34e dimanche ordinaire, année C (Christ Roi)

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2006-2007

Dans le livre « La spectaculaire histoire des rois des Belges » retraçant l'histoire romancée de nos souverains, l'auteur souligne à chaque présentation d'un nouveau monarque que 'le roi règne mais ne gouverne pas'. Ce dernier tire son autorité de la Constitution de notre pays après avoir prêté serment de lui être fidèle mais il laisse les tâches de gouvernement à d'autres qu'il appelle à gouverner. En cette fête du Christ-Roi, si vous me le permettez, ne pourrions-nous pas faire un certain parallélisme. Aujourd'hui, nous célébrons notre Dieu Roi, c'est-à-dire un Dieu qui règne sur son Royaume tel qu'il a été annoncé par son Fils. Il règne mais il ne le gouverne pas.

Qu'est-ce à dire ? En s'incarnant, en devant l'un d'entre nous, le Christ nous offre également une Constitution merveilleuse qui ferait la joie des juristes du monde entier car elle tient en une seule phrase : « tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout c½ur, de toute ton âme et ton prochain comme toi-même ». Pas un iota n'est ajouté. En quelques mots tout est dit. Nous sommes appelés à aimer Celui en qui nous croyons et tous ceux et celles de qui nous nous approchons, de qui nous nous faisons proche. Telle est la loi suprême du Royaume de Dieu. Par sa vie, par sa mort et sa résurrection, le Christ nous montre ô combien il a pu être fidèle à la loi constitutionnelle qu'il nous a donnée. Aujourd'hui encore, il règne mais il ne gouverne pas. En effet, par l'événement de la Pentecôte, lorsque ses disciples ont reçu l'Esprit Saint, ils sont devenus les gouvernants du Royaume non seulement promis mais offert à l'humanité entière. Nous aussi, par notre propre baptême, nous sommes remplis de cet Esprit Saint qui nous convie à participer pleinement au gouvernement du Royaume de Dieu. La gouvernance n'est pas l'apanage de quelques uns qui se seraient enfermés dans une tour d'ivoire. Non, la gouvernance est de la responsabilité de chaque baptisé. Notre foi au Dieu de Jésus Christ est une invitation constante à prendre une part active à la construction d'un monde meilleur, d'un monde plus juste. N'attendons pas que les autres le fassent pour nous. C'est plutôt à nous d'agir là où nous sommes, avec ce que nous sommes. Un peu comme si Dieu n'attendait pas de nous que nous fassions des miracles. Il semble préférer nous voir agir et conduire notre vie avec comme principe premier et unique, cette loi d'amour inscrite dans le c½ur de chaque être humain. C'est elle qui doit guider nos vies dans les actes que nous posons, les gestes de tendresse que nous offrons, les paroles de douceur que nous disons. Il en va ainsi du respect de tout être humain. Certains jours, il est vrai, cette tâche peut nous sembler bien difficile à réaliser tellement nous pouvons êtres fatigués par le stress de la vie, découragés face à l'ampleur de la tâche qui nous semble alors surhumaine. Nous risquons de tomber malgré nous dans une forme de désespérance. Chacune et chacun, de par nos histoires respectives, de par nos blessures intérieures, de par nos trébuchements, nous pouvons nous sentir aussi cloués sur le bois de nos croix, c'est-à-dire paralysés. Or Dieu attend de nous que nous soyons des hommes et des femmes debout, en marche sur la route de la Vie. Il ne nous laisse pas seuls et nous accompagne sur ce chemin par le biais de toutes les personnes avec qui nous entrons en relation. Ne sommes-nous pas nés d'une relation et n'avons-nous pas été tout au long de notre vie nourris par un ensemble d'entre elles. Pour nous croyants, toutes ces relations aux autres prennent source dans une relation au Tout-Autre. C'est en Dieu qu'elles trouvent leur origine. Puissions-nous alors nous inspirer de ce passage de l'évangile que nous venons d'entendre en revisitant la question de celui que la tradition a appelé le bon larron. Lui aussi est cloué sur le bois de sa croix. Et à cet instant précis, il se tourne vers le Christ et l'appelle « Jésus ». C'est la seule fois dans l'évangile de Luc où le Christ est simplement appelé « Jésus » sans aucune autre titre. Ce détail n'est pas anodin. Il dit quelque chose de l'intimité qui est née entre un homme et l'Homme-Dieu. Pour être de bons gouvernants dans ce règne inauguré par le Christ, nous avons nous aussi besoin de cette intimité avec Lui. Osons-nous tourner vers Lui tout en lui demandant dans l'intimité de la prière qu'il nous envoie son Esprit afin que nous gouvernions son royaume avec les armes de la douceur et de la tendresse. Ainsi un jour, il pourra nous dire : « Amen, je te le déclare : aujourd'hui, avec moi, tu seras dans le Paradis ».

Amen

34e dimanche ordinaire, année C (Christ Roi)

Auteur: Van Aerde Michel
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2006-2007

Pilate rentra dans le prétoire, appela Jésus, et lui dit : Es-tu le roi des Juifs ? Jésus répondit : Est-ce de toi-même que tu dis cela, ou d'autres te l'ont-ils dit de moi ? Pilate répondit : Moi, suis-je Juif ? Ta nation et les principaux sacrificateurs t'ont livré à moi : qu'as-tu fait ? Mon royaume n'est pas de ce monde, répondit Jésus. Si mon royaume était de ce monde, mes serviteurs auraient combattu pour moi afin que je ne fusse pas livré aux Juifs ; mais maintenant mon royaume n'est point d'ici-bas. Pilate lui dit : Tu es donc roi ? Jésus répondit : Tu le dis, je suis roi. Je suis né et je suis venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité. Quiconque est de la vérité écoute ma voix.

Le lectionnaire ne nous dit pas la suite, mais quelqu'un d'entre nous sait-il ce que Pilate a répondu à Jésus ? Oui. Il a répondu : « Qu'est-ce que la vérité ? » L'entretien en est resté là et le silence de Jésus continue toujours, comme des points de suspension qui soulignent la question... parce que la vérité, n'est ni dans les idées ni dans les discours, la vérité est vivante. Et la vérité, c'était, devant Pilate, un homme quasi nu et enchaîné.

Le lectionnaire nous propose cet évangile parce qu'aujourd'hui nous fêtons le Christ Roi. C'est le dernier dimanche de l'année liturgique, nous allons bientôt entrer dans l'Avent et nous préparer à Noël. Mais que signifie fêter le Christ Roi ? Le mot « roi » convient-il vraiment ? Pourquoi pas Duce, Empereur, Tsar, Généralissime ou Président à vie ? Tous les mots que nous avons, quand ils sont appliqués à Dieu, se révèlent piégés, faussés, inadéquats. On parle du Tout Puissant mais son Fils naît sur la paille et meurt sur une croix. Aujourd'hui nous le disons roi, mais l'évangile le montre prisonnier, bientôt exécuté. Pour un succès médiatique, il faudrait s'y prendre autrement !

Et pourtant c'est un titre que Jésus s'attribue et il y a de fait quelque chose d'étonnamment souverain en lui, une dignité royale, une incroyable liberté. Il est pleinement lui-même et ne suit aucune mode. Il respire la vie et la vérité, dans un esprit contagieux de fraternité. Ce qui est exceptionnel chez lui, c'est l'absence radicale du souci de s'imposer, la renonciation totale au contrôle ou à l'oppression. Son Royaume n'est pas de ce monde là. Il n'a rien à vendre, rien à prouver. Régner sur des nuques inclinées ne l'intéresse pas. Il veut être accueilli librement dans les c½urs, dans la confiance et dans la paix, en libérant la parole et la réflexion.

Notre situation de chrétiens minoritaires nous aide enfin à sortir d'une chrétienté dominante pour découvrir une nouvelle manière d'exister. Nous pouvons vivre notre foi, à la manière de Jésus, comme une proposition d'amitié, sans aucune pression, dans une religion non pas de contrainte mais d'appel, non pas de soumission mais de liberté, non pas de répétition comme les intégristes mais de créativité. « Comprenne qui pourra, me suive qui voudra », nous dit Jésus. « Je ne vous appelle plus serviteurs mais amis ». Notre Dieu ne cherche pas des esclaves mais des partenaires, des vis-à-vis.

Pour inaugurer ce Royaume, Jésus part donc à la conquête de l'humanité. Quelle conquête ? Le mot est à comprendre, ici encore, de manière transfigurée. Il s'agit de conquérir les c½urs, et donc d'abattre les murs, les frontières, les remparts, de nous faire « craquer ». « L'homme ne cède, écrivait Maxime le Confesseur, que sous le poids de l'extrême humiliation de Dieu ». Sur ce chemin et dans cette logique complètement folle, Jésus va jusqu'au bout. Son attitude est désarmante. Un désarmement qui n'a rien à voir avec les forces de sécurité de l'ONU. Il est désarmant parce qu'il est désarmé. Rien de tel pour désamorcer l'agressivité que la pauvreté et la vulnérabilité. Il se présente dans une pauvreté totale et une vulnérabilité absolue. « C'est dans la faiblesse que se manifeste la puissance de Dieu ».

De son plein gré, Jésus se livre entre nos mains, pieds et mains liés. Ce qu'il vit physiquement exprime ce qu'il vit de tout son être, moralement, intellectuellement, spirituellement. Il se livre, corps et âme, tout entier. Il se fait objet pour nous : objet de discussion, objet de dérision, mais aussi sujet d'admiration. Il se livre à notre appréciation, il se confie à notre fidélité. Il s'agit bien d'un abandon nuptial « fais de moi ce qu'il te plaira ! » Il faut, écrit Emmanuel Lévinas, perdre l'initiative pour avoir la révélation de l'autre. « Aimer, c'est dans l'abandon de tout abri, s'exposer, se vouer, se soumettre, c'est atteindre le point extrême où l'on n'est plus Seigneur et Maître. »

En fait tout est ici paradoxal et renversant. Nous le percevons dans notre expérience quotidienne : il faut être vraiment sûr de soi pour prendre des risques importants. Il faut être riche, pour choisir de se dépouiller complètement. Il faut être puissant psychologiquement pour abandonner toute situation de domination. Moïse était de la famille de Pharaon avant de prendre le parti des hébreux. François d'Assise était fils d'un drapier avant de choisir la pauvreté. Peut-être faut-il n'avoir jamais manqué de rien pour choisir la pauvreté volontaire ? Jésus, qui était de condition divine, nous dit saint Paul, ne s'est pas crispé sur ses privilèges divins, mais il s'est abaissé. Il a démissionné, abdiqué, renoncé à tout ce qu'il avait, pour vivre comme un homme, un homme du commun ; plus encore, jusqu'à mourir comme un condamné à mort. Et Dieu l'a justifié, lui a donné raison, l'a mis au plus haut. Pour que tout le monde proclame qu'il est Seigneur et roi.

Jésus ne veut pas être un potentat. Il n'accepte d'être notre roi que si nous le voulons, si nous l'aimons, si nous le recherchons, si nous obéissons à son commandement de nous aimer comme il nous a aimés. Tout comme Dieu est le Dieu de Jésus non pas parce qu'il s'impose à lui, mais parce que celui-ci le reconnaît comme Père dans une confiance réciproque et constitutive.

Quand Jésus est arrêté, il ne se défend pas, pas même verbalement. Ce qu'il avait à dire, il l'a dit. Au grand prêtre qui lui fait subir un interrogatoire, il répond simplement : « Pourquoi m'interroges-tu ? Demande à ceux qui ont entendu ce que je leur ai enseigné ; eux, ils savent ce que j'ai dit » (Jn 18, 21). Ces simples mots manifestent la portée de notre responsabilité. Jésus s'en remet à nous pour communiquer son message et tout ce qu'il est.

A nous de jouer, maintenant ! A notre tour de témoigner ensemble. Nous avons toute liberté de man½uvre et d'action. Jésus nous donne tout et son Esprit nous communique force et inspiration. Si le succès n'est pas immédiat, ne nous inquiétons pas, souvenons-nous de tout ce que Jésus a connu de mépris.

« Qu'est ce que la vérité ? » La vérité est que Dieu nous aime par delà tout ce que nous sommes capables d'imaginer, qu'il veut faire de nous ses amis, libres, debout, courageux, dignes et souverains : fils de Dieu comme Jésus est Fils de Dieu, prêtres, prophètes et rois, comme Jésus est roi.

Oublions le triomphalisme passé. Je termine en posant la question : Qui acceptera d'être roi, à la manière de Jésus ?

34e dimanche ordinaire, année C (Christ Roi)

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2006-2007

Et si la clef du mystère de la fête du Christ-Roi que nous célébrons aujourd'hui se trouvait dans une simple petite conjonction de coordination. Celles qui nous viennent à l'esprit sont le « ou » ou bien le « et ». Il semble qu'une tradition constante en théologie ait la préférence pour la conjonction de coordination « et » qui relie ensemble ce qui, à première vue, pourrait s'opposer. En voici quelques exemples : les Ecritures et la tradition, la foi et la raison, la nature et la grâce, l'église et le monde, la foi et les ½uvres. La conjonction de coordination « et » ne peut jamais être remplacée par celle du « ou » car agir de la sorte serait nier toute la complexité du mystère divin. Et voici, qu'aujourd'hui, nous pouvons rallonger cette liste par les mots suivants : ouranopolite et cosmopolite. En effet, par notre naissance, toutes et tous, nous devenons des cosmopolites, c'est-à-dire des citoyens du cosmos. Nous appartenons à un monde précis et de par notre histoire, nous nous inscrivons dans un contexte donné pour accomplir la destinée à laquelle nous sommes appelés. Notre condition humaine fait de nous des cosmopolites. Mais, nombreux sont celles et ceux qui ne peuvent se contenter d'une telle citoyenneté car, de par leur baptême cette fois, ils sont devenus ouranopolites, c'est-à-dire citoyens des cieux puisqu'en grec, le mot ouranos désigne le ciel. En tant que croyants, nous sommes donc cosmopolites et ouranopolite. N'est-ce d'ailleurs pas ce que le Christ répond à Pilate. « ma royauté ne vient pas de ce monde, ma royauté n'est pas de ce monde ». Il est intéressant de souligner que Jésus ne dit pas : « ma royauté n'est pas en ce monde ». Comme si, pour lui, il était évident que le royaume de Dieu est en ce monde et non pas de ce monde, c'est-à-dire que la loi première qui doit régir ce royaume n'est pas inscrite sur des parchemins terrestres mais dans le Ciel ou mieux encore dans le c½ur de chaque être humain. Le Christ ne nie pas notre condition humaine. Il la respecte. Mieux encore, il la considère au plus haut niveau puisque de toute éternité, il a choisi de devenir l'un des nôtres en s'incarnant. Il nous reconnaît ainsi toute la validité de notre citoyenneté terrestre. Il ne rejette donc pas notre participation à la vie du monde. Bien au contraire. Mais il semble ne pas pouvoir s'en satisfaire. Effectivement, notre citoyenneté terrestre s'inscrit, s'enracine et se développe dans une autre citoyenneté, dans un autre royaume : celui du Ciel. Ce royaume-ci n'a plus de codes, ni de lois. Au royaume de Dieu, les facultés de droit sont abolies et les juristes sont au chômage car ce qui lie et relie les personnes entre elles, c'est tout simplement la règle de l'amour. Quand l'amour est là, aucune loi ne régit les rapports humains. L'amour se suffit à lui-même. Par contre, lorsque l'amour brille par son absence, alors heureux sommes-nous d'avoir des codes et des juristes qui nous aident à construire un vivre ensemble sur base de règles précises. Quand je vois parfois comment le monde tourne, je me dis que ce n'est pas de si tôt que certains d'entre nous qui ont étudié le droit seront au chômage. Qu'ils soient donc rassurés. La règle de l'amour qui sévit au royaume de Dieu est donc notre première loi de conduite. C'est elle qui nous guide et qui fait de nous des ouranopolites. Et en même temps, dans notre monde où sévit encore et toujours l'injustice, la jalousie, le désir de domination, nous avons besoin d'autres lois qui nous rappellent que nous sommes des cosmopolites. Sur cette terre, nous sommes donc bien l'un et l'autre et malgré tout, ils ne sont pas tout à fait similaires. Notre foi est une invitation permanente à mettre de l'ouranopolisme, philosophie de vie fondée sur l'amour, dans notre statut de cosmopolite car l'ouranopolisme est la visée, l'espérance à atteindre de tout croyant. Nous sommes conviés à partager la vie divine, à vivre éternellement au Royaume de Dieu. Et ce dernier se construit dès ici-bas, c'est-à-dire dès maintenant. Nous ne sommes plus l'un ou l'autre, nous sommes l'un et l'autre. Citoyens d'un royaume terrestre et citoyens d'un royaume céleste. Ouranopolite et cosmopolite, voilà la destinée à laquelle nous sommes appelés. Ces deux royaumes ne sont plus indépendants l'un de l'autre, ils s'enchevêtrent et c'est par nous qu'ils s'accomplissement. Que notre citoyenneté du Ciel éclaire notre citoyenneté terrestre. Devenons des ourano-cosmopolites.

3e dimanche de Carême, année C

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps du Carême
Année liturgique : C
Année: 2006-2007

voilà des années que certains criaient : " Si on continue comme ça, on va droit dans le mur" ...mais, bien installés dans le train de la croissance à tout-va, nous les traitions de faux prophètes, de pessimistes invétérés. Aujourd'hui la communauté scientifique pose un diagnostic (presque) unanime : le réchauffement climatique est patent et il est dû à l'activité de l'homme (en ordre principal nous - nations industrialisées). Il faut de toute urgence prendre des mesures si l'on veut échapper au désastre : notre planète est en danger de mort. Certes il appartient d'abord aux politiques de lancer des plans, aux grandes industries de modifier leurs méthodes, mais, nous répète-t-on, chacun de nous doit se convertir. Dur quand on a été habitué à gaspiller, à user sans vergogne des ressources de la terre ! Il est si tentant de croire que ce sont les autres qui sont en faute et que soi-même on n'est pas concerné ! En ce carême, le Christ exige que nous nous convertissions.

LES EVENEMENTS SONT DES APPELS A LA CONVERSION

Un jour, des gens vinrent rapporter à Jésus l'affaire des Galiléens que Pilate avait fait massacrer pendant qu'ils offraient un sacrifice. Jésus leur répondit : " Pensez-vous que ces Galiléens étaient de plus grands pécheurs que tous les autres ... ? Eh bien non , je vous le dis. Et si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous comme eux."

Jésus a perçu le sous-entendu de l'information ("Ces victimes sont coupables. Pas nous") : aussi détrompe-t-il ses interlocuteurs et il rappelle un autre accident tragique :

"...Et ces 18 personnes tuées par la chute de la tour de Siloé, pensez-vous qu'elles étaient plus coupables que tous les autres habitants de Jérusalem ? Eh bien non ! Et si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous de la même manière !".

On ne peut inférer du malheur d'autrui à sa culpabilité : ce serait une caricature de Dieu (vengeur impitoyable) et une subtile façon de tirer son épingle du jeu (" Cela ne m'est pas arrivé, donc...") Au contraire, Jésus affirme que tous, nous sommes menacés de mort - pas seulement de la mort corporelle mais de la mort spirituelle devant Dieu. Si les événements doivent nous apitoyer sur le sort des victimes, ils doivent surtout nous faire réfléchir à notre précarité : nous sommes tous promis tôt ou tard à comparaître devant Dieu !

Un seul remède...à appliquer de toute urgence : SE CONVERTIR, CHANGER TOUT DE SUITE, SE DECIDER SANS ATTENDRE.

LA PARABOLE DU FIGUIER

Et pour se faire comprendre, Jésus invente une parabole :

" Un homme avait un figuier planté dans sa vigne. Il vint chercher du fruit sur ce figuier et n'en trouva pas ! Il dit à son vigneron : " Voilà trois ans que je viens chercher du fruit sur ce figuier et je n'en trouve pas. Coupe-le : à quoi bon le laisser épuiser le sol ?". Mais le vigneron lui répondit : " Seigneur, laisse-le encore cette année, le temps que je bêche autour pour y mettre du fumier. Peut-être donnera-t-il du fruit à l'avenir.... Sinon tu le couperas ".

Les paysans du pays avaient l'habitude de planter un figuier dans un coin de leur vignoble : ce bel arbre, aux larges feuilles brillantes, leur donnait des fruits succulents et aussi de l'ombre lors des travaux. Cela avait fait naître la comparaison, courante à l'époque : Israël est la Vigne chérie du Seigneur et le figuier représente le Temple, ce magnifique édifice bâti au c½ur du pays, rutilant sous la lumière du soleil et dans lequel les croyants peuvent se réfugier et s'estimer justes devant Dieu.

La parabole de Jésus vise donc le système religieux de son peuple : son apparence est parfaite, il fonctionne avec régularité mais il ne donne pas les fruits que Dieu attend ! Les pratiquants se rassurent par une piété formelle, des liturgies convenables, une honnêteté de surface. Le Temple, avec ses splendides constructions, centre de la vie nationale, lieu des sacrifices et des cérémonies impeccables, ressemble à un figuier qui ne donnerait que de belles feuilles !

Or Dieu exige des fruits : le culte n'a pas sa fin en lui-même mais il doit conduire ses participants à CHANGER DE VIE, A SE CONVERTIR. On ne rend pas honneur à Dieu par des bâtiments majestueux et des rites solennels mais par la CONSTRUCTION D' UNE HUMANITE NOUVELLE qui abandonne ses anciennes conceptions égoïstes et adopte de nouveaux comportements.

Ne l'oublions jamais : la messe du dimanche a pour but de faire de nous un peuple fécond en bonnes ½uvres, en fidélité à la Volonté de Dieu.

LE CARÊME TEMPS DU CHANGEMENT

Au seuil de l'évangile, le prophète Jean-Baptiste menaçait : " Déjà la hache est prête à attaquer la racine des arbres : tout arbre qui ne produit pas de bon fruit va être coupé et jeté au feu"( 3, 9)

Mais Jésus est d'une infinie et merveilleuse patience à notre égard : alors que notre vie si peu fidèle, si peu engagée, si peu soucieuse de "rendement" évangélique nous rend stériles, il nous offre un délai de grâce. De nous-mêmes nous avons refusé d'agir comme il le fallait et nous avons voulu notre confort maximum : alors le Christ se propose de nous travailler, de nous secouer afin que nous donnions à Dieu les fruits d'amour qu'il attend - qu'il veut ! - de nous. Quels sont ces fruits ? ceux-là même enseignés par le Seigneur et que saint Luc a rapporté dans ses pages précédentes :

" Heureux vous, les pauvres...Aimez vos ennemis...Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux...Pourquoi m'appelez-vous Seigneur et ne faites-vous pas ce que je dis ? Si quelqu'un veut venir à ma suite, qu'il renonce à lui-même...Qui veut sauver sa vie la perdra...Gardez-vous de toute avidité : ce n'est pas du fait qu'un homme est riche qu'il a sa vie garantie par ses biens...Ne vous inquiétez pas pour votre vie de ce que vous mangerez : La vie est plus que la nourriture... Cherchez plutôt le Royaume du Père et cela vous sera donné par surcroît...Soyez comme des gens qui attendent leur maître... Vous ne pouvez servir Dieu et l'Argent...C'est un feu que je suis venu apporter sur la terre...Esprits pervertis, comment ne savez-vous pas reconnaître le temps présent ? "(12, 56)

Ce "temps présent", c'est celui ouvert par la venue du Christ, la durée dans laquelle nous sommes maintenant : temps de miséricorde, temps de la patience de Dieu et du travail du Christ qui laboure notre vie pour que nous correspondions à la Volonté de Dieu. Le carême est donc ce temps accordé pour nous CONVERTIR, nous CHANGER, prendre d'autres chemins, opter pour d'autres conduites, lutter avec plus de courage. Ainsi notre Eucharistie du dimanche- qui nous paraît souvent inutile, banale, routinière- est le grand moment où le Seigneur nous attend : Il dissipe nos mensonges par ses Paroles, Il nous offre une Nourriture qui comble notre faim de Vérité, Il nous rassemble dans son Amour. Est-ce que ce culte aura des effets ? "PEUT-ÊTRE donnera-t-il du fruit" : tant il est vrai que nous ne sommes pas manipulés. Rien ne peut nous contraindre : c'est à chacun de se laisser travailler et de répondre en vérité

3e dimanche de Carême, année C

Auteur: Van Aerde Michel
Temps liturgique: Temps du Carême
Année liturgique : C
Année: 2006-2007

Le langage courant le dit simplement : « il y a des gens qui meurent bêtement ». On parle d'une mort stupide, ce peut être le cas de ceux qui se trouvent en vacances en Asie et qui sont emportés par un tsunami, ce peut être le cas des victimes d'un attentat (tous les attentats n'ont pas lieu à Bagdad), ce peut être le cas lors d'une épidémie : « Il y a des gens qui meurent bêtement ». Sont-ils plus coupables que d'autres ? Ont-ils fait une erreur fatale à part celle d'aller au mauvais endroit et au mauvais moment ? Non, la vie est précaire et, finalement, nous mourrons tous « bêtement » ! Il n'y a pas de mort naturelle, disait Simone de Beauvoir, la mort est toujours une violence indue, une injustice et un arrachement. La vraie question est celle d'éviter de vivre bêtement !

La vraie question est celle de profiter de ce temps présent pour vivre vraiment et faire un chemin qui ne se termine pas en queue de poisson, comme une simple interruption. Dans cette perspective il est bon de se rappeler qu'un jour, nous mourrons. Ce que nous vivons aujourd'hui n'est pas éternel et finira. Réfléchissons à ce que nous vivons en ce moment, sachant que c'est fragile, menacé, et limité dans le temps.

***

Comment penser ma propre mort ? Comme une fin ? Mais quel type de fin : un aboutissement ou une interruption ? Quelque chose qui s'accomplit ou quelque chose qui s'arrête brutalement ? Est-ce que j'ai conscience parfois que tout ce que je fais finira ? Est-ce que, dans ce que je vis maintenant, j'intègre le fait que cela va s'interrompre inévitablement ? « L'homme, est, dit-on, cet animal qui sait qu'il doit mourir ». Alors suis-je vraiment un homme ou me suis-je dénaturé en un faux animal qui cherche à tromper la mort pour ne pas voir sa fin ? La culture ambiante nous fait voir la mort des autres pour oublier la nôtre, comme si le fait que certains soient piégés nous libérait, comme si les victimes étaient offertes au dieu fatalité à notre place et que, par leur mort, nous étions préservés. Notre civilisation est habitée par la peur de mourir et le désir de se prolonger indéfiniment. Mais l'acharnement thérapeutique est-il souhaitable ? La survie est-elle 'viable' indéfiniment ? « C'est dommage, disaient ses médecins, d'un homme d'Etat : organe par organe, on aurait pu le sauver ! » Le sauver de quoi ?

Comme chrétiens, nous sommes appelés à vivre la mort dans la confiance, comme un abandon dans les mains d'un autre. « Père, entre tes mains, je remets mon esprit » La traduction n'est pas très bonne, c'est l'esprit au sens de souffle de vie. La mort de Jésus est don de soi. Et c'est ce don de soi que nous anticipons lorsque nous vivons notre baptême de chrétiens.

***

Le baptême, c'est cesser de ne vivre que pour soi : c'est être plongé dans la mort-résurrection de Jésus pour vivre avec lui, lui qui est mort et ressuscité pour nous. C'est donc entrer dans une relation de confiance réciproque et de vie.

La mort n'est donc pas pour nous la porte du néant mais comme le commencement d'autre chose. La mort n'est pas une fin mais comme un passage vers une autre forme de vie. La mort est déjà présente tout au long de la vie comme un enfantement permanent parce que je suis toujours en train de mourir à quelque chose, toujours contraint de lâcher prise pour m'élancer plus loin.

C'est donc maintenant que tout se joue et, pour ne pas mourir bêtement, il faut cesser de vivre bêtement. C'est maintenant que nous est offerte la possibilité de porter du fruit, un fruit de vie, un fruit qui fait passer la vie à travers les saisons, à travers le passage de la mort. C'est maintenant que nous sommes appelés à nous convertir, c'est-à-dire à tourner nos regards vers la source de la vie, à entrer en relation avec Celui qui nous attend patiemment et qui espère notre amitié. C'est dès maintenant que nous pouvons vivre du Souffle de Dieu, de son Elan, de son amour créateur et re-créateur. Alors nous ne mourrons pas bêtement, alors notre vie sera portée par le Dieu de Vie et nous n'aurons plus à craindre la mort car pour nous, elle n'existera plus.

3e dimanche de l'Avent, année C

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Avent
Année liturgique : C
Année: 2006-2007

Si la foi était une simple connaissance, une méthode religieuse, Jésus aurait écrit un petit livre contenant ce qu'il faut croire et comment il convient de se conduire. Or si, effectivement, au cours de sa mission itinérante, il a donné cet enseignement à ses disciples, à la veille de sa mort, convaincu de leur faiblesse incurable, il leur a donné un ordre et une promesse.

UN ORDRE : Vous vous rassemblerez et vous ferez l'Eucharistie "en mémoire de moi". En partageant le pain et le vin devenus MON CORPS et MON SANG, vous deviendrez MON CORPS, vous serez UN non grâce à vos efforts ni par sympathie naturelle, mais parce que MOI je vous rassemblerai en Moi.

UNE PROMESSE : Déjà Jean-Baptiste, exhortant les foules au bord du Jourdain, avait dès le début conscience de son incapacité de changer le monde et il annonçait (évangile du jour) :

" Moi, je vous baptise avec de l'eau ; mais il vient, Celui qui est plus puissant que moi... Lui, il vous plongera dans l'Esprit Saint et le Feu..."

Et effectivement, à la fin de sa vie terrestre, Jésus promit à ses apôtres de leur envoyer l'Esprit de Vérité, le Souffle de Vie, le Dynamisme de Dieu. Il demeurera toujours avec vous, dit-il, et il vous conduira vers la Vérité tout entière. Après Pâques, en effet, les premiers disciples qui venaient d' expérimenter - avec quelle honte !-, leur terreur devant la police et leur lâcheté, se rassemblèrent et supplièrent Dieu de leur envoyer l'Esprit que Jésus avait promis formellement. Et l'Esprit souffla - ce fut la Pentecôte. Tout surpris, ces hommes et ces femmes firent l'expérience de leur changement radical.

Ils découvrirent d'abord une nouvelle prière : dorénavant , pardonnés par le sang du Christ en croix, envahis par la Lumière vivante de l'Esprit, ils pouvaient se tenir debout devant Dieu et l'appeler, comme jamais encore ils n'avaient osé le dire : "ABBA...= PERE ..." Du coup, ils devenaient capables d'accomplir la mission que Jésus leur avait confiée. Naguère dispersés, muets de peur devant toute menace, ils devenaient unis ; ils se mettaient à parler et à annoncer la Bonne Nouvelle à tout auditoire ; ils affrontaient les Pouvoirs, comparaissaient devant les tribunaux, confessaient sans peur leur foi et acceptaient injures, coups, tortures et mort !

Mais cela n'était possible que parce qu'ils continuaient à célébrer régulièrement le REPAS DU SEIGNEUR dans lequel ils recevaient sans cesse la Force, la Lumière, l'Elan, l'Energie que l'on nomme "ESPRIT-SAINT". SAINT PAUL : L'Esprit donne prière et joie

Quelques années plus tard, un pharisien converti, Saül de Tarse, les rejoindra, lui aussi bouleversé et stupéfait du changement accompli en lui par la Force d' En-haut. Aux chrétiens de Rome, il écrira :

"Vous avez reçu un Esprit qui fait de vous des fils adoptifs et par lequel nous crions : ABBA...PERE !...Cet Esprit atteste à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu...Cet Esprit vient en aide à notre faiblesse car nous ne savons pas prier comme il faut. Mais l'Esprit lui-même intercède pour nous en gémissements inexprimables... ( Romains 8, 15-35)

Nourris par le Seigneur qui les "incorporait" en Lui, relevés et emportés par le Souffle de l'Esprit, illuminés par la Lumière de Dieu, les premiers chrétiens, quoique surveillés, méprisés et parfois persécutés, parvenaient à garder une joie inaltérable. Et c'est encore Paul qui écrivait aux Philippiens ( 2ème lecture du jour)

"Frères, soyez toujours dans la joie du Seigneur. Laissez-moi vus le redire : soyez dans la joie. Que votre sérénité soit connue de tous les hommes. Le Seigneur est proche. Ne soyez inquiets de rien ; mais en toutes circonstances, dans l'action de grâce, priez et suppliez pour faire connaître à Dieu vos demandes. Et la Paix de Dieu qui surpasse tout ce qu'on peut imaginer, gardera votre c½ur et votre intelligence dans le Christ Jésus" On dira : c'est facile d'écrire cela quand tout va bien ! ...Or justement tout n'allait pas bien : Paul était en prison...des prédicateurs annonçaient de fausses doctrines...il y avait certaines tensions parmi des membres de la communauté...on n'était qu'un petit groupe perdu dans une ville païenne...Mais, pour la première fois, en ces hommes et femmes ordinaires, l'humanité expérimentait une transformation venue de Dieu. Les travaux étaient pénibles, des problèmes surgissaient. Mais le passé de la Croix de Jésus était là dans l'Eucharistie qui apportait le pardon quotidien ; le présent de la communion avec Dieu le Père enivrait de joie la communauté ; et l'avenir, c'était Jésus qui, demain ou plus tard, reviendrait pour nous emporter dans la Gloire. A la lumière de l'Esprit, toutes les paroles de Jésus étaient actualisées : elles montraient le chemin à suivre. Mieux : LUI était là !

"Nous ne savons pas prier comme il faut" disait le même Paul...mais l'Esprit vient à notre aide...". C'est pourquoi, à la suite des premiers disciples, il ne nous faut jamais oublier que la première prière est de demander l'Esprit.

Viens, Esprit Créateur, visite les âmes de tes serviteurs Foyer de feu, onction spirituelle, source d'eau vive et charité. Par tes sept dons, tu nous enflammes Par toi la Parole est de feu Mets en nous ta clarté fidèle, Répands l'amour en notre c½ur.

D'un moine bénédictin :

" Je suis devenu véritablement moine le jour où j'ai découvert que ce n'est pas moi qui prie mais Dieu qui prie en moi. Prier, c'est entrer dans la prière que Dieu fait continuellement en nous. L'Esprit Saint vient en moi adresser la prière du Christ à son Père

3e dimanche de l'Avent, année C

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Avent
Année liturgique : C
Année: 2006-2007

Un soir, réunis pour le simple plaisir d'être ensemble, ces trois amis décidèrent de partager une même expérience de vie. Le premier d'entre eux avait passé une dizaine de jours sur l'Antarctique, un désert de glace, une mer figée d'une beauté rare, pour reprendre ses mots. De la blancheur à perte de vue, se plaisait-il à dire. Le second quant à lui avait été frappé par cette semaine passée au coeur d'un désert de sable. Il suffisait d'une rafale de vent pour effacer les traces de ses pas enfouis dans le sol. Des kilomètres de grains de sable, des dunes dont le mouvement ressemblait à des vagues, le tout baigné dans un grand sentiment de paix intérieure. Quant au troisième, il revenait d'avoir été marché sur les plaines d'un désert de rocailles et de poussières. Ca et là, il y avait quelques arbres qui souvent semblaient sans vie. Il avait marché, marché au gré de sa boussole. En se racontant leurs récits respectifs, ces trois amis découvrirent que leurs déserts avaient un point commun : aucun n'avait de route toute tracée. Ils se rappelaient simplement les impressionnantes étendues de sable, de rocailles ou encore de glace mais ni sentiers, ni chemins. N'est-ce d'ailleurs pas une des caractéristiques de nombreux déserts ? S'il en est ainsi, alors heureux sommes-nous lorsque Jean le Baptiste se met à crier dans nos déserts intérieurs là où le Père a choisi de venir se révéler en chacune et chacun d'entre nous. En nous, tout comme dans les déserts, il n'y a pas de route toute tracée comme si nous étions obligés de suivre un seul et unique chemin. Nous avons toutes et tous nos routes intérieures. Certaines sont sinueuses de nos blessures, voire tortueuses de nos maladresses, parfois parsemées des nids-de-poule de nos hésitations, sans doute glissantes de nos trébuchements, de temps à autre endurcies par nos entêtements. D'autres ont été usées par le cours de la vie ou blessées par les souffrances endurées de la maladie. D'autres encore sont comme des boulevards de bonheur parsemés de douceur et de tendresse, d'avenues bordées d'empathie et de compassion. Nombreuses et différentes sont donc nos routes intérieures. Aucune carte ne peut les décrire avec précision, aucun GPS ne peut nous guider. Elles sont inscrites, gravées dans le désert de nos existences. Il n'y a pas de chemin tout tracé mais plutôt une voix à entendre et à suivre. Une voix qui nous convie à préparer le chemin du Seigneur et à aplanir sa route. Ce chemin-là est également unique et nous l'empruntons à partir de ce que nous sommes, c'est-à-dire avec nos forces et nos fragilités, nos souffrances et nos maux, nos joies et nos amours. La voix de Dieu s'adresse personnellement à nous aujourd'hui encore. Si l'essence du message est bien évidemment le même, la manière dont il est délivré tient compte de notre réalité et de l'âge de nos vies. Dieu ne nous demande pas l'impossible. Il n'exige jamais que nous allions au-delà de nos propres forces. Nous aimant tels que nous sommes, il nous invite au c½ur de notre désert intérieur à suivre sa voix. Il est le chemin, la vérité et la vie. En fait, la voie divine par excellence. Il suffit de mettre nos pas dans ses propres traces. Il est à nos côtés et nous accompagne dans la manière dont nous nous regardons, dans les gestes que nous offrons, dans les mots que nous échangeons lorsque tous ceux-ci trouvent leur source dans l'amour. Dieu est avec nous et en ce temps d'Avent, il nous presse à nous mettre ou remettre debout au plus intime de nous-mêmes pour partir à sa rencontre et découvrir que la seule et unique voie de vie est celle de son Fils. Avec Lui, nous ne marchons pas à l'aveuglette. En effet, Dieu le Fils nous accompagne comme s'il nous tenait par la taille et nous conduit, si nous acceptons librement de nous laisser guider, vers une destination de rêve : notre salut. Une voix crie dans nos déserts intérieurs pour que nous partions vers l'accomplissement de notre destinée, celle qui se réalise lorsque nous écrivons notre vie avec l'encre divine, une encre lumineuse et indélébile. Une encre d'éternité. La voie du salut offert n'est pas l'apanage de quelques privilégiés. Non, nous dit Jean le Baptiste : « tout homme verra le salut de Dieu ». Ce salut nous est offert. Il n'est pas une promesse qui se vivra plus tard. Le salut divin se vit et se concrétise dès à présent dans l'aujourd'hui de nos vies. Il est ce don merveilleux qui nous permet de ne pas passer à côté de nos existences. Le salut offert à chacune et chacun d'entre nous est ce chemin intérieur que nous seuls pouvons tracer avec l'aide de l'Esprit Saint à l'oeuvre en notre monde pour participer à la construction du Royaume de Dieu où seul l'amour régnera. Face à une telle promesse, ne perdons plus de temps : préparons le chemin du Seigneur, aplanissons sa route et nous verrons le salut de Dieu.

Amen.

3e dimanche de Pâques, année C

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : C
Année: 2006-2007

L'évangile de Jean semblait se terminer avec l'épisode de Thomas et la conclusion qui lui faisait suite (cf. dimanche précédent) : or la narration rebondit avec un chapitre 21 supplémentaire. On était à Jérusalem et nous revoici à nouveau en Galilée, près du lac où sept disciples se préparent à aller pêcher. Comme c'est curieux ! Ces hommes ont vu le Seigneur ressuscité, ils ont reçu de lui le Souffle de l' Esprit et la mission urgente de transmettre le pardon des péchés...et au lieu d'être complètement transfigurés par ces événements et de se donner éperdument à leur tâche, ils sont retournés dans leur région et ont repris leur métier de pêcheurs ! N'accusons pas leur balourdise ! Nous-mêmes qui venons de fêter Pâques, qui avons chanté des alléluias et la Bonne Nouvelle de la victoire de la Vie sur la mort, y a-t-il quelque chose de changé dans le cours de notre vie ? Nous aussi, nous croyons à la Résurrection - mais nous sommes pris par nos occupations habituelles, nous nous tracassons pour des vétilles... Il faut beaucoup de temps pour être transformé par Pâques !

LES RETROUVAILLES DU LAC

La scène, d'une magnifique poésie, est une des plus belles de la Bible.

Le jour commence à poindre sur le lac où flotte une légère brume. On n'entend que le clapotis des vagues et les premiers pépiements des oiseaux qui s'éveillent dans les fourrés. Dans une barque, les hommes sont fatigués et ulcérés : toute une nuit de travail, des rondes sans cesse reprises à haler le filet...et rien ! Bredouilles. Soudain un appel retentit de la rive : "Eh, les enfants, vous n'auriez pas du poisson ?...". A cet inconnu lointain, on ne peut que répondre :" Non". Mais la voix retentit encore : " Jetez le filet à droite : vous trouverez" .

Qui est cet homme qui ose donner pareil ordre ? ..."Laisse tomber" a pu dire un des pêcheurs. Mais intrigué, Pierre relance le filet...à droite...Et merveille : soudain ça grouille là-dedans. Il faut s'y mettre à plusieurs pour tirer le filet.

Le disciple bien-aimé ( Jean, dit-on), toujours le premier subtil, a perçu l'identité de l'inconnu : "C'est le Seigneur". Et Pierre, toujours le premier impulsif, pique une tête dans l'eau et nage à toutes forces vers le rivage. La barque accoste, le filet est rempli de 153 poissons ( serait-ce, dit-on, le nombre d'espèces connues à l'époque ?). Les hommes observent un silence total. LUI, Il est là, près d'un feu allumé, avec un poisson et du pain.

"Jésus s'approche, prend le pain et le leur donne - ainsi que le poisson. C'était la 3ème fois que Jésus ressuscité d'entre les morts se manifestait à ses disciples".

On devine l'allusion au Pain de Vie que Jésus leur avait naguère annoncé. Ainsi donc il ne suffit pas que Jésus apparût et arrachât à Thomas la sublime profession de foi : " Mon Seigneur et mon Dieu", il faut encore que, patiemment, il rejoigne ses amis au c½ur de leurs travaux, en appelle à leur obéissance, leur fasse faire l'expérience qu'avec lui, ils peuvent aller au-delà de l'échec, connaître un succès inespéré et leur partage sa Vie dans ce Pain .

MIEUX QUE LA PÊCHE : L E P A R D O N

Le plus beau reste à venir : après le miracle de la pêche, voici celui du pardon. Vous vous rappelez la scène dramatique qui s'était déroulée chez le Grand Prêtre, dans la cour où Pierre avait suivi les gardes qui venaient d'arrêter son Maître. Lui, le "ROC", le téméraire qui, quelques heures auparavant, avait prétendu surpasser les autres : " Ah moi, je peux te suivre : je donnerais ma vie pour toi !"( 13, 37), ici, par trois fois, il assure qu'il ne connaît pas ce prisonnier, il jure qu'il ne l'a jamais vu, qu'il n'a rien à voir avec lui, tout en tendant les mains vers un brasero dont les flammes ne parviennent pas à réchauffer son c½ur qui a si froid à cet instant.

Maintenant, au bord du lac, encore près d'un feu, Jésus n'accule pas son disciple à reconnaître sa faute, il ne l'enfonce pas dans sa culpabilité : simplement il le "repêche" de son engloutissement dans la honte par une triple confession de son amour.

Quand ils eurent déjeuné, Jésus dit à Simon-Pierre :

- Simon, fils de Jean, m'aimes-tu plus que ceux-ci ? - Oui, Seigneur, je t'aime, tu le sais.- Sois le berger de mes agneaux....
-  Simon, fils de Jean, m'aimes-tu ? - Oui, Seigneur, je t'aime, tu le sais.- Sois le pasteur de mes brebis.
-  Simon, fils de Jean, m'aimes-tu ? - Pierre fut peiné...et il répondit : Seigneur, tu sais tout : tu sais bien que je t'aime !
-  Sois le berger de mes brebis...

Pierre ne se vante plus d'avoir un amour supérieur à celui des autres du groupe, il n'a plus le front de prétendre qu'il aime Jésus "plus que ceux-ci".

Mais il est sincère en répétant qu'il aime Jésus. Il n'est plus le Pierre, le Roc sûr de lui, fier d'avoir été placé à la tête du groupe - mais seulement un pauvre croyant qui, parmi les débris de ses prétentions, ne peut que murmurer :

" ...Et pourtant, c'est vrai, Seigneur : je suis lâche mais je t'aime".

Alors, parce qu'il est devenu humble, Jésus peut lui confier le soin de l'Eglise. Cependant qu'il n'oublie pas : les brebis restent celles du Seigneur ("mes brebis"). Les chrétiens ne sont jamais les sujets d'un pape, d'un évêque, d'un prêtre. Que tout responsable d'Eglise le sache : il peut être parfois aussi lâche , sinon plus, que les autres. Mais qu'il guide avec délicatesse ses frères et ses s½urs en faiblesse : ce sont les membres précieux du seul Seigneur qui les a acquis en versant son sang sur la croix !

A présent, parce qu'il ne compte plus sur ses forces, parce qu'il s'est jeté dans la miséricorde, Pierre peut suivre son Seigneur jusqu'au bout :

Jésus dit à Pierre : - Amen, amen, je te le dis : quand tu étais jeune, tu mettais ta ceinture toi-même pour aller là où tu voulais. Quand tu seras vieux, tu étendras les mains, et c'est un autre qui te mettra ta ceinture pour t'emmener là où tu ne voudrais pas aller. Jésus disait cela pour signifier de quel genre de mort Pierre rendrait gloire à Dieu. Puis il lui dit encore : "Suis-moi."

On raconte que Pierre, quelques années plus tard, à Rome, sera capturé et condamné ; à son tour, il étendra les mains pour être crucifié. Alors il ne criera plus qu'il ne connaît pas Jésus : au contraire, le c½ur rempli du souvenir des rencontres, émerveillé des "pêches miraculeuses" accomplies au cours de ses missions, il se jettera dans le martyr comme ici il se jetait dans l'eau du lac. Pour la même raison : rejoindre son Seigneur qu'il aimait tant.

Le Seigneur ressuscité ne plane pas dans un ciel lointain : il nous rejoint au c½ur de nos occupations professionnelles. Il nous appelle à le reconnaître lorsqu'il nous permet d'aller au-delà de nous-mêmes, lorsqu'il nous partage son Pain de Vie, lorsqu'il offre son pardon sur les plaies de nos blessures, lorsqu'il nous envoie en mission dangereuse, lorsqu'il nous demande de nous laisser guider par lui jusqu'à être capable de donner notre vie. A une seule condition. Oser sans cesse murmurer, sans orgueil, sans plus se comparer aux autres : "Oui, Seigneur, tu sais que je t'aime".

3e dimanche ordinaire, année C

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2006-2007

Après un passage chez St Matthieu (l'Epiphanie avec les mages) puis chez St Jean (le signe de Cana), nous plongeons dans l'évangile de LUC que nous suivrons toute cette année. Nous écoutons d'abord le prologue de l'½uvre : en quelques lignes, Luc expose les raisons qui l'ont poussé à écrire, sa méthode et le but qu'il poursuit. Texte très important mais la place manque ici pour le commentaire car la scène racontée ensuite, répartie sur 2 dimanches, doit recueillir toute notre attention : elle a une importance fondamentale. Pour la 1ère fois, Jésus s'explique sur lui-même et sur sa mission.

UN DISCOURS PROGRAMME

Quelque temps auparavant, Jésus, charpentier à Nazareth, était parti pour écouter le prophète Jean et recevoir le baptême donné dans les eaux du Jourdain. Il avait vécu ce rite de toute son âme : "il priait" dit Luc. Or, à ce moment précis, il a fait une expérience singulière : l'Esprit de Dieu est descendu sur lui tandis qu'il entendait la voix de Dieu : "Tu es mon Fils bien-aimé : aujourd'hui je t'engendre". Bouleversé, Jésus s'est enfui dans le désert pour méditer cet appel : comment y répondre ? C'est alors que Jean a été arrêté et jeté en prison. Aussitôt Jésus a commencé sa mission itinérante, remontant vers la Galilée tout en prêchant et en accomplissant certaines guérisons. Et c'est ainsi qu'il revient un jour dans son village.

Jésus vint à Nazareth où il avait grandi. Comme il en avait l'habitude, il entra dans la synagogue le jour du sabbat et il se leva pour faire la lecture. On lui présenta le livre du prophète Isaïe. Il ouvrit le livre et trouva le passage où il est écrit :

L'Esprit du Seigneur est sur moi parce que le Seigneur m'a consacré par l'onction. Il m'a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux prisonniers qu' ils sont libres, et aux aveugles qu'il verront la lumière, apporter aux opprimés la libération, annoncer une année de bienfaits accordée par le Seigneur."

Jésus a-t-il lu le passage prescrit par la liturgie de ce jour ou a-t-il délibérément choisi ce texte ? Toujours est-il qu'il s'y reconnaît, il se l'approprie et y voit décrit son programme d'action.

Il s'agit du début du chapitre 62 du rouleau attribué à Isaïe. Dans cette dernière partie (chap.56-66), due à un disciple appelé "le 3ème Isaïe", l'auteur fait parler un inconnu qui se présente et détaille sa mission. De qui s'agit-il ? Qui donc est ce " MOI " ?......

Jésus lève l'énigme, il annonce péremptoirement à l'assemblée que cette prophétie le désigne : C'est moi qui suis cet envoyé de Dieu. Lors de mon baptême, sans que personne s'en aperçoive, Dieu m'a adressé la Parole d'investiture royale telle que la rapportait le psaume 2 : ("Tu es mon Fils..."). Et l'Esprit de Dieu (c'est-à-dire la RUAH, le Souffle, l'Energie de Dieu) ne m'a pas seulement donné un élan passager comme aux prophètes de jadis mais il est demeuré sur moi. Désormais il m'habite, j'en suis comblé.

Consacré par l'onction de cet Esprit : je suis donc (en hébreu) MESSIAH, (en grec) CHRISTOS, (en français) MESSIE ou CHRIST.

Jésus ne serait-il devenu "Christ" qu'à son baptême ? Non : St Luc a pris soin de raconter l'Annonciation où il a précisé que Jésus, dès le sein maternel, était né de l'Esprit. Originellement il est, par l'Esprit-Saint, Fils de Dieu. Son baptême marque le moment où, après ses années de formation, son Père lui confère, par l'Esprit, son investiture : à partir de là, il peut et doit entreprendre sa mission. Laquelle ?

Il sera "le messie", le OINT à la manière dont l'annonçait le rouleau prophétique.

C'est la suite de l'Evangile qui nous montrera comment Jésus comprenait ce programme. Il sera le héraut des pauvres, il proclamera "Bienheureux les pauvres...". Toutefois il ne lancera pas des coups de main contre les prisons et même il n'interviendra pas pour en faire sortir Jean-Baptiste. Il guérira quelques aveugles mais pas tous. Il viendra "libérer" mais sans jamais combattre par la violence pour rendre l'indépendance à sa nation. Il ne correspondra pas à l'image apocalyptique tracée par Jean-Baptiste qui annonçait : " Il vient celui qui est plus fort que moi...Il a sa pelle à vanner pour nettoyer son aire...et il brûlera la balle au feu qui ne s'éteint pas" (3, 17). Il ne déclenchera pas la fin du monde ni ne rendra à tous santé et prospérité. Mais il fera tout pour faire sortir les hommes de l'emprisonnement du péché, libérer de l'aveuglement dû à l'égoïsme, à l'orgueil, à l'ambition, à l'avarice...

Mais alors que le texte d'Isaïe poursuivait : " ...et annoncer une année de vengeance de Dieu", Jésus y substitue : "Annoncer une année de bienfaits accordée par le Seigneur". Toutes les 7ème et 50ème années étaient des années de "jubilé" : on devait laisser reposer la terre et libérer les esclaves (cf. Lévitique 25). Ainsi Jésus proclame qu'il vient en effet ouvrir un temps de grâce où Dieu va déployer les trésors de sa Miséricorde.

LE TYPE MÊME DE L'HOMELIE

Jésus referme le livre, le rend au servant et s'assied. Tous, dans la synagogue, ont les yeux fixés sur lui. Alors il se met à leur dire : " Cette Parole de l'Ecriture que vous venez d'entendre, c'est AUJOURD'HUI qu'elle s'accomplit"

Imaginez la stupeur de l'assemblée : non seulement Jésus s'identifie à ce "messie" d'Isaïe mais il affirme que l'heure est venue d'appliquer ce programme. AUJOURD'HUI : tout de suite - le mot scande tout l'évangile de Luc. La Parole de Dieu n'est ni enfermée dans le passé ni projetée dans un avenir indécis : elle est à vivre séance tenante. Aujourd'hui devient un "présent de Dieu" Jésus fait exactement ce que l'on appelle une HOMELIE : lire un passage d'Ecriture et proclamer la Bonne Nouvelle de son actualité. Il ne s'agit pas de faire un commentaire savant d'un vieux grimoire, ni un cours de théologie ou de morale, ni de réconforter un auditoire amorphe par des promesses d'un bonheur futur, mais d'assurer avec force que ce que Dieu a dit, il le fait. Et sur le champ.

Lorsque le MESSIE de Dieu, Jésus, est là, les Ecritures s'accomplissent. Pour et avec ceux qui écoutent. Car Jésus ne cherche pas des spectateurs de son action : il veut que "ceux qui écoutent" soient "ceux qui font" avec lui. Page à méditer par les prédicateurs. Et par toute communauté chrétienne : acceptons-nous ce programme de Jésus ? Est-ce qu'il trace les lignes de force de notre activité ? Il est vain de regretter le "bon temps de jadis" ou de nous rasséréner en escomptant des "temps meilleurs". AUJOURD'HUI les paroles de Jésus retentissent. AUJOURD'HUI son ½uvre de libération de l'homme s'accomplit.

4e dimanche de Carême, année C

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps du Carême
Année liturgique : C
Année: 2006-2007

En ce carême, l'Eglise célèbre le 40ème anniversaire de la parution de l'encyclique du pape PAUL VI "POPULORUM PROGRESSIO". Consacré au problème du développement des peuples, ce document eut un énorme retentissement au point d'être qualifié par le cardinal Poupard "d'un des plus grands textes de l'histoire de l'humanité".

"Aujourd'hui, écrivait Paul VI, le fait majeur dont chacun doit prendre conscience est que la question sociale est devenu mondiale".

De même qu'au 19ème siècle, la classe ouvrière fut longtemps écrasée par un "capitalisme sauvage"(Jean-Paul II), ainsi aujourd'hui des peuples, des multitudes innombrables souffrent d'un système mondial qui les enferme dans l'ignorance, la misère, la maladie tandis qu'une minorité du monde s'enrichit de plus en plus. Le pape rappelait l'enseignement de l'Eglise redit par le concile Vatican II : La propriété privée est légitime mais reste hypothéquée par le droit des pauvres car les biens de la création ont une destination universelle. Paul VI citait St Jean : " Si quelqu'un jouit des richesses du monde, voit son frère dans la nécessité et lui ferme ses entrailles, comment l'amour de Dieu demeurerait-il en lui ?"

Il rappelait les appels martelés par les Pères de l'Eglise - par exemple :

" Ce n'est pas de ton bien que tu fais largesse aux pauvres, tu lui rends ce qui lui appartient. Car ce qui est donné en commun pour l'usage de tout le monde, voilà ce que tu t'arroges. La terre est donnée à tout le monde et pas seulement aux riches " ( Saint AMBROISE)

En 1987, pour le 20ème anniversaire de "POPULORUM PROGRESSIO", JEAN-PAUL II publiait "SOUCI DE LA RÉALITÉ SOCIALE" où il répétait l'urgence pour les chrétiens de connaître les principes de base de leur foi et surtout de les mettre en pratique. Il le redira avec force, en 1991, dans une autre encyclique "LA 100ème ANNÉE" (centenaire de RERUM NOVARUM)

Puis, en 2001, Jean-Paul II s'écriait :

" Est-il possible que dans notre temps il y ait encore des personnes qui meurent de faim, qui restent condamnées à l'analphabétisme, qui manquent des soins médicaux les plus élémentaires, qui n'aient pas de maison où s'abriter ?... Les chrétiens qui regardent ce tableau doivent apprendre à faire un acte de foi dans le Christ et à déchiffrer l'appel qu'il lance à partir de ce monde de la pauvreté...Ce versant éthique et social constitue une dimension absolument nécessaire du témoignage chrétien : on doit repousser toute tentation d'une spiritualité intimiste et individualiste"

("ENTRÉE DANS LE NOUVEAU MILLÉNAIRE " § 50-51).

Enfin, en 2005, dans sa première Encyclique "DIEU EST AMOUR", BENOIT XVI écrit :

" Le devoir immédiat d'agir pour un ordre juste dans la société est le propre des fidèles laïcs...Amour de Dieu et amour du prochain sont inséparables, c'est un unique commandement" (§ 18)

L'EGLISE AU SERVICE DES PLUS DEMUNIS

Comme il en fut, hélas, au 19ème siècle, tous ces appels sont demeurés lettre morte chez beaucoup qui ne veulent pas entendre...Toutefois ils ont provoqué un grand engagement de beaucoup de chrétiens au c½ur des pays dits "en voie de développement". Trop de baptisés, si souvent portés à dénoncer les défauts de leur Eglise, ignorent le gigantesque travail qu'elle accomplit pour sauver les plus démunis de la planète, où qu'ils vivent et quelle que soit leur religion.

Le réseau des "CARITAS" ( Organismes catholiques implantés dans presque tous les pays du monde) effectue un incessant labeur de développement : au Congo, dans le Sahel, en Inde, à Haïti, religieuses et laïcs aident la population à creuser des puits, à bâtir écoles et dispensaires, à lutter contre les épidémies, à se prendre en charge. On connaît mère Térésa et S½ur Emmanuel mais des multitudes d'autres (notamment "nos" Filles de la Croix) se dévouent inlassablement dans l'ombre.

Ce travail (ignoré souvent par les médias) n'est évidemment possible que grâce au soutien financier indispensable des Eglises plus riches.

Combien de chrétiens n'ont pas encore compris leur devoir, cachant leur égoïsme derrière de fausses objections...et d'autre part s'étonnant du délabrement de nos communautés occidentales ! Mais comment pourrions-nous attirer, convertir, avoir des vocations lorsque nous continuons à mener grand train de vie...alors que nous savons le scandale intolérable : 900 millions d'êtres humains n'ont pas accès à l'eau potable !?...

Toutes nos difficultés actuelles n'ont qu'une cause : l'injustice acceptée !

UN PERE AVAIT DEUX FILS . . .

La très célèbre parabole de ce jour n'a pas besoin d'être racontée : qui ne connaît l'histoire du fils prodigue ? Ce jeune, comme les nôtres aujourd'hui, avait envie d'avoir plus, de profiter des plaisirs, de jouir de la vie. La Maison du Père (l'Eglise)- avec ses dogmes incompréhensibles, ses rites ringards, ses vieux prêtres et ses pratiquants maussades- était une prison insupportable qu'il fallait quitter au plus tôt. Ainsi par millions, depuis 68, les jeunes se sont jetés dans la consommation effrénée : tant de gens célèbres les assuraient que c'est là qu'ils trouveraient leur épanouissement et leur bonheur.

Mais "dans le pays lointain" (loin de Dieu et sans foi), on finit par mourir d'ennui et de désespoir. Le prodigue n'a trouvé ni une épouse aimante ni un patron qui l'embauche et lui donne un salaire digne. Le monde merveilleux de la consommation offre des bagnoles de luxe (qui parfois deviennent des cercueils) et, au lieu de l'insipide Hostie, présente des drogues blanches qui tuent. Là on étrangle l'amour et on édifie une économie inhumaine qui méprise l'homme.

N'est-il pas l'heure de rentrer ? Le gaspilleur branché va-t-il enfin comprendre que ce monde de paillettes tourne à la jungle ? Osera-t-il faire marche arrière et revenir vers ce Dieu auquel il a tourné le dos, vers cette Eglise dont il ne connaissait qu'une caricature ?

Peut-être faut-il avoir été au bout des jouissances pour que l'éc½urement vous pousse enfin à prendre le chemin de la vérité .

On connaît la suite : le prodigue qui s'attendait à recevoir une raclée voit tout à coup son père s'élancer et se jeter à son cou, lui offrir le pardon de ses fautes et organiser une grande fête pour célébrer l'événement. Au grand scandale du fils aîné qui détestait son frère et ne voulait plus le revoir.

Le projet de Dieu-Père est de réconcilier ses fils, d'accueillir sous son toit Européens et Africains, Américains et Asiatiques. De faire la fête de l'Eucharistie où l'on partage sans égoïsme et sans racisme.

4e dimanche de Carême, année C

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps du Carême
Année liturgique : C
Année: 2006-2007

Une grand-mère demanda un jour à son petit-fils ce qu'il voudrait faire lorsqu'il sera grand. Moi, bonne-maman, répondit-il, lorsque je serai grand je serai rentier. Rentier, s'étonna d'abord la grand-mère mais cela veut dire que tu vas devoir beaucoup travailler pour le devenir. Pas du tout, rétorqua le petit-fils, j'ai tout prévu. C'est papa et maman qui vont devoir encore plus travailler car moi j'hériterai et je serai alors rentier. La grand-mère prit son petit-fils dans les bras, l'embrassa et se réjouit de l'esprit très imaginatif mais quelque peu naïf de celui-ci. Laissons alors un instant place à notre propre imagination et envisageons la situation où nous serions allés voir nos parents pour leur dire : « je viens chercher ma part d'héritage, je me rends compte que j'en aurai plus d'utilité aujourd'hui que dans une cinquantaine d'années ». J'imagine leurs têtes ; comme si nous avions un droit à hériter. La réponse que j'aurais sans doute reçue aurait été du style : « rêve mon fils, n'arrête pas de rêver, cela fait tout ton charme mais dis-toi bien que ce rêve restera un beau rêve qui ne se réalisera pas comme tu l'aurais souhaité. Et en attendant, termine ton assiette puis va aider tes frères et s½ur à la vaisselle ». S'il en a été ainsi pour la majorité d'entre nous, je ne comprends pas pourquoi ce père de la parabole de l'évangile que nous venons d'entendre dilapide ainsi son patrimoine en le donnant sans rechigner à son fils. La clé de compréhension de ce passage se trouve peut-être bien dans le tableau du fils prodigue de Rembrandt qui peut être admiré au musée de l'Hermitage à Saint-Pétersbourg. Et plus spécifiquement encore dans ce détail des mains du Père. Pour entrer dans ce mystère, observons un instant nos propres mains. Elles disent elles aussi à leur manière quelque chose de nos vies. Certains prétendent qu'il est même possible de lire les lignes de la vie dans la paume de nos mains. Quoiqu'il en soit, il y a les mains des personnes qui ont travaillé la terre ; il y a celles des manuels et des bricoleurs ; il y a celles des gens de bureau. Puis, dans un autre registre, il y a ces mains qui ont offert tant de caresses, signes de tendresse. Il y a ces mains qui nous ont porté et qui ont effacé les larmes qui perlaient dans nos yeux. Il y a toutes ces mains tendues en guise d'amour et d'amitié et il y en a tant d'autres encore. Nos mains sont ainsi porteuses de nos vies car elles en ont porté des choses au fil des années. A la fois nos joies mais également nos peines, nos souffrances et nos maladies. Et, il est vrai que parfois aussi, elles ont porté de nombreuses choses bien inutiles et souvent superflues à notre quête du bonheur et ce, contrairement aux messages de la publicité. Nos mains ont parfois couru après le temps, oserais-je me permettre de dire après le vent. Un peu à l'instar du fils prodigue de l'évangile. Il s'en est allé les mains pleines d'argent à la poursuite d'une vie insensée au rythme de l'instant présent et du plaisir immédiat et surtout une vie sans fondement. Ces mains-là se sont vites retrouvées vides de sens, voire pire encore, absentes de vie. Quelques soient nos mains aujourd'hui, l'évangile nous invite à les ouvrir pour offrir le tout de ce que nous sommes à ce Père qui nous attend et nous accueille. Qui que nous soyons, quoique nous ayons pu faire, nos mains sont belles de nos vies, ridées de nos questions sans réponses, calleuses de nos blessures et de nos souffrances. Elles sont nôtres et nous sommes conviés à prendre ou reprendre une fois encore le chemin vers le Père qui nous accueille avec ses propres mains comme l'a si bien peint Rembrandt. Dans ce tableau, la main gauche du Père est une main d'homme qui soutient et protège. Nous ne devons plus craindre ni notre passé ni notre avenir. Dieu est avec nous sur la route. Il nous accompagne et nous porte lorsque nous acceptons de nous remettre à Lui en toute confiance malgré le mystère de sa divinité. Puis, il y a la main droite, une main de femme, fine et légère, une main de mère qui caresse et console, une main qui soulage nos peines. Oui, le peintre avait raison, la clé de compréhension de cette parabole est bien dans les mains masculine et féminine de notre Dieu. Forts de ce constat, offrons alors nos mains telles qu'elles sont c'est-à-dire symboles de nos existences à ce Dieu en qui nous croyons pour qu'ils les prennent dans les siennes. Par nos mains, nous serons alors reliés l'un à l'autre. D'un côté des mains humaines porteuses de nos histoires, de l'autre côté des mains divines protectrices et consolatrices, porteuses de nos vies. En ce temps de Carême, ne tardons plus, allons en toute confiance à la Rencontre de ce Dieu en nous et tendons nos mains pour nous laisser porter par la douceur de sa divinité. Amen.

4e dimanche de l'Avent, année C

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Avent
Année liturgique : C
Année: 2006-2007

Notre 4ème semaine d'Avent sera réduite au minimum cette année puisque nous voici déjà à quelques heures de Noël, ultime délai que nous allons sans doute consacrer à effectuer nos derniers achats.

En tant que chrétiens, n'oublions pas de nous donner des temps de silence et de prière afin que Noël ne s'enlise pas au niveau d'une simple réjouissance païenne. Et comment mieux vivre ce temps sinon en compagnie de celle qui a permis Noël ? Elle était encore une jeune adolescente de 14-15 ans, dans un petit village perdu dans les collines de Galilée, et on venait de fêter son mariage avec le charpentier Joseph. Elle s'appelait Marie.

Et son extraordinaire aventure - qui va changer l'histoire du monde - débute par une rencontre dans la prière, la célèbre scène de l'Annonciation qui peut encore aujourd'hui nous apprendre un chemin de prière personnelle.

ÉCOUTER : Marie est seule, silencieuse. Tout à coup elle reçoit un message. " Réjouis-toi, le Seigneur est avec toi..." Commencer par là : oser du silence, cesser de baigner sans arrêt dans une atmosphère bruyante, avec des médias en fonctionnement permanent. Nous mettre à l'écoute d'une voix qui vient d'ailleurs - une voix qui nous appelle à la JOIE !

CHERCHER LE SENS

Marie entend d'antiques oracles des Prophètes. Elle est bouleversée : elle connaît bien ces oracles souvent entendus aux offices de la synagogue : " Une femme sera mère du Messie....." C'est pourquoi les peintres de l'Annonciation la représentent souvent penchée sur un livre ouvert. Mais une chose est d'écouter paisiblement une lecture, autre chose est de percevoir tout à coup que ces vieux textes vous concernent, que c'est de vous qu'il est question. " C'est pour TOI la joie... C'est TOI qui vas être la mère du fameux Messie attendu...".

Marie questionne, demande des précisions. La lecture était étude : elle devient programme à appliquer ! Il ne faut pas craindre de questionner Dieu, de vouloir comprendre. Qu'est-ce que Dieu me demande ? DANS L'IMPUISSANCE HUMAINE Devenir enceinte sur le champ ? Marie, qui ne croit ni aux choux ni aux cigognes, et qui vit encore ses derniers mois dans la maison de ses parents, s'étonne : "Comment cela se fera-t-il puisque je ne connais pas d'homme ?". Comment voulez-vous qu'un homme vous apporte le salut de Dieu ? Mais le salut de l'humanité ne peut être une ½uvre humaine, il est infiniment au-dessus de nos possibilités et de nos ressources. C'est au creux de nos impuissances radicales que Dieu va agir : " L'Esprit de Dieu viendra sur toi : c'est pourquoi ton enfant sera Fils de Dieu". Si tu fais confiance, si tu abdiques de ton orgueil, la Puissance divine agira. A son heure. Selon son projet.

DANS UN OUI TOTAL

Une brèche a été ouverte, l'offre de Dieu a ouvert un abîme de perplexité, soulève des questions à l'infini. Quel sera l'avenir ? Marie émue, tremblante, accepte sa mission :"JE SUIS LA SERVANTE DU SEIGNEUR : QUE TOUT SE PASSE POUR MOI COMME TU L'AS DIT". On ne répond pas à Dieu en murmurant un credo non compromettant : il faut se donner tout entier. La Parole de Dieu n'est pas un savoir : elle est à faire, il faut l'accomplir comme Dieu l'exige. Marie se présente comme SERVANTE du Seigneur. Quel honneur d'être au service de Dieu !!

POUR SERVIR SON PROCHAIN

Un détail supplémentaire a été enseigné à Marie : sa cousine, mariée depuis longtemps mais restée stérile, est enfin enceinte ! Sur le champ, Marie prévient ses parents : "Je dois aller chez cousine Elisabeth qui va bientôt accoucher". Saint Luc raconte ( c'est l'évangile de ce dimanche) :

Marie se mit en route rapidement vers une ville de la montagne de Judée. Elle entra et salua Elisabeth. Elisabeth fut remplie de l'Esprit-Saint et s'écria d'une voix forte : " Tu es bénie entre toutes les femmes et le fruit de tes entrailles est béni. Comment ai-je ce bonheur que la mère de mon Seigneur vienne jusqu'à moi ? Car lorsque j'ai entendu ta salutation, l'enfant a tressailli d'allégresse au-dedans de moi. Heureuse celle qui a cru à l'accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur."

 

Admirable démarche. Marie vient de recevoir la plus haute mission qu'un être humain ait jamais reçu sur terre, et, au lieu de se cloîtrer chez elle pour se garder à l'abri, au lieu de convoquer les autres pour venir lui rendre hommage, c'est elle-même qui entreprend un long voyage. Elle ne va pas contrôler la réalité du fait qu'elle vient d'apprendre -car elle y croit- mais afin, très humblement, de soutenir sa parente, son aînée, jusqu'à la naissance de son bébé. Car une prière véritable ne replie pas sur soi, elle ne déguste pas des sensations subtiles : quand un c½ur a entendu l'appel de Dieu, il entend du coup les appels secrets de ses frères. On n'accomplit sa propre vocation qu'en se réjouissant de la vocation de l'autre et en courant vers lui afin qu'il puisse la mener à terme. Marie qui s'est déclarée "servante du Seigneur" se fait, en acte, "servante de sa parente". Vision, extase, miracle, pèlerinage... : tout ce qui n'induit pas le bénéficiaire à SERVIR son frère, en Eglise, est illusion et faux sacré. Quiconque sort de la célébration eucharistique se doit d'être éveillé aux demandes, aux détresses. Un cantique est beau, une homélie est réussie quand les participants s'unissent pour que s'accomplisse la Parole de Dieu.

DANS L'EXULTATION DU MAGNIFICAT

Les deux femmes se jettent dans les bras l'une de l'autre. Ce sont elles, les fragiles, les dédaignées, les sans pouvoir, qui sont chargées du destin et du salut de l'humanité. Que Dieu est bon, que ses voies sont incompréhensibles : comment ne pas chanter sa Gloire ?" Magnifique est le Seigneur...Il m'a regardée, moi, sa petite servante...Son amour s'étend d'âge en âge : il renverse les orgueilleux, il dépouille les cupides...Il choisit les pauvres..."

MARIE MODELE DE NOTRE PRIERE

Certes la vocation de Marie est unique, inégalable. Mais son chemin de prière peut être le nôtre : Écouter la Parole de Dieu et y recevoir un ordre de mission, servir le Projet de Dieu par le service du frère, chanter... Alors se poursuit l'Incarnation de Dieu. Noël est notre avenir.