25e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Materne Pierre-Yves
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2004-2005

Si Dieu était un patron d'entreprise, il aurait contre lui tous les syndicats du monde ! En effet, un patron qui donne le même salaire à celui qui a travaillé huit heures et à celui qui a travaillé une heure n'est pas juste. Mais en même temps, ne voyons-nous pas qu'il cherche à donner du travail à tout le monde, même à ceux qui n'ont pas encore été engagés par d'autres patrons.

Pour bien comprendre la parole de Jésus, il ne faut pas perdre de vue qu'il parle du Royaume de Dieu. En voulant mettre tout le monde dans le coup, Dieu cherche à ce que personne ne soit tenu à l'écart de son Royaume de paix et d'amour. Il y a ceux qui se présentent à la première heure, ce sont les plus pressés de collaborer au Royaume, ceux qui ont eu la chance d'avoir compris très tôt l'importance de travailler pour le Royaume. Au temps de Jésus, les juifs qui se convertissaient avaient déjà une certaine perception de Dieu comme puissance de paix et d'amour. Mais il y a ceux qui mettent du temps à comprendre ce qu'est le Royaume. Jésus était accueillant envers les païens qui se convertissaient, bien que ceux-ci n'avaient probablement pas la moindre idée de ce qu'il fallait entendre par le règne de Dieu. Ils mettaient du temps à prendre part à la mission de Jésus. Mais, dans les deux cas, pour les premiers comme pour les derniers, Dieu veut tout donner gratuitement. Il donne la même chose à chaque ouvrier parce que il donne le maximum à chacun. Il ne tient pas compte de la rapidité avec laquelle les gens se sont engagés dans le Royaume, ce qui compte c'est la décision d'y prendre part, même à la dernière heure. Tous ceux qui se mettent au service du règne de justice et de paix reçoivent toute la vie de Dieu, en abondance.

Aux yeux de Dieu, il n'y a pas de premier et de dernier. D'une certaine façon, il n'y a que des premiers. C'est nous qui classons les personnes en fonction de leurs prestations. La logique de Dieu n'est évidemment pas celle de notre justice humaine, il s'agit d'une logique de surabondance. Le prophète a donc raison de dire que les pensées de Dieu ne sont pas nos pensées et que nos chemins ne sont pas nos chemins. Dieu offre son Royaume à sa manière, même si cela nous heurte.

Evitons de nous croire trop vite parmi les ouvriers du Père qui attendent une récompense. Nous risquons parfois de réagir comme des travailleurs matinaux, c'est-à-dire avec un mauvais ½il. Nous ne connaissons rien de la vie intime des autres, de leur progression dans la foi et l'amour. Quelqu'un peut changer tout d'un coup sans qu'on s'y attende. Même si on juge un arbre à ses fruits, il est indispensable de garder à l'esprit que Dieu seul est juge et que nos critères de justice ne sont pas les critères du Père. Ceci nous invite à la prudence et à une certaine humilité. Je dois me préoccuper du règne de justice et de paix qui vient de Dieu comme d'un travail qui me rend heureux et qui contribue au bien de tous. Si d'autres me rejoignent sur cette route, je me réjoui et je remercie Dieu de les avoir appelé.

Dieu n'est pas un PDG mais un Père qui déborde de joie lorsque quelqu'un saisit son appel et décide d'entrer dans le projet de son amour pour l'humanité. Dieu cherche sans cesse à se communiquer à ceux qui acceptent de prendre part à l'aventure de la construction de son Royaume de justice et de paix. L'ouvrier du Royaume trouve alors ce qui le comble : un amour infini et gratuit.

26e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Coulée André
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2004-2005

Que voilà une parabole simple, facile à comprendre : n'importe quel enfant pourrait y répondre : 10 sur 10, le maximum. Mais la conclusion qu'apporte l'évangéliste, ça alors, c'est un peu fort de café : prostituées, publicains, tous ces gens catégorisés comme pécheurs, les voilà au ciel avant nous. Un tel saut de registre pourrait choquer sauf si, comme dit Ezechiel, nous acceptons une bonne fois de modeler nos pensées sur celles de Dieu., d'aimer comme Dieu aime.

C'est d'abord un amour qui permet de dire NON, sans recevoir une claque pour autant, en faisant confiance à la capacité de chacun de réfléchir ; un amour qui rend libre d'aimer en retour : on est passé de l'esclavage de la loi à la liberté apportée par Jésus de choisir Dieu.

Et si liberté il y a, elle demande de faire la vérité en soi-même, avec soi-même. Tout simplement pour faire accorder nos actes avec nos paroles. Nos paroles ne sont jamais anodines, car elles nous mettent en relation avec les autres, et dès lors si nous voulons que cette relation soit vraie, nos actes doivent être en conformité avec ce que nous disons de nous-mêmes. Rappelez-vous ce que nous dit Jésus : « ce n'est pas celui qui dit Seigneur, Seigneur qui sera sauvé, mais celui qui met en pratique la parole de Dieu. »

Mais nous sommes surtout invités à découvrir la vérité de l'autre derrière ses attitudes qui parfois nous choquent. ; à chercher à comprendre les valeurs réelles de sa vie sous des dehors parfois apparemment inconciliables avec le désir de Dieu. Si nous reprenons l'épisode de celle que les on-dit de la ville appelaient la pécheresse lorsque Jésus rendit visite à Simon, pharisien important de la cité, à Simon qui s'étonnait de la gentillesse miséricordieuse de Jésus envers elle, Jésus laisse clairement entendre en le mettant devant sa propre vérité : toi, tu fais tout ce que la loi dit de faire, mais tu ne m'as pas versé d'eau sur les pieds à mon arrivée, tu ne m'as pas donné un baiser de bienvenue, tu n'as pas répandu d'huile sur ma tête, mais elle a fait bien davantage, et surtout avec beaucoup d'amour.

Même si sa vie à elle apparaissait comme un non à la loi, elle aimait comme elle pouvait aimait, à sa façon, et surtout en vérité. Les pensées de Dieu scrutent le c½ur des gens, leur propre vérité, leur vie en vérité. J'ai connu des jeunes filles en Afrique qui aux yeux des gens s'adonnaient à la prostitution, mais simplement parce qu'elles aimaient leur petit frère ou petite s½ur et qu'elles voulaient pouvoir payer leur scolarité, ou sauver leurs parents de la misère, non pour elles-mêmes. Certaines se sacrifiaient vraiment en faisant un métier qu'elles n'aimaient pas. Qui aime le mieux ? On peut, sans vouloir tout justifier, se poser la question.

Nous sommes conviés à ne pas juger sur les paroles, mais à essayer de comprendre les autres, d'avoir un regard de bonté, de miséricorde et de confiance, en la possibilité de chacun de faire la vérité en soi. Ainsi donc, nous somme invités à être humbles, c'est-à-dire vrai avec nous-mêmes, - et c'est cela le début de la conversion -, et dès lors à mettre nos actes en conformité avec nos paroles, afin d'être aussi en vérité avec les autres.

Cette même humilité dans la vérité nous aidera alors à comprendre les autres, sans les juger sur les apparences, en essayant d'avoir pour eux les pensées de Dieu, d'oser le regard de Dieu.

26e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Arnould Alain
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2004-2005

 

Le dimanche 22 août 2005, la Nouvelle Orléans était une ville bien organisée. On y trouvait de tout dans les magasins, l'électricité fonctionnait normalement et en ce premier jour de la semaine, les habitants, des gens comme vous et moi, se rendaient à la messe et aux offices religieux pour y entendre les prêtres et pasteurs leur rappeler l'essentiel du message chrétien : aimez Dieu et aimez votre prochain. Et les habitants de la Nouvelle Orléans ont écouté ce message qui a retenti depuis trois siècles dans la ville et qui a inscrit son empreinte dans sa culture. Une culture marquée par les influences du monde francophone, anglophone et hispanophone, toutes les trois portées par une colonne vertébrale chrétienne. Dans le gospel qu'elle a vu naître, cette ville exprimait avec tant d'émotion le message chrétien d'espérance et de liberté. Let my people go... Les habitants de la Nouvelle Orléans se disaient qu'ils iraient à la vigne !

Mais quand le 29 août le cyclone Katrina est passé par là et que les digues n'ont pas pu retenir les flots qui engloutirent la ville, ce ne sont pas seulement des vies humaines et des bâtiments qui sont anéantis. Il y a aussi une culture qui est détruite. Les repères ne sont plus là, les structures ont disparu et brutalement cela suffit pour que l'homme devienne une bête : il se met à piller, violer, n'hésite pas à remplir sa voiture d'objets plutôt que de proposer à la voisine âgée de l'accompagner pour fuir. Beaucoup d'habitants de la Nouvelle Orléans, heureusement pas tous, ne sont finalement pas allés à la vigne...

Ne montrons pas du doigt les malheureux habitants de la Nouvelle Orléans, ni les populations du Burundi, du Rwanda, de l'ancienne Yougoslavie qui se sont soudainement montrés cruels envers leur prochain. N'oublions pas les actes de barbarisme dont notre pays a pu être le témoin. N'oublions pas les automobilistes au-dessus de tout soupçon qui soudainement perdent tout sens de politesse et insultent leur collègue des pires maux à cause d'une ridicule griffe ou d'une place de parking. Il suffit de peu de chose pour que la couche de vernis de notre civilisation s'évapore et que nous nous conduisons comme des bêtes, sans morale, sans valeurs.

Dans la pièce de théâtre Fabbrica, qu'en décembre vous pourrez aller admirer au théâtre de Namur, l'auteur italien Asciano Celestini fait dire à trois reprises au personnage principal : la différence entre l'homme et la bête n'est que de l'épaisseur d'une allumette. C'est hélas trop vrai : pour les habitants de la Nouvelle Orléans et pour les belges. Nous disons que nous sommes prêts à aller à la vigne, mais sommes-nous vraiment déterminés à y aller en toute circonstance ?

Comment prévenir une telle érosion brutale de la civilisation ? Comment, comme chrétiens, endiguer le processus que Timoty Garton Ash appelle 'décivilisation' ? (DS 08/09/05) Je me permettrai de vous proposer trois attitudes :

o Veiller : ne jamais oublier que rien n'est définitivement acquis. Soixante ans de paix et de prospérité peuvent créer l'illusion que ce sont des acquits définitifs. Rien n'est plus illusoire. Notre civilisation européenne de 2005 ne pourrait-elle pas elle aussi devenir un colosse aux pieds d'argile ? Soyons conscients de la fragilité de toute construction humaine.

o S'en référer à l'exemple du Christ, victime innocente d'un processus de 'décivilisation'. L'exhortation de Saint Paul que nous venons d'entendre n'est pas un luxe, même pour nous qui sommes des habitués de la messe du dimanche. Ayons entre nous les dispositions que nous devons avoir dans le Christ Jésus (Phil 2,5). Si nous sommes convaincus que nos valeurs prennent racine dans le Christ, qu'elles ne se conjuguent pas sans référence au Christ, notre conscience morale devrait pouvoir résister aux assauts des événements qui minent nos liens avec Dieu et avec et notre prochain.

o S'engager pour tout ce qui construit et nourrit la culture qui soutienne les valeurs que le Christ nous a transmises. C'est ce que le dimanche des médias veut nous rappeler, c'est ce que fait depuis vingt ans, le Centre Religieux d'Info & d'Analyse de la Bande Dessinée. Les médias et les arts sont des outils de communication, ils nous mettent en lien, ils nous sortent de notre petit enclos individuel. Ils ont le potentiel de travailler notre culture en profondeur. C'est pour cela qu'il est important que des chrétiens soient engagés dans le monde des médias, des arts et de la culture, que ce soit au niveau professionnel ou par le biais d'associations. C'est dans la mesure où nous investirons aujourd'hui et ici dans la construction d'une culture qui soude des liens de charité entre les hommes, que nous nous préserverons de barbarisme.

Quand les repères disparaissent, c'est peut-être alors que l'on reconnaît les hommes et les femmes qui iront vraiment à la vigne. L'histoire est heureusement ponctuée d'hommes et de femmes qui, jusqu'au bout, souvent dans des circonstances épouvantables, ont tenu bon et ont donné leur vie par souci du prochain. Notre tradition chrétienne en compte bon nombre. Quand les repères se font vague, serons-nous tel un Maximilien Kolbe prêt à aller à la vigne et à donner notre vie ou serons-nous à la place de son exécuteur parce que nous n'avons pas trouvé la force de rompre l'engrenage de la 'décivilisation' ? Comme chrétiens, nous sommes habités par la conviction que c'est la présence constante de Dieu à nos côtés, qui nous invite à rejoindre la vigne et qui nous donnera la force d'y travailler. Il nous reste à répondre à son invitation. Que notre oui soit un vrai oui !

27e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Materne Pierre-Yves
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2004-2005

 

Vous est-il parfois arrivé d'être rejeté par quelqu'un ou par tout un groupe ? Pour avoir fait l'expérience, je peux dire que c'est douloureux. Cela fait mal de ne pas être reconnue à sa juste valeur. Cela fait plus mal encore quand on ne s'attendait pas à cette réaction. A partir de cette réalité, nous pouvons avoir une petite idée de ce que Jésus a ressenti en étant rejeté par toute une foule en colère alors que lui-même travaillait à la réconciliation des personnes par-delà leurs différences culturelles, religieuses ou sociales. Alors que le Christ offre son amour et sa vie aux autres, il est traité comme un moins que rien. C'est surtout cela que la parabole des vignerons homicides essaie de nous faire comprendre.

Dès avant sa venue, le Seigneur avait envoyé des messagers pour annoncer un temps de paix et de justice. Hélas, les prophètes n'ont pas été écoutés, ils étaient mêmes rejetés par les bien-pensants. Le message était rude en effet : changer son c½ur de pierre en c½ur de chair, renoncer aux sacrifices rituels pour exercer concrètement la justice et la miséricorde, prendre soin du plus faible...Chaque fois que Dieu voulait prendre soin de sa vigne, de son peuple, il se voyait rejeté par une foule de gens. Dieu se montrait néanmoins patient devant la lenteur de l'humain. Mais il ne s'est pas limité à attendre, il a envoyé son propre Fils pour inviter les femmes et les hommes à vivre selon la conduite de l'amour et du partage. Dans sa tendresse, le Seigneur du ciel et de la terre a exposé sa propre humanité, prenant le risque d'un rejet total et violent. En venant à la rencontre du peuple, Jésus s'est mis à la portée de chacun et de chacune, refusant toujours de condamner, appelant sans cesse à redresser la tête devant les difficultés de la vie. Comment a-t-il été accueilli ? Très mal : Un procès inéquitable, une exécution lâche et sommaire.

Les autorités pensaient en finir ainsi avec l'affaire Jésus de Nazareth. C'était oublier que tout le monde n'avait pas rejeté le Christ. Une minorité de croyants formera rapidement la première église. Les chrétiens n'ont jamais cessé et ne cesseront pas de rappeler l'essentiel du message de Jésus. Cela n'aurait sans doute pas été possible sans la victoire de la Résurrection. En effet, Jésus n'est pas resté la victime de la violence. Il a inauguré le règne de l'amour qui ne finira jamais. Tel est bien notre héritage. Nous sommes les héritiers d'un message exigeant et exaltant. La violence, la fatalité, la souffrance n'ont pas le dernier mot. Dieu ne nous envoie pas de telles tuiles pour nous éprouver. Il nous garantit que ces tuiles ne sont pas la fin de tout et qu'une espérance demeure possible si nous faisons confiance au « Crucifié-Ressuscité ». Le Christ, pour avoir lui-même souffert, devient le médecin ultime qui nous accompagne dans nos souffrances et qui porte nos fardeaux avec nous.

 

27e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2004-2005

Puis-je vous inviter à imaginer la situation cocasse suivante : tout à coup, chacune et chacun d'entre vous êtes pris d'un désir immense de m'offrir un cadeau. Comme vous souhaitez que celui-ci me plaise, vous vous renseignez sur mes goûts, sur ce que je n'ai pas encore. Au terme de cette recherche, vous prenez ensuite le temps d'aller dans un magasin pour acheter ce que vous avez choisi de m'offrir. Et tout heureux de cet achat, vous venez vers moi avec votre cadeau. Vous me l'offrez et je vous remercie chaleureusement et je vous montre à quel point je suis touché de cette attention. Devant vous, je l'ouvre et je me réjouis de ce que je viens de recevoir. Puis, soudainement, je prends votre cadeau et je le remets à la personne qui se trouvait à côté de moi et que vous ne connaissez même pas en lui disant : « regarde ce que je viens de recevoir, c'est un cadeau merveilleux. Je l'aime tellement qu'en signe d'amitié, je te le donne ». Vous risquez, non seulement d'être ébahis de mon geste, mais sans doute aussi un peu déçus. Vous aviez tellement réfléchi et pris votre temps et voilà que ce cadeau ne reste pas plus de quelques secondes entre mes mains. Pourtant, puisque vous me l'avez donné, il est à moi. J'en fais donc ce que je veux. Vous ne pouvez pas le reprendre. Comme le souligne l'adage : « donner, c'est donner ; reprendre, c'est voler ». Je n'aurais donc pas de compte à vous rendre. Rationnellement sans doute, émotionnellement, je crois que c'est plus compliqué car entre le donneur et celui qui reçoit, il existe une relation. Tout cela n'est pas neutre. Dépenser beaucoup pour quelqu'un que nous aimons, nous dérange souvent moins que dépenser peu pour un cadeau d'obligation. La valeur mise dans l'objet dépend souvent de l'intensité de nos sentiments.

S'il en est ainsi pour nous, qu'en est-il de Dieu ? Lui aussi nous a offert quelque chose de merveilleux : la Création, la possibilité d'offrir la vie et ensuite de la vivre pleinement, intensément. Et Dieu semble tellement aimer ce qu'il nous a donné, qu'il met tout en ½uvre pour que son bien soit protégé au mieux en l'entourant d'une clôture, en y creusant un pressoir et en y bâtissant une tour de garde. Non seulement, il nous fait don de cette vie reçue mais il cherche à nous offrir le meilleur environnement possible pour que nous puissions à notre tour porter des fruits. Nous pourrions, à son égard, attendre que puisqu'il nous a donné tout cela, au nom de notre liberté personnelle, nous en fassions ce que nous voulons. Cela nous appartient maintenant et lui n'a plus qu'à se retirer sur la pointe des pieds. Un peu comme lorsque le facteur nous apporte notre courrier le matin. Il le dépose et puis, il poursuit sa route car il a accomplit son devoir.

Une différence cependant existe, la Création et la Vie ne sont pas des dons instantanés ; ils sont plutôt continus. Chaque seconde de temps m'est donné à vivre tant que je vis. Puisque ces dons sont continus, Dieu ne cesse d'être à nos côtés et à nous accompagner dans l'Esprit Saint pour que nous prenions soin de ce que nous avons reçu. C'est aussi simple que cela mais pour le comprendre, cela nécessite que nous aussi nous soyons ou nous entrions en relation avec le Père, que nous acceptions que Dieu n'est pas simplement une entité qui a donné quelque chose puis qui s'en est allé vaguer à ses propres occupations sans se soucier de ce qu'il nous a laissé. Dès l'instant de la création de l'humanité, le Père et le Fils dans l'Esprit cherchent à entrer en relation avec nous. Une relation qui se transcende dans nos relations d'amour et d'amitié vécues en vérité. Une relation qui se dévoile au plus intime de notre intime dans la prière qui est cette conversation avec Dieu en qui nous posons nos préoccupations, nos joies et nos bonheurs. Dieu nous a donné quelque chose de merveilleux et il souhaite que nous en profitions. Il est devenu la pierre angulaire de nos vies. C'est cela l'½uvre du Seigneur, une merveille sous nos yeux.

Il est vrai que la vie nous surprend parfois et nous sommes alors confrontés à l'expérience de la souffrance physique, mentale ou encore émotionnelle. Nous nous sentons intimement lier à celle-ci comme si le « je pense donc je suis » de Descartes était devenu en nous « je souffre donc je suis ». Dieu ne veut pas notre souffrance, il ne nous l'impose pas comme une punition ou un chemin vers Lui. Elle est la conséquence pour certains de notre nature humaine faillible, pour d'autres de nos histoires personnelles blessées. Et, le Père vient surgir au c½ur de cette réalité en nous proposant un sacrement de la vie, un sacrement où l'Esprit se donne à celles et ceux qui le souhaitent pour les aider à traverser ce qui est actuellement lourd et douloureux à vivre. Le sacrement des malades qui va être donné dans quelques instants est ce sacrement de l'humilité où nous laissons Dieu venir en nous pour qu'il nous accompagne sur notre chemin de vie. Que celles et ceux qui souhaitent le vivre s'avancent pendant que la communauté ici présente les porte dans sa prière. Amen.

27e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2004-2005

A l'approche de la grande fête de la Pâque, Jésus, comme d'habitude, est monté à Jérusalem avec ses disciples mais, cette année-là, au lieu de rester un simple pèlerin qui suit les cérémonies, il se révèle comme un prophète virulent qui dénonce les dysfonctionnements du système religieux organisé autour du Temple.

D'emblée, par trois paraboles, il critique l'hypocrisie des grands dignitaires : après celle des deux fils, voici aujourd'hui celle des Vignerons homicides dont le thème est repris du prophète Isaïe.

LA PARABOLE DE LA VIGNE DE DIEU

( 1ère lecture)

 

Au 8ème siècle avant notre ère, le Proche-Orient avait connu une longue période de paix : les affaires prospéraient, des fortunes s'édifiaient...mais la fracture sociale s'élargissait entre le luxe de certains et la masse des pauvres. Au nom de Dieu, Isaïe se dressa pour dénoncer l'injustice. Non que l'on n'ait pas le droit de réussir en affaires. Non que tout le monde doive gagner la même chose. Non qu'il faille encourager la paresse et décourager l'esprit d'entreprise. Mais le peuple qui a conclu une alliance avec Dieu doit impérativement appliquer sa Loi basée sur l'amour de Dieu et l'amour du prochain - ce qui entraîne le soutien avec les plus démunis...et sans se satisfaire des splendeurs du culte !!....

Isaïe compare Israël à une vigne dont Dieu, le propriétaire, attend de bons fruits : or elle ne donne que de mauvais raisins :

Dieu en attendait le droit et c'est l'iniquité ;

il en attendait la justice et ce sont des cris de détresse

LA PARABOLE DES VIGNERONS

Jésus reprend l'idée d'Isaïe mais il la développe en une longue allégorie de l'histoire.

Un homme était propriétaire d'un domaine ; il y planta une vigne, l'entoura d'une clôture et y bâtit une tour de garde..

Puis il la donna en fermage à des vignerons et partit en voyage.

Quand arriva le moment de la vendange, il envoya ses serviteurs auprès des vignerons pour se faire remettre le produit de la vigne. Mais les vignerons se saisirent des serviteurs, frappèrent l'un, tuèrent l'autre, lapidèrent le 3ème. De nouveau, le propriétaire envoya d'autres serviteurs, plus nombreux que les premiers, mais ils furent traités de la même façon

Si Dieu a libéré les Hébreux de l'esclavage en Egypte et les a installés sur une terre, c'est bien pour qu'ils vivent selon sa Loi d'amour, de solidarité, de partage. Ces fruits constituent une exigence de la grâce reçue et les dirigeants - rois, conseils d'Anciens, prêtres, théologiens- sont responsables de la mise en application des commandements en vue d'une vie de fidélité et d'obéissance. Or ils manquent à leur mission.

C'est pourquoi périodiquement Dieu envoie des prophètes pour rappeler ses préceptes et les engagements pris, dénoncer les dérives, redresser la vie sociale. Hélas, sans cesse la Bible rapporte que ces hommes se heurtent à une résistance opiniâtre et se voient repoussés et combattus.

Finalement il leur envoya son fils en se disant : " Ils respecteront mon fils". Mais voyant le fils, les vignerons se dirent : " Voici l'héritier : allons-y, tuons-le, nous aurons l'héritage".

Ils se saisirent de lui, le jetèrent hors de la vigne et le tuèrent !

En dernier lieu, Jésus vient dans la lignée des prophètes, il assume et prolonge leur mission mais il est un personnage exceptionnel : LE FILS - donc quelqu'un = dont on peut être sûr qu'il transmet exactement la Volonté de son Père. Mais lui aussi sera rejeté. Jésus sait ce qui l'attend : à plusieurs reprises, sur le chemin de Jérusalem, il l'a dit aux apôtres.

En interactivité, Jésus prie ses interlocuteurs de donner leur avis :

Eh bien ! quand le maître de la vigne viendra, que fera-t-il à ces vignerons ?". Ils lui répondent : " Ces misérables, il les fera périr misérablement. Il donnera la vigne en fermage à d'autres vignerons qui en remettront le produit en temps voulu.

Lorsque Matthieu rédige son évangile dans les années 80, on est encore sous le choc de la récente tragédie : Israël s'est soulevé contre l'occupant romain mais, après une guerre atroce, en 70, Rome a pris Jérusalem, l'a détruite ainsi que son temple tout neuf. Les chrétiens voient dans cet événement le châtiment du meurtre de Jésus. Ce n'est pas Dieu qui a châtié la ville mais puisqu'elle n'a pas voulu accepter de se convertir au programme des Béatitudes, puisque l'on a opté pour Barabbas (partisan de la violence) contre Jésus le non-violent, n'était-il pas fatal que la catastrophe survienne ? Jésus l'avait prévue et il en a pleuré.

Jésus leur dit : N'avez-vous jamais lu dans les Ecritures :.

"La pierre qu'ont rejetée les bâtisseurs est devenue la pierre angulaire. C'est là l'½uvre du Seigneur, un merveille sous nos yeux"(Psaume 118)

Aussi je vous le dis : Le Royaume de Dieu vous sera enlevé pour être donné à un peuple qui lui fera produire son fruit

Aussi le Royaume de Dieu - l'humanité qui se décide, par grâce, à vivre selon les volontés de Dieu - n'est plus sous le ressort du système religieux d'Israël qui a trahi sa mission. Non qu'Israël soit rejeté et condamné (Jésus, ses apôtres, S.Paul et combien d'autres sont juifs). Le nouveau peuple n'a pas de frontières, il ne se confond pas avec une nationalité, une ethnie. Il est le Nouveau Temple, fait d'hommes et de femmes, et la pierre angulaire en est le Fils qui fut méconnu et rejeté par les premiers vignerons mais qui est désormais Jésus ressuscité.

Dans cette nouvelle Demeure de Dieu, la Vigne qui s'étend par tout l'univers portera des fruits que Dieu attend...à moins que nous ne répétions les errements de jadis ! Car hélas, la parabole peut se réaliser à nouveau...si nous refusons de nous laisser convertir et si nous restons sourds aux appels des prophètes d'aujourd'hui et de l'Evangile.

On peut prolonger la lecture du jour par la finale omise par le lectionnaire :

En entendant ces paraboles, les grands prêtres et les pharisiens comprirent que c'était d'eux qu'il parlait. Ils cherchaient à l'arrêter mais ils eurent peur des foules car elles le tenaient pour un prophète.

Les gens n'ignorent pas que certains de leurs dirigeants abusent de leur situation, se sont attribués des privilèges indus, sont compromis par les jeux politiques, tirent un profit juteux du commerce du temple tout en restant indifférents à la misère du petit peuple. Aussi ils reconnaissent que Jésus est un envoyé de Dieu, ils applaudissent ce prophète qui, enfin, ose dire la vérité en face. Les responsables religieux enragent...et ils vont effectivement réaliser la parabole ! On se condamne quand on refuse de se laisser remettre en question.

28e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2004-2005

Son cynisme était connu de tous. Il faut dire qu'il avait toujours eu un esprit très vif. Certains en arrivaient même à avoir un peu peur de lui car souvent, voire trop souvent, ses paroles étaient comme des flèches acérées. Il pouvait faire mal, très mal et ne s'en rendait pas compte. Il était même étonné lorsque quelques uns se risquaient à le lui faire savoir. Quant à lui, rien ne semblait le toucher. On pouvait tout lui dire. Et lorsque des paroles étaient dures, elles semblaient glisser sur une carapace invincible. Puis un jour, tout a basculé. Il a rencontré sa douce et heureuse moitié. En quelques mois, celle-ci l'a littéralement transformé. Il en était presque méconnaissable tellement il était devenu attentif, aux petits soins. Le ton sec avait quitté ses propos pour faire place à la douceur des mots. Les changements furent profonds et si vous le croisez aujourd'hui, vous vous émerveillerez de la manière dont il se comporte avec ses propres enfants. Un papa attentionné, calme et doux.

Si une femme a pu opérer un tel miracle sur un homme. Je me dis que dans l'Esprit, Dieu doit pouvoir faire de même avec tous les êtres humains. Permettez-moi d'insister, à l'instar des lectures de ce jour, sur le « tous » : « le Seigneur Dieu de l'univers prépara pour tous les peuples », « il enlèvera le voile de deuil qui enveloppait tous les peuples et le linceul qui couvrait toutes les nations », « Le Seigneur essuiera les larmes sur tous les visages ». C'est frappant de voir à quel point le salut est proposé à tout être humain, quel qu'il soit, quelle que soit sa condition sociale, intellectuelle, émotionnelle. Les mauvais comme les bons sont invités au repas de noces, à la fête éternelle. Un peu comme si Dieu se refusait de perdre son temps à faire des listes, à se demander qui il invitera à la réception, au dîner ou à la soirée. En lui, il n'y a pas de différence, tout être humain de par le simple fait de sa condition est invité à prendre part au repas de noces. Toutes et tous sans exception, nous y sommes invités.

L'éternité n'est pas un lieu de présence divine où quelques êtres exceptionnels, des saints connus et inconnus, auront le plaisir de passer tout leur temps avec Dieu. Il semble donc qu'au Ciel, il n'y aura pas une « business class » pour celles et ceux qui auraient accompli au mieux leurs vies terrestres. Selon la parabole de l'évangile, il n'y a qu'une seule et unique grande salle où toutes et tous nous avons notre place mais seulement si nous acceptons de répondre à cette invitation unique qui nous est faite. Dieu nous prend tels que nous sommes. Dieu nous aime tels que nous sommes. Il n'a pas besoin de sacrifices et d'oblations. Il attend le don de nous-mêmes au projet qu'il s'est fixé pour son humanité : le salut de tout être humain. Rien de moins que cela. Dieu a de l'ambition pour nous. Il souhaite que nous nous réjouissions, que nous exultions, que nous nous réalisions pleinement dès maintenant. En lui, nous espérons et lui, il nous sauve. Telle est la promesse de l'Incarnation déjà annoncée en Isaïe. Dans le Christ Jésus, nous sommes toutes et tous sauvés. Le salut de Dieu est un salut d'accomplissement de l'être en Lui. Nous sommes déjà sur ce chemin. Il ne s'agit pas quelque chose qui se vit à l'instant de notre mort, passage de la vie terrestre à la vie éternelle. Non, c'est aujourd'hui que se vit le salut de Dieu : dans la manière dont nous nous comportons les uns avec les autres, dans la façon dont nous nous laissons transformer dans nos relations d'amour et d'amitié, dans le temps que nous prenons pour vivre une relation personnelle avec le Père et le Fils dans l'Esprit.

Une rencontre divine ne s'improvise pas. Elle se prépare dans le silence de notre être, dans l'amplitude de notre c½ur. L'Esprit de Dieu ½uvre en chacune et chacun de nous. Il ne fait pas de différence. Toutefois, Dieu respecte à ce point notre humanité, qu'il ne s'autoriserait pas à s'imposer à nous en allant contre notre liberté intérieure. C'est sans doute la raison pour laquelle, le Fils parle d'un repas de noces auquel nous sommes conviés. Dieu ne s'impose pas, il s'invite en nous invitant à le rejoindre là où il se révèle à toutes et tous de manière permanente. Ayons alors l'audace et l'humilité de nous laisser transformés par le Christ dans l'Esprit pour que nous participions pleinement à notre salut. Ainsi, nous pourrons chanter avec Isaïe : « exultons, réjouissons-nous : il nous a sauvés ! ». Amen.

28e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2004-2005

La parabole de ce jour prolonge et approfondit celle de dimanche passé. Par l'image de la Vigne, Jésus traçait une allégorie de l'histoire de son peuple : Dieu a toujours envoyé des prophètes et presque toujours on a refusé de les écouter et même on les a maltraités. Mais un jour, Dieu a envoyé son FILS : lui aussi a été mis à mort mais l'appel au Royaume, depuis lors, est devenu universel. Tous les peuples sont invités à devenir la VIGNE de Dieu fructifiant en droit et justice.

Là-dessus Jésus enchaîne par une parabole semblable qui utilise une autre image de la Bible (le Banquet).

Jésus disait en parabole :

Le Royaume des cieux est comparable à un Roi qui célébrait les noces de son fils. Il envoya des serviteurs pour appeler à la noce les invités, mais ceux-ci ne voulaient pas venir.

Il envoya encore d'autres serviteurs dire aux invités :

-  Voilà : mon repas est prêt, mes b½ufs et mes bêtes grasses sont égorgés ; tout est prêt : venez au repas de noce.

Mais il n'en tinrent aucun compte et s'en allèrent l'un à son champ, l'autres à son commerce ; les autres empoignèrent les serviteurs, les maltraitèrent et les tuèrent.

Le roi se mit en colère, il envoya ses troupes, fit périr les meurtriers et brûla leur ville. Alors il dit à ses serviteurs :

-  Le repas de noce est prêt mais les invités n'en étaient pas dignes. Allez donc aux croisées des chemins : tous ceux que vous rencontrerez, invitez-les au repas de noce.

Les serviteurs allèrent sur les chemins, rassemblèrent tous ceux qu'ils rencontrèrent, les mauvais comme les bons, et la salle fut remplie de convives.

Le premier point capital à souligner, c'est le caractère tout à fait unique de Jésus de Nazareth. Dans les deux paraboles de la Vigne et du Banquet, il survient parmi les envoyés de Dieu mais si ceux-ci sont "des serviteurs", lui s'appelle LE FILS.

Homme, il est aussi IMAGE PARFAITE DE DIEU. En lui - cas unique-, il y a "alliance", communion sans confusion du divin et de l'humain. Le rejeter, c'est en conséquence se condamner à la mort.

Et le Royaume de Dieu n'est rien d'autre que la célébration des NOCES DU FILS !

LES NOCES DE JESUS LE FILS

Oui, le Fils a été mis à mort par les vignerons (les autorités de Jérusalem) mais son Père l'a ressuscité. Dès lors, le tournant de l'histoire s'est effectué : désormais tous les êtres humains sont invités non plus seulement à recevoir une loi transmise par des serviteurs de Dieu mais à participer à cette Alliance qui constitue l'être même du Fils. L'accueil de la convocation n'est plus obéissance à des préceptes mais entrée dans cette Alliance, communion à la personne du Fils.

On peut donc appeler cette nouvelle Alliance de véritables NOCES.

Ainsi, à l'Eucharistie, nous sommes invités gracieusement à nous unir au Seigneur qui nous dit : "Prenez : ceci est mon Corps".

Nos corps se joignent au sien pour devenir l'Eglise : celle-ci ne se réduit pas à un peuple dont Christ serait le roi, ni à une organisation qu'il dirigerait.

Elle est l'EPOUSE à laquelle le Fils du Roi se donne afin qu'elle-même se donne à Lui dans son pardon. son amour, sa paix, sa beauté,.

De même que, sous la Première Alliance, Dieu envoyait des serviteurs (les prophètes), ainsi depuis la Pâque de Jésus, Dieu continue d'envoyer des apôtres, des messagers qui lancent aux quatre vents la Bonne Nouvelle :

" Venez tous : l'heure a sonné où l'homme peut rencontrer son Dieu. La table est mise. Qui que vous soyez, accueillez l'invitation, venez fêter l'amour Infini de Dieu, la Miséricorde partagée en son Fils !"

Hélas, la résistance reste tenace et opiniâtre : beaucoup préfèrent décliner l'invitation, construire leur propre bonheur : comme on a éliminé les prophètes, on mettra à mort Etienne, Jacques, Paul...et tant d'autres aujourd'hui encore.

Pourtant il faut continuer à interpeller le monde, des messagers doivent se rendre dans toutes les nations, rencontrer toutes les couches de population : " Le moment est grave : le temps du salut est ouvert. Comprenez donc, saisissez l'occasion".

Ainsi l'Eglise s'est-elle répandue par tout l'univers : ses portes sont largement ouvertes, la table est mise, les cloches appellent, les multitudes entrent (40.000 baptêmes par jour en moyenne dans le monde)....

Mais attention ! l'histoire n'est pas finie !!!

LE SALUT N'EST PAS AUTOMATIQUE

Le Roi entra pour voir les convives. Il vit un homme qui ne portait pas le vêtement de noce et lui dit :

Mon ami, comment es-tu entré ici sans avoir le vêtement de noce ?

L'autre garda le silence.

Alors le Roi dit aux serviteurs :

Jetez-le pieds et poings liés dehors, dans les ténèbres : là il y aura des pleurs et des grincements de dents.

Certes la multitude des hommes est appelée, mais les élus sont peu nombreux.

La facilité d'entrée dans l'Eglise ne doit pas faire illusion, prévient S.Matthieu. Certes on peut toujours demander le baptême, exhiber une étiquette chrétienne, prendre part aux cérémonies (pour saupoudrer la vie d'un peu de "sacré"). Mais de même que la Vigne devait impérativement porter de bons fruits, ainsi l'invité du Seigneur doit adopter des m½urs évangéliques, mener une existence en accord avec ses engagements de baptême (Les premiers chrétiens offraient une belle robe blanche au nouveau baptisé, signe de la vie nouvelle). On ne peut jamais s'attribuer une place définitive...

C'est pourquoi l'Eglise est une auberge où se mêlent " les bons comme les mauvais ". Mais qu'on ne s'y trompe pas : l'invité de Dieu ne peut se reposer sur des mots, des rites, des catéchismes qui n'ont nulle influence sur son comportement. Comme le disaient déjà la parabole de l'ivraie et celle du filet (Matt 13), un jour, aura lieu un tri sans erreur.

L'Eucharistie est le terme gracieux de notre appel, c'est là que l'Eglise célèbre les Noces, devient l'Epouse unie à son Seigneur.

Et l'Eucharistie reste le moteur de notre conversion permanente et la source de notre mission.

La salle doit être remplie. Il ne nous appartient pas de discerner les chrétiens authentiques.

29e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Collin Dominique
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2004-2005

Êtes-vous en règle avec votre déclaration fiscale ? De quoi je me mêle, me direz-vous ! Mais je ne vous parle pas des impôts à payer à l'Etat, à la Région ou à la commune, mais de l'impôt à payer à Dieu ! Rendre à Dieu une déclaration fiscale une fois l'an. Idée saugrenue me rétorquerez-vous. Faut-il rendre des comptes à Dieu ?

Et pourtant, vous le savez bien, les hommes et les institutions religieuses, qui aiment se substituer à Dieu, ont souvent exigé en son nom des comptes et un impôt. Par exemple, l'obligation de se confesser une fois l'an à Pâques. N'est-ce pas une forme de déclaration fiscale où on comptabilise son actif, mais surtout son passif, avec à la clé une petite réparation à prester pour être quitte de Dieu. Cette présentation est peut-être caricaturale, mais c'est bien souvent dans cet esprit que les fidèles se sont approchés du sacrement du pardon et de la miséricorde gratuite de Dieu. Encore un autre exemple : l'obligation de la pratique dominicale que le pape Benoît XVI a rappelé longuement aux centaines de milliers de jeunes présents à Cologne pour les JMJ. Là, il ne s'agit pas de rendre des comptes annuels, mais hebdomadaires.

Rendre des comptes à Dieu, lui payer l'impôt de notre pratique, de notre service, n'est-ce pas ce que Jésus entend souligner quand il répond aux pharisiens : « Rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu ». Chacun de nous aurait des devoirs à rendre à l'Etat comme citoyen et à Dieu comme croyant. Mais est-ce bien ainsi qu'il faut lire ce passage si célèbre de l'évangile ?

Reprenons l'intrigue du récit : des pharisiens posent une question à Jésus, mais dans l'intention de lui nuire, de l'enfermer dans un piège : soit il encourage la soumission à l'occupant romain, et se pose ainsi en traître de la souveraineté de son peuple, soit il encourage l'insoumission et se pose dès lors en opposition au pouvoir en place. Comme souvent dans l'évangile, Jésus refuse d'être pris au piège dans une alternative qui ne laisse aucune porte de sortie. Alors, il déplace la question, il la renvoie à ses interlocuteurs. Car la question qui est d'abord politique, devient dans la bouche de Jésus, théologique ; elle renvoie à l'image de Dieu que nous véhiculons.

« Montrez-moi la monnaie de l'impôt. Cette effigie et cette légende, de qui sont-elles ? - De l'empereur César », répondent les pharisiens. La pièce de monnaie renvoie à une image, celle de l'empereur romain tout-puissant, qui exerce sa souveraineté en maître absolu, ayant le droit de vie ou de mort sur tous les peuples qu'il tient en son pouvoir. Et cette puissance, d'où vient-elle ? De la violence qui pousse l'empereur à envoyer ses légions de part le monde connu à l'époque afin d'étendre l'empire. Pire, l'empereur lui-même s'arroge une identité quasi divine, se faisant l'égal d'un dieu. Mais ce dieu que prétend être l'empereur, est-il à l'image du Dieu de Jésus Christ ? A qui renvoie l'image de Dieu ? Qui est à l'image de Dieu ? L'homme et la femme bien sûr ! Nous le savons depuis le livre de la Genèse quand Dieu fait l'homme et la femme à son image et à sa ressemblance. L'image de Dieu, c'est l'humain, c'est le visage par excellence de son Fils, Jésus. Mais cette image de Dieu dans l'humain n'est pas neutre : elle n'est pas l'expression de la domination exercée par la violence ; elle n'est pas l'image de l'empereur César. Elle est à l'opposé l'image de Jésus et de tout homme qui vit dans ses relations le respect, l'amour, la tendresse, le pardon. Cet homme et cette femme ont le visage de Jésus et la légende de leur vie est celle des Béatitudes : ils sont pauvres et purs de c½ur, ils sont faiseurs de paix, passionnés de justice et ne rendent pas le mal pour le mal. Ils sont hommes et femmes de louange et de bénédiction.

Nous comprenons enfin ce que Jésus veut apprendre aux pharisiens et à nous aujourd'hui : il n'existe pas deux pouvoirs côte à côte auxquels il faut rendre des comptes. Car Dieu n'est pas comparable aux puissants de ce monde. Il n'a aucun pouvoir, hormis celui qui consiste à déposer sa propre vie pour ses amis. Dieu n'exerce aucun pouvoir à la manière des tyrans et des dictateurs de ce monde. Il n'exige aucun impôt, mais il désire que l'humain soit réellement à son image. Il ne veut que notre accomplissement comme humains.

Ainsi, rendre à Dieu ce qui est à Dieu signifie nous rendre chaque jour davantage humains, à la manière de Jésus pour créer un monde où ne s'exercera plus jamais le droit du plus fort. Que faut-il rendre alors à César : sûrement pas ce qui lui appartient, c'est-à-dire la violence et le pouvoir, mais il faut rendre à la politique son image : le service de la fraternité entre les hommes et les femmes.

29e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2004-2005

Rappelons que toutes les scènes évangéliques de septembre à novembre sont polémiques. Arrivé avec la foule des pèlerins qui affluent à Jérusalem pour la grande fête de la Pâque qui approche, Jésus a fait un esclandre en chassant les marchands du temple. En outre, en quelques paraboles, il a accusé les autorités religieuses de ne pas comprendre le Dessein de Dieu que lui, Jésus, a conscience de conduire à son terme. Le conflit est ouvert : il est violent.

Les jours suivants (qui correspondent donc au début de notre Semaine Sainte), et alors qu'il poursuit son enseignement au peuple, Jésus est accosté successivement par plusieurs groupes qui lui sont hostiles et qui tentent de le disqualifier aux yeux des gens par des questions pièges.

La première des controverses porte sur un point ultra sensible qui touche à la foi et à l'honneur d'Israël.

En ce temps-là, en effet, il y a plus de 90 ans que les Romains occupent le pays. Des païens incirconcis, idolâtres, mangeurs de cochonnailles foulent la Terre Sainte, méprisent le peuple élu, l'exploitent, le volent et lui imposent le versement du "tribut à l'empereur" : quelle honte intolérable, quelle souffrance !

Les résistants juifs (zélotes) refusent de payer cette marque infamante de sujétion mais la répression romaine est terrible : viols, villages incendiés, hommes crucifiés. La majorité de la population, apeurée, cède et obéit. Mais la question reste débattue.

Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu

EGLISE ET ETAT . . . FOI ET POLITIQUE . . .

Cette dernière réplique de l'évangile de ce jour est célèbre, c'est une des phrases les plus connues de Jésus, les plus importantes, et aussi les plus difficiles car elle pose tout le problème des rapports entre l'Etat et l'Eglise, les chrétiens et la politique, le pouvoir et la liberté de conscience.

En effet il ne s'agit pas de domaines juxtaposés : "ceci serait à César et cela à Dieu". S'il faut rendre ses devoirs de citoyens à César (le Chef d'Etat) notamment en payant ses impôts grâce à la monnaie qui porte l'image de César, par ailleurs il faut rendre à Dieu ses devoirs en lui restituant ce qui est à son image, c'est-à-dire L'HOMME entier ! Tout homme et tout l'homme !

L'histoire montre à suffisance les énormes difficultés d' articuler spirituel et temporel : voici quelques esquisses schématiques.

CESAR a parfois la tentation de s'ériger en puissance absolue capable, à lui seul, d'assurer à la Nation la grandeur et aux citoyens un bonheur restreint aux horizons terrestres. Pour lui, la religion est suspecte, elle doit être combattue comme superstition néfaste, opium du peuple, frein au progrès. Les dictateurs se méfient de Dieu.

Plus sournoisement, CESAR comprend l'intérêt d'être soutenu par une religion qui sacralise son pouvoir, freine les envies d'insurrection, bénit les drapeaux et les armes. Il gratifie alors la religion de toutes sortes de bienfaits, offre de très généreux subsides et invite les responsables religieux à siéger à ses côtés sur les estrades lors des fêtes patriotiques et les défilés militaires. A une condition : que l'Eglise se taise, se contente de rites pieux et d'une théologie inoffensive.

De leur côté, il arrive que les responsables religieux, convaincus de la Vérité absolue et de la nécessité de leurs croyances, soient tentés de placer les intérêts de Dieu au-dessus de ceux du pays. Le chef suprême sera le pontife, coiffé de la tiare symbolique du triple pouvoir, obligeant les rois à s'agenouiller devant son trône afin de recevoir docilement ses directives qui, pour lui, viennent du ciel. Et CESAR devient le bras séculier du pouvoir (faussement) spirituel.

Instaurer sur terre le Royaume de Dieu, imposer la foi chrétienne comme la seule véridique a été, trois fois hélas, la tentation de certains. Et ce régime dit "de chrétienté" a abouti aux errements de l'intolérance et aux flammes des bûchers

Après d'âpres luttes et une résistance acharnée, le concept de laïcité a aujourd'hui prévalu ; les lois de séparation de l'Eglise et de l'Etat ont été votées. Si bien que le grand historien René REMOND peut à présent expliquer que ce régime moderne de laïcité, au fond, a son fondement lointain dans la phrase de Jésus :

RENDEZ A CESAR CE QUI EST A CESAR

 

ET A DIEU CE QUI EST A DIEU

Comme quoi, même et surtout dans les hautes sphères du Pouvoir (politique autant que religieux), là où s'affrontent des ambitions féroces, il reste toujours de nécessité absolue de lire et relire l'Evangile de Jésus sans le gauchir ni l'adapter aux intérêts de qui que ce soit.

Mais encore faut-il que la laïcité (respect de la liberté de conscience et liberté religieuse) ne vire pas au laïcisme, idéologie qui refuse au croyant et à son Eglise toute intervention sur la place publique et tout discours à propos de Dieu !

Car si l'Eglise n'a pas à diriger l'Etat, si elle n'a même pas à fonder un parti politique à étiquette confessionnelle, elle doit être, comme Jésus, force prophétique qui ose affirmer devant César la dignité inaliénable de chaque personne humaine, "image de Dieu", et donc force contestatrice permanente de toute injustice.

Sans doute cette fonction ne lui attirera plus la vénération de César, elle en deviendra suspecte, dangereuse. Mais peut-il y avoir une Eglise de Jésus qui ne soit pas persécutée quand elle est vraie ?

29e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Gihoul Luc-Henri
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2004-2005

 

 

Mt 22, 15-21

Pour comprendre exactement le message de Jésus, dans cet épisode de sa vie, il nous faut d'abord comprendre qui sont les acteurs en présence et le sens de cet impôt à César pour le juif pieux de l'époque. Les Hérodiens, farouches partisans de la dynastie des Hérodes qui occupent leur fonction par la grâce de Rome, sont résolument du côté de l'occupant romain. Les Pharisiens, eux, sont simplement soucieux de trouver un compromis avec Rome et de garder leur indépendance religieuse. Cependant, les deux groupes se liguent, une fois n'est pas coutume, à propos de la très célèbre controverse sur les impôts civils.

Tout comme nous, les juifs étaient sujets à de multiples impôts dont l'impôt religieux, la dîme au temple et ceux dus à l'Etat romain étaient les plus importants. Les juifs ne rechignaient pas trop à s'acquitter des premiers, expression de leur foi et de leur piété. En revanche, les autres étaient mal supportés et surtout des pharisiens. En effet, ceux-ci consistaient en un impôt foncier sur les terrains et les propriétés. Or, la Terre Sainte et Promise, était, pour eux, propriété de Dieu et non de l'Empereur.

Jésus est habilement piégé. Ne pas payer, c'est être un mauvais citoyen, payer c'est être un citoyen impie ! Dans un cas, c'est le triomphe des hérodiens, dans l'autre celui des pharisiens ! Mais Jésus dénonce une man½uvre sournoise en rétorquant « Hypocrites ! » Dans le langage biblique, ce terme est synonyme de « pervers », impie, éloigné de Dieu. En grec courant, le mot « hypocrite » désigne un acteur de théâtre, celui qui donne la réplique ! Traiter un hérodien de comédien et un pharisien d'impie, voilà qui n'est pas banal et qui révèle plutôt une ironie mordante. En effet, quand Jésus se fait apporter un denier, il est bien démontré que ni lui ni ses disciples n'ont cet argent sur eux, tandis que les pharisiens, soi-disant opposés à Rome, eux, en possèdent. Quand Jésus renvoie à César ce qui lui appartient et à Dieu ce qui lui revient, il nous livre la véritable leçon de cet épisode. Il y a autre chose à faire qu'à controverser entre soi à propos de l'impôt.

La seule chose qui compte, le plus important, c'est de se situer face à la prédication de Jésus, pour ou contre Dieu, ouvert ou fermé au Royaume dont Dieu le Père est le Roi et Jésus le prophète. La réalité de la terre, qu'elle soit régie par César ou un autre, s'est estompée pour faire place au nouveau Royaume. Par le baptême, le chrétien est citoyen du ciel. Et seul Dieu y règne, non par des impôts mais par sa grâce de lumière et d'amour.

L'état est renvoyé à sa caducité, sonore et trébuchante. L'homme est renvoyé à sa vraie nature qui est d'être à l'image de Dieu. Si le denier est frappé à l'effigie de César, le chrétien, lui, est crée à l'image de Dieu. Etes-vous décidé à lui appartenir aussi totalement que ce denier appartient à Tibère ? Voilà la conversion que Jésus attend de nous tous.

Cet épisode nous rappelle notre dépendance totale par rapport à Dieu. Il ne s'agit pas de fabriquer des dieux à notre image, surtout celle de l'argent, mais de découvrir que la seule image de Dieu, c'est nous. A nous d'en témoigner. Essayons de ne pas être un reflet de Dieu trop flou mais bien plutôt, un reflet exaltant et un instrument possible de générosité et de fraternité, afin que le monde en arrive à aimer la lumière de Dieu, à travers nous.

Dans un monde où l'argent est devenu un dieu, donnez une autre image que celle d'être ses vassaux demande l'Evangile. Il nous propose une autre manière de vivre. Que le souci du bien-être personnel ne nous fasse pas oublier celui des autres ! Le Seigneur nous demande de mesurer avec intelligence, dans la foi et l'effort la prise en charge que requiert notre vie « Rendre à César... « et l'exigence que propose l'Evangile »Rendre à Dieu... ».

Le denier, l'argent, César sont les symboles et les signes d'une vie bouclée sur elle-même et aux antipodes de la richesse vitale de la vie Eternelle. Ce sont les « affaires de Dieu » qui doivent m'aider à faire le tri entre les soucis légitimes et les préoccupations excessives. Si la préoccupation angoissante des biens terrestres nous distrait des valeurs évangéliques, c'est que nous rendons à César des devoirs que nous devons à Dieu. L'Evangile attaque le problème au niveau le plus profond, au niveau de l'option pour Dieu. Serez-vous serviteur du César-argent, esclave et idolâtre ou disciples de Dieu, ami et frère du Seigneur ? Il n'y a aucune condamnation des richesses mais le rappel qu'elle doit rester un moyen de confort légitime, sans faux luxe, et un instrument possible de générosité et de solidarité.

En rendant à César ce qui lui appartient, nous respectons la fonction de l'argent : qu'il soit profitable et utile à soi et aux autres ! Ce n'est pas la richesse qui est condamnée mais son amour désordonné, la cupidité, l'avarice ou le gaspillage. C'est la tranche de pain trop sèche que l'on écarte chaque matin au petit déjeuner, par inattention ou facilité et ce sont des tonnes de farine jetées à la poubelle ! Laissons à César ces économies. Donnons à Dieu nos libéralités. Ce qui appartient à César constitue un « ordre » qui a sa valeur et son autonomie. Il faut respecter la vie civile et publique. Si le politique se situe à un plan inférieur à celui de la grâce, cela ne justifie d'aucune manière que le chrétien lui accorde indifférence ou mépris. Si vous ne vous occupez pas du politique, le politique, lui, s'occupera de vous !

Le domaine de César, des choses de la cité, a ses lois et il faut les respecter pour que la paix et l'harmonie règnent parmi les citoyens. Evitons en ce sens tout cléricalisme, l'argumentation de sa foi pour méconnaître les exigences légitimes de l'Etat. Mais, il importe de dénoncer tous les impérialismes, qu'ils soient de droite ou de gauche ! De droite, c'est en voulant se servir indûment de son pouvoir politique pour rendre plus vite à Dieu ce qui est à lui, sans respecter le pluralisme des lois de l'Etat. De gauche, c'est en asservissant à des intérêts politiques purement humains et terrestres son inaliénable liberté spirituelle. A ceux de droite je dirai : ne croyez pas que l'idéal soit un état où le politique impose ses lois au nom d'un principe religieux. Les seules armes de Jésus furent la vérité et l'amour et la Croix demeure le signe à jamais éclatant. A ceux de gauche, je dirai : si vous pensez qu'il n'y a pas de comptes à rendre au-delà de ceux qu'on doit à César, voyez dans l'histoire, ce qu'il advient de l'humanité lorsqu 'on tue en elle son effigie sacrée et sa soif d'infini et de beau.

Aussi, en conclusion, « Rendons à Dieu ce qui est à lui » c'est à dire convertissons à Dieu notre c½ur de pécheur puisqu'il porte en lui son image-même.

Que cette page d'Evangile nous inspire des attitudes vitales ! Vis-à-vis de l'Etat. N'ayons pas peur de nous engager pour promouvoir l'ordre des valeurs humaines qu'il représente dès lors qu'il sert efficacement la justice. Et vis -à -vis de Dieu, puisque notre c½ur est marqué à son image, rendons -le lui, ce c½ur de croyant. Vouons-lui notre amour et prions pour que tous les hommes, nos frères, découvrent un jour, au plus intime d'eux-mêmes, cette image, plus profondément incrustée que l'effigie de Tibère ne l'est sur la monnaie de Rome. Le seul signe qui donne son sens définitif à toute destinée de l'homme est la sainte effigie de Dieu, la sainte face du Seigneur.

2e dimanche de Carême, année A

Auteur: Croonenberghs Didier
Temps liturgique: Temps du Carême
Année liturgique : A
Année: 2004-2005

Je ne sais pas si vous avez déjà vu un des films de la fameuse trilogie « le Seigneur des anneaux ». Il s'agit d'une série de films sortis il y a quelques années déjà... Parmi les personnages de ces films, il y a un acteur, ou plutôt une amusante petite créature, dont la voix et le visage me font inévitablement penser à un frère dominicain vivant ici à Froidmont. Je n'avais jamais fait le lien avec ce frère de la communauté, jusqu'à ce que quelqu'un me dise en regardant ce film : « dis, tu ne trouves pas qu'il ressemble à frère François ? » Depuis, je ne peux plus voir ce film comme avant et chaque fois que je le regarde, je ne peux m'empêcher de penser à ce frère. Toutes les séquences où il apparaît sont pour moi marquées par sa présence. Une présence qui fixe et focalise tout mon regard... Je vous parle de ce frère François, mais je pourrais vous parler de bien d'autres frères ou d'autres personnes... Par exemple, si je vous dis que le frère Stéphane Braun (ici présent) ressemble à l'acteur Harrison Ford ou à un autre personnage, vous allez peut-être aussi le regarder différemment si vous êtes admirateur de cet acteur...

Des exemples comme cela, il en existe des centaines... En effet, bien souvent chez quelqu'un, un détail, une réalité focalise toute notre attention... Nous avons tous des manières différentes et propres à chacun de regarder les personnes qui nous entourent, que nous rencontrons mais parfois, nous ne pouvons voir certaines personnes qu'en fonction d'un aspect particulier... Notre regard est guidé. Cela est plus fort que nous.

Il me semble que l'évangile de ce jour n'est pas étranger à cette expérience du regard. En effet, Pierre, Jacques et Jean, à l'écart sur la montagne, ne font pas la rencontre d'un « nouveau Jésus, -fût-il resplendissant.- Non, ils posent sur lui, un regard nouveau et lui donnent un nouveau visage. Ces disciples ont véritablement un regard nouveau sur Jésus en fonction d'un seul aspect qui conditionne toute leur vision : la résurrection que, dans le récit de l'Evangile de Matthieu, Jésus vient d'annoncer. Après cette annonce publique, Pierre, Jacques et Jean ne peuvent dès lors que transformer leur regard qu'ils posent sur Jésus... pour ne voir en Lui, que le Christ resplendissant, préfiguration de sa résurrection...

Dès lors, ce que nous avons peut-être à apprendre ou à réapprendre avec cet évangile, c'est à redécouvrir la puissance du regard. Je pense en réalité que le regard que nous posons sur les personnes dit parfois plus que les mots. Et bien plus encore, notre regard constitue notre monde et la réalité qui nous entoure. Un regard aimant rend une personne aimée. Finalement, un visage n'a de sens et n'existe pleinement que pour les yeux et par les yeux qui le regardent.

Le récit de la transfiguration nous invite donc à ne pas voir en Jésus seulement un homme, éclairé et resplendissant, mais aussi Dieu, source de toute lumière ; non pas un prophète de Dieu comme Elie, mais le Dieu des prophètes ; non pas un homme de la Loi comme Moïse, mais la source de la Loi... Et si Dieu a pour nous de multiples visages, c'est peut-être parce que nous avons de multiples manières de le regarder. Mais pour ne voir que Lui comme les disciples, il faut se lancer sur un chemin inconnu et partir pour le grand voyage de la foi et, comme Abraham, quitter le pays de nos certitudes, quitter la famille habituelle de nos visages de Dieu, quitter la maison qui nous sécurise dans la foi pour partir... afin de rencontrer parmi les multiples visages de Dieu, l'unique nécessaire sur lequel nous voulons poser notre regard. Alors peut-être, serons-nous transfigurés ?

Si Abraham est le père de la foi, permettez-moi de conclure audacieusement avec un grand penseur bien loin de la famille des croyants : Friedrich Nietzsche. Il a dit un jour : « Je croirais au Dieu des chrétiens si ces derniers avaient un peu plus des visages de bonne nouvelle. » Je crois que c'est profondément juste. Il nous appartient d'être transfigurés. La transfiguration n'est-elle pas d'abord la transformation de notre regard destiné à accueillir le Christ ressuscité pour le faire exister dans nos vies et le faire rayonner sur nos visages ? A chacun d'entre nous de le vivre pour que l'on puisse dire un jour de nous que nous avons eu, ne serait-ce que l'espace d'un instant, des visages transfigurés par la bonne nouvelle de la résurrection.

Amen