13e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2005-2006

Dimanche passé, nous avons vu Jésus entreprendre sa première démarche missionnaire à l'étranger. En calmant les éléments déchaînés sur le lac de Galilée, il a conduit ses disciples à dépasser leur première impression : Jésus est plus qu'un Maître.

Qui donc est-il ?

En accostant en pays païen, le groupe fait tout de suite une curieuse rencontre (que la liturgie omet de rapporter) : un énergumène est là, furieux, hurlant, se lacérant tel un sauvage, impossible à maîtriser. D'un mot, Jésus l'exorcise de sa violence tandis qu'un troupeau de porcs bascule dans les flots ( !!...) Mais les villageois prient Jésus de retourner chez lui. Le groupe retraverse donc le lac et débarque sans doute près de Capharnaüm où deux autres miracles vont se produire.

UN PÈRE ANGOISSÉ

Un chef de synagogue, du nom de Jaïre, tombe aux pieds de Jésus et le supplie de venir d'urgence dans sa maison afin de guérir sa petite fille qui se meurt. Jésus le suit mais, en route, une femme se glisse dans la cohue : depuis 12 ans, elle souffre de pertes de sang. Elle a dépensé une fortune en traitements douloureux sans nulle amélioration. Ayant entendu parler de Jésus le guérisseur, "elle vient par derrière dans la foule et toucha son vêtement ..."

UNE FEMME PURIFIÉE

Car elle se disait : " Si je parviens à toucher seulement son vêtement, je serai sauvée"...A l'instant, l'hémorragie s'arrête : elle ressent qu'elle est guérie. Mais Jésus se rend compte qu'une force est sortie de lui : " Qui a touché mes vêtements ?" .

Ses disciples s'étonnent : " La foule t'écrase et tu demandes qui a touché ton vêtement ?"

Mais Jésus regarde tout autour de lui...Toute tremblante, la femme vient se jeter à ses pieds et lui avoue toute la vérité. Alors Jésus lui dit :

" Ma fille, ta foi t'a a sauvée. Va en paix et sois guérie de ton mal"

Que c'est étrange ! Cette femme a une mentalité magique : il suffirait de toucher un vêtement ?...Effectivement elle est guérie mais Jésus la force à sortir de son anonymat : de "derrière", elle passe devant Jésus, se prosterne dans une attitude d'adoration et avoue. Parce qu'elle est passée de la magie à la FOI, Jésus peut l'assurer que non seulement elle est "guérie" mais qu'elle est "sauvée".

UNE ENFANT RÉANIMÉE

Après cette interruption, Jésus reprend sa marche :

Des gens de chez Jaïre accourent :

" Ta fille vient de mourir ; à quoi bon déranger le Maître ?"...

Mais Jésus entend : " Ne crains pas : crois seulement !"

Il ne laisse personne le suivre, sauf Pierre, Jacques et Jean.

On arrive à la maison : des gens pleurent et poussent de grands cris.

Jésus entre : " Pourquoi cette agitation et ces pleurs ? L'enfant n'est pas morte : elle dort !"...On se moque de lui.

Mais Jésus met tout le monde dehors, prend le père, la mère et ses trois disciples et pénètre là où repose la petite fille.

Il saisit sa main et dit (en araméen) : " Talitha koum"

-  ce qui signifie " Jeune fille, lève-toi"

Aussitôt la petite se lève et se met à marcher. Elle a 12 ans. Les gens sont complètement bouleversés. Jésus insiste pour que personne ne le sache et ajoute : qu'on lui donne à manger".

UNE FOI PURIFIÉE ET RÉANIMÉE PAR CES RÉCITS

Ces récits très spectaculaires nous surprennent : qu'a donc voulu saint Marc en nous les racontant ? Méditons trois points.

1 ) Jésus soigne toutes les catégories de personnes :

-- l'homme qui ne parvient pas toujours à maîtriser son agressivité. Jésus le guérit de sa violence effrénée, lui communique sa douceur, le réintègre parmi son peuple.

-  la femme : souvent des coutumes ancestrales, des préjugés religieux incitent à la considérer comme impure. Le sang étant vu comme le siège de la vie, le perdre signale une impureté légale, donc est une cause d'exclusion sociale (Lévit.15, 19). Jésus néanmoins l'accueille, lui restitue sa féminité et la rend à la communauté.

-  l'enfant : elle a 12 ans, l'âge de la puberté (bizarre : elle est née quand la femme est tombée malade !). Elle doit sortir de l'enfance, commencer à devenir femme et marcher vers son avenir.

2) Jésus apporte la Vie au monde

Il n'est pas un auteur de prodiges gratuits dans le but de s'attirer des fans. Il vient pour apporter :

-  la paix là où l'homme est tenté par la violence et la guerre

-  le respect de la femme - là où la société tend à l'inférioriser.

-  l'avenir là où l'enfant est menacé.

Bref Jésus veut que l'humanité vive. L'Eglise est la communauté où chacun et chacune, quels que soient son âge et son sexe, peut se développer dans l'harmonie sociale.

3) Pour recevoir cette Vie du Christ, il faut la FOI et celle-ci est une relation établie par deux actions essentielles que l'on retrouve ici dans chaque épisode...et dans tous les sacrements :

LA PAROLE : Jésus calme la tempête, apaise l'homme furieux, sauve la femme, relève l'enfant en leur PARLANT. Il nous faut écouter, recevoir une Parole qui crée et qui re-crée.

LE CONTACT : Il s'agit de dépasser la mentalité magique (toucher une idole pour bénéficier d'un influx anonyme) pour passer à un contact de personne à personne, d'adoration, de confiance en quelqu'un.

*

Sommes-nous heureux de cette rencontre du Christ sauveur ?...

Reprenons conscience de la grandeur de notre mission :

exorciser la violence et bâtir la paix ; réconcilier les sexes ; reconstruire la communauté de tous ; sauver les jeunes toujours menacés ( voir les enfants-soldats, les victimes de la route, des drogues et des pédophiles - également les statistiques du chômage !)

L'Evangile est la Bonne Nouvelle du salut - car en dépit de ses progrès fulgurants, l'humanité reste enfermée dans le mal (personne n'avait pu guérir le fou de Gérasa ; aucun médecin n'avait pu guérir la femme ni épargner la mort à l'enfant).

L'Eucharistie est la manifestation hebdomadaire que le projet de Dieu - la paix, la pureté, la vie, l'espérance - est en voie de réalisation.

La manquer, c'est demeurer dans un monde rongé par la mort. La célébrer sans poursuivre l'action du Christ, c'est blasphémer.

15e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2005-2006

Au début de sa magnifique Exhortation de 1975 sur EVANGELISATION ET MONDE MODERNE (qu'il faudrait encore relire et méditer), le pape PAUL VI écrivait ( § 5 ) :

"La présentation du message évangélique n'est pas pour l'Eglise une contribution facultative ; c'est le devoir qui lui incombe par mandat du Seigneur Jésus. afin que les hommes puissent croire et être sauvés. Oui ce message est nécessaire, il est unique. Il ne saurait être remplacé. Il ne souffre ni indifférence, ni syncrétisme, ni accommodation. C'est le salut des hommes qui est en cause...Il comporte une sagesse qui n'est pas de ce monde ; il est capable de susciter, par lui-même, la foi,

une foi qui repose sur la puissance de Dieu. Il est la Vérité. Il mérite que l'apôtre y consacre tout son temps, toutes ses énergies - y sacrifie, au besoin, sa propre vie "

Son successeur, JEAN-PAUL II, n'a cessé de parcourir le monde en proclamant partout la nécessité d'une "nouvelle évangélisation".L'évangile de ce jour nous aide à réfléchir à cette mission capitale, qui est celle de tout baptisé.

JESUS ENVOIE DOUZE APÔTRES

Très vite, Jésus avait été suivi par des bandes de jeunes. Un jour, après un long temps de prière, parmi eux il en avait choisi 12 -signe évident de reconstruction de l'Israël aux 12 tribus.

Jésus monte dans la montagne et il appelle ceux qu'il voulait. Ils vinrent à lui et il en établit 12 pour être avec lui et les envoyer prêcher avec pouvoir de chasser les démons : Pierre, Jacques, Jean, etc....( Marc 3, 13)

Pas de compétences à faire valoir, pas d'examen à subir : de sa propre initiative, Jésus désigne les hommes qu'il veut. Plus tard il les enverra mais auparavant il faut "qu'ils restent avec lui". Certes pour écouter ses enseignements, apprendre son message, mais surtout pour mieux le connaître, lui, et l'aimer. L'homme ne peut être apôtre que si au préalable il a eu un long temps de vie avec Jésus :

Plus que de doctrines, c'est de lui qu'il faudra parler aux gens.

Après des semaines sinon des mois de pérégrination ensemble, à travers les villages de Galilée, le moment est venu, Jésus juge que ces hommes sont prêts à assumer sa mission. Voici l'évangile de ce jour :

Jésus appelle les Douze et, pour la première fois, il les envoie deux par deux. Il leur donne pouvoir sur les esprits mauvais et il leur prescrit de ne rien emporter pour la route si ce n'est un bâton ; de n'avoir ni pain, ni sac, ni pièces de monnaie. " Mettez des sandales, ne prenez pas de tunique de rechange".

Il leur dit encore : " Quand vous avez trouvé l'hospitalité dans une maison, restez-y jusqu'à votre départ. Si dans une localité, on refuse de vous accueillir et de vous écouter, partez en secouant la poussière de vos pieds : ce sera pour eux un témoignage".

Ils partirent et proclamaient qu'il faut se convertir.

Ils chassaient beaucoup de démons, faisant des onctions d'huile à de nombreux malades, et ils les guérissaient.

Ce texte nous éclaire sur les méthodes et le contenu de la mission.

1. COMMENT EVANGELISER ?

D'abord consentir à travailler avec un ou plusieurs autres (que l'on n'a pas choisis). La mission est une entreprise d'une telle richesse qu'elle ne peut se réaliser qu'ensemble, dans la complémentarité des dons de chacun. Et d'ailleurs comment annoncer l'Evangile (l'amour du prochain) si les auditeurs ne voient pas d'abord que les apôtres donnent l'exemple, vivent entre eux ce qu'ils proposent aux autres ?

Ensuite Jésus insiste fortement sur la nécessaire pauvreté des missionnaires : ne s'en aller qu'avec le strict nécessaire. Il y a là non une exigence d'ascèse mais d'authenticité : comment faire croire qu'arrive le Royaume de Dieu -donc de l'amour- donc du partage... si les messagers ne sont pas détachés des biens de la terre ?

Ne constate-t-on pas aujourd'hui mieux que jamais à quel point l'avarice, la passion de l'accaparement, l'idolâtrie de l'argent torpillent la foi avec une puissance bien plus grande que celle des idéologies ? Si les chrétiens partagent le style de vie des indifférents, c'est qu'ils ont perdu l'espérance. ils n'ont plus rien à annoncer.

Dans ce dénuement accepté -et parce qu'il faut bien vivre-, les apôtres vont devoir dépendre des personnes rencontrées : donc l'acceptation du message se traduira dans les faits par l'accueil de ces missionnaires pauvres. L'Evangile ne sera pas une vague idée mais un acte, un fait : il va pénétrer au c½ur des familles. Les premiers chrétiens ne bâtiront jamais d'églises ni de chapelles : toute la vie de communauté se déroulera à l'intérieur des maisons.

Et les apôtres devront demeurer au lieu de leur invitation initiale...sans chercher une autre maison où l'on mange peut-être mieux !!

Mais d'autre part, évidemment, ils essuieront aussi des refus : on leur claquera la porte au nez, on se moquera de ces farfelus. Les envoyés montreront alors à ces gens la gravité de leur décision : ne pas accepter la Bonne Nouvelle de la Vie, c'est s'enfermer dans un monde voué à la mort et à la poussière ! On ne se moque pas de Dieu !

2. LE CONTENU DE L'EVANGELISATION

Comme le Seigneur Jésus, les apôtres lanceront le cri essentiel :

" Le Règne de Dieu s'est approché :

convertissez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle" ( Marc 1, 15).

Le peuple d'Israël avait des défauts, comptait en ses rangs des malfaiteurs... mais il était sans doute le plus religieux, le plus honnête, le plus moral de l'époque. Pourtant l'accueil du Royaume du Père en et par Jésus exige une conversion, un changement de style de vie - option tellement radicale qu'elle suscitera, on le sait, une opposition farouche. La foi n'est pas un blanc-seing sur une existence honnête ni une consolation grâce à des cérémonies rituelles mais une nouvelle façon de vivre qui tranche sur celle des autres.

La mission en effet est un combat terrible. Non contre des hommes mauvais, des organisations impies, des armées adverses. Mais contre des puissances démoniaques, ce mal mystérieux mais redoutable qui se dressera toujours contre Dieu pour entraîner l'humanité sur les chemins de mort. Confiance ! : Jésus a reçu de Dieu une Force supérieure que rien ne peut vaincre et il peut transmettre ce pouvoir à ses envoyés. En offrant la miséricorde infinie, ils manifesteront la victoire définitive du Christ sur le mauvais.

La guérison des c½urs soumis à la Bonne Nouvelle s'accompagnera d' actes de charité corporelle : les apôtres veilleront à ne pas se contenter d'être des enseignants, des orateurs mais ils rencontreront les malades, les handicapés, les alités et par des onctions d'huile sainte - consacrée par la force de l'Esprit-Saint - ils imiteront leur Maître qui montrait tant de compassion à leur égard.

La mission est la réalisation du projet de Dieu ; elle ne cherche pas à accroître les effectifs de l'Eglise mais à FAIRE VIVRE L'HOMME.

C'est pour cela qu'elle est essentielle et urgente.

16e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2005-2006

Mc 6, 30-34

Aimer quelqu'un, ce n'est pas tout lui offrir : c'est lui faire suffisamment confiance pour lui permettre d'agir par lui-même, comprendre ses échecs sans l'enfoncer et se réjouir avec lui de ses réussites.

Ainsi, de même que Dieu a créé l'homme à son image et lui a confié un monde à construire ( "Soyez féconds...dominez la terre..." ), ainsi le Christ a fait participer ses apôtres à sa mission. Sans attendre qu'ils soient des "saints" ou des diplômés en théologie, il les a envoyés, pauvres et démunis, pour accomplir l'½uvre essentielle de l'histoire du monde : recréer l'humanité.

Aujourd'hui nous assistons au retour des Douze.

Après leur première mission, les Apôtres se réunissent auprès de Jésus et lui rapportent ce qu'ils ont fait et enseigné.

Il leur dit : " Venez à l'écart dans un endroit désert, et reposez-vous un peu". De fait les arrivants et les partants étaient si nombreux qu'on n'avait même pas le temps de manger.

Ah ! le bonheur de Jésus d'accueillir et d'écouter ses jeunes amis lui raconter tout ce qu'ils ont fait : entrer dans des villages, prendre contact avec les habitants, parler de Jésus, proclamer ses enseignements, expliquer, discuter, tenter de convaincre, rendre visite aux malades, prier pour les guérir... Quelle expérience pour Pierre, Jacques et Jean, les anciens pêcheurs qui s'appliquent à présent à "pêcher" les hommes hors des flots du découragement et du désespoir !

Jésus écoute ses frères avec passion : il ne rabat pas leur enthousiasme, il applaudit à leurs réussites, les console de leurs échecs.

L'important, c'est que la Grande ¼uvre de Dieu se réalise : le Royaume de Dieu est instauré et il a commencé à se répandre sur ce petit coin de terre. Humbles et modestes débuts d'une mission qui, Jésus n'en doute pas, s'étendra bientôt à la terre entière.

Quand donc nos paroisses seront-elles de la sorte des lieux d'échanges ? Quand donc nous sentirons-nous, tous, participants de la Mission d'un même Seigneur, chacun et chacune ayant la possibilité de s'exprimer, de raconter ce qu'il a fait ? Quand n'y aura-t-il plus de sourde jalousie, de moqueries ? Quand la communauté pourra-t-elle se souder autour de confidences partagées, dans la joie de collaborer au seul travail éternel : le salut des hommes ?

LE BESOIN DE REPOS

Mais Jésus remarque les traits tirés de ses apôtres : il sait d'expérience ce que ça coûte de préparer des enseignements, d'être sollicité en permanence par des malades et des souffrants, de parcourir de longues distances sous le soleil... Sans compter que les envoyés n'ont pas toujours été bien reçus : parfois ils ont dû dormir à la belle étoile, le ventre creux, sans avoir reçu quelque chose à manger.

Jésus invite le groupe à prendre du recul et à aller se reposer un peu dans un endroit désert car si la tâche de la prédication est gigantesque, si le temps presse, il ne faudrait tout de même pas perdre son âme dans un activisme débridé.

Ils partirent donc dans la barque pour un endroit désert, à l'écart.

Les gens les virent s'éloigner, et beaucoup les reconnurent. Alors à pied, de toutes les villes, ils coururent là-bas et arrivèrent avant eux !

En débarquant, Jésus vit une grande foule, il fut saisi de pitié envers eux parce qu'ils étaient comme des brebis sans berger.

Alors il se mit à les instruire longuement.

Le lac de Galilée n'est pas large : les gens ont assisté au départ du groupe et beaucoup, malins, se mettent à marcher le long du rivage sans perdre la barque de l'½il. Aussi, dès l'arrivée, les apôtres doivent être dépités sinon furieux : "Zut ! vacances fichues !" et on devine leurs cris : " Rentrez chez vous ! Laissez-nous un peu tranquilles !...".

Car on veut bien travailler au salut du monde ...mais pas au point de rater quelque loisir !!!

Jésus, lui, réagit tout différemment et il faut bien méditer la finale du texte.

D'abord IL VOIT LA FOULE. Il n'essaie pas de détourner son regard, d'escamoter ces gens indésirables. Or Ils sont là devant lui après avoir parcouru une longue distance pour le retrouver. Jésus ne se sent pas autorisé de les renvoyer tandis qu'il s'offrirait un bon temps de calme. C'est une grâce de voir le réel, non tel qu'on le rêvait, et d'accepter de voir déranger ses plans.

Et la vue de cette humanité le bouleverse. " Il est saisi de pitié" : la traduction liturgique est trop faible, avec ce mot poisseux de condescendance. Marc emploie ici un verbe riche d'amour et de tendresse, qui traduit un verbe hébreu bâti sur la racine du mot "matrice". On devrait dire : Jésus est BOULEVERSÉ AUX ENTRAILLES, ému de compassion, étreint au profond de son être comme une mère le serait devant ses enfants accidentés.

Pourquoi cette émotion ? Là où les apôtres ne voient que des casse-pieds, des importuns, des gêneurs, Jésus, lui, voit le malheur des hommes : "ils sont comme des brebis sans berger"

Les hommes n'ont pas de guide pour les conduire au chemin de vie, ni de défenseur pour les protéger des attaques des prédateurs. Ils sont fragiles, vulnérables, toujours prêts à suivre un beau parleur, à se pâmer devant une vedette, à aduler un chanteur ou un sportif, à prendre part à ces jeux ignobles où l'on trépigne pour gagner plus d'argent, à se prosterner devant les puissants, à basculer dans les drogues, à opter pour la violence, à déclencher des conflits meurtriers...Qui nous montrera le sens de la vie, qui nous consolera dans les épreuves, qui nous détournera des idoles ?...

Aussi Jésus SE MIT A LES INSTRUIRE LONGUEMENT.

Il sait qu'il est le Bon Pasteur, descendant de David, que Dieu, d'après le prophète Ezéchiel, avait promis d'envoyer un jour ( Ez 34, 23), celui qui ne laisserait plus le troupeau de Dieu abandonné, celui qui chercherait la brebis perdue, celui qui conclurait "une alliance de paix" (34, 25).

Dans ce coin perdu, loin des médias avides de sensationnel, un public de pauvres paysans écoute la Parole fraîche comme une source, claire comme la lumière.

En elle pas de promesses mensongères, pas de ruses pour séduire, pas de raisonnements spécieux ni de mots savants. L'Evangile seul. La Bonne Nouvelle. La Vérité dans sa lumière éternelle. Les mots qui jamais ne passeront. Les paraboles immortelles. La Parole qui fait vivre, qui offre pardon, confiance, miséricorde, réconfort, certitude, amour et paix.

Qui écoutons-nous en ce temps de vacances ? Que lisons-nous ? Combien de temps prenons-nous pour accueillir et méditer la Parole de Jésus ? Comment écoutons-nous la Parole de Dieu à la messe ?

17e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2005-2006

 

Jn 6, 1-15

Saint Marc nous a raconté que Jésus et ses apôtres, en quête de solitude et de repos, ont été rejoints par la foule. Mais, à partir d'ici, la liturgie "change de disque" et passe à l'évangile de Jean qui va nous rapporter sa version de la suite de l'histoire ("la multiplication des pains") mais enrichie de longs développements - si bien que ce chapitre 6 de Jean va être lu au cours de ces 5 dimanches.

Ce partage du pain est en effet une action d'une importance exceptionnelle : c'est le seul "miracle" de Jésus qui soit rapporté dans les 4 évangiles, dont deux fois chez Marc et Matthieu - ce qui fait 6 versions ! Qu'est-ce que les évangélistes ont compris et que veulent-ils nous transmettre ? Commençons donc le récit de Jean :

Jésus était passé de l'autre côté du lac de Tibériade. Une grande foule le suivait parce qu'elle avait vu les signes qu'il accomplissait en guérissant les malades. Jésus gagna la montagne et là il s'assit avec ses disciples. C'était un peu avant la Pâque, la grande fête des Juifs.

La foule ne court pas après Jésus pour obéir à son message et se convertir mais plus prosaïquement afin d'obtenir des guérisons, sans du tout comprendre qu'il s'agit de "signes". On sait que Jean, pour en parler, n'emploie jamais les mots des autres évangélistes ("actes de puissances", "merveilles"...). Pour lui, ces actions sont des signes, elles sont porteuses d'un sens caché qu'il s'agit de décrypter sous peine de ne voir en Jésus qu'un thaumaturge à qui on arrache des bienfaits corporels.

Ce partage est "signe" de quoi ???...Que veut-il nous dire ?.

Jean note l'endroit (solennel car la montagne est souvent le lieu de la révélation divine) et le temps : on est tout près de Pâque, la grande fête qui célèbre la libération par Dieu des ancêtres hébreux, esclaves en Egypte, la nuit où ils ont mangé l'agneau avec les pains sans levain.

C'est déjà la 2ème Pâque ; lors de la 1ère, Jésus avait accompli le signe de Cana. Tiens ! alors le vin ...et ici le pain.... Suivez les traces !

Jésus leva les yeux et vit qu'une foule nombreuse venait à lui.

Il dit à Philippe : " Où pourrions-nous acheter du pain pour qu'ils aient à manger ?".

Il disait cela pour le mettre à l'épreuve, car il savait bien ce qu'il allait faire.

Philippe lui répondit : " Le salaire de 200 journées ne suffirait pas pour que chacun ait un petit morceau de pain".

Un de ses disciples, André, le frère de Simon-Pierre, lui dit :

" Il y a là un jeune garçon qui a 5 pains d'orge et 2 poissons...mais qu'est-ce que cela pour tant de monde ?".

Curieux : alors que tous les autres "miracles" sont accomplis à la demande des hommes, ici c'est Jésus qui prend l'initiative d'apaiser une faim inexprimée. Mais d'abord il teste la foi de ses disciples qui succombent à l'épreuve. Philippe, tout de suite, calcule l'énorme somme d'argent qui serait nécessaire et que l'on n'a pas. André signale les provisions d'un petit garçon mais elles sont tellement insignifiantes vu les besoins !

Donc à vue humaine, la situation est bloquée, rien n'est possible. D'ailleurs pourquoi se tracasser ? : les gens ne demandent rien !

Ah nos manques de confiance ! Toujours vouloir régler les problèmes à coup d'argent, toujours se plaindre devant les ressources insuffisantes, toujours être écrasés par l'étendue des problèmes à régler ! Ce qui nous permet de justifier notre inaction !

Jésus, lui, a trouvé le "sauveur" : ce petit garçon anonyme et qui devait être un pauvre pour n'avoir que du pain d'orge et non de froment ! Lui au moins ne calculait pas comme les grandes personnes et, généreux, il a tout simplement présenté à Jésus les provisions que sa maman lui avait données pour son excursion.

Bravo petit ! Tu nous apprends à sortir de notre logique si "raisonnable" ( et si mesquine) et à faire confiance au Seigneur jusqu'à tout lui donner...même si c'est disproportionné vis-à-vis des besoins. Devant l'immensité de la misère de l'Inde ou de l'Egypte, deux chrétiennes pauvres, Teresa et Emmanuel, ont récemment prouvé qu'il ne fallait pas attendre la solution du côté des ressources budgétaires.

Jésus dit : " Faites-les asseoir ". Il y avait beaucoup d'herbe à cet endroit.

Ils s'assirent donc, au nombre de 5000 hommes.

Alors Jésus prit les pains et, après avoir rendu grâce, les leur donna ; il leur donna aussi du poisson - autant qu'ils en voulaient. Quand ils eurent mangé à leur faim, il dit à ses disciples : " Ramassez les morceaux qui restent pour que rien ne soit perdu". Ils les ramassèrent et ils remplirent 12 paniers avec les morceaux qui restaient...

Au temps de Pâque, après les bonnes pluies d'hiver, l'herbe est abondante : le Bon Berger va pouvoir nourrir son troupeau comme l'annonçait le psaume 23 :

" Et sur des prés d'herbe fraîche il me fait reposer...".

Alors vient la célèbre phrase

IL PRIT ...RENDIT GRÂCE (verbe grec : eucharistein)...DONNA... (Manque le verbe IL ROMPIT - mais après, Jean parlera des "morceaux rompus et ramassés")

C'est exactement la phrase par laquelle les synoptiques raconteront l'institution de l'Eucharistie à la dernière Cène, et que, depuis des siècles, nous entendons à chaque messe !

L'accumulation d'indices nous met sur la piste : il serait bien superficiel de discuter sur l'historicité ou non de l'action de Jésus lors de ce pique-nique. La foi n'est pas de croire que tel fait a eu lieu mais de comprendre ce que le geste de Jésus signifie pour nous aujourd'hui, d'en tirer les conséquences et de nous convertir.

Il s'agit d'un "signe", d'une annonce du partage du Pain...qui sera Jésus lui-même. Mystère que la foule ne peut saisir sur le moment : comme toujours elle en reste à l'aspect extraordinaire, au profit que l'on peut en tirer. Lisons la suite :

A la vue du signe que Jésus avait accompli, les gens disaient : " C'est vraiment lui le Grand Prophète, Celui qui vient dans le monde !?..."

Mais Jésus savait qu'ils étaient sur le point de le prendre de force et faire de lui le roi.

Alors de nouveau il se retira, tout seul, dans la montagne.

Un prophète qui annonce le Royaume de Dieu, qui multiplie les guérisons et qui à présent donne à manger gratuitement : le rêve !!! Il faut le couronner, nous le suivrons dans l'enthousiasme. Jésus perçoit la tentation du Pouvoir, de la maîtrise des masses que l'on s'attache par des prodiges. Alors il s'enfuit là-haut, dans la solitude où il sait qu'il rejoindra son Père dans le secret.

Nous poursuivrons, les prochains dimanches, cette géniale méditation de S.Jean sur le don du Pain. Déjà il a dénoncé nos peurs du partage, nos calculs tatillons, nos excuses pour refuser d'entrer dans une "économie du don".

Il nous a fait percevoir que l'Eucharistie ne commence pas par le rite qui porte ce nom mais par l'écoute de la faim des hommes.

Et le petit garçon se demandera toujours pourquoi nous ne donnons que des broutilles.

18e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2005-2006

Le partage du pain au bord du lac s'est terminé de façon énigmatique : fuyant l'enthousiasme populaire, Jésus a disparu ! La nuit tombée, ses disciples, désemparés, rembarquent pour regagner Capharnaüm. Grosse frayeur : ils voient tout à coup Jésus marcher sur la mer mais Il les rassure : " C'est moi ! Confiance !" et ils accostent. Cet épisode est omis par la liturgie qui aujourd'hui poursuit le long récit du chapitre 6 de saint Jean.

UNE RECHERCHE TRÈS INTÉRESSÉE

La foule s'était aperçue que Jésus n'était pas au bord du lac ni ses disciples non plus. Alors les gens prirent les barques et se dirigèrent vers Capharnaüm à la recherche de Jésus. L'ayant trouvé sur l'autre rive, ils lui dirent : " Rabbi, quand es-tu arrivé ici ?".

Jésus leur répondit : " Amen, amen, je vous le dis : vous me cherchez non parce que vous avez vu des signes mais parce que vous avez mangé du pain et que vous avez été rassasiés".

Jésus n'est pas dupe : les foules se mettent toujours à la recherche de ceux qui les comblent de cadeaux ou leur offrent plaisirs et émotions. Si l'église était un lieu de guérisons miraculeuses ou de distributions gratuites, elle serait assaillie en permanence de clients intéressés.

Or, tout comme les autres gestes étonnants de Jésus, le partage du pain n'a pas été un prodige mais, comme le répétera chaque fois saint Jean, un signe, c'est-à-dire un fait qui fait réfléchir, qui ouvre à une réalité plus profonde, spirituelle.

Notre corps ressent la faim, il a besoin du pain quotidien, il le cherche avec peine car il sait qu'il meurt s'il vient à en manquer longtemps et il le reçoit avec grande joie si on le lui offre gracieusement.

Mais derrière ce besoin, n'y a-t-il pas un désir ?

La quête du pain n'est-elle pas un indice, un symbole d'une autre faim, d'un désir plus profond ? L'homme ne peut être seulement un animal affamé. Jésus va tenter de guider son auditoire à la découverte de ce désir vital : c'est pourquoi un curieux dialogue s'engage.

Jésus dit : Ne travaillez pas pour la nourriture qui se perd

mais pour la nourriture qui se garde jusque dans la Vie éternelle,

celle que vous donnera le Fils de l'homme,

lui que Dieu le Père a marqué de son empreinte.

-  Les gens : Que faut-il faire pour travailler aux ½uvres de Dieu ?

-  Jésus : L'½uvre de Dieu, c'est que vous croyiez en celui qu'il a envoyé.

Manger est indispensable mais ce n'est jamais qu'un sursis pour prolonger un peu une vie biologique laquelle de toutes façons est condamnée à finir. N'y aurait-t-il pas pour l'homme une nourriture qui lui donnerait la vraie vie, une Vie que la mort ne pourrait anéantir, cette "Vie éternelle" dont l'expérience de l'amour lui donne toujours l'avant-goût ? Car si la mort est définitive, elle est plus forte que Dieu et, dans ce cas, Dieu n'est pas !

Oui, ce pain existe mais il ne peut être le fruit du travail des hommes, "l'½uvre" de nos sciences et de nos techniques, le résultat d' efforts ascétiques ou mystiques. Certes nous jubilons devant l'allongement de "l'espérance de vie" mais les savants reconnaissent que jamais ils ne pourront annihiler la terrible échéance. Nos recherches, nos travaux peuvent bien prolonger la longévité, mais jamais ne produiront l'éternité, apanage de Dieu.

D ' UN PAIN À L ' AUTRE

Stupéfaite, la foule entend cet homme, Jésus, qui ose prétendre que lui, il peut offrir ce Pain - car il ne s'agit pas de "faire". Ce Pain sera cadeau. Il suffit de

CROIRE EN JESUS COMME A L'ENVOYÉ DE DIEU LE PERE

Quelle prétention insoutenable ! Jésus doit la justifier : Il a donné du pain une fois, qu'il recommence donc !

Ils lui dirent : " Quel signe vas-tu accomplir pour que nous puissions le voir et te croire ? Quelle ½uvre vas-tu faire ?

Au désert nos pères ont mangé la manne, comme dit l'Ecriture : " Il leur a donné à manger du pain venu du ciel".

Libérés de l'esclavage en Egypte, les Hébreux avaient longtemps erré à travers la péninsule du Sinaï où ils avaient découvert la manne : certains arbres piqués par les insectes exsudent une sève qui se coagule en petites boules blanchâtres et comestibles.

Avec le temps, ce souvenir avait revêtu des dimensions légendaires jusqu'à croire que Dieu avait fait "pleuvoir" une nourriture qui avait permis aux ancêtres de subsister (cf. la 1ère lecture de ce jour). Et on racontait que le Messie, quand il viendrait, referait ces miracles de l'Exode - d'où la demande ici de la foule.

Mais la tradition avait su interpréter théologiquement le miracle de la manne et y avait vu déjà un symbole de la Parole de Dieu. Le grand cadeau de Dieu, au cours de la longue marche vers la terre promise, c'était sa Parole, ses préceptes et ses lois. Ces pauvres nomades, démunis de tout, avaient observé la manière de vivre que Dieu leur avait donnée au Sinaï : c'est pour cette raison qu'ils avaient pu traverser l'épreuve terrible de cette pérégrination et atteindre le but :

Le Seigneur t'a mis dans la pauvreté, il t'a fait avoir faim et il t'a donné à manger la manne...pour te faire reconnaître que l'homme ne vit pas de pain seulement mais qu'il vit de tout ce qui sort de la bouche du Seigneur (Livre du Deutéronome -- chapitre 8)

C'est en écoutant et pratiquant la Parole de Dieu que l'homme vit vraiment ! Jésus s'appuie sur cette interprétation et la centre sur lui :

Amen, amen, je vous le dis : ce n'est pas Moïse qui vous a donné le pain venu du ciel ; c'est Mon Père qui vous donne le vrai Pain venu du ciel.

Le Pain de Dieu, c'est celui qui descend du ciel

et qui donne la Vie au monde".

Donc l'Exode antique était un "signe", comme une anticipation de ce qui se produit à présent avec Jésus : il fait sortir les croyants hors de l'esclavage du péché et il les conduit vers le Royaume éternel en leur offrant la manne nouvelle, le vrai Pain ! La foule se méprend sur cette promesse : alléchée, elle demande :

"Seigneur, donne-nous de ce pain-là, toujours ! "

Jésus leur répond : " MOI JE SUIS LE PAIN DE LA VIE.

Celui qui vient à moi n'aura plus jamais faim ;

Celui qui croit en moi n'aura plus jamais soif".

Jésus est plus qu'un prophète, un porte-parole de Dieu : il est LA PAROLE, LE VERBE DE VIE. Son disciple n'est pas que l'élève d'un sage : en écoutant la Parole de Jésus, en la mettant en pratique, il communie, il entre-en-communion avec Dieu.

Son désir profond est réalisé : il a la Vie éternelle.

Dans une société acharnée à satisfaire les besoins les plus fous,

restons-nous des êtres de désir, de désir de Dieu ?

Acceptons-nous l'errance du peuple pauvre pour être des Vivants ?

19e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2005-2006

 

Jn 6, 41-47

Il y avait eu la "multiplication des pains" puis la traversée mouvementée du lac puis la discussion où Jésus cherchait à conduire les gens à la découverte, en eux, d'une autre faim.

Voici aujourd'hui le 4ème épisode de ce long et important chapitre 6 de saint Jean : il faut en rétablir le texte intégral (les versets 36-40 sont omis par la version liturgique) et le terminer plus tôt, au verset 47 (48 commence un nouveau développement).

 

JESUS EST LE PAIN A CROIRE

Jésus leur dit :

" Je suis le Pain de Vie ; celui qui vient à moi n'aura pas faim ; celui qui croit en moi jamais n'aura soif.

Je vous l'ai dit : vous avez vu et pourtant vous ne croyez pas !

Tous ceux que le Père me donne viendront à moi ;

et celui qui vient à moi, je ne le rejetterai pas.

Car je suis descendu du ciel pour faire

non pas ma volonté mais la Volonté de Celui qui m'a envoyé.

Or la Volonté de Celui qui m'a envoyé,

c'est que je ne perde aucun de ceux qu'il m'a donnés,

mais que je le ressuscite au dernier jour.

Telle est en effet la Volonté de mon Père :

que quiconque voit le Fils et croit en lui ait la Vie éternelle ;

et moi je le ressusciterai au dernier jour".

Si succulentes et variées soient-elles, jamais les nourritures terrestres ne pourront apaiser notre faim, notre désir de la Vraie Vie (mais notre société fait tout pour nous convaincre du contraire). "L'homme ne vit pas seulement de pain mais de toute Parole venant de Dieu" disait la Bible : en effet à quoi bon avoir de quoi vivre (les aliments) si on ne sait ni pourquoi ni pour qui vivre ?

Jésus se présente comme la Bible nouvelle, comme la Parole même de Dieu que les Ecritures sacrées jadis transmettaient. Il ne les dévalue pas, ne les remplace pas, ne les répète pas, ne les traduit pas : IL EST CETTE PAROLE même. Pour celui qui l'accueille et la met en pratique, elle "nourrit", donne la Vie : donc Jésus peut dire qu'il EST LE PAIN QUI DONNE LA VRAIE VIE.

Mais il constate que les gens ne lui font pas confiance, "ne dévorent pas sa parole" : ils aiment recevoir de lui des bienfaits mais refusent une rencontre, une instruction qui les remet en question, qui exige la conversion à une manière de vivre répondant à la Volonté de Dieu.

A ceux qui le confondraient avec un envoyé de Dieu - tels les prophètes de jadis, tel Jean-Baptiste -, Jésus affirme qu'il "VIENT DU CIEL", c'est-à-dire de Dieu dont il est l'image parfaite, le FILS.

Son existence est accomplissement d'une mission reçue : proclamer la Volonté de Dieu et conduire le peuple à y adhérer. Le succès de cette mission, il le sait, ne dépend pas de son éloquence, de ses miracles, de son génie : seuls viendront à lui ceux que le Père attire, ceux et celles qu ! prêtent l'oreille aux sollicitations de leur c½ur travaillé par Dieu. Quiconque cherche le PERE trouve Jésus le FILS.

Celui-ci ne trie pas les candidats au gré de ses préférences ni selon leurs talents ou leur valeur morale : tous, quels qu'ils soient, s'ils viennent à lui pour apprendre à obéir à Dieu, il les recevra toujours, les gardera, les instruira, les protègera, les comblera de son amour car chacun d'eux est pour lui un cadeau, " un don de son Père". Il ne leur évitera pas la mort (biologique) mais il les ressuscitera au dernier jour.

CONTESTATIONS SUR L'ORIGINE DE JESUS

Ces affirmations proprement inouïes, jamais proférées par personne et venant d'un paysan de Nazareth, ne peuvent que susciter un tollé :

Dès lors les Juifs récriminaient contre lui :

" Cet homme-là n'est-il pas Jésus, fils de Joseph ?

Nous connaissons bien son père et sa mère.

Comment peut-il dire : " Je suis descendu du ciel ????".

Nouveau-né dans les bras de sa mère, petit garçon jouant avec ses camarades, artisan dans son atelier, prédicateur itinérant : on sait tout de Jésus. Ou plutôt on croit tout savoir. Car il échappe à toute opinion que l'on se fait de lui. Sans cesse, au cours de sa mission, ses interlocuteurs butent sur l'énigme de son origine. Il est "fils de Joseph" ? (ici), ..."homme de Galilée" ? (7, 41) ; au contraire de Moïse, nous ne savons pas "d'où il est", répondent les pharisiens à l'aveugle guéri (9, 29) ; et placé devant ce curieux prévenu qui garde le silence, Ponce Pilate, perplexe, lancera à Jésus : " D'où es-tu, toi ?" ( 19, 9).

Le Prologue de l'évangile avait proclamé solennellement la réponse de la foi :

" Au commencement était le Verbe et le Verbe était tourné vers Dieu...Et le Verbe était la vraie Lumière qui, en venant dans le monde, illumine tout homme....Et le Verbe s'est fait chair et il a habité parmi nous..." ( Jean 1)

JESUS CONFIRME SES AFFIRMATIONS

Jésus leur répond : "Ne récriminez pas entre vous !... Personne ne peut venir à moi si le Père qui m'a envoyé ne l'attire vers moi ; et moi, je le ressusciterai au dernier jour....Il est écrit dans les Prophètes : " Ils seront tous instruits par Dieu". Tout homme qui écoute les enseignements du Père vient à moi. Certes personne n'a jamais vu le Père, sinon celui qui vient de Dieu : celui-là seul a vu le Père.

Amen, amen je vous le dis : celui qui croit en moi a la Vie éternelle"

Tout au long de son histoire, Israël avait fait l'humiliante expérience de connaître de mieux en mieux les préceptes de Dieu écrits dans la Loi...et de ne jamais parvenir à les mettre fidèlement en pratique.

Il fallut la catastrophe épouvantable, la destruction de Jérusalem, l'incendie du temple et la déportation(- 586) pour que des prophètes émettent la grande promesse d'une future Nouvelle Alliance où les croyants seraient enseignés directement par Dieu et deviendraient du coup capables d'observer sa Loi - ainsi Dieu avait dit par Jérémie :

" Je mettrai ma Loi au fond de leur c½ur et ne me souviendrai plus de leurs péchés"

( Jér 31, 31 ; cf. Ez 36, 26...).

Jésus certifie que ces temps sont arrivés : par lui, le Père parle directement aux c½urs. Il est donc plus qu'un enseignant, un nouveau héraut de la Loi. Il invite à "venir à lui", à le rencontrer comme une personne, à partager son intimité et son amour, à se nourrir de la Parole qu'il dit et même qu'IL EST... car, seul, "il a vu le Père"

Dans la crise actuelle, une chose est nécessaire, vient de dire le cardinal Martini : c'est la lecture de la Parole de Dieu qui, seule, assurera l'avenir de l'Eglise. Est-ce que nous nous nourrissons des paroles de Jésus ?

Où en est " la liturgie de la Parole " dans nos eucharisties ?...

1er dimanche de Carême, année B

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps du Carême
Année liturgique : B
Année: 2005-2006

Un grand événement se profile pour nous, paroissiens, à un horizon désormais tout proche : à Pâques, après 7 longues années de travaux, nous allons enfin retrouver notre chère et antique collégiale sous son nouveau visage. Encore bien plus nombreux qu'auparavant, des touristes du monde entier se presseront pour admirer le chef d'½uvre unique dont elle est l'écrin : les fonts baptismaux de Renier de Huy.

Que d'études, que d'échafaudages, que de milliers d'heures de travaux, que de volonté de collaboration entre les divers métiers, que d'argent a-t-il fallu pour que notre église poursuive sa course à travers les siècles !

UNE EGLISE COMMUNAUTE DE PIERRES VIVANTES

Toutefois nous n'oublions pas que le mot EGLISE ne désigne pas d'abord un bâtiment mais bien la communauté qui s'y réunit. Les apôtres et les premières générations chrétiennes n'ont connu ni sanctuaire ni chapelle : "l'Eglise de Corinthe", "l'Eglise d'Ephèse" étaient les communautés de personnes qui avaient répondu à l'appel de l'Evangile et qui se retrouvaient dans l'une ou l'autre maison pour prier, partager le repas et l'Eucharistie.

Architectes, entrepreneurs, corps de métiers ont ½uvré pour sauver et terminer un édifice majestueux mais nous, nous ne sommes pas les fabricants, les auteurs de la communauté d'Eglise : au contraire, c'est le Christ qui, seul est capable, par la puissance de son Esprit, de bâtir et de faire croître ce corps immense dont il est la Tête Quant à nous, nous sommes LES PIERRES VIVANTES, les éléments - disparates, mais tous nécessaires - que le Christ rassemble et appareille les uns aux autres afin qu'ensemble, dans l'harmonie, ils constituent une communauté.

Autre différence : si un jour, on peut déclarer la fin des travaux d'un bâtiment, nous savons qu'il n'en sera jamais de même pour l'Eglise-Corps car toute communauté d'hommes est en gésine permanente. Seule l'Eucharistie célébrée avec sincérité peut faire l'Eglise.

LE CAREME : NOTRE CHANTIER CONTINUE

Au moment même où les ouvriers s'activent pour mettre la dernière main à leur oeuvre, voici que nous, nous entrons en carême.

Avec l'Eglise universelle, dont nous sommes une petite cellule, nous voulons laisser le Seigneur nous travailler afin de devenir une communauté plus fidèle à son dessein.

Dans ce but, nous méditons le court évangile de ce jour :

Jésus venait d'être baptisé. Aussitôt l'Esprit le pousse au désert. Et dans le désert, il resta 40 jours, tenté par satan. Il vivait parmi les bêtes sauvages et les anges le servaient. Après l'arrestation de Jean Baptiste, Jésus partit pour la Galilée proclamer la Bonne Nouvelle de Dieu. Il disait :

-  Les temps sont accomplis, l Le Règne de Dieu est tout proche. Convertissez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle !

Il n'y avait guère d'incroyants en ce temps : les synagogues étaient remplies chaque semaine. A Jérusalem, à la suite des travaux commandés par le roi Hérode, le temple se dressait dans sa splendeur renouvelée et les fêtes y étaient célébrées par des foules immenses. On pouvait estimer qu'Israël était un peuple bien religieux

Et voilà qu'un inconnu tout à coup surgit à la frontière du pays : Jean annonce l'imminence d'un événement formidable, il presse les gens de se convertir, de confesser leurs péchés et il les invite à plonger dans les eaux du Jourdain pour se purifier.

Parmi la foule, un homme, un inconnu, charpentier de Nazareth. Et sans que personne ne remarque rien, lors de son baptême, c'est le choc : Jésus perçoit l'appel de DiEU : "TU ES MON FILS BIEN AIME..." -...ce qui était la formule d'intronisation du roi !

Qu'est-ce que cela veut dire ? Dieu n'est pas bavard, le message est bref. Quelles conséquences en tirer ? comment répondre ? Seul, Jésus s'enfonce dans le désert où il va réfléchir pendant 40 jours.

Temps de prière austère, en butte à toutes sortes de tentations que Marc ne détaille pas mais qui reviendront tout au long de la mission de Jésus :

-  Multiplier les miracles afin d'époustoufler les masses ;

- Chercher les succès populaires, tabler sur le nombre ;

- Recourir à la force des armes

-  Se laisser récupérer par sa famille et reprendre la vie tranquille du village ;

-  Edulcorer ses propos devant les critiques acerbes et l'hostilité violente des adversaires ;

-  Renvoyer les apôtres si balourds qui ne comprennent pas son message et se déchirent par jalousie ;

-  S'échapper lorsque se précise la menace du supplice de la croix...

.....Toutes ces possibilités se présentent à son imagination, satan fait tout pour le conduire dans les impasses de la fausse gloire et de la violence. Mais Jésus résiste.

Son "carême" terminé, seul, sans armes ni argent ni diplômes, sans attendre l'approbation des autres, sans chercher l'appui des puissants, avec la seule force de sa Parole, il retourne dans sa Galilée non plus pour construire des maisons mais pour édifier la Demeure de Dieu, le sanctuaire de son Père qui sera bâti d'êtres vivants, de croyants qui constitueront l'embryon de l'Humanité nouvelle.

Il serait vraiment absurde de confondre le carême avec quelques privations de bonbons, des prières consolantes, des cérémonies routinières, quelques piécettes jetées dans le gobelet d'un mendiant.

Il y va de l'Eglise, du dessein de Dieu, du salut du monde, qui a coûté à Jésus d'atroces souffrances et une croix ignominieuse. Alors que des trafiquants complotent pour engloutir les jeunes dans la drogue, alors que des religions pressent pour s'imposer, alors que notre région bat les records de suicides...allons-nous rester impassibles ?

Devant notre lâcheté, notre impuissance congénitale, nos velléités, nos atermoiements, une seule chose est nécessaire : à l'exemple de Jésus, nous enfoncer dans la prière. Faire taire les bruits. Ecouter ce que Dieu nous dit. Nous adapter à sa Volonté.. Ne pas attendre l'accord des autres. Et nous battre âprement contre toutes les tentations.

L'Eglise (de pierres) est finie. La paroisse (= nous) reste en chantier..

1er dimanche de l'Avent, année B

Auteur: Van Aerde Michel
Temps liturgique: Avent
Année liturgique : B
Année: 2005-2006

Noël ! Toute la ville se prépare à la fête et les commerces nous encouragent à consommer. Il ne me reste que quelques petites semaines pour trouver l'idée de chaque cadeau génial et pas cher, qui me permettra de faire plaisir à ceux que je voudrais honorer. De quoi ont-ils besoin ? Ou, s'ils n'ont besoin de rien, comment pourrais-je leur faire une surprise personnelle qui puisse les réjouir ? Comment rejoindre leur désir ? Comment les étonner ? Comment leur manifester mon affection ? L'amour ne peut pas se prouver, il peut quand même s'exprimer !

Ces questions là, il me plaît d'imaginer que Dieu se les pose aussi, pour nous, et que, même s'il se les pose depuis une éternité, il n'a toujours pas vraiment trouvé.

A leurs enfants, les parents peuvent donner de l'argent, pour les soutenir dans leurs projets et pour qu'ils en fassent eux-mêmes ce qu'ils désirent. Une partie de cet argent permet ainsi aux enfants de faire des cadeaux en réciprocité, et des surprises aussi à leurs parents. Car, plus que l'argent, le petit cadeau symbolique comme l'on dit, a plus de valeur que ce qu'il est. Il n'est pas seulement un objet isolé, il est signe, rappel, témoin, d'un souci et d'une affection. Tout au long de son histoire, Dieu n'a jamais cessé de faire ce genre de cadeaux à l'humanité.

Mais nous ne sommes toujours pas rassasiés... Et nous doutons toujours qu'Il existe vraiment pour nous, ou plutôt que nous existions vraiment pour Lui, ce qui revient au même, finalement. Qui suis-je pour toi ? Qui es-tu pour moi ?

Je vois donc trois degrés dans le don : je te donne des ressources pour vivre, de l'argent ou des biens... je te donne un objet particulier, un signe de mon amitié, une surprise, quelque chose que j'ai inventé dans ma tête, quelque chose de très personnel, qui devient pour toi le symbole de mon amour... enfin je ne te donne rien parce que je ce que je t'offre, cette fois, c'est « tout moi », vivant et surprenant tout le temps, ma parole, mon souffle, mon esprit, mon renouvellement permanent, ma vie, ma présence à tes côtés.

Dieu en est là. Il nous a tout donné : de quoi vivre et nous développer, des signes multipliés, et puis sa Parole, son Souffle... Il est ensuite parti, pour que ce soit vraiment à nous. Il s'est éclipsé et cette absence, c'est bien lui : cette surprise qu'il nous fait par son absence, c'est « tout lui » ! Il a disparu pensent certains. Il n'a jamais existé affirment d'autres. Il s'est effacé et nous sommes seuls, pensons-nous, pour un temps. Nous avons tout, et certains semblent s'en satisfaire. Nous avons tout et plus encore : nous avons aussi la promesse de son retour. Un retour que personne ne peut imaginer, ni prévoir. Auquel on peut se préparer. Qu'il faut éviter d'oublier. Il faut veiller.

***

Qu'est-ce qu'une promesse ? Un mot que l'on n'ose plus prononcer, c'est trop électoral ! Nous connaissons le travail et le repos : le travail comme projet et le repos comme consommation. Mais veiller, ce n'est ni travailler ni se reposer.

La promesse n'est pas un projet. Le projet tend à la maîtrise des personnes et des événements, pour parvenir à un but précis, circonscrit, limité. La promesse ne fabrique aucune idole, elle ne se donne pas son objet, elle l'attend, elle espère le recevoir. Elle ne peut s'auto-satisfaire car elle est justement l'acceptation d'une frustration que seul un autre peut combler ! Elle met en éveil une espèce de sixième sens, une capacité de regarder et d'écouter : une attention au surgissement de l'Imprévisible tant attendu.

L'homme de projet se construit lui-même, il fait des calculs et tend de toutes ses forces à réaliser ce qu'il a décidé. L'homme de la promesse, lui, veille : ouvert à ce qui n'est pas encore, il s'efforce d'accueillir le don mis devant lui. Si l'humaniste fait des projets, le chrétien est davantage un veilleur. Altéré par la promesse, une déchirure s'est faite en lui, celle de l'insaisissable promis. Avec souplesse et humilité, il développe une capacité d'attention qui lui permet d'accueillir ce qui advient, Celui qui vient, comme un don. C'est ainsi que Marie conçoit l'inconcevable, et nous le comprenons, cet insaisissable, lorsqu'il se livre entre nos mains. Heureux qui peut le reconnaître à temps (Mt 25 ; Lc 24, 31) !

***

Cette attention que suppose la veille s'oppose au sommeil. Elle est incompatible avec le travail quand il est aliénant, mais il est possible de cultiver cet art délicat d'être contemplatif au c½ur même de l'action.

Il s'agit d'être prêt, comme tous les parents quand ils attendent l'enfant, ou les malades le visiteur, les amoureux le rendez-vous. Veiller, c'est désirer : on peut y entraîner de nouveaux sens affectifs, les oreilles et les yeux du c½ur, pour capter les subtils messages qui nous parviennent à travers les mille et une poussières de la vie. Le don de Dieu est discret. Noël se vit dans le silence et dans la nuit, auprès des pauvres et loin des villes. Il est pudique, notre Dieu ! Il peut passer inaperçu si l'homme ne creuse, dans les profondeurs de son être, cette douce et silencieuse attente qui fait de lui un éveillé.

Comme des enfants, nous avons reçu des cadeaux, des cadeaux tout faits et des cadeaux à fabriquer, des trains, des ponts, des maisons, des instruments pour écouter de la musique ou pour en jouer. Mais au-delà des dons, n'oublions pas le donateur. Il y a quelque part le sourire de celui qui a donné ! Et ce sourire, un jour nous le verrons, comme le plus merveilleux cadeau, par-delà tous les cadeaux ! Tout ce qui est autour de nous, à portée de main, est signe, rappel, témoin que nous ne sommes pas orphelins.

Alors, nous veillons !

20e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Materne Pierre-Yves
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2005-2006

Avoir un petit creux, c'est avoir faim de quelque chose. Quand nous venons à l'église, nous avons un petit creux, une faim d'autre chose. Beaucoup disent qu'ils viennent chercher ici une nourriture spirituelle. La plupart d'entre nous, nous quittons cette église pour aller partager le repas en famille ou entre amis. Donc, nous arrivons avec notre faim d'autre chose, et nous repartons avec une faim précise. Même si en nous quittant, beaucoup auront encore faim, ce sera surtout une faim matérielle : un appétit qui attend le fromage ou les spaghetti. En fait, je pense que cela n'est pas tout à fait exact.

C'est vrai que c'est une faim ou une soif de recueillement, de méditation, d'écoute et de paroles qui nous motivent à mettre les pieds dans ce lieu. Nous avons envie d'entendre une parole qui nous interpelle, qui éclaire notre route, qui nous apporte un supplément de sagesse. Nous ne sommes pas fous, peut-être seulement un peu dur d'oreille, lent à croire, au prise avec les doutes et les questions. Si nous avons soif de réponses toutes faites, nous serons vite déçus. Nous n'aurons pas la démonstration scientifique de l'existence de Dieu, tout comme nous n'aurons aucun reportage sur l'au-delà. Nous avons soif de sens, faim d'une parole qui suscite en nous la confiance en la vie et le vouloir aimer. Nous sommes tous affamés d'espérance, de liberté et de relations harmonieuses. A cette faim aux multiples couleurs, pas de réponse clé sur porte mais du pain et du vin. Pas de démonstration mais un bouquet de paroles et de prières. Est-ce que cela nous fait vivre ? Si oui, nous repartons léger et revigorés. Si ce n'est pas le cas, et cela arrive, c'est que nous avions peut-être faim que de nous-mêmes. En effet, pour avoir un petit creux, il faut parfois prendre le temps de creuser. Le « tout, tout de suite » ne fonctionne pas souvent en matière de foi et de prière. Le menu, c'est plutôt une dose de patience et de persévérance.

Le petit creux, c'est avoir faim de l'autre. Si je suis conscient qu'un autre peut me nourrir, je vois que je suis relié à lui. Quand Jésus se présente à nous comme le Pain Vivant, c'est pour dire cela. Nous avons besoin de lui comme d'une nourriture pour vivre. Manger le pain, boire le vin, qui sont pour nous corps et sang du Christ, c'est vivre par lui. La communion exprime que nous ne sommes pas des êtres autosuffisants mais que nous existons grâce à autrui. Et nous continuons à exister dans l'éternité grâce à Dieu. Ce n'est pas facile de nous en remettre à un autre que nous-mêmes. C'est pourtant le chemin que propose la Bonne nouvelle annoncée par Jésus. Dans l'Evangile, s'ouvrir à Dieu s'accompagne d'une mission particulière : devenir pain de vie pour autrui. Autrement dit, la faim existentielle qui nous conduit à Dieu ne va pas être simplement rassasiée par la communion eucharistique. Au contraire, nous allons découvrir une faim supplémentaire : celle de communiquer aux autres le goût de Dieu. En quittant cette église, nous aurons peut-être faim de spaghettis mais nous aurons aussi faim de donner aux autres une joie de vivre, une confiance en la vie, une espérance malgré le découragement. C'est à cela que Jésus passait son temps : rendre confiance à une femme adultère, relever celui qui n'a plus le courage d'avancer, rendre une dignité à celui qui est considéré comme un voleur. Il ne comptabilisait pas les fautes de chacun mais il donnait le goût de Dieu en même temps que le goût de la vie. A l'approche de sa mort, il a voulu que cette mission continue à travers ces disciples : prendre du pain et du vin, se nourrir de la Vie même de Dieu, faire cela en mémoire de lui. Ensuite, partir sur les routes, et annoncer la Bonne nouvelle.

En quittant cette église, nous aurons encore faim. Le pain de la vie aura même renforcé la faim d'être disciple pour ceux que nous rencontrerons. Dans le respect et la douceur, nous pouvons leur offrir un don de Dieu.

Amen.

20e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2005-2006

La grande Révélation menée depuis la "multiplication des pains" se poursuit et atteint son sommet dans l' épisode lu ce jour. Il est construit selon la même structure que le précédent : Jésus se présente comme Pain vivant - réaction de refus des gens - explication.

JESUS OFFRE SA CHAIR

(Jésus reprend) Je suis le Pain de Vie qui est descendu du ciel :

si quelqu'un mange de ce Pain, il vivra éternellement.

Le Pain que je donnerai, c'est ma chair donnée pour que le monde vive.

Lorsque Jésus se proclamait "Pain" de Vie offert à celui qui croit en lui (évangile de dimanche passé), il utilisait une métaphore que les gens pouvaient comprendre : il y a en effet des paroles qui font vivre quand on les pratique. Au plus haut point celles de Dieu.

Ici, à nouveau, Jésus se proclame nourriture des hommes...mais dans un sens terriblement "réaliste". Il ne proclame pas seulement un message qui éclaire et vivifie mais IL SE LIVRERA de tout son être, dans sa"chair"- ce qui, en hébreu, désigne la personne humaine dans sa constitution de faiblesse. Comment est-ce possible ?...

Evidemment cela provoque tout de suite une très violente réaction.

UNE DECLARATION SCANDALEUSE

Les Juifs discutaient entre eux :

" Comment cet homme-là peut-il nous donner sa chair à manger ?".

On a adouci la traduction : Jean évoque un véritable combat : ce sont des cris de fureur, des clameurs violentes qui jaillissent à ce moment. Jamais on n'a proféré pareille aberration, jamais on n'a entendu prétention aussi épouvantable. C'est inacceptable ! Anthropophagie ? Barbarie ? Cannibalisme ?...

EXTRAORDINAIRE REVELATION DE L'EUCHARISTIE

Face à cette contestation virulente, on attend que Jésus édulcore son langage, explique qu'il emploie un langage "symbolique", une façon de parler... Pas du tout ! Au contraire, il va reprendre sa déclaration sous une forme solennelle en l'introduisant par le double "amen" qui prévient de l'importance de ce qui va suivre. Chaque phrase est essentielle et doit être méditée longuement : voici quelques lignes pour y introduire.

Amen, amen, je vous le dis : si vous ne mangez pas la chair du Fils de l'homme et si vous ne buvez pas son sang, vous n'aurez pas la Vie en vous.

Quoi que disent certains qui entendent réduire la foi chrétienne à un moralisme et à "de bonnes actions", Jésus est formel : le don total qu'il fera de lui-même doit être non raconté, admiré, adoré, imité... mais "assimilé". Ce qu'on appellera "eucharistie" est, pour Jésus, nécessaire, indispensable aux disciples.

" Si vous..." : vous n'êtes pas obligés mais vous voilà prévenus !

Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la Vie éternelle ;

et moi je le ressusciterai au dernier jour.

Chair et sang sont séparés : il y aura donc mort violente. Mais la Passion (subie) sera ACTION, don suprême et total, que les croyants sont invités à accepter, "à prendre en eux". Cet accueil de Jésus les comble ( au présent !) de la Vie divine et les assurera (au futur)de la résurrection de leur corps. La Puissance de Dieu qui ressuscitera Jésus agira en eux à leur tour puisqu'ils seront "en lui".

En effet, ma chair est la vraie nourriture

et mon sang est la vraie boisson.

Notre besoin d'alimentation est signe d'un désir plus essentiel : la lutte contre la mort, l'aspiration à la Vraie Vie. Et celle-ci ne peut s'évaporer dans un monde idéal, des pensées pieuses, des sensations sacrées. Le désir de Dieu passe par le corps. Nous ne péchons pas parce que nous avons des désirs mais parce que nous rétrécissons ceux-ci à des besoins matériels. Qui reste dans l'en-deça y meurt.

Celui qui mange ma chair et boit mon sang

demeure en moi et moi, je demeure en lui.

Lorsque nous nous nourrissons, nous assimilons des éléments qui deviennent nôtres. Au contraire, en communiant au corps et au sang du Christ, c'est Lui qui nous fait entrer en Lui. Il nous assume, nous agglomère dans l'Eglise qui est "son corps communautaire".

Mais dans le même mouvement, Il vient en nous, nous devenons christophores, tabernacles. L'amour n'est-il pas la réalisation de l'inhabitation réciproque...quand l'un n'est plus étranger à l'autre, quand la Présence est "réelle" parce qu'elle est celle des deux l'un à l'autre ?

De même que le Père, qui est vivant, m'a envoyé et que moi, je vis par le Père, de même aussi celui qui me mangera vivra par moi.

L'Eucharistie n'est pas arrêt sur extase, évasion dans la piété individuelle, oubli du monde. L'amour du Père qui a envoyé Jésus parmi les hommes jusqu'à lui faire partager l'horreur de leur mort se prolonge en ceux et celles qui accueillent en eux cet Amour devenu Passion et Croix. Communier au Christ, c'est cesser de vivre pour soi : c'est se laisser animer par le désir de salut de toute l'humanité et décider d'en réaliser toutes les exigences. L'Eucharistie n'est pas consolation, récompense, exaltation...mais envoi, mission, ambassade.

Tel est le Pain qui descend du ciel : il n'est pas comme celui que vos pères ont mangé : eux ils sont morts.

Celui qui mange de ce Pain vivra éternellement.

En conclusion Jésus répète ce qu'il avait dit au début de l'entretien : la manne n'a pas pu empêcher les ancêtres de mourir dans le désert. Tandis que le Corps et le Sang de Jésus accueillis dans la foi vivifient et font entrer dans le Royaume du Père.

Ces phrases stupéfiantes vont susciter la rupture chez les disciples : on le verra la semaine prochaine.

Saint Jean ne racontera pas l'institution de l'Eucharistie à la dernière Cène : c'est ici qu'il expose en quelques lignes inépuisables le trésor et la merveille de l'Amour qui "se laisse manger".

Quelle tristesse de voir tant de baptisés, surtout dans les nouvelles générations, être tellement repus qu'ils n'ont plus faim de leur Dieu !...

Mais voient-ils, ces jeunes, des "pratiquants" avides de manger le Pain de la Parole , convertis par l'Evangile, heureux de communier et manifestant qu'ils sont, sans mérites, par pure grâce, le Corps du Christ donné pour le salut du monde ?...

21e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2005-2006

Au printemps passé, un petit couple de crécerelles avait établi sa demeure sur le coin supérieur d'une corniche d'une veille maison. Ils étaient heureux dans leur petit nid et décidèrent rapidement de créer leur petite famille. Quelques semaines plus tard, du trottoir d'en face, il était possible de voir quatre petites crécerelles qui gazouillaient ensemble dans leur nid, attendant que leur maman revienne leur apporter quelque nourriture trouvée dans la nature des environs. Ces petits oiseaux étaient bien entre eux, profitant au maximum du confort de leur nid. Et puis voilà qu'un jour, leurs parents décidèrent qu'il était temps pour eux de quitter le nid douillet, de prendre leur vie en main ; en fait, tout simplement, de voler de leurs propres ailes. Ce qui fut décidé, fut aussitôt accompli. Les petits oiseaux avaient peur de prendre leur envol. Leurs parents les ont alors poussé hors du nid alors qu'ils se posaient sans doute les questions suivantes : vais-je y arriver ? est-il facile de voler ? est-ce que je ne risque pas de tomber tout simplement ? Les lois de la pesanteur existent-elles vraiment ? Je doute que leurs questions aillent aussi loin mais je peux comprendre leur peur, leur inquiétude face à cet inconnu de la vie. En effet, depuis l'instant de notre conception, notre vie n'est pas une sorte d'odyssée de laquelle nous pouvons un jour revenir, elle est plutôt un exode, c'est-à-dire nous partons constamment à l'aventure sans trop bien savoir de quoi demain sera fait.

A l'image de ces petits oiseaux quittant leur nid douillet et confortable, nous sommes nous aussi poussés par l'Esprit à aller vers cet ailleurs dont nous ne connaissons pas tous les contours. Nous en percevons certains, en craignons d'autres. En fait, l'Esprit de Dieu d'une certaine manière nous déménage et nous conduit parfois là où ne nous y attendions pas. Pour être honnête, je trouve que ce n'est pas toujours confortable ; comme si Dieu n'aimait pas notre confort intérieur qui risque de nous endormir à la beauté de la vie. Dieu nous veut en marche même si nous sommes couchés, atteints par la maladie ou par d'autres maux de l'existence. Il attend que nous marchions dans notre tête et dans notre c½ur. Nous n'avons pas besoin de courir en nous, d'être pris dans l'empressement. Non, Dieu semble prendre plaisir à bousculer nos idées préconçues, à nous montrer que sa logique n'est pas la nôtre. Il est alors normal que certains de ses disciples décident de le quitter, de retourner dans un petit nid de certitudes et de sécurité mais là où le souffle de vie est tombé depuis bien longtemps. Jésus le Christ nous convoque ailleurs, toujours ailleurs, c'est-à-dire dans l'inconfort, dans l'incertain, dans l'imprévu, ou encore dans l'infini du Père. Nous aurions pu nous attendre à un Dieu tout puissant qui résoudrait tous nos maux et tous nos problèmes, en quelque sorte un Dieu magicien. Or l'Ancien Testament nous fait découvrir qu'il s'est révélé dans une brise légère, l'événement de l'Incarnation nous rappelle que Dieu s'est révélé dans la fragilité d'un nouveau-né. L'Esprit de Dieu souffle encore et toujours mais là où nous ne l'attendons pas. Il nous fait sortir de nous même pour partir à la rencontre de celles et ceux en qui il se révèle plus encore. Les premiers disciples se sont divisés, séparés car certains n'étaient plus prêts à entendre les paroles du Fils. Il y a donc bien eu une brisure, une fêlure au sein de la première communauté chrétienne. Et pourtant, c'est au c½ur même de cette fêlure que Pierre s'autorisera à chanter sa foi : « Tu as les paroles de la vie éternelle. Quant à nous, nous croyons, et nous savons que tu es le Saint, le Saint de Dieu ». S'il en est ainsi, ne craignons pas toutes ces fêlures, ces lézardes qui nous constituent. Comme le disait un des fils de Georgette qui nous a introduit à cette célébration : « bienheureux les gens fêlés, ils laissent passer la lumière ». Assis, couchés ou debout, nous sommes toutes et tous des êtres en marche dans notre c½ur et dans notre tête lorsque nous acceptons ces fêlures, ces lézardes intérieures. Elles sont là, présentes en nous. Elles nous constituent. Mieux encore, elles laissent passer la lumière mais pas n'importe laquelle. Cette fois, il s'agit de la lumière du Père, du souffle de l'Esprit. La lumière divine passe par chacune et chacun de nous dans cette expérience du lâcher prise, de cette confiance offerte. Offrons-nous les uns les autres nos brisures intérieures pour que notre assemblée soit, par nous, pleinement illuminée de cette éclaircie trouvant sa source en Dieu.

21e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2005-2006

Jn 6,59-71

Nous terminons aujourd'hui la lecture du long chapitre 6 de saint Jean qui s'est étendue sur cinq dimanches - cas unique dans l'année mais nécessaire vu l'importance du sujet. L'enchaînement avec l'épisode précédent s'effectue par le bref rappel de la stupéfiante révélation que Jésus vient de lancer :   Jésus avait dit dans la synagogue de Capharnaüm : " Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle".   Quel choc ! Comment admettre pareille affirmation ? L'auditoire, ahuri, exprime pour la troisième fois une réaction de refus brutal et ce rejet, à présent, vire à la colère sinon à la furie :   Beaucoup de ses disciples qui avaient entendu, s'écrièrent : " Ce qu'il dit est intolérable ! On ne peut pas continuer à l'écouter".   Or, à nouveau Jésus refuse de faire la moindre concession, d'édulcorer son message, de fournir des explications plus plausibles : tout au contraire il dénonce l'incroyance de son auditoire :   Jésus connaissait par lui-même ces récriminations des disciples. Il leur dit : "Cela vous heurte ? Et quand vous verrez le Fils de l'Homme monter là où il était auparavant ?... C'est l'Esprit qui fait vivre ; la chair n'est capable de rien. Les paroles que je vous ai dites sont Esprit et elles sont Vie... Mais il y en a parmi vous qui ne croient pas !".   Jésus savait en effet depuis le commencement qui étaient ceux qui ne croyaient pas, et même celui qui le livrerait. Il ajouta : " Voilà pourquoi je vous ai dit que personne ne peut venir à moi si cela ne lui est pas donné par mon Père ! . A partir de ce moment, beaucoup de ses disciples s'en allèrent et cessèrent de marcher avec lui.   Si l'Eucharistie est annonce stupéfiante, pierre d'achoppement, scandale pour la raison, la Résurrection de Jésus le sera bien plus encore ! Car il y a un lien entre le don du corps de Jésus aux siens et l'accueil de ce Corps dans la Vie du Père. Parce que la Croix sera don d'amour total de Jésus pour les disciples - don manifesté, prouvé et perpétué par leur partage du Pain de Vie -, ce corps sera "élevé", accueilli un jour dans la Gloire de son Père. C'est donc que "la chair" donnée à manger avait comme but de faire communier les disciples à l'Esprit, de leur communiquer l'ESPRIT ET LA VIE !   Comme il le fait souvent, saint Jean tient à souligner que Jésus n'est pas le jouet des événements : il est conscient de ce qu'il est en train de vivre car "il sait ce qu'il y a dans l'homme" ( Jean 2, 25). Si les hommes ne veulent pas se laisser attirer par la Lumière du Père en eux, ils n'accepteront pas ses discours, si beaux soient-ils.   Ce jour-là, la plupart de ceux qui s'étaient mis à suivre Jésus parce qu'ils étaient séduits par ses prédications et enthousiasmés par ses guérisons, se détournèrent d'un maître qui tenaient des propos qui leur paraissaient hors de sens.   Et Jésus regarde s'éloigner tous ses disciples qui l'accompagnaient depuis un certain temps et - chose admirable ! - il ne fait rien pour les retenir. Car il ne veut pas des automates aveugles, des supporters ivres de succès, des fans manipulés par une idole - mais des c½urs qui acquiescent librement à sa parole. La foi n'est jamais un carcan.   Aujourd'hui encore on se détourne de l'Eucharistie : on dit oui à une religion des droits de l'homme, mais non au partage du Pain de Vie.   Un à un ou par groupes, tous les disciples s'en vont. Cependant quelques-uns demeurent : ils sont DOUZE !   Alors Jésus dit aux Douze : " Voulez-vous partir, vous aussi ?" Simon-Pierre lui répondit : " Seigneur, vers qui pourrions-nous aller ? Tu as les paroles de la Vie éternelle. Quant à nous, nous croyons et nous savons que tu es le Saint, le Saint de Dieu".   Même eux, les Douze apôtres, Jésus ne veut pas se les attacher par ruse ou par autoritarisme : s'ils le désirent, eux aussi peuvent repartir... Mais en leur nom - et nous nous y reconnaissons si bien !-, Pierre exprime leur lien à Jésus. Non qu'ils aient tout compris de ses déclarations. Mais des instructions qu'ils ont pu entendre de lui, quelque chose est resté ; ils ont fait l'expérience que l'écoute des Paroles de Jésus communiquait la lumière et la paix. Davantage : cette écoute les faisait entrer dans une relation vive avec Celui qui leur parlait comme personne jamais ne leur avait parlé. Ils n'ont pas appris par c½ur les leçons d'un maître, ils n'ont pas compris toute la portée de ses enseignements mais entre lui et eux, la confiance est née. Oui Jésus est le "consacré" de Dieu, l'unique. Point n'est besoin de tout saisir : il suffit de rester avec lui.   Et d'ailleurs ceux qui l'abandonnent, à qui se donnent-ils ? A quel maître, quel sage, quel gourou, quel leader ? Personne ne peut remplacer Jésus. L'Evangile est insurpassable. Le ciel qu'il ouvre est immense de clarté, même s'il y flotte des nuages noirs.   Curieusement la liturgie omet les derniers versets de l'échange :   Jésus leur répondit : " N'est-ce pas moi qui vous ai choisis, vous les Douze ?...et cependant l'un de vous est un diable". Il désignait ainsi Judas, fils de Simon l'Iscariote : car c'était lui qui allait le livrer, lui, l'un des Douze !..."   Il n'y a pas un partage net, un mur, entre "les autres" et les croyants, entre les "mauvais" et l'Eglise : au sein de celle-ci rôde toujours la puissance du reniement. La foi n'emprisonne jamais le c½ur dans l'amour.

Au terme il nous faut relire ce chapitre d'une traite pour en saisir la cohérence, la beauté, la profondeur. Au commencement, Jésus appelle au partage du pain : personne ne doit avoir faim. L'option pour les pauvres est prioritaire. Mais de quoi l'homme a-t-il faim ? Jésus refuse de réitérer le don gratuit : il n'institue pas "un service social". Patiemment il essaie d'ouvrir les gens à une quête plus essentielle : celle de la Vérité et de Dieu. Dans ce but, il se présente, lui-même, comme le Révélateur dont les Paroles "se dévorent" , comme un Pain, dans la FOI. .Mais il faut encore aller plus loin et dépasser le stade d'un enseignement que l'on apprend. Il faut "manger", "dévorer", assimiler, intérioriser non un texte, non une prédication mais CELUI-LA, le seul, l'Unique, Celui qui donne sa chair et son sang sur la Croix afin que cet amour crucifié devienne le PAIN DE VIE et donne l'Esprit et la Vie aux pauvres qui n'ont d'autre bonheur que de rester avec Lui. Cette semaine méditons à nouveau ce parcours : sortir ses provisions pour partager avec les pauvres - écouter une Parole qui nourrit la faim de Vérité - manger le Pain qui est Corps de Jésus pour que nous soyons son Corps. - assister à des lâchages et des reniements - être une Eglise dont "le judas" permet au salut de se communiquer partout.