Jn 15, 1-8
Il avait tout pour lui. Parfois, certains pouvaient avoir le sentiment que tout se qui passait entre ses mains devenait toujours de l'or. Lui, il n'avait pas l'impression d'être plus doué que les autres même s'il reconnaissait qu'il avait eu beaucoup de chance dans la vie. Il avait grandi dans une famille aimée et aimante. Il s'était toujours bien entendu avec ses parents. Pas de crise majeure et jamais un mot plus haut que l'autre. Lorsqu'il a quitté le nid familial pour s'envoler sur la route de sa propre destinée, cela s'était fait dans la douceur. Il réussissait très bien professionnellement, mais si pour lui l'essentiel était ailleurs : son couple, ses enfants, sa famille, ses amis. De plus, il donnait pas mal de son temps, avec son épouse d'ailleurs, dans différents projets associatifs car tous deux croyaient à l'importance de la solidarité humaine et ce, au nom de la foi en Dieu qui les habitait chacun. Il avait bien tout pour lui : le mari idéal, le père rêvé, l'ami recherché. Il était heureux et pourtant il avait un nuage sur sa vie. Il était frappé de la jalousie de certaines personnes à son égard. Il regrettait certains faux sous-entendus le concernant. Cela le peinait. C'est vrai, il avait une belle vie mais c'était tout simplement parce qu'il avait fait sienne une des paroles de saint Paul : « car lorsque je suis faible, c'est alors que je suis fort ». Il avait fondé sa vie sur la richesse de ses fragilités. La source de sa vitalité, il la puisait dans sa foi en un Dieu d'Amour et de Pardon. Alors, il ne comprenait pas pourquoi certains le jalousaient, lui en voulaient. C'est vrai, il n'est pas toujours facile de reconnaître que d'autres que nous portent du fruit, voire beaucoup de fruit. Pourquoi eux et pas nous ? Cette attitude peut sembler peut-être humainement compréhensible mais répréhensible lorsque nous nous plaçons dans le champ de notre foi. Chacune et chacun d'entre nous, sommes appelés par Dieu à porter du fruit, du fruit en abondance lorsque nous acceptons d'enraciner nos vies en lui, lorsque nous choisissons de mettre nos pas dans les traces du Christ. Il est le chemin, la vérité et la vie. Nous ne pouvons pas nous tromper et nous devenons plus libre encore lorsque la lumière divine éclaire nos vies. Demeurer en Dieu, c'est nous accepter tel que nous sommes afin de construire nos vies à partir de qui nous sommes. Chacune et chacun nous avons une destinée à réaliser. Cette dernière commence ici-bas dès l'instant de notre conception. Nous existons dans le c½ur de Dieu. Notre vie prend sa source et s'enracine en lui. De la sorte, nous rayonnons de ce qui habite au plus profond de nous car nous savons que la sève divine coule en nous comme le souffle de l'Esprit. Dieu n'attend pas que nous portions du fruit. Non, il s'attend à ce que nous en donnions beaucoup. Nous sommes ses sarments et nous ne pouvons que nous réjouir lorsque certains d'entre nous en portent beaucoup. Il n'y a aucune raison de les jalouser car les fruits de Dieu ne sont pas le succès qui est toujours éphémère ou encore la réussite sociale, non les fruits divins portent les noms d'actes d'amour, de gestes de tendresse. Nous sommes donc conviés à nous réjouir lorsque d'autres se mettent à donner beaucoup de fruits car il y a un pendant à une telle réjouissance. Si je peux me réjouir lorsque quelqu'un réussit sa vie à partir de qui il ou elle est, je pourrai également avoir de l'empathie, de la compassion lorsque quelqu'un passe à côté de lui-même ou se trouve en situation de souffrance. En effet, la vraie personne compatissante est celle qui se réjouit du bonheur de l'autre car si je ne suis pas capable d'une telle joie lorsque quelqu'un porte du fruit, ma compassion est mensonge. Comment, en vérité, pouvoir accompagner quelqu'un dans sa détresse, si je ne suis pas en même temps heureux du bonheur d'un autre. Ma compassion ne serait plus compassion mais pitié, voire réjouissance d'aller bien lorsque l'autre ne le va pas. Alors sommes-nous des êtres compatissants, pleins d'empathie face à la souffrance de l'autre ? Pour le savoir, c'est très simple, il suffit d'être capable de pouvoir de se réjouir lorsque mon prochain donne non pas des fruits mais beaucoup de fruit. C'est de cette manière que nous serons, dans l'Esprit, Dieu à l'½uvre en notre monde.
Amen.