7e dimanche ordinaire, année C

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2006-2007

En Israël occupé depuis 90 ans, on attendait une intervention de Dieu pour retrouver l'indépendance nationale. Jésus survient et proclame avec assurance qu'il inaugure sur le champ, et de manière définitive, un royaume où Dieu prend parti pour "les pauvres, les affamés, ceux qui pleurent, les persécutés" (cf. dimanche passé). Mais appartenir à une catégorie de personnes serait-il suffisant pour faire partie des aimés de Dieu ? Non. Après avoir parlé à l'indicatif ("vous qui êtes pauvres..."), Jésus va poursuivre avec des impératifs. En effet on n'entre pas dans le Royaume par un état de fait mais en adoptant un certain comportement, en pratiquant une certaine obéissance. Et laquelle !

"Je vous le dis à vous qui m'écoutez : Aimez vos ennemis".

Ordre "in-ouï" (au sens propre) ! Dans l'auditoire, personne ne s'attendait à entendre pareille exigence. N'était-ce pas demander l'impossible ? Et nous, aujourd'hui, allons-nous accueillir cet ordre ?

Un mot d'explication d'abord sur ce fameux verbe AIMER. Pour le traduire avec justesse, les chrétiens ont repris le verbe choisi par les anciens traducteurs de la bible grecque : écartant les vocables habituels ( éros, philo-...), ils ont choisi un mot d'usage peu courant : AGAPÈ. L'amour d'agapè - traduit en français : charité - n'est pas un amour sentimental entre personnes liées par des liens familiaux ou attirées l'une vers l'autre par séduction ou sympathie. Ni non plus le fait de jeter une piécette à un mendiant (dérive obscène du mot !). C'est un amour raisonné, volontaire, qui veut voir l'autre au-delà des affinités personnelles, qui ne se contente pas d'impressions, de déclarations ou de sentimentalité. C'est un amour qui tend au respect de l'autre comme personne et qui se traduit dans des actes.

AIMER L'ENNEMI : C'EST-A-DIRE ?...

Jésus explique ensuite comment il entend cet amour des ennemis :

Faites du bien à ceux qui vous haïssent, Souhaitez du bien à ceux qui vous maudissent, Priez pour ceux qui vous calomnient.

La charité n'est donc pas amitié sentie, plaisir de la relation mais elle est décision, action : faire du bien, dire du bien, prier-pour... Il faut remarquer l'importance de la prière pour l'ennemi - condition qui permettra sans doute d'avoir la force de faire le reste.

Ensuite Jésus continue par de petites phrases concrètes, à la 2ème personne : c'est toujours un TU qui doit se décider, opter pour freiner la colère naturelle et adopter un comportement charitable : A celui qui te frappe sur une joue, présente l'autre, À celui qui te prend ton manteau, laisse prendre aussi ta tunique. Donne à quiconque te demande Ne réclame pas à celui qui te vole.

Tout cela, dit-il, peut se résumer dans ce que l'on appelait déjà dans l'antiquité : "La Règle d'or" :

Ce que vous voulez que les autres fassent pour vous, faites-le aussi pour eux.

Dans nos relations avec les autres, surtout avec ceux qui nous causent le plus de difficultés et qui risquent toujours d'éveiller des sentiments de vengeance, de provoquer des réactions violentes, la charité refroidit nos ardeurs belliqueuses, calme notre spontanéité pour nous faire nous demander :" Qu'est-ce que j'aimerais que l'autre fasse pour moi ?" afin de traiter l'autre comme on aimerait être soi-même traité. Difficile ? Certes. Héroïque ? Oui. Mais alors pourquoi exiger tel comportement ? Jésus l'explique :

Si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle reconnaissance pouvez-vous attendre ? Même les pécheurs aiment ceux qui les aiment ! Si vous faites du bien à ceux qui vous en font, quelle reconnaissance pouvez-vous attendre ? Même les pécheurs en font autant. Si vous prêtez quand vous êtes sûrs qu'on vous rendra, quelle reconnaissance pouvez-vous attendre ? Même les pécheurs prêtent aux pécheurs pour qu'on leur rende l'équivalent.

Dans le royaume de Dieu, il s'agit donc de faire plus, beaucoup plus que le commun des mortels. Se limiter à l'observance de la morale courante, s'enfermer dans le cercle des gens sympathiques, aimer celui qui nous aime : tout le monde fait ça, dit Jésus, même les pécheurs. Un disciple de Jésus, à l'exemple de son Maître, se sent tenu de faire des choses pour lesquelles il ne ressent aucun attrait naturel. Le comportement du chrétien sera parfois a-normal, original, ex-centrique (centré sur l'autre )

Au contraire, aimez vos ennemis, faites du bien et prêtez sans rien espérer en retour. Alors votre récompense sera grande et vous serez les fils du Dieu Très-Haut car Il est bon, lui, pour les ingrats et les méchants.

Cet amour actif de l'ennemi ne sera rien d'autre au fond que l'imitation même de l'amour de Dieu. Celui-ci n'accorde-t-il pas soleil et pluie à l'ensemble des hommes ? (ce qui sera précisé dans s. Matthieu). La charité pour l'ennemi témoigne de la charité issue de Dieu, elle fait reconnaître en celui qui la pratique "son fils". Et cet amour culminera dans le pardon.

Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux. Ne jugez pas et vous ne serez pas jugés Ne condamnez pas et vous ne serez pas condamnés. Pardonnez et vous serez pardonnés. Donnez et vous recevrez une mesure bien pleine, tassée, secouée, débordante qui sera versée dans votre tablier. Car la mesure dont vous vous servez pour les autres servira aussi pour vous.

Lisez l'évangile, étudiez la conduite de Jésus, et vous comprendrez un peu la Bonté, la Tendresse du Père : il sauve la brebis égarée, il accueille le fils prodigue, il s'invite chez Zachée le voleur, il ouvre le ciel au bon larron. Tous ces exemples nous incitent à ne pas porter de condamnations et à partager avec les autres le don magnifique de la Miséricorde que notre Père nous a prodiguée en Jésus son Fils. Ne nous a-t-il pas appris à prier : " Pardonne-nous comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés" ??... Et non seulement il faut pardonner mais il faut le faire avec une folle générosité. Pas donner un peu, à contre-c½ur, à portion congrue, à la petite cuillère...mais avec générosité. Car c'est en comblant l'autre que l'on devient assez ouvert pour être comblé par Dieu. Quiconque rétrécit son c½ur, mesure ses dons, est mesquin dans ses relations sera rabougri, tellement entortillé sur lui-même que Dieu ne pourra le combler. Oui cette page est très difficile à vivre. Dans certaines circonstances, ces ordres nous paraîtront totalement inacceptables, impraticables. Mais tout est possible à Dieu. Celui qui est meurtri par l'injure, blessé par les coups, celui que ronge le désir de vengeance, qu'il prie et l'Esprit lui sera donné. Peu à peu, sous le regard du Christ en croix, il sentira son c½ur se calmer. Humilié par ses propres fautes, bouleversé par le pardon de Dieu tant de fois reçu à profusion, il sera porté à faire de l'extra-ordinaire.

7e dimanche ordinaire, année C

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2006-2007

Contrairement à ce que certains pourraient parfois penser : aucune religion, aucune philosophie n'a le monopole de Dieu. Chacune, à leur manière propose, un chemin de réalisation de soi par un ensemble de valeurs qu'elles invitent à mettre en ½uvre. Ces dernières sont d'ailleurs partagées par les grandes traditions religieuses du monde. En effet, dans l'ancien Mahabharata hindou, nous pouvons lire : « quelqu'un ne doit jamais faire à quelqu'un d'autre ce qu'il considère comme injurieux pour lui ». Dans le Sutta Nipata bouddhiste nous lisons : « comme une mère s'occupe de son enfant chaque jour, de la même manière l'esprit de l'homme devrait être donné entièrement à toutes les choses vivantes ». Dans un écrit taoïste nous pouvons lire que « l'homme bon verra les gains des autres comme s'ils étaient les siens et leurs pertes de la même manière ». Les écritures zoroastriennes déclarent : « la nature est seulement bonne lorsque elle ne fait pas à un autre ce qui n'est pas bon pour elle-même ». Dans le Talmud juif nous lisons : « ce qui est détestable pour toi, ne le fais pas à tes pairs. Ceci est le tout de la Torah ». Et enfin, dans le Hadith de l'Islam nous découvrons les mots du prophètes Mohammed : « aucun homme n'est un vrai croyant à moins qu'il ne désire pour son frère ce qu'il désire pour lui-même ». Toutes ces phrases font ainsi écho à la règle d'or entendue dans l'extrait d'évangile de ce jour et qui résume tout l'enseignement de Jésus : « ce que vous voulez que les autres fassent pour vous, faites-le aussi pour eux ». Lorsque nous prenons conscience de la richesse du pluralisme religieux, aucune religion, aucune philosophie ne peut donc prétendre à être la seule et unique voie de salut. Chacune à leur manière dévoile quelque chose de la divinité ou de l'humanité de toute personne. Elles proposent toutes une éthique de vie, partagée par tous les êtres de bonne volonté. Une éthique à l'image de notre vie : toujours à faire, à construire, jamais atteinte. Par ce biais, nous entrons nous aussi dans le mystère de notre foi et, comme le souligne un philosophe contemporain « ce qu'il y a de beau dans un mystère, c'est le secret qu'il contient et non la vérité qu'il cache ». La foi chrétienne dévoile dès lors à sa manière une partie du mystère divin. Elle nous fait entrer dans un autre rapport à l'autre de par notre propre relation au Tout-Autre. C'est en tout cas ce que semble souligner cette règle d'or. Nous ne sommes pas face à une multitude de propositions éthiques à réaliser. Nous sommes plutôt au-delà de toute éthique humaine pour entrer dans le champ de l'éthique divine où nos catégories ne fonctionnent plus comme nous l'entendons. La règle d'or nous fait entrer dans une nouvelle dynamique, celle de la rencontre par excellence, c'est-à-dire une rencontre qui se veut toujours trinitaire. Je m'explique. Pour être capable de réaliser aujourd'hui cette éthique divine telle qu'elle nous est proposée dans l'évangile, nous devons apprendre à rencontrer l'autre autrement. L'autre n'est plus un autre parmi d'autres et ce qu'il soit ami ou ennemi. Non, dans la dynamique trinitaire, l'autre lorsqu'il fait partie des exclus de notre société, devient visage du Père au c½ur de notre humanité. Poussé par l'Esprit, il est cette image qui m'invite à devenir regard bienveillant du Fils. Dans d'autres circonstances où la relation est plus complexe et où l'autre cherche à m'exclure de toute forme de relation, je deviens pour lui visage du Père et poussé par l'Esprit, je l'invite à retrouver en lui la face du Christ. Et cela prend parfois du temps, beaucoup de temps. Heureusement pour nous, nous avons l'éternité devant nous et espérons que certaines relations où la rencontre n'a pas été possible sur terre pourront se vivre lorsque nous serons imprégnés de la lumière divine. Nous sommes donc bel et bien invités à entrer dans l'événement de la rencontre trinitaire. En d'autres termes, laisser Dieu s'inscrire au c½ur de nos relations afin de les rendre non seulement plus intenses mais aussi plus vraies. Etre capables d'une rencontre trinitaire alors que la relation est difficile, voire parfois impossible, c'est oser se laisser toucher par la miséricorde qui habite le Père. Un peu comme si nos relations ne pouvaient devenir trinitaires dans la rencontre que si la miséricorde en était le moteur. Une miséricorde pour soi et une miséricorde pour l'autre de qui j'accepte de me faire proche. Lorsque la miséricorde s'inscrit au c½ur de nos rencontres trinitaires, nous pouvons mettre en ½uvre dès à présent la règle d'or qui comble toute vie. Demandons alors à l'Esprit de Dieu de nous inspirer et de nous accompagner pour que lors de chacune de nos rencontres nous soyons soit visage du Père ou face du Christ. Dieu a besoin de nous. Aujourd'hui, il passe par nous.

Amen.

Ascension

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : A, B, C
Année: 2006-2007

Il m'arrive parfois d'entendre la question suivante posée par certaines personnes vraisemblablement passionnée de statistiques. Je me permets de vous la livrer en ce jour de la fête de l'Ascension : « dites-nous, Père, quel est votre taux de divorce parmi les mariages que vous avez célébrés à ce jour ? ». Je m'étonne toujours de ce type d'interpellation. En effet, en tant que célébrant, je suis attentif à ce que le couple de fiancés prenne le temps de se préparer. Je les rencontre et je les accompagne. Je me permets alors de rappeler à ces personnes qui me questionnent sur « mon taux de divorce parmi les mariages célébrés » qu'en temps que prêtre, je ne suis pas acteur du sacrement de mariage que c'est un sacrement que les époux se confèrent. Mon rôle s'arrête donc bien le jour de la célébration. Je reste bien évidemment disponible après s'ils souhaitent. Mais en aucune manière, je ne me suis engagé à téléphoner tous les mois à tous les couples dont j'ai accompagné la célébration pour voir si tout se passe bien entre eux. Je me refuse d'être la caricature de la belle-mère envahissante qui s'autorise à interférer dans des matières qui ne la regardent pas. Il faut dire aussi qu'économiquement ce serait lourd à gérer en temps et en argent car cela me ferait plus de six cent coups de téléphone à donner par mois. A la fameuse question, je réponds donc que je n'en sais rien et que ce n'est pas « mon taux » mais la réalité de ce que les couples vivent. C'était leur décision de se marier, c'est encore et toujours la leur de chercher à poursuivre l'aventure ensemble lorsque des difficultés surgissent. Telle est leur liberté et ils n'ont certainement pas besoin d'une belle-mère de plus. Sur base de ce constat, je me demande si la fête que nous célébrons aujourd'hui n'est pas également un peu de cet ordre-là. Dieu le Fils semble ne pas souhaiter devenir une sorte de belle-mère envahissante et insupportable qui interviendrait à tort et à travers dans le cours de nos existences. En agissant ainsi, il reproduit l'attitude de son propre Père qui, après avoir créé l'être humain, a également choisi de se retirer, de se reposer. Il achève sa Création en nous ayant donné un mandat : celui de conduire la Création entière et ses créatures à l'accomplissement. Un peu comme si nous étions des êtres inachevés dans un monde tout aussi inachevé qui sommes devenus, par le mandat reçu, lieutenants de Dieu sur terre, c'est-à-dire tenant lieu de Dieu sur terre (A. Gesché). Lourde responsabilité puisque Dieu se révèle à nous par nous. Mais également, quel cadeau de nous offrir ainsi la liberté de nous réaliser. Quelques millénaires plus tard, le Christ s'incarne pour nous proposer un chemin de vérité de vie. Tout est là, en substance, dans les pages de nos évangiles. Si nous voulons mettre nos pas dans les traces du Christ, il nous suffit de vivre de ce qu'il a habité lors de son passage parmi nous. En bon Fils unique, il reproduit l'attitude du Père et choisit à son tour, après avoir convaincu ses disciples de l'événement de la Résurrection, de quitter ses proches pour les laisser plus libres encore d'accomplir leur propre destinée. En agissant de la sorte, il refuse lui aussi d'être cette présence divine envahissante vers laquelle nous nous tournerions systématiquement dès qu'un problème surgirait. Il ne veut pas être catalogué de « belle-mère infernale ». Dieu tient trop, en effet, à l'exercice de notre liberté mais également il nous donne demande de devenir des êtres pleinement responsables face à notre propre vie. Il est alors clair que le prix de la liberté peut nous sembler parfois un lourd tribut à payer surtout lorsque nous sommes confrontés à l'insupportable de l'injustice de la maladie ou de la mort qui arrive souvent trop tôt. Nous avons le sentiment que le cadre à partir duquel notre liberté peut s'exercer diminue fortement et nous pouvons être saisi d'un vertige d'un sentiment d'absence totale de liberté. Toutefois, le Fils ne nous laisse pas seuls, en désarroi. Il nous promet qu'à l'événement de la Pentecôte, il nous enverra « ce que mon Père a promis », c'est-à-dire l'Esprit Saint qui nous accompagnera sur le chemin de vérité de nos vies. Avec l'Esprit de Dieu en notre monde, il ne s'agit plus de cette « belle-mère insupportable » mais plutôt d'une « belle-maman » attentive et bienveillante qui se révèle à nous, lorsque nous choisissons de nous laisser guider par Lui, dans la manière dont tous ceux et celles qui se font proches de nous, nous accompagnent dans la traversée de l'épreuve. Le Fils, comme le Père, s'en est allé mais nous vivons avec la promesse que nous ne sommes plus jamais seuls. L'Esprit de Dieu éclaire nos routes intérieures. Il est en nous et agit par chacune et chacun de nous. Puissions-nous alors rendre grâce à Dieu de nous offrir une telle liberté et une telle responsabilité pour sa Création et ses créatures. Bonne fête de l'Ascension et bonne fête à toutes les « belles-mamans » attentives et bienveillantes qui par leur être et leurs actes rendent Dieu plus présent en notre monde.

Amen.

Assomption de la Vierge Marie 

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A, B, C
Année: 2006-2007

Quel destin extraordinaire a eu cette jeune fille, enfouie dans un petit village quelconque de Galilée. On ne connaît pas ses ancêtres. Elle ne possédait ni garde-robe ni bijoux. Elle ne devait pas avoir 15 ans.

Un jour, Dieu l'a interpellée dans sa solitude pour une demande stupéfiante : " Veux-tu non seulement croire en moi, non seulement m'attendre pour la fin des temps, mais m'assumer aujourd'hui dans ta chair ?". Me laisser venir en toi. Ton SEIN sera le SAINT DES SAINTS véritable. Ton corps sera Tabernacle, le lieu de la Présence réelle de Dieu.

Devant cet appel, Marie a été complètement bouleversée ; toute tremblante, elle a cherché à comprendre le sens de ce qui lui était dit, elle a achoppé sur ses limites : " Comment cela se fera-t-il ?". Il lui a été répondu que son fils, ce Fils don de Dieu, héritera du trône de David pour l'éternité. Et que cette ½uvre ne sera pas la sienne mais celle du Saint-Esprit, de la Puissance de Dieu.

Et la jeune fille, sans prétexter de son indignité, sans demander un délai de réflexion, sur le champ, a accueilli sa vocation.

JE SUIS LA SERVANTE DU SEIGNEUR : J'accepte de "servir" le projet de Dieu, de m'y donner de tout mon c½ur, de tout mon corps.

QU'IL ME SOIT FAIT SELON TA PAROLE : que ce message qui me dépasse de partout commence à s'accomplir. Que toute mon existence soit disponible sans réserve pour que cette PAROLE se réalise, se fasse, s'incarne en moi.

J'ASSUME CETTE VOCATION : JE LAISSE VENIR EN MOI CELUI QUI A CREE LE MONDE ET QUI DOIT RECREER LES HOMMES.

ET LA SUITE ? Marie va accepter l'imprévisible.

Neuf mois plus tard, l'enfant annoncé comme le Roi éternel naît dans une sorte d'étable, sans autre berceau qu'une mangeoire. J'ASSUME

L'enfant grandit, devient adolescent, apprend le métier de charpentier, enterre son père et poursuit la vie ordinaire du petit village, au service des clients. Seul avec sa mère pour mener une vie toute simple. J'ASSUME

Un jour, il la quitte : il rejoint Jean-Baptiste puis commence sa mission de prophète itinérant. Des foules se pressent pour l'écouter, des malades chantent leur guérison. Mais très vite les autorités s'irritent. Des rumeurs circulent : " Ce type est possédé ! Il a fait un pacte avec Satan !". Dans sa famille, Marie est en butte à l'hostilité : " Ton fils a perdu la tête ! ....Il faut aller le récupérer d'urgence, le faire rentrer à la maison ! Ca devient dangereux pour nous". J'ASSUME

Marie a appris que son fils monte à Jérusalem : elle se hâte et le retrouve, épouvantée, dans l'enfer du Golgotha. Le fils que Dieu lui a donné, refusé par ses compatriotes, haï par les autorités, condamné par le Gouverneur, abandonné par ses disciples, trahi par l'un d'eux, est cloué sur la croix d'ignominie !

La nuit noire. L'agonie. Le poignard en plein c½ur. Le gouffre sans fond du plus atroce des malheurs pour une mère. J'ASSUME

Trois jours après : l'exultation suffocante, les retrouvailles. C'est bien Lui, son corps, ce corps d'homme qu'elle lui avait donné. Mais transfiguré par l'Esprit. La matière est devenue lumière. Jésus bientôt disparaît : son ASCENSION lui permet de rejoindre son Père.

MARIE ASSUME

Elle demeure dans la communauté des disciples : au centre du groupe, elle prie avec eux AFIN QUE SE RENOUVELLE POUR EUX CE QU'ELLE A VECU LA PREMIERE : écouter la Promesse, dire Oui, accueillir l'ESPRIT.

MARIE ASSUME l'EGLISE NAISSANTE.

Comme elle, l'Eglise est "vierge" au sens où son c½ur est totalement donné à son Dieu ; comme elle, elle est Mère : elle va enfanter "des images du Christ", des disciples, des "chrétiens".

La suite est mystérieuse : les Ecritures ne disent plus rien.

Il y a une église de la Dormition de Marie à Jérusalem ; et une maison de Marie à Ephèse où elle était, dit-on, avec saint Jean, le disciple bien-aimé. Mais aucune trace de tombeau, de reliques du corps.

Car Marie a été assumée.

Puisque, maman, tu m'avais assumé, accueilli dans ton humanité, à présent moi, ton Fils, ton Seigneur, je t'accueille dans la divinité.

Tu m'avais permis de venir sur terre, de vivre dans ta maison ; désormais je t'appelle au ciel, dans la Maison du Père.

JE T'ASSUME.

Non seulement avec ton âme mais tout entière corps et âme.

Car il est faux de prétendre que l'Eglise a le mépris du corps. Au contraire des Grecs qui considéraient le corps comme une dépouille, un "tombeau" dont l'âme devait sortir pour être enfin libérée, le christianisme proclame que le corps est respectable, honorable.

Le Corps de Marie dans lequel s'est tissé le Corps de Jésus est à son tour divinisé.

En elle, il s'était fait homme ; en Lui, elle est imbibée de Gloire.

Chrétien, assume l'Eucharistie

Humble servante du Seigneur, donne-nous la foi, l'audace de croire, de nous donner entièrement afin que le Christ prenne corps en chacun de nous. Car la merveille qui a eu lieu en toi doit se passer en nous.

Chrétien, par le baptême, le Christ naît en toi. Par l'Eucharistie, il se fortifie et grandit en nous.

ASSUME l'Eucharistie : prends-la, accepte-la. Tu deviendras Mère du Christ, ton corps aura plus de valeur que la plus majestueuse des cathédrales. Il sera temple.

Quand tu prends de la nourriture, tu la prends en toi, elle devient toi, elle passe dans un corps promis à la mort . Tandis que lorsque tu manges l'Eucharistie, LE CHRIST TE PREND ... IL T'ASSUME ... IL TE PREND EN LUI ET DANS SON EGLISE...

Alors tu peux assumer ta vie. Toi-même, tes qualités et tes défauts, tes joies et tes peines, tes réussites et tes échecs.

Assume tes heures et tes jours, assume ton temps : si tu restes fidèle, il te conduit à Dieu. Tu cherches la Gloire ? Elle t'est promise au-delà de toutes tes espérances. Regarde MARIE. Et chante avec elle :

"Magnifique est le Seigneur !!! "

Dimanche de Pâques

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : A, B, C
Année: 2006-2007

Il faut dire qu'elle avait pris son temps. Elle avait d'abord choisi un endroit agréable pour s'installer puis durant plusieurs heures, voire quelques jours, elle s'est mise à tisser une fort belle toile accrochée de tous côtés aux branches d'un petit buisson. Comme elle aimait la lumière, elle avait souhaité que son oeuvre soit située plein sud. Elle était heureuse de son travail et admirait sa nouvelle demeure. Je dois reconnaître que notre petite araignée des jardins aimait la perfection. Elle s'étonna alors de voir un fil qui venait d'en haut. Comme elle ne voyait pas son utilité et puisqu'elle ne se rappelait pas l'avoir accroché elle-même, elle décida de le sectionner. Sa toile devait être complètement la sienne. Elle ne supportait pas l'idée que quelqu'un d'autre ait pu y participer. En fait, le fil qu'elle coupa, était celui par lequel elle était arrivée là. A l'instant même, sa belle toile perdit l'équilibre et se déchira.

Ce conte de Johannes Joergensen peut illustrer le sentiment qui a traversé les disciples au moment de la mort du Fils. Ils avaient eux aussi perdu le fil qui les reliait à ce dernier. Leur équilibre de vie était tout à coup rompu. Ils étaient comme déchirés au plus profond d'eux-mêmes. Toutefois, cette sensation n'est pas l'apanage des seuls apôtres. En effet, nous aussi nous pouvons vivre ce type d'expérience lorsque nous sommes confrontés à la douleur de la maladie, aux échecs récurrents, à la mort de l'être aimé qui est parti subitement ou bien trop tôt. Nous sommes alors comme déchirés en nous. Notre équilibre est perturbé et nous sommes saisis de vertiges au point de ressentir une profonde chute intérieure. Nous pourrions alors nous aussi être épris de ce sentiment légitime de sectionner le fil qui nous relie à ce Dieu qui nous semble tellement absent, tellement impuissant à transformer le cours des événements que nous traversons. Rompre ce lien risque immanquablement de conduire à une chute et une déchirure plus grandes encore car nous aurons perdu la confiance et surtout l'espérance. Il ne s'agira plus d'une perte d'équilibre mais bien d'un écroulement puisque nous ne serons plus en Dieu. Afin d'éviter de tomber de la sorte, lorsque nous ne sentons plus reliés à la divinité, revisitons l'événement de ce tombeau découvert au matin de Pâques et refaisons-le nôtre. L'apôtre Pierre, lui, fidèle à lui-même et toujours pressé, ne prend pas le temps. Il s'engouffre et regarde, c'est-à-dire il jette son regard sur un lieu qui lui semble bien vide. Il constate l'un ou l'autre détail mais se limitant à la matérialité des faits, il n'entre pas dans le mystère. Il reste extérieur à ce qui se passe. Puis vient l'autre disciple, celui que Jésus aimait. Celui-ci n'est pas nommé mais la tradition le reconnaît comme étant Jean. Une autre tradition par ailleurs propose une interprétation que je trouve tout à fait intéressante. « Le disciple que Jésus aimait » n'est pas désigné dans les Ecritures pour que nous puissions mettre nos pas dans les siens. Dans cette perspective, et si « le disciple que Jésus aimait » était chacune et chacun de nous. Au nom de la foi qui nous habite, nous sommes alors conviés à avancer vers le mystère de la Pâques à notre rythme, en prenant le temps de nous arrêter pour méditer ce qui va au-delà de toute compréhension humaine. Prêts à vivre l'indicible, nous entrons puis nous voyons. Permettez-moi de souligner une fois encore que Pierre, il regardait simplement. Nous nous sommes invités à voir, c'est-à-dire à percevoir l'événement par le sens de la vue et du c½ur car nous ressentons que nous sommes en présence de quelque chose qui nous dépasse. Le tombeau est loin d'être vide. Il est plutôt rempli de la lumière de la Résurrection. Parce que, par notre foi, nous sommes devenus, les disciples que Jésus aimait, nous voyons et nous croyons. Oui, nous croyons que le Fils de Dieu est ressuscité et que par cet événement, il nous fait entrer dans la vie éternelle. Toutefois, reconnaissons-le, parler de la résurrection, c'est entrer dans un monde où tous les mots se mettent à trembler. Parce que la résurrection est le seul mot dont nous ne connaissions rien par définition. Il explose dans un silence qui ne peut s'entendre nulle part ailleurs si ce n'est en Dieu. Par là, nous découvrons que la résurrection n'a rien à voir avec le doute ni avec la certitude. C'est une simple affaire de confiance. En effet, la résurrection ne s'explique pas. Elle est un mystère et comme tout mystère, pour le comprendre, nous devons le vivre. Heureusement pour nous, par l'événement de Pâques, nous avons vu et nous avons cru. S'il en est vraiment ainsi, dès aujourd'hui, vivons avec cette espérance du partage de la vie divine. En pleine confiance, entrons dans le mystère de la résurrection ; ne coupons pas le fil qui nous relie à Dieu car comme le dit le dicton populaire : « il faut le voir pour le croire ».

Amen.

Dimanche des Rameaux

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps du Carême
Année liturgique : A, B, C
Année: 2006-2007

Non, le bout de buis que nous emportons ce dimanche n'est pas un porte-bonheur, un gris-gris qui nous assurerait les bienfaits de Dieu, une assurance pour le salut de nos défunts. C'est le souvenir des rameaux que les gens coupaient aux arbres et agitaient en criant de joie au passage de Jésus qui faisait, comme un roi, sa Joyeuse Entrée à Jérusalem.

Cette foule avait bien des raisons d'être enthousiaste car l'homme qu'elle acclamait était un descendant du grand roi David ; en outre il s'appelait Iéshouah (qui signifie Sauveur) et il était réputé pour accomplir des guérisons miraculeuses. On en concluait donc qu'il allait enfin provoquer la révolte, bouter dehors les occupants haïs et rendre enfin à Israël son indépendance nationale. Nombreux étaient ceux qui détenaient des armes et étaient prêts à donner leur vie pour la patrie.

L'ESCLANDRE AU TEMPLE

Il fallut vite déchanter : au lieu d'ameuter les troupes zélotes et de foncer vers la citadelle du gouverneur Pilate, Jésus monta vers le Temple, pénétra sur l'esplanade et se mit à en chasser quelques marchands qui y vendaient des animaux pour les sacrifices.

" Enlevez tout cela d'ici, cria-t-il, ne faites pas de la Maison de mon Père une maison de trafic".

En effet, il y avait suffisamment d'autres lieux en ville et aux alentours où se tenaient de tels marchés de bestiaux. Pourquoi en avoir installé un là sur l'esplanade ? Parce que le Grand Prêtre louait des emplacements aux marchands et profitait largement de ce commerce très lucratif. On peut être prélat et tenir à son niveau de vie !

L'esclandre commis par Jésus dépassait donc toute mesure (il est plus dangereux de toucher au compte en banque qu'au dogme !). C'est sans doute à ce moment-là, quand il apprit ce que ce soi-disant prophète galiléen avait osé faire, que le Grand Prêtre décida qu'il fallait l'éliminer au plus tôt. Si possible avant les festivités qui allaient débuter. Et en essayant d'en faire endosser la responsabilité par le Romain.

Et en effet lorsque, quelques jours plus tard, le prisonnier Jésus fut présenté, ligoté, minable, démuni, à la populace, plus personne ne se leva pour l'acclamer ou le défendre. Ni les malades qu'il avait guéris ni même ses apôtres ne prirent sa défense. Les "Hosanna au fils de David" firent place aux hurlements : " A mort ! A mort ! Crucifiez-le".

LE RAMEAU À LA CROIX

Pour montrer que nous ne voulons pas basculer du côté de ceux qui renient le Christ, nous accrocherons notre brin de buis à notre crucifix. Ce geste peu banal manifestera que nous avons compris la scène de l'Entrée des Rameaux. Que nous apprend-elle ? Si Jésus avait pris comme monture un petit âne, c'était pour réaliser une antique prophétie qui disait :

" Tressaille d'allégresse, fille de Sion ! Pousse des acclamations, fille de Jérusalem ! Voici que ton ROI s'avance vers toi ; il est juste et victorieux, humble, monté sur un âne. Il supprimera le char de guerre et il proclamera la paix pour toutes les nations. Sa domination s'étendra partout..." ( Zacharie 9, 9 ...)

Jésus se présentait donc bien comme le fameux Messie attendu mais sa monture était la preuve qu'il ne venait pas faire la guerre, lancer une charge de cavalerie contre ses ennemis, mais qu'au contraire, avec douceur et au pas lent de son âne, il voulait instaurer un royaume de paix universelle. Car le monde ne change pas à la suite d'une révolution violente (où l'on remplace des potentats par d'autres du même acabit) mais par la conversion des c½urs. Nous n'attendons pas de Jésus qu'il nous comble de bienfaits matériels, qu'il nous apporte la réussite terrestre. Au contraire nous comprenons qu'il vient sans cesse purifier son Eglise des attachements immodérés et du penchant à la violence afin qu'elle soit Maison du Père, Maison de notre Père, où chacun est "enfant de Dieu" et peut entrer sans qu'on exige de lui quelque contribution.

Il n'est donc plus nécessaire d'accomplir des sacrifices d'animaux puisque Jésus s'est offert sur la croix comme l' AGNEAU DE LA PAQUE et son sang répandu accorde le pardon de tous les crimes.

Nous vénérons Jésus comme notre Seigneur ; nous proclamons que sa royauté lui a été acquise au Golgotha et que l'instrument de son supplice est devenu effectivement son trône.

LA GRANDE SEMAINE A LA SUITE DU CHRIST

Nous entrons ce jour dans la Grande Semaine, la Semaine Sainte, qui nous rappelle cet itinéraire de Jésus afin d'apprendre quelle doit être notre propre conduite aujourd'hui. Les réunions liturgiques de ces jours revêtent une importance capitale puisque nous ne pouvons prétendre être chrétiens si nous ne suivons pas notre Sauveur sur son chemin d'humiliation pour arriver à la victoire de la Résurrection. Il nous faut donc avoir le courage de nous démarquer de la foule des indifférents et demeurer dans une Eglise qui semble (chez nous) de plus en plus faible mais où, à Bombay, à Saïgon et à Kinshasa, les pauvres se pressent en masse. Accepter la libération non-violente par un Messie pauvre et vulnérable. Renoncer à la rapidité et à l' efficacité immédiate.

C'est en suivant les liturgies de cette semaine que nous serons guidés sur le chemin de la fidélité de Jésus, tel que le chantait magnifiquement un cantique de la première Eglise

"Lui, de condition divine, ne retint pas le rang qui l'égalait à Dieu. Il s'est dépouillé, prenant la condition de serviteur... Il s'est abaissé, devenant obéissant jusqu'à la mort, la mort sur une croix. C'EST POURQUOI Dieu l'a souverainement élevé et il lui a conféré le NOM qui est au-dessus de tout nom afin qu'au Nom de JESUS, tout genou fléchisse et que toute langue confesse que le Seigneur, c'est JESUS CHRIST à la Gloire de DIEU LE PERE" ( St PAUL aux Philippiens 2)

Epiphanie

Auteur: Van Aerde Michel
Temps liturgique: Temps de Noël
Année liturgique : A, B, C
Année: 2006-2007

Entrée :

Mes amis, En raison d'un problème de visa, les Mages sont coincés à la frontière et la fête de l'Epiphanie risque d'être reportée ! Mais non ! Quelqu'un me dit que, vu leurs diplômes et surtout la richesse de leurs bagages, les choses vont s'arranger. Qu'importe ! Cette visite d'étrangers a de quoi nous troubler. Nous n'avons pas le monopole de l'adoration. Des mages, venus de loin, d'autres cultures, d'autres religions, sont là près de Jésus, bien avant nous. Notre Dieu est immense ! Et plus encore dans sa façon de se manifester : sur la paille et sur la croix. En entrant dans cette eucharistie nous accueillons le pardon offert à tous, l'amour, aujourd'hui manifesté au plan universel.

Homélie

Vous connaissez la phrase de Coluche ? « C'est pas parce qu'ils sont nombreux à avoir tort, qu'ils ont raison ! ». Mais, est-ce que si j'ai la vérité, les autres ont nécessairement tort ? Est-ce qu'affirmer que le christianisme est vrai, c'est dire que les autres religions ne peuvent donc pas avoir accès à cette même Vérité, vivante et incarnée ? Aujourd'hui, les mages se sont déplacés. Ils sont là. Le dialogue interreligieux ne date pas d'aujourd'hui !

En fait, il n'est plus besoin de voyager ; la mondialisation met toutes les religions en relation. Les mages sont chez nous : les musulmans dans le métro, les indous dans le bus, les juifs à l'école, les animistes dans la rue, les bouddhistes sur le pallier. L'univers est en expansion mais la planète se rétrécit, aux dimensions d'un village cosmopolite et bigarré. Portant des signes ostentatoires ou bien incognito, les mages sont partout !

*** J'étais à la gare ce matin. Savez-vous ce qu'on entend ? « De bon matin, j'ai rencontré le train » ! Ils voyageaient en train les mages, c'est bien connu. Le chameau, le cheval et l'éléphant avaient un compartiment spécial... Le commerce peut tout récupérer mais, blague à part, où se dirige mon voisin ? Quelle étoile a-t-il dans les yeux ? Quel est l'astre qui l'aimante irrésistiblement, infailliblement ? Par quels mots le désigne-t-il ? Estrella, star, qoyllur ?

Peut-être vais-je passer à côté d'un mage sans le savoir ? Un mage anonyme, ni Melchior ni Gaspard ni Balthazar, un mage incognito, un mage qui s'en va ou un mage qui revient, toujours par un autre chemin... Un mage qui suit son étoile, ou un mage qui a vu le soleil levant.

Il n'est évidemment pas juif, il n'est pas non plus chrétien. La Pentecôte et les apôtres, c'est pour plus tard. Un mage anonyme n'est pas un chrétien anonyme. Il passe. Accueillir, respecter, ne pas assimiler, ne pas récupérer. L'écouter, si vous connaissez la langue...

Il a fait du chemin, il a vu, il a vérifié, il a présenté son cadeau, il s'est prosterné, il a pu adorer. Ce que les grands prêtres n'ont pas fait, ni les docteurs de la Loi qui savaient le chemin, ni Hérode, bien entendu ! Aucun des trois pouvoirs, exécutif, judiciaire ou religieux ne s'est déplacé, ne s'est converti...

*** Le récit des mages n'est pas seulement exotique. Il éclaire mon présent. Il nous dit que les peuples n'ont jamais été plongés dans le noir absolu. Ils ont de quoi s'orienter. Dieu leur fait signe, leur recherche n'est pas aveugle, ils ne sont pas orphelins.

Le récit des mages nous dit qu'avant les disciples, avant les apôtres, avec les pauvres et les bergers, autour du berceau de Jésus, il y a des étrangers... Non pas des rois, mais des savants, passionnés de recherche fondamentale, scientifiques, philosophes, mystiques religieux.

Le récit nous dit que les cultures lointaines ont été sensibles, qu'elles ont perçu l'événement. Ces étrangers, ces inconnus se sont mis en marche, ils ont suivi des signes et ils ont trouvé. Après une longue recherche, ils ont découvert le bébé annoncé, sans aucun signe distinctif sinon sa pauvreté : ils l'ont reconnu et ils l'ont adoré.

Eglise de Jésus-Christ, tu le dis toi-même : tu n'as pas le monopole de la vérité et ta vérité vivante, Jésus-Christ, ne t'appartient pas, pas plus qu'un enfant n'appartient à ses parents. Tu es dans la lumière quand tu accueilles les pauvres et les chercheurs. Ouvre tes portes et n'attends pas : reçois les mages d'aujourd'hui. Vois le chemin qu'ils ont suivi, les intuitions qui les ont guidés, leur impatience d'arriver. N'aie pas honte de ta pauvreté et accepte leurs trésors !

Epiphanie

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps de Noël
Année liturgique : A, B, C
Année: 2006-2007

La passion des horoscopes remonte à la plus haute antiquité. En Mésopotamie, des spécialistes de l'observation du ciel, appelés "mages" (qui n'étaient pas des rois), tentaient de décrypter les messages que les dieux semblaient délivrer aux hommes à partir du mouvement régulier des étoiles. Un jour, quelques-uns d'entre eux - la légende parle de trois- lurent le signe qu'un roi devait être né au Proche-Orient et ils se mirent en route - peut-être en tant qu' ambassadeurs de leur souverain - pour aller rendre hommage à ce petit Prince.

Aujourd'hui, nous sommes "scotchés" pendant des heures et des heures devant le petit écran pour admirer les étoiles ("les stars") du cinéma et de la chanson. Quel message recevons-nous ? Savons-nous rester intrigués par le mystère de l'humanité ? Car réalité ou fiction, les images nous montrent les agitations, les joies, les inventions, les travaux, les drames, les conflits - cette "comédie humaine" qui parfois tourne au cirque mais plus souvent, hélas, vire à la tragédie avec les guerres et leurs innombrables victimes.

Qui pourrait donc apporter la paix dans cette jungle, donner sens à cette fourmilière qui s'agite en tous sens ? Un peu d'expérience et de réalisme suffit à convaincre que nul dirigeant, nul inventeur, nul artiste, nul coach ne pourra jamais calmer nos fièvres destructrices. L'espoir d'un règne de paix est-il vain ? Faut-il se résigner à jouer une pièce avant de basculer dans les oubliettes de l'histoire ?

Et si "le roi" existait, et s'il y avait quelque part celui qui a le pouvoir de nous extraire d'une existence blessée pour nous introduire dans un royaume de bonté et de paix ? Si nous aussi, nous laissions là "l'écran" pour lire le réel ?...

Les mages se sont rendus en Judée et naturellement ils sont allés frapper à la porte du palais royal à Jérusalem. Mais l'avenir du monde ne réside dans aucune forteresse du pouvoir là où on ne veut que puissance, argent, armée, faste...

Cependant on apprit aux mages païens qu'en Israël il n'y avait pas de mages mais des prophètes, des envoyés du Dieu unique. Depuis longtemps on recueillait leurs oracles qui annonçaient qu'un jour, Dieu enverrait un Roi tout à fait spécial qui instaurerait le droit et la justice car il apporterait le pardon des péchés et nouerait l'alliance définitive entre Dieu et l'humanité. On renseigna les mages : ce roi oint de l'esprit d'amour divin (en hébreu : Messie) devait naître dans le petit village de Bethléem, lieu d'origine du grand roi David. Avec la nouvelle information, les mages se remirent en route.

LE CIEL ET LA BIBLE INDIQUENT L'ETOILE DU MONDE

Au travail, ou par la radio et la télévision, nous essayons de "lire" l'histoire de l'humanité, nous voulons comprendre le sens de notre vie, le pourquoi de nos agitations. Acceptons-nous de recevoir le Livre de la Bible qui est le grand code qui jette une lumière sur notre embrouillaminis ? Prenons-nous le temps d'étudier les Ecritures, de nous assurer qu'il existe une série de messages, de promesses capables de nous éclairer, de nous indiquer une route, un sens ?...

Les mages étaient partis en direction d'une capitale, d'un palais, à la recherche d'un prince couché dans un berceau d'apparat. Et les voilà dans un village, dans une humble demeure : Joseph , un charpentier, et son épouse, Marie, leur montrent le nouveau-né !

Est-il possible que ce soit ce petit pauvre qu'annonçaient les étoiles ? Est-il vrai que l'histoire du monde tourne autour de lui, que l'itinéraire des hommes - qu'ils soient misérables petits bergers ou mages et grands savants - aboutit à ses pieds ?...

Oui, nos mages l'ont cru. Tant les messages des étoiles que les oracles de la Bible juive convergeaient pour leur donner certitude. Ciel et Ecritures, nature et histoire, sciences et Bible ne sont pas contradictoires : au contraire pour qui veut bien humblement les scruter avec attention, ensemble ils montrent Jésus : Lui seul est le Roi qui inaugure le Royaume de Dieu, le Révélateur qui confirme le Créateur.

Et les mages se prosternent : eux, les savants, les païens, ils se mettent à genoux devant ce bébé inconnu dont nulle auréole ne révèle la gloire.

Ils offrent leurs présents : de l'or (comme à un Roi), de l'encens (que l'on brûle au temple dans la prière) et de la myrrhe (aromate de l'amour et de la mort !). Car la vraie foi est en même temps amour, donc offrande, partage, don. Prétendre croire tout en conservant tous ses biens serait s'illusionner dans une piété mensongère. Et après leur hommage, les mages repartent par un autre chemin c'est-à-dire ils prennent une autre route, ils adoptent une nouvelle manière de se comporter. Désormais ils ne seront plus les adulateurs des "stars", les hypnotisés des châteaux, des diamants et du strass. Un enfant silencieux et un couple de parents pauvres mais heureux leur auront révélé où est la vérité. Ils ne chercheront plus dans les horoscopes les recettes du bonheur et les secrets de l'avenir : seul importera le souvenir de Jésus, la nouvelle étoile de leur vie.

Ainsi se termine notre modeste série sur "l'art de la prière" et les mages ne sont pas les moindres de nos maîtres. Récapitulons :

Restons-nous prisonniers des horoscopes, des faux messages que tant de "stars" nous serinent à longueur de journée ? Savons-nous regarder l'univers avec un regard contemplatif ? Voyons-nous que son énigme nous pose une question que nulle science jamais ne parviendra à résoudre ?

Ouvrons-nous le grand Livre des révélations de Dieu ? La Bible est-elle notre nourriture, notre boussole ? Obéissons-nous au message du Livre ? Osons-nous pousser notre recherche jusqu'à aller à "la Maison-du-Pain", à l'Eglise où l'enfant découvert par les mages continue d'attendre les visiteurs pour se donner à eux dans l'Eucharistie ?...

Est-ce que nous nous agenouillons, est-ce que nous prenons le temps de prier, d'adorer, de rendre louange et gloire à Celui-là qui nous apporte le salut ?

Est-ce que notre prière débouche sur la générosité ? Est-ce que la rencontre du Dieu pauvre nous pousse à renoncer à cette honteuse cupidité qui tue aujourd'hui tant d'innocentes victimes de l'indifférence ? Est-ce que la contemplation de Jésus le Messie nous convainc qu'il nous faut changer de manière de vivre, prendre un autre chemin que celui suivi par les foules qui courent au massacre ?...

Fête de la Pentecôte

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : A, B, C
Année: 2006-2007

Comme chaque année, 50 jours après les festivités de la Pâque, la ville de Jérusalem était à nouveau submergée de pèlerins : durant 8 jours, on fêtait la fin des moissons mais surtout le DON DE LA LOI. En effet, d'après le récit biblique, les ancêtres hébreux, esclaves fuyant d'Egypte sous la conduite de Moïse, étaient arrivés "le 3ème mois" au mont Sinaï où le Seigneur les attendait pour faire ALLIANCE avec eux et leur donner SA LOI. Cadeau extraordinaire, honneur d'Israël : il était le seul peuple à savoir comment Dieu voulait que l'on vive, comment on pouvait bâtir une société juste.

Certes on commettait encore beaucoup d'infidélités envers cette LOI mais on avait toujours la possibilité d'offrir des sacrifices au temple, de manifester sa pénitence et de garder confiance en Dieu miséricordieux Et puis on n'oubliait pas la fameuse promesse que Dieu avait faite jadis par l'intermédiaire du prophète Jérémie :

"Voici venir des jours où je conclurai une Alliance Nouvelle. Non pas comme l'Alliance que j'ai conclue avec leurs pères, le jour où je les ai fait sortir d'Egypte -alliance qu'ils ont rompue...Je mettrai ma Loi au fond de leur être et je l'écrirai sur leur c½ur. Alors je serai leur Dieu et eux seront mon peuple. Ils n'auront plus à instruire chacun son prochain car tous me connaîtront... je vais pardonner leurs crimes, ne plus me souvenir de leur péché" ( Jérémie 31, 31...)

Donc Dieu avait promis non pas que sa LOI serait abrogée ou remplacée par une autre mais qu'elle ne serait plus un texte écrit, appris dès l'enfance, sans cesse rappelé dans les synagogues. La NOUVELLE LOI serait ECRITE DANS LE C¼UR, dans le fond de l'être et, par elle-même, par sa force, elle ferait que chacun lui obéirait, la mettrait "d'instinct" en pratique et elle offrirait le pardon de tous les péchés. Il ne serait plus nécessaire d'interroger les maîtres, de se crisper dans des efforts volontaristes : le croyant vivrait l'alliance par l'amour même de Dieu communiqué.

Magnifique promesse ! Mais n'était-ce pas une utopie ? Il y avait plus de 500 ans que Jérémie avait disparu...et on ne voyait toujours rien venir. Il restait donc à vénérer et proclamer le Décalogue, à s'astreindre à pratiquer les moindres observances ainsi qu'à transmettre cet héritage précieux aux enfants.

Donc, cette année-là, la fête de la LOI - aussi appelée "PENTECÔTE" (parce que, en grec, "pentécostes" signifie "cinquantième") battait son plein ; les journées se passaient dans l'allégresse, rythmées par les cérémonies fastueuses qui se déroulaient au temple et par les enseignements fournis par les meilleurs docteurs de la Loi, aptes à souligner toutes les richesses de la Loi, à en expliquer tous les détails. LA PREMIERE APPARITION DE L'EGLISE Quand tout à coup, ce matin-là, quelque part, la porte d'une maison s'ouvrit brusquement et une bande de jeunes gens, garçons et filles, se mirent à danser et à chanter dans la rue !

Aux passants ébahis par ce tintamarre et les soupçonnant d'avoir trop bu, ces jeunes expliquèrent qu'ils étaient les anciens disciples de Jésus, celui-là même que Pilate avait fait crucifier au Golgotha quelques semaines auparavant. Oui, assuraient-ils avec force, Jésus est vivant, il nous est apparu ; nous avons d'abord cru qu'il s'agissait d'un fantôme, que nous avions une hallucination ...mais lui-même nous a convaincu de sa vérité. Il ne nous a pas reproché notre lâcheté (car nous l'avions renié lors de son arrestation) : il a offert sa vie pour nous pardonner et avant de disparaître à jamais, il nous a prescrit de rester ensemble et d'attendre dans la prière pour recevoir l'Esprit que Dieu a promis. Effectivement nous nous sommes regroupés dans cette maison...et soudain l'Esprit a soufflé, nous a bousculés, nous a remplis de grâce et de joie et nous a envoyés en mission. Désormais nous avons la charge de proclamer la victoire de Jésus sur la mort, d'annoncer au monde entier le pardon des péchés et de communiquer cet Esprit à ceux qui voudront croire.

VOICI LE TEMPS DE L'ALLIANCE NOUVELLE !

Donc la NOUVELLE ALLIANCE prédite par Jérémie a été scellée dans le sang du Christ. Nous vivons un temps absolument nouveau : l'ESPRIT DE DIEU NOUS A ETE DONNE ...IL EST EN NOUS L'ENERGIE, LE DYNAMISME QUI NOUS PERMET DE VIVRE LA LOI. Nous ne sommes plus sous le carcan des règlements qui nous brident et nous accusent : Dieu, en nous, efface nos fautes, nous comble de sa grâce.

Ce jour-là, c'était le jour de NAISSANCE DE L'EGLISE. Et comment se manifestait-elle ? Comme une communauté joyeuse, comblée de joie, et proclamant les merveilles de Dieu. !

Saint Luc, qui nous raconte la scène, s'amuse à noter les réactions des assistants : " Ils étaient en plein désarroi...déconcertés...émerveillés...perplexes..." ( Actes des Apôtres 2, 6-13)

Car ils les entendaient "chacun dans sa langue" !?!?? Les pèlerins étaient en effet des Juifs qui vivaient en diaspora, dans les pays voisins et cependant chacun entendait "dans sa propre langue" ??!!

Nous comprenons ce que saint Luc veut dire : d'emblée, l'Eglise était missionnaire, elle s'adressait à la foule entière. Selon le vieux mythe de la tour de Babel, les hommes essaient de surmonter la division des langues et les rivalités des nations en dressant un centre unique à partir duquel on impose une seule langue, une civilisation unique au monde entier. Rêve fou des dictateurs qui cherchent à dicter leur vision des choses. Mythe de "la pensée unique", cauchemar qui transforme l'histoire en fleuve de sang.

Dieu ne veut pas d'une humanité de clones. L'ALLIANCE NOUVELLE n'est pas l'imposition des mêmes règlements, une mondialisation qui lamine les différences, forçant les hommes à adopter le même rythme de vie, les mêmes coutumes, les liturgies identiques. Sous l'ALLIANCE NOUVELLE, chacun doit être rejoint là où il est, avec sa langue, ses coutumes, ses handicaps, ses lenteurs, sa liberté. Il faut nouer des liens entre hommes de pays, de cultures et de couleurs différents, vivre la charité qui refuse de s'imposer, qui accepte la diversité des différences.

Il ne servirait à rien de croire que Jésus est né, qu'il a prêché, qu'il est mort sur une croix et même qu'il est ressuscité...si cette FOI ne nous communique pas le DON DE L' ESPRIT DE DIEU, ...si NOUS N' ACCEPTONS PAS D' ENTRER DANS LA NOUVELLE ALLIANCE... si nous demeurons soumis à la Loi ...si nous ne goûtons pas la LIBERTE...si nous ne nous laissons pas prendre par cette JOIE immense qui nous relie les uns aux autres.

C'est le réseau universel de telles communautés qui peut apporter un havre aux épaves de la vie, un sens à ceux qui désespèrent, une famille aux solitaires, un réconfort à tous les pécheurs

Fête de la Pentecôte

Auteur: Van Aerde Michel
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : A, B, C
Année: 2006-2007

Vivant au c½ur de l'Europe nous souffrons quotidiennement de la barrière des langues et le miracle de la Pentecôte nous fait rêver. J'aimerais saluer mes frères avec humour au petit déjeuner, être sûr d'avoir vraiment compris ce qu'ils m'ont dit, pouvoir leur expliquer avec nuances mon point de vue, partager leur culture... Pouvoir franchir les barrières linguistiques ! Que chacun s'exprime dans sa langue maternelle et que tous l'entendent aussi dans leur propre langue, fidèlement et en simultané, nous en connaissons l'avant-goût dans les rencontres internationales mais c'est encore un gros travail et la fête de Pentecôte se présente comme un horizon où le ciel et la terre se rejoignent.

Alors que nous pouvons désespérer parce que l'Europe à 27 est lourde et que « l'unité dans la diversité » ne signifie pas toujours souplesse et harmonie, fêter la Pentecôte, c'est s'inscrire dans un élan, prendre force et inspiration pour trouver un nouveau souffle et vivre l'enthousiasme d'un grand projet qui ne soit pas seulement humain mais le projet de Dieu ! Il y a deux mille ans, personne n'aurait osé rêver ce que nous vivons aujourd'hui. Mais Dieu rêvait déjà, pour nous et avec nous et il rêve encore beaucoup mieux.

Si la Pentecôte nous rappelle un évènement passé, elle est plus encore un processus, un incendie qu'une étincelle a allumé un jour en Palestine et qui se répand progressivement sur tous les continents. Déjà dans les Actes des Apôtres, la Pentecôte se déroule en trois étapes : à Jérusalem, entre Juifs de différentes langues, puis en Galilée avec les Samaritains, enfin chez les nations païennes. On pourrait dire qu'elle s'étend depuis la communion entre nous, jusqu'à l'½cuménisme et enfin le dialogue inter religieux et inter convictionnel.

Vivre la Pentecôte, c'est vivre d'un Souffle qui permet de surmonter la tentation du communautarisme fermé, bien sûr mais aussi la tentation permanente d'une fausse unité, celle qui ne respecte pas la diversité. Le mythe de la tour de Babel nous montre le risque permanent d'une uniformité brutale qui écrase les individus dans un projet prométhéen où l'orgueil et le désir de puissance échoue à rejoindre le ciel et sombre dans la folie. Des tours gigantesques se construisent partout. Le bruit assourdissant des armes, le jargon informatique, le langage des chiffres et de l'argent n'ont pas besoin de traduction.

Vivre la Pentecôte, c'est vivre d'un Esprit qui n'est pas celui de la domination mais celui de l'amitié, de la solidarité et de la communion. L'Esprit de liberté relativise les règlements pour mettre l'homme, le prochain, au c½ur des préoccupations : les pauvres, les faibles, les enfants, les vieillards, les cultures dominées.

Vivre la Pentecôte, c'est vivre les béatitudes comme un vrai bonheur, la pauvreté, la pureté, la douceur, la paix, la justice, la vérité et le pardon, dans le regard du Ressuscité.

Vivre la Pentecôte, dans un monde désenchanté, c'est l'émerveillement sans cesse renouvelé de la présence de Dieu en nous, frères ennemis réconciliés, différents et semblables, ensemble responsables d'une belle planète bleue, acteurs d'un avenir commun pour les prochaines générations.

Vivre la Pentecôte, c'est l'ivresse sans alcool, l'enthousiasme sans fanatisme, l'absolu sans aucune drogue, la confiance et la réciprocité. C'est la vie de Dieu versée à profusion dans notre c½ur, l'amour plus fort que la mort, la vie libérée de la peur.

Vivre la Pentecôte, c'est vivre l'Alliance scellée en Jésus Christ, l'amour définitif, offert sans retour. C'est être tous poètes pour le célébrer, artistes, enfants de Dieu, créateurs à l'image et ressemblance du Créateur.

La Pentecôte, le feu qui prend à la baraque parce que la communauté initiale n'est pas un refuge mais un tremplin ; c'est être descellés de l'origine, propulsés à l'extérieur, envoyés. La Pentecôte nous fait prophètes de grand vent, sans besoin de censure ni de contrôle, accordés de l'intérieur

Vivre la Pentecôte, c'est avoir tout donné, n'avoir plus rien à perdre, tout à offrir, à proposer, parce que la faiblesse de Dieu est plus forte que le monde et que seule la pauvreté peut désarmer les puissants. C'est faire le pas d'aller de l'avant, à la rencontre du différent, pour le découvrir et le valoriser. C'est être sel de la terre, lumière du monde, révélateur de la beauté, du goût, de la saveur, de la joie, de vivre et d'aimer. C'est vivre debout, pour la gloire de Dieu !

Fête de la Pentecôte

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : A, B, C
Année: 2006-2007

Berceuse assassine. Une bande dessinée en trois tomes, écrite et dessinée par Tome et Ralph. Berceuse assassine : une bande dessinée qui nous confronte à la complexité de la vérité. Dans le premier tome, nous découvrons un chauffeur de taxi, épris d'un sentiment de vouloir tuer son épouse qui lui rend la vie impossible. Lorsque nous refermons ce premier volume, sans pour autant nous rendre complice de son désir, nous pouvons comprendre ses ressentiments et nous serions peut-être même prêts à l'excuser. Dans le second volume, les auteurs nous présentent la même histoire mais cette fois racontée par l'épouse. Elle a sa propre version des faits. Des détails importants avaient été sciemment omis par le chauffeur de taxi. En refermant ce second tome, nous prenons conscience que la vérité n'était pas l'apanage du seul mari. Il ne mentait pas pour autant mais il racontait sa version de la vérité. Page après page, dans le troisième tome, nous pouvons être frappés par un ensemble de détails essentiels qui étaient déjà présents dans les deux premiers mais que nous n'avions pas vus tellement nous étions pris par l'intrigue. Par l'image et par le texte, Berceuse assassine démontre à quel point la vérité est un mystère qui se laisse difficilement approcher.

Comme croyantes et croyants, nous sommes des êtres en recherche constante de la vérité. Lors de l'événement de la Pentecôte, l'Esprit de vérité nous a été envoyé. C'est sans doute pour cela que beaucoup d'entre nous n'aimons pas les affirmations certaines qui nous semblent souvent signes d'une prétention et parfois aussi d'un manque d'intelligence. Les certitudes sont ennuyeuses ou encore, elles ne sont que la réponse à des questions sans intérêt, c'est-à-dire ces questions qui ne participent pas à l'édification de l'être humain et à la construction d'un monde plus juste. Nous sommes conviés à remettre les certitudes, voire les questions, en question pour pouvoir mieux les appréhender. Nous cherchons car nous aimons comprendre par nous-même. Cela exige de chaque personne de reconnaître qu'en fait, elle ne sait pas grand-chose même si elle aura passé beaucoup d'années à étudier. En effet, la vérité s'approche avec humilité. Un peu comme si ces deux vertus se donnaient constamment la main. Vérité et humilité ne font plus qu'une en nous. Tout simplement parce que, pour nous autres, croyantes et croyants, la vérité s'enracine et se réalise d'abord et avant tout en Dieu. Elle nous rend alors pleinement libres de poursuivre notre route humaine. La vérité est cette visée à laquelle nous tendons lorsque nous sommes en recherche de Dieu. Nous espérons et nous croyons tout en avançant à tâtons.

Toutefois, la vérité ne peut uniquement s'enraciner dans notre raison. En effet, c'est également dans l'amour que la vérité se recherche car l'amour nous donne l'occasion d'être plus libre encore car dans l'amour et l'amitié, nous avons le bonheur de ne pas craindre l'autre, de ne pas avoir peur de ses réactions puisque le ciment de cette relation s'épanouit dans la confiance. La richesse des questions qui se résolvent dans l'amour donne également à la vérité toute sa chaleur et toutes ses couleurs. En effet, il y a toute une part d'indicible dans cette quête incessante de tout être humain pour trouver en lui et en l'autre cette part divine qui ne demande qu'à être dévoilée. Ne soyons pas des chercheurs de vérité pour la vérité en elle-même. Devenons plutôt des chercheurs de vérité car nous vivons avec cette espérance folle que Dieu a choisi de venir inhabiter chacune de ses créatures. Par l'Esprit Saint, nous sommes devenus Dieu à l'½uvre en notre monde. Que nous soyons couchés, assis ou debout, en pleine santé ou atteint par la malade, là où nous en sommes, dans la foi, nous continuons d'être des semeurs de vérité, des semeurs d'éternité et ce, par le simple fait de notre présence aux autres et au Tout-Autre. S'il en est vraiment ainsi alors réjouissons-nous d'être ces acteurs divins au c½ur de notre humanité et rendons grâce à chaque instant du bonheur que nous avons d'être ces êtres humains en quête constante de ce qui nous dépasse et nous transcende. Puissions-nous alors participer au détricottage des certitudes et au requestionnement des questions pour le bien du Royaume de Dieu. L'Esprit nous y convie en cette heureuse fête de la Pentecôte car comme l'écrit saint Jean : la vérité fera de vous des êtres libres. Une liberté inscrite en Dieu. Une liberté non pas enfermée en nous-mêmes mais pour que, là où nous sommes, nous devenions de véritables témoins de cette foi qui habite au plus profond de nous.

Amen.

Fête de la Sainte Trinité

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A, B, C
Année: 2006-2007

Pendant des siècles, les prophètes hébreux ont livré un combat sans merci pour convaincre leurs compatriotes, tentés par l'idolâtrie, qu'il n'y a qu'un seul Dieu. A l'encontre de toutes les nations voisines qui rendaient un culte à de multiples divinités, Israël confesse : " ECOUTE ISRAEL : LE SEIGNEUR NOTRE DIEU EST LE SEIGNEUR UN" ( Deutér. 6, 4). A la suite de ses ancêtres, et comme ses parents, et comme les apôtres, Jésus a dit cette prière (appelée le SHEMAH), matin et soir, tous les jours de sa vie. Et à quelques heures de sa mort, lorsqu'un théologien lui demanda quel était le plus grand commandement de la loi, il répondit en la citant. Toutefois, alors que le peuple avait appris, par respect, à ne plus prononcer le Nom sacré, Jésus, lui, confia à ses amis le secret de sa prière. Il parlait à Dieu en disant " PERE...". Et il les autorisa même à prier de la même façon : "Notre Père..."

JESUS EST PLUS QU'UN PROPHETE : LE FILS

Or un jour, à la veille de la Pâque, Jésus fut exécuté sur une croix. Mais un événement inouï, inattendu, survint peu après : Jésus revint vers ses disciples ! Il était transfiguré, le même et tout autre, ressuscité, vivant de la Vie même de Dieu. Et après avoir disparu à leurs yeux, il leur envoya ce qu'il leur avait promis, ce que Dieu lui-même avait annoncé bien des siècles auparavant ( Ezéchiel 36, 25...)

" ...Je mettrai en vous un esprit neuf ; j'enlèverai de votre corps le c½ur de pierre et je vous donnerai un c½ur de chair. Je mettrai en vous mon propre ESPRIT ; je vous ferai marcher selon mes lois, vous serez mon peuple et je serai votre Dieu"

Ce don de l'Esprit de Dieu opéra la transformation radicale de ces hommes et de ces femmes. Eux qui, longtemps, n'avaient vu en Jésus qu'un sage, un prophète, à présent ils étaient obligés de scruter bien plus profondément sa personnalité. Ils le découvraient comme le Sauveur, un Messie de niveau surnaturel, quelqu'un qui partage la Gloire de Dieu, que l'on peut et que l'on doit appeler SEIGNEUR au même titre que son Père. Jésus est bien son FILS !

L'ESPRIT DE DIEU : QUELQU'UN

Après le mystère Jésus, une seconde interrogation tarauda les premiers disciples : quel est donc cet Esprit qu'ils avaient reçu et qui les transportait à ce point ? On pouvait voir en cet Esprit une énergie divine animant les communautés. Mais à la fin de l'Evangile de Matthieu, lorsque Jésus ressuscité fait ses adieux aux disciples, il leur dit :

" Allez ! de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit" ( Matth 28).

C'est surtout dans l'évangile de S. Jean, que l'Esprit va transparaître dans sa personnalité. Le grand discours d'adieu de Jésus (chapitres 13 à 17) contient 5 Promesses de l'Esprit. Jésus l'appelle le Paraclet, c'est-à-dire l'avocat, l'Esprit de Vérité - en grec "le pneuma", qui est un mot au neutre...mais il précise : " Il vous enseignera toutes choses, Il vous fera ressouvenir de tout ce que je vous ai dit... il témoignera de Moi... Il confondra le monde..." Et, dans le petit passage qui est proclamé aujourd'hui dans la liturgie :

" L'Esprit de Vérité vous fera accéder à la Vérité tout entière car il ne parlera pas de son propre chef, mais il dira ce qu'il entendra et il vous communiquera ce qui doit venir. Il me glorifiera..."( 16, 13...).

Dans tous ces passages, IL est au masculin. Le "pneuma" n'est pas une force impersonnelle mais bien quelqu'un - quelqu'un qui parle, qui enseigne, qui témoigne...

IL N'Y A QU'UN DIEU : PERE ...FILS ...ESPRIT

En finale de ce parcours, les premiers disciples devaient bien en conclure que si Dieu est UN, il faut en même temps, pour être fidèle à la révélation reçue de Jésus, confesser qu'il est PERE ET FILS ET ESPRIT. Ce dogme, beaucoup de chrétiens n'en voient pas l'importance. Ils acceptent ce mot abstrait qui fait partie de l'héritage du catéchisme de leur enfance. Ils ne voient pas comment "trois égalent Un " !!???. Ce jour de fête de la Trinité justement est l'occasion de se pencher sur ce Mystère qui est bien le c½ur de la foi chrétienne.

Si Dieu n'est que Dieu, il peut demeurer tellement lointain qu'on le laisse au-delà des nuages, dans un monde qui ne nous concerne pas. Ou on le perçoit comme une Puissance gigantesque capable de galvaniser les armées, de susciter des terroristes et on tombe, comme on le voit ces temps-ci, dans l'intolérance et le fanatisme. Ou Dieu serait un Juge impitoyable, un ½il inscrit dans un triangle.

Si Jésus n'est qu'un homme, un leader, un prophète, il reste une figure admirable, un révolutionnaire qui, comme d'autres, a voulu libérer les masses misérables et a été abattu ; son Discours sur la Montagne devient un manifeste humanitaire, le programme des Camarades.

Et par ailleurs, si l'Esprit n'est qu'un fluide subtil et mielleux, qui inspire de grandes envolées poétiques, éveille le sens du sacré, le goût du silence et de la méditation nombriliste, on est en plein NOUVEL AGE. On étiquette "spiritualité" l'évasion dans la sphère éthérée, les rêves de bonheur utopique, le transport dans l'univers fusionnel .

Abandonnons ces caricatures. Dieu est PERE qui donne la Vie. Jésus est LE FILS PREMIER NÉ qui nous modèle à son image ... à condition que nous le suivions sur le chemin du Golgotha. Et l'ESPRIT est Celui qui nous fait entrer dans le message de Jésus, qui nous le fait vivre ; il ne vient que de son c½ur transpercé et il nous rend enfants de Dieu, libres pour aimer. Dire que Père, Fils et Esprit ne sont qu'UN, c'est dire que Dieu est Amour. Non pas d'abord parce qu'il nous aime. Mais parce qu'il est, en lui-même, relations éternellement amoureuses. Dieu n'est pas solitude glacée, puissance imperturbable, chiffre de la Transcendance abstraite. Il est "communion" de personnes, échanges sans retenue ni intermittences, sans envie ni jalousie. La TRINITE n'est pas une invention théologique, un puzzle pour philosophes, une absurdité arithmétique. Elle est ce que nous sommes appelés à être : non plus des monades qui confrontent leurs ambitions, des individus enfermés dans leur ego, mais des "personnes" qui, comme le Vrai Dieu, se donnent à l'autre, reçoivent de l'autre , se communiquent l'une à l'autre... Contre un communisme visant à instaurer la société sans classe - mais également sans Dieu -, le philosophe russe Florensky a eu ce mot resté célèbre : " Notre programme social, c'est la Trinité".

Baptisés dans le Père, le Fils et l'Esprit, nous sommes, à chaque Eucharistie, accueillis par cette antique salutation déjà employée au temps de s. Paul : " La grâce de Notre Seigneur Jésus-Christ, l'amour de Dieu le Père et la communion du Saint-Esprit soient toujours avec vous".( 1 Cor 13, 13) Et à la fin nous sommes renvoyés avec cette bénédiction : "Que Dieu tout-puissant. vous bénisse : le Père, le Fils et l'Esprit". Vie chrétienne, liturgie, prière, mission, morale... : toute notre existence baigne dans la Tri-Unité...et elle doit la manifester