Noël

Auteur: Materne Pierre-Yves
Temps liturgique: Temps de Noël
Année liturgique : A, B, C
Année: 2004-2005

Lc 2, 1-14

" Si un bébé vient à naître, c'est que la confiance en la vie le porte " a écrit Françoise Dolto. La confiance en la vie est le moteur de chacune de nos existences. Elle nous pousse à vivre et à donner la vie à d'autres. Nous sommes portés par la vie et par la confiance qui s'y pose. Au fond, nous avons tous été portés par un autre pendant les premiers mois de notre existence. Je devrais dire, par une autre : notre maman. Nos parents ont laissé venir la vie pour nous, ils ont mis au monde l'être que nous sommes.

Dès qu'un bébé vient au monde, la confiance en la vie le porte. L'enfant n'a pas décidé de naître, il n'a pas choisi ses parents, mais il chosira pourtant de vivre sa vie en lien avec d'autres. Quelle est cette confiance qui nous porte ? Nous avons été des enfants et nous gardons, même à trente ou soixante ans, cette part d'enfant en nous. C'est ce qui nous permet de rire, de chanter, d'inventer des jeux et des surprises. On nous a peut-être persuadé que seules les choses sérieuses pouvaient vivre en nous : les études, le travail, les valeurs...Ce n'est pourtant pas le tout de la vie des hommes et des femmes. Nous sommes faits pour la vie dans toutes ses dimensions. La vie nous expose à la souffrance comme à la joie, la vie nous pousse aux doutes comme à l'espérance. Ressentir nos émotions, c'est vivre. Faire des projets, c'est vivre. Aimer et partager la vie des autres, c'est encore vivre. Partager la vie de l'autre homme, de l'autre femme. N'est-ce pas ce qui donne des raisons de vivre ? Vivre ensemble les mêmes difficultés et les mêmes bonheurs. Avoir une vie partagée qui se vit quotidiennement par des actes de partage. Je partage mes questions, mes talents, mon écoute, ...mes humeurs aussi.

En célébrant Noël, nous nous souvenons que Dieu est venu partager notre vie d'homme et de femme. Jésus est venu dans l'histoire comme une promesse et un événement imprévu. Jésus a été surnommé l'Emmanuel, ce qui signifie « Dieu avec nous ».

Dieu a pris le risque d'une naissance humaine pour nous rejoindre dans notre vie. N'est-ce pas fabuleux ? Dieu renonce à sa puissance et à sa distance pour prendre sur lui la fragilité de l'humain et la proximité d'une famille. C'est le diamant étincelant de notre foi : Dieu s'est incarné pour nous. Le Très-Haut a vraiment pris chair en la personne du Fils pour se faire proche de nos vies, de nos peurs, de nos chants, de nos amours. L'enfant Jésus a donc été lui aussi porté par la confiance en la vie et par une mère. Il a fait le choix de vivre sa vie comme un témoignage d'espérance. Jésus a voulu montrer que Dieu n'est pas violent ou sourcilleux. Dieu n'est pas du côté des satisfaits et des indifférents.

En cette nuit de Noël, nous pouvons laisser venir l'Emmanuel en notre vie, en notre chair d'homme rêveur et faillible. Dieu vient au c½ur de la nuit pour illuminer nos lieux obscurs, pour nous aider à dépasser nos pauvretés, pour aller dans le sens de la pacification. Peut-être avons-nous oublié notre côté enfant ? C'est l'occasion de l'accueillir et de le laisser chanter en nous. Peut-être avons-nous peur de nos instants fragiles ? C'est le moment de laisser le Très-bas nous guider là où lui-même n'a pas craint d'aller.

Sur le chemin de la vie avec Dieu, nous sommes tous des enfants. Nous sommes encore inexpérimentés et naïfs. Nous avons encore à naître à nous-même, aux autres et à Dieu.

Naître, c'est accueillir le neuf, le différent. Il y a toujours du neuf à recevoir en nous, en l'autre et en Dieu. La nouveauté du christianisme et sa différence par rapport aux autres religions, c'est que Dieu s'est fait homme pour que nous soyons accueilli comme enfants de Dieu. La confiance en la vie devient alors une confiance en notre Dieu de vie. Cette même confiance se partage dans les relations aux autres que nous rebâtissons à chaque Noël. Que cette fête soit pour chacun une joie profonde. Amen.

Noël

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps de Noël
Année liturgique : A, B, C
Année: 2004-2005

La vérité n'est pas toujours bonne à dire, prétend le dicton. En ce jour de Noël, nous pourrions le transformer en reconnaissant également que la vérité n'est pas toujours bonne à vivre. Elle peut faire mal, très mal. Nous ne sommes pas toujours prêts à l'affronter en temps normal. Alors à Noël, elle nous saute aux yeux. Elle est là dans sa pureté. Nous ne pouvons plus nous mentir à nous-même. Un peu comme si le temps s'était arrêté. L'absence, la solitude, les relations compliquées sont plus difficiles à vivre un jour comme celui d'aujourd'hui. Ceci nous montre que Noël n'est pas un jour comme les autres. Il y a quelque chose de différent. Sommes-nous émerveillés par l'enfant à la crèche ? Sommes-nous envahis de cette lumière divine ? Tout au long de cette fête, nous découvrons, redécouvrons en nous cette force intérieure d'espérance comme si tout devenait à nouveau possible. Quoiqu'il en soit, personne ne semble rester indifférent face à un tel événement, même si pour beaucoup Noël est d'abord devenu une fête de famille avant d'être un souvenir de quelque chose d'exceptionnel qui s'est produit il y a deux mille ans et qui a transformé notre humanité entière : la mise au monde de Dieu, la mise à l'humain de Dieu.

Dieu s'est fait l'un des nôtres. De manière étonnante il est vrai comme le relate le récit de saint Jean que nous venons d'entendre. Au fil des versets, il élabore un récit en maintenant le suspense. Vers la fin, nous pourrions presque l'interrompre et lui dire : « et alors ». Et lui de répondre : « et alors, eh bien, et le Verbe s'est fait chair ? Il a habité parmi nous ». Le Verbe s'est fait chair. Dans l'expérience indicible de la foi, y a-t-il plus belle phrase que celle-là ? Vivre avec cette conviction intime que Dieu a choisi de partager notre condition humaine. Que la vie vaut à ce point la peine d'être vécue, qu'il a décidé de l'incarner. Que notre corps est la plus belle enveloppe que nous ayons reçue pour accomplir notre destinée même si au cours des siècles des penseurs en mal d'existence vont voir en celui-ci un lieu de misère. Noël nous rappelle que tout être humain dans son corps et dans son âme et ce quelle que soit sa condition physique, intellectuelle, sociale et j'en passe, est la plus belle réalisation de Dieu.

C'est sans doute pour cette raison que ce dernier a choisi de l'inhabiter le temps d'une existence terrestre. Mais il y a plus que cela, Dieu s'est non seulement fait chair, mais il a habité parmi nous. Ce qui reviendrait à dire que Dieu a déménagé. Oui, vous entendez bien, il a déménagé. Il a quitté son Ciel pour venir sur notre terre. Oh, il n'avait pas pris grand-chose avec lui. Aucun carton, aucune valise. Juste un peu de sa divinité. Cela n'a d'ailleurs pas semblé trop lourd à porter puisqu'un tout petit bébé a pu la transporter. Dieu s'est fait donc proche, c'est-à-dire qu'il s'est fait le prochain de ses créatures. Lui qui jusqu'à ce jour nous semblait tellement éloigné, inatteignable, voilà qu'il fait de nous son prochain, non pas celui qui est loin de lui mais celui de qui lui a choisi de se faire proche. Dieu vient à nous. Il n'est plus une divinité indéfinissable. Il est une personne, cet enfant, ce tout-petit avec toute sa richesse et sa fragilité. Il est l'un de nous. Et sa mise au monde dépendait entièrement de sa volonté. C'est pourquoi la mise au monde de Dieu n'est pas seulement un événement à commémorer comme un anniversaire. Elle vaut tellement plus que l'admiration devant la douceur d'une crèche.

En effet, Noël est aussi cette invitation permanente à entrer dans une démarche positive de vie. Si Noël est bien la fête de la mise au monde de Dieu, Noël est également la fête de la mise à Dieu de l'être humain. Par l'incarnation du Fils, nous partageons une condition humaine commune empreinte de divinité dans l'Esprit. En étant l'un des nôtres, nous sommes devenus un peu de Lui. La distance nous séparant l'un de l'autre est à ce point infime. En d'autres termes, nous sommes les prochains de Dieu tellement celui-ci s'est fait proche de nous puisqu'il inhabite en nous. C'est cela la mise à Dieu de tout homme, de toute femme. Et la lumière de la nuit passée nous ouvre la voie à un tel chemin. Par l'événement de Noël, la mise au monde de Dieu a conduit à la mise à Dieu de l'être humain. Telle est la vérité de cette fête. Dans la joie de cet enfant-Dieu, il ne me reste alors qu'à vous souhaiter un Joyeux Noël. Amen.

Noël

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps de Noël
Année liturgique : A, B, C
Année: 2004-2005

 

Noël et l'Eucharistie

La naissance de Jésus n'eut rien d'un "scoop" : nul journaliste n'accourut pour obtenir la priorité de la nouvelle, nulle personnalité ne se pressa pour pouvoir se vanter d'avoir été témoin de l'événement - qui allait pourtant marquer l'histoire au point d'en devenir le centre.

Si les médias avides de spectaculaire et de scandale étaient absents, ce sont au contraire des bergers qui, d'après saint Luc, se sont présentés les premiers pour voir l'enfant. Ne les imaginons pas à la mode des santons provençaux, beaux petits garçons bouclés, mignons et bien élevés. Ces jeunes gens dépenaillés, payés quelques sous pour veiller la nuit sur les troupeaux de moutons, exerçaient un métier méprisé : fréquents chapardeurs, ils étaient tenus pour impurs au même titre que les publicains et mis à l'écart de la belle société.

Marie va ainsi de surprise en surprise. Neuf mois auparavant, l'Ange du Seigneur lui avait annoncé un fils qui serait grand, qu'on appellerait Fils du Très-Haut, qui règnerait pour toujours pour un règne qui n'aurait pas de fin ( Luc 1, 32). Or voilà qu'elle est obligée d'accoucher au hasard d'un voyage, en pleine nuit, loin des siens, et de déposer son bébé sur la paille d'une mangeoire ! Et les premiers à venir près de lui, ce sont de jeunes minables, des gars de mauvaise réputation, des loubards ! Tout semble démentir la promesse !?

MEDITER L'EVENEMENT

Saint Luc note la réaction de Marie devant cette situation, et il faut la souligner : elle est tellement importante que l'évangéliste la répètera plus tard lors de la scène du recouvrement de son garçon au temple (Luc 2, 51)

" Tout le monde s'étonnait de ce que racontaient les bergers. Cependant Marie retenait tous ces événements et les méditait dans son c½ur".

Marie n'est pas maîtresse de la situation, elle ne comprend pas, bouleversée, comme déjà lors de l'Annonciation (Luc 1,29) :, emportée dans une aventure dont le tragique est pieusement gommé dans nos crèches trop jolies, avec leurs personnages aux poses de théâtre, leurs animaux trop sages et leurs décorations de Disney land. Pour éviter d'être radicalement remise en question par le vrai Noël, notre société a eu bien soin de le réduire à un folklore anodin.

Marie, fatiguée, déconcertée mais confiante et abandonnée dans les mains de Dieu, ne veut rien oublier de ce qu'elle est en train de vivre : elle médite, elle grave dans sa mémoire le moindre détail de ces journées, elle cherche à en comprendre le sens profond. Qu'est-ce que Dieu veut dire à travers tout cela ?...

Elle ne doute pas qu'un jour tout s'éclairera.

NOËL ET LA DERNIERE CENE

En effet Marie comprendra enfin les raisons de ces événements bien plus tard lorsque, son Fils disparu, les apôtres lui raconteront ce qu'ils avaient vécu avec lui lors de son ultime soirée, quelques heures à peine avant son arrestation et sa mort en croix.

En cette nuit où ils avaient célébré la Pâque - mémoire de la libération des esclaves hébreux hors d'Egypte -, Jésus tout à coup leur avait tendu le pain puis la coupe de vin en leur disant :

" Prenez, mangez, buvez : ceci est mon corps, ceci est mon sang...Vous ferez cela en mémoire de moi".

Ainsi donc, la dernière nuit de Jésus correspondait à la première, le dernier repas avec la naissance : tout s'éclairait.

Celui qui avait reposé dans une mangeoire, était devenu le Pain de vie qui demeurait à présent dans le c½ur de ses disciples.

Le mystère qui s'était déroulé en Marie se prolongeait, se perpétuait dans les croyants qui, par leur communion, devenaient le CORPS du Christ.

Les apôtres qui allaient trahir leur Maître n'étaient pas plus purs que les bergers de jadis : mais le Seigneur s'offrait à eux non pour récompenser leur sainteté mais pour secourir leur faiblesse et leur offrir le pardon.

Plus n'était besoin de faire des pèlerinages : en se rassemblant pour partager l'Eucharistie : où que l'on soit, on se resituait à " Beth-lehem" qui veut dire "la Maison du Pain".

Jésus était bien le Nouveau Roi, non le David guerrier et chef d'armée, mais le Roi de grâce et de douceur, le Seigneur qui libérait ses disciples (mendiants aussi pauvres que les bergers de jadis) en se donnant à eux par miséricorde.

On pouvait oublier la date de la naissance de Jésus (les apôtres ne fêteront jamais le 25 décembre) : le moment qui seul compte, c'est celui de la COMMUNION où Jésus re-naît "en Eglise".Il est, et pour toujours, EMMANU-EL = " DIEU -AVEC-NOUS".

Marie regarde l'Eglise et celle-ci contemple Marie son modèle.

Comme elle, elle est lancée dans une aventure qui la dépasse, elle vit des situations dont elle ne comprend pas le sens, elle traverse des nuits et des solitudes qui l'effraient. Mais elle est sûre que sa grandeur, qui échappe aux yeux de tous, ne réside pas dans les fastes et le nombre : elle se sait porteuse d'une Parole, d'une Vie, d'un Être qui ne sont pas son ½uvre. En son sein naît et renaît sans cesse Celui qui l'a élue avant les siècles et qui la conduira jusqu'à la fin de l'histoire.

Comme Marie, l'Eglise est eucharistique, temple de louange, peuple de veilleurs dans la nuit du monde, maison toujours ouverte aux bergers souillés et aux lâches disciples.

Un grand mystique, un grand poète , ANGELUS SILESIUS ( 1624-1677) écrivait :

Le c½ur est un cristal, la Divinité sa transparence.

Ton corps dans lequel tu vis est leur écrin à tous les deux.

Christ serait-il né mille fois à Bethléem et non en toi,

Tu restes perdu à tout jamais

 

Noël

Auteur: Radcliffe Timothy
Temps liturgique: Temps de Noël
Année liturgique : A, B, C
Année: 2004-2005

 

Homélie prononcée lors de la messe télévisée diffusée en mondiovision depuis la communauté internationale de Bruxelles.

Aujourd'hui nous célébrons la naissance d'un enfant il y a 2000 ans. Quand nous célébrons notre propre anniversaire, nous nous rappelons que nous devenons plus vieux. Chaque année il y a une bougie de plus sur le gâteau d'anniversaire. Mais à Noël nous ne célébrons pas que Jésus est vieux. Nous nous réjouissons de ce que Dieu vient dans nos vies comme un enfant, un enfant tout juste né, à l'aube de sa vie.

L'image traditionnelle de Dieu est celle d'un vieil homme aux cheveux blancs. Mais à Noël nous nous rappelons l'éternelle jeunesse de Dieu. Comme nous le chantions lors de l'acclamation avant l'Évangile : "Un enfant nous est né, un Fils nous a été donné. Dieu irrépressible" !

Dieu est irrépressiblement jeune. Saint Augustin a écrit que c'est nous qui vieillissons mais que Dieu est toujours plus jeune que nous. Et la joie de Noël c'est que nous sommes invités, nous aussi, à partager la jeunesse de Dieu. Comme l'a dit l'Évangile de ce jour : "À tous ceux qui l'ont accueilli, il a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu". Noël est la fête de notre rajeunissement.

Qu'est-ce que cela signifie ? Non pas que nous ayons à devenir infantiles. Parfois des gens peuvent embrasser la religion pour échapper à la maturité adulte. Certains chrétiens donnent l'impression que nous n'avons pas à penser nous-mêmes ou à lutter avec des problèmes moraux parce que l'Église nous dira ce qu'il faut faire. "Papa le sait toujours mieux" comme le dit l'expression. Mais ce n'est pas cela devenir un vrai enfant de Dieu. C'est simplement devenir immature ! Notre société cherche souvent une autre forme de rajeunissement, en refusant d'affronter les signes de l'âge. La chirurgie esthétique peut enlever les rides de notre visage. Nous pouvons chercher une jeunesse artificielle et terrible parce que nous avons peur de mourir. Mais cela non plus n'est pas un vrai rajeunissement.

Être un enfant de Dieu c'est être ouvert aux infinies possibilités de l'avenir. Le monde d'un enfant n'est pas fixé, ni figé. Il ou elle peut devenir politicien ou journaliste, montagnard ou marin, ou même dominicain ! Être un enfant de Dieu, c'est avoir l'espoir d'un avenir qui se cache derrière nos rêves. Le poète français Péguy parle de l'espérance comme d'une petite fille semblable à sa propre fille de neuf ans. Il écrit : "Absolument rien au monde ne tient, si ce n'est à cause de la petite fille Espérance ; à cause d'elle qui sans cesse commence, qui toujours promet, qui garantit tout, qui assure demain à aujourd'hui, cet après-midi à ce matin, la vie à la vie et même l'éternité au temps." Être jeune c'est espérer un avenir .

J'ai visité le Rwanda pendant le génocide. Le pays était déchiré par la haine. Des centaines de milliers de morts, spécialement des jeunes. J'ai rencontré un frère canadien qui avait consacré 25 ans de sa vie à ce beau pays et qui avait vu détruire tout. Il était au bord du désespoir. Au Noël suivant, il m'a envoyé une photo de lui avec deux enfants rwandais et, sur la photo, il avait écrit : l'Afrique a un avenir. Aujourd'hui, quand nous célébrons la naissance de l'Enfant Jésus, nous nous réjouissons parce que, avec lui, chacun de nous a un avenir. L'Europe a un avenir, l'humanité a un avenir.

Il y a quarante ans, Martin Luther King a fait son fameux discours : "J'ai un rêve". C'était un rêve de liberté : "Quand tous les enfants de Dieu, noirs et blancs, juifs et gentils, protestants et catholiques seront capables de se prendre par la main et de chanter les paroles du vieux negro spirituel : Enfin libres ! enfin libres ! Grâce au Dieu tout puissant, nous sommes enfin libres !". Quarante ans plus tard le mur de Berlin est tombé, l'empire soviétique n'existe plus, l'Apartheid s'est écroulée en Afrique du Sud, mais nous avons moins de rêves pour l'avenir. Nous sommes la "génération de maintenant". L'Europe vieillit. Nous sommes en train de vieillir littéralement car le nombre de naissances dans notre ancien continent est en chute. L'Espagne et l'Italie ont les taux de naissance parmi les plus bas du monde. Mais nous sommes en train de vieillir aussi du c½ur en perdant notre capacité de rêver d'un monde nouveau. Puisse le Christ enfant nous rajeunir avec des rêves frais. Quels sont les vôtres ?

Je veux vous dire l'un des miens pour l'Europe. Le premier mai de l'an prochain, l'Union européenne va se transformer : Chypre, la République tchèque, l'Estonie, la Lettonie, la Lithuanie , la Hongrie, Malte, la Pologne, la Slovaquie et la Slovénie vont devenir des états membres. La Bulgarie et la Roumanie espèrent les rejoindre en 2007. C'est un gros nouveau bébé qui va naître. Bien des gens se sentent nerveux devant cette nouvelle Europe. Certains, en Europe occidentale, ont peur de voir nos villes envahies par des immigrants de l'Est. D'autres, en Europe centrale ou orientale, ont peur que leur jeunesse soit corrompue par les valeurs de l'Occident. N'ayons pas peur ! Faisons le rêve d'une nouvelle Europe dans laquelle, comme dit le Pape, nous pourrons respirer avec deux poumons : celui de l'Est et celui de l'Ouest .

Soyons à l'affût de frères et de s½urs différents de nous et qui nous invitent à devenir différents avec eux. C'est un rêve. J'espère que vous en avez beaucoup d'autres.

Noël nous rend jeunes si nous accueillons non seulement l'Enfant Jésus mais tous les enfants. Les enfants vont nous déranger. Ils vont faire du bruit quand nous voulons dormir, ils vont poser des questions auxquelles nous ne pouvons pas répondre, ils vont signifier que nous ne serons plus capables de dépenser tant d'argent pour nous-mêmes, ils vont changer ce que nous sommes. Mais ils sont la promesse de l'avenir de Dieu. Nous devons laisser nos enfants être des jeunes et non pas de petits adultes. Nous devons éviter d'en faire des consommateurs, de ceux qui ont besoin pour s'habiller de vêtements des grandes marques. Nous ne devons pas les considérer comme un marché à exploiter. Surtout nous devons éviter d'en faire des objets sexuels dont on abuse. La prostitution enfantine augmente à travers le monde. Laissons-les être jeunes !

L'Enfant Jésus vient aussi parmi nous dans les enfants des autres, enfants d'étrangers et d'immigrants, enfants d'une autre foi que la nôtre ou bien sans foi. Accueillons-les aussi. Ils nous ouvrent un avenir bien plus large que nous n'imaginons. Ils vont nous aider à abattre les murs de l'hostilité qui a tué Jésus avant qu'il n'ait eu le temps de vieillir.

Finalement rêvons d'un avenir pour ceux qui semblent ne pas en avoir, les pauvres qui dorment dans nos rues, ceux qui sont touchés par le désespoir. En 1996, j'ai célébré la messe de Noël dans une grande tente au centre de Paris. Un millier de sans-abri entouraient l'autel qui était fait de boites de carton comme celles sur lesquelles ils dorment dans la rue. Un dominicain espagnol, Pedro Meca, qui vit dans la rue avec les plus pauvres, célébrait la messe. C'était un signe d'espérance pour ceux dont l'espérance repose sur un Nouveau-né dans une étable. Que cet Enfant rende nos c½urs jeunes de nouveau et capables de rêver.

Amen.

Noël

Auteur: Dingemans Louis
Temps liturgique: Temps de Noël
Année liturgique : A, B, C
Année: 2004-2005

Froidmont, il y a quelques années déjà.

L'Eglise St Etienne est bondée ce 24 décembre à 18 heures. La liturgie est destinée particulièrement aux enfants de la catéchèse, mais s'y retrouvent aussi des petits frères et petites s½urs, les papys et les mamies et tous ceux et celles pour lesquels cette heure convient mieux que la messe de minuit. Des poussettes partent des cris des bambins présents et le brouhaha est indescriptible.

La célébration commence par la lecture de la nativité selon St Luc. Un dialogue s'instaure et je questionne les enfants : « Jésus était il un vrai bébé ? » La réponse jaillit spontanément : « oui... ! ». « 

Tout l'auditoire devient attentif au dialogue. « Est-ce que le soleil tourne autour de la terre ou la terre autour du soleil ? ». Là, plus d'hésitation pour nos écoliers : « C'est la terre qui tourne autour du soleil, évidemment ». « Et Jésus, il pensait quoi ? » Grand silence. Puis une jeune voix s'élève avec assurance : « Il pensait que le soleil tourne autour de la terre, car c'est ainsi que l'on pensait de son temps ». Et moi : « Voilà qui est formidable. A onze ans, vous savez des choses que Jésus qui était Dieu ne savait pas à votre âge ».

Il était amusant était de voir la tête un peu surprise des adultes et surtout des plus âgés. Ils semblaient n'y avoir jamais pensé. C'est qu'il traîne dans les esprits un reste parfois très fort de docétisme, cette hérésie primitive qui évacuait le scandale de la crucifixion et voyait en Jésus un déguisement humain de Dieu. N'est-il pas invraisemblable que Dieu ait vraiment assumé la condition humaine et ses limites ? Il faut avouer que les catéchismes traditionnels et même les évangiles ne sont pas totalement exempts de donner l'impression que Jésus utilisait ou masquait a son gré sa toute puissance.

Vient donc la question suivante : « Si Jésus était comme nous, comment ses disciples ont-ils vu qu'il était Dieu ? ». J'entends : « Il a quand même fait des miracles ! ». Je ne le nie pas mais insiste :« Est-ce cela qui a vraiment fait reconnaître sa divinité ? »

Suit un moment de silence assez relatif car les tout petits ne participent pas au débat et se font remarquer. Puis, une réponse solitaire surgit : « Il était Dieu puisqu'il nous a manifesté tout l'amour de Dieu pour nous. Le mot « manifesté » me met la puce à l'oreille et me fait réagir : « C'est une très bonne réponse, mais je crois que ta maman assise à côté de toi t'a un petit peu aidé ».

L'assemblée rit, et au milieu de ce rire, un gamin assis au milieu du petit groupe qui me fait face, me lance : « Il était Dieu, car Il a montré qu'il connaissait Dieu du dedans ». J'en reste éberlué. En une phrase, mon petit théologien en culottes courtes a résumé toute la christologie de l'évangile de St Jean.

Dieu seul connaît Dieu et peut nous révéler ce qui est son identité suprême, nous révéler que sa transcendance est en fait une transcendance d'amour. Qui donc pourrait ajouter quelque chose à cette révélation de Dieu qui s'est manifestée non seulement dans l'enseignement de Jésus sur la miséricorde divine, mais par l'imitation de cette miséricorde dans le pardon des pécheurs et l'acceptation de la crucifixion.

Cet homme, venu de Nazareth a porté le poids de notre condition humaine telle qu'elle est pour chacun de nous avec ses joies et ses peines. Il a connu la fatigue, l'incompréhension des foules, la trahison de ses proches, comme chacun des prophètes qui l'ont précédé. Mais la bonne nouvelle qu'il a proclamée comme étant le secret même de l'identité de Dieu, est que celui-ci est amour et miséricorde. Il ne l'a pas seulement dit, mais comme le souligne St Paul et les évangiles, il l'a manifesté totalement en acceptant la crucifixion. Cette veille de Noël, un jeune garçon a résumé la découverte des disciples en une seule phrase saisissante. Oui, Jésus était un vrai bébé et je ne suis pas certain que les récits des anges chantant dans nos campagnes et des rois mages venant rendre hommage à ce bébé divin, si beaux soient-ils, ne risquent pas de déformer la réalité. Les évangélistes pour souligner la divinité de Jésus ont tendance à souligner leur conviction par des récits d'enfance fort enjolivés. C'est là un langage symbolique, un genre littéraire, fort coutumier chez les auteurs de l'Ancien et du Nouveau Testament. Pris à la lettre, ces récits nous laissent avec raison sceptiques, tout en continuant à nous charmer. Cependant ils risquent détourner notre attention du drame de la crucifixion.

Je n'ai pas revu ce gamin dont je ne sais pas s'il était lui-même conscient de la profondeur de sa réflexion. Son souvenir cependant ne me quittera pas.

Sainte Famille, année A

Auteur: Collin Dominique
Temps liturgique: Temps de Noël
Année liturgique : A
Année: 2004-2005

« Vraiment tu es un Dieu caché, Dieu parmi les hommes, Jésus Sauveur ! »

La fête de la sainte Famille nous invite aujourd'hui à considérer un Dieu qui se manifeste pour mieux se cacher. La venue tant désirée du Messie ne correspond nullement à l'entrée en scène prévue pour un tel héros. Imaginez-vous réalisateur de cinéma, auriez-vous fait entrer le Sauveur de cette manière ? Nous préférons les entrées en matière fortes, Dieu, lui, préfère les catimini, voire les incognitos. Car Dieu ne joue pas avec les humains, il devient humain. Il ne nous rejoint pas d'une autre manière, même plus convaincante. Il l'aurait pu car il est Dieu tout de même ! Non, Dieu s'est fait homme et nous n'aurons peut-être pas assez de toute notre vie de foi pour consentir à ce mystère inouï et l'accueillir dans toute notre vie.

Dieu ne devient pas homme en prenant un autre chemin que le nôtre. Ce chemin passe par une naissance et une croissance dans une famille, un peuple, une culture, une tradition religieuse. Dieu naît tout d'abord. Son corps, sa psychologie, sa personnalité, ses émotions et son intelligence en font un véritable être humain, fini, limité, mais dont les facultés de son esprit lui permettront, peu à peu, de s'ouvrir au monde qui l'entoure. Dieu naît et assume toutes nos déterminations comme notre capacité à vivre la liberté car il n'a pas revêtu notre humanité comme on revêt un vêtement. Il ne joue pas à faire semblant. Il est né comme être humain.

Ainsi, notre Dieu, l'enfant de Bethléem, nous apprend une première chose essentielle. Nous nous prenons plus souvent pour des anges que pour des humains. Dieu, lui, qui a créé et les anges et les humains, a voulu devenir humain à part entière. Nous aussi, nous sommes sans cesse ramenés à notre humanité qu'il nous faut assumer et vivre avec toute la force de notre liberté et de notre consentement. Dieu ne s'est pas rêvé être humain, il l'est devenu, comme un enfant le devient dès sa naissance. N'idéalisons pas notre corps, notre affectivité, notre intelligence, notre humanité, mais vivons vraiment ces dimensions qui nous constituent et, à l'image du Dieu qui s'est fait homme, vivons-les comme des dimensions de salut et de délivrance. Car, désormais, le salut passe par toutes les fibres de mon humanité. Comment pourrais-je d'ailleurs être sauvé si je ne suis pas d'abord réconcilié avec moi-même ? Mon humanité est le seul chemin que Dieu a voulu emprunter pour me rejoindre. Si je le cherche ailleurs, je risque de ne jamais le rencontrer...

L'humanité de notre Dieu est aussi un chemin de croissance. Naître, c'est grandir. Dieu a voulu également grandir. Saint Luc nous le dit : « Quant à Jésus, il grandissait en sagesse, en taille et en grâce, sous le regard de Dieu et des hommes » (Lc 2, 52). Grandir exige une qualité qui me semble si difficile à cultiver : la patience. Or, oserais-je dire qu'elle me semble être la seule qualité vraiment divine. La seule qualité vraiment humaine aussi. D'ailleurs, dans l'évangile de Marc, immédiatement après avoir dit que sa vraie famille est formée de celui ou celle qui fait la volonté de Dieu, l'évangéliste poursuit par les paraboles du Royaume qui décrivent l'action lente et patiente de la parole de Dieu. Faire la volonté de Dieu, c'est en fait essentiellement la laisser croître dans nos vies, patiemment.

Être humain, c'est grandir ou mieux encore se laisser grandir patiemment. C'est donc aussi prendre le risque que tout ne se passe pas comme je le veux ; c'est prendre le risque que les autres sont autres précisément parce qu'ils grandissent tous à leur rythme. Grandir dans la patience, c'est encore affronter le risque des croissances difficiles, des moments de crise, voire d'échec. Grandir, c'est aussi pouvoir vivre les saisons d'hiver, la solitude de la graine qui à certains moments, doit croître seule. Mais c'est surtout reconnaître qu'on ne grandit vraiment que par la présence secrète et mystérieuse de proches qui nous font le don magnifique de la patience. Offrir sa patience à l'autre, c'est le respecter avec avec délicatesse et douceur. Offrir sa patience à l'autre, un conjoint, un parent, un ami, c'est le laisser grandir en lui offrant le temps de sa germination. Combien ne savent plus offrir le temps et la patience aux autres, même à ceux qu'ils aiment !

Dieu n'a pas choisi une voie plus facile ou plus rapide. Il est vraiment né homme et s'est laissé grandir, patiemment, discrètement. Il est même passé inaperçu chez la plupart. C'est que notre Dieu est un Dieu caché dans notre humanité. Or nous le cherchons si souvent ailleurs alors qu'il demeure en nous. Patience, nous dit Dieu, qui cherche trouve !

Veillée pascale

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Triduum pascal
Année liturgique : A, B, C
Année: 2004-2005

Pour comprendre ce que nous vivons en cette nuit pascale, permettez-moi de vous lire l'extrait suivant : « je t'ai placé au milieu du monde afin que tu puisses plus facilement promener tes regards autour de toi et mieux voir ce qu'il renferme. En faisant de toi un être qui n'est [...] ni mortel ni immortel, j'ai voulu te donner le pouvoir de te former et de te vaincre toi-même ; tu peux descendre jusqu'au niveau de la bête et tu peux t'élever jusqu'à devenir un être divin. En venant au monde, les animaux ont reçu tout ce qu'il leur faut, et les esprits d'un ordre supérieur sont dès le principe, ou du moins bientôt après leur formation, ce qu'ils doivent être et rester dans l'éternité. Toi seul tu peux grandir et te développer comme tu le veux, tu as en toi les germes de la vie sous toutes ses formes ». Passage d'une étonnante actualité alors qu'il a été écrit au quinzième siècle par Pic de la Mirandole, l'auteur d'un des plus grands textes sur la dignité de l'homme.

D'après ce penseur, nous, les êtres humains, ne serions ni mortels, ni immortels mais des êtres capables de nous élever jusqu'à devenir un être divin appelé à rester dans l'éternité. A première vue, cette phrase peut paraître étonnante et pourtant, elle dévoile quelque chose du mystère de la résurrection que nous célébrons ce soir.

Tout d'abord, prétend Pic de la Mirandole, nous ne sommes pas mortels. Il me semblerait plus adéquat d'affirmer que nous ne sommes plus mortels. Par la résurrection du Fils de Dieu, nous sommes entrés dans une nouvelle ère, celle de la mort de la mort. Une mort qui n'a plus de prise sur l'être humain. Il est vrai que nous en ferons toutes et tous l'expérience puisque, comme le disent les juristes et ils ne s'engagent pas beaucoup avec une telle affirmation : la mort est un événement futur et certain. Toutefois, dans la foi, la mort n'est plus un état mais une traversée de la vie terrestre à la vie céleste. Un peu comme si par la mort, nous entrions dans le temps de l'éternité. Nous ne sommes donc plus des êtres mortels. Et encore moins immortels.

En effet, toutes les traditions philosophiques ou religieuses qui affirment l'immortalité voient celle-ci comme étant automatique, une sorte de retour continu à une situation originelle. Dans cette perspective, nous serions des êtres déterminés à l'immortalité qui n'est qu'une simple prolongation de notre existence. Dans la mort, je retourne à un état antérieur. Ce qui signifie que la mort ne serait que la continuation infinie d'une situation déjà connue puisque l'immortalité est toujours tournée vers un passé qu'il s'agit de conserver et d'améliorer. En comprenant l'immortalité de cette manière, elle me paraît profondément ennuyeuse et je crains qu'elle risque de durer vraiment très très très très longtemps. Revivre constamment le déjà vu, le déjà vécu. Quelle horreur.

La mort ayant été vaincue par le Fils, nous ne sommes plus mortels. Créés créateurs par le Père, nous participons à la création de l'humanité entière par le don de la liberté reçue. Nous sommes des créateurs et non pas de simples recopieurs immortels. Mais des créateurs capables de nous élever jusqu'à devenir un être divin appelé à rester dans l'éternité.

L'éternité est par définition l'opposé de l'immortalité. En effet, l'éternité est offerte à chacune et chacun de nous en une proposition que nous avons la liberté d'accepter ou de refuser. Elle est d'abord et avant tout un don. De plus, par le don de la résurrection, l'éternité nous conduit dans une situation nouvelle, celle du partage de la vie de l'Eternel. L'éternité est donc bien un projet, la proposition d'une destinée offerte à notre liberté par les choix que nous posons. De la sorte, l'éternité est toute tournée vers un avenir, vers un inconnu, vers une véritable nouveauté vécue en Dieu. L'éternité sauve notre avenir. C'est pour toutes ces raisons que l'éternité promise est plus qu'un au-delà de la vie, qu'un au-delà de la mort. Par sa mort et sa résurrection, le Christ vient nous dire que la foi en la vie éternelle signifie de prendre la vie au sérieux et de la vivre jusqu'au bout et ce, malgré les blessures intérieures qui marquent nos existences de cette empreinte à jamais gravée en nous. Notre vie n'est pas une roue qui tourne sans fin mais une flèche qui maintient une espérance.

Ni mortels, ni immortels mais éternels et l'éternité commence dès maintenant car en Dieu, la vie est si vivante que c'est la mort qui est mortelle et la vie éternelle aura toujours le dernier mot. S'il en est vraiment ainsi, alors il ne me reste qu'à nous souhaiter une belle et heureuse fête de Pâques. Amen

12e dimanche ordinaire, année C

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2003-2004

QUI PERD GAGNE


Chaque fois que Jésus arrive à un moment essentiel de sa vie, saint Luc nous le montre en prière. Car il ne s'agit pas pour lui de foncer n'importe comment en multipliant les activités, ni, avec ses disciples, de prendre une décision à la majorité. Une seule chose compte : accomplir exactement la mission que son Père lui a confiée. Qu'est-ce qu'il veut ? Que dois-je faire, moi, son Fils, pour lui être fidèle, pour réaliser son projet de sauver l'humanité du mal ?

 

" Un jour, Jésus priait à l'écart" :

en commençant par ces mots, l'évangile de ce dimanche souligne la gravité de l'instant. Jésus s'est à nouveau retiré dans la solitude, il a écouté son Père, il a médité les Ecritures, il a compris, il a pris une décision et il veut en faire part à ses amis.

De retour près des disciples, il leur demande ce que les gens pensent de lui : "Tu serais comme Jean-Baptiste ou un autre prophète". Il les accule non à répéter simplement les bruits qui courent à son sujet mais à se prononcer eux-mêmes :

" Et vous, que dites-vous que je suis ?".

Car la foi n'est pas de colporter un on-dit, de répéter une leçon apprise des parents ou du catéchisme, de se conformer aux modes : il faut confesser la conviction à laquelle on est soi-même arrivé de manière personnelle.

Impulsif comme toujours, le brave Pierre lance le premier :

" Tu es le Messie de Dieu".

Donc je crois que tu es plus qu'un prophète, un sage, un guérisseur : tu es l'ultime envoyé de Dieu pour sauver le peuple, tu es le Messie annoncé par les Ecritures.

Jésus doit être heureux qu'enfin, après des mois, son groupe de disciples soit parvenu à cette foi ! Mais là-dessus il va leur livrer un enseignement auquel ils ne s'attendent absolument pas et qui va les renverser.

D'abord il leur interdit de répandre cette découverte. Pourquoi ? Parce que ce titre de Messie ne peut être compris par les gens que comme celui d'un meneur révolutionnaire qui va appeler au soulèvement afin de chasser les envahisseurs et retrouver l'indépendance nationale. Or Jésus s'est toujours démarqué de tout emploi de la violence armée.

Ensuite, il annonce son destin paradoxal :

"Il faut que le Fils de l'homme souffre beaucoup,

qu'il soit rejeté par les anciens, les chefs de prêtres et les scribes, qu'il soit tué . . . mais que, le 3ème jour, il ressuscite".

Coup de tonnerre ! Le Messie tué par les plus hautes autorités religieuses ??? Incroyable !

C'est pourtant ce qui arrivera. Et il n'était pas besoin d'être un grand prophète pour le prévoir. Depuis qu'il circule en annonçant le Royaume de Dieu, en guérissant et en offrant le pardon aux pécheurs,

Jésus se sait espionné par les religieux. S'il monte dans la capitale en gardant le même comportement et en osant dénoncer les dérives d'une religion qui s'est figée dans le légalisme, l'hypocrisie, le rejet des pauvres tout en se rassurant par la pratique routinière de rites, Jésus ne peut ignorer ce qu'il risque : rien moins que la mort. Mais, et là est son espérance et sa certitude, il ne doute pas que s'il accomplit exactement la mission de son Père, celui-ci ne l'abandonnera jamais et il le sauvera. Toutefois il faudra passer par l'horreur.

Ce n'est pas fini : 2ème coup de tonnerre pour les disciples. Jésus enchaîne :

" Celui qui veut marcher à ma suite, qu'il renonce à lui-même, qu'il prenne sa croix, chaque jour, et qu'il me suive. Car celui qui veut sauver sa vie la perdra ; mais celui qui perdra sa vie pour moi, la sauvera".

Jésus n'impose rien, il propose, il invite les libertés à se joindre à la sienne et à prendre le même chemin. Si quelqu'un veut être un vrai disciple (pas seulement de tradition), il doit renoncer à sa tranquillité et ses opinions toutes faites pour accepter le programme de Jésus. Il devra même "prendre sa croix...chaque jour !". Ce qui ne signifie pas qu'il faut se résigner aux accidents de la vie ni encore moins s'infliger des peines et chercher des souffrances. La croix était un châtiment infligé par le pouvoir qui se croyait outragé et il était de coutume que le condamné porte l'instrument de son supplice jusqu'au lieu de sa mort - comme on le voit dans le récit de la Passion.

Donc, pour un disciple, "porter sa croix" c'est subir la réaction que lui valent sa foi, ses attitudes, sa contestation de choses inacceptables. Jésus n'est pas allé vers la souffrance et la mort parce que c'était le prix à payer pour calmer la colère de Dieu. Il est allé défier les maîtres du Temple à Jérusalem parce que, contrairement à ce qu'ils croyaient, ils étaient infidèles profondément à la Volonté du Père et qu'il fallait tenter de les convertir. Cette falsification de la religion était pour Jésus infiniment plus grave que l'occupation du pays par les troupes romaines. La vérité de la foi vécue - donc la révélation du vrai Dieu- est l'enjeu principal de la mission de Jésus : il le payera de sa vie. A Gethsémani, plein d'effroi, il sera tenté de demander à son Père de le sauver... mais il assumera la Passion nécessaire. Sur la croix, des gens lui lanceront : " Si tu es le Fils de Dieu, descends, sauve-toi toi-même et nous croirons". Il refusera, il ne descendra pas et il s'offrira pour ceux-là même qui le bafouent et le trahissent. Ayant donné sa vie et accepté que son Père le sauve, il réussira.

Il n'y a pas d'autre chemin, et aujourd'hui encore Jésus nous répète :

" Si tu écoutes la foule, si tu cherches à sauver ta vie par les moyens prônés par ta société, je te préviens, tu la perdras. Si tu me donnes ta vie, si tu la risques pour l'Evangile, si tu es prêt à tout perdre, tu gagneras".

On le comprend : impossible d'obéir à cette injonction sans que le disciple, à son tour, ne se mette à prier. Beaucoup. Longtemps. Sans arrêt.

13e dimanche ordinaire, année C

Auteur: Gihoul Luc-Henri
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2003-2004

Dans cet évangile, trois types de rupture font ressortir les exigences auxquelles doit consentir celui qui veut suivre Jésus. Il s'agit d'abord, ne pas fonder sa foi sur des sécurités psychologiques, c'est à dire sur tout ce que nous ne cessons de bâtir pour nous abriter des mauvaises saisons de l'âme. Ensuite, de ne pas mettre son assurance dans le passé, toujours définitivement révolu. Nous risquerions, à coup sûr, de périr avec lui. Enfin, en refusant d'entrer dans l'avenir à reculons, il s'agit de vouloir regarder devant soi, d'assumer son avenir et de proférer le futur. Mais, laissons ces trois ruptures pour aborder une autre dialectique inhérente à toute vie chrétienne qui est le rapport existant entre un double objet de notre foi : Dieu et l'Eglise. Là aussi, il peut y avoir rupture. Le credo commence par affirmer notre foi en Dieu et se termine par la proclamation de notre foi en l'Eglise. Comment vivre ce double objet de notre foi ? Sont-ils à mettre au même niveau ? Par notre foi, nous chrétiens, nous prétendons vouloir adhérer à la vérité toute entière. C'est à dire à la vérité dans toutes les formes où il plaît à Dieu de nous la révéler. Dans notre credo, il s'agit d'abord de foi en Dieu et en Jésus-Christ qui l'incarne, de foi en l'Eglise ensuite. Cette foi est seconde ce qui ne signifie pas qu'elle soit accessoire ou secondaire. Mais, le croyant ne peut plus mettre l'absolu là où n'existe que le relatif. En fait, il nous faudrait plus justement traduire « croire en un seul Dieu » par « croire jusqu'à Dieu » car ce « en »(« in » en latin) indique un mouvement. C'est une foi qui va jusqu'à Dieu car elle est une visée vers Dieu, une projection de notre vie en Dieu, une consécration de celle-ci à Dieu menée au compte du Christ. Et, c'est pour cela que tout chrétien croit en Dieu et en Notre-Seigneur J.Christ d'une façon absolue et inconditionnelle. Il lui voue sa vie. Cependant, ce même chrétien ne croit en l'Eglise que dans la mesure où à la lumière de sa foi, qui lui vient de Dieu, il découvre en celle-ci, le vrai visage de J.C.

Et il faut bien reconnaître que, par rapport à l'histoire, l'attitude de l'Eglise en son institution ou en son magistère a été une épreuve pour la foi des chrétiens. Cela ne veut pas dire que ma foi de baptisé, en l'Eglise, est devenue incertaine parce que seconde. Nous croyons par notre foi d'une manière certaine dans l'Eglise mais nous croyons d'une façon certaine qu'elle n'est, cette Eglise, que relative à Jésus-Christ. Ma foi certaine en l'Eglise est relative par rapport à ma foi absolue en Dieu, comme l'Eglise est relative à l'Evangile et au Royaume de Dieu. Si l'Eglise se refusait à cette relativité, si elle tentait de s'ériger en absolu, si elle se déclarait divine en elle-même, elle se substituerait à Dieu. A une telle Eglise institutionnelle, nous ne pourrions jamais donner notre foi. Or, c'est l'Eglise elle-même qui nous propose l'instance critique qui l'éclaire et la juge à savoir l'Evangile de Notre Seigneur Jésus-Christ. Nous croyons en l'Eglise à cause du Seigneur et non au Seigneur à cause de l'Eglise. L'Eglise sera toujours radicalement impuissante à causer ma foi. Elle la propose, elle la nourrit, elle la protège et la garde mais l'Institution, la hiérarchie et le magistère, en tant que tels, ne sont pas le sacrement de la foi. Le signe efficace et visible de la foi c'est le croyant. C'est Dieu seul qui donne la foi à son Eglise, au peuple des fidèles comme au clergé et à la hiérarchie. L'immense majorité des chrétiens ne l'ont pas encore réalisé. Cette ignorance fait que trop souvent, au cours des temps, les fidèles n'ont pas osé élever la voix, sinon timidement et sporadiquement, quand leur sens de Dieu était violenté par certaines prises de position de la hiérarchie. L'instance critique de la foi n'est pas l'opinion personnelle de l'évêque, fût-il Pape. La règle suprême de la foi, c'est la foi elle-même, c'est mon engagement à la suite du Christ, ma propre expérience de Dieu dans la grâce, mon contact avec le Seigneur dans le vécu de ma foi vive. Le livre de notre vie, les écrits de nos histoires personnelles sont le lieu où retentit la Parole de Dieu. La foi, don de Dieu est bien quelque chose qui se vit entre Lui et moi. Mais je la vis avec mes frères, dans un peuple fidèle de croyants appelés Eglise. Le statut de ma foi personnelle au sein de l'Eglise éclaire mon rapport à elle.

L'Eglise du symbole de Nicée : une, sainte, catholique, apostolique possède ces 4 propriétés en ce qu 'elle peut nous donner, par la grâce des sacrements, la vie même de Dieu. Mais ce n'est par parce que l'Eglise porte en soi la parole vivante de Dieu qu'elle l'a toujours incarnée parfaitement au plan de la vie, dans un témoignage fidèle et authentique. Au temps des croisades, pendant l'Inquisition, à la Réforme, dans sa mission aux Indes, en Afrique, face à la question ouvrière, à celles de l'anti-sémitisme, du modernisme, du féminisme, face à la pédophilie, il y aurait beaucoup à reprocher à l'Eglise officielle, même si en ces époques tant de chrétiens, prêtres, évêques ont bien parlé, bien agi, bien témoigné.

Premièrement, ce sont les sacrements qui rendent l'Eglise Sainte, non ses fidèles, ni ses ministres. Eux, comme nous, devons par ces sacrements, prendre la route et avancer, cahin-caha, pas à pas, vers une sainteté toujours plus grande. Et deuxièmement, c'est à notre foi, en dialogue avec la foi de nos frères, de protester de l'Absolu de Dieu en tout ce qui n'est pas Dieu. Nous en revenons à notre point de départ. Le Royaume auquel nous croyons n'est pas fait pour l'Eglise, mais l'Eglise, à l'intérieur de laquelle je crois est faite pour le Royaume. L'Eglise, c'est la partie du monde des humains en marche vers le Père. Elle vit en quelque sorte dans l'espérance et le souhait de sa propre abolition. L'Eglise terrestre, militante disparaîtra dans l'Eglise céleste et triomphante au c½ur de la Trinité Sainte. Le Chrétien croit à Dieu et à Jésus d'une façon absolue. Le baptisé croit à l'Eglise d'une manière relative, en tant qu'il voit en elle le corps mystique du Christ, le peuple saint de Dieu.

Ici-bas, le règne de Dieu ne finit pas de se chercher, le Royaume ne sera jamais définitivement, ni parfaitement établi. Impossible d'être en avance sur le calendrier divin et d'amener le ciel sur la terre. Aussi, la vie durant, essayons d'apprendre « visionner » toutes choses par les yeux de la foi. Au moment où les mass- média nous révèlent que notre manière de vivre est « relative », qu'elle n'est pas la seule, ni peut-être apparemment la plus efficace, à nous de laisser derrière nous les nuages qui assombrissent nos vies et à croire au Seigneur. La foi absolue en Dieu nous dit que ce fut toujours l'énergie personnelle de quelqu'un, une foi solide, une espérance tenace, un amour fidèle, qui ont ébranlé à contre-courant et à contre ténèbres, les pesanteurs mortifères de l'histoire. Beaucoup de choses pourraient nous porter à la désespérance : des enfants vieillots, saturés de TV, gangrenés déjà par ses méfaits, une jeunesse d'autant plus violente qu'elle est déboussolée, réduite à vociférer sa révolte en décibels surpuissants dans une musique débile, des politiciens douteux, des hommes d'affaires filous, des vedettes de foire et des pouvoirs sermonneurs. Et ces scènes se déroulent sur la toile de fond d' une planète menacée et des humains en guerre ! Face à cette sinistrose chronique, il ne reste vraiment qu'une seule ouverture et qu'un seul devoir créateur : la fidélité tenace de notre foi. Une foi faite de sagesse réaliste, d'espérance chaleureuse et d'amour inlassable. Une foi vécue dans l'humilité d'une vie qui se sait toute habitée de Dieu.

13e dimanche ordinaire, année C

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2003-2004

Le rétroviseur est un instrument indispensable pour la conduite de tout véhicule. Il nous permet d'anticiper les mouvements de ceux qui nous suivent, de faire les man½uvres nécessaires. Et ce n'est pas pour rien que le code de la route exige depuis plusieurs années que tout véhicule soit équipé d'un rétroviseur intérieur et de deux extérieurs. Belle invention donc que le rétroviseur. Il nous facilite drôlement la vie lorsque nous conduisons. Si cet équipement est plus qu'utile pour tout véhicule, il semble qu'il n'en aille pas de même pour celles et ceux qui veulent inscrire leur vie en Dieu.

En effet, d'après les lectures de ce jour, Dieu ne semble pas aimer les gens qui vivent leur vie en regardant en arrière. Il nous attend dans la construction de nos vies, c'est-à-dire le regard tourné vers l'avenir, vers demain. Il nous convie à ne pas nous enfermer dans un passé à jamais dépassé.

Dans la foi, nous sommes appelés à devenir des visionnaires de la Création. Nous ne sommes pas poussés irrémédiablement par notre passé. Non, nous sommes tirés par notre avenir. La vie s'écrit en avant. C'est là qu'elle se réalise pleinement dans le projet divin. Les différentes images fortes utilisées par le Christ en disent long : " laisse les morts enterrer leurs morts " ou encore " celui qui met la main à la charrue et regarde en arrière n'est pas fait pour le royaume de Dieu ". Ces phrases sont dures. Dieu le Fils est venu nous bousculer dans nos certitudes, dans nos paralysies, surtout celles qui affectent les autres et empêchent toute vision d'avenir. Un peu comme si Dieu n'aimait pas les " ont été ". Vous savez ceux qui ressassent le passé, qui justifient tous leurs actes d'aujourd'hui au nom de l'histoire.

Ces gens-là, comme le dirait Jacques Brel, ces gens-là, ces " ont été " conjuguent leur vie au passé composé. Ils se sont enfermés dans une marre de leur histoire alors que le fleuve continue de couler. Ils parsèment leurs phrases de " j'ai été ", " nous avons été " et ils pensent que parce qu'ils " ont été ", ils ont des droits acquis. Avec les " ont été ", aucune remise en question n'est possible puisqu'ils ne font référence qu'à leur passé, aussi glorieux ce dernier ait-il pu être. Dès qu'il peut y avoir une évolution, un regard vers l'avenir les " ont été " s'indignent, crient à l'injustice. Ils ont un grand défaut : ils accusent toujours les autres sans pour autant se rendre compte que leurs propres accusations souvent dénoncent leurs propres conduites. Les " ont été " vivent dans le passé, à ce point aveuglés dans leur présent, qu'ils sont incapables de voir et de comprendre l'avenir. Non pas qu'ils en sont exclus, plutôt ils s'en sont exclus de par leur propre attitude. En effet, les " ont été " sont souvent des entêtés. Et c'est pour toutes ces raisons-là que le Christ nous propose en méditation aujourd'hui des phrases aussi fortes de sens. Voulons-nous être des " ont été " entêtés qui n'acceptent pas de mourir à leurs projets pour en laisser naître d'autres ou désirons-nous écrire nos vies avec l'encre de Dieu c'est-à-dire tourner vers demain.

Le Christ ne nous laisse pas tellement le choix. Par définition, depuis l'instant de notre conception, nous sommes des êtres en devenir, jamais atteints, toujours en évolution. Le jour où nous nous arrêtons nous mourrons. Il est vrai qu'il est parfois plus facile de vivre sa vie au passé composé. C'est rassurant car ayant fait l'expérience, nous connaissons les tenants et aboutissants. Nous n'avons pas peur puisque nous regardons en arrière dans notre histoire. Nous vivons le déjà connu, le déjà vécu. Nous sommes emprisonnés dans notre passé. Or si le Christ, nous dit saint Paul, nous a libérés, c'est pour que nous soyons vraiment libres. En Dieu, nous avons été appelés à la liberté. Une liberté tournée vers l'avenir, par amour, au service les uns des autres. Ne nous enfermons pas dans notre passé mais intégrons-le à nos histoires respectives. Reconnaissons qu'il est dépassé à jamais mais qu'il constitue la richesse de ce que nous sommes devenus. Libérons-nous de tous ces passés composés qui jalonnent nos existences, de tous ces pardons qui n'ont pu être donnés, de toutes ces blessures qui nous ont lézardé. Libérons-nous de tout ce qui nous empêche d'advenir, quittons tous nos masques d'" ont été " pour nous tourner à jamais en Dieu vers l'avenir. C'est là que l'Esprit de Dieu nous accompagne.

Amen.

15e dimanche ordinaire, année C

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2003-2004

Jésus serait-il " jésuite " ou bien les jésuites se sont-ils fortement inspirés de la méthode de Jésus ? La question mérite d'être posée surtout après la lecture du passage que nous venons d'entendre. En effet, une légende prétend qu'à une question, tout jésuite répond toujours par une autre question. Je me rappelle cette conversation où un homme demanda justement à un jésuite " pourquoi répondez-vous toujours par une question lorsque l'on vous en adresse une ? ". Ce dernier répondit par les mots suivants : " vous trouvez ? ".

Tout comme Jésus dans l'évangile. Lorsque le docteur de la Loi demande à Jésus " et qui donc est mon prochain ? ", le Christ répond aussi par une question : " lequel des trois, à ton avis, a été le prochain de l'homme qui était tombé entre les mains des bandits ? ". La démarche proposée par le Fils de Dieu ma paraît non seulement intéressante mais surtout très pertinente. Il est vrai que souvent, dans la vie, lorsqu'une question est posée nous avons la fâcheuse tendance d'y répondre sur le champ. Et à court terme, c'est plus simple. Un peu comme si nous nous disions : " voilà, il a obtenu sa réponse qu'il ou elle agisse maintenant en conséquence ".

Je ne suis pas sûr que ce soit la meilleure chose à faire en tout cas à moyen ou à long terme. En effet, ma réponse à toute question posée par une tierce personne restera toujours ma réponse et ce, à partir de ce que je perçois comme étant la vérité. Elle sera toujours extérieure à la personne qui me la demandait. Si cette dernière choisit par après de ne pas suivre mes propos et que je le lui fais remarquer, elle pourra toujours me dire : " oui, mais ça c'était ton avis et il ne me convient pas ". Tandis que, agissant comme le Christ, si à toute question posée, je répondais par une autre question, je permettrais à la personne de chercher en elle sa propre vérité. Cette dernière n'arrive peut-être pas à trouver par elle-même le chemin intérieur pour découvrir en elle la réponse à son problème. Elle a besoin de quelqu'un d'autre pour l'éclairer. Non pas pour lui donner une réponse mais plutôt pour lui permettre de trouver ce chemin intérieur qui la conduira vers ce qui lui semblera de meilleur pour elle. Cette méthode-ci prendra sans doute un peu plus de temps mais elle sera, je crois, plus bénéfique à moyen ou à long terme. En effet, si la personne ne suit pas sa réponse et que vous le lui faites remarquer, vous la confronter à sa propre contradiction. La réponse à la question n'était plus quelque chose d'extérieur à elle mais elle s'enracinait bien en elle.

Agir de la sorte n'est pas toujours aisé, j'en conviens car cela demande parfois de redire autrement ce qui vient d'être posé. Tout comme il en va pour le Christ dans l'évangile de ce jour. A la question " et qui donc est mon prochain ? ", le Fils de Dieu ne renvoie pas l'ascenseur en disant " et pour toi, qui crois-tu qui est ton prochain ? ". Non, ce serait trop facile. Il suffirait en effet au docteur de la Loi d'établir une liste de catégories de gens qu'il classerait comme étant ses proches. Trop simple car cela lui aurait permis d'être éloigné de tous ceux et celles qu'il aurait choisi de ne pas inclure dans cette liste de gens proches.

Jésus prend le temps de poser sa question. Il raconte une histoire. Ce qui lui permet de transformer le sens même de la question et d'inviter le docteur de la Loi à répondre personnellement. " A ton avis, non pas à mon avis, mais bien à ton avis, lequel des trois a été le prochain de l'homme qui était tombé entre les mains des bandits ? ". C'est à toi et à toi seul à donner la réponse, non plus en énonçant une catégorie de personnes qui pourraient recevoir le label de " prochain " mais bien en retournant complètement ta question. Le prochain n'est pas quelqu'un d'extérieur à nous, c'est nous, par nos actes et nos attitudes qui devenons le prochain de l'autre. Comme si, pour Dieu, le prochain, c'est tout simplement celui de qui je me rapproche, de qui je me fais proche.

Le prochain, c'est celui que moi je deviens lorsque je transforme mon regard vers celui qui au départ me semblait tellement éloigné de moi. Le Fils de Dieu nous laisse alors avec ces questions : dans ma vie, de qui me fais-je proche ? Dans ma vie, à qui est-ce que je donne le meilleur de moi-même ? En bref, dans ma vie, suis-je un bon prochain ? Prenons le temps de répondre à ces questions puisque Dieu est intéressé par notre avis.

Amen.

16e dimanche ordinaire, année C

Auteur: Gihoul Luc-Henri
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2003-2004

Dans la vie, il est difficile de cerner la personnalité de ceux et celles qui nous sont quotidiennement proches. Dès lors n'est-ce pas une tâche impossible de rejoindre Marthe et marie qui ont vécu il y a 2000 ans et sur qui on ne possède que quelques indications ?

Et pourtant, le peu de références trouvées dans l'Evangile nous permettent de découvrir et d'admirer ces deux personnages bibliques féminins. Une phrase lapidaire de l'Evangile donne déjà le ton et cristallise le sens de Béthanie dans la vie de Jésus. St. Jean nous dit : « Or Jésus aimait Marthe et sa s½ur Marie et Lazare. » Béthanie, leur maison, signifie : maison de la pauvreté, de l'affliction mais aussi maison de l'amitié. Affliction lors de la mort de Lazare ou, quand Jésus est lacéré par les attaques des Pharisiens et Sadducéens, étonné de la lourdeur d'esprit de ses disciples, déçu par le rejet de sa famille. Amitié quand Jésus y trouve un lieu de respect et de chaleur fraternelle, d'amitié tendre de deux s½urs et de leur frère.

Marthe et Marie, deux femmes qui s'expriment différemment envers Jésus mais qui lui sont unies non seulement par une intime amitié mais surtout par un lien profond de foi. N'est-ce pas Marthe qui, lors de la mort de son frère, convie sa s½ur à ne pas désespérer et qui dira à Jésus : « Oui Seigneur, je crois que tu es le Christ, le fils de Dieu, celui qui doit venir et que tu as les paroles de la vie éternelle. » Marie fera la même belle profession de foi que sa s½ur, écoutant la parole de Dieu aux pieds du Seigneur.

Le commentaire traditionnel de ce passage nous le connaissons. Marthe serait l'image de la vie active, du service des frères, de la sainteté au travers de tâches quotidiennes. Marie serait le prototype de la vie contemplative, de l'étude de la parole de Dieu, du service de Dieu dans la prière. On connaît aussi le commentaire, un rien réaliste du bon croyant plein de bon sens et qui se dit : si Marthe ne s'était pas activée qu'auraient eu Jésus et la famille comme repas ! Et, il serait même légitime d'imaginer que si Marie avait aidé Marthe, toutes deux auraient pu profiter de la parole du maître. Et si le Seigneur proclame que Marie a choisi « la bonne part » selon l'exacte traduction du texte et non la « meilleure part », ne serait-ce pas précisément Marthe qui aurait choisi la meilleure part, car n'est-ce pas la plus belle, la plus risquée sans doute : le service qui nous salit les mains, qui stresse et fatigue ? Et un service généreux des frères, comme Marthe l'aurait prouvé déjà, peut très bien aller de pair avec l'attention portée à Dieu.

Ce serait bien là d'ailleurs, pour tout croyant, le problème éternel : comment concilier le service de Dieu avec le service des hommes, la vie chrétienne et la vie laïque ? Or, c'est à cette question que veut répondre st. Luc et ce pourquoi peut-être, il relate cet épisode. A l'époque de Luc, les apôtres voulaient-ils se réserver la prédication, l'étude et la méditation préalable de la parole ? Mais Luc montrera dans les Actes des A. que, d'une part la diaconie ne peut en aucun cas être réduite au seul service des tables, ni à la seule question matérielle des églises et que d'autre part, l'apôtre de son côté ne doit pas, lui, se dispenser de tâches plus humbles et du service des autres. Paul d'ailleurs revendiquera qu'il ne dépend de personne et qu'il gagne sa vie de ses propres mains. En cette péricope, Luc nous dit donc que toute vraie croyance comme tout ministère ecclésial supposent, et le service de Dieu, et l'amour des frères.

Vous savez l'importance des noms en Israël puisqu'ils signifiaient et donnaient un rôle, une fonction, une mission. Or les noms de Marthe et Marie ont tous deux le même radical qui signifie : témoin, maîtresse, patronne. Et le mot « part » dont il est question, la bonne part ou la meilleure, réservée à Marie, possède aussi le même radical. C'est assez dire que les deux attitudes, piété et service doivent être la maîtrise et le témoignage du chrétien et sa « bonne part », qu'à l'exemple de Jésus, elles doivent s'harmoniser. Il s'agit de faire de la volonté de Dieu, sa nourriture et de la charité fraternelle, le fruit de sa prière.

Marthe, très fidèle en cela à son nom, interpelle Jésus en le nommant « Seigneur », c'est-à-dire : son Sauveur. Celui qui peut la redresser de son activisme parfois excessif mais celui qui avait aussi recommandé l'esprit d'équipe puisqu'il envoyait ses disciples en mission deux par deux.

Tout au long de sa prédication Jésus appelle le disciple à écouter sa parole et à le suivre. Et il rappelle aussi le primat de la charité fraternelle. C'est bien ce que firent Marthe et Marie. Marie crut en Jésus : parole de vie, Marthe en Jésus : pain de vie. Mais toutes les deux le suivirent.

Le dialogue entre Marthe et Marie est inscrit à l'intérieur de l'amitié. Ni Jésus, ni Marthe ne se mettent sur le plan du reproche mais sur celui de l'intimité, là où l'on ose s'exprimer dans la vérité de son c½ur. Au c½ur de cette amitié sincère, au c½ur de cette femme au verbe spontané et franc, attentive aux besoins des autres, nous percevons une foi courageuse qui sait même interpeller Dieu. Marthe casse la chaîne de tous les privilèges cléricaux. Il n'y aura plus désormais le grand- prêtre seul qui peut parler d'égal à égal avec Dieu. Mais une femme peut revendiquer devant Dieu. Tout croyant peut être debout devant Dieu son Seigneur.

J'admire cette femme qui a réconforté Jésus par la chaleur de sa maison et celle d'un bon repas, qui l'a interpellé par sa remarque courageuse, intempestive même, mais confiante et amicale. Et Marie, je l'admire pour sa liberté d'avoir osé enfreindre les privilèges sociaux de son époque. La femme du Proche-Orient ne parlait pas aux hommes et ne s'attardait pas auprès de son hôte. La femme, affirme Marie, peut aussi donner, dans sa vie, priorité à l'écoute de la parole de Dieu. Elle n'est pas que maîtresse de maison. Elle choisit une « bonne part » dans un contexte culturel qui refusait aux femmes de pouvoir, simplement, choisir. Et Jésus les soutient et leur donne raison. Il trouve bon que les femmes se donnent la liberté de réfléchir et d'approfondir leur foi, Il dit aux femmes que l'horizon des casseroles n'est ni leur seul destin, ni leur seul salut, même si cet horizon touche le ciel par-delà toutes les générations. A travers Marthe et Marie, le Christ s'adresse à chacun d'entre-nous. Non seulement la priorité des priorités reste Dieu, mais nous avons à respecter, à aider le choix des autres. Et ne pas choisir à leur place. En effet, n'y a-t-il pas de quoi être lassée pour une femme de n'être appréciée qu'en tant que mère ou ménagère, même si ces rôles sont nobles et admirables ? N'y a-t- il pas de quoi être lassée de ces célibataires qui n'en finissent pas de leur dire ce qu'elles sont, comme si elles ne le savaient pas mieux qu'eux ? N'y a t il pas de quoi être lassée de discours doctrinaux et moralisateurs, confisqués aux seuls profits des mâles, jusqu'à l'autorité même de Dieu ?

La frontière entre Marthe et Marie passe par le c½ur de chacun. Il existe un certain activisme qui ne sert finalement que notre orgueil. Il existe une certaine contemplation qui n'est que peur de l'affrontement, fuite ou mépris du monde. Cet évangile n'est pas un petit code juridique. Il nous invite à nous demander si nos tâches humaines, si nécessaires cependant, ne nous détournent pas de la seule priorité d'où découle tout le reste : la foi vécue dans la gratuité de l'Amour. Mais, d'un autre côté, quand Dieu se présente à nous par une telle activité requise, par telle personne rencontrée, dans tel événement douloureux et imprévu, vais-je l'éconduire ce Dieu ou l'accueillir dans cette tache imposée, cette rencontre impromptue, ce souci nouveau ? Vais-je l'ignorer ce Dieu ou le recevoir et m'asseoir près de Jésus pour l'écouter m'éclairer et marcher à sa suite ?

Il y avait une femme franche, courageuse et confiante, Marthe, debout devant Dieu, non culpabilisée et qui demande des comptes dans sa foi. Il y avait sa s½ur, Marie, féministe progressiste et non-conformiste, sans scrupule et qui agit avec la liberté des hommes de son temps. Il y avait Jésus qui s'invite chez des femmes et converse avec elles d'égal à égal, et qui, par-là, transgresse aussi les lois judaïques. Aujourd'hui, les Marthe, ces femmes fortes de l'Evangile s'inquiètent parfois de la volonté de libération des Marie. Et les Marie, bravant les interdits pour une juste libération, s'énervent parfois de l'humilité passive des Marthe. Il faudrait jumeler dans sa vie, l'abnégation des Marthe à n'être point Marie et l'angoisse des Marie à laisser peiner Marthe. Il faudrait unir en équipe dans son c½ur, Marthe lavant dans l'ombre les verres du dernier repas en s'essuyant les yeux et Marie au pied de Jésus dénouant ses cheveux et qui ne parle pas et qui pleure ses erreurs. Il faudrait être à la fois, et bon serviteur, l'ayant servi au mieux, pour que tout soit en ordre quand le Seigneur viendra, et croyant pieux pour le reconnaître ce Seigneur, émerveillé de l'inlassable amour qu'il nous offre en retour dans son éternelle bonté.