28e dimanche ordinaire, année C

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2003-2004

Je ne sais pas si certains d'entre vous connaissent Jessica Franklin. Jessica est une jeune fille de 19 ans qui adorent tchater sur internet. Peut-être qu'un jour vous la rencontrer virtuellement. Je dis bien virtuellement car il paraîtrait que Jessica serait en fait un garçon un peu plus âgé qui se fait passer pour elle. Pourquoi ? Tout simplement pour une question d'anonymat. Tel est le jeu de la nouvelle communication : pouvoir, si l'envie nous prend, nous faire passer pour quelqu'un d'autre et parler sans doute avec des personnes qui se cachent également.

Certains penseurs avaient prétendu, il y a quelques années que grâce à l'internet, tout être humain devient citoyen d'un village global. Notre planète ne serait plus qu'un hameau où nous pouvons nous rencontrer facilement. Ce média rapproche les gens entre eux. Et il y a du vrai dans ces affirmations mais si nous n'y prenons pas garde, nous risquons de nous couper les uns des autres. En effet, je peux dorénavant passer ma vie devant mon écran. Mais l'écran entre deux être humains n'est-il pas un moyen de dépasser sa peur d'être face à face ? Ne risquons-nous pas de perdre beaucoup de temps à communiquer avec des gens qui vivent un peu partout dans le monde tout en passant à côté de celles et ceux qui partagent la même maison ? N'y a-t-il pas un certain risque d'atomisation pour des gens plus fragiles, plus en mal de communication directe ?

L'être humain, être de relations par excellence, s'épanouit dans la socialisation, c'est-à-dire dans la rencontre de l'autre. L'atomisation serait alors ce risque d'aller contre notre nature et de nous enfermer en nous-mêmes, face à une immense solitude. Un peu comme si la solitude était une des lèpres de notre société. Tellement de gens en souffrent. Les lépreux de l'évangile nous le rappellent. Ils sont laids, mal dans leur peau, mal dans leur c½ur. La société les a mis à l'écart. Ils sont isolés. Nous avons trop peur de la contagion. Ils étaient les exclus d'hier dans notre région du monde. Mais chaque génération produit ces propres lépreux.

Il y a une quinzaine d'années, lorsque nous ne comprenions pas encore le sida, beaucoup de gens craignaient d'approcher les personnes atteintes de ce mal, tout simplement par crainte de l'attraper. Et aujourd'hui, dans une société prônant l'individualisme à outrance, nous sommes confrontés à la réalité de la solitude. Lorsque la maladie ou le deuil nous frappe, nous en faisons l'expérience. Certains nous accompagnent dans cette traversée alors que tant d'autres s'éloignent de nous par peur : peur de ne pas savoir quoi dire alors qu'il suffit simplement d'être là et d'écouter même un silence, peur aussi d'être confronté à sa propre souffrance ou sa propre mort. Une peur qui paralyse la relation au point d'enfermer la personne souffrante dans la solitude. Mais cette peur peut également exister chez cette dernière qui ne souhaite pas partager ses maux, qui se sent incapable de mettre des mots sur ce qui la tourmente. Cette fois, c'est nous qui coupons la relation. Nous n'avons plus la force de nous raconter. Or toute vie est une histoire et l'histoire ne peut exister que si elle se dit.

Espérons alors avoir autour de nous des personnes suffisamment patientes et aimantes qui acceptent ce temps de désert forcé par les événements de l'existence, ce temps de rupture et qui continuent malgré tout à venir frapper à la porte de notre c½ur. Un c½ur qui doit également réapprendre à s'abandonner dans la confiance. Et l'évangile de ce jour, nous propose un chemin possible.

Dans la course folle de la vie, enfermé dans notre solitude paralysante, ayons le courage de revenir sur nos pas et d'aller à la rencontre de Dieu qui se révèle à nous dans l'autre de l'homme, c'est-à-dire dans celle ou celui qui se fait proche de moi. Dieu se révèle à nous de la sorte mais également au c½ur de nous-mêmes, là où il a choisi de résider à jamais. En effet, c'est dans l'intimité de la prière, dans l'intimité de cette rencontre avec Dieu, que nous pouvons vider notre sac, lui partager nos souffrances et nos incompréhensions. Ayant agi de la sorte, nous nous sentons à nouveau plus léger, prêts à nous relever car nous vivons avec cette conviction que son Esprit nous accompagne. Tel est également le sens du sacrement des malades qui va être proposé dans quelques instants à celles et ceux qui ont été ou sont encore confrontés à l'expérience d'une maladie physique, mentale, spirituelle, émotionnelle. Ce sacrement est un sacrement de vie, un sacrement de la force divine qui agit en nous et nous permet de comprendre la manière dont Dieu nous tient la main dans cette traversée terrestre. Par ce sacrement, nous revenons sur nos pas pour entendre le Christ nous dire : " Relève-toi et va : ta foi t'a sauvé ".

Amen

29e dimanche ordinaire, année C

Auteur: Gihoul Luc-Henri
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2003-2004

Cette parabole propre à St. Luc est adressée aux seuls disciples disent les spécialistes en écriture sainte. Elle leur pose d'ailleurs des problèmes d'interprétation. Je vous en donnerai une qui, pour n'être pas définitive, semble la plus appropriée au contexte. Celui-ci évoque le jour du fils de l'homme, le jour du jugement final et les épreuves qui l'accompagnent. Jésus invite les disciples à prier sans cesse en ces temps d'épreuves possibles.

La parabole nous parle d'une veuve qui demande justice. Situons alors le système judiciaire de la Palestine qui constitue l'arrière plan du texte afin de bien le comprendre. Il existait, au temps de Jésus, deux juridictions en Palestine. La juridiction traditionnelle religieuse s'appuyait sur la Thora tandis qu'une autre autorité, politique celle là, plus arbitraire que la première, dépendait de magistrats qui n'étaient pas liés par la Loi. Il s'agit ici d'un juge administratif. Il nous est présenté d'emblée comme un juge inique, un homme sans foi ni loi. Cette description nous informe déjà qu'il ne faut rien attendre d'un tel juge. Face à lui, une pauvre veuve, le type même de l'être sans défense, mais qui sait ce qu'elle veut. Le texte reste vague sur l'objet de sa plainte mais on sait qu'en dépit des rebuffades reçues, elle ne se décourage pas. En cela, elle est déjà pour St. Luc, un modèle de persévérance. Le juge est mal à l'aise devant son opiniâtreté. St. Luc emploie, à son propos, une expression qui a plusieurs significations. Soit le juge craint qu'elle ne lui « noircisse » la face ou encore qu'elle ne lui casse la tête ou « poche les yeux » (selon une expression orientale). En un mot, nous dirions aujourd'hui qu'il craint d'être déconsidéré ou de perdre la face. Le déshonneur étant, pour un oriental, la pire des choses. Aussi, il lui donne satisfaction.

St. Luc va faire l'application de cette parabole à la situation des communautés chrétiennes déjà ravagées par les abandons et les apostasies. « Dieu ne peut-il pas faire justice à ses élus quand ils prient jour et nuit ? » Aux communautés déchirées par les abandons de certains et qui voudraient que le Seigneur revienne installer son Royaume définitif, St. Luc rappelle que si Dieu tarde à rendre justice aux siens, c'est pour leur accorder un temps de pénitence et de conversion. La patience de Dieu, à travers son apparent silence, est sa volonté de créer un espace au repentir. Le retard de Dieu, c'est sa miséricorde. Et Jésus nous dit « Vous, priez pour rester fidèles, oui, mon heure viendra, oui, justice sera faite, gardez confiance et foi. Mon silence actuel est le cadeau de ma miséricorde, ouverte à votre conversion. »

Et Luc rajoute : « Mais le fils de l'homme quand il viendra, trouvera-t-il encore la foi ? » Cette parole de Jésus est comme un reflet de l'angoisse profonde du Maître devant la possibilité de notre manque de persévérance ou celle du refus de son message. Manque ou refus de ses contemporains et des chrétiens de tous les temps.

En effet, ce qui mine notre foi, n'est ce pas que Dieu semble nous laisser dans la détresse malgré nos incessantes supplications ? En réponse à cette question, l'histoire d'un rabbin est éclairante. Un village connaissait une grande sécheresse et la famine menaçait la communauté villageoise. Les anciens réunis décidèrent de faire appel à un saint des environs afin que sa prière obtienne de Dieu la pluie tant désirée. Celui-ci quémandé, trace sur le sol sableux de la place publique un large cercle et, installé en son milieu, il commence sa prière « Dieu de nos pères, je me tiens debout devant toi. Je me mets dans ce cercle et fais le v½u de prier et de jeûner sans en sortir jusqu'à ce que tu ais fait descendre sur ce village une pluie bienfaisante. » Mais un jour passe, puis 3, puis 7. Le ciel est aussi bleu que la terre des champs est sèche. Le rabbin s'avoue vaincu et s'en retourne chez lui. Les anciens tiennent à nouveau conseil et, se disant que cet homme ne devait pas être assez « juste » aux yeux de Dieu, ils décident de quérir un rabbin de Jérusalem, la ville sainte. Le second accepte et suit le même scénario que son confrère. Or, en moins de deux heures, une nuée sombre se pointe à l'horizon puis éclate en une forte pluie. La situation est sauvée. Ayant appris cela le premier rabbin arrive tout chaviré et questionne le second : « Comment se peut-il que le Seigneur ne m'ait pas écouté alors que j'avais tant jeûné et prié ? » Le second lui raconte alors une parabole « Un roi avait deux filles. L'une était disgracieuse, des cheveux comme des brindilles de bois, des yeux frappés de strabisme, une démarche contrefaite et une voix proche d'une crécelle L'autre était, en revanche, ravissante. Ses cheveux étaient comme de la soie, ses yeux des perles fines et sa démarche souple et légère comme celle d'une gazelle. Enfin sa voix avait le bruissement d'une source naissante. Il arrivait à l'une et l'autre de demander audience au roi leur Père afin d'obtenir quelque faveur. Quand la seconde venait à ses pieds, le roi prenait un tel plaisir à sa présence et à ses propos qu'il la gardait auprès de lui le plus longtemps possible, n'accédant à ses demandes qu'après de longues journées d'entretien. Lorsque c'était au tour de l'autre, il éprouvait un tel déplaisir qu'il lui accordait sur le champ l'objet de sa requête. » Et le vieux rabbin de conclure : « cette parabole est destinée à tous ceux qui se fatiguent les genoux sans obtenir de résultat apparent. »

Voilà qui ne doit pas nous inviter à tourner le dos à la perfection pour être vite exaucé ! Mais voilà qui doit nous rappeler que même pécheur, Dieu attache du prix à notre compagnie et à notre bonne volonté foncière. Restons persévérant. Demandons que Dieu nous éclaire sur ce qui pourrait nous apparaître comme une fin de non-recevoir. Et rappelons-nous toujours trois choses : Il faut demander de bonnes choses, c'est à dire que ces demandes soient orientées dans la perspective des valeurs évangéliques. Il faut bien les demander, c'est à dire faire valoir ses titres de noblesse. Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob, priait Moïse. Il rappelait à Dieu ses promesses et son Alliance. N'allons pas à Dieu comme des délinquants. Depuis notre baptême nos noms sont inscrits dans le ciel. Faisons valoir notre titre d'enfant de Dieu.

Demander de bonnes choses. Bien les demander. Demander en étant bon soi-même, offrant à Dieu notre contrition et notre bonne volonté. Ainsi prier, c'est comprendre que l'histoire entre Dieu et nous est une histoire d'amour. Et la confiance et l'abandon ne sont-ils pas, comme disait St. Paul, les fruits mûrs de l'amour ? Prier, c'est n'avoir rien d'autre à offrir que son cri. Prier, c'est accueillir la présence divine dans le creux de sa faiblesse

29e dimanche ordinaire, année C

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2003-2004

Quand j'étais étudiant aux Facultés à Namur, aux alentours de la saint Nicolas, le père jésuite recteur envoyait toujours une note à lire dans les auditoires pour rappeler aux étudiants que la mendicité était interdite par la loi dans les rues et les lieux publics. Il nous faisait également savoir qu'il avait prévenu les autorités de police pour qu'elles fassent respecter cette loi car il ne voulait pas que nous donnions une mauvaise réputation à l'institution dont il avait la charge. La loi ayant changée, je ne sait pas ce que l'actuel recteur fait aujourd'hui. Face à la mendicité de la rue, nous pouvons avoir différentes réactions. Toutefois, souvent, dans un pays comme le nôtre où diverses allocations peuvent être obtenues, nous pouvons avoir une attitude d'énervement face à celles et ceux qui quémandent quelques pièces dans nos rues. Les mendiants peuvent nous irriter.

Heureusement pour nous que Dieu n'agit pas de la même manière à notre égard. En effet, ne nous arrive-t-il pas trop souvent de mendier, de lui demander sans cesse d'obtenir ce que nous désirons recevoir ou posséder. Un peu comme si nous étions devenus des mendiants de Dieu. Notre prière se réduirait à cette dimension, tout en oubliant lorsque nous avons obtenu ce que nous avions demandé, de prendre le temps de remercier.

Sans pour autant être un enfantillage, la prière c'est enfantin et elle conduit à un enfantement. Je m'explique.

La prière ne peut effectivement se réduire à des enfantillages, c'est-à-dire à devenir un moment d'exigences matérielles ou autres comme si nous étions des enfants gâtés. Les exemples sont nombreux : Seigneur, faites que les questions d'examen soient faciles alors que je n'ai pas eu le temps d'étudier ; Seigneur, faites que je puisse m'offrir cette Ferrari ; Seigneur, faites que ma commande arrive une semaine plus tôt ; ou encore, Seigneur faites qu'il ou elle me remarque même si je reste dans mon coin.

Toutes ces demandes sont d'une certaine manière des enfantillages car elles réduisent Dieu à un grand magicien qui accepterait ou refuserait d'entendre nos demandes et de les exaucer. Je nous invite pour autant à ne pas les nier, voire à les nommer dans la rencontre intime pour désencombrer notre esprit et nous permettre de revenir à une relation plus essentielle. La prière ne se réduit donc pas à des enfantillages et pour autant, c'est enfantin de prier. Qu'est-ce à dire ? Il y a tant de traditions ou d'écoles de prière que nous avons parfois l'impression qu'elle demande un ensemble d'exercices spirituels pour arriver à prier convenablement. Un peu comme si elle était réservée à quelques professionnels de l'intimité avec Dieu. Il n'en est pourtant rien. J'insiste : prier, c'est enfantin. En fait, c'est comme aimer. Il n'y a pas qu'une seule façon de le faire, c'est à chacune et chacun de nous de trouver notre manière de prier, de chercher nos lieux de prière également.

Et tout cela variera également au cours de nos vies. Parfois, nous nous adresserons à Dieu, d'autre fois au Père ou au Fils ou encore à l'Esprit. Parfois encore nous passerons par Marie pour revenir à Dieu. Pareillement, les personnes aimées sur terre et vivant par delà la vie éternelle nous serviront de courroie de transmission dans notre rencontre divine. Dans cette perspective, prier c'est enfantin puisque c'est à nous de voir comment rencontrer Dieu et comment lui parler dans l'intime de notre c½ur. Il est cette présence qui ne se lasse jamais de nous attendre, de nous entendre et surtout de nous comprendre. Il cherche à nous rencontrer non pas avec des mots appris par c½ur mais avec les mots de notre c½ur. Et ces derniers sont éminemment personnels. Personne ne peut nous dire comment faire. A nous de trouver et de tracer notre voie dans ce désert de silence où Dieu se laisse dévoiler.

Vous voyez, comme je vous le disais, sans pour autant être un enfantillage, la prière c'est enfantin. Mais ce n'est pas tout. La prière n'est pas neutre. Elle nous transforme. En fait, elle nous enfante. En effet, lorsque je prie, je prends d'abord un moment pour moi, un moment sur moi. Ce temps est une pause dans la course de la vie. Nous lâchons nos préoccupations quotidiennes pour nous tourner vers Celui qui inhabite au plus profond de nous. Et cela ne peut se faire qu'en prenant le temps. La prière nous permet ainsi de nous retrouver en nous. Elle est cette merveilleuse occasion pour Dieu de nous mettre et nous remettre au monde, à nous-mêmes et à Lui en revenant de la sorte à l'essentiel, à l'existentiel. C'est pourquoi, avec force nous pouvons reconnaître que sans pour autant être un enfantillage, la prière c'est enfantin et elle conduit à un enfantement. Un enfantement vers la vie. Mais surtout un enfantement vers la vie éternelle puisque c'est en Dieu qu'elle se réalise.

Amen.

2e dimanche de Carême, année C

Auteur: Eggensperger Thomas
Temps liturgique: Temps du Carême
Année liturgique : C
Année: 2003-2004

Chers s½urs et frères,

Dans le dépliant de cette liturgie vous trouverez un petit texte d'Arthur Rimbaud :

« La charité est cette clef. - Cette inspiration prouve que j'ai rêvé ! Tu resteras hyène, etc... », s'écrie le démon qui me couronna de si aimables pavots. « Gagne la mort avec tous tes appétits, et ton égoïsme et tous les péchés capitaux. » Ah ! j'en ai trop pris : - Mais, cher Satan, je vous en conjure, une prunelle moins irrité ! et en attendant les quelques petites lâchetés en retard, vous qui aimez dans l'écrivain l'absence des facultés descriptives ou instructives, je vous détache ces quelques hideux feuillets de mon carnet de damné. » (Arthur Rimbaud, Une saison en enfer)

Pour le moment il y a ici à Bruxelles une exposition sur le poète français Arthur Rimbaud. Dans le « Bozar » on présente à l'occasion du 150e anniversaire de la naissance de Rimbaud une série de pièces autour de l'homme aux semelles de vent. On voit des photographies, estampes, documents d'archives, lettres et poèmes autographes. Autour de l'exposition il y a aussi un programme complémentaire culturel.

A mon avis c'est une bonne raison pour réfléchir un peu sur Arthur Rimbaud. En lisant ses poèmes et textes j'ai trouvé ce passage qui vient de l'introduction de sa collection de poèmes « Une saison en enfer ». Rimbaud a écrit ses textes en 1873 et il a publié la collection comme livre à Bruxelles. C'est aussi une bonne raison pour faire attention à ces lignes...

Le contexte de cette publication est dramatique : En voyant la biographie de Rimbaud on doit dire que toute la vie de Rimbaud était très dramatique, très exagérée, très bohémienne. La collection « Une saison en enfer » est très influencée par l'amitié d'Arthur Rimbaud avec Paul Verlaine, un poète plus âgé. Verlaine était ami de Rimbaud, inspirateur, père, amant...

La rupture de cette relation a eu lieu aussi à Bruxelles. L'histoire parle de « L'Episode de Bruxelles » : Pendant une dispute entre le deux hommes, en combinaison avec beaucoup d'alcool et d'absinthe, Verlaine tire sur Rimbaud avec un pistolet. Rimbaud est blessé et Verlaine est condamné á deux ans de prison. Cette épisode a eu lieu en juillet 1873 et Rimbaud a ensuite commencé à préparer cette collection avec le titre « Une saison en enfer ».

Les lignes que nous avons lues avant montrent la situation personnelle de Rimbaud en ce moment : « La charité est cette clef », écrit Rimbaud, mais c'est pour continuer : « Cette inspiration prouve que j'ai rêvé. »

La conversation avec Dieu dans ce texte est plus un combat, une lutte qu'une prière.

C'est le moment de comparer un peu les deux textes bibliques que nous avons entendus :

Dans le livre de la Genèse il y a Abraham qui souffre. Il fait tout le possible pour être obéissant à Dieu. Dieu lui a fait de grandes promesses - une nombreuse descendance, un nouveau pays. Abraham fait tout, mais il doit attendre très longtemps avant de recevoir ce que Dieu a promis. Il ne lui était pas facile de bien comprendre la volonté de Dieu.

C'est la même situation avec les disciples témoins de la Transfiguration de Jésus. La transfiguration n'était pas seulement un « show » pour montrer à ses amis une chose étonnante. La transfiguration était bien plus : C'était le message témoignant d'un Jésus qui est proche de Dieu parce que Jésus est le fils incarné de Dieu le père.

C'est la réalité de la souffrance. Quand je souffre - peu importe les raisons concrètes- je lutte avec Dieu. Mais ce combat n'est pas une attaque définitive pour repousser Dieu. Au contraire. Le combat a pour but de comprendre mieux ce qui se passe ou ce qui se passait et la raison de ma souffrance.

Je voudrais comprendre pourquoi il en est ainsi. Malheureusement il n y a pas de réponses à chaque demande. Il faut déchiffrer le code secret et c'est le motif de la lutte.

Déchiffrer ce sens était le motif pour Abraham, pour les disciples et aussi pour notre jeune poète Arthur Rimbaud.

L'introduction de sa collection est très dure, très forte, peut-être très brutale. Mais elle vient du c½ur. Et il y a du sens parce que au long de son discours littéraire il y a aussi une certaine conversion, une certaine « transfiguration » :

À la fin de son texte il y a un chapitre qui est intitulé « Matin »

Je voudrais citer les lignes de Rimbaud :

« Pourtant, aujourd'hui, je crois avoir fini la relation de mon enfer. C'était bien l'enfer ; l'ancien, celui dont le fils de l'homme ouvrit les portes. / ... / Le chant des cieux, la marche des peuples ! Esclaves, ne maudissons pas la vie. » (Arthur Rimbaud, Une saison de l'enfer) Amen !

2e dimanche de Carême, année C

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps du Carême
Année liturgique : C
Année: 2003-2004

Au fil des années, il y a des mots qui perdent de leur valeur, qui ne sont plus acceptés par le commun des mortels. En bref, ils deviennent intolérables dans la culture environnante. Tel est le cas de cette phrase entendue dans la lecture de saint Paul ce soir : " avec la puissance qui le rend capable aussi de tout dominer ". Quelle horreur conceptuelle : oser continuer à croire en un Dieu tout puissant, un Dieu dominateur, un Dieu écrasant tout ce qui le dérange, un Dieu qui laisse peu de place à l'être humain sur son chemin terrestre puisque ce dernier est la merci du bon vouloir divin. Telle pourrait être une certaine perception de Dieu. Belle image de ce dernier alors que plusieurs jeunes de nos paroisses se lancent ce soir dans un chemin où ils souhaitent confirmer le choix que leurs propres parents avaient pris pour eux alors qu'ils étaient pour la plupart encore bébé et ne savaient même pas parler, ni réfléchir au sens de Dieu.

"Avec la puissance qui le rend capable aussi de tout dominer ", si tel est Dieu, j'invite les confirmants à ne pas confirmer le choix de leurs parents. Par contre s'ils veulent le confirmer, il est essentiel de comprendre cette puissance, cette domination à partir du récit du septième jour de la Création tel qu'il nous a été relaté dans le livre de la Genèse. Le récit de la Création du monde est un mythe. Cela ne s'est jamais passé comme cela évidemment ; c'est une interprétation, une explication humaine du début de l'histoire de l'humanité.

Mais même si c'est un mythe, cette histoire nous raconte quelque chose. Pendant six jours Dieu va tout maîtriser, tout dominer. Puis le septième jour, à l'instant même où il décide d'achever son ½uvre Dieu choisit de se reposer. En se reposant, il cesse de dominer, de maîtriser puisqu'il ne fait plus rien. En d'autres termes, il maîtrise sa maîtrise, c'est-à-dire qu'il permet à la douceur d'exister. La toute-puissance de Dieu n'est donc pas une toute-puissance de domination, une toute puissance de maîtrise. Non, et puissions-nous ne jamais l'oublier surtout lorsque nous disons " à toi le règne, la gloire et la puissance ".

La toute-puissance divine est une toute-puissance de douceur. C'est par la douceur, l'amour et la tendresse que Dieu a choisi de dominer le monde. Alors lorsque quelqu'un affirme que Dieu est tout-puissant de domination, il ne fait que dire tout haut ce qu'il rêve d'être lui-même : un être humain désireux de tout maîtriser, dominer, voire écraser. Il n'est plus image de Dieu mais il a fait Dieu à son image de puissance. Or nous disent les Ecritures, Dieu n'est plus dans la domination, il sévit dans la tendresse, signe de sa propre douceur. La phrase de saint Paul nous devient limpide : " avec la puissance de tendresse qui le rend capable aussi de tout dominer de douceur ". Voilà ce que nous disons lorsque nous décidons de confirmer notre baptême. Nous rejetons nos désirs de puissance, de domination, de maîtrise de l'autre pour faire place à la douceur dans nos relations avec les autres ainsi qu'avec le Tout-Autre.

Cette philosophie de vie n'est pas sans conséquence sur notre propre rayonnement. En effet, si la douceur est au c½ur de nos existences, ces dernières s'illuminent de cette réalité nouvelle. La douceur divine nous transfigure à l'image du récit de l'évangile de ce jour. Dieu dans son infinie tendresse nous convie dans l'intimité de la rencontre, c'est-à-dire dans ce dialogue de la prière, à redécouvrir toute la richesse de sa toute-puissance telle qu'il nous l'a dévoilée. Entendue de cette manière la prière devient un temps de dialogue, tout simple, tout naturel entre Dieu et nous. La prière n'est pas réservée à quelques professionnels qui passent leur vie à prier. La prière n'a pas besoin de 40 jours d'exercices spéciaux pour être vécue. La prière est un moment à vivre n'importe où et n'importe quand lorsque nous décidons de parler à Dieu, de nous, de ce qui nous réjouit, de ce qui nous préoccupe. La prière est un temps d'amitié entre le divin et l'humain. Elle se vit avec nos mots à nous. Dieu n'a que faire de belles phrases, de constructions grammaticales. Dieu nous attend et nous accueille dans la douceur de sa toute-puissance. Celle-là même qui transfigure chaque être humain. Prenons alors ensemble ce temps pour nous laisser chacune et chacun transfigurer par la douceur de sa tendresse.

Amen

2e dimanche de l'Avent, année C

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Avent
Année liturgique : C
Année: 2003-2004

Une impression, juste une impression, mais je me demande si l'inventeur de l'automobile n'était pas quelqu'un de profondément croyant. Un peu comme s'il avait construit la voiture sur la manière dont il vit sa foi. Certains se demandent sans doute ce qui me permet d'affirmer cela. Tout simplement l'idée du réservoir.

Chacune de nos voitures est dotée d'un réservoir et lorsque celui-ci est vide, nous aurons beau invoquer tous les saints et saintes du Ciel. Rien à faire, le véhicule ne bougera plus d'un pouce. Il nous faudra refaire le plein et nous voilà repartis pour de belles aventures.

Cela fonctionne pour les voitures tout comme dans nos relations. Qui d'entre nous n'a pas fait l'expérience alors qu'il n'a plus vu un ami ou une amie depuis un certain temps et qu'il lui téléphone de s'entendre dire : c'est fou, on a parlé de toi hier soir et on s'est dit qu'il était temps de reprendre contact ou encore c'est amusant que tu sonnes aujourd'hui, j'avais prévu de le faire cet après-midi ou enfin, vous essayez d'appeler la personne aimée et cela sonne occupé car au même moment elle tente de vous joindre également. Comme nos voitures, nous avons en nous un réservoir affectif et en fonction de nos relations nous avons besoin de nous rencontrer, de nous retrouver, en fait de nous aimer pour refaire le plein.

Et si l'amitié est équilibrée, nous roulerons à la même vitesse, ce qui fait que la lampe intérieure de la jauge de notre c½ur s'allumera en même temps de part et d'autre. Tout à coup, nous ressentons en nous un manque, un besoin de se rencontrer, un désir de s'offrir un temps de tendresse. C'est vital car sinon nos relations se meurent.

Il est donc impérativement nécessaire d'entretenir nos relations si nous souhaitons qu'elles vivent. Et aussi étonnant que cela puisse paraître, il me semble qu'il en va de même avec notre foi. Comme si nous avions en nous un autre réservoir, voire le même, qui nous permet d'avancer, de partir à la rencontre de Dieu. Nous venons nous nourrir à la source d'eau vive en nous. Et heureusement pour nous les stations de la foi sont beaucoup plus nombreuses que toutes les pompes à essence du monde. En effet, si nous sommes confrontés à la panne sèche pas de crainte, le service de Dieu est encore meilleur que Touring Secours.

Dieu nous pouvons l'appeler n'importe où, n'importe quand, à toute heure du jour et de la nuit. Nous le rencontrons dans nos eucharisties, dans nos temps d'intimité de prière, dans nos méditations de la Bible, dans nos sacrements comme celui de le réconciliation qui nous sera proposé dans quelques instants ou encore dans toutes les relations d'amour et d'amitié où le respect est le fondement de la rencontre.

Quelle chance avons-nous d'avoir tant de lieux et de moyens différents pour nous ressourcer, pour faire le plein. La foi, comme nos relations a également besoin de s'entretenir. Cet entretien de la foi n'est pas simplement un réservoir qui se remplit. Non, l'entretien de la foi nous permet de changer, de grandir, de nous transformer à la lumière des paroles du Christ qui nous montre un chemin de vie. Mais pas n'importe quel chemin d'après Jean-Baptiste dans l'évangile que nous venons d'entendre. Il devait avoir un sacré sens de l'humour ce Jean-Baptiste lorsqu'il reprend cette phrase d'Isaïe : " à travers le désert, une voix crie : préparer le chemin du Seigneur ". Je dirais même que c'est de l'humour au second degré. Il ne se comprend pas directement, il nous demande un instant de réflexion. C'est vrai lorsque nous regardons des photos d'un désert, ce dernier est quand même par excellence le lieu où rien n'est tracé. Il n'y a pas de chemin dans un désert. Du sable, des étendues de sable et il suffira d'un rien, d'un peu de vent pour qu'il recouvre les traces de nos pas.

Et pourtant c'est dans un désert que nous sommes conviés à préparer le chemin de Dieu parce qu'avec Dieu, il n'y a pas de chemin tout tracé. C'est à chacune et chacun d'entre nous de tracer son propre chemin de foi éclairé par les paroles de Jésus. Il n'y a pas de recette miracle. C'est à nous et à nous seuls de voir comment nous nous préparons à accueillir dans notre c½ur cet événement incompréhensible qui va advenir : Dieu s'est fait l'un de nous tellement il nous aime.

Pour vivre intensément de ce chemin à tracer en nous, puissions-nous alors nous désencombrer de tout ce qui nous empêche de devenir nous-mêmes afin de rencontrer plus librement encore Celui qui vient à nous. Que ce sacrement de la réconciliation soit pour chacune et chacun d'entre nous l'occasion de refaire le plein de Dieu.

Amen.

2e dimanche de Pâques, année C

Auteur: Gihoul Luc-Henri
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : C
Année: 2003-2004

Merci à l'apôtre St. Jean d'avoir osé rapporter dans son Evangile le témoignage d'un apôtre qui a vécu l'incrédulité. Thomas a connu le doute qui travaille le c½ur du croyant. A ce titre, comme il nous ressemble avec son besoin de réel et de tangible, sa méfiance pour tout savoir qui n'a pas de prise sur le quotidien !

Thomas est un homme qui se fie à son bon sens, voire à ses cinq sens tout court et qui se méfie du Seigneur. Comme l'homme moderne et l'esprit positif, il a besoin d'évidence sensible. Si l'épisode est historique, j'imagine que les apôtres ont essayé de faire partager à Thomas leur certitude, en lui disant à peu près « Thomas, nous sommes là dix hommes que tu connais, comment peux-tu penser que nous voulons te tromper. Tu pourrais te méfier d'un témoignage unique, mais pas de celui de dix frères ! » Et Thomas répondrait « Je ne mets pas en cause votre bonne foi, mais que voulez-vous, je suis fait ainsi. Je ne serai sûr qu'à condition de voir et de toucher. »

Voilà une attitude imparfaite, sans nul doute, puisque Thomas s'entendra reprocher par Jésus ce manque de confiance dans la foi. Mais, si dans la foi de Thomas, il y a une imperfection, il y a aussi une attitude humainement respectable. On ne croit pas simplement parce que les autres croient. Si nous croyons en Jésus, c'est parce que nous percevons sa présence vivante et agissante dans nos vies et dans le monde. Aussi, Jésus ne parlera-t-il pas à Thomas comme aux Pharisiens. Il ne dit pas « Malheur à ceux qui n'ont pas cru sans avoir vu ». Il dit seulement, dans un reproche teinté d'ironie « Heureux ceux qui croient sans avoir vu. »

L'incroyance du monde ou nos incroyances personnelles momentanées ressemblent-elles au scepticisme des Pharisiens ou à l'exigence d'expérience de Thomas ? En fait, l'apparent scepticisme de Thomas nous apprend comment la foi chemine au c½ur de l'homme. Thomas l'incrédule nous enseigne à ne pas être trop vite crédule et à ne pas donner sa foi à n'importe quel discours ou témoignage. Il faut penser aussi que sa revendication n'était pas si déplacée puisque le Seigneur va y répondre. Mais pas tout de suite.

En effet, le soir de Pâques, lors de la première apparition du Seigneur à ses disciples, Thomas était absent. Il avait exprimé son scepticisme à ses frères. Une semaine après, un dimanche, Jésus réapparaît et Thomas est présent. Mais tout ne se passe pas comme Thomas l'avait prévu. Que se passe-t-il au juste ? A ce moment-là, Thomas ne mettra pas sa main au côté blessé du Seigneur. C'est le Seigneur qui, lui-même, l'invite à ce geste. Thomas ne songe plus à exiger les conditions qu'il avait lui-même fixées à sa foi. Il est comme arraché et soulevé de tout son être par une certitude fulgurante. Pour lui, il ne s'agit plus de preuves mais d'une lumière venue d'ailleurs. C'est une lumière intime qui donne au c½ur sa certitude et il s'écrie : « Mon Seigneur et mon Dieu ! »

Que fut cette lumière pour Thomas ? Nous sommes un dimanche. Les apôtres sont réunis pour la célébration eucharistique. Jésus vient au c½ur de ce rassemblement où il est fait mémoire du sacrifice de la Croix, avec les stigmates de sa Passion. Ce que Thomas comprend, c'est que la résurrection échappe à la perception humaine. Le toucher est devenu inutile. Thomas comprend qu'on a la foi, c'est à dire que l'on fait l'expérience de la Résurrection du Seigneur et que celle-ci descend dans la vie quand on la célèbre dans un témoignage d'amour, lors de la célébration eucharistique. Thomas veut dire : « être émerveillé, admirer, se laisser ravir ». Thomas va admirer ce qu'il a compris ! Il a compris que même invisible le Seigneur est là dans sa présence d'amour comme il l'était dans sa Passion. Et les plaies sont les signes de cet amour pour nous.

Thomas nous dit que nous rencontrerons le Christ dans la foi en expérimentant l'amour de Dieu dans son eucharistie et dans l'amour de nos frères, nourris de la grâce de Dieu par l'eucharistie. La foi, c'est expérimenter la puissance de la résurrection dans la force de l'amour que peut manifester notre vie. La foi, c'est faire que cette force du Seigneur vivant, par nous, guérisse les plaies de nos frères les hommes. La foi, c'est relever d'entre les morts toutes les bonnes volontés enlisées dans le deuil. Cet épisode nous dit : la foi ne naît pas d'évidence mais d'amour. On croit parce qu'on aime. Et l'amour ne se nourrit pas de preuves mais d'épreuves. Et l'on comprend Thomas car, même si la lumière de la foi est vive, elle n'est jamais irrésistible. Un questionnement sans fin nous anime. Tous nous sommes habités par tant d'interrogations et de doutes ! Toutes ces questions font éclater nos frontières étroites et notre être précautionneux. La foi est une prise de conscience qui a ses raisons et sa justification. Aussi, dans nos doutes, faut-il se dire deux choses : 1. Si Dieu est mystère, Dieu seul peut nous éclairer sur nos doutes et se révéler lui-même. Quand on doute, il faut continuer à prier et à faire confiance au Seigneur. Il ne faut pas être trop fier ou orgueilleux pour croire. Ce supplément d'intelligence que donne la foi sera toujours difficilement accessible à ceux qui sont tentés de se complaire dans la suffisance de leurs dons. 2 Après la prière, le recours à nos frères, à leur lumière et à leur intercession, est le second moyen d'apaiser nos inquiétudes. Seul, Thomas doute, appuyé par ses frères il voit clair. Croire sans avoir vu ! Bien sûr les yeux de chair ne verront jamais le Jésus de l'histoire. Mais, si le Jésus de l'histoire ne nous est plus accessible aujourd'hui que par les textes, le Jésus vivant aujourd'hui c'est dans le témoignage de la vie des chrétiens que nous devrions le toucher en priorité. Le Christ est mystérieusement présent au milieu des hommes partout où germent des semences de bonheur et de paix. Nous le rendons visible quand nous semons l'amour et l'espérance. Nous le rendons présent par la transparence de notre témoignage de foi, par la valeur de nos services et par la ferveur de nos prières.

Aujourd'hui, témoigner du Christ ressuscité, cela ne veut pas dire que dans le monde, l'enfer n'existe pas (quand nous pensons à tous les points chauds du globe), cela ne veut pas dire qu'en bien des endroits encore les ténèbres ne recouvrent pas la terre, mais confesser sa foi, cela veut dire que nos enfers ont été visités. Il existe quelqu'un qui croit en nous, qui souffre avec nous, qui nous appelle à la vie. Aussi, laissons derrière nous ce qui assombrit notre foi et osons reprendre à notre crédit le cri de ravissement de l'apôtre Thomas et dire « Mon Seigneur et mon Dieu ». Et les feux de cette confession de foi qui est une prière réussiront encore à parsemer la terre de ses merveilles d'espérance et d'amour.

2e dimanche ordinaire, année C

Auteur: Gihoul Luc-Henri
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2003-2004

Au cours de ces dimanches, l'Eglise nous instruit de différentes manifestations du Seigneur. Après l'Epiphanie aux mages et aux nations, celle à St. Jean-Baptiste, lors du baptême de Jésus, ce jour, nous célébrons, par le récit de son premier miracle, celle des noces à Cana ! « Et c'est ainsi, dit l'Evangile qu'il manifesta sa gloire et que l'on crut en lui. »

Je ne sais s'il vous a été donné parfois de vivre au côté d'un homme remarquable ou exceptionnel, si vous avez eu ce privilège, vous aurez peut-être remarqué de quelle leçon d'humilité se paye cet avantage ! On se sent soi-même tellement petit, qu'on se sent dépassé. On avance une idée, on formule une opinion, on propose un plan et tout apparaît subitement anodin lorsqu'il expose les siens. Rien ne reste de notre discours après qu'il a parlé.

Avec Dieu, c'est pire encore ! Dieu nous surprend toujours. Il est vraiment imprévisible. Nous ne le reconnaissons même pas dans la manière dont il exauce nos prières. Qui eut imaginé que le « Seigneur de gloire » comme dira st. Paul, le « père d'une immense majesté », comme le chantera Te Deum, venant sur terre pour se manifester, qui eut imaginé qu'il choisirait d'apparaître comme un poupon vagissant sur la paille d'une crèche ou qu'il ne trouverait qu'un moyen de renouveler le monde : en mourant entre 2 criminels sur une croix ?

Et, qui eut conseillé à Jésus de faire son premier miracle dans une noce de village sur une scène de fête et de bon vin, par un geste qu'on attendrait si peu d'un prophète et encore moins d'un Dieu. On comprend qu'il ait amené ses disciples à s'asseoir à un banquet de noces mais, les convives ayant bu déjà plus que prévu, que le Christ ait jeté sur la table d'un seul coup, 7 à 800 litres de vin ! ? Il y a de quoi choquer certains, surtout dans l'idée que ceux-là se font de la religion. Quand celle-ci doit être pénible et qu'on ne peut être religieux qu'en étant rebutant et ennuyeux ! Dieu, lui, voulait marquer par-là l'inépuisable mansuétude de sa miséricorde et l'infinie magnanimité de son amour. Nous n'y voyons qu'un comportement déconcertant, comme s'il n'y avait que deux attitudes possibles dans la vie : choisir de se réjouir sans religion ou choisir de servir Dieu sans joie.

Ce que Jésus attaque dans ce miracle de Cana, c'est justement cette séparation entre le Dieu de la nature et celui de la grâce, entre le Dieu qui crée le monde et le Dieu qui s'incarne pour le sauver, entre le Dieu adoré dans l'univers et le Dieu célébré dans nos églises, le Dieu créateur et le Dieu rédempteur : c'est le même Dieu, le Dieu de l'Alliance. On lui rend hommage en priant comme on lui rend hommage en vivant, tout simplement, tout ce que l'on doit vivre dans les activités de tous les jours. Jean-Baptiste instruisait ses disciples au désert, dans la rigueur d'une ascèse redoutable. La première leçon que reçoivent les disciples de Jésus est bien différente. Jésus leur apprend les plus simples vertus : la joie de l'amitié, la beauté de l'amour humain, la franchise envers la Vie. Jean est venu, ne mangeant ni ne buvant et on disait de lui « c'est un homme impossible ». Jésus est venu, mangeant et buvant et on disait de lui : « c'est un homme de bonne chère, ami des publicains. » C'est d'Alliance dont nous parle ce miracle. Il ne parle pas d'abord de mariage, d'Eucharistie ou de Sacerdoce mais d'un autre mariage, celui qui unit Dieu et son peuple, Dieu et toute l'humanité. L'épouse dont il est question ici c'est le Christ. Et l'épousée, c'est l'Humanité. Et cette Alliance-là entre Dieu et l'homme, cette noce-là entre le ciel et la terre vaut bien une grande fête. Pour cette union-là, entre ciel et terre, Dieu donne à tout ce qu'il y a de bon dans la vie, son sens et sa beauté. C'est de cette Alliance-là entre un Dieu qui nous aime et l'Humanité que Dieu veut heureuse dont il est question dans ce miracle. A la demande de Marie, sa mère, Jésus change l'eau en vin pour que la fête continue et pour qu'on puisse continuer à s'accueillir mutuellement dans la joie. Image et anticipation de notre rédemption. Quel beau chant d'amour ! Il est bon ce vin nouveau, fruit de la tendresse paternelle de Dieu pour l'humanité, fruit de la ferveur attentive d'une mère, fruit d'un amour filial de jésus pour sa mère, fruit de l'amitié humaine de Jésus pour de jeunes époux imprévoyants. En Jésus, Dieu montre aux hommes, et ce miracle l'atteste, un tempérament libre, cordial, audacieux qui le rend d'emblée l'ami de tous, joyeux compagnon quand on se marie et quand on s'aime, respectueux de l'autre, de sa mère et des plus démunis en premier, et magnanime en ses dons. Mais, en changeant l'eau en vin, non seulement Dieu valorise nos valeurs humaines mais il s'affirme lui-même, maître de la vie. Jésus anticipe ce qui sera sur la croix le don de sa vie. Il préfigure déjà le don que sera l'Eucharistie. Nourri par elle, l'homme peut, lui aussi, changer sa vie et en faire pour les autres un vin capiteux et enivrant. Alors nous entendrons Dieu nous dire à nous aussi, les mots tendres qu'Isaïe, dans l'épître mettait dans la bouche de Yhaweh « tu es ma couronne resplendissante, mon diadème royal, ma préférée et mon épouse ». Et le prophète poursuit »Il était pécheur, le voilà qui devient « la joie de mon Dieu ».

Sommes-nous ces enfants de la Sagesse divine qui savent à la fois, et tour à tour, admirer et rendre gloire à Dieu de ses biens, participer à l'indigence humaine et sympathiser, d'un c½ur sincère, à la joie des autres ? Avons-nous le courage de vivre une vie pleinement humaine et religieuse et devant Dieu ? Jésus a été cela, et Cana le confirme : pleinement homme et pleinement Dieu. La dernière parole avant Cana était : « Je suis aux affaires de mon Père. » Ici, Jésus se consacre aux affaires humaines.

Au lieu de faire de la religion un épouvantail pour nous dispenser de la pratiquer, au lieu de croire que pour ressembler au Seigneur, il nous faut devenir tout autre que ce que nous sommes, il nous faudrait au contraire retenir ce que nous avons de commun avec lui : cette nature humaine qui l'a rendu présent à nous. Le vrai moyen, pour nous, de ressembler davantage à Jésus, ce serait de devenir plus humain. Si nous étions plus attentifs et plus compatissants, nous aurions une vraie communauté d'âme avec le Seigneur. Si vous êtes sensible à la fraîcheur d'un enfant qui joue, si vous avez perçu la fragile beauté d'une fleur, si vous détestez l'hypocrisie, si vous compatissez au désespoir d'un frère, si vous prenez d'abord parti pour le faible accablé, vous entrez dans le partage de cette intimité que Dieu veut entre Lui et Nous. Et c'est logique, puisqu'il a choisi « cette vie de peine et de joie » pour venir à notre rencontre.

Le Christ a « manifesté sa divinité et révélé sa gloire » en montrant à Cana sa délicatesse de c½ur. Jésus a souffert de la gêne ou de l'humiliation possible de 2 jeunes mariés, il a sympathisé avec la joie simple de braves gens, il a goûté la chaleur de l'amitié et peut-être même senti la tristesse de certains, dépités à l'idée de cesser de boire au milieu d'un festin agréable. Et il a fait son premier miracle. Et le faisant, il nous disait une fois encore son Alliance. Il anticipait son offrande sur la croix. Il révélait l'ampleur de la plénitude de son pardon. Tout cela, Jésus l'a fait avec la même tendresse de c½ur qu'il nous invite, en ce jour, à communier à sa vie dans l'Eucharistie pour nous inviter, un autre jour, à ce banquet où le vin ne fera jamais défaut et où la joie ne sera jamais finie. Entre-temps, « manifestons sa gloire et sa divinité » par l'assiduité de notre foi eucharistique, par l'ingéniosité de notre c½ur éveillé, par les miracles de notre compassion envers ceux qui pleurent et notre sympathie envers ceux qui se réjouissent.

30e dimanche ordinaire, année C

Auteur: Gihoul Luc-Henri
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2003-2004

Cette parabole, avec celles de l'Enfant prodigue et du bon Samaritain, est une des plus connues. Elles font toutes trois partie d'une dizaine de chapitres qui constitue le message central de l'évangéliste St. Luc. Les commentaires furent multiples car les thèmes le sont aussi. On y parle de la suffisance méprisante d'un vertueux orgueilleux, mais aussi de l'humilité d'un c½ur repentant face à la tendresse d'un Dieu qui pardonne, de même que de l'efficacité d'une prière humble. Je voudrais laisser tous ces thèmes, réels et importants pour en souligner deux qui porteront les mêmes enseignements spirituels.

Le premier : Chacun de nous n'est-il pas, souvent, à la fois pharisien et publicain ? Le second sera aussi suggéré sous forme de question : le publicain de la parabole n'est-il pas comme un symbole de Jésus lui-même ? Chacun de nous n'est-il pas dans son ambiguïté, tout à tour et tout à la fois pharisien et publicain ? Par-dessus tout, n'est-il pas vrai qu'en chacun d'entre nous se disputent le bien et le mal, le croyant fidèle et le chrétien timoré, le pharisien sûr de lui et le publicain humble et contrit ? D'un côté, en nous, existe parfois l'idolâtre narcissique qui justifie ses erreurs. Nous exerçons parfois vis-à-vis de nous même une apologie de soi qui ne reconnaît pas ses torts, et, vis à vis des autres, une logique sans entrailles qui juge et condamne sans appel. Et d'un autre côté, nous nous surprenons aussi plein de faiblesse et d'abandon, animé d'espérance et d'humilité rédemptrice. Regardons le pharisien en premier. Oui, le pharisien est en nous. Lui qui, selon le texte, est « dressé » dans sa prière. Il ne se redresse pas comme on pourrait le faire après avoir fauté. Il se dresse parce que si souvent victorieux de ses défauts, il ne peut que se sentir droit. Et de là, il a pris l'habitude de se dresser lui-même au-dessus des minables et des faibles. Dressé, il se place en évidence. Il s'installe. Il s'étale, étalant en détail ses actes de vertu. Malheureusement, ce pharisien n'a prié que devant lui-même, donc devant une idole. Le pharisien sait tout ce qu'il doit faire, et il le fait, et il le fait même souvent très bien, et c'est parfait ! mais il le fait comme on fait son marché. Sa prière, comme sa vie, est un marchandage avec Dieu dont il attend sa récompense. Il sait quoi faire. Il ne sait pas comment être, c'est à dire « être » dans une relation d'amour quoi qu'on fasse. Au lieu d'être sans mépris pour les moins parfaits, son auto-justification jette des regards obliques vers autrui pour renforcer le sentiment de sa propre excellence, qui devient vite pour les autres de la supériorité méprisante. Dommage ! Car sa prière, le pharisien, l'avait si bien commencée : « je te rends grâce ô Dieu ». mais elle n'est pas une gratitude à Dieu mais à lui-même, à lui devant Dieu. Le pharisien n'est pas le témoin d'une grâce de pardon de Dieu. C'est Dieu qui est invité à être le témoin spectateur de la gloriole du prétendu vertueux. Oui, en chaque humain, coexistent un pharisien mais aussi un publicain.

Le publicain, lui, est sans illusion sur lui-même. Son complexe d'infériorité l'entraîne du même coup à une absence de jugement sur autrui. Dans le monde déviant auquel trop souvent il collabore, il sait combien un geste de miséricorde est vivifiant, combien un geste de compassion est réparateur. Pourquoi devant Dieu détailler sa faute ? Puisque les gens vertueux, comme ce pharisien, le font pour lui. Il a simplement conscience de sa profonde pauvreté intérieure et de sa grande détresse spirituelle. Du coup, dans sa prière, il n'est pas le personnage central. Mais Dieu dans son infinie tendresse. Dans le psaume qu'il récite, il est dit : « d'un c½ur brisé, ô Dieu, tu n'as pas de mépris ... » Désespéré de son péché, c'est à dire de lui-même, il n'est plus pour lui d'espérance qu 'en Dieu, c'est-à-dire en l'absolu de l'Amour. Oui, vraiment, pharisien et publicain sont la même personne. En réalité, c'est nous-même, c'est chacun d'entre nous, nous sous deux aspects bien réels, perçus chez nous tous par Jésus. C'est, qu'en nous, aucune prière n'est vraiment parfaite, pas plus celle du publicain que du pharisien. Peut-être ce qu'ils auraient dû faire c'est prier l'un pour l'autre !

En ce sens, essayons de garder l'exigence de vie du pharisien vertueux et l'humilité pleine de contrition du publicain repentant. En nous, les deux doivent se sauver mutuellement. En nous, le pharisien essaie d'être juste. Il prie, il partage mais il doit essayer de ne plus mépriser ni médire, de ne plus juger. En nous, le publicain s'amuse parfois au dépend de Dieu, au détriment de son frère, mais il doit un jour comprendre sa faute et implorer miséricorde. Alors, l'unité peut se faire, dans la foi, entre le vieil homme et l'homme nouveau.

Le second thème de cette parabole est celui d'une leçon sur l'agir de Dieu, révélé en Jésus-Christ. Finalement le publicain c'est Jésus lui-même. Il est le symbole de Jésus, venu comme le collaborateur de Dieu. Le publicain, était, en Israël au temps de Jésus, un collaborateur du pouvoir romain pour percevoir les impôts de César. Jésus est venu comme un collaborateur de Dieu pour percevoir nos péchés, pour recevoir nos repentirs, pour recueillir nos hommages de reconnaissance et de gratitude. Ce qui scandalisait habituellement les adversaires de Jésus, c'était « l'annonce de la Bonne Nouvelle aux pécheurs. » « Pourquoi te compromets-tu avec ces pécheurs ? » disaient les scribes, les pharisiens et le sanhédrin. « Quel scandale !. » Et Jésus répondait : »Non pas quel scandale, mais quelle merveille ! ». « Qui donc est Dieu pour nous aimer ainsi...Etes-vous aveugles devant la bonté de Dieu, vous qui attendez un jour de vengeance ? » Dieu, dit Jésus, est le Dieu des désespérés, le Dieu dont la miséricorde est sans limite pour les c½urs brisés. Par l'image du publicain, c'est Dieu en Jésus qui nous dit : si Dieu aime ce qui n'est rien, c'est parce que savoir qu'on n'est rien est l'unique moyen de devenir quelqu'un selon le c½ur de Dieu. Un pécheur repentant est plus près de Dieu qu'un juste suffisant. Pour le Dieu de l'amour gratuit, un pécheur repentant vaut mieux qu'un juste méprisant. Pour le Dieu de Jésus-Christ, un pécheur contrit vaut mieux qu'un juste orgueilleux qui n'aime plus. Lorsque pharisien et publicain en nous se placent devant Dieu, ce que Dieu voit ce n'est pas celui qui pense d'abord à lui, mais celui qui pense d'abord à Dieu, et s'il pense à lui-même, c'est à lui-même à cause de Dieu, à cause de la grâce du pardon de Dieu. Ce que Dieu voit, ce n'est pas celui qui se félicite de sa vertu et se rengorge de sa probité, mais le c½ur humilié qui fait confiance à l'amour. Ce qui compte d'abord pour Dieu, nous dit Jésus en cette parabole, ce n'est pas le « faire », nos actions même très vertueuses, c'est l' « être », une attitude fondamentale de confiance et d'abandon, une volonté d'amour d'autrui. Voilà comment Dieu juge !

La sainteté consiste dans la volonté de conversion intérieure et dans un comportement d'humilité du c½ur. Oui, en cela Dieu est un Dieu inattendu, un Dieu qui provoque l'étonnement, si pas le scandale, un Dieu qui bouleverse nos évidences et qui se plaît à offrir sa grâce à qui ose crier vers lui de sa détresse la plus noire. Alors, oui conclut la parabole : « qui s'élève est abaissé, qui s 'abaisse sera élevé. » Etrange loi évangélique : il faut descendre pour monter ! Mystérieux paradoxe chrétien : c'est en s'abaissant qu'on grandit !

L'inattendu de Dieu, c'est son jugement fait de pardon dépassant nos jugements, c'est son jugement falsifiant nos jugements. Dieu par son amour rend faux nos propres jugements sévères.

L'inattendu de Dieu, c'est sa grâce dépassant nos craintes, c'est sa tendresse dépassant nos tiédeurs, car en Jésus Dieu brise nos contraintes et fracture nos prisons de peurs.

Aussi prions le Seigneur d'arriver un jour aux portes du Royaume pharisien écorché vif des maux de ce monde ou publicain meurtri et blanchi des poussières de nos routes. Prions d'être l'un et l'autre à la fois, avec un regard qui a vu le bien et le mal et un visage dont nous n'avons pas pu essuyer la sueur, mais tous deux réconciliés en nous par la foi, chrétien fidèle priant tour à tour pour la moitié de nous-même, priant l'un pour l'autre et priant avec un c½ur brûlé d'espérance et qui jamais ne s'est rendu.

30e dimanche ordinaire, année C

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2003-2004

La semaine dernière, à la sortie d'une de nos célébrations dominicales, une paroissienne me partagea cette expérience : " Philippe, il y a quelques jours j'ai rêvé de toi et tu étais devenu le premier homme à avoir été canonisé de son vivant ". Aussitôt, je me suis tourné vers son mari lui présentant mes excuses d'être entré de la sorte dans un des rêves de son épouse tout en espérant qu'il n'était pas trop jaloux de cette situation. Puis, je me suis moi aussi mis à rêver. Et si ce rêve était vraiment prémonitoire, même si au fond de moi je sais que cela ne se réalisera jamais. Je me connais trop bien pour ne pas pouvoir revendiquer un tel statut. Mais quand même. Vous imaginez : saint Philippe Cochinaux    . Je me vois assez bien comme saint patron des gastronomes. Des médailles frappées à mon effigie pourraient vous être proposées. Ma tête pendrait à vos cous et je pourrais me voir tout en vous souhaitant une bonne semaine à la sortie de nos églises. Je souriais ensuite à l'idée de savoir que mes propres frères dominicains devraient célébrer ma fête en ma présence qui serait, bien évidemment, humble et discrète comme doit se conduire tout saint.

Un tel rêve, si je l'avais pris au sérieux aurait pu me conduire à devenir non seulement fier mais orgueilleux. Il est vrai que l'orgueil peut se manifester de tellement de manières différentes. Il y a d'abord l'orgueil de la suffisance, c'est-à-dire vivre avec cette conviction intime que nous sommes mieux que les autres car nous ne voyons que nos qualités et nous nions nos vulnérabilités. Il y a également l'orgueil de la possession comme si pour exister j'avais besoin d'avoir la plus belle voiture, la plus belle maison, le plus beau métier.

Or tout cela, je ne l'emporterai pas avec moi lors du grand voyage vers la vie éternelle. Ensuite, nous pouvons être à ce point marqués par un désir de reconnaissance que nous en devenions orgueilleux. Nous rendons un ensemble de services, nous donnons beaucoup de temps aux autres mais ces derniers sont instrumentalisés car ils permettent un objectif moins louable, celui de notre propre reconnaissance. L'altruisme n'est qu'une façade car dans cette situation, nous attendons d'être approuvés, voire félicités pour toutes nos actions. Je suis devenu la raison d'être de ce que je fais. Pareillement, il y a la fausse humilité, c'est-à-dire ce besoin de s'abaisser, de se diminuer, voire de se dénigrer pour que l'autre puisse rejeter nos propos et nous encenser en disant ô combien tout ce que nous faisons est merveilleux. Parfois, nous vivons aussi avec ce désir de laisser une trace dans l'espérance qu'il y aura toujours un " après nous ", un souvenir dans la mémoire de celles et ceux qui nous ont rencontré. Vouloir marquer son époque peut également conduire à l'orgueil. Ces différentes attitudes orgueilleuses empêchent souvent une relation vraie. Elles interrompent toute forme de communication puisque la rencontre n'est plus possible. Nous sommes enfermés en nous-mêmes, en nos certitudes et préjugés.

Il en va ainsi avec la parabole de l'évangile. En effet, nous percevons souvent le pharisien en riche suffisant, prétentieux et orgueilleux et le publicain en pauvre et humble. Or à l'époque du Christ c'était plutôt l'inverse, le riche était le publicain qui se payait sur les impôts alors que le pharisien vivait souvent dans un état plus précaire. Dès lors dans cette parabole, c'est le riche qui est humble et le pauvre qui est orgueilleux. Cela va à l'encontre de certaines de nos idées bien arrêtées. Quoiqu'il en soit, l'orgueil tue toute relation humaine puisque celle-ci est fondée sur le mensonge. Pour que nous puissions vraiment rencontrer l'autre, et peut-être un jour l'aimer, nous avons besoin de lui offrir le tout de notre être, qualités et défauts compris. La vérité de la vie passe par cette acceptation réciproque de notre réalité humaine. S'il en est ainsi entre nous, il en va de même avec Dieu.

Heureusement pour nous alors que Celui-ci ne voit que le c½ur. Il n'a que faire de nos réalités extérieures. Cela lui importe peu. Par contre, il ne supporte pas nos attitudes prétentieuses, orgueilleuses, c'est-à-dire certaines comparaisons que nous pourrions utiliser pour descendre l'autre tout en nous élevant à nos yeux. Dans l'intimité de la rencontre divine, au plus profond de notre être, la vantardise n'a plus de mise. Dieu est plus grand que notre c½ur et il connaît toute chose dira saint Jean dans une de ses lettres. La force de la prière est de pouvoir être pleinement soi sans pour autant être plein de soi. L'obésité de l'ego, à l'instar du pharisien de l'évangile, empêche la rencontre. En effet, si je suis plein de " moi ", à ce point suffisant, je n'ai plus besoin de Dieu. Je ne lui offre plus aucun espace en moi pour qu'il vive. Alors, si nous nous sentons parfois envahis par de tels sentiments de plénitude de suffisance, le Fils de Dieu nous convie à faire un régime, non pas pour nous diminuer mais afin de tout remettre à sa juste place. De la sorte, le Tout Autre pourra à nouveau trouver en nous le lieu de notre c½ur pour vivre ce temps d'intimité, ce temps c½ur à c½ur dans l'Esprit.

Amen.

31e dimanche ordinaire, année C

Auteur: Gihoul Luc-Henri
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2003-2004

C'est souvent une leçon morale que l'on dégage de cet épisode évangélique bien connu. On y voit la nécessité de se convertir en partageant ses richesses avec les pauvres. Application d'autant plus légitime, pense-t-on, que l'usage de l'argent est un des thèmes favoris de l'évangéliste Luc. Mais, cette péricope est porteuse d'un enseignement bien plus large et profond, d'une perspective plus religieuse, même si pour Luc, le partage des richesses est une condition nécessaire pour être sauvé dès ici-bas. Le vrai sens de ce texte est autre. Cette rencontre entre Jésus et Zachée nous révèle en Jésus, un Dieu en recherche de l'homme, et, en Zachée, un homme en quête de Dieu, ouvert à la conversion.

En ce passage, nous retrouvons presque tous les grands thèmes chers à Luc : la conversion des pécheurs, le repas dans la maison, l'aujourd'hui du salut, le partage des richesses, l'amour des « petits » et la joie de la foi.

Vous le voyez, ici, nous dépassons de beaucoup un simple sens moral pour donner à l'Ecriture sa vraie dimension religieuse : celle d'une communion intime avec Dieu.

Voyons tout cela en analysant quelque peu le contexte de cette rencontre. Luc conçoit son évangile comme une longue et laborieuse montée de Jésus vers Jérusalem. Elle couvre 10 chapitres (du ch.9 au ch.19). Au ch.9 Jésus quitte sa Galilée pour Jérusalem. Ici, nous sommes à la dernière étape de ce voyage, à Jéricho, la cité mercantile, où à la sortie de la ville, Jésus va découvrir Zachée. Déjà, la simple notation de cette ville recèle tout un enseignement. Pour le découvrir sélectionnons ce texte. J'y vois 3 parties.

D'abord, la recherche de Jésus. Puis, la joie de l'accueil. Enfin, le choc de la conversion. 1. La recherche de Jésus. Jésus traverse Jéricho sans parole, sans dire mot. On le comprend ! Jéricho ! La ville la plus ancienne selon l'archéologie, mais, pour un Juif, à la fois la ville sacerdotale et le lieu païen de trafic douanier. Rome y a ses comptoirs et sa garnison. Jéricho ! La porte de la Terre- promise ! Jéricho vers laquelle Josué envoya deux espions qui se cachèrent sur la terrasse de Rahab : la prostituée...dont l'arrière-petit-fils sera David (selon la généalogie de Mathieu). Josué ! Nom synonyme de Jésus. David ! Une figure messianique. Que de symboles ! Jéricho ! Pour Josué, ville qu'il faudra prendre aux païens. Pour Jésus, la porte du pécheur Zachée. Quelle terre- sainte Josué (même nom que Jésus) va-t-il conquérir ? Quelle maison de pécheur Jésus va-t-il franchir ! Et quel pécheur va l'accueillir ?

Zachée ! Tout est déjà dans son nom. Son prénom est déjà tout un programme. D'autant qu'on sait que le nom, pour un Hébreux, est toujours porteur d'une mission. Il a un sens. Il désigne une fonction. Il donne un rôle à remplir. Il détermine une vocation. Il assigne une charge. Zachée en Hébreux signifie : le pur. Il la réalisera cette vocation par sa conversion. Sa profession : « Exactor » : percepteur d'impôts (comme l'évangéliste Mathieu). Malheureusement, en Israël de ce temps, nous avons à faire à un collaborateur, pécheur-public par son contact avec le païen. Un accédic, percevant les impôts de Rome, profession obtenue aux enchères, donc en payant grassement le pouvoir romain, puis en se remboursant par une majoration des impôts auprès de ses concitoyens, un collabo doublé d'un voleur, quoi ! Paradoxe que ce nom de pureté et cette profession de péché ! Paradoxe de ce qu'est tout homme : un mélange de bien et de mal, et donc, avec en lui, marqué comme une identité, un appel à la conversion.

Qu'en est-il de cet homme ? Avait-il appris la conversion de son collègue Mathieu, si heureux à la suite de son nouveau maître ? Ou était-il perplexe devant cet argent mal acquis ? Se sentait-il mal dans sa peau, entouré de tant de gens qui le regardent de travers, méprisé de concitoyens qui le jugent en exploiteur et en collaborateur ? Et, pour lui, ce Jésus qui est-il donc en fait ? Ne fréquente-t-il pas de temps à autre des publicains et des pécheresses comme lui ? Ne dit-on pas qu'il serait le Messie ?

Zachée ! Ce ne doit pas être par « pure » curiosité, lui, le pur, qu'il cherche à voir Jésus ? Il court, dira St. Luc, sort de la ville, monte sur un arbre...Voilà non seulement qui est peu compatible avec sa position d'homme rangé en Israël, mais voilà surtout qui révèle, selon l'évangéliste, sa volonté active, efficace et persévérante de rencontrer Jésus. Zachée ! A la petite taille mais à la bourse grande ! Ah ! Si nous étions petits... et inquiets, comme Zachée, nous chercherions inlassablement le Seigneur, et avec quelle ferveur ! « Qui cherche, trouve ! » Zachée escalade un sycomore. Ce figuier sauvage à branche basse, est, en Israël, le symbole de la loi mosaïque et du temple. Ainsi, pour trouver comment bien vivre, Zachée se servait de la Loi et du culte, du moins, il en était informé. Mais tout cela ne serait-il pas périmé ? Il grimpe à l'arbre...mais le Salut n'est pas obtenu par l'escalade de préceptes ni par la multiplication d'efforts impossibles. La loi est tout aussi inefficace que le sacerdoce ancien (Jéricho) pour être justifié ; tous deux sont destinés à disparaître. Il faut descendre et suivre l'invitation de Jésus. Quelques versets auparavant, dans la parabole du Pharisien et du Publicain, Jésus avait conclu : « Qui s'abaisse sera élevé, qui s'élève sera abaissé. » (18,14) Il voulait voir Jésus, et c'est lui qui va être vu ! Tout contact franc avec le Seigneur entraîne aussitôt humilité, hâte et joie. Aimé de Dieu...ou aimanté par Dieu, le voici appelé à débourser ! Zachée sur son figuier, Zachée est « regardé haut avec amour » (selon la traduction littérale) par Jésus. Il est appelé à se détacher d'une religion de préceptes, de classement légaliste, de domination, de moralisation. Il le « faut ». Dieu le veut. C'est un verbe qu'affectionne particulièrement l'évangéliste. Jésus sait que Zachée ne résistera pas à son appel. Si Jésus revendique et semble imposer cette rencontre à Zachée (image de chacun de nous), ce n'est pas que ce face à face exigé soit une fatalité, une menace ou un reproche (Zachée aurait pu la solliciter). Non ! Luc nous instruit, il veut nous indiquer que Jésus conduit sa vie selon le dessein de son Père.

C'est, de la part de Jésus, la ratification d'un choix. Pour lui, Zachée est un don de son Père. Il doit le rencontrer ! C'est « providentiel » ne fut-ce que pour montrer au monde que Dieu ne met pas de condition préalable à sa visite, ni de condition morale à son pardon. Il ne faut pas être saint pour le recevoir, ni parfait pour être aimé et choisi du Père. C'est en l'accueillant dans le questionnement, l'humilité et l'empressement que s'opère notre conversion. C'est en s'ouvrant que jaillit l'espérance. Dans l'empressement dis-je, car c'est « à toute vitesse » déclare Luc, que Zachée descend de son arbre et « reçoit » Jésus. L'évangéliste souligne toujours combien l'amour est pressé, est empressé d'agir. Il le note lors de la visite de Marie à sa cousine Elisabeth. Il le montre à propos du Père dans la parabole de l'enfant prodigue, à l'occasion de la préparation du repas festif. Il y revient dans l'épisode des disciples d'Emmaüs au sujet de Cléophas et de son ami s'empressant vers Jérusalem pour y témoigner de leur foi en la résurrection. Zachée fébrile, cherche Jésus. C'est avec une égale diligence que Jésus cherche l'humanité ! Dieu et l'homme en recherche de communion ! Avec ardeur, avec ferveur ! 2. L'accueil de Jésus, par Zachée, dans sa maison, constitue le deuxième tableau de ce passage de l'évangile. 3. Si c'est dans l'empressement et la joie que Zachée reçoit Jésus, ce n'est pas la joie pour tous ! De cette réception les Pharisiens se scandalisent et les gens-biens s'irritent. Loger chez un pécheur, y prendre son repas, pour un Juif légaliste, c'est le témoignage même, et public, d'une ratification du péché, c'est s'aliéner à la faute et au mal ! Et les voilà, ces bons Pharisiens, qui « murmurent ».

Ma foi ! Quelques murmures, assourdis, mâchés entre les dents, même si celles-ci grincent, ce n'est pas grand mal, dirions-nous. Mais c'est que Luc emploie ce terme à escient. Le « murmure » est un terme technique dans la Bible. C'est le symbole du grand péché d'incroyance en Israël au cours de l'Exode selon le livre du Deutéronome ; c'est aussi le risque du rejet et de la volonté de miséricorde de Dieu, le refus de son pardon, comme l'indiquent maints passages évangéliques. (Le repas chez Lévi : Luc 5,39 ; au chap. 15 avant les 3 paraboles de miséricorde : brebis et drachme perdues ; fils prodigue ; les ouvriers de la 11ème.heure ; Mat. 20 ; 1-16).

Les pécheurs sont ravis de manger les paroles du Seigneur. Les justes-pieux les avalent de travers ou les ravalent et en étouffent. Paradoxe de la venue de Dieu ! Joie pour le pécheur, morosité chez le parfait ! Etrange ? !

Le 3ème. Tableau de l'épisode de Zachée se passe dans le secret de la maison, c'est le choc de la conversion. Rien ne sera dit de l'entretien entre Jésus et Zachée au sein de sa famille, mais deux choses apparaissent. Plus encore que sa Parole, la présence de Jésus transfigure les personnes et transforme les choses. La simple présence de Jésus comble et convertit. Certes, Zachée ne quittera pas son métier (Dieu ne demande jamais l'impossible), il ne quittera pas tout (profession, famille) pour mieux suivre Jésus comme l'on fait les douzes appelés à une mission spéciale, mais il abandonnera son aisance, restituera ses larcins et partagera ses biens. Partage, don et restitution majorée, car il s'appliquera la loi romaine, source de ses biens : Il restituera au quadruple, note Luc. La loi juive n'imposait la restitution qu'au double. Et c'est la moitié de ses richesses qu'il offrira aux pauvres.

Ainsi, la présence du Seigneur peut bouleverser à jamais une vie. Augustin, François d'Assise, Charles de Foucault, Guy de Larigaudie...en témoignent encore.

Savoir qu'il existe quelqu'un qui me cherche jusqu'au tréfonds de mon c½ur. Savoir qu'il existe quelqu'un qui veut que je me reconnaisse valable dans mon intégralité et ma singularité- avec ma grandeur (mes questionnements), mes misères (le péché), mes exigences et mes servitudes (état de vie, profession, âge)- cela me soulève (Luc note que sa conversion « redresse » Zachée), cela m'émeut et me ravit. Je me sens porté, grandi, enflammé. Et si l'argent est bien signe de cupidité et d'idolâtrie, chez Luc, le partage est bien aussi, chez lui, signe de foi, d 'amour et de récompense céleste (...se faire des amis dans le ciel avec le misérable argent...ch.16). Non seulement Zachée se convertit, mais c'est toute la famille qui accompagne sa démarche. C'est que la foi est toujours apostolique, elle est missionnaire par essence, contagieuse en elle-même. C'est en communauté familiale et ecclésiale que Jésus sauve. On ne se sauve jamais seul. Mystère que cette communion des Saints au c½ur de la foi chrétienne ! Il y a une unité spirituelle du genre humain dans la rédemption comme il y en eût dans la faute. En Jésus, nous sommes tous contemporains les uns des autres quelle que soit la distance de l'espace et du temps, semble nous dire Luc, par Zachée. Le dogme de la communion des Saints rend compte de ce mystère.

Si toute l'humanité, comme le suggère la genèse et St. Paul, pâtit de notre misère propre, un autre mystérieux équilibre se crée. Tout un ensemble de correspondance de grâces, tout un réseau d'interdépendance spirituelle dans le bien apparaît, dont la formidable unité de rédemption ne sera révélée qu'au ciel. Si le pécheur vit l'universelle déréliction du genre humain, le converti assume l'universelle rédemption de l'humanité. Douloureuse et admirable cohérence de partage ! Loi invisible d'affinités spirituelles et d'inter-influences dans la grâce ! Mystérieux filet d'un vouloir providentiel où nos vies en sainteté (comme en péché) sont synoptiques, jumelées par nature et parallèles à jamais ! Sorte de privilège d'ubiquité, dans le jeu total de l'histoire, dans le bien comme dans le mal ! Merveilleux échange surnaturel, immanent et transcendant, de chaque sainteté individuelle au sein de l'universelle aventure communautaire de l'humanité entière ! Majestueuse solidarité humaine et divine !

« Aujourd'hui, cette maison a reçu le Salut...celui-là est fils d'Abraham ». Ces dernières paroles de Jésus scellent et confirment la conversion du publicain Zachée. « Aujourd'hui ! » Encore un terme clé chez Luc qui l'emploie à 12 reprises. L'évangéliste le met dans la bouche de Jésus au début de sa vie publique lors de son prêche à la synagogue de Capharnaüm, commentant un texte d'Isaïe sur le Messie et il le replace à nouveau au terme de sa vie publique, dans la bouche du crucifié, quand il promet le paradis au bon-larron. « Aujourd'hui » : au commencement et à la fin du ministère de Jésus comme si ce mot synthétisait et son message et sa personne. C'est que Jésus lui-même est bien l' »aujourd'hui du Père » non seulement pour Zachée et les siens -la maison de l'infidèle est devenue le temple de Dieu- mais pour chacun d'entre-nous.

Pour nous aussi, le passage de Jésus dans nos vies nous pouvons l'expérimenter quotidiennement en chaque eucharistie. Au cours de nos messes, c'est bien pour tous et chacun l'aujourd'hui de la grâce. Notre première conversion eût lieu lors de notre baptême et toute notre vie chrétienne est comme une seconde conversion, journalière. La vie durant, chaque jour passant, communiant au Seigneur de gloire lors de nos célébrations, quelqu'un est là, de nuit comme de jour, dans chaque sourire comme dans chaque service, dans chaque main tendue comme dans chaque caresse, dans chaque fleur comme dans chaque oiseau qui nous chante son printemps.

L'appel à suivre Jésus et la réponse quémandée (son nom classique est la conversion) sont toujours uniques. Nous n'avons que des variantes du rapport entre l'appel et la décision, et, jamais la nature exemplaire de ce rapport. Le « suis-moi » requière autant de réponses que de sujets convertis. Dieu nous parle à partir d'un lieu de l'âme qui perçoit, vibre et s'émerveille et cet espace est propre à chaque être. Et de cette zone indicible de l'âme chaque élu livre sa réponse en une vie d'amour et de fidélité, à hauteur d'homme, avec humilité, confiance et compassion.

31e dimanche ordinaire, année C

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2003-2004

Il y a, m'a-t-on toujours prétendu, un de nos organes qui ne grandit pas et qui a atteint sa taille dès la naissance. Je parlerai donc sous l'autorité des ophtalmologues de cette assemblée. Il s'agirait de nos yeux. Ces derniers ne changeraient donc plus. Nos yeux sont d'ailleurs étonnants. Nous ne pouvons pas les contrôler. Pire encore, nous ne pouvons pas les tromper. Il est impossible de mentir avec ses yeux. Ils dévoilent souvent quelque chose de l'âme d'une personne. Il est vrai que dans la vie, il y a tellement de manière différentes de communiquer. Nous pouvons le faire par la parole, par l'écrit, par des gestes de tendresse, par le don de quelques fleurs ou autres objets. Et nous pouvons également parler par nos yeux. Ceux-ci peuvent facilement trahir les sentiments qui nous habitent.

Me vient à l'esprit, le regard de douceur où s'exprime tout l'amour d'un être pour une autre personne. De tels yeux vous réchauffent à jamais le c½ur et s'inscrivent dans la mémoire de nos sentiments. Il suffit également parfois d'un regard pour dire toute la complicité entre deux êtres humains ou encore pour exprimer une compréhension, une compassion à ce qui vient d'être dit ou à ce qui se vit. Me vient également à l'esprit, le regard de confiance où tout a pu se dire sans qu'aucun mot ne soit sorti de notre bouche. Nos yeux ont parlé. Tout simplement. Tout tendrement. De tels regards nous font grandir en humanité. Ils sont nécessaires à notre croissance, à notre devenir car ils nous façonnent et nous ouvrent de la sorte le regard vers un horizon de paix intérieure.

Il y a hélas également dans la vie des regards qui nous glacent à jamais tellement ils expriment la froideur de ce que l'autre ressent à notre égard. Mais il y a pire encore, il s'agit du regard de suffisance, voire de mépris où notre interlocuteur nous fait comprendre dans le silence de ses yeux à quel point nous n'avons aucune valeur à ses yeux. Un tel regard est humiliant, dégradant car ces yeux-là nous tuent sur place, à l'instant même où ils croisent notre regard. Nous sommes alors confrontés à la solitude de l'incompréhension, voire d'un jugement sans appel possible. Quoiqu'il en soit, un regard n'est jamais neutre. Il est d'une certaine manière le miroir de notre âme offert à la contemplation de tous ceux et celles qui nous regardent. Il est cette offrande infinie que nous cherchons à déchiffrer chez l'autre afin de pouvoir entamer une relation. Rien de pire alors que d'être confronté à un regard de jugement, un regard de condamnation comme si l'autre pouvait voir au plus profond de nous même. Je te juge et te condamne car j'ai la prétention de croire que je sais tout. Erreur ô combien humaine. Le tréfonds de l'âme n'est offert qu'au regard de Dieu.

Lui et lui seul peut nous connaître dans le plus intime de notre être là où aucune être humain ne pourra jamais prétendre avoir la connaissance totale de l'autre.

Il y a en chacune et chacun de nous un jardin secret où seul Dieu vient se promener. Il y a en chacune et chacun de nous un part de mystère qui nous dépasse et auquel seul le divin peut accéder. Cette partie de notre être lui est réservée. Elle contient toutes les potentialités de ce que nous sommes appelés à devenir un jour que ce soit dans cette vie-ci ou dans la vie éternelle. Trop souvent, nous voyons chez les autres l'imperfection, les manquements et nous nous arrêtons à ces premières impressions. Nous portons un regard dur, un regard qui juge et nous n'allons pas au-delà. Il en va tout autrement pour Dieu d'après les textes de ce jour. Le Dieu qui s'est révélé par les prophètes et dans l'Incarnation est un Dieu qui ferme les yeux sur nos manques d'amour, nos péchés pour que nous puissions nous convertir. Ils ne nous enferment pas en ces derniers car lorsque nous tombons, il nous reprend à notre rythme, il nous avertit pour que nous nous détournions de ce qui nous empêchent de devenir nous-mêmes. Le Fils Jésus, notre frère, voit en chacune et chacun de nous ce saint qui sommeille et toute cette pureté que nous sommes appelés à découvrir, à devenir. Comme pour Zachée, le Christ porte aujourd'hui encore sur nous un regard bienveillant de compassion et de miséricorde. Un regard nous appelant à exister mais à exister autrement c'est-à-dire à inscrire notre vie en Dieu en l'écrivant avec l'encre de l'Esprit Saint, une encre indélébile qui nous conduit à ne poser que des actes d'amour révélant ainsi la divinité existant en chaque être.

Amen