22e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2005-2006

Après la série de dimanches consacrés au chapitre 6 de saint Jean, la liturgie revient aujourd'hui à l'évangéliste de l'année, saint Marc, avec une grande scène de controverse entre Jésus et les Pharisiens.  

Au préalable, il faudrait sans doute réhabiliter ceux-ci qui (à cause des évangiles d'ailleurs) ont très mauvaise réputation au point que leur nom est devenu synonyme d'hypocrite, de faux dévot. Or le projet de ces laïcs pieux et zélés était très honorable puisqu'ils voulaient sauver la foi d'Israël menacée par la civilisation hellénistique. Eblouis par les prestiges de la culture grecque, avec ses grandes écoles de philosophie, ses théâtres, ses gymnases, ses merveilles artistiques, de nombreux Juifs abandonnaient la foi et les pratiques de leurs ancêtres. Aussi les Pharisiens luttaient-ils avec vigueur pour arrêter ce processus d'"assimilation" (et beaucoup l'avaient payé de leur vie, préférant le martyre à l'abjuration). Non seulement ils s'appliquaient à connaître toutes les lois de la Torah et à pratiquer minutieusement toutes les observances (circoncision, sabbat, régime alimentaire, ablutions, prières, ...) mais ils en rajoutaient sans cesse afin d'être sûrs d'éviter toute contagion. Refusant tout contact avec les païens, ils se distinguaient des autres -d'où leur nom "pharisien" (du verbe parash = séparer) . Ils se voulaient "les purs" pour la Gloire de Dieu. Ce qui peut être dangereux.

  Les pharisiens et quelques scribes venus de Jérusalem se réunissent autour de Jésus : " Pourquoi tes disciples ne suivent-ils pas la tradition des anciens ? Ils prennent leur repas sans s'être lavé les mains ?"   Et saint Marc d'expliquer longuement que les pharisiens multiplient les ablutions : on lave et relave les aliments achetés au marché ainsi que la vaisselle -au cas où ces objets auraient été touchés par des mains païennes- et on se lave rituellement les mains. Pourquoi donc Jésus ne fait-il pas observer ces pratiques à ses disciples ?

  Jésus leur répondit : " Isaïe a fait une bonne prophétie sur vous, hypocrites, dans ce passage de l'Ecriture : "Ce peuple m'honore des lèvres mais son c½ur est loin de moi. Il est inutile, le culte qu'ils me rendent : les doctrines qu'ils enseignent ne sont que des préceptes humains. Vous laissez de côté le commandement de Dieu pour vous attacher à la tradition des hommes"

  Les prophètes s'étaient fréquemment élevés non contre le culte en soi mais contre des pratiques religieuses superficielles, des liturgies formalistes c'est-à-dire conformes au rituel mais sans engager le don du c½ur, c'est-à-dire de la personne. Or prière et culte n'ont de valeur que s'ils provoquent la conversion : à quoi bon processions, cantiques et jeûnes si les "pratiquants" pieux ne veulent pas "pratiquer" leur foi dans la vie ? Jésus dénonce cette hypocrisie en s'appuyant sur un fait qu'il a sans doute observé (et qui, hélas, est omis par la liturgie) :

  " Moïse a dit : "Honore ton père et ta mère"...mais vous, vous dites : " Si quelqu'un dit à son père ou à sa mère : " Le secours que tu devais recevoir de moi est "corban" (= offrande sacrée)", vous lui permettez de ne plus rien faire pour son père ou sa mère !!! Vous annulez ainsi la Parole de Dieu par la tradition que vous transmettez ! ...Et vous faites beaucoup de choses du même genre".

  En ce temps, pas de pension de vieillesse : ce sont les enfants qui doivent entretenir leurs vieux parents. Or les casuistes pharisiens avaient trouvé le moyen d'esquiver cette charge : il suffisait de dire à ses parents : "J'ai voué mes biens pour le trésor du temple donc je ne puis vous aider" !!!... Colère de Jésus : ainsi on effectue des ablutions, on est fier d'observer un rituel compliqué...et on bafoue un commandement essentiel de Dieu. On manque d'amour au nom de la piété ?! On protège son argent en se camouflant derrière des apparences pieuses ! On promet à Dieu ce qu'on vole aux pauvres. Honte ! Goujaterie ! Blasphème !

  Là-dessus Jésus convoque la foule pour un enseignement plus fondamental :

Ecoutez-moi et comprenez : Il n'y a rien d'extérieur à l'homme qui puisse le rendre impur, mais ce qui sort de l'homme, voilà ce qui le rend impur".  

De retour à la maison, ses disciples, intrigués, le prient de leur expliquer cette dernière déclaration.

  Jésus leur répond : Vous aussi, vous êtes sans intelligence ? Rien de ce qui pénètre de l'extérieur dans l'homme ne peut le rendre impur puisque cela pénètre dans son ventre puis est éliminé dans la fosse".

  A quoi Marc ajoute une conclusion fondamentale :

  Il déclarait ainsi que tous les aliments sont purs !!!

  Le système de la "casherout"(notamment l'interdit du porc) strictement appliqué par les pharisiens préservait leur identité juive...mais les séparait absolument des autres. D'où l'énorme problème des premières communautés chrétiennes : comment mettre ensemble, à la même table, des chrétiens d'origines diverses : juive ou païenne ? Sans craindre de contredire les antiques interdits de la Torah sur les aliments purs ou impurs (cf. Lévitique 11), Jésus abolit les tabous alimentaires : il n'y a plus de nourriture interdite donc nous pouvons manger (et communier) ensemble..... Progrès révolutionnaire ! Quelle libération ! Ensuite Jésus explique ce qu'il vient de dire :

  Ce qui sort de l'homme, c'est cela qui rend l'homme impur. Car c'est de l'intérieur, c'est du c½ur des hommes que sortent les intentions mauvaises, inconduites, vols, meurtres, adultères, cupidités, perversités, ruse, débauche, envie, injures, vanité, déraison... Tout ce mal sort de l'intérieur et rend l'homme impur.

  La seule et véritable souillure réside à l'intérieur, dans le c½ur humain, lorsqu'il entretient de la méchanceté à l'égard d'autrui, rumine de mauvais desseins, fomente rancune et jalousie, crache colère et haine. Et ce mal, le péché, aucune ablution ne peut l'enlever !   Il était vraiment trop facile pour les chrétiens d'accuser ces "maudits pharisiens" hypocrites et ennemis de Jésus. Le pharisaïsme est un péché qui guette toute religion. Sous le couvert de la piété et de toutes sortes de pratiques, on dissimule la dureté d'un c½ur qui ne veut pas se convertir à l'amour. La perversité est là : on est capable de se croire bon croyant, bon pratiquant... tout en manquant aux devoirs élémentaires de la justice vis-à-vis de ses proches. On invente des tabous, des prescriptions afin de s'estimer "autre" que les autres. La vraie souillure, c'est le péché, le mal que l'on cause au prochain. Mais alors qui nous lavera ?...sinon "le Pain de Vie", cette nourriture qui porte le don du Corps et du Sang du Christ afin qu'il n'y ait plus de culte mensonger, ni de séparation entre les croyants et qu'ils ne se glorifient plus de leurs pratiques. Chantons notre reconnaissance envers le Sauveur qui nous a libérés des tabous et nous offre la véritable pureté du c½ur : par sa miséricorde.

24e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2005-2006

Depuis combien de temps Jésus accomplit-il sa mission : quelques mois, un an ? Marc ne donne aucun repère chronologique. Mais nous voici arrivés au moment clef, au tournant décisif, au milieu de l'évangile. Car Jésus se trouve devant une situation bloquée.

Depuis son baptême, il ne cesse de proclamer son message essentiel : "Le temps est accompli, le Royaume de Dieu s'approche : convertissez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle" (Mc 1, 15). Les gens l'écoutent, admirent ses miracles...mais ne demandent qu'une chose : une bonne santé, du pain gratuit et l'arrivée d'un messie qui foudroiera les ennemis. Les Pharisiens, eux, sont scandalisés par les audaces de ce villageois inconnu qui ose offrir le pardon des péchés, fréquente des pécheurs, et en prend à son aise avec le sabbat et les observances. Quant aux disciples, ils restent sans intelligence profonde et partagent les idées des foules.

Et puis il y a eu récemment la découverte, par Jésus, des populations païennes : ces gens aussi sont à sauver ! Alors Jésus décide une nouvelle excursion vers le nord :

Jésus s'en alla avec ses disciples vers les villages situés dans la région de Césarée-de-Philippe.

Au pied de la montagne de l'Hermon, près des sources du Jourdain, la région est très belle, la végétation abondante. Le Tétrarque Hérode Philippe y a entrepris la construction d'une ville dédiée à César, l'empereur Tibère. Beauté de la civilisation romaine, luxe...mais comment Jésus oublierait-il le souvenir de son baptême dans le Jourdain et de l'assassinat de Jean-Baptiste ?...

Chemin faisant, Jésus interroge ses disciples : Pour les gens, qui suis-je ?

Ils répondent : Jean-Baptiste...ou Elie...ou un des Prophètes.

Depuis le début, la question rebondit tout le temps : mais qui donc est ce Jésus ? Prédicateur itinérant, guérisseur, il doit être un envoyé de Dieu comme Isaïe ou Jérémie jadis. Mais on ne peut pas se contenter de colporter des rumeurs, de répéter des opinions qui circulent. Jésus accule les siens à exprimer leur conviction personnelle :

-  Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ?

-  Pierre prend la parole : " Tu es le MESSIE".

Il leur défendit alors vivement de parler de lui à personne.

C'est la toute première profession de foi des disciples, dont Pierre se fait le porte-parole :. Non, Jésus n'est pas qu'un thérapeute, un prophète, un sage : Il est le MESSIE - en grec : le CHRIST - le Roi promis par les Ecritures, OINT par Dieu pour inaugurer son Royaume de justice et de paix. Mais, une fois de plus, consigne est donnée de ne pas le proclamer car, sous l'occupation ennemie, les foules guettent la venue d'un messie-roi guerrier qui luttera pour recouvrer l'indépendance nationale.

C'est alors que soudain éclate la nouvelle stupéfiante, la révélation à laquelle personne ne pouvait s'attendre !

Et pour la 1ère fois, il leur enseigna qu'il fallait que le Fils de l'Homme souffre beaucoup, qu'il soit rejeté par les Anciens, les Chefs des prêtres et les Scribes, qu'il soit tué et que, trois jours après, il ressuscite. Jésus disait cela ouvertement.

La foudre aux pieds des apôtres ferait moins d'effet ! Jamais on ne leur avait appris que le Messie pourrait avoir telle destinée. Jésus commence un enseignement tout neuf et il y restera fidèle, en acte, jusqu'au bout. C'est précisément cette fidélité totale au Dessein de son Père qui va faire juger aux Autorités de Jérusalem qu'il blasphème et qu'il faut l'exécuter.

IL FAUT : Dieu n'exige pas le sacrifice expiatoire de son Fils, il n'y a pas une machinerie fatale en route. Il lui faut être vrai, réaliser une mission sans compromission, dénoncer le mal même au c½ur de l'institution religieuse, s'acharner à abattre un système mensonger, révéler le véritable visage de Dieu. Il s'ensuit que certains n'accepteront jamais et seront capables du pire, du meurtre !

Mais la Vérité triomphera : Jésus ne marche pas à l'anéantissement. Il ne doute pas que son Père lui rendra la Vie que les hommes lui enlèveront. C'est l'espérance qui l'entraîne.

Ce message évidemment est incompréhensible, intolérable !

Pierre prend Jésus à part et se met à lui faire de vifs reproches.

Mais Jésus se retourne et voyant ses disciples, il interpelle vivement Pierre : " Passe derrière moi, satan ! Tes pensées ne sont pas celles de Dieu mais celles des hommes ! "

C'était si agréable d'accompagner Jésus dans ses grandes tournées : les acclamations populaires rejaillissaient sur ses disciples si fiers de marcher à sa suite ! Et puis Pierre aime Jésus, il ne veut pas qu'on le tue. Jamais ça ne t'arrivera ! ...

Ah ! que l'Eglise a de la peine à se convertir à "ce nouveau message". Déployer les fastes du culte, accroître le nombre d' adeptes, guider le monde, faire du bien, multiplier les constructions, s'attirer la bienveillance du Pouvoir politique, présenter un Dieu puissant... : les successeurs de Pierre rêveront toujours d'un Vatican éblouissant.

Impitoyable, Jésus rembarre "son pape" : vouloir un christianisme sans croix, c'est diabolique ! Ce n'est pas à toi, Pierre, de guider l'Eglise, mais au seul Seigneur. Il va à la véritable gloire, celle de Dieu son Père, mais par le seul chemin possible : la faiblesse, l'échec et la mort.

Et ce chemin n'est pas que le sien, il n'est même pas réservé aux apôtres : il s'adresse à tout être humain :

Appelant la foule avec ses disciples, Jésus dit : " Si quelqu'un veut marcher derrière moi, qu'il renonce à lui-même, qu'il prenne sa croix et qu'il me suive. Car celui qui veut sauver sa vie la perdra ; mais celui qui perdra sa vie pour moi et pour l'Evangile, la sauvera".

SI... : Jésus a compris et il est décidé à assumer sa vocation jusqu'au bout. Il sait qu'il n'y a pas d'autre chemin pour l'homme et il la propose à tous. SI...car on ne peut croire que dans la liberté.

" Prendre sa croix" : Marc écrit bien des années plus tard, il connaît les événements arrivés à Jérusalem. Depuis lors l'expression est passée dans le langage chrétien : il ne s'agit pas de s'infliger des souffrances, d'inventer des tortures mais de subir les attaques et les condamnations de ceux qui refusent le message de Jésus...même si ces gens s'affichent "religieux".

Renoncer à soi : non qu'il faille se mésestimer, se mépriser mais il est requis de renoncer à ses conceptions "naturelles" (comme Pierre) pour adopter celles du vrai Messie. En dépit des apparences, de tout ce qui nous accroche à la vie présente, Jésus nous assure que vouloir réussir son existence à tout prix, ici-bas, selon les conceptions "mondaines", c'est se vouer à la perte. Au contraire décider d'obéir à l'Evangile et aimer jusqu'à la croix, c'est VIVRE.

Et vous vous étonnez que dans nos CESAREE modernes, croulant sous le luxe,

on se détourne de ce message insupportable ?...

25e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2005-2006

Près de Césarée-de-Philippe, la nouvelle ville païenne, Jésus a pris l'option radicale et nécessaire : il va affronter ses ennemis qui veulent sa mort. Le grand voyage vers Jérusalem, du nord au sud, est commencé : il se poursuivra jusqu'à la fin de l'évangile. Huit jours après l'annonce de la Passion, sur une montagne, son Père confirme Jésus dans sa décision et lui offre le gage de sa Gloire future (scène de la Transfiguration- omise dans la liturgie de cette année). Le récit continue :

2ème ANNONCE DE LA PASSION

Jésus traversait la Galilée avec ses disciples et il ne voulait pas qu'on le sache. Car il les instruisait en disant : " Le Fils de l'homme est livré aux mains des hommes : ils le tueront et trois jours après sa mort, il ressuscitera". Mais les disciples ne comprenaient pas ces paroles et ils avaient peur de l'interroger.

Fini le temps des tournées populaires à travers la Galilée et des enthousiasmes ambigus à propos des guérisons. Jésus tient à passer incognito sans plus être retenu par des foules qui ne voient en lui qu'un bienfaiteur qui distribue des avantages immédiats. Et puis le temps presse. Désormais Il se consacre à son "enseignement nouveau" et inouï : la Passion nécessaire pour lui...et ceux qui le suivent !

Jésus n'a eu nul besoin d' une révélation spéciale. Rappelons-nous que très vite, des gens choqués par son comportement avaient alerté Jérusalem qui avait délégué quelques théologiens. Tout de suite ces spécialistes avaient diagnostiqué que ce curieux charpentier était "possédé de Belzébuth" (3, 22) et ils avaient été scandalisés par son mépris des traditions (7, 1). Donc les Autorités religieuses suprêmes de la capitale ont dû être prévenues : "le cas Jésus" est extrêmement grave, on ne se contentera pas d'en sourire.

Les annonces de la Passion qui scandent tout l'itinéraire laissent les disciples désemparés. Après que Pierre ait confessé Jésus comme le Messie, ils ne parviennent pas à saisir la nécessité de sa mort. Et même, dans la peur de trop bien comprendre, ils se gardent de demander des éclaircissements et ils craignent d'interroger le Maître.

Allons-nous leur en vouloir, nous qui les imitons en désirant une foi paisible, une religion-cocon, une Eglise imposante, et qui fermons l'oreille quand des Saints nous répètent sans cesse qu' "il faut" donner sa vie pour aimer jusqu'au bout ?

ENSEIGNEMENT PRIVÉ AUX DISCIPLES

Ils arrivèrent à Capharnaüm et, une fois à la maison, il leur demandait :

" De quoi discutiez-vous en chemin ?".....Ils se taisaient car, sur la route, ils avaient discuté entre eux pour savoir qui était le plus grand.

On repasse dans la ville au bord du lac, à la maison qui avait été naguère le centre de rayonnement missionnaire à travers la Galilée. Maintenant elle sert à la formation privée des douze.

En route, selon la coutume des rabbins, Jésus marchait seul en tête, suivi à quelque distance par le groupe de disciples. Ce jour-là, le vent lui a apporté des bribes d'échanges plutôt animés qui éclataient derrière lui. Avec un petit sourire peut-être, Jésus leur demande de quoi ils discutaient. Gênés, ils gardent le silence. Mais Jésus a bien entendu : ils se chamaillaient sur l'ordre des préséances !!!

Depuis qu'il a constitué ce groupe spécial de 12 hommes et qu'il a mis à leur tête ce pauvre pêcheur de Simon qu'il a nommé "Roc, Pierre", cette décision ne semble pas bien acceptée. En effet, parmi eux, il y a sans doute des hommes d'origine sociale plus élevée, ou qui ont fait des études et qui s'estiment plus aptes à commander que ce frustre ! Et d'ailleurs on se dirige vers Jérusalem où, bien évidemment, Jésus ne va pas mourir, comme il l'a dit, mais instaurer le Royaume. Alors qui sera le meilleur pour collaborer avec lui, pour assumer les responsabilités du pouvoir ? Comment se fera le partage "des porte-feuilles" ?...

Les évangiles relèvent toujours deux grands défauts des apôtres : ils ne comprennent pas la portée des enseignements de leur Maître et ils se jalousent. Les deux sont liés bien entendu...et persistent encore !!


Que se chuchote-t-il encore entre les monsignori du Vatican et dans les couloirs des évêchés ???...

 

S'étant assis, Jésus appela les Douze et leur dit : " Si quelqu'un veut être le premier, qu'il soit le dernier de tous et le serviteur de tous".

Le maître s'assied : signe qu'il va dispenser un enseignement très important. Mes amis, vous avez de l'ambition ? Vous cultivez de grands désirs ? Très bien car il est besoin d'avoir des responsables, des guides, des dirigeants. Mais dans ce cas, veuillez agir en sens contraire du monde. Pas le trône mais le tablier. Pas la couronne mais le balai. Pas l'autoritarisme mais le service. Pas l'enrichissement mais la pauvreté. Et pour servir non seulement vos amis ou quelques privilégiés du système mais tous, sans nulle discrimination.

Prenant alors un enfant, il le plaça au milieu d'eux, l'embrassa et leur dit : " Celui qui accueille en mon Nom un enfant comme celui-ci, c'est moi qu'il accueille. Et celui qui m'accueille, ne m'accueille pas moi, mais Celui qui m'a envoyé".

Le geste de Jésus nous semble normal, nous qui vivons au temps de "l'enfant-roi", adulé, mis au pinacle. Mais dans l'Antiquité, si on aime les petits, il faut qu'ils restent à leur place, la dernière. Ils sont ignorants et dépendants en tout, ils n'ont pas droit à la parole, ils sont exclus du monde des adultes. Avec leurs ambitions rentrées, "les grands" que sont les apôtres ont dû trouver la leçon saumâtre.

En embrassant ce petit et en le plaçant "au milieu" du groupe, Jésus s'identifie à lui - parabole en acte pour faire comprendre comment le Seigneur est bien "au milieu" des siens, non comme un Maître tout-puissant et majestueux mais au contraire comme "un petit".

C'est la faiblesse et non la puissance qui doit réguler les rapports entre les disciples. Accueillir au nom de Jésus, cela veut dire "dans la foi" - telle qu'elle ressort désormais de "l'enseignement nouveau" de Jésus : il faut renoncer à soi-même, porter sa croix et le suivre ..."Car celui qui perd sa vie pour l'Evangile la sauve"(cf. l'évangile de dimanche passé).

Reconnaître dans le croyant la faiblesse, la petitesse de Jésus, c'est voir Jésus dans le frère ou la s½ur qui a renoncé à l'ivresse des ambitions et au combat des rivalités.

Et celui qui accueille Jésus tel qu'il se révèle comme serviteur, il perd ses rêveries idolâtriques d'un royaume conçu sur le modèle des tyrannies de ce monde pour entrer dans le véritable royaume du "Père de Jésus" : là il n'est plus permis de se disputer en vue d'acquérir les places du premier rang mais tous et toutes se voient comme fils ou filles du même Père.

Tel est le projet de Dieu que Jésus veut réaliser et pour lequel il est prêt à donner sa vie. Telle est l'existence que ses amis doivent adopter. Ce n'est pas une option facultative.

Orgueil, vanité, jalousie sont à exclure absolument

25e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2005-2006

Mc 9, 30-37

Au fil des années, il avait fait le vide autour de lui. Il ne comprenait pas pourquoi. Pourtant, s'il avait pu ouvrir les yeux, s'il avait eu le courage de se regarder en face, il aurait vite compris. A sa manière, il cherchait la première place partout où il passait. Il avait besoin d'avoir toujours raison. Il ne pouvait pas se tromper comme si l'omnipotence et l'omniscience étaient ses qualités premières. Ses proches s'étaient petit à petit fatigués de lui. Aucune discussion n'était possible puisqu'il devait avoir raison car il pensait qu'au moins, lui, il savait. Ce pauvre homme n'avait pas saisi que seules les questions sans intérêt ont une réponse certaine. Les autres quant à eux avaient acquis la conviction qu'avec lui, ils s'ennuieraient. Vint un jour la joie de la paternité et au c½ur de sa profonde solitude, sa petite fille commença à l'interroger sur les mystères de la vie. Tout à coup, à une question, il répondit par ces mots « parce que ». Pourquoi « parce que » ? s'interrogea l'enfant. « Parce que » c'est comme cela et ne soit pas impertinente avec tes questions. Pour la première fois de sa vie, il ne savait pas. Enfin, il allait pouvoir grandir en humanité et partir sur le chemin de Dieu.

Pourquoi ? Parce que ! Qui d'entre nous, n'a pas vécu ce genre de réalité où nos questions restaient sans réponse et cela pouvait alors nous frustrer ou nous mettre en colère car certaines décisions prises pour nous n'avaient aucun fondement raisonnable et nous ressentions une forme d'injustice à notre égard surtout lorsque les mots « parce que » étaient prononcés par une figure d'autorité qu'elle soit parentale ou scolaire. Nous ne pouvions pas nous contenter d'un simple « parce que ». Nous estimions, à raison je crois, être en droit d'obtenir une réponse claire et précise surtout lorsque celle-ci faisait suite à une demande. Toute justification, même si nous n'étions pas d'accord, nous permettait au moins de nous situer, d'entamer une discussion, de vivre un dialogue. Le « parce que » dit de manière péremptoire soulignait le refus de toute forme communication : l'autorité avait parlé et c'était ainsi. J'espère, personnellement, avoir appris et ne pas reproduire ce genre de comportement à l'égard d'autres aujourd'hui. Toutefois, il n'en va pas du tout de même avec les disciples de Jésus. Le Fils de Dieu ne se contente pas d'un « parce que ». Il les instruit et leur explique ce qui va arriver mais eux étaient incapables d'entendre. Alors, pour dépasser cela, ils s'enferment non pas dans une discussion mais dans un vain bavardage sur la place que chacun occupe. Comme si cela avait de l'importance aux yeux de Dieu ! Dans la vie, il peut nous arriver d'être confrontés soit à des questions qui enveloppent un tel mystère que nous ne sommes pas capables répondre par nous-mêmes, soit à des réalités qui vont au-delà de ce que nous pouvons imaginer et que nous ne sommes pas capables de comprendre. Face à ces deux situations, nous pouvons rester sans voix et nous enfermer dans une spirale de malaise ou au contraire, suivre l'exemple du Christ, c'est-à-dire prendre ou reprendre en nous l'enfant qui sommeille. Retrouver non pas une part d'innocence ou de pureté. Loin s'en faut car ce serait enfermé un enfant dans ce qu'il n'est pas. Mais plutôt de partir à la recherche de cet enfant qui est signe de celui qui ne sait pas et qui a l'humilité de s'interroger. A l'instar du Christ, puissions nous, chacune et chacun, retrouver cette part d'enfant qui nous convie à prendre conscience que nous sommes des apprentis perpétuels face au mystère divin, qu'il y aura toujours un long chemin à parcourir car en Dieu, toute question ouvre la porte à une multitude d'autres questions. Il ne nous est pas possible d'aller vers le Père avec des certitudes et des soi-disant vérités certaines. Non, pour aller vers le Père, nous avons à accepter d'êtres des hommes et des femmes en chemin. Un peu comme si Dieu ne se laissait rencontrer que sur nos routes respectives. Et sur notre chemin, le Fils nous prend par notre c½ur d'enfant, pour faire de chacune et chacun un questionneur de vie, un questionneur de mystère. En fait un être en recherche ou peut-être mieux encore un être debout sur le chemin de sa vie confiant que l'Esprit l'accompagne pour qu'il continue sa quête d'apprentissage de ce Dieu qui nous montre la route du salut, le chemin du bonheur.

Amen.

26e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2005-2006

Mc 9, 35-50

Le tournant est pris : non seulement Jésus a annoncé le sort qui l'attendait (mort et résurrection) mais il a révélé à ses disciples la nécessité pour eux aussi "de se renoncer et de prendre leur croix" pour le suivre. ( Marc 8, 34)

Qu'est-ce à dire en pratique ? Tout au long du chemin vers Jérusalem, une série d'instructions vont élucider le contenu de cette conversion radicale. Le début de la première, qui concerne les Douze, a déjà été lue dimanche passé mais je propose de le reprendre afin de commenter cet enseignement de Jésus in extenso.

Il comporte 7 points : l'homélie du jour choisira ceux qu'elle entend développer.

PAS DE RIVALITES : LE PREMIER EST LE SERVITEUR.

En chemin les Douze s'étaient querellés pour savoir qui était le plus grand. Jésus s'assit et leur dit : " Si quelqu'un veut être le premier, qu'il soit le dernier de tous et le serviteur de tous".

Pas de folie des grandeurs ni de carriérisme ni de combats de chefs ni de jalousies mesquines. L'autorité est un service.

L'ENFANT, SIGNE DU ROYAUME

Prenant un enfant, il le plaça au milieu : " Qui accueille en mon Nom un enfant comme celui-là m'accueille moi-même ; et qui m'accueille, ce n'est pas moi qu'il accueille mais Celui qui m'a envoyé".

La foi est moins agir que recevoir ; elle est ouverture, disponibilité ; il faut s'abaisser pour recevoir, s'ouvrir à l'autre avec un tact délicat et un infini respect. L'accueil de Jésus, la foi, est accueil de Dieu même.

LE BIENFAITEUR INCROYANT

Jean dit à Jésus : " Maître, nous avons vu quelqu'un chasser des esprits mauvais en ton Nom ; nous avons voulu l'en empêcher car il n'est pas de ceux qui nous suivent". Jésus répond : " Ne l'empêchez pas : car celui qui fait un miracle en mon Nom ne peut pas, aussitôt après, mal parler de moi. Celui qui n'est pas contre nous est pour nous".

En ce temps-là, les guérisseurs mêlent soins et invocations de saints personnages. Jean est furieux car il a vu l'un d'eux opérer des exorcismes en usant du nom de Jésus. Celui-ci le calme : Ne croyez pas avoir le monopole de mon Nom, de ma Puissance ; ne m'enfermez pas dans votre groupe. Si quelqu'un ne confesse pas la foi chrétienne mais fait du bien aux hommes, il est quand même quelque part du côté du Royaume.

LA CHARITE, CHEMIN DU CIEL

Et celui qui vous donnera un verre d'eau au nom de votre appartenance au Christ, amen, je vous le dis, il ne restera pas sans récompense.

Les apôtres, on le sait, devront s'en aller prêcher sans le sou et ils dépendront partout de l'accueil ou non des gens. Tous ceux et celles qui leur auront offert fût-ce un verre d'eau fraîche auront leur récompense. Tant il est vrai que l'essentiel du Royaume est la charité, le c½ur qui s'ouvre pour venir en aide au pauvre.

LE TRESOR INFINI DE LA FOI

Celui qui entraînera la chute d'un seul de ces petits qui croient en moi, mieux vaudrait pour lui qu'on lui attache au cou une de ces meules que tournent les ânes et qu'on le jette à la mer.

Certains non seulement ne croient pas mais ils font tout pour faire perdre la foi aux autres. A leur endroit, l'avertissement est terriblement sévère : celui qui "scandalise" un croyant, c'est-à-dire qui manigance pour le détourner du Christ, court un péril mortel. Etre jeté en mer avec, autour du cou, une lourde meule, telle celle man½uvrée par l'âne, c'est être sûr de ne pouvoir en réchapper.

Les moqueurs, les sarcastiques, les esprits forts qui savent si bien y faire pour tourner en dérision la foi fragile d'un jeune, qu'ils prennent bien garde. Ils jouent leur vie.

SAVOIR TRANCHER DANS LE VIF

Et si ta main t'entraîne au péché, coupe-la : il vaut mieux entrer manchot dans la Vie éternelle que d'être jeté avec tes deux mains dans la Géhenne, là où le feu ne s'éteint pas.

Si ton pied t'entraîne au péché, coupe-le : il vaut mieux entrer estropié dans la Vie éternelle que d'être jeté avec tes deux pieds dans la Géhenne.

Si ton ½il t'entraîne au péché, arrache-le : il vaut mieux entrer borgne dans le Royaume de Dieu que d'être jeté avec tes deux yeux dans la Géhenne, là où le ver ne meurt pas et où le feu ne s'éteint pas. Car chacun sera salé au feu.

Le risque du "scandale", du naufrage de la foi, n'est pas seulement dû aux adversaires : il rôde dans le c½ur du disciple et même celui des apôtres. On reste toujours tenté par des comportements périlleux pour la foi. Jésus utilise un langage imagé : ce ne sont pas nos membres qui sont responsables de nos déviances. Si ta main (= ta manière d'agir), ton pied (= les endroits qui t'attirent), ton ½il (= tes envies)...risquent de t'entraîner loin de l'Evangile, méfie-toi, ne joue pas avec le feu, ne te fie pas à ta force. Pendant qu'il en est temps, c'est-à-dire tout de suite, ose "trancher" dans le vif, prends des décisions "déchirantes". Ta liberté n'est jamais une forteresse imprenable, l'option de foi reste assaillie par les doutes, tu peux flancher si vite !

Il ne faut pas oublier notre fin : il n'y a que deux issues, le Royaume (qui se confond avec la Vie éternelle, la Vie divine) ou la "géhenne".

En bordure des remparts de Jérusalem, il y avait jadis une terre appartenant à un certain Hinnôn (en grec : la "gê-hinnôn" - qui a donné en français le mot "géhenne") et où avaient eu lieu des sacrifices d'enfants : dès lors elle avait été condamnée à devenir la décharge de la cité. La vermine y grouillait et le feu y fumait sans arrêt si bien que le lieu devint le symbole du sort qui attend les damnés : ceux qui refusent de brûler du feu de l'amour se consumeront dans la torture perpétuelle des désirs égoïstes à jamais inassouvis.

GARDER LA SAVEUR DE L'EVANGILE

C'est une bonne chose que le sel : mais si le sel perd son goût, avec quoi le lui rendrez-vous ? Ayez du sel en vous-mêmes !

La foi n'est vraiment pas une garniture facultative de la vie, une crédulité confessée par les faibles : elle est le sel, c'est-à-dire ce qui donne du goût à l'existence et ce qui la préserve de la pourriture. Que les disciples ne laissent pas s'évanouir en eux la saveur de l' Evangile, qu'ils ne deviennent pas fades et médiocres, que la force de la foi continue à les motiver.

S'ils méditent et mettent en pratique ces 7 points, ils cesseront de se quereller et ils réaliseront le but pour lequel Jésus les a choIsis - ultime phrase de l'instruction, conclusion qui, on ne sait pourquoi, est omise en liturgie :

Soyez en paix les uns avec les autres

Ce qui vaut pour les Douze vaut pour nous bien entendu.

Seule la vraie communauté en paix peut évangéliser.

27e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2005-2006

 

Mc 10, 2-16

A Césarée, un jour, Jésus a commencé à donner "un enseignement nouveau" à ses disciples : non seulement il a annoncé sa propre passion mais en outre il les a avertis qu'eux aussi doivent se renoncer et accepter de perdre leur vie pour lui( Marc 8, 31-33) Cette déclaration sert d'exergue à toute la section de Marc que nous lisons en ces dimanches. Sur le chemin qui les conduit à Jérusalem, Jésus explique peu à peu en quoi consiste cette douloureuse conversion exigée de tous ceux qui veulent le suivre. Dimanche passé, il a mis fin aux jalousies et aux rivalités entre les Douze pour les faire vivre en paix entre eux. Aujourd'hui il s'adresse aux chrétiens dont la vocation essentielle est le mariage et la vie de famille. Ses exigences sont tout aussi radicales.

LE MARIAGE INDISSOLUBLE

Jésus arrive dans le territoire de Judée ; les foules se rassemblent autour de lui et il les enseigne. Des Pharisiens l'abordent et, pour lui tendre un piège, lui demandent : " Est-il permis à un mari de renvoyer sa femme ?". Jésus répond : " Que vous a prescrit Moïse ?". Ils répondent : "Moïse a permis d renvoyer sa femme à condition d'écrire un acte de répudiation".

Il n'existe évidemment aucune loi sur le divorce dans les Ecritures mais la possibilité pour l'époux de renvoyer sa femme est notée : "Lorsque un homme trouve en sa femme une tare et qu'il cesse de la regarder avec faveur, il rédige pour elle un acte de répudiation et le lui remet en la renvoyant..." ( Deutéronome 24, 1-5)

Il s'agit donc d'une concession, réservée seulement au mari, et qui était l'objet de débats entre scribes : de quelle gravité devait être "cette tare" ? Suffisait-il d'un repas brûlé, comme disaient certains ( !! ), ou fallait-il des raisons beaucoup plus graves ? Jésus refuse de se laisser enfermer dans ces arguties juridiques et par-dessus toutes les lois, il remonte à la source originaire.

Jésus répliqua : " C'est en raison de votre endurcissement qu'il a formulé cette loi. Mais au commencement du monde, quand Dieu créa l'humanité, il les fit homme et femme. A cause de cela l'homme quittera son père et sa mère, il s'attachera à sa femme et tous les deux ne seront plus qu'un. Ainsi ils ne sont plus deux mais ils ne font qu'un ! Donc ce que Dieu a uni, que l'homme ne le sépare pas".

Le fait d'admettre la répudiation était dû à l"endurcissement du c½ur", reproche mille fois répété par les Prophètes et qui signifie non le manque de tendresse mais la fermeture, le refus de s'ouvrir au projet de Dieu parce qu'on demeure enfermé dans l' égoïsme.. Ce Projet, ce Dessein de Dieu sur l'union conjugale, Jésus l'expose à partir des premières pages de la Genèse, lesquelles, on le sait, ne racontent pas l'histoire des premiers hommes mais décrivent l'identité humaine. La sexualité humaine n'est pas ½uvre diabolique, lieu des péchés mortels, mais création de Dieu : elle ne peut être livrée aux aléas des passions, aux caprices, aux sautes d'humeur. Le mariage n'est pas le contrat de deux libertés qui le gèrent à leur guise : il est, dans son origine, dans son identité profonde, dans le projet de Dieu, réalisation de l'amour, donc éternel. Ensemble, les époux constituent "l'image de Dieu". Leur unité n'est pas le fruit d'un contrat révisable mais la manifestation de l'amour de Dieu qui jamais ne se reprend. Donc .......

MARIAGE ET DIVORCE

Cet idéal du mariage est certes admirable mais est-il toujours vivable ? Les Douze (représentant la perplexité des premières communautés chrétiennes dans le monde romain où l'on permet à la femme de répudier son mari) s'étonnent devant telle rigueur. Ne peut-il y avoir des exceptions, des "permissions" comme Moïse en avait lui-même accordées ?...

De retour à la maison, les disciples l'interrogeaient de nouveau sur cette question. Il leur répond : " Celui qui renvoie sa femme pour en épouser une autre est coupable d'adultère envers elle ; si une femme a renvoyé son mari et en épouse un autre, elle est coupable d'adultère".

Nous voici devant un des plus difficiles et douloureux problèmes de l'Eglise d'aujourd'hui. Dans nos sociétés qui légitiment le divorce, de nombreux baptisés ont rompu leur alliance et contracté une autre : ils accusent les responsables de l'Eglise de dureté de c½ur, d'incompréhension de la vie concrète du couple. Ceux-ci répondent qu'il ne s'agit pas d'une loi édictée par des papes ou des conciles mais bien d'un enseignement extrêmement précis du Seigneur lui-même. Comment l'Eglise s'arrogerait-elle le droit de manipuler l'Evangile ?

Mais, rétorque-t-on, le même Seigneur Jésus, accusé de fréquenter des pécheurs, n'a-t-il pas répondu aux pharisiens outrés par son laxisme : " Ce ne sont pas les bien-portants qui ont besoin de médecin mais les malades ; je suis venu appeler non pas les justes mais les pécheurs " ( Marc 2, 17)

La liturgie du jour aura soin d'en appeler avec ferveur à l'Esprit-Saint afin qu'il éclaire une situation où la vérité des principes doit s'articuler avec l'écoute des personnes. En tout cas, les divorcés remariés ne sont pas rejetés de l'Eglise ( cf. "La famille chrétienne" de Jean-Paul II, § 84)

L'ENFANT

On présente à Jésus des enfants pour les lui faire toucher ; mais les disciples les écartent vivement. -- Voyant cela, Jésus se fâche et dit : " Laissez les enfants venir à moi. Ne les empêchez pas car le Royaume de Dieu est à ceux qui leur ressemblent. Amen je vous dis : Celui qui n'accueille pas le Royaume de Dieu à la manière d'un enfant, n'y entrera pas". Il les embrassait et les bénissait en leur imposant les mains.

Ne faisons pas de cette scène une image de piété fade et sentimentale. Jésus ne craque pas devant la soi-disant innocence des petits, il n'incite pas à l'infantilisme pas plus qu'il ne cantonne son Eglise dans le soin des crèches et des gosses.

Le sujet est grave puisque c'est le seul endroit des évangiles où l'on nous dit que Jésus "se fâche" et il emploie l'amen pour souligner l'importance de son enseignement. En fait il appelle ici ses disciples à une conversion terrible et indispensable ( sans quoi "vous n'entrerez pas dans le Royaume") : il leur faut retrouver la confiance absolue de l'enfant qui croit à ce qu'on lui enseigne et qui se laisse guider. Ainsi, lui, Jésus, dans une obéissance absolue à son Père, est décidé à accomplir sa volonté quoiqu'il en coûte et il reste absolument sûr que, même si les hommes le tuent, son Père lui donnera une Vie plus glorieuse. Or, en se comportant en "Fils", Jésus ne s'est-il pas montré comme le plus adulte des hommes ? Accepter les conditions d'entrée dans le Royaume du Père, telles que Jésus les fixe, n'est certes pas du jeu et de l'enfantillage.

28e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2005-2006

Mc 10, 17-30

 

Il y a quelques années, en reprenant l'animation de paroisses, j'avais été rapidement frappé par le fait que quelques personnes avaient le don incroyable de m'énerver pour un ensemble de petits détails liturgiques. Il n'y avait pas une célébration où à la fin de celle-ci, un de ces mêmes fidèles venait me voir pour se plaindre que la chorale avait chanté trop fort, que le lecteur n'avait pas suffisamment articulé ou encore qu'il avait lu trop vite, que la décoration florale aurait pu être plus joyeuse. J'en passe et des meilleures. Je me suis alors dit que je ne tiendrais jamais le coup avec ce genre de remarques sur ce que j'estime être peu important. Il fallait que je trouve une solution le plus vite possible. Un dimanche suivant, une dame vint à nouveau vers moi pour réitérer une de ses plaintes habituelles. Je la regardai avec beaucoup de compassion et surtout avec un grand sourire et je lui ai dit : « chère Madame, mais rendez grâce à Dieu ». Pourquoi devrai-je le faire, s'interrogea-t-elle. Tout simplement, lui répondis-je, parce que vous allez bien. En effet, si vous étiez touché par la maladie, le deuil, une perte d'emploi ou autre chose encore, vous n'auriez même pas vu ces petits détails. Donc, rendez grâce à Dieu de pouvoir vous énerver pour si peu de choses. Cela veut dire que vous allez bien. Je ne suis pas sûre qu'elle ait été convaincue de mes arguments. Par contre, ce que je puis vous assurer c'est qu'à partir de ce moment-là, plus personne n'est venu m'importuner avec ce type de remarques et il arrivait même parfois que quelqu'un me disait : « vous allez encore nous dire : rendez grâce à Dieu », ce à quoi je répondais toujours : « si c'est ce que vous pensez que je vais vous dire, alors, il n'est même pas nécessaire de me parler de ce qui vous tracasse et qui doit être très léger par rapport aux aléas de la vie ».

Toutes et tous à notre manière, nous pouvons être comme ce jeune homme riche de l'évangile. Il ne s'agit pas ici tant de richesses matérielles mais plutôt de tout ce qui peut nous encombrer et qui nous empêche de nous tourner vers l'essentiel, vers l'existentiel. Notre cerveau, notre mémoire et parfois aussi notre c½ur, peuvent être encombrer de tant de choses futiles et qui peuvent nous détourner de notre destinée. Nous avons en nous un grand grenier où nous stockons non seulement nos souvenirs heureux mais également nos blessures, nos énervements, nos paroles dures, nos frustrations. Pris par le tourbillon de la vie, nous oublions parfois de prendre le temps de monter quelques étages en nous pour aller faire un peu de rangement. Un peu comme si nous étions des conservateurs ou des nostalgiques qui n'arrivent pas à se séparer de certains souvenirs qui peuvent nous empoisonner l'existence. Le jeune homme riche de l'évangile avait trop d'avoirs matériels et il ne pouvait s'en passer, c'est pourquoi il s'en retourna tout triste. Nous ne sommes pas à l'abri d'être confrontés à un même type de réalité même s'il se situe à un autre niveau. Nous avons, nous aussi, en nous, un ensemble de richesses qui sont belles et qui nous font grandir mais nous sommes également riches de choses qui nous encombrent et peuvent nous emprisonner l'existence. Ces dernières peuvent devenir tellement encombrantes qu'elles se mettent insidieusement à recouvrir toutes les perles d'amour, de douceur et de tendresse qui sont en nous. Faut-il que nous soyons confrontés à un événement douloureux tels que la maladie, la perte d'emploi, le deuil ou tout autre type de souffrances pour commencer une remise en ordre et pourquoi pas de se débarrasser de ce qui est accessoire pour revenir à l'essentiel, c'est-à-dire là où le Christ nous attend. Si nous pouvons le faire, alors toute expérience aussi douloureuse ait pu-t-elle être a déjà quelque chose de bénéfique puisque nos prenons le risque de remettre de l'ordre en nous. Ce matin, sur chacune et chacun de nous, le Fils de Dieu pose son regard et se met à nous aimer lorsque dans le silence de notre âme nous souhaitons mettre nos pas à sa suite. Puissions-nous au c½ur de nos fragilités, de nos vulnérabilités respectives, prendre le temps de laisser le Souffle de Dieu agir en nous pour qu'il nous désencombre de tout ce qui nous empêche de devenir nous-mêmes. Que l'expérience de la maladie, de la prise de conscience de notre fragilité nous permette de prendre le temps de nous libérer de nous-même afin de participer dès maintenant à l'avènement du Royaume. Nous pourrions nous sentir esseulés dans une telle tâche. Détrompons-nous, le Fils de Dieu nous accompagne sur notre route et l'Esprit est à l'½uvre dès à présent en nous car « tout est possible pour Dieu ».

Amen

28e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2005-2006

 

Mc 10, 17-30

Sur la route de Jérusalem, Jésus poursuit son enseignement sur les exigences ultimes du Royaume de Dieu. Il explique ce que signifie dans le concret "suivre Jésus en portant sa croix" : après la relation à la femme et l'enfant, voici le rapport à l'argent..

Un homme accourut vers Jésus, se mit à genoux et lui demanda : " Bon Maître, que dois-je faire pour avoir en héritage la Vie éternelle ?".

C'est bien la seule question qui vaille : quelle est notre fin et quels sont les moyens à prendre pour l'atteindre ? L'être humain cherche à vivre, à obtenir la Vraie Vie, la Vie divine - et dans ce but, il se demande ce qu'il doit faire. Question à garder sans cesse devant nos yeux.

Jésus lui dit : " Pourquoi m'appelles-tu bon ? Personne n'est bon, sinon Dieu seul. Tu connais les commandements : Ne commets pas de meurtre, pas d'adultère, pas de vol, ne porte pas de faux témoignage, ne fais de tort à personne, honore ton père et ta mère".

Le début de la réplique a toujours étonné mais Jésus ne veut pas prendre la place de Dieu. Ensuite il renvoie son interlocuteur au c½ur de la Loi : la voie royale du ciel est la pratique du Décalogue. Ici Jésus ne cite que les commandements qui concernent les rapports au prochain, en terminant toutefois par le 5ème sur le respect dû aux parents, ce qui semble indiquer que cet homme est "un jeune homme" - comme d'ailleurs l'évangile de Matthieu le précise.

L'homme répondit : " Maître, j'ai observé tous ces commandements depuis ma jeunesse". Posant alors son regard sur lui, Jésus se mit à l'aimer. Il lui dit : " Une seule chose te manque : va, vends tout ce que tu as, donne-le aux pauvres et tu auras un trésor dans le ciel ; puis viens et suis-moi".

Jamais Jésus n'impose pareille exigence aux foules qu'il a rencontrées partout, jamais il n'appelle des parents ou des propriétaires à se dépouiller de tout. Ce qui confirme qu'il s'agit bien d'un jeune homme, un célibataire à qui Jésus propose de le suivre dans la pauvreté, comme Simon et les autres pêcheurs appelés au début de l'histoire.

Ce jeune juif pieux devait savoir que le chemin certain de son salut éternel était celui balisé par les 10 Paroles de Dieu. Pourquoi donc est-il venu interroger Jésus ?...sinon parce qu'il était travaillé par une certaine inquiétude, une insatisfaction. Observer des règles morales ne le comblait pas, ne lui donnait pas la paix. Alors Jésus l'appelle au don total de lui-même comme il l'a fait pour les pêcheurs du lac : qu'il se joigne à sa petit troupe itinérante. Cinq verbes se suivent, ordonnés au dernier : "Va, vends, donne, viens, suis-moi". Le temps est venu où il ne suffit plus de pratiquer un code de lois pour vivre : il faut suivre Jésus, l'aimer au point de tout lâcher. Il faut que certains offrent tous leurs biens pour que les pauvres vivent maintenant et pour que retentisse sans arrêt la Bonne Nouvelle du royaume de Dieu qui, avec Jésus, est toujours en train d'arriver.

Mais lui, à ces mots, devint sombre et s'en alla tout triste car il avait de grands biens !

Devant cet appel de Jésus, l'homme ne hurle pas à l'utopie ou à l'absurdité. Il pressent que Jésus a raison de lui présenter cette demande....mais Il a de grands biens et il est incapable de s'en défaire. Les richesses qu'il possède le possèdent. Son AVOIR l'empêche d'ETRE ce que Jésus lui offre de devenir pour recevoir dès aujourd'hui la Vie éternelle qu'il escomptait pour après sa mort. Sa lâcheté le rend malheureux. Il se détourne de celui qui voulait le libérer et il repart dans son monde qui certes demeure pour lui promesse d'agréments et de jouissances...mais certitude d'une prison.

Néanmoins Jésus ne se fâche pas contre lui, il ne fait rien pour le retenir, il ne dit pas qu'il est perdu, damné. Devant cet échec, il donne à ses disciples une instruction plus large sur les richesses en général :

Alors Jésus regarde tout autour de lui et dit à ses disciples : " Comme il sera difficile à ceux qui possèdent des richesses d'entrer dans le Royaume de Dieu !". Les disciples étaient stupéfaits de ces paroles. Mais Jésus reprend : " Mes enfants, comme il est difficile d'entrer dans le Royaume de Dieu ! Il est plus facile à un chameau de passer par le trou d'une aiguille qu'à un riche d'entrer dans le Royaume de Dieu".

De plus en plus déconcertés, les disciples se demandaient entre eux : " Mais alors, qui peut être sauvé ?". Jésus les regarde et répond : " Pour les hommes, c'est impossible mais pas pour Dieu : car tout est possible à Dieu".

Cet enseignement est inouï ! On a toujours appris que la foi et la piété sont source de bénédiction, que Dieu récompense ses élus en les comblant de biens. Or voici que Jésus révèle que la richesse peut être une geôle, une entrave qui empêche d'entrer dans le Royaume ! Non que l'argent soit un péché. En soi, comme toutes les réalités, il est neutre. Mais il garantit tant de possibilités de plaisirs, il assure tant de considération, il ouvre tant de portes que l'on est tenté de l'accumuler outre-mesure....tout en laissant là des foules de démunis. Le péché n'est pas l'argent, la propriété, la finance mais, comme toujours, le manque d'amour. Comment prétendre, comme cet homme le faisait, que l'on est en règle avec les commandements de Dieu, que l'on n'a pas tué, que l'on n'a pas volé, que l'on n'a fait de tort à personne ...alors qu'on reste sourd aux cris des malheureux et que des hommes meurent parce qu'on a refusé de donner de ses biens ?

Difficile dans ce cas d'entrer dans le Royaume, dit Jésus...et même il ajoute : Impossible !!! Les disciples en sont effrayés. Tout le monde sera-t-il voué à la condamnation ??... Mais Jésus les rassure : TOUT EST POSSIBLE A DIEU.

C'est dire que le salut n'est pas le fruit de nos actes, comme le pensait l'homme ("Que dois-je faire pour avoir La Vie ?") mais il est don à recevoir, grâce à accueillir. L'homme doit apprendre qu'il ne mérite rien, qu'il n'achète pas son ticket d'entrée au ciel, qu'il ne se sauve pas par l'observance des lois. Il lui faut tout bonnement avouer sa faiblesse, sa lâcheté, son incapacité et en appeler à la grâce.

Ensuite (mais la place me manque) Jésus promet à ceux qui ont tout lâché pour lui de recevoir le centuple dans la communauté chrétienne...mais avec des persécutions. Car il seront moqués, attaqués, haïs. Mais qu'ils persévèrent : ils auront la Vie éternelle.

Combien de catholiques connaissent les prescriptions élémentaires de la doctrine sociale de l'Eglise ? Extrait : "Les biens de la création sont destinés à tout le genre humain...L'homme, dans l'usage qu'il en fait, ne doit jamais tenir les choses qu'il possède légitimement comme n'appartenant qu'à lui, mais les regarder aussi comme communes - en ce sens qu'elles puissent profiter non seulement à lui mais aux autres" (Catéchisme n °2404) Pourquoi s'étonner que les Eglises occidentales, contaminées par le matérialisme, se dissolvent peu à peu ? Comment, dans une société d'hyperconsommation et d'adoration du Veau d'or, redevenir une communauté à rebours des modes et de la publicité, tellement heureuse de l'Amour de Jésus qu'elle adopte un style de vie beaucoup plus sobre, se dépouille pour partager avec les Eglises pauvres et ainsi puisse témoigner de la libération de la prison de l'argent ? Désirer la Vie éternelle et vouloir d'abord mener belle vie, c'est mentir

29e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Van Aerde Michel
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2005-2006

Savez vous qui est le père des fils de Zébédée ? Voilà une question de catéchisme très difficile. C'est un peu comme la question : quelle est la couleur du cheval blanc d'Henry IV ? Les fils de Zébédée, Jacques et Jean sont aussi surnommés « fils du tonnerre », (ils se croyaient peut être issus de la cuisse de Jupiter !). Ces jeunes gens sont pleins d'ambition. Pourquoi pas ? Ils se verraient bien l'un à droite, l'autre à gauche du Christ dans sa gloire : rien de moins. Ils ne sont pas inhibés, les fils de Zébédée, ils veulent le meilleur qu'on puisse imaginer.

Jésus ne les critique pas sur ce point. Il leur précise simplement qu'ils ne savent pas vraiment ce qu'ils demandent, ils ne savent pas vraiment ce qu'ils s'imaginent désirer. Nous en sommes tous là. Ayant perdu le nord, ayant perdu la saine relation à l'absolu, ayant perdu l'amitié de Dieu, nous ne savons pas vraiment ce que nous désirons, nous ne savons pas jusqu'où cela peut aller, jusqu'où cela peut mener.

Même si Jésus sait que la demande est mal formulée, il la reçoit et la reformule, en révélant ce qu'il y a derrière une pareille ambition. Et en l'occurrence cela peut mener très loin. Bien plus loin que devenir deux enfants de ch½ur, l'un à droite, l'autre à gauche, faisant décoration ; ce qui est représenté dans la liturgie prend une force extraordinaire quand c'est appliqué dans la vie. La participation à sa vie, que Jésus peut offrir à ses amis est bien plus riche, bien plus forte que le simple fait de siéger à ses côtés. Il s'agit de participer vraiment, activement, à ce qu'il vit, à ce qu'il ressent, à ce qui le fait souffrir comme à ce qui le réjouit. Et cette participation ne dépend pas de Jésus seulement, elle est offerte par le Père, ce Père que Jésus n'oublie jamais.

***

Bien entendu les autres disciples sont indignés. Nous vivons sans cesse entre nous des luttes mimétiques de rivalité. Ils sont indignés parce qu'ils en voudraient autant, sinon ils resteraient spectateurs amusés, indifférents. S'ils ne se retenaient pas, ils seraient prêts à se précipiter pour bénéficier eux aussi des mêmes honneurs, d'autant plus que le nombre des places apparaît limité.

C'est alors que Jésus effectue l'un de ces grands renversements dont il a le secret. Il invite à la conversion du regard et du c½ur. Il appelle alors un « chat » un « chat » et il prononce le mot, le mot du langage courant, le mot de la société des hommes, le mot « pouvoir ». Il ne s'agit plus seulement d'honneurs ou de places d'enfants de ch½ur. Il s'agit de la volonté de pouvoir, et de pouvoir peser (potestas) sur la vie des autres, le pouvoir de se faire servir.

La question du pouvoir, parmi les hommes, est sans cesse posée. Les luttes qui nous ravagent, plus ou moins violentes, ont toujours le même objet. Nous voulons changer les détenteurs du pouvoir, remplacer telle équipe par telle autre...

La grande révolution que propose Jésus, la seule qui en vaille la peine, la seule qui tienne debout, n'est pas de changer les détenteurs du pouvoir, pas même de remplacer les oppresseurs par les opprimés, mais de changer la nature du pouvoir.

29e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2005-2006

Mc 10, 35-45

Le récit de la longue montée de Jésus vers Jérusalem est scandé par 3 annonces de la Passion inéluctable. Et c'est à la suite de la 3ème annonce que jaillit une demande tout à fait saugrenue de disciples :

 

Jacques et Jean, les fils de Zébédée, s'approchent de Jésus et lui disent :
Maître, nous voudrions que tu exauces notre demande.

 

Que voudriez-vous que je fasse pour vous ?.

Accorde-nous de siéger, l'un à ta droite et l'autre à ta gauche, dans ta gloire".

Manifestement les deux frères n'ont jamais avalé que Jésus nomme Simon à la tête du groupe. Pourquoi ? Parce qu'ils sont d'un statut social supérieur. Rappelez-vous l'appel des 4 premiers disciples au lac de Galilée : alors que Simon et André étaient en train de jeter un filet, Marc avait précisé que Jacques et Jean, eux, étaient "fils de Zébédée", sans doute patron d'une firme bien connue sur la place puisqu'ils ont plusieurs filets et des ouvriers (Marc 1, 16-20). Plus riches, n'est-ce pas à eux que revient la direction plutôt qu'à ce rustre de Simon ? Comme si la richesse donnait des droits supplémentaires !

A l'approche de la capitale, les deux frères ne doutent pas que Jésus va certainement y instaurer son règne en écrasant ses ennemis. C'est donc le moment de se préparer une carrière glorieuse et d'en profiter pour court-circuiter Simon-Pierre. Jésus balaye leurs rêves vaniteux .

 

Jésus leur dit : " Vous ne savez pas ce que vous demandez ! Pouvez-vous boire à la coupe que je vais boire, recevoir le baptême dans lequel je vais être plongé ?

 

Nous le pouvons.

La coupe que je vais boire, vous y boirez ; et le baptême dans lequel je vais être plongé, vous le recevrez ! .....Quant à siéger à ma droite ou à ma gauche, il ne m'appartient pas de l'accorder. Il y a ceux pour qui ces places sont préparées".

Dès le départ pourtant Jésus avait prévenu ses disciples : on me tuera et vous, vous devez vous renoncer et porter votre croix (8, 31-34). Ici il réaffirme cette nécessité de la souffrance avec deux images. Comme en ce temps il était de coutume que le président du repas donne à chacun sa coupe de vin, celle-ci était devenue le symbole d'un destin amer.(Nous disons encore qu'il faut "boire la coupe jusqu'à la lie") En outre, Jésus annonce mystérieusement que, s'il a reçu le baptême d'eau au Jourdain, il va bientôt subir une autre plongée, plus horrible. Jésus sait qu'il va devoir boire à la pire coupe d'amertume et qu'il sera jeté dans les abîmes de l'horreur et de la souffrance.

Les deux Zébédée n'ont pas compris, ils se targuent de pouvoir suivre Jésus - ce qu'ils feront... mais plus tard, après avoir d'abord lâchement abandonné leur Maître à son sort ! Mais les places d'honneur qu'ils convoitaient ne seront pas pour eux. Au Golgotha, lorsque Jésus couronné (d'épines) sera hissé sur son trône (de la croix), il sera entouré "à gauche et à droite" par deux anonymes, deux résistants juifs dont Pilate voulait se débarrasser ( 15, 27).

 

 

Le groupe ayant perçu les manigances des deux frères, les chamailleries éclatent à nouveau, comme naguère à Capharnaüm (9, 34) car tous au fond rêvent d' un avenir glorieux et chacun cherche à se pousser. On se croirait à la veille de l'élection d'un Président !

Les vers de l'ambition et de la jalousie rongent bien des c½urs, même au sein des apôtres ! Ah, la jalousie sacerdotale !!!....

 

JESUS DONNE SA VIE EN RANÇON POUR ...

Pour mettre fin à ces gamineries, Jésus clôture par une déclaration solennelle qui éclairera la formation qu'il a essayé de donner tout au cours de ce voyage :

 

Vous le savez : ceux que l'on regarde comme chefs des nations païennes commandent en maîtres ; les grands font sentir leur pouvoir.

 

Parmi vous, il ne doit pas en être ainsi. Celui qui veut devenir grand sera votre serviteur ; celui qui veut être le premier sera l'esclave de tous.

Car le Fils de l'homme n'est pas venu pour être servi mais pour servir, et donner sa vie en rançon pour la multitude".

Jésus reconnaît que dans tout Etat, toute entreprise, il faut qu'il y ait des chefs, des dirigeants qui ont la responsabilité de l'ensemble et qui donnent des ordres à leurs subordonnés.....

MAIS, continue-t-il, entre disciples, il en ira tout à fait différemment. Et il reprend ce qu'il leur avait déjà enseigné à Capharnaüm (9, 35) et qui manifestement n'a pas été compris : la grandeur s'acquiert dans le service et le n° 1 s'obtient dans l'esclavage, non vis-à-vis de quelques-uns, choisis, ...mais de tous les autres. Au rebours de cette volonté de puissance qui nous habite, de ce goût de commander et d'imposer ses idées, Jésus ordonne la petitesse, l'humilité. Là est l'amour vrai - qui consent à se perdre pour l'autre...

Absurde ? D'aucuns le pensent. Terriblement ardu ? Certes. Impossible même ? Nous le croirions.

Aussi Jésus termine en demandant à ses disciples de le regarder : seuls l'attachement à sa personne et la compréhension de son itinéraire permettront d'accepter les sacrifices qu'il exige.

Il avait souvent annoncé sa passion proche : à présent il en donne le sens, la signification. Lui, le Fils de l'homme (figure de Juge, de puissance et de grandeur chez le prophète Daniel) doit être le SERVITEUR SOUFFRANT, cette figure énigmatique et extraordinaire dressée dans la 2ème partie du prophète Isaïe ( 52, 13 à 53, 12) :

Il était méprisé, homme de douleurs...En fait ce sont nos souffrances qu'il a portées. Il était déshonoré à cause de nos révoltes ; dans ses plaies se trouve notre guérison. Seigneur Dieu...., daigne faire de sa personne un sacrifice d'expiation.... Ayant payé de sa personne, il verra une descendance ; sitôt reconnu juste, il dispensera la justice au profit des foules du fait qu'il supporte leurs perversités.

Jésus va être la victime de ses ennemis, l'objet de leur haine mais de cette capture, il fait un don ; leurs coups, il les assume. Le pauvre prisonnier flagellé, torturé, exécuté sur le gibet de la croix fera de sa Passion une Action, son ½uvre suprême. Il offrira sa vie pour ceux qui l'ont lâché, afin qu'ils soient libérés de leur prison.

Sa croix sera le prix de leur EXODE, leur sortie d'un monde où les tyrans ne s'appellent pas Ponce-Pilate et les Romains mais : égoïsme, ambition, jalousie, rivalité, caprice, lâcheté, orgueil, cupidité.

Jamais encore Jésus n'avait ainsi dressé la vérité de son être et la stupéfiante, la bouleversante façon de réaliser sa mission.

Allons-nous comprendre ? Seigneur Jésus, garde-nous près de toi, en dépit de notre lâcheté, comme tu l'as fait pour tes disciples. Comme eux, nous sommes ambitieux, jaloux, mesquins, lents à comprendre. Nous refusons de changer, nous tenons à nos idées, nous restons sourds à tes paroles. Sois patient envers nous. Donne-nous ton Esprit : qu'il nous donne lumière et force. Que ton Eglise se dépouille et, à ta suite, donne sa vie pour les hommes.

 

Les dix autres disciples avaient entendu et ils s'indignaient contre Jacques et Jean.

2e dimanche de Carême, année B

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps du Carême
Année liturgique : B
Année: 2005-2006

Comment ne pas être épouvanté à l'écoute de la première lecture de ce dimanche ? Dieu demande à un père, Abraham, de lui sacrifier son fils !? Et comment ne pas juger cette initiative totalement absurde puisque peu avant ce Dieu lui-même a promis d'offrir sa bénédiction au monde par le truchement de ce fils unique, Isaac !!?.....Dieu sadique ? Dieu qui se contredit, qui saborde son projet ? Quelle est cette divinité odieuse, ce moloch sanguinaire ?...

La clé de l'énigme se trouve peut-être dans le chapitre précédent de la Bible. On y apprend que le vieil Abraham a noué alliance avec un roi païen et qu'il a séjourné pendant très longtemps dans le pays des Philistins. Or on sait que les peuplades païennes pratiquaient le sacrifice des nouveau-nés : ainsi, lorsqu'un roi s'apprêtait à partir en guerre, il faisait parfois immoler son premier né dans l'illusion que la divinité, touchée et forcée par cette générosité héroïque, l'assurerait de la victoire. A Carthage (comptoir des Phéniciens - dans l'actuelle Tunisie), on voit encore les vestiges de plusieurs petits autels de pierre contenant des ossements d'enfants.

En Israël, tout au contraire, cette coutume barbare avait été strictement et absolument interdite par le Seigneur YHWH. Hélas, en dépit des rappels véhéments et des menaces des prophètes, elle se pratiquait quand même dans le fameux ravin de la géhenne aux abords de Jérusalem.

Ces renseignements permettent d'éclairer quelque peu notre épisode.

En contact prolongé avec des païens, Abraham a pu se laisser contaminer par leurs croyances et en venir à penser que les dieux (ELOHIM) exigeaient en effet qu'il leur sacrifie son fils. Mais au moment fatidique, le seul et vrai Dieu, YHWH, a arrêté son bras.

Cela signifie que les dieux imaginés par les hommes sont animés par nos impulsions les plus basses et les plus cruelles tandis que le seul vrai Dieu, YHWH, tel qu'il s'est révélé à Israël, refuse absolument ces ignominies. Lui qui crée chaque être humain "à son image et à sa ressemblance", il appelle les pères et les fils à vivre dans la concorde et l'amour. Au cours de ces siècles, il les éduque à décharger leur cruauté sur des offrandes d'animaux. En outre, en conseillant à Abraham d'immoler un bélier (non un agneau), il lui apprend que c'est "le vieux" qui doit s'effacer devant "le jeune".

A ceux qui s'offusqueraient de "la dureté" de ces temps anciens, rappelons qu' aujourd'hui à la génération qui a demandé le droit de supprimer les enfants, ceux-ci répliquent en proposant l'euthanasie des anciens. Et que l'on continue, partout, à envoyer les jeunes classes aux casse-pipes. Et que le plus gros pourcentage des chômeurs est celui des jeunes.... !! Abraham et Isaac n'ont pas fini de faire la paix.

LA REVELATION PERE-FILS DANS L'EVANGILE

Avec l'Evangile, la Révélation va encore effectuer un progrès décisif : cette fois nous ne sommes plus stupéfaits et horrifiés mais bouleversés et émus jusqu'aux larmes.

La relation père/fils réapparaît lors du baptême lorsque YHWH se révèle PERE puisqu'il s'adresse à Jésus en lui disant ::

" TU ES MON FILS BIEN AIMÉ : AUJOURD'HUI JE T'ENGENDRE"-----

formule qui marquait l'investiture d'un nouveau Roi.

Après avoir, pendant des siècles, envoyé des prophètes, maintenant Dieu envoie son FILS qu'il charge d'inaugurer son Royaume parmi les hommes. Ce vrai Dieu qui n'est qu'Amour, ne veut naturellement pas la mort de son Fils : il veut qu'il vive et qu'il apporte la vie aux hommes.

Mais ce projet bouscule de fond en comble les conceptions et les m½urs humaines, il exige sur le champ de modifier profondément le style de vie, les rapports à Dieu et au prochain, il dévoile la dureté des c½urs (même pieux) et les mensonges cachés dans les liturgies des temples. C'en est trop : ce Jésus qui se prétend FILS ne peut être qu'un blasphémateur, un escroc et il faut le supprimer.

Et l'incroyable va survenir.

Au lieu d'empêcher le meurtre de son FILS, et de foudroyer ses ennemis, au lieu d'arrêter les clous prêts à être enfoncés dans sa pauvre chair, le PERE accepte de l'abandonner à la haine des hommes( cf. St Paul : 2ème lecture)

Et JESUS, le FILS, accepte - dans l'angoisse avec peine surmontée - d'aller au bout de la réalisation du projet de son PERE : non seulement prêcher la Bonne Nouvelle, non seulement guérir les corps, mais mourir en s'offrant pour les hommes :

" Ceci est mon corps livré pour vous...Ceci est mon sang versé pour vous...PERE, pardonne-leur : ils ne savent pas ce qu'ils font...".

LA TRANSFIGURATION AVANT LA DÉFIGURATION

Cette décision certes n'a pas été facile à prendre : être le nouvel Isaac qui, cette fois, est mis à mort !. C'est dans la prière, dans les heures et les nuits de solitude, que Jésus a perçu que l'humanité ne pouvait être sauvée que si le pardon lui était accordé au moment même où elle s'abîmait dans la haine la plus noire.

Un jour, il a révélé à ses disciples le sort qui l'attendait : " Il faut que le Fils de l'homme souffre beaucoup, Qu'il soit rejeté...mis à mort...Mais il ressuscitera" ( Marc 8, 31). Cette décision prise et communiquée, alors pouvait arriver la scène de l'évangile d'aujourd'hui - unique et fugitif moment de réconfort sur la route du Golgotha.

Six jours après, Jésus prend avec lui Pierre, Jacques et Jean, et les emmène à l'écart sur une haute montagne. Il fut transfiguré devant eux...Elie leur apparut avec Moïse, ils s'entretenaient avec Jésus. Pierre dit : " Rabbi, il est heureux que nous soyons ici, dressons trois tentes...". Il ne savait que dire...Survint une nuée...Une voix retentit :

" Celui-ci est mon FILS BIEN AIME : écoutez-le"...

Soudain ils ne virent plus que Jésus, seul avec eux

Aujourd'hui nous fixons, dans "la nuée" de la foi, ce VISAGE éclatant de beauté : il nous assure que "celui qui veut sauver sa vie la perdra ; mais que celui qui perd sa vie pour Jésus la sauvera", il nous promet de connaître, nous aussi, des éclairs de lumière et de joie profondes...si nous acceptons les renoncements que l'amour exige.

Il nous donne la force de serrer les dents et de prendre le chemin dont tout, dans notre société, nous presse de nous détourner. Il fait sourdre, dans nos c½urs, meurtris par les épreuves de la vie, une joie mystérieuse que le monde ne connaît pas. Il fait s'effriter les visages faussement heureux des idoles.

Il permet aux pères et aux fils de vivre la réconciliation.

2e dimanche de l'Avent, année B

Auteur: Van Aerde Michel
Temps liturgique: Avent
Année liturgique : B
Année: 2005-2006

 

Mc 1, 1-8

Jean Baptiste, que j'imagine hirsute et filiforme dans son désert a bien sûr quelque chose d'exceptionnel. Mais, en comparaison des prophètes qui prétendent parler au nom de Dieu aujourd'hui, notre Jean Baptiste a quelque chose de retenu, de mesuré, qui me surprend.

Il m'intéresse parce qu'il connaît quelque chose que nous vivons aussi. Jean Baptiste attend la venue du Messie, nous attendons son retour. Première ou dernière fois, dans un cas comme dans l'autre, il faut se préparer ! Le Messie va-t-il tolérer pareil désordre établi ? La paix de Dieu peut-elle tolérer que les soldats restent soldats ? Les financiers peuvent-ils continuer à trafiquer avec l'argent si l'on veut que la mondialisation cesse de sacrifier tant d'innocents ?

Préparer les chemins du Seigneur au temps de Jean Baptiste, construire le Projet de Dieu aujourd'hui, c'est lutter à mort -c'est-à-dire « à vie »-, contre tous les trafics d'armes, de drogues et d'humains. Pour nous comme pour les contemporains du Baptiste, la venue des derniers temps exige de grands bouleversements ! Impossible de vivre l'Avent sérieusement sans tout révolutionner ! Mais où se trouve le changement le plus profond ?

Il y en bien sûr qui vivent Noël comme une gentille fête folklorique, tournée vers le passé. Mais ils n'ont rien compris ! Les chrétiens ne marchent pas à reculons. Pour nous, l'histoire n'est pas circulaire mais linéaire et irréversible. De même qu'elle a commencé, elle finira ! Nous rappelons la venue du Messie parce que nous attendons son retour définitif !

Le passé est avant tout un élan vers l'avenir car l'incarnation du Verbe en Jésus de Nazareth est le point de saisie du cosmos tout entier. L'histoire aura une fin, un accomplissement et, de même que Jean Baptiste préparait les chemins du Messie, nous travaillons, nous, au grand projet de Dieu. Nous attendons la Parousie, la manifestation triomphale du Ressuscité. Nous croyons qu'il achèvera et récapitulera en lui tout l'univers.

Dans cette perspective, découvrir que Jean Baptiste est mesuré, me fait prendre conscience, dans la cacophonie des exaltés, qu'il y a dans la foi chrétienne un équilibre et une retenue, une limite et un respect, sans équivalent.

Le discours de Jean Baptiste est modéré. Tout d'abord c'est un discours social ! Jean Baptiste est bien fils de Zacharie, prêtre de Jérusalem, mais il ne parle jamais du Temple ni ne s'intéresse aux sacrifices sanglants. Ensuite son programme est mesuré : partager et ne pas faire d'excès. « Celui qui a deux habits, qu'il partage avec celui qui n'en a pas ; celui qui a de quoi manger, qu'il fasse de même ! » Aux collecteurs d'impôts, il demande de se satisfaire de la marge fixée ; aux soldats, de se contenter de leur solde. C'est tout, c'est peu ! Les financiers restent financiers et les soldats, des soldats !

J'en connais beaucoup qui auraient dit aux militaires : changez de métier, devenez non-violents et aux collecteurs d'impôts : entrez en dissidence, cessez de collaborer, devenez mendiants ! Mais Jean Baptiste est celui qui sait accepter l'autre comme différent. Tout, chez lui, est dans la limite consentie. Il ne cherche pas à transformer le monde en un immense couvent !

A l'opposé du fanatique qui détruit l'autre ou cherche à le conditionner, Jean Baptiste reçoit l'autre, tel qu'il est. Il a compris qu'il faut lui laisser de la place : préparer les chemins de Dieu, c'est se préparer à l'accueil. Il limite son propre champ pour que l'autre puisse se manifester. « Il faut qu'il grandisse et que je diminue ». Il s'efface, comme devant une porte, on s'efface pour introduire quelqu'un. Il jeûne et s'affaiblit, se préparant à recevoir (Mt 11, 18). Le Baptiste est célibataire mais il n'a rien d'un vieux garçon ! Il désire l'autre, prépare sa venue et respecte celui qui vient après lui.

Jean Baptiste m'impressionne par sa discrétion. Il ne se prend pas pour le Messie. Il ne s'imagine pas non plus son impresario (Jn 3, 27-30). Il ne prétend pas accélérer la venue du Messie par sa prédication. Le don de Dieu s'accueille mais ne se produit pas ! Homme de désir, Jean Baptiste reste patient. Il est la voix qui indique le Verbe. Il est la lampe qui annonce le soleil levant. Il est l'ami qui introduit l'Epoux. Jamais il ne se confond avec celui qu'il annonce et qu'il attend.

Pour résumer, je dirai que Jean Baptiste est celui qui accepte pleinement la condition humaine. Il n'attend pas Dieu aux extrêmes. Il vit dans le désert mais il n'est pas fakir. Il mène une vie proche de la nature, en homme libéré, simplifié, humanisé. Avec sa peau de chameau, son miel sauvage et ses criquets, il est une sorte d'Adam primitif, un grand innocent.

Comme Moïse, il conduit son peuple au désert. Comme Josué, il lui fait franchir le Jourdain pour entrer dans la terre promise, près de Jéricho. Il reprend les symboles pédagogiques de l'Exode et de la Pâque pour conduire le peuple à une démarche de conversion. Jean Baptiste a deux intuitions, étroitement liées : le Christ ne vient pas au terme de ses efforts et la réconciliation avec Dieu est un don à recevoir. A l'opposé de ce qu'imaginent les pharisiens, le salut n'est pas le trophée des champions de la Loi, mais un pur cadeau d'amitié, offert aux grands pêcheurs quand ils reviennent humblement vers Dieu.

J'insiste donc sur ce point, mes amis : ne croyons pas non plus que le Christ se manifestera comme le résultat de notre agitation. Notre défaut est d'en faire beaucoup trop et notre hyperactivité nous sert d'alibi pour ne pas même apercevoir notre voisin immédiat.

Tant pis si nous faisons pâle figure dans un monde d'excités : respectons les limites de notre condition. Nous n'avons pas à être des surhommes toujours géniaux ! Etre limité n'est pas un péché, c'est la condition d'humanité ! Et il s'agit d'accueillir un Dieu qui se fait humain !

Comme Jean Baptiste, faisons place à l'autre, partageons ce que nous avons et transformons nos relations humaines, même limitées, en relations d'amour. C'est ainsi que nous serons prophètes. C'est en devenant humains que nous accueillerons Dieu (Jn 10, 31-39 ; 17, 21).