Noël

Auteur: Coulée André
Temps liturgique: Temps de Noël
Année liturgique : A, B, C
Année: 2005-2006

Elle coucha son fils dans une mangeoire.

Il m'aura fallu près de 60 ans d vie religieuse avant de découvrir le sens premier de ce mot, loin de la traduction une crèche. Car, qu'est-ce qu'on met dans une mangeoire sinon ce qui se donne pour être mangé ?

Ainsi, dès le début, le don de Dieu se confirme : il nous est donné pour que nous en fassions l'usage le plus noble qui soit : être nourriture pour faire vivre l'homme, pour faire vivre Dieu dans la vie des hommes et des femmes ! Extraordinaire, oui, vraiment.

Et dans notre foi nous pouvons ainsi comprendre que Dieu est don, que la dernière Cène et l'Eucharistie sont déjà présentes dans cette nativité, et que nous sommes invités à en vivre, et par notre don personnel à en faire vivre notre monde. Toute une histoire d'amour. Noël et Pâques sont inséparables. L'histoire de Jésus commence à Bethléem, la « maison du pain » et se termine avec le partage du pain qui ne fait qu'un avec son don total à la Croix, don de vie confirmé par la résurrection.

Dieu s'est fait chair : tel est le mystère proposé à notre foi ; il se donne en nourriture et pour alimenter la vie des hommes, celle du monde. Plus que jamais alors, si nous sommes prêts à nous laisser pénétrer- comme toute nourriture nous pénètre -, il se fait homme en pénétrant toutes les fibres de l'humain qu'il rend plus vivantes, plus fermes, et qu'il imprègne de ses qualités divines.

Dieu en Jésus enfant manifeste son amour en se montrant bien vulnérable : signe de l'amour profond de quelqu'un qui se met à la disposition des autres. Et c'est hélas vrai que certains jettent la nourriture alors que d'autres pleurent après elle et parfois ne trouvent personne pour la leur donner. C'est précisément cette vulnérabilité de Dieu, qui se laisse prendre en nos mains comme toute nourriture, qui nous provoque, car une fois en nos mains l'usage de cette nourriture dépend de nous : qui va donc la proposer aux hommes et femmes qui l'entourent ?

Croire Noël c'est entrer à notre tour dans un mystère et accepter la responsabilité de garder saine et vivante cette nourriture et de la présenter aux autres.

Si, comme le dit Isaïe dans la première lecture, d'un bout du monde à l'autre les nations verront le salut de Dieu, c'est parce que des messagers parcourent le monde pour présenter celui qui peut transformer nos vies précisément parce qu'il est faible et petit, ne fait donc pas peur, et qu'il est nourriture.

En acceptant dans notre foi ce mystère, ce don de Dieu, nous acceptons aussi que, comme toute nourriture, il nous transforme de l'intérieur et nous fasse devenir chair pour les autres. Ne dit-on pas de quelqu'un excessivement gentil qu'il est bon comme du pain, de quelqu'un qui se donne qu'il se laisse manger par les autres ? Nous ne pouvons pas vraiment croire sans en accepter toutes les conséquences qui nous font vivre au diapason de Dieu. Oui, Dieu s'est fait homme pour que nous devenions divins, et donc pour avoir en nous, comme dit Saint Paul, les mêmes sentiments que ceux du Seigneur Jésus et en vivre. Dieu s'est fait pain pour que nous devenions pain, en commençant par le partager, et donc en nous partageant nous-mêmes.

Invitation à l'ouverture aux autres qui n'est possible qu'avec les sentiments de tendresse de notre Dieu, cette tendresse qui rend vulnérable mais qui ouvre des horizons d'amour et d'épanouissement. Avec Noël, la relation à Dieu est changée ; il doit en être de même de nos relations, de la façon dont nous regardons les autres, les acceptons, les encourageons ; de la façon dont nous nous laissons atteindre par les souffrances de l'autre. Le danger de nos communautés serait d'être une forteresse, blindée contre toute atteinte ou souffrance des autres ou dans le monde. Alors nous serions des menteurs en annonçant Noël.

Annoncer Noël : c'est ce que font les bergers ! Mais en fait qu'ont-ils vu ? Qu'ont-ils entendu ? Rien d'autre qu'un couple avec leur bébé, sur la paille, sans doute aussi des animaux, dans l'odeur fétide d'une étable et de son fumier ? Entendu ? Les vagissements d'un nouveau-né ? Peut-être quelques demandes d'aide de la maman, du papa ?

Qu'est-ce qu'on peut bien annoncer avec çà, si ce n'est un fait divers étrange, malheureux ; bref radio-trottoir. Mais il y a eu ce phénomène étrange attribué aux anges, une révélation étonnante qui donne sens et à laquelle ils adhèrent. Et cela change tout, parce que cela leur permet de voir autrement.

La proclamation des bergers contraste singulièrement avec celle d'Hérode lorsque les sages en écritures lui dévoilent que c'est à Bethléem que doit naître le nouveau roi !

Voir et entendre des choses ordinaires et en accepter le sens révélé, dans la foi, et alors proclamer cette découverte : telle a été la première prédication de l'histoire au sujet de Jésus.

Noël nous donne aussi une clé de lecture de ces histoires d'aujourd'hui, qui sont souvent grosses de Dieu, que notre prédication devra révéler au grand jour et donner en nourriture.

Les gens ont faim de ce qui fait vivre : qui va les nourrir ?

Oui, Dieu a parlé par nos pères, s'est révélé à travers eux : puissions-nous à notre tour être des révélateurs de sa présence dans nos vies, dans la terre des humains.

Noël

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps de Noël
Année liturgique : A, B, C
Année: 2005-2006

Les trois hommes avaient reçu le même ordre : « pendant les semaines qui viennent votre tâche sera dorénavant de casser des cailloux ». Ils n'avaient pas reçu d'autres explications et se mirent aussitôt au travail. Un promeneur qui passait par là demanda au premier : « mais que faites-vous donc cher monsieur ? ». « Cela ne se voit pas, maugréa-t-il, je suis entrain de m'ennuyer à devoir casser des cailloux et en plus en ils m'obligent à travailler dehors ». Quelque peu étonné de cette remarque, le promeneur poursuivit son chemin et posa la même question au second qui, tout en souriant, lui répondit : « je profite du bon air, je travaille à l'extérieur et cela me fait un bien fou tout en cassant ces tas de cailloux ». Continuant sa route, il croisa alors le troisième homme qui rayonnait de bonheur et de paix intérieure. « Que faites-vous donc cher monsieur ». « Moi, s'étonna de la question le troisième homme, je construis une cathédrale ». Trois hommes face à la même tâche. Trois hommes qui réagissent à partir de ce qu'ils sont, vivent et ressentent. Comme quoi, le poète avait bien raison, ce n'est pas l'événement qui fait la vie mais la manière dont je le vis.

Entre ces trois hommes et nous, existe-t-il une grande différence face à l'événement de la crèche ? Je peux passer à côté de celle-ci en bougonnant et en m'étonnant de cette idée saugrenue d'accoucher dans une mangeoire. Je peux me réjouir de la naissance d'un enfant avec tout ce que cela représente d'inconnu, de perspectives de vie, de beauté et de vulnérabilité. Je peux aussi m'émerveiller que cet enfant n'est pas n'importe lequel car je reconnais en lui l'enfant Dieu. Face à un tel mystère, je trouve peu de mots pour exprimer ce que je peux ressentir d'une telle rencontre. Dieu s'est fait humain. Il est devenu proche de chacune et chacun d'entre nous. Il est là, bien présent au c½ur de notre humanité. Nous avons quitté la conception d'un Dieu éloigné de sa création pour partir à la rencontre d'un Dieu qui s'est fait proche. Il a choisi de partager notre condition humaine. En clair cela signifie que pour Dieu, quoiqu'il nous arrive, quoique nous ayons pu faire en quittant le chemin de notre destinée, nous sommes des êtres beaux, des êtres qui valent la peine d'être rencontrés ou mieux encore des être que Dieu cherche à aimer. Il est né dans une mangeoire. Il n'avait donc rien d'un Dieu tel que nous aurions pu l'imaginer. Il est là tout petit, tout fragile ouvrant ses mains à notre humanité.

Il n'avait rien d'un Dieu. Il était tout de Dieu. Et comme le souligne un philosophe contemporain : « une énigme se résout, un mystère, quant à lui, il se vit ». Il n'y a donc pas d'autre manière d'entrer dans le mystère de Noël, dans le mystère de l'Incarnation du Fils de Dieu. Tout ce que nous pouvons en dire risque de dénaturer la beauté d'un tel événement qui se célèbre depuis maintenant plus de deux mille ans. Ce qui n'est pas rien alors que deux des grands quotidiens de notre pays n'en ont même pas fait le premier titre de leur première page ce matin. Noël, un événement exceptionnel dont nous n'arrivons pas à trouver les mots justes, ces derniers se mettent à trembler lorsque nous souhaitons en parler. Il nous reste alors à entrer dans le mystère en le vivant, c'est-à-dire en illuminant nos vies personnelles de cette joie indicible qui nous habite car nous vivons avec cette intime conviction que ce Dieu qui s'est fait homme est d'abord et avant venu pour nous donner non seulement l'abondance de la vie mais également la paix profonde, le souci de l'amour de l'autre, le plaisir de la rencontre en vérité.

Toutefois ce mystère ne peut se limiter à une nuit. Il est une invitation à le vivre chaque jour de l'année. Mettre de la joie, de la paix, de la miséricorde, de la compassion et de la tendresse dans nos gestes et nos paroles chaque jour, c'est entrer dans une dynamique quotidienne de Noël et d'être ainsi fidèle au mystère qui nous rassemble aujourd'hui. Alors, si nous décidions, au plus profond de nous-même que la merveille du mystère de Noël se célèbre chaque jour, ne pourrions-nous pas nous le souhaiter lorsque nous décidons que nous rayonnerons de cette joie intérieure qui nous habite en ne nous disant plus simplement « bonjour » mais plutôt « joyeux Noël » chaque jour tellement nous sommes pétris de ce mystère de cet enfant Dieu qui n'avait rien d'un Dieu, tellement il était tout de Dieu. Joyeux Noël et rendez-vous dans un an pour le bilan. Amen.

Noël

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps de Noël
Année liturgique : A, B, C
Année: 2005-2006

Lc 2, 1-14

Depuis qu'elle est apparue sur la terre, l'espèce humaine mène un incessant et prodigieux combat pour se protéger du malheur, vaincre les forces hostiles, améliorer sa condition, vivre au maximum.

L'HISTOIRE EST RECHERCHE DU SALUT

Notre histoire, qui est tout sauf un long fleuve tranquille, charrie des monceaux de crimes mais en dépit des tragédies, elle est celle du progrès, du combat pour sauver notre existence précaire.

Nous améliorons la nourriture, le vêtement, l'habitat et ainsi nous allongeons notre espérance de vie ; l'école nous guérit de l'ignorance ; la médecine nous préserve des épidémies ; les moyens de communication nous sortent de l'isolement ; la législation sociale nous couvre pour nous épargner la misère ; l'édification de l'Europe nous évite la perspective de nouvelles guerres.. Et nous ne doutons pas que nous parviendrons à prévenir les tsunamis et les séismes comme à vaincre cancer et sida.

Mais à la suite des extraordinaires avancées des sciences des derniers siècles et l'élévation conséquente de notre niveau de vie, nous ne sommes pas dupes : nous savons bien maintenant qu'il y a un double malheur que ni science ni culture ni fortune ni législation n'arriveront à éradiquer :

- le mal que nous commettons, que nous nous faisons les uns aux autres, la tristesse d'avoir manqué à l'amour, d'avoir fait de la peine à l'être aimé ou d'être passé, par indifférence, à côté de celui-là qui attendait de nous un geste de partage ou de réconfort, une parole de consolation.

- et la certitude de nous approcher de l'échéance inéluctable, l'appréhension de la mort qui approche. Et même si nous pouvons consentir à notre propre fin, jamais nous ne pourrons tolérer la mort qui nous arrache ceux-là que nous aimons.

Oui, les progrès des connaissances nous rendront toujours plus savants, plus mobiles, plus âgés...mais rien ni personne, jamais, ne supprimera nos fautes, nos manques d'amour et rien ni personne ne nous évitera la chute finale.

Quels que soient ses exploits et ses performances, l'être humain est à-sauver. Son existence restera toujours une quête du salut.

C'est à condition de faire ce constat lucide de notre radicale limite que nous pouvons entendre et comprendre le cri de joie lancé par nos premiers frères dans la foi = et dont l'écho nous parvient, vivant, dans la liturgie de ce jour de liesse :

Ne craignez pas :

Je viens vous annoncer une Bonne Nouvelle,

grande joie pour tout le peuple :

aujourd'hui il vous est né un SAUVEUR

qui est le Christ Seigneur

( Luc 2, 10)

L'ARBRE DE VIE

Quand la nature semble morte et que l'hiver étend ses ténèbres, les hommes dressent un sapin vert tout enguirlandé, signe de la vie et de la lumière, tandis que le grand Maître de la fête, un vieillard rubicond, expression de "bon-papa", distribue les cadeaux à foison.

Ne serait-ce pas là un essai (inconscient) de reconstituer l'image mythique du paradis où un Bon Dieu conduisait le couple humain dans le Jardin d'Eden afin de goûter à tous les délices ?

Image trompeuse car on sait que tout le monde, loin de là, n'est pas invité à la fête du champagne et du foie gras.

En réalité, seul Jésus est venu éclairer l'énigme de l'humanité que nous avons relue, au cours de l'Avent, dans les premières pages de la Bible.

Il est bien le descendant promis à Eve et qui devait venir vaincre, au prix d'atroces meurtrissures, la puissance du Mal.

Au contraire d'Adam qui voulait exercer une liberté sans limites, et connaître une jouissance sans freins, Jésus a refusé la tentation de la toute-puissance. Pauvre et méprisé, comme Abel, il a été haï par ses frères qui ont voulu sa mort.

Mais si le sang d'Abel criait vengeance, le sang de Jésus, offert par amour, obtient le pardon de tous les péchés.

Véritable "Arbre de Vie", la CROIX du Golgotha domine l'histoire : ceux qui s'approchent et se laissent marquer de son signe, comme Caïn, échappent à la condamnation et sont sauvés par la Miséricorde.

Heureux seront-ils de tendre la main pour accueillir et manger le fruit de la Croix : l'Eucharistie.

Au creux de leur main, qu'ils reconnaissent, dans la foi, le fils de l'homme, le descendant d'Eve, le nouvel Abel vivant à jamais.

Ainsi, dans tous les lieux du monde, loin du tintamarre, le peuple des communiants redevient le nouveau village de Beth-léhem - qui signifie "la Maison-du-Pain".

Oui le Christ est notre Sauveur : son pardon nous libère de la culpabilité et son Pain nous offre non la longévité mais l'éternité.

Alors, à la suite de Marie, la mère comblée de grâce, nous pouvons chanter de tout notre c½ur l'hymne de la libération chrétienne :

Mon âme exalte le Seigneur

exulte mon esprit

en Dieu mon Sauveur


Veillée pascale

Auteur: Collin Dominique
Temps liturgique: Triduum pascal
Année liturgique : A, B, C
Année: 2005-2006

Mc 16, 1-8

« Circulez, il n'y a rien à voir ! »

Cette injonction de l'agent adressé aux badeaux avides de sensationnel et de scoop rejoint d'une manière très forte l'invitation du jeune homme en blanc aux femmes venues pour accomplir la toilette mortuaire de Jésus : « Vous cherchez Jésus ? Il n'est plus ici. Allez ! » De fait, il n'y a rien à voir : seulement une pierre énorme qui a été déplacée et qui laisse voir un tombeau. Ce tombeau n'est pas vide, puisqu'il est occupé par un jeune homme, bien vivant vu qu'il parle. Mais ce jeune homme n'est pas le cadavre sensé occupé le lieu. Le cadavre n'est plus là, « il s'est relevé » comme l'explique sobrement le jeune homme. Ce jeune homme n'occupe pas le tombeau en vue d'y fixer une mémoire ou un pèlerinage. Il ne prétend pas y construire un temple ou un sanctuaire. Ce tombeau n'est pas encore le Saint Sépulcre disputé par toutes les différentes Eglises chrétiennes. Les femmes ne sont pas invitées à demeurer là, à garder en ce lieu la mémoire de Jésus.

Non, le jeune homme les pousse dehors en disant : « Allez ! Il vous précède en Galilée ». « Circulez, il n'y a rien à voir », aurait dit l'agent.

Cette même invitation nous est adressée en cette nuit un peu particulière. « Allez ! », nous dit le jeune homme habillé d'une robe blanche (un peu comme un jeune dominicain !), « Jésus vous précède chez vous, dans votre maison, dans votre famille, dans votre c½ur, dans votre vie ». Heureux êtes-vous si vous vous rappelez que le Crucifié n'aime pas les tombeaux ! Et pourtant, il y a tellement de tombeaux dans nos vies : le péché, l'échec, le malheur, l'angoisse et la peur, la solitude et l'incompréhension. Ce sont des lieux vides dans nos vies car ils nous empêchent de vivre toute la mesure de notre liberté et de notre aspiration au bonheur. Ce sont des lieux vides dans nos vies car ils nous empêchent de vivre et de goûter des relations affectives basées sur la confiance et la vérité. Souvent, comme les femmes de l'évangile, nous aimons revenir sur nos lieux vides et y rester en faisant le mort. Faire le deuil est toujours difficile, certains n'arrêtent jamais de reprendre la toilette mortuaire de leurs propres tombeaux... S'apitoyer sur son sort, s'enfermer dans la tristesse ou la colère, dans la méfiance ou le « A quoi bon... » Mille manières de rester dans son tombeau et de ne plus en sortir.

Mais, en cette nuit, un jeune homme nous adresse la parole : « Allez ! Le Crucifié, celui qui a connu tous ces lieux vides de l'échec, de la solitude et de la trahison, est déjà loin !

« Laissez les morts enterrer leurs morts » disait Jésus lui-même. C'est-à-dire, laissez vos lieux vides ouverts, mais n'y retournez pas. La vie, l'amour vous précèdent. Il faut donc aller à sa rencontre dans nos Galilée à nous. La vie, l'amour, la confiance se cueillent dans la surprise, dans la joie d'une rencontre. Le bonheur ne s'accroche pas une fois pour toutes, il relance sa course et nous avec lui. L'amour se meurt s'il demeure enfermé dans la déception ou la tristesse ; il a besoin de se relancer librement dans un avenir qui ne ressemble jamais pour lui à un tombeau. De même, Dieu ne se fixe jamais, il est nomade car il est le Vivant.

N'ayant rien vu, les femmes ont peur, comme nous quand nous demeurons dans nos tombeaux. Ils nous font peur. Et comme les femmes, nous n'en disons rien. C'est normal, on ne parle pas dans les tombes.

Mais, en cette nuit, un jeune homme en blanc nous dit : « Circulez, il n'y a rien à voir ! Ce qu'un jour vous avez déposé une fois pour toutes dans vos tombeaux s'est relevé, plus vivant, plus jeune, porteur d'une espérance et d'une joie nouvelles. Mais Il n'est pas ici.

Veillée pascale

Auteur: Van Aerde Michel
Temps liturgique: Triduum pascal
Année liturgique : A, B, C
Année: 2005-2006

Trois femmes près d'un tombeau, l'honneur du genre humain !

Ron, Ron, Ron, Deux mondes : ceux qui dorment et ceux qui sont debout.

Ron, Ron Pilate, avec ses petites mains bien lavées, dort à poings fermés. Hérode rêve de prophètes revenants. Caïphe ronfle un peu. Les docteurs de la Loi ont leur conscience pour eux. Les disciples font des cauchemars... Mais trois femmes sont debout pour honorer le supplicié. Elles accomplissent rituellement ces gestes d'extrême humanité que tant de femmes ont posés en fidélité à leurs morts, gestes dérisoires et impuissants mais qui disent la tendresse et la mémoire du c½ur.

Elles font ce qu'il faut, jusqu'au bout. Elles n'ont jamais déserté, elles sont suivi à chaque étape le condamné sur son chemin de croix et, ce matin très tôt, les voilà de nouveau. Elles ne craignent pas d'entrer dans le caveau. Pour cela, elles ont traversé la ville, sont sorties par la porte gardée, se sont approchées du lieu d'exécution. L'inquiétude de ces femmes est simplement de pouvoir rouler la pierre d'entrée. Tout est calme jusque là, rien ne bouge apparemment. Mais la porte est ouverte, un message les attend, une mission. C'est alors seulement que la peur les saisit. Elles tremblent soudain et s'enfuient hors d'elles-mêmes, incapables de parler. Que s'est-il passé ?

C'est incommunicable, impossible à exprimer. Le choc est trop inattendu. Elles n'ont pas de mots, pas d'images, pas de concepts, pas de références pour recevoir, situer, partager cet événement totalement nouveau qu'elles vivent brutalement.

Ouverture, absence et envoi ! La pierre roulée, pas de cadavre à honorer, un message à répéter qui renvoie vers les frontières. Pas moyen d'accomplir les gestes prévus. Le message envoie ailleurs. L'événement, en sa source, n'est pas une consolation, encore moins une solution. Il est un vide redoublé : l'absence de vie dans le corps et finalement l'absence de corps. Après la croix, un immense point d'interrogation. Mais c'est un excès de vie. Celui que l'on cherche dedans, est annoncé dehors, à l'horizon, en Galilée, au « carrefour des nations », au c½ur de la mondialisation !

Notre récit est d'une immense discrétion. « Vous cherchez le Crucifié ? Il est Ressuscité ! » « Il n'est pas ici où on l'a mis ». Il n'est pas dans le tombeau, ni dans les concepts des théologiens ni dans les livres de liturgie, ni dans le droit canon, il n'est plus où on l'a mis ! Il est vivant, en liberté ! Alors que faites vous avec moi dans la nuit ? Nous rejoignons, par la foi, trois jeunes femmes essoufflées, le c½ur battant, face à un tombeau ouvert.

La naissance de Jésus d'entre les morts est aussi paisible que celle de Bethléem. Vous aimeriez un feu d'artifice, un grand coup médiatique, un signe convaincant ? De vos adversaires vous attendez qu'ils prennent conscience et qu'au moins ils aient honte ! Mais rien, ou presque : un étonnant calme plat. Aucune revanche, aucune vengeance, pas de représailles. L'amour est vainqueur et il n'est pas rancunier !

Il y a là un respect très curieux du sommeil de Pilate, des hésitations d'Hérode, du décalage des grands prêtres et des jeux stériles des docteurs de la Loi. C'est leur affaire s'ils se prennent au sérieux ! Le pardon est offert gratuitement, en vrac et sans publicité : comprenne qui pourra ! Le reçoive qui voudra, en silencieuse contagion ! « Moi je vous dis : Aimez vos ennemis ! ». Qu'ils aient au moins le monde qu'ils ont choisi ! Leur histoire poursuit son cours, la nôtre aussi mais sur une autre voie, une croix nous a aiguillés ailleurs, radicalement. Dans la création du Père, il y a beaucoup de place et des rythmes variés. Personne n'est obligé de vivre à tombeau ouvert !

Magistrale leçon d'altérité, d'acceptation des différences et même du désaccord ! Comment Dieu pourrait-il créer, sans apprécier le différent, faire surgir du non-dieu, et une liberté qui puisse dérailler, presque inévitablement ? Avec une patience infinie et une brûlante passion, Dieu attend, des siècles, des siècles de siècles, que mûrisse le monde, que lève la vie, que s'éveille la conscience, que l'on commence à parler, à partager, à pardonner, à devenir créateurs, re-créateurs, dieux enfin, comme Lui, avec Lui et en Lui, en vérité !

Cette nuit est la première nuit d'une nouvelle création. Au lever du soleil, allez vous promener dans le jardin du monde neuf ! Regardez les arbres en pleine sève et les petits canetons du parc de Tervueren. Plus loin, sur les chemins de ceux que l'espoir a déçus, que l'amour a blessés, qu'une religion a trahis, glissez vous dans les conversations. Dans les pubs, si vous êtes invités, acceptez d'entrer. Le Ressuscité y est déjà, il vous y attend.

10e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2004-2005

Mt 9, 9-13

 

 

Cela fait maintenant quelques années déjà que je suis en procès avec mes parents. Je les accuse d'avoir quelque peu bâclé le travail de ma conception. Ils auraient quand même pu me faire parfait. Je suis certain que s'ils avaient pris un peu plus de temps, je n'aurais pas aujourd'hui tous les défauts que je dois supporter et que je fais subir aux autres par ailleurs. Puisque mes parents ne voulaient rien entendre des récriminations que je leur imputais, j'ai été dans l'obligation de déposer plainte devant la justice divine. Le pire vient de se produire : le verdict est tombé vendredi dernier et j'ai perdu. Vous vous rendez compte, j'ai perdu alors qu'à mes yeux, ils sont les premiers responsables. Je n'avais pas demandé de naître. La vie, ils me l'ont donnée. En fait, le juge céleste qui doit encore être un de ces grands naïfs existentiels, a estimé tout à fait normal que je sois né imparfait pour que je puisse mieux encore participer à ma propre perfection. Et il a en plus eu le culot de me traiter de pharisien et de me condamner à méditer l'évangile que nous venons d'entendre en m'invitant à prendre plutôt le rôle du publicain dans la vie. On dira ce qu'on voudra, mais avec un jugement pareil, je me dis que « tout fout le camp ». Où est le temps des beaux principes ? Où se situe cette époque où il suffisait de remplir un certain nombre d'obligations et de prescrits pour avoir la conscience tranquille ? Il semble que ce soit avant Jésus Christ, en tout cas avant qu'il ne proclame cette phrase : « C'est la miséricorde que je désire, et non les sacrifices ».

Dieu le Fils n'a que faire de nos actes, de nos sacrifices, de nos aumônes si celles-ci ne s'incarnent pas dans notre être et ne s'inscrivent pas dans l'amour. Nos sacrifices ne peuvent pas être de simples prescrits de lois que nous accomplissons comme s'ils avaient une existence en eux-mêmes. Ils ne peuvent être dissociés de celles et ceux qui les posent. Un geste ou une parole pourra être un manque d'amour pour l'un et un moyen de grandir pour l'autre alors qu'il s'agit du même acte. Nous n'avons pas tous la même destinée à accomplir. Ce qui est toutefois certain, c'est qu'un sacrifice sans amour n'a aucune valeur pour Dieu. Il ne les voit même pas. En effet, tous nos actes s'enracinent dans nos personnalités, c'est-à-dire qu'ils se réalisent à partir de toutes les forces et les faiblesses qui nous composent. Et cette réalité humaine ne semble nullement effrayer le Christ.

Reprenons l'extrait d'évangile : Jésus ne reproche rien à ce publicain qu'il rencontre. Au contraire, il l'appelle à le suivre tel qu'il est car il sait au fond de lui-même que cet homme, tout fautif qu'il puisse être, est beaucoup plus grand aux yeux de Dieu que les actes qu'il commet. Jésus ne se laisse jamais arrêter par les traces de nos manques d'amour, de nos ruptures d'alliance, signes de notre finitude. Il voit d'abord et avant tout le c½ur de l'homme et il sait que ce qu'il trouvera là est quelque chose de beau, de merveilleux : l'humanité de l'être humain dans toute sa divinité. Dieu connaît la condition de ses créatures. Non seulement, il la connaît mais il semble l'apprécier puisqu'il a fait de chacune et de chacun de nous des co-créateurs de sa propre création. Il attend que nous participions de manière responsable non seulement à l'achèvement de sa création mais également à l'accomplissement de notre propre être et ce, non pas par des sacrifices mais par la manière dont nous sommes miséricordieux les uns vis-à-vis des autres. En effet, la miséricorde est indissociable de notre vie de foi.

C'est d'ailleurs ce que chaque frère dominicain demande avant de prononcer ses v½ux lorsqu'il se couche en croix sur le sol. A la question du provincial : « que demandes-tu ? », il répond : « la miséricorde de Dieu et la vôtre ». Non pas seulement celle de son supérieur, mais celle de tous ses frères avec qui il choisit de vivre sa vie. La miséricorde est une qualité proactive. Elle se définit par cette sensibilité que nous pouvons avoir les uns pour les autres vis-à-vis de la finitude de tout être humain. Elle se refuse de condamner et d'enfermer quelqu'un dans un acte et préfère développer une attitude de compassion et de douceur face à la souffrance ou à la blessure. La miséricorde que Dieu attend de nous est une attitude d'humilité car nous reconnaissons que tout homme, toute femme est toujours plus grand que ce qu'il fait et que nous n'aurons jamais la prétention de croire que nous savons pourquoi l'autre a agit de la sorte. La miséricorde est une manière de reconnaître, dans la tendresse, que tout être est également un mystère même si dans la foi, nous avons acquis la conviction que Dieu est plus grand que notre c½ur et il connaît toute chose. De la sorte, à l'image du Livre d'Osée, nous pourrons nous aussi connaître le Seigneur. Amen

 

10e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2004-2005

JE NE SUIS PAS VENU APPELER LES JUSTES

MAIS LES PECHEURS

Après son baptême, Jésus a décidé d'accomplir sa mission dans sa province, dans cette Galilée turbulente, à la frontière des mondes juif et païen. Il a quitté son petit village de Nazareth, trop à l'écart, et a choisi Capharnaüm, au bord du lac, comme centre de ses activités. Il y loge probablement dans la maison de Simon-Pierre mais c'est toujours de façon éphémère car il ne cessera jamais d'être un marcheur, un itinérant. De ville en village, il circule et y proclame l'arrivée du Royaume de Dieu. Il n'exhorte pas les gens à abandonner ce monde mauvais pour aller fonder une communauté dans le désert (idéal des Esséniens de Qûmran) : il leur laisse assumer leurs responsabilités familiales et professionnelles tout en les appelant à écouter la Bonne Nouvelle pour en vivre tout de suite les exigences.

C'est au sein de notre monde, là où nous vivons, là où se mêlent honnêteté et turpitude, que nous avons à annoncer et à vivre la présence du Royaume du Père.

Toutefois Jésus a besoin de collaborateurs immédiats : il a déjà appelé les frères Simon et André, Jacques et Jean, et aujourd'hui nous lisons l'appel du 5ème :

Jésus, sortant de Capharnaüm, vit un homme du nom de Matthieu, assis à son bureau de publicain (collecteur d'impôts). Il lui dit : « Suis-moi ». L'homme se leva et le suivit.

Le scénario est le même que pour les pêcheurs : Jésus voit, appelle et, sur le champ, l'homme laisse là son métier et se met à suivre Jésus. Il ne faut pas s'étonner de cette obéissance immédiate : il est probable que tous ces jeunes ont fait connaissance de Jésus parmi la foule qui se pressait près de Jean-Baptiste et, le pressentant comme le messie, ils répondent immédiatement à son appel. Bientôt ils seront 12 et formeront le groupe des apôtres (cf. dimanche prochain)

C'est pourquoi Jésus apparaîtra toujours comme un de ces rabbins qui marchaient, suivis de leurs disciples. Mais avec des différences. Si des jeunes se présentaient pour devenir élèves, le rabbin choisissait parmi les candidats ; Jésus, lui, prend l'initiative et embauche qui il veut.

La fonction première dans l'Eglise ne devrait-elle pas être l'apostolat itinérant ? Dans une société embourbée dans les ornières du matérialisme (où beaucoup de chrétiens s'enlisent eux aussi), ne faut-il pas une Eglise qui marche, qui entraîne, qui remet en route ?

LA VOCATION DU PÉCHEUR

Mais Matthieu perçoit les taxes au bureau de l'octroi en cette ville frontière de Capharnaüm. Et on sait que ces hommes (appelés ordinairement publicains) sont catalogués comme voleurs car ils trafiquent les comptes et s'enrichissent au détriment de leurs frères. Jamais un rabbin n'aurait accepté Matthieu comme disciple !

Parmi les apôtres, les envoyés qui circulent, proclamant la Bonne Nouvelle. pourquoi n'y aurait-il pas d'anciens pécheurs, des convertis qui feraient comprendre la joie et le prix du changement de vie ?

Serions-nous prêts de les accueillir, de les écouter ?

LE BANQUET DES PECHEURS PARDONNES

Tout heureux de fêter sa vocation, le douanier démissionnaire décide d'organiser un grand repas d'adieu dans sa maison ... si bien que Jésus et ses amis se retrouvent en train de manger et boire à côté de gens bien peu fréquentables !

Beaucoup de publicains et de pécheurs vinrent prendre place avec Jésus et ses disciples. Voyant cela, les pharisiens disaient aux disciples :

Pourquoi votre maître mange-t-il avec les publicains et les pécheurs ?

Jésus avait entendu et il déclara :

Ce ne sont pas les gens bien portants qui ont besoin de médecin mais les malades.

Allez apprendre ce que veut dire cette parole :

« C'est la miséricorde que je désire, et non les sacrifices »

Car je suis venu appeler non pas les justes mais les pécheurs .

C'est chez des gens malades que le médecin accourt et il affronte même le risque de la contagion en cas d'épidémie : a fortiori Jésus se sent tenu de s'approcher de ceux-là qui sont atteints d'une affection beaucoup plus grave, le péché. Pour les pharisiens, le mal est une infraction à une loi ; pour Jésus, il est une infection. Eux jugent, lui, il veut soigner. Au lieu de mépriser des gens maudits et de les menacer de damnation, ne faut-il pas tout faire pour les libérer du mal et tenter de les guérir ? Partager la joie d'un banquet en leur compagnie, ce n'est pas approuver leur conduite mais une façon de leur offrir la miséricorde de Dieu...s'ils consentent à l'accueillir.

Et Jésus de renvoyer ces spécialistes des Ecritures au plus beau verset du prophète Osée qui faisait dire à Dieu :

C'EST LA MISERICORDE QUE JE DESIRE ET NON LES SACRIFICES

( entendez : les sacrifices d'animaux)

Osée vivait dans une Samarie en plein boom économique mais où le luxe des uns côtoyait la misère des autres. Certes les cérémonies fastueuses se succédaient au temple et l'on croyait rendre gloire à Dieu en multipliant des sacrifices d'animaux. Alors Osée se leva pour dénoncer avec violence cette imposture et dévoiler le mensonge d'un culte hypocrite qui ne conduisait pas à une société de droit et de justice.

De même Jésus conteste la dureté de c½ur de croyants appliqués à scruter les Ecritures, à détailler des observances, tout en rejetant les pécheurs. A quoi bon jongler avec des arguties théologiques, aligner des mesures disciplinaires si l'on oublie le but : le salut des pécheurs ?

Matthieu n'était pas « un voleur » : il était un « homme » qui (peut-être) avait été malhonnête. On ne peut confondre péché et pécheur. Sans tolérer l'un, il faut tout entreprendre afin de soigner l'autre.

Une Eglise ne peut se glorifier de son culte si celui-ci n'incite pas ses participants à exercer et à offrir la Miséricorde de Dieu. La joie du repas du Seigneur vient non du luxe mais de la convivialité où l'on partage le pardon de Dieu.

11e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Coulée André
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2004-2005

A entendre cet évangile, l'on croirait presque un extrait d'un journal parlé d'aujourd'hui : tant de gens sont désemparés, les foules sont perplexes sur les possibilités d'emploi, les gens sont fatigués de se battre pour vivre, respirer mieux, manger à sa faim, de chercher un endroit où vivre en paix. Tableaux et images de foules qui ne savent parfois plus à quel saint se vouer ; réaction aussi fréquente de notre part d'une espèce d'impuissance à rectifier ces situations devant lesquelles souvent nous restons assis.

Rien de nouveau sous le soleil, me dira-t-on ! Eh bien si ! Jésus est arrivé ; son attitude est nouvelle : il est d'abord pris aux entrailles ; ce n'est pas simplement de la pitié (mauvaise traduction pour la façon dont nous comprenons aujourd'hui ce mot.) En fait, il ressent cette désespérance dans ses tripes, dirions-nous familièrement. Elle devient sienne, il en souffre comme ces foules.

Il est ému et en même temps mû par ce type de compassion qui fait qu'on ne se contente pas de paroles lénifiantes, mais qu'on fait quelque chose, qu'on bouge en se mettant à côté de ceux qui souffrent : Jésus s'émeut et il se meut. Pas d'analyse théorique, mais il réagit avec son c½ur qui le pousse à agir. Cette situation le provoque et lui rappelle que sa mission est de redonner vie à l'humanité, qu'elle devienne heureuse de vivre et d'aimer : c'est cela le salut.

Tâche immense qu'il ne peut accomplir seul, ni d'une manière uniforme ni en un tour de main : la moisson demande tellement de bras et il y a aussi l'urgence car les gens désemparés sont mûrs pour la moisson, pour accueillir un message d'espérance c'est le moment. Il confie donc cette tâche à une douzaine de ses nombreux disciples : petit noyau de démarrage de la grande aventure d'annonce concrète du règne de Dieu.

Premier noyau dis-je car, en fait, nous sommes tous ENVOYÉS (premier sens du mot apôtre), tous parce que baptisés et ayant ainsi pris sur nous la mission, nous sommes aussi ouvriers et prédicateurs de ce salut, nous y prenons notre part. Car si Jésus leur dit de ne pas aller chez les Samaritains ni les païens, mais d'abord aux brebis perdues d'Israël, aux endormis de son peuple, ce n'est qu'une étape préliminaire et à l'Ascension il confirmera bien d'aller chez tous les peuples, à partir de Jérusalem, puis de Samarie jusqu'aux confins de la terre.

Réaliser les signes du Royaume, qu'est-ce à dire ? La mission, nous dit Jésus, c'est de mettre la main à la pâte et de réaliser ce qu'il a donné comme signes de ce Royaume, devenu proche mais pas encore réalisé Il ne s'agit pas d'abord de parler, de faire la morale, mais de libérer chacun des peurs, des fatigues de la route et de la vie, de guérir des angoisses, de conforter chacun dans ses capacités et dans son espérance pour qu'ensemble nous travaillions à guérir le monde. Jésus lui-même s'est présenté comme un médecin venu d'abord pour les malades. Comme pour tout bon médecin, il ne s'agit pas de guérir des symptômes, mais de guérir des causes de maladie, du mal-être et de la désespérance, d'aller à la racine du mal. Et c'est en ce sens qu'on peut aussi parler des démons personnels ou collectifs à expulser. Ces démons de l'avarice, de l'égoïsme, de la vengeance qui font souffrir et excluent.

Dès lors, comme disciples du Christ, nous devons susciter et soutenir tout ce qui aide à faire vivre ; toute recherche médicale, par exemple, qui permettrait de guérir des foules, mais aussi toute recherche, attitude personnelle ou collective qui permettrait à chacun de travailler et de vivre de son travail, toute recherche de réconciliation et de paix qui ferait en sorte qu'il n'y ait plus de réfugiés et que chacun puisse vivre en harmonie chez soi.

C'est aussi soigner les c½urs brisés. Comment soigner cette femme qui m'a téléphoné il y a deux jours exprimant toute la misère de sa solitude qui conduit à la mort tant physique que morale. Notre spécificité dans ce travail sera sans doute de délivrer les hommes et les femmes de tout égoïsme en faisant vivre, de diverses manières et par un tas d'inventions, la fraternité et le souci du bien-être de tous. Jésus lui-même agissait d'abord avant d'expliquer le sens de son action.

La communauté chrétienne n'est crédible - et donc nous-mêmes nous ne serons témoins de notre foi et du salut en Jésus-Christ - que si nous sentons dans nos entrailles la souffrance de nos proches, de ceux qui nous entourent mais aussi de ceux qui sont loin, en ne formant pas un ghetto des « sauvés ».

Nous ne pouvons oublier que si nous sommes heureux de notre foi et de l'espérance qui est en nous du fait que nous savons où nousallons, nous l'avons reçue : qu'as-tu que tu n'aies reçu ? Ce qui inclut un don gratuit d'abord de Dieu en Jésus-Christ, du Christ lui-même, de nos parents : nous ne pouvons pas monnayer ce don, mais il ne s'épanouira en nous que si nous en offrons la saveur, gratuitement. Tout le monde sait que l'amour ne grandit qu'en se donnant. A mon sens, il n'est pas possible d'être disciple de Jésus si nous n'inspirons pas, en nous impliquant personnellement, des recherches, des gestes, des attitudes qui feront qu'existent ces signes du Royaume dont parle Jésus. Guérir, c'est transformer, éliminer les causes du mal pour vivre tout simplement, réaliser avec le Christ l'essentiel de sa mission, lui qui a dit : « Je suis venu pour qu'ils aient la vie , et la vie en plénitude »Le travail de la moisson nous attend tous, avec pour seul salaire la joie de guérir et de faire vivre.

11e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2004-2005

Toujours courir. Pour aller au boulot, reprendre les gosses à l'école, filer au supermarché, ne pas rater le spectacle « immanquable », foncer sur l'autoroute, partir en vacances, s'enferrer dans les embouteillages. Jamais le temps. Toujours occupés. Quelle vie de dingue ! Quel psy, quel gourou, quel coach nous guérira du stress ? Faut-il la drogue des tranquillisants pour tolérer la drogue de l'activisme ?...

Si le sociologue décrit froidement les mécanismes d'une société de compétitivité donc surexcitée, si l'humoriste en tire des scènes amusantes, Jésus, lui, en pleure presque :

Voyant les foules, Jésus eut pitié d'elles parce qu'elles étaient fatiguées et abattues comme des brebis sans berger.

A trois reprises, Matthieu notera ce regard et ce sentiment de Jésus qui n'a rien d'une pitié condescendante mais correspond à une violente compassion . Car il faudrait traduire plus exactement : « Il fut pris aux entrailles »(cf. encore 14, 14 et 15, 32)

Devant nos agitations de gens désemparés, devant l'homme qui, ne sachant d'où il vient, ignore où il va, devant ces vies remplies mais vides, Jésus souffre, il est ému au plus profond de son être. Il sait qu'il est le Bon Pasteur que le Père a chargé de rassembler l'humanité dans sa Miséricorde. Il use d'une autre image :

La moisson est abondante et les ouvriers peu nombreux ! Priez le maître de la moisson d'envoyer des ouvriers à sa moisson.

Au lieu de prédire une catastrophe imminente, Jésus juge que les temps sont mûrs : il doit réunir, refaire des gerbes avec ces individus séparés. Mais d'emblée, à ses disciples tentés de montrer leur bonne volonté, de s'élancer au c½ur des masses avec générosité, Jésus ordonne : PRIEZ !...

On sait trop en effet à quoi ont abouti des hommes qui voulaient sauver leur peuple et apporter le bonheur : très souvent l'idéal a viré à la dictature ! Remettre l'humanité sur la voie de son accomplissement ne peut se réaliser que par des ouvriers embauchés par Dieu, décidés à lui obéir et à réaliser sa Volonté.

La prière est au point de départ obligé de la mission. Qui n'a pas prié saccagera. Mais qui a prié sans agir n'a pas prié.

LA MISSION DES APOTRES DANS LE MONDE

Le travail est gigantesque. D'abord, parmi la multitude des disciples qui le suivent, Jésus en choisit 12 - puisque Israël était composé à partir de 12 tribus. Ils formeront le groupe des 12 Apôtres, fondement de l'Eglise, collaborateurs directs de sa mission. Et au moment de les envoyer, il leur donne des instructions qui resteront la charte du travail missionnaire.

N'allez pas chez les païens et n'entrez dans aucune ville des Samaritains.

Allez plutôt vers les brebis perdues de la maison d'Israël.

Il faut donc d'abord s'occuper de ses plus proches. Mais on sait que ce projet ne réussira guère. Aussi, à la fin de l'Evangile, Jésus ressuscité dispersera ses apôtres dans le monde entier : « Allez donc : de toutes les nations faites des disciples »(28, 19). Toujours à nouveau il importera de recommencer à annoncer l'Evangile véritable à nos proches (les chrétiens !). Leur résistance forcera à rebondir plus loin. Car on n'arrête pas la course de la Parole.

Sur votre route, proclamez que le Royaume de Dieu est tout proche.

Telle est l'½uvre essentielle que les apôtres ont à réaliser partout et jusqu'à la fin des temps : circuler sans arrêt et répercuter la proclamation qui a été celle de Jésus dès son premier jour de mission : « Convertissez-vous : le Règne de Dieu s'est approché » (4, 17). Pas question donc du règne de l'Eglise, ni des « rois très catholiques », ni d'un clergé, ni d'un parti. Dieu vient, il est sans cesse en train de venir et Jésus a expliqué très clairement les modalités du Royaume qu'il a été chargé d'inaugurer.

Dieu se propose à notre liberté : encore faut-il que celle-ci se convertisse, c'est-à-dire qu'elle renonce à se laisser dominer par des idoles ( argent, orgueil, égoïsme...) et qu'elle se livre à l'amour infini - même s'il faut donner sa vie !

Guérissez les malades, ressuscitez les morts, purifiez les lépreux, chassez les démons.

L'apostolat ne se réduit pas à la prédication, à la théologie, à la piété (ce serait une idéologie, une religion). Le Royaume n'est pas celui des « belles âmes » : il atteint et pénètre l'humanité jusque dans sa chair. Il est et sera toujours, et de façon acharnée, un incessant combat afin de libérer l'humanité de ce qui l'abîme, ce qui l'aliène, la fait souffrir. Un apôtre ment s'il prêche la résignation, l'acceptation du désordre établi. C'est pourquoi, partout où naît l'Eglise de Jésus, surgissent des dispensaires, des écoles, des ateliers, des léproseries.

Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement.

Jésus n'a jamais exigé de contribution de la part de ses disciples et il les a entraînés à vivre aux bons soins de la providence, sans assurance du lendemain. De même, dans la mission qui prolonge celle de leur maître, les Apôtres devront prendre bien garde de ne rien exiger de leurs auditeurs. « On n'achète pas le don gratuit de Dieu », criera saint Pierre (Ac.8, 20) et saint Paul voudra toujours travailler de ses mains plutôt que de demander des secours à ses communautés.

Evangile pour nos évêques ( successeurs des Apôtres, a dit le concile) mais aussi pour tous les chrétiens car nous sommes tous chargés de la mission. Que ressentons-nous devant le désarroi actuel ? Saint Dominique pleurait de compassion devant le malheur des hommes. Le système paroissial autorise-t-il la mission itinérante ? Entend-on une Eglise qui fait la morale ou qui proclame joyeusement la Bonne Nouvelle d'un Dieu qui vient ? Voit-on une Eglise qui compatit aux souffrances et qui fait tout pour panser les plaies des corps et des c½urs ? Apparaît-elle vraiment détachée des puissances de l'argent ?

Décidément l'Evangile nous parlera toujours dans l'actualité. Il débusque notre inertie et nous presse d'agir.

Si d'abord nous avons mal du mal des hommes.

Et si nous prions pour que des ouvriers se rendent disponibles à l'appel de Dieu.

12e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2004-2005
19 juin 2005
  12e dimanche ordinaire (année A) : tu es précieux aux yeux de Dieu
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Mt 10, 26-33

Toutes et tous, du moins je l'espère, ont dans leurs vies des gens précieux à leurs yeux. Alors ce soir, permettez-moi de vous parler de l'un d'eux. Dans mes relations, il fait partie de ceux que j'appelle mes amis. Il n'est sans doute pas très différent des vôtres. Cet ami occupe pourtant une grande place, non pas dans mon agenda, mais dans mon c½ur. J'apprécie chez lui non seulement son sens de l'humour, sa sensibilité mais également sa recherche constante de vérité. Un de mes grands moments de bonheur est de prendre du temps avec lui quoique nous puissions faire. Avec lui, je peux être pleinement moi-même. Je n'ai pas besoin de faire attention à mes paroles, à mes gestes. Je sais qu'il me comprend. Il suffit même parfois d'un simple regard et tout est dit. Dans cette amitié, il y a eu, à un moment donné, une forme d'alchimie qui fait que nos chemins se sont croisés. Grâce à lui, j'ai l'impression de grandir et d'avancer dans la vie. Et si parfois de temps longs nous séparent, ce n'est pas grave car il suffit d'une nouvelle rencontre pour que tout redémarre comme si nous nous étions vus la veille. Tel est le sens de l'amitié.

Tout être humain que nous soyons, nous avons besoin d'aimer et d'être aimés. Nous ne pouvons pas vivre sans relation. Ce sont ces dernières qui font la beauté de nos existences. Nous les recherchons, nous les chérissons car nous aimons cette proximité, cette quête constante de réciprocité. L'autre, être aimé d'amour ou d'amitié, fait partie de ces gens qui donnent sens à nos vies et ce, de par leur simple présence. Il s'agit d'un mystère qui ne peut s'expliquer mais qu'il est tellement bon de vivre. Nous rendons le temps au temps afin de nous investir. Comme le souligne la seconde lecture, l'affection reçue nous affecte tout tendrement. Nos relations sont multiples et nous avons parfois la chance de vivre certaines comme étant belles, fortes et surtout précieuses. Précieuses parce qu'il y a quelque chose qui nous dépasse dans la rencontre. L'être aimé peut combler certains de mes manques, c'est vrai.

Mais la vérité de la relation va au-delà de ce constat. C'est comme si nous vivions quelque chose de sacramentel. Entre nous, il peut exister un tel degré de tendresse, de douceur dans les paroles échangées, que Dieu choisit tout simplement de s'inviter entre nous. Il vient mettre une relation de transcendance au c½ur même de la relation. Nous devenons ainsi par Dieu, l'un pour l'autre, sacrement vivant de la présence divine. Une relation d'amour ou d'amitié n'est pas simplement la superposition de deux êtres. Il s'agit de beaucoup plus que cela. Une véritable rencontre sentimentale se transcende dans la vérité des propos échangés. Elle devient divine par la profondeur de la qualité vécue dans le dialogue, l'écoute et surtout le silence. Et Dieu de son côté, ne peut que se réjouir d'assister à un tel événement car comme le chante l'évangile de ce jour, chacune et chacun, nous sommes également précieux pour Lui qui se dévoile à son tour dans l'intime de notre silence. Nous valons bien plus que tous les moineaux du monde. A raison, nous avons alors à être sans crainte face à notre devenir. Dieu est avec nous. Il nous accompagne. De quelle manière ? En se révélant à nous dans toutes les relations d'amour et d'amitié que nous nous efforçons de vivre et de protéger. Il est là, au c½ur de nos existences. Nous comptons pour lui. Nous sommes précieux aux yeux de Dieu.

Bienheureux sommes-nous de vivre avec une telle espérance, une telle confiance. Jamais la solitude ne pourra nous envahir complètement puisque au plus profond de nous, Dieu a choisi de sommeiller et attend que nous venions à sa rencontre pour l'aimer et le faire exister par nous en ce monde. Nos relations humaines ou divines sont nées de manière mystérieuse. Nous ne pouvons pas les expliquer et c'est tant mieux. Une relation n'est pas une équation mais plutôt une rencontre entre deux êtres ayant chacun leur part d'indicible. Tel est le mystère de la vie qui nous a été donné dès l'instant de notre conception. Et aujourd'hui nous souhaitons également nous souvenir de toutes ces vies que certaines d'entre nous ont porté en elles pendant quelques heures, quelques jours, quelques semaines. Une relation avait commencé. Souvent, de manière inexplicable, elle s'est brutalement terminée. Nous ne savons pas où toutes ces vies se sont envolées avant d'éclore pour l'éternité. Nous ne souhaitons pas les oublier. En signe de leur passage parmi nous et de notre espérance qu'elles poursuivent leur chemin, je vais allumer, à partir du cierge pascal, ces quelques bougies flottant sur les eaux baptismales, signes de notre confiance en ce Dieu qui s'invite dans toutes nos relations d'amour. Amen.

12e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2004-2005

Mt 10, 26-33

L'évangile de ce jour est la suite du discours missionnaire de Jésus à ses apôtres -dont le début a été lu dimanche passé- ...sauf que la liturgie a sauté un passage qu'il faut restituer afin de comprendre la raison de l'exhortation de Jésus. On pourrait donc commencer la lecture par ces quelques versets :

Jésus continua à dire à ses apôtres : " Je vous envoie comme des brebis au milieu des loups...

Prenez garde aux hommes : ils vous livreront aux tribunaux, ils vous flagelleront dans leurs synagogues...

Vous serez traduits devant des gouverneurs et des rois à cause de Moi : ils auront là un témoignage, eux et les païens.

Lorsqu'ils vous livreront, ne vous inquiétez pas de savoir comment parler ou que dire : ce que vous aurez à dire vous sera donné à cette heure-là. Ce n'est pas vous qui parlerez, c'est l'Esprit de votre Père qui parlera en vous...".

Tous les documents du Nouveau Testament -évangiles et lettres apostoliques- préviennent les disciples de Jésus : il ne faut pas croire que l'annonce de la Bonne Nouvelle et de l'Amour de Dieu va susciter l'enthousiasme du monde et attirer la sympathie générale. S'il est des personnes qui feront bon accueil au message, certaines demeureront indifférentes, et même beaucoup d'autres se dresseront violemment contre ! La persécution ne sera jamais un phénomène accidentel : elle constitue presque un test de l'authenticité de l'évangélisation.

Evidemment cette annonce fait peur, elle risque d'arrêter l'élan missionnaire : c'est pourquoi Jésus poursuit par une exhortation pressante, répétée trois fois aujourd'hui : " NE CRAIGNEZ PAS !

Elle est développée en trois points.

1. ON NE PEUT SE TAIRE : IL FAUT PARLER

Ne les craignez pas ! Rien n'est voilé qui ne sera dévoilé, rien n'est secret qui ne sera connu. Ce que je vous dis dans l'ombre, dites-le au grand jour ; ce que vous entendez dans le creux de l'oreille, proclamez-le sur les terrasses.

La Bonne Nouvelle n'a rien d'ésotérique, elle n'est pas un enseignement réservé à des initiés, il n'y a pas des secrets comme l'insinuent des romanciers..... Alors que certains voudraient le cantonner dans la zone privée, l'Evangile ne peut pas être enclos entre les murs des chapelles, il doit impérativement retentir partout et être proposé à toutes les libertés.

Ne nous faudrait-il pas retrouver le courage et l'audace de l'annonce ?

Evidemment si les chrétiens se contentent d'être d'honnêtes citoyens, gentils et bien élevés, si l'Eglise se limite à des ½uvres philanthropiques, les Pouvoirs accepteront des gens qui suppléent à leurs insuffisances, ils leur verseront même des subsides. Mais si, refusant d'être bâillonnée, l'Eglise continue de proclamer que le Règne de Dieu vient par Jésus mort et ressuscité, elle sera espionnée, soupçonnée, menacée.

2. REMPLACER UNE CRAINTE PAR UNE AUTRE

Ne craignez pas ceux qui tuent le corps mais ne peuvent tuer l'âme. Craignez bien plutôt Celui qui peut faire périr âme et corps dans la géhenne.

Est-ce qu'on ne vend pas deux moineaux pour un sou ? Pourtant pas un ne tombe à terre indépendamment de votre Père...

Ne craignez pas : vous valez mieux que tous les moineaux.

On ne se débarrasse pas de la crainte à coup de volonté, par une décision d'héroïsme -d'ailleurs Jésus lui-même n'a-t-il pas connu l'angoisse à Gethsémani et au Calvaire ?... Ce qu'il faut, c'est que la crainte de Dieu - qui est respect de sa personne, souci passionné de sa volonté, amour filial - soit plus forte que l'appréhension, normale, devant la haine et la perspective de la souffrance.

Tout disciple de Jésus doit être convaincu de sa valeur unique aux yeux de son Père du ciel : il peut donc s'abandonner avec confiance entre ses mains. Quelles que soient les menaces, il doit être "prêt à justifier notre espérance devant ceux qui lui en demandent des comptes"( 1 Pi 3, 15). Saint Pierre qui écrit cela a pourtant fait l'expérience de sa faiblesse et de sa lâcheté lors de l'arrestation et de l'interrogatoire de son Maître. Mais il a pu ensuite se jeter en pleurant aux pieds de son Seigneur qui ne lui ménageait pas son pardon.

JESUS, AVOCAT DE CEUX QUI L'AURONT DEFENDU

Quiconque se déclarera pour moi devant les hommes, je me déclarerai pour lui devant mon Père aux cieux.

Mais quiconque me reniera devant les hommes, je le renierai moi aussi devant mon Père aux cieux.

A travers l'histoire, l'Eglise est responsable de la Vérité du Christ et de la réalisation de son projet d'amour. Dans la faiblesse, nous sommes ses témoins. Cette mission peut nous coûter cher. La Croix demeure le signe de l'âpreté du combat, de la colère et de la haine de certains.

Mais le condamné du Golgotha a été glorifié par son Père : son sang est puissance d'intercession pour ceux et celles qui l'auront défendu sur la terre. Comme la charité, la mission assure le pardon de la multitude des péchés.

" Heureux ceux qui ont lavé leurs robes dans le sang de l'Agneau" proclamera l'Apocalypse ( 7, 14).

N'AYEZ PAS PEUR !

En octobre 1978, le nouveau pape Jean-Paul II, sur la place St Pierre, lançait à la foule étonnée le cri qui allait devenir célèbre : " N'ayez pas peur !". Cet appel fut immédiatement compris par les ouvriers polonais auxquels il le redira lors de son premier voyage dans son pays l'année suivante.

Non, il ne fallait pas courber l'échine : on pouvait, on devait se dresser contre un régime totalitaire. Ce fut le point de départ d'un processus qui allait aboutir à l'écroulement du communisme.

Quels murs se dressent aujourd'hui entre les hommes et les peuples ? Les puissances oppressantes sont-elles fortes de leur organisation ou de nos craintes accumulées ?

En affrontant les épreuves, le chrétien se découvre fils d'un Père à qui il peut se remettre entièrement ; il s'étonne d'énoncer un message que lui souffle l'Esprit ; et il reste confiant que le Crucifié sera son avocat.

Dans les périls de l'apostolat, le disciple découvre en quel Dieu il croit.

13e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Materne Pierre-Yves
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2004-2005

« J'accueille et je transforme en joie ». C'est une petite phrase souvent employée par un frère dominicain que j'ai côtoyé au cours de mes années passées en France. Il aimait dire cela devant des petites interpellations qui ne faisaient pas spécialement plaisir. Peut-être même ai-je été une fois ou l'autre à la base de cette réaction. Evidemment, il ne disait pas cela sur le mode de la gravité mais plutôt sur le ton de la boutade.

Accueillir une personne ou un événement n'est pas nécessairement une partie de plaisir et il faut donc pouvoir « transformer » le sens de l'accueil. Si vous recevez chez vous votre meilleur ami, c'est une joie sans réserve. Par contre, si vous recevez à l'improviste une personne qui ne vous est pas spécialement sympathique, le contrôleur des contributions par exemple, la joie n'irradiera pas forcément votre visage.

Celui qui aime doit aussi de temps en temps accepter des choses moins agréables. Dans une relation, deux personnes s'accueillent en vérité si elles s'accueillent en totalité. Autrement dit, il y a les qualités qui font plaisir mais il y a aussi les petits travers qui vont avec. Pouvoir accepter l'autre tel qu'il est demande une certaine dose de bonne volonté. Un des enjeux de l'accompagnement pastoral ou spirituel est de donner à la personne la conviction que Dieu l'aime telle qu'elle est, avec ses ombres et ses lumières. Dieu ne nous aime pas parce que nous serions comme ceci ou comme cela. Il n'attend pas que nous adhérions à cent pourcent au catéchisme de l'Eglise catholique pour nous prendre sous son aile. Dieu, tel qu'il nous a été annoncé par Jésus, aime et accueille sans condition. Il nous aime non pas à cause de nos qualités mais pour que nous devenions à la fois nous-mêmes et nous faire grandir. Pour cela, on a d'abord besoin de se sentir accepté tel quel.

Nous sommes aujourd'hui appelés à accueillir à la façon de Dieu, comme Jésus nous l'a montré. Le Christ a accepté chaque personne pour l'aider à devenir meilleure. Tantôt, il a accueilli Matthieu dans son équipe d'apôtre (tiens un collecteur d'impôts !). Tantôt, il a accueilli une prostituée. Chaque fois, c'est un accueil qui condit à un nouveau dépassement, Le collecteur d'impôts devient un prédicateur respecté alors qu'il était un agent de l'Empire détesté. Marie-Madeleine, dont la vie sentimentale était tumultueuse, devient une femme fidèle et le premier témoin de la Résurrection.

Nous-mêmes sommes accueillis par Dieu tel que nous sommes, avec nos forces et nos fragilités. Chacun est unique aux yeux du Père. Nous avons du prix à ses yeux nous dit la Bible. Cependant, nous pouvons avoir du mal à accueillir cet amour divin. Devant quelqu'un qui est accepte des faiblesses que moi-même je refuse d'accepter, il peut y avoir un certain malaise. Or, c'est pourtant sur ce chemin d'ouverture que se trouve la vraie vie. Il n'y a pas de honte devant Dieu. En accueillant le regard fort et aimant de Dieu, nous avancerons toujours plus dans l'acceptation de qui nous sommes et dans l'acceptation des autres tels qu'ils sont. La certitude d'avoir quelqu'un au moins qui nous connaît très bien et qui nous aime totalement peut nous libérer de nos doutes. Dieu est là pour cela !

A notre tour, en donnant au autres le sentiment qu'ils sont aimés de Dieu, nous aurons mis en pratique la parole de Jésus. Ouvrir sa porte, celle de sa maison comme celle de son c½ur, est un geste qui n'est pas anodin. C'est un acte d'hospitalité qui donne à l'autre de se sentir vivre et reconnu dans son humanité. Evidemment, une prudence s'avère toujours nécessaire. Ouvrir la porte de son c½ur prend du temps et de le confiance. Nous sommes parfois comme des huîtres, tellement sensibles que l'attitude un peu brusque de l'autre peut nous refermer très vite. Et il peut être salutaire de pouvoir se protéger. C'est pourquoi, outre la patience et la confiance, je dirais que la délicatesse fait partie de l'art de l'accueil. Je dois être délicat face à celui ou celle qui vient chez moi mais la réciproque est également vraie. L'accueil est donc un art partagé ! De toute manière, mettre en ½uvre un accueil inconditionnel à la suite de Jésus demande qu'on prenne quelques risques et qu'on soit vrai avec nous-mêmes. Autrement dit, celui qui accueille perd sa vie, c'est-à-dire perd un peu de son confort et de sa quiétude, mais il gardera sa vie et sa dignité d'enfant de Dieu. Alors, l'accueil deviendra spontanément joie, une joie à la fois intérieure et communicative. Amen.