4e dimanche de Carême, année A

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps du Carême
Année liturgique : A
Année: 2004-2005

Jn 9, 1-41

Les anciens parmi nous se souviennent sans doute de la version rythmée des 10 commandements que l'on nous faisait apprendre par c½ur au catéchisme :

"Un seul Dieu tu adoreras et aimeras parfaitement. Son saint Nom tu respecteras fuyant blasphèmes et faux serments. Le jour du Seigneur garderas en servant Dieu dévotement....etc...."

Si cette formulation pouvait se graver facilement dans la mémoire, elle avait un très grave défaut : elle oubliait la 1ère phrase du texte tel qu'il est révélé dans la Bible : "C'est Moi le Seigneur ton Dieu qui t'ai fait sortir de l'esclavage. Tu n'auras pas d'autre Dieu que moi...."

Or cette phrase inaugurale revêt une importance majeure. Si on l'omet, on se trouve devant une série d'ordres et d'interdits, on entre dans un rapport de soumission à un Dieu d'autorité sinon d'arbitraire - ce qui paraît intolérable à la conscience de l'homme moderne.

PEUPLE DE L ' ALLIANCE

Dieu ne s'impose pas comme un général intimant des ordres à sa troupe, ou tel un ministre dictant un code de bonne conduite pour automobilistes. Il s'adresse à la horde d' esclaves qu'il vient de libérer d'Egypte et il leur rappelle d'abord qui il est : un Dieu qui les aime et qui vient de le prouver puisqu'il a pris l'initiative de les délivrer de l'esclavage. D'ailleurs la Bible n'emploie jamais l'expression "Les 10 commandements" : elle dit toujours "Les 10 Paroles" - d'où le mot traditionnel de Décalogue.

Le Seigneur propose à ces hommes d'entrer en ALLIANCE avec Lui en formant un peuple. Il veut entretenir avec eux une relation tout à fait unique, nouer un lien très fort, comme une relation conjugale. Et dans ce but, il ne leur impose pas, mais il leur propose les clauses de cette alliance.

" Si vous écoutez ma Parole et gardez mon Alliance, vous serez pour moi ma part personnelle parmi tous les peuples, vous serez pour moi un royaume de prêtres, une nation sainte" ( Exode 19, 5)

Quelle grâce exceptionnelle, quel privilège ! Certes. Mais ce sera du coup une énorme responsabilité. L'élection divine confère une charge, une mission : le peuple qui entre dans l'Alliance ne peut prétendre qu'il est le peuple sauvé tandis que les autres seraient rejetés. Au contraire il doit assumer des devoirs, adopter un comportement qui manifestera la Volonté de Dieu aux autres nations afin qu'elles aussi, à leur tour, entendent ces Paroles et s'y conforment. L'Alliance comporte une série de clauses fondamentales : ce sont les 10 PAROLES , dont voici le texte, un peu écourté :

" Les deux Tables de la Loi " ( Exode 20, 1-17)

C'est Moi le Seigneur ton Dieu qui t'ai fait sortir de l'esclavage Tu n'auras pas d'autre Dieu que moi. Tu ne te feras pas d'idoles, rien de ce qui a forme des choses. Tu ne prononceras pas en vain le Nom du Seigneur. Tu feras mémoire du jour du sabbat. Tu travailleras 6 jours, mais le 7ème jour, c'est le sabbat du Seigneur..... Honore ton père et ta mère, afin de prolonger tes jours.

Tu ne commettras pas de meurtre. Tu ne commettras pas d'adultère. Tu ne commettras pas de vol. Tu ne témoigneras pas faussement contre ton prochain. Tu n'auras pas de visée sur l'épouse de ton prochain, ni sur ses biens.

Le texte est constitué de 2 séries de cinq. D'abord on apprend les devoirs envers Dieu : reconnaître sa grâce, confesser son unité, refuser toute idolâtrie, lui réserver un jour par semaine. A quoi s'ajoute le respect à l'égard des parents qui ont transmis la foi.

Ensuite la 2ème Table énumère les devoirs à l'endroit du prochain : respect de sa vie, de son mariage, de ses biens et de sa réputation. La 10ème Parole tente d'aller à la racine du mal en interdisant tout mouvement d'envie, de cupidité vis-à-vis de tout ce qui est à autrui.

Ainsi relation à Dieu et liens aux hommes, religion et morale sont imbriquées, indispensables l'une à l'autre. Piété sans amour du prochain serait évasion hypocrite ; liens sociaux sans foi risqueraient toujours de s'enfermer dans le particularisme ou de s'étioler très vite.

DECALOGUE ET EVANGILE.

Gardons-nous de croire que ces 10 PAROLES sont la Loi de l'Ancien Testament, Loi qui serait aujourd'hui dépassée pour nous, chrétiens. Jésus a vécu parfaitement cette Loi de son peuple et il a averti ses disciples de ne jamais s'en dispenser : "Je ne suis pas venu abolir, mais accomplir. Car avant que ne passent ciel et terre, pas un iota ne passera de la Loi" ( Matth 5, 17)

En outre, reprenant le meilleur de la tradition, il a résumé toute la Loi en deux préceptes inoubliables.

" Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton c½ur, de toute ton âme et de toute ta pensée" : c'est là le grand, le premier commandement. Un deuxième est aussi important : "Tu aimeras ton prochain comme toi-même". De ces 2 commandements dépendent toute la Loi et les Prophètes" ( Matth 22, 34)

Le DECALOGUE rayonne comme un chef-d'½uvre, un sommet, un phare lumineux pour l'histoire de l'humanité il a inspiré la Déclaration des droits de l'homme de 1789 (mais qui ne parlait plus du Dieu libérateur de l'Exode) , puis la Déclaration Universelle des Droits de l'homme, votée par les Nations-Unies en 1948 (mais qui omettait toute référence à la Transcendance).

Il commence par : "Je suis le Seigneur qui t'ai fait sortir..." et il s'achève sur les mots : "...femme et biens du prochain".

Ainsi l'homme a à vivre entre son Dieu et son prochain. Délivré de tous les jougs par un Dieu qui l'aime, il lui appartient de nouer avec ses frères des relations de respect, de concorde, de paix, d'amour. Libre pour aimer, il peut, avec eux, avancer dans la joie sur la route de l'Exode. Son Dieu n'est plus une idole oppressante ; son prochain n'est plus un rival à écraser. Debout, rectifié par la Loi de son Dieu, il va vers des lendemains qui chantent, vers le Jour de Gloire. Gloire de Dieu et Gloire de l'homme

4e dimanche de l'Avent, année A

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Avent
Année liturgique : A
Année: 2004-2005

Depuis quelques années, celles et ceux, en quête de sensations diverses, peuvent enfin, de chez eux, bien au chaud dans leur salon, et ce, grâce à certaines émissions télévisées, entrer dans l'intimité d'autres personnes de manière tout à fait naturelle, sans se poser aucune question.

En effet, des gens, triés sur le volet, acceptent d'être filmés quasi en permanence pendant une durée déterminée et feront ainsi la joie de ces spectateurs avides de détails croustillants de tout genre. Non seulement éthiquement inacceptables, je vois un danger certain dans la prolifération de ce type de programmes : celui de s'imaginer qu'il est tout à fait normal d'entrer dans l'intimité de toute personne au nom d'une fausse transparence de vérité. L'intimité n'aurait plus de frontières. L'intimité n'aurait plus de raison d'être. Tout peut être montré, dévoilé, voire étalé au grand jour. Pétri de ce type d'émissions, nous pourrions interpeller tout le monde, en tout sens, en tout lieu puisque l'intimité aurait disparu de notre paysage de vie.

Quelle société aurions-nous alors créé ? Il est essentiel de s'hérisser devant cette nouvelle culture car tout être humain se construit à partir de trois territoires d'intimité : intimité du corps, intimité de l'espace et intimité de la pensée. Et lorsque d'autres s'autorisent à y entrer de manière intempestive, nous avons le devoir de les remettre à leur place en leur rappelant de se mêler de leurs affaires et de leur faire savoir que cela ne les regarde pas. L'intimité de l'être est trop importante pour pouvoir être bradée par un certain type de culture télévisuelle.

En effet, dans nos vies, il y a des choses qui ne regardent que nous. Elles nous appartiennent. Ce n'est pas qu'elles soient scandaleuses, elles forment notre jardin secret personnel, familial ou communautaire. Ces réalités définissent notre appartenance et n'ont pas à se partager. Certaines seront même inavouables. Toutefois, contrairement à ce que d'aucuns imaginent, l'inavouable n'est pas toujours à lier à la faute, au péché. Il existe des choses qui sont inavouables car elles doivent rester secrètes, cachées. Ce n'est tout simplement pas le moment de les dévoiler. Les autres ne sont peut-être pas à même de les entendre, de les recevoir.

Et il en va de la sorte pour l'évangile de ce jour. L'intimité de Marie et de Joseph ne peut se dévoiler. La conception de l'enfant est à ce moment précis de leur histoire personnelle, inavouable. Ils taisent l'événement et acceptent ainsi de prendre le risque d'entendre les remarques, les critiques de leur environnement social qui croyait savoir alors qu'en réalité, ce dernier ne savait rien.

Puissions-nous nous nourrir de cet épisode de la vie de Jésus pour nous rappeler que très souvent, nous non plus nous ne savons pas. En effet, nous n'avons pas tous les éléments en main lorsqu'une situation précise touche l'intimité des êtres qui nous entourent. Marie et Joseph ont eu raison de protéger de la sorte leur intimité. En effet, de cette manière, ils ont pu assumer ce qui s'est imposé à eux.

En assumant l'histoire de Marie, d'une certaine manière, Joseph veut le non-voulu, qui pourrait se traduire par ce nouveau mot : l'invoulu. Il n'avait rien demandé. L'événement de la maternité de Marie est soudain, il contrecarre ses plans. Il aurait pu, comme souvent nous pourrions en être tenté, décider de le subir : « C'est ainsi. Je ne peux rien faire. Tel est mon destin. Je n'ai pas d'autre possibilité que de m'incliner ». Subir sa vie, prendre conscience de cette absence de liberté, rend notre traversée terrestre pénible. Or, comme le dit le poète, ce n'est pas l'événement qui fait la vie mais la manière dont je le vis.

En d'autres termes, soit je choisis de subir l'invoulu qui s'impose à moi, soit je décide de vouloir cet invoulu c'est-à-dire que je veux entrer dans une démarche. Une démarche proactive où décidant de vouloir l'invoulu, je me mets à l'assumer. Au départ, je n'ai pas désiré cet invoulu. Il m'est tombé dessus. Mais mon désir de liberté intérieure étant telle que cet invoulu, je le fais mien. Je l'assume en confiance. Je l'inscris dans mon histoire. Oh, une telle démarche ne peut se réaliser dans la solitude. C'est à deux que Marie et Joseph assument leurs nouvelles responsabilités. C'est avec celles et ceux qui m'entourent, à qui je me suis confié, en qui j'ai confiance, que je peux entrer dans une démarche en vue d'assumer l'invoulu parfois tout aussi inavouable.

Alors si, à certaines occasions, dans nos vies, nous sommes confrontés à des invoulus inavouables, remémorons-nous l'évangile de ce jour pour nous rappeler que l'invoulu inavouable de Marie et de Joseph a conduit l'humanité à entrer dans cet événement merveilleux de ce Dieu qui s'est fait proche de son humanité.

L'invoulu inavouable de Marie et Joseph, assumé en toute confiance, nous permet ainsi, à notre tour, d'entrer dans cette mystérieuse démarche d'attente qui éclatera au cours de la nuit de Noël. Amen

4e dimanche de l'Avent, année A

Auteur: Eggensperger Thomas
Temps liturgique: Avent
Année liturgique : A
Année: 2004-2005

Chers s½urs et frères,

Nous venons d'entendre une histoire assez bizarre de rêve. Joseph, le fiancé, a un rêve. Dans ce rêve il est chargé d'accepter sa fiancée telle qu'elle est.

Sur cet homme, la religiosité populaire sait bien plus que la science théologique ou historique. Ce Joseph est présenté en fin de compte comme un naïf aimable, le fiancé cocu, qui accepte tout - même une histoire pas très croyable d'une grossesse virginale. C'est évident, Joseph n'était pas prédestiné à devenir un personnage d'une plus haute importance dans l'histoire de monde.

Dans notre l'évangile, il y a un ange qui apparaît dans le rêve de Joseph. Pour lui le rêve est signifiant : Tous ses décisions sont basées sur des rêves. Il décidera un peu plus tard de fuir en Egypte après un rêve qui l'en charge. Après cette fuite il rentrera à Nazareth influencé par autre rêve...

Dans les évangiles, il y a seulement une décision de Joseph qui était en fait indépendante - mais cette décision était une erreur : En décidant d'abandonner Marie discrètement à cause da sa grossesse inattendue, mais il y avait un ange qui l'empêche de continuer : Pas abandonner, bien au contraire, accepter ! Joseph est invité à accepter sa fiancée enceinte.

L'évangéliste essaye d'expliquer avec cette métaphore l'histoire de la naissance de Jésus.

Le rêve a une position signifiante dans la Bible. Je pense au rêve de Jacob dans le livre de la Genèse (Gen 28, 10-19) : Il voit en rêvant une échelle entre le ciel et la terre. Ce sont les anges qui utilisent cette échelle pour aller et venir. Sur tout il y a Dieu. Je pense aux rêves de l'autre Joseph de la Bible, Joseph d'Egypte, qui a interprété les rêves du Pharaon.

En voyant la signification des rêves dans l'Ancien Testament notre figure de Joseph reçoit une autre perspective très intéressante :

De même que les gens de l'Ancienne Alliance ont changé leur vie à cause d'une réflexion sur leurs rêves, de même Joseph accepte la grossesse de sa fiancée après être inspiré par un rêve.

Nous n'apprendrons pas beaucoup sur Joseph. Historiquement tout est très faible. On peut bien mettre par écrit des rêves, mais on ne peut rien vérifier ou prouver.

Les rêves de la Bible ne sont pas la réalité. Ils ne montrent pas l'avenir. Depuis Siegmund Freud et C.G. Jung nous savons bien que nos songes ne sont pas seulement des mensonges, mais il ne sont pas un message d'un autre monde.. Peut-être les rêves nous aident-ils à assimiler l'inconscient, mais nous ne devenons pas des prophètes par eux. Il n'est pas conseillé de suivre ses rêves dans les décisions personnelles.

Les rêves de la Sainte Ecriture sont des images, images pour quelque chose qu'on ne peut pas décrire d'une autre manière.

À propos de Joseph : On ne sait pas beaucoup de lui, sa biographie reste cachée. Mais d'un autre côté il devient un lien entre la terre et le ciel. C'est la raison pour laquelle Joseph comme celui qui rêve a une certaine importance :

Il n'est pas un naïf pieux et obéissant - c'est trop facile et pas vrai.

L'évangéliste Matthieu cherche un lien entre l'ancien et le nouveau, entre la situation avant la naissance du Christ - l'histoire du peuple d'Israël -, et la situation après - l'histoire s'étendant autour du monde. Joseph devient le médiateur entre tradition et bouleversement.

Le message est l'espérance : c'est l'espérance qui nous est donnés comme sujets de l'histoire, comme sujets du présent aussi. Joseph sûrement a eu des moments de grand désespoir, mais le contexte a montré une route pour sortir de cette résignation.

Ainsi la fête de Noël devient le souvenir que nous-mêmes nous sommes liés au peuple d'Israël, que nous-mêmes nous sommes liés à l'histoire qui est une part essentielle du présent.

Amen !

4e dimanche de l'Avent, année A

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Avent
Année liturgique : A
Année: 2004-2005

 

Marie et l'Eucharistie

Le problème n'est pas de savoir si oui ou non la messe est obligatoire, pas plus que la solution n'est de la considérer comme un rite à consommer de temps à autre selon ses envies du jour. Il s'agit de pénétrer dans le mystère de l'Eucharistie, de savoir ce que nous faisons lorsque, chaque dimanche, à la suite de dizaines de générations de croyants, nous nous réunissons pour célébrer la messe.

Pour mieux entrer dans cette intelligence, à la lumière de Noël tout proche, je vous invite à contempler Marie : y a-t-il une relation entre la Mère de Jésus et notre Eucharistie ? Si oui, laquelle ? Notre méditation va nous révéler quelques richesses que nous ne soupçonnons guère.

ECOUTER LA PAROLE DE DIEU

La vie chrétienne de Marie a commencé lorsqu'un appel de Dieu lui est parvenu : " Réjouis-toi, comblée de grâce...Consens-tu à devenir la mère du Messie annoncé par les prophètes ?...". La petite paysanne de Nazareth a été bouleversée par cette initiative de Dieu. "Qu'est-ce que cela signifie ? comment cela va-t-il se réaliser ?..." : les questions se bousculaient, son c½ur battait la chamade. Mais sur le champ, sans demander un délai de réflexion, sans attendre la permission de quiconque, la jeune fille, toute seule devant l'Infini, a dit OUI :

" Je suis la servante du Seigneur : que tout se passe en moi comme Il l'a dit".

De façon semblable, notre semaine chrétienne commence par l'écoute de la même Parole. Attribuée à Moïse ou à Jérémie, à Saint Luc ou à Saint Paul, la Parole, proclamée par un lecteur, sort du livre et nous atteint au c½ur. Elle ne veut pas se figer tel un souvenir historique du passé ("dans le bon vieux temps...") ni briller au loin tel un rêve utopique ( "plus tard je ferai cela..."). Elle n'exige nullement que nous soyons parfaits, sans péché. Elle sollicite notre adhésion, elle nous presse de la recevoir comme une parole vivante qui secoue, oblige à faire des choix, incite à des décisions courageuses et immédiates. Elle attend que nous disions non seulement un "oui " du bout des lèvres mais que nous nous donnions, comme Marie :

" J'accepte de servir cette Parole, de me donner afin qu'elle se réalise aujourd'hui".

Comment est-ce que je suis disponible à l'écoute des Lectures de la Messe ?...

L'INCARNATION CONTINUE

Lorsqu'un homme écoute Jean-Baptiste, ou un maître zen ou un professeur remarquable, il devient son disciple : dès lors il va tenter de bien saisir la profondeur du message et il s'appliquera, de toutes ses forces, à le mettre en application.

De la même façon, Pierre, Jacques, Jean et les autres ont d'abord été les élèves de Jésus qu'ils appelaient : "rabbi, maître".

Mais à la dernière cène, il s'est passé un événement extraordinaire, inattendu, déroutant. Le maître qui présidait le repas a partagé le pain puis leur a tendu la coupe de vin en déclarant clairement : " Ceci est mon corps ... ceci est mon sang : faites cela en mémoire de moi".

Donc avant que ses ennemis ne le prennent pour l'exécuter, Jésus se donna à ses amis, il transforma sa passion subie en action voulue, il décida de continuer à vivre en ses amis !

L'Eucharistie prolonge donc le mouvement d'incarnation inauguré quelques années auparavant dans le village de Nazareth. Le Fils de Dieu avait d'abord pris chair dans le sein de Marie - ensuite, par l'Eucharistie, il continue à demeurer en ses fidèles afin qu'ils soient saints. Du coup les communiants ne sont plus uniquement des élèves d'un prophète mais, ensemble, ils constituent la demeure, comme le Corps du Christ. Si Marie a été le premier tabernacle du Verbe, à présent l'Eglise l'est à son tour.

Est-ce que je me donne à la constitution, à la croissance du Corps du Christ pour que l'Eglise soit sa Manifestation ?

L' EUCHARISTIE, MAGNIFICAT DE L ' EGLISE

On comprend pourquoi les premières assemblées chrétiennes autour des apôtres ont très vite compris que le Repas du Seigneur devenait le c½ur de leur existence en Eglise, que le dimanche se plaçait comme centre de leur histoire. Et ce Repas on l'appela Fraction du Pain, puis EUCHARISTIE - ce qui signifie "action de grâce, louange".

En cela encore l'Eglise imite Marie et fait écho à son cantique du Magnificat. A la suite de la Mère de Jésus - et avec elle, car elle est présente en toute célébration et nous la nommons chaque fois -, l'Eglise chante son allégresse " Mon âme exalte le Seigneur, j'exulte en Dieu mon Sauveur...".

Avec Marie, l'Eglise voit comment Dieu continue à travailler dans l'histoire et, sûre de sa victoire - à lui -, elle proclame : " Il renverse les orgueilleux, les nantis, les potentats, les avares ...Il élève les humbles et comble les pauvres et les humiliés".

Marie est question pour beaucoup de chrétiens - comme elle le fut au point de départ (cf. l'évangile du jour). A Joseph qui envisageait de s'éloigner d'elle, il fut dit : " Joseph, ne crains pas de prendre chez toi Marie : l'enfant en elle vient de l'Esprit-Saint". Et plus tard, au pied de la croix, sur le point de mourir, Jésus dira au disciple bien-aimé : " Voici ta mère", et dès ce moment " il la prit chez lui".

N"hésitons pas à prendre Marie dans notre patrimoine de foi et dans nos célébrations. Non pour quémander des miracles mais pour la contempler. En participant à l'Eucharistie avec elle, nul doute que nous pourrons la vivre avec plus de c½ur et une joie renouvelée.

 

4e dimanche de Pâques, année A

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : A
Année: 2004-2005

Au temps de la modernité - et même de la postmodernité, comme disent ceux qui parlent bien - est-il encore acceptable de chanter dans nos églises "Le Seigneur est mon berger" ? Dans un monde scientifique, au c½ur d'une civilisation urbaine, le langage biblique sur le pasteur et les brebis n'est-il pas complètement ringard ? Alors que nous nous voulons adultes, autonomes, responsables, est-il tolérable de nous entendre appeler "brebis, moutons" ?

Mais est-il si sûr que nous sommes devenus adultes, que nous ne sommes plus des "moutons de panurge" ? Voyez comment un slogan publicitaire peut susciter un incroyable engouement parmi la foule, comment les jeunes, tout en clamant leur indépendance, sont avides de porter les mêmes "marques" ! Avec quelle facilité on nous convainc qu'"il faut" avoir assisté à tel spectacle, avoir vu telle émission ou porter tel vêtement à la mode. Que se dresse une idole : les adorateurs s'agglutinent, fascinés. Qu'un tribun éructe des discours enflammés, que roulent les tambours, que claquent les refrains nationalistes : les peuples foncent au massacre.

Jésus commence par mettre en garde ses disciples contre ces manipulateurs, ces leaders : ce sont, dit-il, "des voleurs et des brigands". Derrière leurs belles apparences et leurs déclarations fracassantes se cachent leurs ambitions, leur désir d'enrichissement et de gloriole. Sans vergogne, ils recourent à la violence, ils lancent leurs adeptes à la tuerie.

COMMENT JESUS EST BERGER DES HOMMES

Tout à l'opposé de ces méthodes diaboliques, Jésus expose son propre comportement.

"CELUI QUI ENTRE PAR LA PORTE DE LA BERGERIE,

IL EST LE PASTEUR DES BREBIS. LE PORTIER LUI OUVRE,

ET LES BREBIS ÉCOUTENT SA VOIX"

Jésus ne vient pas vers nous par des voies détournées, des chemins de ruse et de mensonge. Il se présente à l'humanité par la porte de l'humanité, sans recourir à des procédés magiques, à des bizarreries ésotériques. Chez lui tout est clair, simple, évident.

" LES BREBIS ECOUTENT SA VOIX"

Jésus parle - c'est-à-dire il recourt au seul moyen qui respecte notre liberté. Il fait entendre son Evangile, à tous il adresse la Bonne Nouvelle. Il ne crie ni ne menace. Avec patience, il explique sans imposer de conditions préalables, il répète sans rejeter personne. Il ne s'étonne pas de ne pas faire l'unanimité mas il ne consent aucun rabais sur ses exigences dans le dessein de s'attirer davantage de disciples. Notre première et fondamentale attitude est donc d'écouter, de distinguer cette Voix unique de toutes les autres. Ah si les chrétiens n'avaient pas laissé recouvrir l'Evangile par les hurlements des dictateurs !?...

" IL LES APPELLE CHACUNE PAR SON NOM"

Il faut ne rien comprendre à l'Eglise pour la juger comme une caserne où tout le monde marche au même pas et obéit au moindre coup de sifflet des Autorités. L'Evangile est unique mais la Voix du Christ se module selon chaque personne. Elle ne crée pas des clones mais au contraire elle éveille chacun à sa propre vocation.

Il suffit de voir l'admirable et infinie diversité des vies de Saint(e)s : saint Paul voyage sans arrêt et sainte Thérèse de Lisieux s'enferme dans un couvent ; Damien part chez les lépreux du Pacifique et le curé d'Ars demeure avec les paysans de son village. Parents, ouvriers, chefs d'entreprise, éducateurs, commerçants, employés, ministres, écrivains, enfants... : chaque chrétien peut écouter le même Christ et le suivre sur sa propre voie, à son propre rythme, en utilisant ses talents personnels.

L'Evangile rend l'homme à lui-même, l'épanouit dans sa propre ligne.

" IL LES FAIT SORTIR "

Car la foi est une aventure, un exode, un mouvement perpétuel de libération. Le passé n'est plus un boulet que l'on tire, le péché cesse d'être une prison, la culpabilité détend ses griffes mortifères. Mais du coup, le disciple ne peut plus se fier à ses pratiques, se reposer sur ses lauriers, s'engluer dans une tranquillité routinière. La foi est renaissance, perte des préjugés, fin de la dictature de l'argent. Précisément elle n'a rien de "moutonnier" puisqu'il faut, avec l'Esprit, inventer sa vie.

" IL MARCHE A LEUR TETE "

A l'opposé des chefs qui ordonnent à leurs subordonnés de prendre tous les risques tandis qu'eux-mêmes restent planqués à l'arrière, Jésus a toujours marché devant ses disciples. Et lorsque les ennemis sont survenus, c'est lui qui s'est laissé arrêter tandis qu'il laissait s'enfuir ses compagnons. Seul il ira à la croix. Sans eux mais pour eux.

Si tu as peur, ne regarde pas en arrière pour voir si Jésus te suit : car il t'a toujours précédé.

DIMANCHE DES VOCATIONS DE PASTEURS

En ce dimanche, l'Eglise s'émerveille d'avoir la grâce de suivre un tel Berger ; elle prie pour le futur successeur de Pierre et pour obtenir de jeunes pasteurs qui accepteront la charge de se voir confier leurs frères dans la foi afin de les conduire vers la Demeure du Ciel.

Qu'ils imitent Celui à qui seul appartiennent les brebis, qu'ils emploient ses méthodes : faire retentir la Voix de l'Evangile, aider chacun à accomplir sa vocation personnelle, donner l'audace de quitter les ornières de la médiocrité et du découragement, s'exposer les premiers et aller de l'avant.

Alors se réalise le projet de ce Seigneur qui a pu affirmer :

" LE VOLEUR NE VIENT QUE POUR VOLER, EGORGER ET DETRUIRE.

MOI JE SUIS VENU POUR QUE LES HOMMES AIENT LA VIE,

POUR QU ' ILS L'AIENT EN ABONDANCE "

4e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Collin Dominique
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2004-2005

Mt 5, 1-12

Nous sommes invités, ce dimanche, à entrer dans la ronde de joie de tous ceux et celles qui ont trouvé le bonheur en cherchant le Royaume des cieux ! Nous sommes invités par Jésus à être heureux ! Heureux, parce que nous aurons trouvé le source du bonheur et de la joie : Dieu lui-même !

Nous disons souvent, et à juste titre, que Dieu est amour. Mais il faut ajouter aussitôt : Dieu est bonheur ! Il est « le Dieu bien-heureux qui donne le bonheur », dit saint Augustin. Etre heureux et rendre heureux lui appartiennent en propre, comme à la lumière de briller et d'habiller de couleurs toutes choses. La béatitude fait partie du mystère même de son être. Lorsque, enfants, vous avez suivi le catéchisme, le curé aurait pu très justement, à la question : « Qu'est-ce que Dieu ? », vous enseigner la réponse : « Dieu est l'être parfaitement heureux, créateur du ciel et de la terre ». Cela n'aurait pas été moins exact que de parler de l'être « absolument parfait » et cela aurait été certainement plus compréhensible à l'enfant que vous étiez qui associait spontanément et avec raison le bonheur au jeu.

Comment savons-nous que Dieu est béatitude ? Il l'est pour la même façon qu'il est trinité : parce qu'il est amour. En fait, et l'expérience l'enseigne, le bonheur c'est d'aimer et d'être aimé. Lorsque l'Esprit Saint répand dans les c½urs l'amour de Dieu (Rm 5, 5), il y verse en même temps la béatitude de Dieu. Pour cette raison, la joie est un des premiers fruits de sa venue dans l'âme. Le « Dieu de ma joyeuse allégresse » : c'est le titre donné à Dieu dans un psaume (Ps 43, 4).

Si Dieu est béatitude, tout ce qu'il fait, il le fait avec joie ; avec joie, il crée « tandis que les étoiles du matin chantaient en ch½ur et que tous les fils de Dieu criaient hourra » (Jb 38, 7). Il sauve avec joie et même il souffre avec joie (car il vrai que Dieu « souffre » avec l'homme et pour l'homme aussi longtemps que celui-ci demeure en risque de se perdre.) Dieu est heureux ! Voilà sur Dieu une affirmation neuve et non un cliché usé, qui est à même, mieux que tant de discours, de nous faire percevoir que Dieu est bien le « Dieu vivant ».

Où et quand avons-nous connu le bonheur pour en porter en nous un désir si vif dès notre naissance ? Au cours d'une vie antérieure ? Mais cela ne ferait que renvoyer le problème à cette vie précédente, sans le résoudre. Nous portons inscrit en nous le désir d'être heureux parce que Dieu nous a créés « à son image, en vue de sa ressemblance » : lui, qui est béatitude parfaite, nous a créés pour la béatitude. Nous sommes pétris avec le désir du bonheur.

Une question se pose alors : pourquoi si peu de gens sont-ils vraiment heureux ? Et ceux qui le sont pourquoi le sont-ils de façon si fugitive ? Il n'est pas difficile de découvrir où se dissimule l'erreur. La révélation dit : « Dieu est amour ». Et l'homme a pensé pouvoir renverser la proposition en déclarant : « L'amour est dieu ! ». Et quand la révélation enseigne : « Dieu est béatitude », à nouveau l'homme renverse l'ordre pour affirmer : « le bonheur est dieu ! ». Qui cherche Dieu trouve toujours le joie, mais qui cherche la joie ne trouve pas toujours Dieu. Chercher le bonheur avant de chercher Dieu ou le chercher en dehors de Dieu c'est n'en trouver qu'un vain simulacre. L'homme ramène sa soif de bonheur au niveau quantitatif : il poursuit des plaisirs et des émotions de plus en plus intenses, il ajoute plaisirs à plaisirs. Pour entrer dans la joie, il faut donc passer de la quantité à la qualité. Dieu seul est heureux et rend heureux. Un psaume exhorte en ce sens : « Mets ta joie dans le Seigneur, il comblera les désirs de ton c½ur » (Ps 37, 4). En Dieu, l'homme trouve tout ce qu'il a coutume d'expérimenter par le mot de bonheur et même infiniment plus, car « l'½il n'a jamais vu, l'oreille n'a jamais entendu, le c½ur de l'homme n'a jamais perçu ce que Dieu a préparé pour ceux qui l'aiment » (1 Co 2, 9). Le but ultime que la foi chrétienne propose à l'homme n'est pas la simple cessation de toute souffrance ou l'extinction de tout désir. C'est infiniment plus : la satisfaction de tous les désirs. « Devant ta face, débordement de joie, chante un psaume, à ta droite, éternité de délices ! » (Ps 16, 11). L'humanité moderne a fini par s'enfermer dans la conviction qu'elle doit choisir entre Dieu et le bonheur. Inconsciemment nous avons fait de Dieu le rival, l'ennemi de la joie de l'homme ; un Dieu « envieux », comme le dieu de certains auteurs païens.

Dieu est bonheur ! Les moments apparemment éphémères de notre vie, chacun de ces instants où, comme dit le poète, « nous avons eu les veines pleines d'existence », s'inscrivent à jamais dans la mémoire aimante du Père. Alors le nihilisme de notre époque est vaincu, l'angoisse, au fond de nous, peut se transformer en confiance, la haine en adhésion. Et voici ce qu'il faut sentir très fort, chaque jour : il est bon de vivre, vivre est grâce, vivre est gloire, toute existence est bénédiction.

Alors, être heureux, c'est bénir. Tenter de devenir non pas un être de possession - qui possède et qui est possédé -, mais un être de bénéfaction. Réciprocité sans limites de la bénédiction : bénir Dieu qui nous bénit, tout bénir dans sa lumière, sous oublier que la bénédiction, pour ne pas devenir « vaines paroles », doit se faire « bénéfaction ». Oui, agir la bénédiction reçue au plus profond pour faire grandir ceux et celles que nous rencontrons.

Être heureux et rendre heureux : tel est la nature de Dieu et notre vocation personnelle et collective. Avec confiance, prenons donc avec un dynamisme renouvelé le chemin de la Béatitude. Amen !

5e dimanche de Carême, année A

Auteur: Braun Stéphane
Temps liturgique: Temps du Carême
Année liturgique : A
Année: 2004-2005


Jn 11, 1-45

« Quand il vit que Marie, la s½ur de Lazare, pleurait, il fût bouleversé d'une émotion profonde et pleura ».

Jésus avait une amitié profonde pour Marie, Marthe sa s½ur, et leur frère Lazare. Il a été profondément touché par la mort d'un ami et la douleur de ses s½urs. Est-ce là une image, un signe, une icône, de l'homme Jésus, de Dieu fait homme ?

Dieu, pour être homme, pour prendre chair, doit-il se « fragiliser » ? Doit-il devenir sensible, avoir des émotions, être capable de pleurer la mort d'un ami ?

Qui donc est ce Jésus ? Vraiment homme et vraiment Dieu a la fois. Et non pas en alternance, tantôt homme et tantôt Dieu. L'homme qui pleure Lazare, et Dieu qui le ressuscite.

Cet évangile nous entraîne dans un mystère, le mystère de la mort et de la résurrection. Cet espace mystérieux dans lequel la vérité reste inaccessible pour notre raison, mais toujours nous attire et nous entraîne plus loin.

Je voudrais, aujourd'hui, plonger avec vous dans ce mystère de l'homme/Dieu, sans essayer le percer, mais pour s'en laisser envelopper et pénétrer.

Qui est ce Lazare, vraiment mort, enseveli dans un tombeau fermé par une pierre et, trois jours après, debout dans son linceul, ressuscité ?

St. Jean est le seul des quatre évangélistes à nous raconter cette histoire, quelques jours avant la résurrection de Jésus, avant Pâques. Que veut nous dire Jésus mettant en scène sa propre résurrection ?

Jésus vrai homme, vraiment homme, homme en vérité ! L'évangile nous montre un homme Jésus qui ne parle pas de l'amour mais qui dit simplement « je t'aime » avec sensibilité et émotion. ; Un homme Jésus capable de faire de la place en lui pour quelqu'un, et en qui l'absence, le vide, fait vraiment mal.

Je crois que c'est cela la vérité de l'homme : Etre capable d'aimer, de faire,en soi, de la place pour l'autre et d'en faire de plus en plus pour se rapprocher de Dieu. En faire de plus en plus pour tendre à en être plein, à atteindre cette plénitude de Jésus, tellement plein d'amour qu'il est Amour, qu'il est Dieu !

On dit que Jésus portait en lui tout le péché du monde et qu'il est mort pour cela. Je préfère dire que tout en lui était place pour aimer, c'est-à-dire pour la vie de Dieu car il était Dieu. Et qu'il est mort pour nous céder la place.

En pleurant avec les hommes, en ayant mal avec eux, Jésus affronte la souffrance et la mort, tout ce qui empêche de vivre. Jésus, avec la résurrection de Lazare, nous entraîne avec lui, dans ce combat contre la mort, dans sa propre résurrection et la nôtre.

Marthe et Marie croyaient en Jésus. Elles l'aimaient vraiment. Elles le savaient capable de donner vie, de donner la Vie. Et il l'a fait.

N'est-ce pas là la vérité de l'homme, ce qui donne sens à sa vie, la clef du bonheur : sa capacité d'aimer. C'est-à-dire sa capacité de donner la vie, en se mettant debout avec ceux qui sont couchés, en ouvrant ses yeux avec ceux qui voient mal, en reconnaissant ses propres souillures et blessures pour accepter celles des autres. Je crois que beaucoup d'entre nous ont déjà ressenti ce bonheur, cette chaleur dans les entrailles, cette envie de courir en chantant, quand on aime et se sent aimé, quand on pardonne et se sent pardonné.

Alors la vérité de l'homme rejoint celle de Dieu. Le vrai Dieu, celui qui est ressuscité, qui est là, comme Lazare, debout, vivant dans son tombeau mais qui a besoin des hommes pour enlever le linceul et dégager les bandelettes. Ce Dieu, le Vivant, qui a besoin des hommes pour vivre, pour que l'amour puisse se répandre, se voir, se sentir, être palpable et rendre heureux.

Un peu comme un cadeau qui a besoin, pour être vraiment cadeau, pour être signe et relier, d'être déballé, de se laisser voir, de se laisser découvrir et approprier. « Jésus cria d'une voix forte : Lazare, viens dehors ! Et le mort sortit, les pieds et les mains attachés, le visage enveloppé d'un suaire. ». La mission de Jésus s'achève ici.

Mais le texte continue : « Jésus dit alors a ses disciples : Déliez-le et laissez le aller ».Et c'est là que commence la mission des disciples, notre mission. Jésus, le Christ, a connu la mort des hommes pour que nous prenions sa place, pour que nous prenions le relais et le remplacions. Il est ressuscité pour que sa vie, la vie de Dieu, Dieu, continue à vivre en nous, à travers nous, et grâce à nous.

Nous en sommes dorénavant les garants et responsables. Que l'Eucharistie, que nous célébrons une nouvelle foi aujourd'hui, en soit la reconnaissance, l'acceptation et l'engagement pour que Pâques soit pour nous tous la fête de la Vie éternelle.

5e dimanche de Carême, année A

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps du Carême
Année liturgique : A
Année: 2004-2005

C'est bien d'avoir la foi. Mais il faut que la foi devienne fidélité.

C'est bien d'être baptisé et de faire sa profession de foi. Encore faut-il tenir ses engagements jusqu'au bout. Jusqu'au moment du passage de cette vie à La Vraie Vie, du temps à l'Eternité.

C'est là, dans cet intervalle, que se déroule le terrible combat spirituel. Car nous sommes libres ; le choix est devant nous et la grandeur de Dieu est d'avoir fait des créatures capables de le renier !

TRAHISON DES ENGAGEMENTS

L'aventure des esclaves hébreux que nous suivons au cours de ce carême est bien le prototype de toutes les générations, et donc aussi de la nôtre.

Dieu est intervenu gracieusement pour libérer un groupe d'esclaves, Il leur a permis de franchir la frontière de la mer et d'échapper à leurs poursuivants ; ensuite dans le Sinaï, il leur a proposé d'entrer en Alliance avec Lui, de devenir son peuple - une Nation sainte ! - en acceptant de vivre sous la loi du Décalogue. A trois reprises, dit la Bible, le peuple, unanime, a répondu en criant haut et fort :

" Oui, tout ce que Dieu a dit, nous le mettrons en pratique !"

Hélas, cet enthousiasme fut de bien courte durée. Tout au long du cheminement qui doit le conduire à la Terre promise, le peuple va sans cesse "murmurer", répète la Bible, mais le mot est trop faible. Il faut comprendre : râler, critiquer, ronchonner, contester.

Et cela pendant 40 ans, dit-on - la durée de vie d'une génération ! Et alors que Dieu, par son prophète, manifeste son inlassable patience, démontre sa sollicitude et sa bienveillance.

Un jour, on se plaint de la soif : Moïse les conduit à un rocher dont les veines calcaires recèlent une réserve d'eau. Un autre jour, on a faim. Et Moïse, encore, leur montre une certaine espèce d'arbrisseau dont la sève suinte et se coagule en grumeaux comestibles. Surpris, les Hébreux s'interrogent :

MAN HOU ?("Qu'est-ce que c'est ?") :

et ils appelleront ce bizarre aliment : " Manne ". Une autre fois, en proie au découragement devant les difficultés du désert, on en vient même à douter et à vouloir retourner en Egypte : on préfère redevenir des esclaves entretenus plutôt que d'assumer une liberté combattante et pauvre. ! Ou bien encore on se dresse contre ce Moïse que l'on soupçonne d'avoir entraîné le peuple dans une voie sans issue

LE VEAU D ' OR

Mais c'est dans une scène célèbre que la Bible met en évidence la révolte, la désobéissance du peuple. Alors même que l'on vient d'accepter les clauses de l'Alliance avec Dieu, on décide d'élever une statue : le veau d'or - en fait un jeune taureau fabriqué avec l'or des bijoux. Sur un ton amer, la Bible note :

"Et le peuple s'assit pour manger et boire ; et il se leva pour se divertir" ( Exode 32)

Fascination de l'idolâtrie : la puissance sexuelle et la puissance de l'or ne sont plus, selon le dessein de Dieu, lieux de partage et d'amour fidèle, mais déviance, cupidité, jouissance à tout prix - donc chemins de mort. N'est-ce pas dans un opéra que l'on chante :

"Le veau d'or est encore debout. On encense sa puissance d'un bout du monde à l'autre bout ...Et satan conduit le bal" ( "FAUST")

Aujourd'hui, en quelques dizaines d'années, notre société, prodigue en merveilles de toutes sortes, a fait miroiter l'ivresse de l'enrichissement, a démultiplié la frénésie de la consommation. Il a suffi de peu de temps pour que des foules immenses de baptisés basculent dans l'indifférence religieuse. Le consumérisme a réussi à obtenir par la séduction ce que le communisme athée avait échoué à réaliser par la dictature.

LA VICTOIRE D'UN SEUL

Entre la libération d'Egypte et l'entrée en Terre promise, entre l'engagement baptismal et le passage dans la Maison éternelle de Dieu, la route est longue, sinueuse, ardue, parsemée de pièges.

Un seul a réussi à vaincre les trois mensonges qui nous égarent :

"Transforme les pierres en pain" càd. :Satisfais-toi des nourritures terrestres, contente-toi d'apaiser tes besoins.

"Jette-toi du haut du temple" càd. : Subjugue les foules par la magie du spectacle, par une religiosité angélique. "Lance-toi à la conquête du monde" càd. : Impose ton programme par la force des armes et la violence.

Jésus a rejeté ces procédés mortifères et il est demeuré absolument fidèle à son Père - même quand il avait faim, même quand il échouait à faire des disciples, même quand la haine des hommes le clouait sur une croix. Tant il était convaincu que son Père le sauverait - même si tout et tous l'abandonnaient. A sa suite, dans la foi, nous pouvons participer à sa victoire.

DEVANT TOI DEUX CHEMINS : CHOISIS LE BON

Dieu interpelle nos libertés fragiles " Je mets devant toi bonheur et malheur, vie et mort ! Choisis la Vie" :

Il nous supplie de ne pas nous tromper de chemin, d'éviter les égarements des Hébreux dans le désert, de redresser notre conduite pendant qu'il en est temps, de refuser la contamination des idoles aujourd'hui triomphantes. A la veille de Pâques, quelle conversion décidons-nous ?...

Pour que nous puissions marcher en fidélité, son Fils Jésus nous offre cette nourriture mystérieuse, cette Hostie qui tout à l'heure au creux de notre main éveillera à nouveau la question :

" Qu'est-ce que c'est ? MAN HOU ?..."

Dans la foi répondons : c'est l'Agneau immolé pour notre libération.

C'est la Source d'Eau vive de l'Esprit.

C'est le Pain de Vie qui nous garde dans le bonheur de Dieu.

C'est le viatique qui nous alimente pour atteindre la Maison de Dieu.

5e dimanche de Carême, année A

Auteur: Eggensperger Thomas
Temps liturgique: Temps du Carême
Année liturgique : A
Année: 2004-2005

Chers s½urs et frères,

Ce que nous avons entendu c'est une péricope de l'évangile selon saint Jean. Le onzième chapitre de l'évangile décrit la mort et la résurrection de Lazare. À première vue cette péricope ressemble à toutes les péricopes : il y a un miracle et la raison de ce miracle est Jésus avec sa puissance divine. C'est le fils de Dieu qui agit et réagit.

Mais on constate que cette péricope est extraordinaire. Ca commence avec le fait qu'on ne trouve pas une péricope semblable dans les autres évangiles. Il y a une résurrection d'un homme - un événement très spécifique - et il n'y a aucun autre évangéliste qui le prend au sérieux. C'est bizarre...

De quoi parlons-nous ?

Nous parlons de Lazare de Béthanie, un ami de Jésus. Il est très malade et ses s½urs, Marie et Marthe, demandent de l'aide à Jésus .

Ce n'est pas rare que les gens demandent à Jésus d'intervenir pour quelqu'un qui est malade ou handicapé. Mais il est très rare que Jésus ne réagisse pas. Il attend plusieurs jours pour y aller. Quand il arrive il est trop tard : Lazare est décédé depuis quatre jours. De Jérusalem à Béthanie il n y a pas une grande distance. En tout cas un voyage de quatre jours n'est pas nécessaire.

Jésus arrive et Marthe reste un peu hésitante : D'un côté elle ne comprend pas bien pourquoi Jésus vient tellement en retard, mais de l'autre côté elle met sa confiance en lui et sa puissance.

À la fin il y a cet événement impossible : Il y a la résurrection de Lazare, le décédé, le cadavre.

Cette péricope reste bizarre si on recherche un contexte réel, un contexte historique. C'est la raison pour laquelle il semble plus prudent de chercher le message central de ce texte. Quel est le but de l'auteur de cette histoire ? Qu'est-ce qu'il voulait expliquer ?

Je vois deux aspects différents. Le premier est plus humain, le deuxième est plus théologique.

Je commence avec l'aspect humain : la communication entre Marthe et Jésus me touche : Jésus arrive trop tard, Marthe souffre du décès de son frère et elle a toutes les raisons pour être déçue, pour être irritée. Mais elle a une réaction qui rend perplexe : Elle parle de confiance. C'est pour une part incompréhensible, et pour une part compréhensible.

C'est incompréhensible parce que Jésus n'était pas là et il y a aucune chance qu'il puisse encore régler les affaires.

C'est compréhensible parce que nous trouvons ici un modèle de réaction très humain. C'est un modèle que nous connaissons bien dans notre vie : Si nous sommes désespérés et nous ne savons plus que faire dans une situation désastreuse nous appelons un ami/une amie. Sans savoir pourquoi nous racontons tous les problèmes, tout le contexte de ce problème. Et cet ami - il entend, il attend - et après mon monologue sur les drames de ma vie il me répond : « Voilà, c'est un problème ! Mais maintenant nous cherchons ensemble une solution. »

Et nous ? Nous sommes soulagés, nous pouvons respirer de soulagement.

Pourquoi ? En principe il n'y a aucune raison. L'ami n'a pas trouvé une solution. Il a seulement indiqué qu'on peut résoudre le problème. Pas plus ! Mais ça suffit. La confiance que cet ami a compris le conflit suffit, et il va trouver ce que moi-même je ne trouve plus.

C'est l'aspect humain pour Marthe : Jésus n'a rien promis, mais elle est heureuse parce qu'il a permis un progrès dans l'ambiance du désespoir.

Il y a un deuxième aspect que je constate dans ce texte qui est plus théologique : C'est la résurrection de Lazare. Cette histoire est très symbolique en raison de ce qui suivra un peu plus tard - la résurrection de Jésus, le Christ. C'est le noyau de cette péricope : l'explication de la résurrection de Jésus. Lazare devient la métaphore de Jésus. Pas plus, pas moins.

À la fin nous avons les deux aspects : l'aspect humain et l'aspect théologique. Mais les deux ne sont pas séparés. Pas de tout ! Les deux aspects ensemble créent ce phénomène que nous appelons « la foi ». La foi est le mélange de la confiance de Marthe et de la résurrection de Lazare.

J'espère que cette histoire reste pour vous maintenant un peu moins bizarre qu'avant...

Amen !

5e dimanche de Pâques, année A

Auteur: Eggensperger Thomas
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : A
Année: 2004-2005

 

Chers s½urs et frères,

« Habemus papam ! » - c'est la déclaration la plus important de cette semaine. Au conclave les cardinaux ont élu un nouveau pape. Le cardinal Joseph Ratzinger, le préfet de la congrégation pour la foi, a été créé comme « leader » de l'église catholique. Benoît XVI, déjà très connu, surtout comme fonctionnaire d'une institution très signifiante, bien respectée, mais pas toujours bien aimée...

Il est évident que Benoît n'était pas seulement un fonctionnaire mais il est aussi un théologien, assez important autour du concile, Vatican II, important comme professeur de théologie. C'était la raison pour laquelle j'ai trouvé dans ma bibliothèque personnelle un livre de Joseph Ratzinger des années septante. C'est une collection d'articles du théologien Ratzinger.

Ce livre je l'ai reçu par hasard : À mon couvent de Düsseldorf un vieux frère était décédé et nous avons distribué les livres de sa chambre. J'ai vu ce livre et je me suis décidé à le prendre dans ma bibliothèque. J'ai lu les articles sans savoir que Ratzinger deviendrait plus important que ce que je pensais...

Voilà, maintenant j'ai fait une petite relecture et j'ai lu attentivement ce qu'il a écrit sur la théologie de l'église, la structure et le charisme. Comme vous savez qu'il n'est pas toujours facile ou possible pour un fonctionnaire d'exprimer son opinion personnelle. C'est plus facile pour un scientifique.

Une bonne situation pour ce week-end : Nous avons entendu un passage du livre des Actes. Il y avait une crise : La jeune communauté était en train de vivre une division parce qu'il y avait deux groupes dont l'un était majoritaire : Premièrement les hébreux, c'est-à-dire les chrétiens qui viennent de la tradition du judaïsme. Et deuxièmement les hellénistes - chrétiens aussi mais de la tradition grecque.

C'était à l'occasion du reproche exprimé par les hellénistes d'être désavantagés que la communauté chrétienne a décidé la convocation des disciples. On a constaté que le conflit est trop important pour qu'on puisse nier la réalité. L'église est en crise parce qu'il y a plusieurs groupes avec plusieurs idées et mentalités.

Dans la collection des articles de Ratzinger il y a un chapitre sur l'église. Il est intéressant de lire ce que Ratzinger pense sur l'église catholique quelques années après la fin de Vatican II. C'est un moment exigeant dans l'église. Il y avait des premières résultats du concile et maintenant il y avait quelques années de reformes, des expériences.

Ratzinger constate comme continuité du concile la renaissance du principe d'une église locale, ça veut dire une nouvelle conscience qu'il y a autre chose que seulement Rome et le pape d'une côté et les fidèles d'autre côté. Le concept d'église locale veut ouvrir les possibilités d'agir et de réagir aux communautés régionales pour mieux respecter les spécificités locales avec une certaine tradition et avec un certain niveau théologique en lien avec des problèmes plus concrets.

On a créé les conférences épiscopales, l'assemblées des évêques pour une région locale qui peut mieux discuter les problèmes spécifiques. On a permis la liturgie dans le langage du peuple, pas seulement en latin.

Mais Ratzinger était déjà un peu sceptique sur les conséquences. Il écrit :

« Les deux mouvements peuvent se renverser au négatif dans ce moment, si la communauté se ferme elle-même et reste autosuffisante. Et de même si quelques structures nationales trouvent une route autonome et oublient qu'elles sont Église seulement en lien d'un ensemble et en vue de l'ensemble. »

On voit très vite la position du jeune Ratzinger : Un « oui » pour la réforme, un « non » pour une révolution.

Voilà - que fait notre communauté à Jérusalem ? Ils cherchent une solution parce qu'une reforme est nécessaire : Les hellénistes ne sont pas contents et pour la reste de la communauté il est clair que la marginalisation d'un groupe n'est pas possible, n'est pas prudent. Ils discutent ensemble, chaque groupe présente sa position, chaque critique qu'il veut exprimer. On ne peut pas trouver une solution simple pour résoudre le problème parce que le conflit est plus fondamental que seulement quelques veuves qui sont désavantagées. Pas de tout !

Le conflit est surtout une crise structurelle. Les supérieurs de la communauté viennent d'une partie mais ils ne sont pas acceptés par l'autre partie. Et la solution ? On ne voulait pas convaincre les marginalisés que les supérieurs sont mieux que ce qu'il en pensent. Non, on décide une restructuration de la communauté : Maintenant il y a deux groupes de supérieurs : Les hébreux pour les hébreux, les helléniste pour les hellénistes.

Cette solution des Actes des Apôtres est sans doute dans la ligne du Ratzinger dans son article : Pas une révolution, mais une réforme.

Ratzinger écrit : « Le critère fondamental, si une communauté est rassemblée au nom du Christ, ce qui fait d'elle l'église, est sa relation à l'ensemble.. Le critère fondamental est sa non-fermeture, son ouverture à l'ensemble de l'église. »

Ce n'est pas mal exprimé par ce théologien qui est aujourd'hui notre pape, par lui qui est responsable aujourd'hui pour l'église et ses communautés.

Moi-même, je vois trois aspects intéressants dans cette relation entre la communauté des jeunes chrétiens, la perspective théologique de Ratzinger dans son article et nous ici et aujourd'hui :

Premièrement :

Les Actes des Apôtres nous montrent une discours formidable comme conséquence d'un conflit : On n'a pas supprimé les marginalisés, on n'a pas soumis les hellénistes en faveur de la majorité des hébreux avec la puissance des apôtres. Au contraire : On a analysé ensemble le conflit et on a trouvé ensemble une nouvelle manière de faire.

Deuxièmement :

Pour nous aujourd'hui l'histoire de Jérusalem est un bon exemple de la manière de traiter un conflit. C'est la communication qui est la solution ou du moins le premier pas de la solution. C 'est le compromis qui crée la paix.

Troisièmement :

Pour notre pape cette corrélation de la lecture et son propre article reste comme un défi : Je ne pense pas que Joseph Ratzinger avait pensé pendant la préparation de son article sur l'église qu'il serait le pape de cette église. Même si Benoît XVI. se trouve confronté avec un groupe catholique dans le monde, confronté avec des théologiens dans le monde qui ne sont pas fermés, qui sont sincères, je souhaite qu'il voie leur relation à l'ensemble. De cette manière je souhaite que le pape se souvienne de son article de 1972.

Amen !

5e dimanche de Pâques, année A

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : A
Année: 2004-2005

Un jour, un menuisier étant arrivé à l'âge de la retraite informe son employeur de son intention de quitter l'entreprise afin de passer le reste de sa vie paisiblement auprès de son épouse. Le patron de cette petite entreprise était triste de voir partir un si bon menuisier et lui demanda une faveur personnelle de construire juste une dernière maison. Le menuisier accepta. Mais cette fois-ci, il était facile de voir que son c½ur n'était plus à l'ouvrage. Il accomplit un travail médiocre et utilisa des matériaux de qualité inférieure. Quand le menuisier eut terminé la maison, son employeur arriva et en fit l'inspection puis il présenta la clé de cette maison au menuisier en disant : « cette maison est la tienne, c'est mon cadeau pour toi en reconnaissance de toutes ces années ». Le menuisier était si triste. Quelle honte. Si seulement il avait su qu'il construisait sa propre maison, il l'aurait bien évidemment faite autrement. N'en va-t-il pas de même avec notre vie ? Ne la construisons-nous pas malheureusement trop souvent avec négligence et insouciance ? Un peu comme si nous étions convaincus que nous avons toute la vie devant nous, ayant oublié que la mort nous attend au bout de notre chemin pour entrer dans la vie éternelle ? Si nous répondons de manière positive à ces questions, alors à un moment donné, avec étonnement, nous réaliserons que nous devons vivre dans la maison que nous nous sommes construite. S'il nous était possible de recommencer, nous aurions sans doute fait autrement nous aussi, mais nous ne pouvons pas revenir en arrière. Nous sommes toutes et tous les artisans de cette maison qu'est notre vie. Chaque jour nous enfonçons un clou, nous plaçons une planche, nous érigeons un mur. La vie n'est-elle pas un projet de tous les instants. C'est par nos attitudes et nos choix d'aujourd'hui que nous construisons la maison que nous allons habiter demain et pour le reste de notre vie. Alors pourquoi ne pas la construire avec sagesse ? conclut l'auteur de ce conte.

Ma vie sera-t-elle une petite cabane toute branlante cachée au fond d'un bois ou un château aux mille pièces ouvertes sur le monde ? Dieu nous a donné la liberté. Cette dernière fait de nous les artisans de nos existences. A nous de l'utiliser de la manière la plus appropriée en vue de réaliser notre destinée. Toutefois nous ne sommes pas seuls sur cette route de la vie. En effet, dans la foi, le Christ vient nous redire : « je suis le Chemin, la Vérité, la Vie ». Chaque terme à son importance dans cette affirmation. Jésus n'est pas un chemin parmi d'autres. Il est le chemin, celui qui nous conduit à la Vérité et à la Vie ou pour le dire dans les termes d'un de ceux qui a préparé cette célébration : « Au cours du chemin donné par Jésus, l'Esprit nous donne la Vie pour trouver la vérité de Dieu ». Sur ce chemin offert par le Christ, nous ne pouvons pas nous tromper, nous ne faisons jamais, je dis bien jamais, fausse route.

Le chemin du Christ est cette route du bonheur qui se réalise lorsque nous suivons ses propositions de vie et d'amour. S'il en est vraiment ainsi, laissons-nous alors inspiré par l'Esprit Saint pour que celui-ci nous soutienne dans les choix que nous faisons, les actes que nous posons, les gestes que nous offrons, pour goûter à cette abondance de vie à laquelle chacune et chacun de nous sommes appelés. Inspirés par l'Esprit de Dieu, obéissant dans l'amour aux commandements du Fils de Dieu, nous pouvons alors trouver la Vérité du Père c'est-à-dire le rêve divin pour l'humanité entière afin que celle-ci prenne pleinement conscience de sa finalité, du sens du don reçu de la Vie.

Nous avons le privilège et la chance unique de croire en un Dieu qui veut le bonheur de ses créatures. Quoi de plus merveilleux. Un bonheur non pas à découvrir dans une nouvelle vie future mais bien un bonheur à vivre dès aujourd'hui, à chaque instant puisque le temps passé est dépassé à jamais. Un jour, la vie nous a été donnée. Depuis ce moment, nous sommes en quête de découverte de la Vérité. Et pour ce faire, un chemin nous est proposé : celui du Christ. A nous alors de choisir de marcher sur sa route, accompagné de l'Esprit, en vue de la rencontre avec le Père. En résumé, le Père nous offre le projet, l'Esprit nous donne les moyens et le Fils nous ouvre le Chemin. Alors, ma vie sera-t-elle une cabane poussiéreuse, un taudis ragoûtant ou une maison où il fait bon vivre ? Cette décision, dans la foi, nous appartient mais surtout n'oublions jamais que Dieu, quant à Lui, nous propose un château. Amen.

5e dimanche de Pâques, année A

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : A
Année: 2004-2005

Comme c'est curieux : Marc raconte le dernier repas de Jésus avec les siens en 10 versets, Matthieu en 11, Luc en 26 et Jean...en 156 ! Ce dernier non seulement remplace le récit de l'Institution de l'Eucharistie par celui du Lavement des pieds mais en outre il met dans la bouche de Jésus un discours d'adieu qui s'étend sur 4 chapitres ( 14 à 17) !

Comment expliquer cette croissance, cette extension ? Parce que, au temps de la rédaction du 4ème évangile (fin du 1er siècle), l'Eglise s'est développée par la mémoire des Enseignements de Jésus, relus à la lumière de la Résurrection et approfondis à l'épreuve des événements traversés en plusieurs dizaines d'années. Saint Jean peut donc placer sur les lèvres de Jésus un long "Discours d'adieu" qu'il présente comme le testament du Seigneur : voilà comment il vous faudra vivre après mon enlèvement.

UNE COMMUNAUTE EFFRAYEE

L'évangile de ce jour rapporte le début de ce discours qui s'ouvre par une exhortation pressante :

" Ne soyez pas bouleversés : vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi "

Bouleversés - et non simplement "troublés", comme dit la TOB.- car il y a de quoi ! En quelques minutes viennent de se produire en cascade cinq événements bien propres à faire chavirer les disciples ( le verbe est celui utilisé lors de la tempête apaisée : il y a effectivement risque grave que la communauté "coule" )

En plein milieu d'un repas, le Maître vénéré a tout à coup décidé de laver les pieds de ses disciples abasourdis. A genoux devant eux, il les presse d'accepter ce geste incongru : il y va de leur salut ????

Ensuite il leur a intimé l'ordre d'agir de la même manière les uns envers les autres ?

Puis Jésus, angoissé, tremblant, leur a annoncé qu'on allait le tuer ?

Et scandale : que sa mort serait due à la trahison de l'un d'eux !

lequel ?

Enfin il a révélé à Pierre, le n°1 du groupe, qu'en dépit de ses airs de matamore, il allait renier son Maître qu'il prétend aimer ?

Ces hommes sont en état de choc. Comme nous ! Car il n'y a pas là que des souvenirs historiques : telle est bien l'Eglise dans laquelle vit saint Jean....et que nous sommes encore aujourd'hui !

Une Eglise qui annonce non un Dieu Très Haut, Créateur lointain et majestueux, mais un Dieu Très Bas, humilié, serviteur de ses frères.

Une Eglise qui doit être une communauté non sans heurts ni défauts, mais où tous les membres doivent à tout moment se demander et s'offrir le pardon.

Qui exhibe une Croix d'ignominie en proclamant qu'elle est la révélation de l'Amour Infini de Dieu.

Et qui doit avouer que, en son sein, il subsiste une immense puissance de refus. Qui doit donc renoncer à tout orgueil et toute suffisance pour reconnaître que même ses plus hauts dirigeants, ses "éminences", ses "prélats" ( ?) ont été - et restent capables - de trahir totalement le Seigneur dont ils parlent si bien

LE SEUL REMEDE A LA PEUR : CROIRE

" Que vos c½urs ne soient pas bouleversés"

On pourrait traduire "N'ayez pas peur" ; Oui c'est bien cela que je dois vivre, assure le Seigneur, et c'est cela que vous devrez accepter.

Pour ne pas faire naufrage, il n'y a qu'une solution : CROIRE.

Le verbe est répété à huit reprises dans ce chapitre 14.

" Vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi"

CROIRE : un verbe - car la foi (mot que Jean ignore) n'est pas une chose, une dot, une idée, un héritage, un sentiment... mais un ACTE.

Croire non à un Dieu créateur impassible, à un monothéisme abstrait, à une Institution puissante. Non plus à un homme Jésus, prophète, sage, thaumaturge, révolutionnaire social, martyr.

Mais faire confiance, adhérer à un seul Dieu comme à un seul homme, Jésus, esclave de ses frères et pauvre crucifié. Les deux ensemble, inséparablement, du même élan.

Cette Eglise peureuse, affolée, avec ses faiblesses, son péché, ses pasteurs fragiles est bien telle une barque secouée par des éléments déchaînés, prenant eau de toutes parts et toujours prête de couler. Et combien de savants docteurs prédisent sa disparition imminente !

Mais du fond de sa misère, accrochée à son CROIRE, l'Eglise de Jésus poursuit sa traversée. Car elle est guidée par une espérance qu'elle ne s'est pas forgée à coup d'illusions mais qui repose sur la promesse de son Seigneur :

" Je reviendrai vous prendre avec moi. Là où je suis, vous serez, vous aussi. Pour aller où je vais, vous savez le chemin"

Thomas- notre "jumeau"- questionne sans comprendre : " ?...Nous ne savons pas ..."

Et Jésus d'affirmer :

" JE SUIS LA VOIE, LA VERITE ET LA VIE "

La connaissance de l'Evangile n'ôte pas nos épreuves, ne nous épargne pas les menaces (les pires sont en nous) mais elle nous donne de tenir. Le mât nous rappelle la Croix sous laquelle nous vivons ; l'ancre nous assure de notre finalité bienheureuse. Il nous suffit de nous laisser pardonner et de partager entre nous la Miséricorde.

Bon vent !