de se dire que nous sommes « temple » de Dieu.

Toutefois, ce n'est pas nous qui nous sommes octroyés un tel titre, c'est un apôtre qui nous l'affirme. Nous sommes « temple » de Dieu car nous sommes toutes et tous des êtres sacrés. Tant dans notre corps que dans notre âme. En tant que temple de Dieu, c'est notre être tout entier qui est sacré. Puissions-nous ne pas trahir cette réalité qui nous a été donnée et permettre ainsi à Dieu de continuer de nous façonner chaque jour un peu plus dans la vérité de nos relations afin de devenir sacrement de Dieu sur terre, c'est-à-dire signe visible de sa présence. De la sorte, être « temple » de Dieu n'est plus un titre donné mais un état de vie, un état de foi.

Amen

Fête de la Pentecôte

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : A, B, C
Année: 2002-2003

Je crois que je ne vous apprendrai rien en vous disant que nous sommes en l'an 2003 de l'ère chrétienne ce qui signifie que nous croyons, même si les historiens contestent cette date à quelques années près, que l'an 1 était l'année de la naissance de Jésus. Si comme la tradition le prétend, le Christ est mort à l'âge de 33 ans, cela veut dire que cet événement se serait passé, il y a juste 1970 ans.

Nous sommes alors face à un problème vu la fête que nous célébrons aujourd'hui : la Pentecôte, fête du don de l'Esprit de Dieu, troisième personne de la Trinité. Je m'explique. Je peux comprendre qu'il n'était pas possible comme croyant de dire avec précision que nous sommes en l'an quinze milliards, c'est-à-dire que nous n'avons pas tenu compte de l'instant de la Création du monde par Dieu. L'Eglise et la société ont estimé il y a de nombreux siècles que l'événement de la venue de Jésus était à ce point importante qu'il y avait un avant et un après d'où le désir de partir de sa naissance pour commencer à compter les années dans notre espace culturel. Il y a donc eu le temps du Père qui a créé le monde et qu'il est difficile de donner avec précision une date puis il y a eu le temps du Fils, commencé il y a 2003 années. Son temps sur terre fut assez court, puisqu'il n'aurait duré que trois décennies. Le Christ s'en est donc allé. Et d'après les Ecritures, il devait retourner auprès du Père pour permettre à Dieu l'Esprit de se répandre sur la terre.

C'est ce cadeau-là qu'il nous offre en cette fête de la Pentecôte. Nous sommes donc entrés dans le temps de l'Esprit. Je me demande alors pourquoi ne pas avoir pris ce temps au sérieux car si nous l'avions fait, nous aurions commencé à compter les années à partir de l'événement de la Pentecôte et nous serions en fait un 1970. Ce qui nous permettrait de fêter dans trente ans une nouvelle fois l'an 2000.

Certains me diront que ces dates importent peu et ils ont sans doute raison. L'événement de l'Incarnation est trop important pour ne pas être reconnu comme le début d'une nouvelle ère. Toutefois en ayant compté de la sorte, nous avons pris le risque d'oublier l'importance de ce troisième temps de la divinité. Le temps de l'Esprit dans lequel nous sommes entrés par la Pentecôte et duquel nous ressortirons lorsque le Christ reviendra sur terre c'est-à-dire lorsque la création sera accomplie. Mais en quoi ce temps de l'Esprit est tellement important, voire même essentiel pour nous ? Prendre conscience de ce fait, nous permet de découvrir que Dieu ne nous a jamais laissé seuls dans cette aventure de la vie et de notre humanité. C'est dans la foi, que nous sommes invités à entrer dans ce mystère de l'Esprit-Saint.

Si le Christ dit la vérité, ce que j'espère nous reconnaissons, alors nous devons prendre au sérieux cette idée que Dieu est encore et toujours à l'½uvre dans ce monde par l'intermédiaire de l'Esprit. Mais avons-nous déjà expérimenté la présence de l'Esprit de Dieu dans nos vies ? Est-ce un rêve, une utopie ou encore une naïveté déconcertante ? Personnellement, comme beaucoup d'entre vous le savent si vous êtes attentifs durant mes homélies, je crois qu'il y eu ces trois temps de la divinité dans l'histoire de notre humanité : le temps du Père au moment de la Création, le temps du Fils qui vient achever celle-ci tout en nous proposant un chemin de vie et de vérité et enfin, le temps de l'Esprit, temps dans lequel nous vivons, où Dieu accompagne chacune et chacun de nous là où nous en sommes. Il nous prend par la main et marche à nos côtés mais d'une manière très étonnante.

En effet, l'Esprit de Dieu n'est pas à l'extérieur de nous mais il est en chacune et chacun de nous. C'est par nous que Dieu s'exprime. Par notre baptême, nous sommes devenus temple de l'Esprit-Saint. Dieu se révèle à sa création de la sorte. L'Esprit de vérité, celui qui a été offert à la Pentecôte, inhabite chaque être humain. Alors, effectivement, Dieu est à l'½uvre parmi nous mais par nous. Ne le cherchons pas dans un ailleurs en regardant vers le Ciel, lieu de la vie éternelle. Cherchons-le plutôt là où il réside c'est-à-dire dans celles et ceux que nous rencontrons. Dieu le Père et Dieu le Fils peuvent nous sembler bien silencieux mais Dieu l'Esprit est très bavard. Tellement bavard que s'il demandait d'entrer chez les dominicains ici en Belgique et bien, je crois bien que je l'accepterais.

Dieu l'Esprit est loquace et parle au travers de nous. Que l'Esprit de Dieu qui est en nous nous ouvre notre c½ur et notre esprit pour que nous puissions dans la tendresse de la foi l'entendre lorsqu'il s'adresse à nous par l'autre, celui ou celle que nous aimons ou qui ne fait que croiser notre chemin. Dieu l'Esprit aime nous surprendre. Il n'est pas toujours là où nous l'attendons et pourtant il est bien présent. Telle est la promesse de la Pentecôte.

Amen.

Le Corps et le Sang du Seigneur

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A, B, C
Année: 2002-2003

Même après des années, je n'arrive toujours pas à m'y faire lorsque je passe devant une télévision au moment des informations. Est-il nécessaire de montrer autant de violences, de morts ou de blessés ? Pourquoi tant de litres de sang en quelques images ? Je me suis souvent demandé si cela avait une fonction rassurante. Comme si, tant que je vois ces horreurs ailleurs, je me dis finalement que je ne suis pas si mal chez moi, que ma vie va plutôt bien.

Non pas que je me réjouisse du mal de l'autre, mais après l'émotion passée, je suis rassuré là où je suis face à autant de violences. Et c'est vrai qu'elles sont nombreuses. Il y a toutes ces violences physiques dont les journaux n'arrêtent pas de parler ou que certains vivent parfois quotidiennement. Mais il y a également une série de violences plus insidieuses, plus sournoises et qui petit à petit se sont installées en nous ou autour de nous.

Il y a d'abord la violence des mots, ceux qui font mal lorsqu'ils vous transpercent soit parce qu'ils sont injustes, soit parce qu'au-delà de la vérité qu'ils décrivent, nous ne sommes pas prêts à les assumer. Il y a ensuite la violence dans la communication lorsque nous ne nous sentons pas écoutés ou encore lorsque l'autre s'autorise à nous couper la parole car lui il connaît déjà la suite de notre pensée et alors se met à parler tout simplement d'elle ou de lui et parfois de manière interminable.

Il y a également la violence sociale qui invite les êtres humains à entrer dans un certain moule duquel il n'est pas bon de sortir. Il est d'ailleurs étonnant de constater que celles et ceux qui sont considérés comme des grands de ce monde tels que Gandhi, Mère Thérèsa, S½ur Emmanuelle sont des personnes qui sont sortis des sentiers établis. La violence existe donc bien car elle est inscrite en chacune et chacun de nous. Pour pouvoir la gérer, nous devons accepter cette réalité : nous sommes toutes et tous des êtres potentiellement violent.

A toute violence vécue, instinctivement nous sommes pris d'un désir de répondre de la même manière. Et dans l'histoire de l'humanité, le Christ est le premier homme qui a refusé de répondre à la violence par la violence. Il a choisi de verser son sang pour nous. Ce n'est pas quelque chose que les êtres humains lui ont pris. C'est un don offert à l'humanité entière. La veille de sa mort, Jésus nous donne son corps et son sang et nous convie par là à entrer dans une spirale de la non-violence entre nous et en nous. C'est un des sens trop souvent oublié de l'eucharistie. En effet, lorsque nous communions, nous pensons à raison d'ailleurs que nous permettons à Dieu le Fils de venir inhabiter en nous et devenons par là tabernacle de son corps et de son sang.

Cette nourriture céleste est importante pour les croyants car elle donne un autre goût à notre vie. Conscient de ce que nous venons de recevoir, nous sommes invités à enraciner nos paroles, nos attitudes dans la vie du Christ. Le corps et le sang du Christ nous nourrissent de cette manière. Ils nous relient tout simplement à Dieu par la reconnaissance de son Fils. Rassasiés, nous pouvons continuer d'avancer sur la route de la vie car nous nous savons accompagnés de la présence divine qui repose au plus profond de nous puisque son corps et son sang se sont mélangés en nous. Voilà pour ce qui est de la dimension verticale. Vient alors l'autre dimension, celle du partage. C'est ensemble que nous partageons et mangeons cette nourriture spirituelle.

A ce moment-là nous faisons vraiment communion les uns avec les autres dans cette dimension mystérieuse qui nous rassemble. C'est sans doute une des raisons pour lesquelles au début de l'ère chrétienne, l'eucharistie s'appelait " les agapes " qui vient d'agapè c'est-à-dire l'amour.

L'eucharistie était le repas d'amour par excellence. La Fête du Corps et du Sang du Christ que nous célébrons aujourd'hui nous rappelle alors que l'eucharistie nous transforme et nous permet de faire communauté ensemble. Mais pour que cela puisse se vivre dans un amour libre, puissions-nous ne jamais oublier cette autre dimension et nous rappeler tout à l'heure lorsque nous communierons que nous nous engageons à bannir dans nos c½urs, nos actes, nos paroles en fait dans nos vies, tout ce qui pourrait tuer, blesser, faire saigner, au propre et au figuré, un frère ou une s½ur en humanité. Communier n'est donc pas un acte anodin. C'est divin.

Amen.

Noël

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps de Noël
Année liturgique : A, B, C
Année: 2002-2003

Je ne sais pas si vous le savez mais les anglais rient de nous. Non pas du fait que nous soyons belges, d'autres s'en chargent alors que ces derniers n'ont aucun humour sur eux-mêmes. Non les anglais rient de nous qui sommes francophones. Ils trouvent tout à fait incompréhensible que nous les francophones nous attendions que l'Académie française se soit prononcée pour que nous reconnaissions qu'un mot puisse être considéré comme faisant partie du vocabulaire français. Il est vrai qu'il n'existe pas une Académie anglaise qui remplit ce type de fonction. Si le mot est utilisé, il fera son entrée dans un dictionnaire et voilà que le mot se met à vivre dans la langue de Shakespeare.

Trouvant la remarque d'Outre-Manche tout à fait pertinente, je me suis dit qu'il était temps de se mettre, en ce temps de Noël à inventer des mots et de clamer bien fort que je me moquais de savoir ce qu'en penseraient les académiciens de Paris. Il y a quelques semaines, je proposais le mot " victimisé " pour décrire ces gens qui se font passer pour victime alors qu'ils ne le sont pas du tout et donc, par leur attitude sont une insulte aux vraies victimes. Cette nuit, je vous propose un nouveau verbe " imprévoir ".

Reconnaissons-le, il n'est pas toujours aisé de faire face à l'imprévu car ce dernier bouleverse nos plans, nos certitudes. L'imprévu peut être tellement dérangeant que, comme je vous le disais, même la langue française n'a pas prévu le verbe " imprévoir ". Je l'ai donc inventé. Imprévoir est un verbe paradoxal par essence, car il ne m'est pas possible d'imprévoir quelque chose puisque si je l'imprévois, d'une certaine manière je prévois de ne pas prévoir. Certains se disent peut-être que ce ne sont que des mots. Et pourtant, si je veux entrer dans le mystère de ce Dieu qui s'incarne en notre humanité en cette nuit de Noël, je dois quelque part l'imprévoir. Ce qui n'est pas évident à faire tant nous aimons contrôler ce qui nous arrive, avoir une emprise sur les événements et parfois sur les personnes. Maîtriser les choses et les gens pour se sécuriser. Prévoir me rassure, imprévoir peut me donner le vertige puisque je n'ai plus de prise. Pour dépasser cela, toutes et tous nous sommes invités à faire, à refaire constamment un chemin d'abandon où nous lâchons prise c'est-à-dire où nous faisons tout simplement confiance. Confiance en la vie, confiance en un Dieu qui se révèle à nous de manière tellement imprévisible.

Mais l'imprévisible du divin n'est pas si éloigné de notre quotidien. En effet, c'est lorsque je me mets à imprévoir que souvent des choses se passent. Qui d'entre nous n'a pas vécu cette expérience où désirant trouver l'âme s½ur se met à la chercher à tout prix et finit par tomber dans sa solitude puisqu'elle ne vient pas. De dépit, s'arrêtant alors de chercher, voilà qu'elle apparaît. Cela vaut pour l'âme s½ur comme pour tant d'autres petits événements ou désirs à réaliser. Il paraît que cela s'appelle la loi de Murphy, tiens voilà nos anglo-saxons qui reviennent.

Selon cette loi, si nous nous attendons à quelque chose rien n'arrive et lorsque nous n'y pensons plus, cela vient. Comment est-ce possible ? Peut-être tout simplement pour la raison suivante : lorsque nous prévoyons, nous contrôlons, nous ne sommes plus pleinement naturels, plus nous-mêmes, nous réfléchissons trop. Quand nous imprévoyons, nous redevenons qui nous sommes, nous nous abandonnons à la vie, nous nous ouvrons au temps qui s'écoule à notre rythme, en fait nous permettons à la liberté de s'épanouir à nouveau puisque nous avons choisi de ne plus maîtriser. Imprévoir nous rend plus disponible, plus ouvert au changement, plus capable de nous remettre en question. Imprévoir exige cette confiance au mystère qui nous rassemble.

En effet, l'imprévu est de l'ordre du divin. Dieu refuse que nous l'enfermions dans des cases comme nous le faisons trop souvent avec nos contemporains. Il se révèle à nous là où nous ne l'attendions pas, dans l'imprévu de la crêche. Nous aurions pu l'imaginer arriver sur un nuage entouré d'une armée d'anges pour régner sur notre terre. Et voilà qu'il veut nous surprendre, nous imprévoir, nous convier à le découvrir là où il se laisse dévoiler dans la simplicité, dans la fragilité de l'existence. Dieu s'est fait homme. Dieu s'est fait bébé. Non pas pour nous impressionner mais pour que nous acceptions que c'est dans l'accueil de cet imprévu que le flot de la vie peut s'écouler.

Un enfant nous est né, un sauveur nous est donné. Et face à l'enfant de la crêche nous ne pouvons qu'imprévoir ce que Dieu essaye de nous dire. Cette nuit, il nous envoie un signe. Celui de reprendre du temps pour remettre de la confiance, dans la vie, dans les relations. Prendre le temps de se réapproprier le plaisir de s'abandonner. Etre face à nos existence comme l'enfant Dieu dans sa crêche : c'est-à-dire en toute confiance, pétri d'une espérance en ce Dieu qui se révéle à nous et en nous, dans nos lieux de fragilité là où brille notre vérité intérieure. Dieu ne se maîtrise pas. L'être humain ne se maîtrise pas. Dieu s'imprévoit et s'invite chez nous, ici, sur terre cette nuit pour qu'une fois encore nous nous laissions surprendre par ce chemin de vie qu'il nous propose. Et le chemin de Dieu, c'est tout tendrement ce bonheur à trouver en nous et entre nous. Ce bonheur porte le visage d'un enfant, d'un tout-petit.

A chacune et chacun de nous de comprendre ce que la lumière de l'enfant-Dieu vient nous dire en cette nuit de Noël. Et pour ce faire, quittons nos désirs de puissance et de contrôle, lâchons prise et laissons de l'espace au temps pour que l'imprévu de Noël nous illumine de son mystère dans la confiance et l'espérance que la vie est belle et vaut tellement la peine d'être vécue passionnément. Si c'est vraiment cela Noël, alors Joyeux Noël.

Amen.

Saint Pierre et Saint Paul

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A, B, C
Année: 2002-2003

Dans le film Good Will Hunting datant de quelques années déjà, il y a une scène que je voudrais vous résumer. Il s'agit de celle où Robin Williams jouant le rôle de psychologue emmène avec lui dans un parc Matt Damon, jeune rebelle sur-doué et dévoreur de livres. Par son intelligence, ce jeune comprend tout ce qu'il lit et dispose d'une mémoire extraordinaire. Il comprend rationnellement mais non pas émotionnellement. Dans ce fameux parc, Robin Williams lui rappelle qu'il a sans doute les compétences intellectuelles pour décrire la peinture du plafond de la Chapelle Sixtine, mais que tant qu'il n'y est pas allé lui-même, il ne pourra jamais décrire ce que cela fait d'être debout dans cette chapelle et de prendre le temps de regarder l'½uvre de Michel-Ange. Puis, il lui dit : tu peux croire que parce que j'ai lu de nombreux livres de psychologie, je peux te comprendre. Mais là est ton erreur. Je ne pourrai te comprendre qu'à partir du moment où tu te mets à dire qui tu es, à te raconter.

Et c'est ce que nous faisons toutes et tous dans la vie. Tant que nous ne disons rien de nous, les autres peuvent juste imaginer, souvent à tort d'ailleurs, qui nous sommes. Par contre, lorsque nous nous mettons à parler de nous, alors effectivement, par ce dévoilement, l'autre peut apprendre à me connaître, voire même à m'apprécier. Toutes et tous, nous avons une histoire et n'est-ce pas le propre de toute histoire de se raconter ? Ce besoin est en nous.

Lorsque l'un ou l'une d'entre nous ne peut plus se raconter, il y a une rupture qui s'installe en la personne car je n'ai plus personne à qui me dire. Temps de déprime, temps de solitude car la vie nous impose quelque chose qui va à l'encontre même de notre définition d'être humain. Chaque être est un être narratif, c'est-à-dire un être qui est invité à se laisser raconter, à se laisser dire parce qu'il prend conscience que son histoire est unique, merveilleuse quelque part même si certaines pages sont entachées d'une encre peut-être parfois un peu trop sombre à ses yeux. Pourtant, elles font également partie du livre de la vie. Et voilà qu'aujourd'hui, Jésus se met à nous surprendre. En effet, il ne désire pas se raconter, se dire. Cela semble étonnant.

Peut-être ne le peut-il pas parce que Dieu d'une certaine manière ne se dit pas. Lui, ne se dit pas mais il se laisse cependant découvrir d'une manière très surprenante. A chacune et chacun de nous, il adresse cette fameuse question : " et vous, qui dites-vous que je suis ? ". Et il attend notre réponse. Jésus n'a pas besoin que nous ayons lu des livres entier sur lui, que nous ayons fait des années d'étude pour dire qui il est. Il ne nous demande pas de nous situer par rapport à tout ce qu'il a fait lors de son passage sur terre. En effet, ses mots ne sont pas " et pour vous, que dites-vous que j'ai fait ? " Sa question est de l'ordre non du faire mais bien de l'être. Pour vous qui suis-je ?

Certains le reconnaissent comme Fils de Dieu, d'autres comme un être humain extraordinaire qui avait compris le sens du projet de Dieu sur son humanité, d'autres encore comme un homme ayant une grande éthique. Les définitions sont évidemment nombreuses et il n'est pas possible de les lister toutes. C'est non seulement impossible mais en plus non nécessaire. Puisque le Christ attend notre réponse personnelle.

C'est donc à chacune et chacun d'entre nous d'y répondre dans notre for intérieur. Et sans s'inquiéter de la justesse de nos propos. Si les disciples qui étaient les intimes de Jésus ont mis tant d'années à le reconnaître comme étant vraiment Dieu, je pense que celui-ci peut également accepter certaines de nos hésitations. Dieu nous prend là où nous sommes sur notre chemin, il attend de nous que nous soyons vrais dans ce que avons à lui dire. Notre réponse variera ou a sans doute varié au cours de nos existences respectives et c'est normal puisque la réponse dépend de la relation que nous avons établie avec lui. Et dans cette relation, nous avançons chacune et chacun à notre rythme. Mais, c'est en elle, que nous trouverons les mots nécessaires pour le dire. Il ne me reste alors qu'à nous laisser avec cette question " Et vous, qui dites vous que je suis ? " et nous donner le temps de lui répondre.

Amen.

Tous les Saints

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A, B, C
Année: 2002-2003

Il y a quelques années, j'ai eu le plaisir de rencontrer une des s½urs qui faisait partie du Conseil général de la congrégation fondée par Mère Térésa, récemment béatifiée. Elle disait à celles et ceux qui participaient à cette conversation à quel point cette dernière était autoritaire et contrôlait tout. Une telle remarque rendait évidemment ce personnage déjà si médiatique moins sympathique. Mère Térésa, femme autoritaire ?

Etonnant d'entendre cela à propos de quelqu'un qui a donné sa vie pour un si bel objectif. Elle serait donc moins sainte qu'on aurait pu le croire. Ce n'est pas dit. Cela dépend de la manière dont est comprise la sainteté. Les saints, constate Charles Singer dans Terre aux Editions du Signe, sont très souvent devenus des images figées dans des vitraux ou collées sur certains murs où ils ne dérangent plus grand monde. Un certain art religieux, une certaine théologie et une certaine piété, poursuit cet auteur, ont proposé des saints et des saintes qui n'ont plus rien d'humain tellement ils dégoulinent de mièvrerie. Ils ont des corps androgynes, comme s'il fallait renier sa masculinité ou sa féminité. Leurs têtes sont légèrement penchées comme pour acquiescer et jouir à l'avance des mauvais coups à endurer pour plaire à Dieu. Leurs mains sont jointes, comme pour serrer sur quelque trésor unique et surtout refuser de toucher au monde si souillant. Leurs lèvres sont closes en un sourire béat, comme pour éviter de goûter aux plaisirs des sens. Les couleurs de leurs vêtements sont bleu pastel et rose doux, comme pour gommer toute agressivité. Présenter les saintes et les saints de la sorte, c'est fournir des images trompeuses, voire même mensongères.

En effet, les saints et les saintes sont des traces de Dieu au c½ur de notre monde. Tout au long de leur vie terrestre, par leurs actes et leurs paroles, ils donnent à voir et à entendre Celui qui habite au plus profond d'eux et qui donnent sens à leur existence c'est-à-dire Dieu. Ces hommes et ces femmes sont réels, avec leur esprit et leur corps, avec leurs mains et leurs engagements, avec leurs fragilités et leurs forces, avec leur bonheur de vivre et leurs souffrances. C'est de cette manière, dans leur profonde humanité qu'ils sont les véritables reflets de Dieu. Par leur façon de vivre, ils sont les vraies traces de Dieu sur terre et donc sont loin d'être des superhéros. En d'autres termes, par leur justice et leur bonté, par leur travail solidaire et leur pauvreté, par la réalité de leur vie, ils sont, dans la réalité terrestre, les traces visibles de l'amour de Dieu invisible, conclut Charles Singer. Et combien cet auteur a raison car les saintes et les saints, sont comme nous, loin d'être parfaits. Heureusement d'ailleurs car s'ils étaient parfaits, ils n'intéresseraient sans doute personne sauf peut-être quelques magazines spécialisés présentant des êtres qui n'existeraient nulle part ailleurs que sur leurs photos glacées car ils ne feraient plus partie de l'humanité réelle.

Un certain type de piété, de théologie, d'art religieux ont donc mis dans la culture des représentations de perfection lisse, sans aspérités, de douceur tellement douce qu'elle en devient mièvre, fade. Détrompons-nous et rejetons de telles images, les saints collectionnent les défauts et c'est la raison pour laquelle, ils sont nos frères et s½urs en humanité. C'est ainsi qu'ils sont les traces de Dieu, puisqu'à travers leur défaillante humanité ils laissent émerger la toute puissante passion de Dieu pour ses créatures. Les saints ne sont donc ni sur les autels, ni dans certains livres pieux, ni dans les peintures ou les vitraux. Les saintes et les saints sont sur la terre.

S'inspirant de l'esprit de l'évangile, animés par l'esprit du Christ, ces hommes et ces femmes font progresser l'humanité vers la vie en grand. Ils et elles sont ici. Parmi nous. C'est vous, c'est moi. En Dieu, l'appel de la vie est un appel à la sainteté. Non pas une sainteté dégoulinante de mièvrerie, mais une sainteté façonnée par notre réalité terrestre, à partir des êtres que nous sommes. Par le témoignage de notre foi, nous devenons signes visibles de la présence de Dieu sur notre terre. C'est de cette manière que s'exprime notre sainteté. Notre ombre et notre lumière la constituent. S'il en est ainsi, malgré ses propres défauts, Mère Teresa était une sainte et il est heureux qu'elle ait été reconnue comme telle. Ne craignons plus le tout de notre être et devenons, animés par l'Esprit Saint, traces de l'amour de Dieu sur cette terre.

Amen.

Veillée pascale

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Triduum pascal
Année liturgique : A, B, C
Année: 2002-2003

Pour comprendre le mystère de la résurrection, commençons par reproduire les interrogations de Dupont et Dupond dans Tintin. L'un de dire : " tu crois qu'on peut comprendre ", et l'autre d'ajouter : " je dirais même plus, tu comprends qu'on puisse croire ". Ou encore, dans une autre bande dessinée, " Ils sont fous ces romains " se plait à répéter Obélix au cours de ses nombreuses aventures avec Astérix. " Ils sont fous ces chrétiens " pourraient alors se mettre à crier celles et ceux qui ne partagent pas notre foi. Il y a donc un brin de folie dans la foi qui nous rassemble en cette veillée pascale. Notre folie est celle de croire que le tombeau n'a pas été vidé par quelques personnes malintentionnées mais que Jésus qui y avait été déposé est bien ressuscité. Si ce n'est pas de la folie de croire en cela, il faudrait me l'expliquer.

En effet, croire en la résurrection est quelque chose d'étonnant car personne ne peut affirmer avec précision ce que ce mot veut dire, quelle réalité il tente de décrire. Un peu comme si lorsque nous parlons de résurrection, nous entrions dans un monde où tous les mots se mettent à trembler. Parce que la résurrection est le seul mot dont nous ne connaissions rien par définition. Alors, il ne nous resterait plus qu'à nous en aller, quitter cette église ? Non car la résurrection explose dans un silence qui ne peut s'entendre nulle part ailleurs si ce n'est en Dieu. Par là, nous découvrons que la résurrection n'a rien à voir avec le doute ni avec la certitude. C'est une simple affaire de confiance. Nous sommes donc face à un profond mystère qui ne peut se résoudre de manière rationnelle. Nous pouvons seulement accepter d'y entrer et de nous laisser habiter par celui-ci.

Mais pour ce faire, il n'y a, je crois, qu'un seul chemin. Le mystère de la résurrection se laisse découvrir dans la relation. En effet, c'est parce que nous sommes en relation personnelle avec le divin, que nous prenons conscience que nous vivons de sa présence. Nous pouvons alors tenter de comprendre ce qui nous dépasse. Et entrer en relation avec le divin n'est pas quelque chose d'aisé puisque nous ne le voyons pas, nous ne le sentons pas, nous ne l'entendons pas. En tout cas pas directement. Non, nous le ressentons. Comme si Dieu n'acceptait de se dévoiler que de manière indirecte à ses créatures. Dans ce chemin de foi, au départ, d'autres nous ont parlé du Christ, de sa vie, puis un jour, nous avons choisi de croire et de suivre cette route parsemée de certitudes et de doutes. La relation à Dieu, se construit alors comme toute relation. Elle prend du temps, le temps de la découverte mutuelle. Le temps nécessaire pour que nous puissions nous apprécier, nous aimer.

Puis vient le temps du silence, du bien-être ensemble. Ce temps où les mots importent peu car le silence grave en nous quelque chose de beau et que nous ne savons définir. La relation ainsi établie s'enracine en chacune et chacun de nous. Et nous la nourrissons par ce désir, ce besoin incessant de rencontres. Nous prenons alors conscience que toute relation est comme un rêve, c'est-à-dire qu'elle meurt le jour où nous les abandonnons car la relation se nourrit par les rencontres. Mais même lorsque les chemins se séparent, tout n'est pas perdu car l'être aimé habite ce que nous sommes devenus. Il en va souvent ainsi dans nos relations humaines. Il en va sans doute de même dans notre relation avec Dieu qui est à la fois présence et absence. Cette dernière nous conduit devant un tombeau où un homme vêtu de blanc nous dit : " il est ressuscité ; il n'est pas ici. Voici l'endroit où on l'avait déposé ".

Le tombeau est vide. Dieu le Fils est absent. Il est s'en est allé vers un ailleurs ou plutôt vers la vie promise pour chacune et chacun d'entre nous. Il est donc à la fois sentiment d'absence mais également de présence. Une présence que nous vivons lors de ces rencontres intimes que nous nous offrons où nous pouvons poser en lui ce que nous sommes, ce qui nous anime. Fort de cette relation, nous nous arrêtons alors autrement devant cet espace vidé de tout si ce n'est de la présence divine et nous reconnaissons que par delà le mystère de la Résurrection, nous sommes conviés à croire en une expérience merveilleuse : l'amour est plus fort que la mort. Cette dernière est vaincue et nous aussi nous en ferons l'expérience. Un jour, nous passerons de la vie à la vie éternelle. Telle est la promesse du Christ contenue dans le mystère de Pâques. Une vie par delà la vie. Nous ne pouvons pas le comprendre seulement le croire et l'espérer : oui, Jésus le Christ est vraiment ressuscité.

Que la joie de notre espérance résonne en cette nuit pascale. Amen

10e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Gihoul Luc-Henri
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2001-2002

L'originalité de l'attitude et du message de Jésus par rapport à la doctrine de l'ancien testament, pourrait se résumer en ceci : il s'est assis à la table des pécheurs et a mangé en leur compagnie. Et viennent aussitôt à la pensée les paroles du Seigneur : Ce sont ceux qui se portent mal qui ont besoin du médecin ! Je ne viens pas appeler les justes mais les pécheurs. Je veux la miséricorde et non le sacrifice...

Il vient manger avec les pécheurs pour les nourrir de sa sainteté. Si l'on suit Jésus, c'est parce qu'on a trouvé en Lui, comme St. Matthieu, la source de vie qui sauve. L'histoire de l'apôtre, sa vocation, son appel par Jésus, commence devant une table mais c'est une table sur laquelle s'alignent des colonnes de pièces de monnaie. Sa vie s'achève au pied d'une autre table, la table eucharistique où il fut mis à mort tandis qu'il célébrait « le mystère de l'autel », comme dit la tradition. L'ancien collecteur d'impôts a contresigné, du témoignage irrécusable de sa vie, le livre qui porte son nom. Le publicain Lévi est devenu St. Matthieu, apôtre, évangéliste et martyr. Matthieu ce qui signifie « don de Yahweh » parce qu'il sait entendre ces deux mots que Jésus lui adresse »Suis-moi. »

De la même façon, nous serons sauvés si nous consentons à suivre le Seigneur. Si le Sauveur nous remet nos fautes, c'est pour nous conduire à sa suite jusqu'à la sainteté. Sur les pas du Seigneur le pécheur pardonné va courir la folle aventure de faire de cette terre le royaume du ciel. Projet fou ou scandaleux !

Ce repas « avec beaucoup de pécheurs » insistera Marc, ce repas en effet, ne manquera point de scandaliser les bien-pensants de la localité. Pharisiens et scribes s'en indignent auprès des disciples. Est-ce avec ce ramassis de pécheurs qu'un Messie digne de ce titre compte relever le pays et sauver le monde ? Les préjugés sont tenaces. 20 ans après la résurrection de Jésus, des chrétiens d'Antioche refuseront aussi de prendre leur repas avec les « frères » convertis du paganisme. Jésus, lui, ne fait pas de difficulté à présider la table où se pressent tous ces pécheurs publics, honnis de la société. Il a vite relevé les protestations : ce sont les malades qui ont besoin de médecin. Puis, il conseille à ses détracteurs de méditer le passage du prophète Osée : Je préfère la miséricorde aux sacrifices. Dieu préfèrerait trouver dans le c½ur des pharisiens, observateurs minutieux des prescriptions rituelles, un peu plus de compassion cordiale pour les faibles plutôt que la rigueur de pratiques extérieures. La miséricorde lui est plus agréable que les dévotions. Aux satisfaits d'eux- même qui font sonner très haut leur réputation de vertu, Jésus assène le coup de grâce « Il est venu sauver les malheureux conscients de leur faiblesse et de leur culpabilité et non les repus d'eux même ».

Il est donc facile de conclure : tous sont « appelés » même et surtout le pécheur. C'est ce titre d' »appelés » que St. Paul, entre autres, donnera à tous les disciples, indistinctement : « tous sont appelés, sachant que nous sommes tous pécheurs et il nous justifiera. Oui, on se tromperait en réservant le mot de vocation (appel) à certains états de vie particulière ou exceptionnelle. Il n'y a qu'une seule vocation chrétienne, une vocation évangélique, la vocation à la sainteté pour tous. Vatican II nous l'a rappelé. Voir Lumen gentium Chap. 2 et 4. Tous sont appelés à partager la félicité de l'amour. Cette vocation d'amour, cet effort constant de charité nous oblige tous. La sainteté est compatible avec tous les états de vie. Elle n'exige pas que nous nous retranchions de l'existence telle que le destin nous l'offre. Tous, bien que dans des conditions de vie différentes, avons à suivre Jésus, c'est-à-dire à croire en sa parole, à nous en inspirer dans les circonstances concrètes de nos situations de vie, dans nos tâches et dans nos rencontres, dans nos réflexions et dans nos recherches, dans nos questions, nos doutes ou nos découvertes.

Toutefois, on ne peut suivre quelqu'un en restant immobile. Le mot : suivre fait image. Il évoque le mouvement. Il faut marcher, avancer, progresser, si pas toujours au même pas et, surtout pas au pas de l'oie, si pas toujours au même rythme, à la même cadence, du moins toujours avec continuité, avec persévérance, par-delà les arrêts ou les chutes, se reprenant sans cesse. Et l'appel qui retentit dans la conscience se répercute de même dans tout l'être : c½ur, esprit action et résonne aussi à toutes les heures de notre vie, dans les joies comme dans les peines. Nous n'y répondons pas une seule fois pour toutes au jour de notre confirmation, en entrant dans les ordres ou à des heures de grâce exceptionnelle.. . C'est tous les jours, dans nos entreprises journalières, qu'il nous faut nous efforcer de répondre à l'appel de Dieu, au foyer, dans le milieu de travail...appel que le Christ nous réitère partout et à chaque instant.

Aussi, descendons en nous-même, non là où se décernent les grands prix de vertu, mais là où nous lisons parfois les leçons d'espérance et d'humilité. Quand, dans l'eucharistie de ce jour, nous allons rencontrer le Seigneur, offrons-lui notre réponse de bonne volonté, foncière et joyeuse, surtout joyeuse !

Quand le publicain Lévy invita tous ses collègues- pécheurs à dîner avec Jésus, il n'eut pas la prétention de leur dire » faites comme moi, suivez-le », non ! Mais il était tellement bouleversé par les paroles de miséricorde du rabbi Jésus et heureux de son pardon qu'il voulut les associer à ce bonheur. Et cette joie dont il leur donnait naïvement le spectacle fut le premier témoignage de gratitude qu'il rendait à son maître. Ce fut le début de son apostolat : un dîner festif, une réjouissance.

Le ministère le plus persuasif, disons-le, c'est la joie des chrétiens, cette sérénité intense, cette tranquillité joyeuse, cette paix festive d'être sauvé, cette félicité rieuse, cette allégresse d'être choisi, appelé, pardonné. Notre espérance attirera vers le Seigneur nos compagnons de misère. Nous serons témoins et prédicateurs de l'évangile par le ministère chaleureux et candide de notre confiance assurée et joyeuse et par notre paix intérieure pertinente et heureuse.

12e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2001-2002

Ne craignez pas les hommes, dit Jésus à plusieurs reprises. Ne craignez pas ! Mais que devrions nous craindre nous qui vivons dans un lieu privilégié, où les ressources sont abondantes. Il n'en va cependant pas de même dans la région des Grands-Lacs d'où je reviens. Là, ils peuvent vraiment craindre, avoir peur. Ils vivent d'ailleurs avec cette peur en permanence. Elle est plurielle : peur d'être dénoncé par son voisin, sa cousine.

Il y a des arrestations tous les jours. Il est vrai qu'avec deux services secrets : les renseignements généraux et les renseignements de l'armée, cela fait beaucoup de monde pour informer ceux qui doivent l'être parce que ces derniers ont peur de perdre leur pouvoir pris par la force. On arrête pour un oui, ou pour un non. Alors effectivement ils peuvent avoir peur. D'autant que dans un an, il y aura des élections. Les américains, vous savez la première démocratie, l'exigent. Mais comme au Rwanda, il est interdit de fonder de nouveaux partis, seuls les candidats présentés par le pouvoir pourront être élus et nous ici, parce que nous ne sommes pas au courant de ce petit détail comme dirait l'autre, nous nous réjouirons de ce retour à la soi-disant démocratie. A côté de cette peur d'être dénoncé et emprisonné, il y a également la peur de mourir, par la guerre et le sida, l'espérance de vie est descendue à 37-38 ans.

Chaque jour, au Burundi par exemple, des personnes sont abattues mais on n'en parle pas. Il est vrai que ces pays n'ont pas de ressources naturelles et ne sont donc pas intéressant économiquement. Enfin, il y a encore une autre peur : celle de ne pas être éduqué. L'école primaire est obligatoire mais elle est payante. Seulement quarante pour cent des enfants seront scolarisés à ce niveau. Mais cette année par exemple sur 80000 enfants qui terminent leurs primaires, il n'y a que 3000 places de disponible pour le secondaire. Cela signifie qu'environs 4-5% de la population des 12-18 sera scolarisée. Alors quand Jésus nous dit " ne craignez pas ", il y a de quoi sourire surtout quand on visite cette superbe région d'Afrique. Et pourtant, ce message leur est également adressé et ils l'entendent. Car malgré tout ce que je viens de dénoncer, ces peuples gardent l'espérance.

Une espérance fondée sur une confiance totale et inébranlable en la vie et en Dieu. Je garde en mémoire cette ferme qui éduque plus de 150 personnes par an à la culture et à l'élevage et qui distribue des arbres fruitiers ou non chaque année. Ne perdant pas espoir, ils ont alors quelque chose à nous apprendre. Puisqu'ils n'ont plus rien, même leur vie n'a plus beaucoup de prix, ils se retournent vers l'essentiel, ce qui n'a pas de prix et donnent de la couleur à la vie : leur foi, leur confiance en ce Dieu qui les invitent à ne pas craindre, à dépasser ses propres peurs.

Nous aussi, ici, nous sommes confrontés à des peurs : il y a d'abord celles qui portent les noms de diverses maladies et de catastrophes naturelles ou de violence. Il y a aussi la peur de la solitude, , du ridicule ou de l'échec. Enfin, il y a également la peur de dire la vérité et donc de ne pas s'engager. Ma liste est évidemment loin d'être exhaustive. Mais revenons à cette dernière, je ne parle pas des grands engagements qui auront des conséquences pour la vie entière comme le choix des études, le mariage ou la vie religieuse, non je pense plutôt à tous ces petits engagements quotidiens à côté desquels nous pouvons passer par peur du ridicule, de la réaction de l'autre ou encore par crainte de devoir le contredire au nom d'une vérité qui nous anime. Cette peur là, elle s'exprime par les " j'ai failli ", les " j'aurais dû ". Lorsque de telles expressions croisent notre vécu de temps à autre, ce n'est pas bien grave. Il n'est pas possible de tout réaliser. Mais lorsqu'elles deviennent légion alors, nous sommes conviés à nous ressaisir parce qu'à force de faillir, nous risquons de passer à côté de notre vie.

Afin d'éviter cela, nous sommes invités à chercher à comprendre le pourquoi de ces petites peurs anodines : sont-elles réelles ou pures projections de notre esprit. Il y a donc lieu de faire silence à cette voix noire des sagesses et des raisons. Et cela, c'est le travail que l'écoute opère en nous : avant de nous dire quelque chose, elle fait taire en nous tout le reste. Ecouter, ce n'est rien qu'on puisse dire ou penser. C'est d'abord s'interrompre pour mieux éclairer une parole en douceur et vérité. Ce silence est délivré du langage, détaché de tout - et même de soi. Il ne dit rien que lui-même. Puissions-nous écouter ce silence de nos peurs quotidiennes pour apprendre à les dépasser et ainsi être capable non seulement d'écouter mais d'entendre ce que l'autre me dit, pense et vit. C'est une question éthique car faillir trop souvent blesse. S'il en est ainsi entre nous, il en va de même pour Dieu. Dieu a besoin de nos mains et de nos paroles pour exister sur cette terre. Il demande à chacune et chacun d'entre nous d'être des témoins véritables de cette foi qui nous habite.

N'ayons pas peur d'être ridicule aux yeux de certains parce que nous croyons. La foi permet de déplacer des montagnes, de dépasser nos peurs. Cette foi donne du goût à notre vie. Le ridicule ne tue jamais le témoin lorsqu'il témoigne, le ridicule tue simplement le muet parce qu'à force de ne plus parler, il n'existe plus. Osons partager notre foi à celles et ceux que nous croisons. Nous valons bien plus que tous les moineaux du monde. N'ayons plus peur. Dieu a besoin de nous.

Amen.

13e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2001-2002

J'aimerais parfois pouvoir sonner à la porte d'une maison dont je ne connais pas les habitants. Je la choisirais au hasard et j'irais m'asseoir dans leur cuisine. Là je leur demanderais de quoi ils ont peur dans cette vie, ce qu'ils espèrent le plus réaliser et surtout s'ils comprennent quelque chose à notre présence commune sur cette terre. Ayant reçu un minimum d'éducation, je sais que ce genre de chose ne peut pas se faire alors que cet élan me semble le plus naturel du monde. Quand bien même je braverais ces limites qui m'ont été imposées tout au long de mon enfance, à raison, je craindrais les réactions des personnes chez qui j'irais sonner. Elles me prendraient sans doute pour un fou, un être à interner. Il y aurait beaucoup de méfiance dans la rencontre en tout cas.

Cette méfiance est devenue un peu le ciment de ce début de troisième millénaire. Il n'est pas évident de donner sa confiance. Tout nous pousse à nous méfier par crainte du regard de l'autre, par peur d'être tout simplement abuser dans notre crédulité, ou encore par malaise de ce que cet autre pourra découvrir de nous et que nous ne gérons pas bien. Les images et les titres des médias ne nous aident effectivement pas toujours à entrer dans le risque du pari de la confiance, c'est-à-dire d'un optimisme à la vie. Et sans doute que l'évangile à quelque chose à nous dire ce ajourd'hui. L'accueil est une dimension essentielle de nos existences.

Nous avons en nous ce besoin d'accueillir, de rencontrer pour aimer mais également ce plaisir de se sentir accueilli, reconnu et accepté tels que nous sommes. L'accueil ne demande pas grand chose. Il suffit d'un simple verre d'eau fraîche nous dit le Christ. Trop souvent nous nous encombrons de projections sur ce qu'il y a lieu de faire et d'offrir pour bien accueillir alors que l'accueil véritable est une disposition du c½ur en vue de rencontrer l'autre en vérité. Pour cela, pas besoin de biscuits, ni de champagne frappé. Plutôt un simple regard soutenu épris de tendresse et de disponibilité. Plusieurs d'entre nous, ont sans doute, au cours de leurs voyages, rencontré des cultures où l'accueil était une priorité, un élément essentiel de leur tradition. Avec pas grand chose, presque rien, ils nous donnent l'impression qu'à leurs yeux nous sommes importants comme si nous étions Dieu à leur table.

Me revient en mémoire ce petit morceau de pain tartiné d'une sardine écrasée le tout recouvert de confiture de fraises. Vous me l'offririez maintenant j'aurais quelque réticence à l'accepter, mais ce morceau je l'avais reçu de quelqu'un qui avait tout perdu. C'était dans un camp de réfugiés. Il y a déjà huit ans et pourtant, je n'ai jamais oublié. Au plus profond de son indigence, il offrait au riche que j'étais tout ce qu'il avait trouvé. Lorsque cela nous arrive, après l'étonnement, l'émerveillement, vient le temps du doute, de la méfiance : que veut-il de moi, qu'attend-elle en retour. La gratuité de ce geste n'est pas possible. Nous nous méfions.

Or pourtant, l'accueil véritable se vit dans la confiance. Toutes et tous, par l'évangile, nous sommes conviés à lâcher prise, c'est-à-dire à faire ce travail intérieur d'être bien avec nous-mêmes. En nous, les choses se mettent ou remettent à leur place et nous devenons fidèles et en lien avec qui nous sommes. En faisant cette démarche, nous enlevons beaucoup de choses inutiles dans nos vies. Désencombrés de toutes nos méfiances, nos suspicions, Dieu peut alors se rapprocher de nous pour voir ce qui se passe. Remettant Dieu au c½ur de nos vies, nos regards peuvent alors se transformer. Nous ne sommes plus sous l'influence d'une société qui se méfie, mais nous nous enracinons dans un évangile qui nous rappelle que chaque fois que nous accueillons l'un des nôtres, aussi éloigné soit-il de nous, c'est Dieu que nous accueillons. De la sorte, l'accueil n'est pas seulement humain mais bien divin. C'est dans ma manière d'accueillir l'autre, de lui faire confiance, en fait de permettre à ce qu'une relation s'établisse que Dieu peut surgir et vivre parmi nous. Dieu vit en chacune et chacun de nous. Il est vrai que parfois, pour diverses raisons, nous avons l'impression que Dieu se cache dans l'autre et que nous ne le trouvons pas, tellement cet autre nous énerve. Et pourtant, cet autre, tout autre qu'il ou elle est, est également lieu de Dieu. Tout comme nous le sommes. Puissions-nous alors au nom de cette foi qui nous anime, oser à nouveau faire confiance en chacune et chacun, dépasser nos méfiances respectives pour permettre à ce Dieu en nous d'exister parmi nous.

Amen.