32e dimanche ordinaire, année C

Auteur: Gihoul Luc-Henri
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2003-2004

En Israël, la controverse qui existait entre les Pharisiens et les Sadducéens au sujet de la résurrection des morts réapparaît ici en St. Luc entre Jésus et ces mêmes Sadducéens. Ces débats le prouvent, il n'était pas plus facile de croire en la résurrection en ces temps anciens qu'aujourd'hui !

Dans l'histoire du peuple juif, comme dans l'histoire religieuse de l'humanité, la foi en la résurrection fut progressive, ardue et en fait, relativement récente. Même pour Platon, qui sur ce point fut d'ailleurs peu suivi, l'immortalité de l'âme et son éternité n'étaient qu'une opinion. C'est un beau risque, car par cette croyance l'homme émerge... Il vient d'un au-delà du monde pour aller vers un « par-delà le monde ». Pour les stoïciens, l'esprit ne demeurait d'ailleurs qu'un certain temps.

En Israël, cette notion de résurrection ira de la longévité des patriarches (ils sont comme immortels) à l'immortalité de la race, du retour de certains personnages particuliers ( sont-ce eux ou un personnage ayant ses caractéristiques ! ?) à la conception d'un nouvel Israël. Elle variera d'un certain triomphe par-delà la mort du Serviteur souffrant, aux idées apocalyptiques lors des persécutions des Antiochus 4 et 5 aux deux derniers siècles qui parlent de la résurrection à partir du sens théologique du Dieu vivant et non à partir d'une réflexion anthropologique sur la spiritualité de l'Esprit. L'amour du Dieu Vivant, étant éternel, il peut susciter un homme nouveau. Le Dieu Vivant, source de vie, qui a engagé sa sainteté dans l'histoire d'Israël, et qui est don et grâce, peut, quand et comment il le veut, rendre vie à ceux qui sont dans la vie diminuée du shéol. C'est un don qui est le fondement du sens de la Résurrection. Ce qui est pur don, esprit et vie, Dieu, le Dieu fidèle, celui des Promesses et de l'Alliance, peut le rendre dans sa miséricorde infinie. Donc, la conception biblique de la résurrection est confuse, non partagée par tous, même à l'époque où le Christ apparaît, et elle est tardive, du moins dans sa conception d'une véritable survie personnelle.

C'est réellement à partir de la résurrection de Jésus que cette croyance s'affirme comme évidente, primordiale et fondamentale. Si le Christ n'est pas ressuscité, vaine est notre foi, écrira St. Paul (1Cor.15). La foi en la résurrection du Christ est le gage de la nôtre.

De nos jours encore, la foi en la résurrection ne paraît pas évidente. Pour certains, l'être humain ne survivrait que dans ses enfants ou le souvenir des êtres chers et la mémoire des amis. Pour d'autres, qui ne croient qu'à ce qu'ils voient ou comprennent, comment prétendre parler de quelque chose qui échappe totalement à notre entendement ? Pour certains encore, la perspective de la réincarnation paraît plus séduisante à deux titres. En premier, elle serait plus fondée scientifiquement, ce serait l'explication de souvenirs de choses jamais vues, de rencontres prétendues avec des personnages historiques anciens, d'inexplicables impressions de « déjà vu », d'accidents morphologiques rappelant ceux d'ancêtres, explication enfin, de génies précoces ou de souvenirs d'un passé qui n'est pas le leur. La croyance en la réincarnation serait mieux harmonisée pour d'aucuns avec leur refus de l'absence des morts ou pour conjurer l'angoisse de la mort ou encore, une consolation à leur soif de justice devant les inégalités terrestres ou enfin, une chance nouvelle et une culture d'épanouissement et de progrès moral à l'encontre de la brièveté de la vie. On peut si peu en une seule vie !

Mais ne mettons pas trop vite de côté les opinions de nos contemporains. C'est qu'ils partent d'expériences humaines pour évoquer des relations fortes, connues ici-bas : la relation homme et femme ( c'était l'optique des Sadducéens), la relation parents-enfants, les relations de fraternité ou d'amitié. Au-delà d'options parfois rocambolesques, comment ne pas, avec eux, se poser des questions au sujet de ces relations précieuses entre toutes : que deviennent- elles après la mort ? S'il est prouvé que nos relations humaines nous constituent en profondeur, comment ne pas croire et affirmer qu'elles se poursuivent après la mort d'un chacun ?

Jésus, lui, est convaincu de la résurrection. Et s'il en est ainsi c'est qu'il parle à partir d'une toute autre expérience, celle d'une relation la plus fondamentale et constitutive qui soit, la relation filiale à Dieu. Le mot « frère » revenait explicitement à 4 reprises dans le raisonnement des Sadducéens. Le mot fils revient 4 fois sur les lèvres de Jésus.

Dans sa réponse, Jésus aborde deux questions relatives à la résurrection, celle de son principe même : le fait oui ou non de la résurrection, et celle de ses modalités, du comment de celle-ci. Ce n'est pas d'abord à la question de principe que Jésus répond. Sa démarche est plus psychologique, plus pédagogique. Si même nous croyons à la survie, nous ne cessons de nous interroger sur le comment de celle-ci. Comment cela se passera-t-il ? Comment serons-nous dans l'au-delà ? Et notre ignorance en ce domaine justifie notre scepticisme quant à la question de principe : « Peut-on envisager une résurrection des morts ? »

Jésus répond, il faut bien le dire de façon quelque peu étrange, d'une manière vague et floue : les ressuscités sont comme des anges dans le ciel. Comme personne n'a jamais vu un ange, nous ne sommes guère plus instruits ! Mais comment faire autrement puisque personne non plus n'a jamais eu l'occasion de rencontrer un ressuscité ? Quand Jésus s'exprime ainsi, il veut simplement dire ceci : de même que les anges se situent dans la sphère de Dieu, même s'ils appartiennent aussi à notre monde en y jouant leur rôle, les ressuscités évoluent dans le monde divin et leur condition dans ce monde-là nous échappe totalement. L'état et l'activité des élus relèvent du mystère-même de notre Dieu Trine : Père, Fils et Esprit. En ce domaine, faisons confiance au maître de l'impossible qui nous recréera en notre intégrité plénière. Ayons foi au Dieu de Vie ! Il n'est pas le Dieu des morts mais des vivants, dira St. Paul, et son ingéniosité nous surprendra autant que nous ravit le papillon quittant sa chrysalide.

Jésus en vient alors à la première des 2 questions : la résurrection existe-t-elle ? Pour étayer sa position, Jésus raisonne à la manière des rabbins, qui nous est étrangère. La voici : si Moïse parle du Seigneur- Dieu, comme « Le Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob », c'est que ces deux patriarches sont encore et toujours vivants pour Dieu. En exprimant la même chose dans nos mots à nous, nous dirions : le Dieu des promesses, le Dieu de l'Alliance, le Dieu fidèle, l'Eternel, le Dieu d'Amour est un Dieu sans repentance. Quand Dieu donne son amour, il ne le retire pas. Dieu est fidèle jusqu'au bout. L'alliance personnelle avec chacun d'entre-nous est comme un engagement qu'il prend à notre égard, inspiré par l'amour, il traverse la mort comme éternel est son amour. Il nous suscite à la vie, pour un temps sur cette terre, pour toujours dans l'éternité du ciel.

La péricope évangélique de Luc se termine par ces derniers mots : « les ressuscités vivent pour Dieu » Le mot « pour » peut prendre deux significations qui, loin de s'exclure, se complètent. Le premier sens a Dieu pour sujet. Selon Dieu, de son point de vue, pour ce qui est de Dieu, les Patriarches, plus largement les ressuscité vivent, ils sont vivants aux yeux ses yeux ! Dieu les considère comme toujours vivants.

Le second sens a les morts, les ressuscités pour sujet. C'est la relation à Dieu qui fonde l'existence actuelle des Patriarches par-delà la mort. C'est Dieu qui oriente encore le désir des morts au-delà de la mort. Telle était la conviction de Paul : « Aucun de nous ne vit pour soi-même et aucun de nous ne meurt pour soi-même, si nous vivons nous vivons pour le Seigneur et si nous mourons, nous mourons pour le Seigneur. » (Rom.14, 7-8) Aussi, nous de même sur cette terre, vivons-nous et mourrons-nous pour Dieu. Rendons vivante, de notre vivant, notre relation avec le Dieu Vivant ! Alors, soyons en sûr, notre relation filiale, entretenue avec lui, nous fera ressusciter et nous fera vivre par-delà la mort, éternellement. Nous serons tous réunis avec le Dieu de toute félicité, là où la douceur de vivre prendra la ferveur heureuse des choses qui ne peuvent finir.

32e dimanche ordinaire, année C

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2003-2004

Le Dieu des Vivants

Alors que nous venons de célébrer la magnifique fête de TOUS-LES-SAINTS et de prier pour les défunts, il est curieux d'apprendre que bien des catholiques pratiquants avouent ne pas croire en la résurrection. " D'ailleurs, remarquent-ils, personne n'est jamais revenu de là-bas !".

Or justement SI ! Quelqu'un est en effet revenu de la mort : Jésus de Nazareth, l'homme crucifié, mort et enseveli au Golgotha, est revenu près des siens. Lorsque, disent-ils, notre Maître a été arrêté, nous nous sommes enfuis comme des lâches mais peu après, il nous a rejoints au c½ur de notre détresse, il a dissipé nos premières impressions ("ça doit être un fantôme !?") et il nous a convaincus de sa victoire sur la mort. Il n'était pas "réanimé" (comme Lazare qui a bénéficié d'un sursis) mais "ressuscité", relevé, comblé de la Vie divine, véritable Seigneur du monde à l'égal de Dieu son Père.

C'est ce message de la résurrection (et non un appel à une existence vertueuse) que les apôtres ont tout de suite proclamé et qu'ils ont voulu propager dans le monde entier, au risque de leur vie. Sans cela il n'y aurait ni Évangile ni Église, et même nous ne connaîtrions pas ce Jésus qui fut un condamné parmi tant d'autres.

LA RÉSURRECTION, ESPÉRANCE TARDIVE Cette croyance nous semble tellement irrationnelle, tellement impossible qu'elle a mis des siècles avant d'apparaître en Israël. Tout au long de son histoire, celui-ci était persuadé que le décès était l'achèvement de tout et que seul subsistait de nous une ombre falote qui errait dans l'abîme lugubre du Shéol ou Hadès.

Ce n'est qu'au 2ème siècle avant Jésus, lorsque Israël subit une terrible persécution, que la tradition s'ouvrit à une nouvelle espérance. Il n'était pas possible que l'impiété et l'injustice triomphent de la Justice de Dieu donc "il fallait" que les victimes qui avaient offert leur vie pour la foi ressuscitent. Ainsi, dit-on dans un récit emblématique que le jeune prêt à être exécuté, disait :

" Puisque nous mourons par fidélité à ses lois, le Roi du monde nous ressuscitera pour une Vie éternelle"

(1ère Lecture : 2 Maccabées 7)

Cette foi nouvelle ne fut pas acceptée par tous : si les Pharisiens l'adoptèrent, les Sadducéens continuèrent à la nier parce qu'elle ne se trouvait pas exprimée dans la Torah, les 5 Livres de la Loi qu'ils recevaient comme Écritures saintes.

JÉSUS AFFIRME LA FOI EN LA RÉSURRECTION En tout cas, Jésus, lui, y croit fermement et l'affirme face à ses adversaires.

Après l'ultime étape à Jéricho, on sait qu'il a fait sa joyeuse entrée dans Jérusalem, bondée de pèlerins venus pour la pâque mais il refuse de provoquer l'insurrection armée que la foule attend de lui et inlassablement, au temple, il annonce le Royaume des Béatitudes qui appelle à la conversion générale.

Ses ennemis le harcèlent de questions pièges et c'est ainsi que des Sadducéens viennent lui soumettre l'histoire qu'ils ont inventée pour tourner en dérision cette croyance nouvelle. Si, disent-ils, une femme est veuve et se remarie à plusieurs reprises, de qui sera-t-elle l'épouse dans l'au-delà ?

Jésus va leur fournir une double réponse.

D'abord il dissipe nos imaginations ridicules sur le monde futur :

"Les enfants de ce monde se marient. Mais ceux qui seront jugés d'avoir part au monde à venir et à la résurrection d'entre les morts, ne se marient pas, car ils ne peuvent plus mourir : ils sont semblables aux anges, ils sont fils de Dieu, en étant héritiers de la résurrection".

Acceptons donc d'être frustrés : enfermés dans l'espace-temps nous resterons toujours radicalement incapables d'imaginer la vie dans l'au-delà. Si la sexualité est un combat contre la mort, une façon de sauver notre vie, de nous prolonger en donnant naissance à des êtres après nous, il est évident qu'elle n'aura plus lieu d'être dans l'éternité, là où il n'y a plus ni temps ni mort. L'amour que tous - mariés ou célibataires- nous aurons cherché ici-bas sera enfin accompli en plénitude. Il n'y a aura plus que l'Amour.

En second lieu, Jésus affirme nettement le fait de la résurrection :

" Quant à dire que les morts doivent ressusciter, Moïse lui-même le fait comprendre dans le récit du buisson ardent, quand il appelle le Seigneur : " le Dieu d'Abraham, le Dieu d'Isaac, le Dieu de Jacob". Il n'est pas le Dieu des morts mais des vivants. Tous vivent en effet pour Lui".

Jésus répond à ses interlocuteurs sur leur terrain et il cite le texte célèbre du Livre de l'Exode ( 3, 6 ), celui de la vocation de Moïse où Dieu se présente comme le Dieu de chaque Patriarche -ce qui, pour lui, sous-entend avec netteté que ces hommes vivent. Car s'ils étaient anéantis, si la mort pouvait les arracher au Dieu qui leur a donné les promesses, c'est donc que la mort l'emporterait sur Dieu !? Si elle règne impitoyablement sur l'humanité, elle est donc le Dieu suprême ! Dans ce cas, dit St Paul, reprenant le cri du prophète Isaïe :

" Si les morts ne ressuscitent pas, mangeons et buvons car demain nous mourrons"( Is 22, 13 et 1 Cor 15, 32 )

Telle est bien l'idéologie de notre société dite "de consommation" : bloquée entre des horizons terrestres, elle ne peut que nous entraîner vers le maximum de plaisirs et de jouissances immédiats - signe qu'elle se déploie sous le signe de la mort (d'où les drogues, les violences, l'idolâtrie, l'immense injustice d'un monde cassé entre riches et pauvres)

Ni anéantissement, ni réincarnation, ni projection de nos petits bonheurs, ni utopie : la mystérieuse résurrection est la certitude qui habite Jésus et qu'il affirme quelques heures avant d'affronter la mort la plus cruelle. Elle est la Bonne Nouvelle sans laquelle notre foi est vide ( 1 Cor 15,14).

Comme Jésus, ne perdons pas de temps en rêveries folles, en imaginations stériles : vivons chaque jour du temps en aimant et en espérant.

L'amour est l'Éternité commencée. L'espérance est la possibilité de l'amour indestructible.

32e dimanche ordinaire, année C

Auteur: Coulée André
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2003-2004

Jésus me soulage beaucoup aujourd'hui ; non que ce soit facile de prêcher cet évangile, mais parce qu'il esquive la réponse à la colle qui lui est posée par ces sadducéens, parti conservateur, qui ne reconnaissait que les 5 premiers livres de la Bible, la Torah, bref la Loi. Cette loi précisément obligeait un homme à épouser l'épouse de son frère si celui-ci mourait sans enfants. Colle à partir d'un cas purement imaginaire, de discutailleurs, de jésuites comme dirait un de mes confrères bien connu. Qu'est-ce que cela change que cette femme ait eu 7 maris consécutifs ou bien 50 ! Non sans humour Jésus dit d'abord que cela n'a plus d'importance puisqu'on devient pareils à des anges. Bien sûr, - me disait un des jeunes préparant la messe avec moi et qui n'est pas étudiant en théologie mais plein de bon sens, - mariés ou pas, question inutile puisque les anges n'ont pas de sexe : ils sont des esprits. Me voilà libéré : je ne vais pas non plus répondre. Jésus en fait n'entre pas dans leur jeu ; il les prend de face sur les points de croyance qu'ils refusent : anges et résurrection. Eux parlent de loi, de mort (voyez ce qu'ils disent) ; Jésus parle de mort et de vie : tout un monde, et pourtant c'est lié.

Regardez les frères appelés traditionnellement les 7 frères Maccabées : il est question de mort, mais comme ouverture à la vie. Comment de telles morts seraient-elles possibles sans une foi intérieure qui motive, et pour nous comme pour eux c'est bien la foi en la résurrection, c'est-à-dire la foi en une plénitude de vie. Jésus ne s'arrête pas à décrire la résurrection et ne répond pas - pas plus que moi - à certaines de nos questions " comment cela ira-t-il ? Est-ce que nous allons encore manger, boire, rire, etc " il affirme simplement qu'il s'agit de vivre. A la résurrection, plus besoin de progresser, d'avoir des enfants, d'utiliser ses mains, ses pieds ; tout progrès se fait avant et il se fait dans la fidélité, dans une foi qui donne sens à notre vie aujourd'hui. Avec les 7 frères martyrs, nous sommes invités à la fidélité à nos convictions d'homme et de chrétien : savoir mourir plutôt que de transgresser nos convictions, être fidèles à nos amitiés et à notre idéal de vie, à nos alliances : oui, mais cela n'est possible qu'avec une foi qui donne sens à notre vie, c'est-à-dire une foi en une vie épanouie que nous apporte la résurrection, et cette vie est autre.

Il y a 40 ans, le 25 novembre 1964, le frère Xavier Deltour, dominicain, était assassiné au Congo, donnant sa vie pour la mission et pour moi. Il avait 32 ans. Si je n'étais pas rentré en congé 5 mois auparavant, il ne serait pas venu et j'aurais été à sa place. Dès son départ de Belgique, il savait quel risque il assumait, librement. 12 autres frères dominicains l'accompagnèrent dans la mort. Ils auraient pu aussi partir auparavant s'ils l'avaient voulu. Victoire de la fidélité, fortifiée par le sens que donnait leur foi à leur vie ! Comme les frères Maccabées c'est aussi ensemble qu'ils se sont soutenus l'un l'autre dans cette épreuve parce qu'une même foi les éclairait et leur donnait la force.

Oui, nous avons une foi qui nous est commune, que parfois nous confessons ensemble sans nous rendre compte de l'unité qu'elle crée entre nous et du soutien mutuel qu'elle apporte. La force des uns et des autres vient de ce que des frères et des s½urs disent la même chose : force de la communauté. Alors la question des sadducéens devient sans objet. Ce n'est pas la vie après la mort qui doit faire l'objet de nos préoccupations - ous ne pouvons rien y changer -, mais notre vie aujourd'hui qui nous prépare à ce passage appelé mort, qui n'est pas à voir comme tragique mais se vit dans l'espérance la possibilité d'une vie plus forte, en plénitude.

Vraiment en quelque sorte Jésus dit aux sadducéens que leurs questions ne sont plus d'actualité. Arrêtons ce genre de questions. La vraie question n'est pas là de savoir comment s'y retrouver dans les différents maris qu'on a eus : nous savons dans notre foi que nous nous retrouverons en frères et soeurs, et que nous serons en pleine vie, en pleine forme, et je ne crois pas que ce sera la forme d'anges même si, bien sûr, l'esprit nous animera. Les vieilles questions n'ont plus cours, elles mourront avec nous : Dieu est le Dieu des vivants. Oui, la résurrection, notre résurrection donne une motivation puissante à tous nos projets de vie. C'est aujourd'hui que nous pouvons construire et développer cette vie qui s'épanouira une fois pour toutes si nous sommes vraiment fidèles à nos convictions, fidèles à l'alliance et à l'amour que nous propose l'auteur de la vie, Jésus le Christ.

32e dimanche ordinaire, année C

Auteur: Croonenberghs Didier
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2003-2004

Cette homélie a été pronocée à l'occasion de la première messe du frère Pierre Vreuls.

Je ne sais pas si des témoins de Jéhovah sont déjà venus frapper à votre porte. Vous voyez, ces gens qui se promènent toujours par deux avec de longs imperméables gris et qui viennent chez vous le dimanche à une heure où généralement nous avons toujours mystérieusement quelque chose d'urgent à faire. Si par le plus grand des hasards, vous deviez un jour discuter avec eux, il est une solution radicale pour que votre rencontre se termine très rapidement... Vous la connaissez peut-être. Il suffit de leur parler calmement de " don de sang... " simplement parce que c'est ce dont ils ne veulent pas entendre parler... Si par contre, c'est un ingénieur civil comme ton père, Pierre, ou un économiste comme toi qui frappe à votre porte le dimanche matin et que vous voulez que l'entrevue soit très courte, je vous conseille de lui expliquer la mécanique des fluides ou bien de problèmes macroéconomiques en lui parlant de la "grâce de Dieu". A mon avis, il ne vous écoutera pas très longtemps.

Eh bien, il me semble que dans l'Evangile que nous venons d'entendre Jésus s'y prend un peu de la même manière. En effet, des sadducéens -un groupement qui ne croyait ni aux anges ni à la résurrection- viennent provoquer Jésus avec un cas d'école. Mais plutôt que de répondre à la question qui lui est posée, Jésus leur parle de deux choses : précisément de résurrection et d'anges, deux choses en quoi ne croient pas les sadducéens et qu'ils ne veulent pas entendre. Pour leur répondre, Jésus présuppose quelque chose qu'ils rejettent catégoriquement.

Pourquoi ? Peut-être parce que Dieu nous questionne bien souvent sur ce qui nous pose problème. Il nous interpelle, nous interroge précisément sur nos peurs ou nos manques de foi. Le jeu de Jésus, le jeu de Dieu est donc plus subtil que nos questions, plus subtil que nos énigmes ou nos recherches de preuves. Vraiment, Jésus nous provoque dans notre foi mais pour qu'ensuite, par la foi nous soyons des provocateurs. Permettez-moi de répéter ceci. Je crois profondément que Jésus nous provoque dans notre foi, pour qu'ensuite, grâce notre foi nous soyons des provocateurs.

1. Tout d'abord, si Jésus nous provoque dans notre foi, c'est peut-être pour nous amener à quitter nos petites certitudes pour réfléchir et pour nous laisser guider par la vérité. Si comme les sadducéens de l'Evangile, nous imaginons une certaine forme de vie après la mort en lui appliquant nos visions de la vie d'ici bas ; Jésus, quant à lui, nous parle de manière très surprenante d'" anges ", non pas pour donner réponse, mais pour fournir une image sur laquelle personne n'a prise. D'une certaine manière, Dieu se révèle à nous dans des lieux où notre raison ne nous pousse pas à le chercher spontanément. Il nous surprend et se révèle à nous pour nous amener en dehors de nos certitudes parfois bien précaires. Il nous appelle hors de nos convictions pour que nous cherchions plus loin la vérité. C'est peut-être cela la pro-vocation. Etre appelé en dehors de nous et de nos certitudes... Non pas par une provocation qui cherche à choquer. Provoquer, ce n'est pas seulement boire une bière avec des santiags, une chemise à fleur et une petite croix sur le col, comme Pierre aime le faire de temps en temps ; provoquer, ce n'est pas non plus appuyer sur les faiblesses des autres,... Non. Provoquer, c'est questionner librement, questionner pour avancer ensemble dans le mystère...

2. C'est pourquoi, nous devons être à notre tour des provocateurs, nous devons tous être des " prêcheurs provocateurs " qui questionnent. Pierre, tu m'as dit un jour que c'était pour toi cela le secret (s'il y en a un) des dominicains : le questionnement. Celles et ceux que tu accompagnes savent que tu le fais si bien et nous qui vivons avec toi savons que tu y consacres tant de temps. En devenant frère prêcheur, tu as questionné ta famille et tes amis et tu en questionneras encore dans tes rencontres h, et depuis la semaine dernière, dans la manière avec laquelle tu célébreras les différents sacrements.

Mais Pierre ne nous questionne certainement pas en assénant des certitudes ou en posant des énigmes. Non, il nous invite à réfléchir pour avancer dans ce mystère sur lequel nous n'aurons jamais pleinement prise ici-bas. Il est peut-être un de ces " prêcheurs provocateurs " cherchant à nous questionner et nous dire :
-  que Dieu n'est peut-être pas là nous croyons qu'il est.
-  que l'Eglise n'est peut-être pas là où certains peuvent croire qu'elle réside... dans une vieille et froide sacristie par exemple. Rassurez-vous, celle-ci est chauffée.
-  que les dominicains ne sont peut-être pas tous comme dans le film le " Nom de la rose "...

Un article à propos de Pierre et de l'ordination de la semaine passée paru dans un quotidien " régionalement connu " que je ne citerai pas (je peux juste vous dire que son nom n'est pas sans lien avec l'Evangile qui est dirigé vers l'avenir de la résurrection) avait pour titre cette semaine : " une vie basée sur la rencontre ". Si cette vie est basée sur la rencontre, ces rencontres doivent à leur tour se baser sur la vie, sur la Vie du Dieu des vivants. Alors, peut-être grâce à ces rencontres, Dieu pourra se révéler dans des endroits inattendus. Que cet inattendu de Dieu ne cesse jamais de te provoquer pour que toi-même, Pierre, tu restes le " frère prêcheur provocateur " de vie et de rencontre.

Amen.

32e dimanche ordinaire, année C

Auteur: Collin Dominique
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2003-2004

Dis Papa, pourquoi la lune est ronde ? Dis, Maman, comment ma petite s½ur est-elle née ?

Lors de nos premières années d'existence, tous les enfants, et nous l'avons été, posent mille et une questions à leurs parents sur tout ce qui les entourent. C'est l'âge de la curiosité et les parents savent bien que très souvent il n'est pas évident de répondre à leurs enfants. Soit parce que leurs questions sont étonnement philosophiques ou théologiques, soit parce qu'elles sont tellement naïves. Le problème est qu'avec l'âge, nous avons bien souvent perdu et la capacité de nous émerveiller et cette naïveté devant la vie.

Les Sadducéens de l'évangile de ce jour font semblant d'être curieux et naïfs. Ils posent une question embarrassante à Jésus, non pour en apprendre davantage sur les mystères du monde et de la vie, mais pour piéger Jésus. Pour essayer de le mettre en porte à faux par rapport à la Loi de Moïse et ainsi avoir des motifs sérieux de le condamner. Ils n'ont pas besoin de la réponse de Jésus car ils estiment déjà avoir toutes les réponses puisqu'ils prétendent qu'il n'y a pas de résurrection. Avez-vous déjà discuté avec des gens qui prétendent savoir beaucoup de choses. Bien souvent, ces personnes sont incapables d'écouter et d'accepter l'avis des autres. Ils sont enfermés dans leurs certitudes et leurs savoirs. Ils ne veulent et ne peuvent se remettre en question et s'ils posent une question, c'est pour mettre mal à l'aise leurs interlocuteurs. D'ailleurs, leur question n'a pas beaucoup de sens. Cette femme qui épouse ses sept beaux-frères, ça ne doit pas se rencontrer si souvent ! En fait, cette question ne les touche pas. Elle ne les intéresse que dans la mesure où elle pose un piège à Jésus.

Que répond Jésus ? Il commence par leur dire qu'ils raisonnent comme les enfants de ce monde. Revoilà les enfants. Jésus ne dit pas que les questions curieuses, comme celles que posent les enfants, sont mauvaises. Mais il dit que tant que nous n'avons que de la curiosité pour les choses d'en haut, pour les mystères de la vie et de la mort, jamais nous ne comprendrons les choses du monde à venir. Il continue en disant que nous serons semblables aux anges. En voilà une réponse ! Nous ne sommes pas plus avancés ! Mais les anges participent à la vie de Dieu dans sa clarté. Il n'y aura plus de questions enfantines, naïves ou curieuses, mais un face à face d'amour en plénitude de paix et de joie. Ce face à face se prépare dès aujourd'hui dans notre vie de tous les jours. Comment ? Et bien, pas comme les Sadducéens qui se croient les plus forts et les plus malins en piégeant Jésus. Dieu ne demande pas la curiosité mais la foi, non pas la naïveté mais la confiance. Les Sadducéens de l'évangile de ce jour sont incapables de faire confiance à Jésus. Ils veulent même le condamner. D'ailleurs, ils refusent la résurrection. Ils n'acceptent pas dans la foi que Dieu est le Dieu des vivants, qu'il est plus grand que la mort. Cela, les Sadducéens le refusent. Et l'étroitesse de leur foi devient méfiance à l'égard de Jésus, méfiance à l'égard de Dieu.

En fait, en réponse à la provocation des Sadducéens, Jésus répond par la provocation de la foi. La foi nous provoque, non pas dans le sens courant de choquer ou de scandaliser, mais dans son sens étymologique profond : la foi nous appelle au devant, à aller au devant. Au devant de nos certitudes et de nos prétentions ; au devant de nos questions et de nos curiosités. La foi, ce n'est pas croire en des enfantillages, en des choses impossibles ou absurdes. La foi est cette confiance dans le Dieu de Jésus, le Dieu des vivants. Et cette confiance nous fait aller de l'avant, même un jour elle nous fera passer au-delà du dernier obstacle : la mort. Car la foi, tout comme Dieu, est l'attitude fondamentale des vivants. Etre vivant, c'est toujours aller de l'avant, c'est s'ouvrir à l'inconnu, c'est refuser de rester là, inerte et immobile. La foi porte en elle un dynamisme de vie et de confiance : elle nous provoque.

Oh, bien sûr, la foi n'apporte pas des réponses toutes faites à toutes nos interrogations, surtout celles qui portent sur la mort et l'au-delà. Bien souvent, d'ailleurs, nous sommes avides d'informations sur certaines expériences faites par des malades en agonie, nous sommes enclins à jeter un coup d'½il sur la réincarnation ou sur d'autres pratiques ou enseignements. Nous aimerions tant savoir ce qu'il y aura après. Désolé, mais Jésus ne nous répond pas ce dimanche. Ou mieux encore, il nous provoque dans notre foi afin de faire croître, non pas notre curiosité, mais notre confiance. Car, finalement, qu'est-ce qui nous aide à mieux vivre et à être heureux : des questions laissées sans réponse ou la confiance en Dieu, en la vie, en soi-même et dans les autres ? Une réponse à une question curieuse n'a jamais donné sens à la vie. Mais la foi, bien. Et cette foi nous fait héritiers de la résurrection.

Alors, que notre vie soit pour la confiance en ce Dieu qui est le Dieu des Vivants. Amen.

33e dimanche ordinaire, année C

Auteur: Eggensperger Thomas
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2003-2004

Chers s½urs et frères,

Menaces, menaces, menaces ! Nous parlons de la bible comme livre d'espérance, comme livre de bonnes nouvelles, mais nous entendons aussi des textes très désespérants, très mauvais concernant les nouvelles.

Notre lecture et l'évangile sont des exemples de ces exceptions. Il n'est pas très agréable d'entendre - surtout un dimanche - des mots tellement agressifs comme « Parole de Dieu ». Pourquoi ne nous évite-t-on pas cette épreuve ? Pourquoi ne nous n'épargne-t-on pas ces textes pour la messe ? Il y a assez de menaces dans notre vie. Les menaces de Al Quaida, les menaces des chefs, des menaces concernant notre vie...

Il est bon de réfléchir d'abord d'ou viennent les textes et quels en sont les contextes.

Le prophète Malachie vivait au le temps de l'exil babylonien du peuple d'Israël. C'était une période où les Juifs étaient obligés de vivre hors de leur propre pays au pays des vainqueurs, en raison de leur défaite dans la guerre. Babylone était le lieu de leur exil pendant de nombreuses années du 5ième siècle avant le Christ.

On peut bien imaginer qu'il y avait une certaine oppression contre ce peuple, la vie quotidienne était limitée et bien réduite et le point plus important : Le peuple d'Israël était très loin de son centre spirituel et culturel - très loin de son temple, du temple de Dieu à Jérusalem.

Cette situation d'absence du temple avait une lourde signification : On était loin de sa patrie, loin de Dieu aussi. Pourquoi alors notre prophète énerve-t-il le peuple avec ses menaces ? Malachie présente un propos menaçant parce qu'il craint que les gens - très loin du temple - aient oublié Dieu, sa loi, les normes. Ils ne respectent plus les obligations de l'alliance avec Dieu, ce qui était plus évident, plus clair à Jérusalem pendant les années avant cet exil à Babylone.

Les mots du prophète sont durs : « Voici que vient le jour de Seigneur, brûlant comme une fournaise. Tous les arrogants, tous ceux qui commettent l'impiété, seront de la paille. » (Mal 3,19a)

En tout cas - l'option du prophète est très claire : La guérison pour ceux qui respectent Dieu, la peine pour les autres...

Dans notre passage de l'évangile il y a une situation semblable à une époque différente :

C'est Jésus qui menace. De nouveau il y a le contexte du temple : Il y a longtemps que le peuple d'Israël est revenu à Jérusalem. Il y avait des souffrances, l'exil n'était plus le problème. Mais il reste un certain oubli. Jésus parle de la destruction du temple. Ce n'est pas seulement un acte de barbarie contre un édifice de valeur historique. C'est plutôt une acte symbolique.

Le but des paroles de Jésus n'est pas la menace. Son but est de faire sentir l'importance de la confiance du message, faire sentir la priorité de la foi qui donne la guérison.

C'est vrai qu'il parle de façon très directe quand il dit des phrases comme :

« Ce que vous contemplez, des jours viendront où il n'en restera pas pierre sur pierre : tout sera détruit. » (Lc 21, 6)

Mais à la fin, c'est autre chose que Jésus veut exprimer. À la fin il dit :

« C'est par votre persévérance que vous obtiendrez la vie. »

Ni Malachie ni Jésus n'optent pour une sorte de fondamentalisme. Les paroles menaçantes de l'Ancien et du Nouveau Testament montrent d'une manière radicale les conséquences de l'oubli du noyau de l'évangile : C'est la proximité de Dieu qui est notre Dieu, un Dieu qui offre la liberté, la grâce, l'approche de lui-même et des autres autour de nous.

Il n'est pas nécessaire, il n'est pas utile d'avoir peur. Il n'y a aucune raison d'avoir peur de Dieu. Prenez garde aux gens et groupes qui utilisent la menace comme moyen stratégique de leur politique et leur idéologie. Il est plutôt nécessaire et utile de ne pas oublier le message - son message - comme fil rouge de notre vie. Et ce message n'est pas menaçant. Pas du tout !

Amen !

34e dimanche ordinaire, année C (Christ Roi)

Auteur: Croonenberghs Didier
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2003-2004

Ce lundi 15 novembre, nous avons célébré en Belgique la fête de la dynastie, la fête du Roi. Et peut-être avez-vous suivi dans la presse le débat concernant la séparation des festivités qui ont eu lieu ce jour-là : une première célébration avait lieu à la cathédrale Saints Michel et Gudule, et une seconde célébration, laïque, avait lieu au Parlement fédéral. Séparation donc, de nos jours, entre la royauté et la religion. En effet, pour certains, lier la royauté à une quelconque confession de foi peut faire peur ou bien sembler d'un autre âge...

Mais aujourd'hui, une semaine après la fête de la dynastie, il ne s'agit pas de lier la royauté à une confession, mais notre confession de foi à la royauté du Christ, il s'agit de lier notre religion, notre conception de Dieu à une forme de pouvoir, celle de la royauté. Et, avouez que c'est un peu difficile. Le titre de ROI n'est-il pas chargé historiquement ? N'est-ce pas un titre dans lequel nous pouvons avoir des difficultés à nous retrouver ? Devons-nous entendre la royauté de manière forte et puissante, comme à l'époque qui vit justement naître la fête du Christ-Roi, dans les années 30 ? Le Christ-Roi est-il un « Roi Soleil » tout-puissant ? lui que nous appelons la lumière des nations ? N'y aurait-il pas un autre sens à donner pour redonner aujourd'hui vigueur à ce terme de Roi ?

Eh bien, à la lecture de l'Evangile de ce jour, m'est revenu en tête un professeur que j'ai eu y a quelques années... Non ce n'était pas un professeur du Collège du Christ-Roi à Ottignies, ce qui aujourd'hui serait bien tombé... Il s'agit d'un professeur de droit de Louvain que je nommerai pas. Il citait souvent un adage de droit constitutionnel qui, sans pousser à l'excès la comparaison, qualifie bien à mon sens la royauté décrite dans l'Evangile. Je le cite : « Le roi règne mais ne gouverne pas. »

Curieusement, j'ai l'intime conviction que, appliqué à notre foi, cet adage peut nous parler et nous questionner sur notre conception de la toute-puissance et de la royauté de Dieu. Oui, je crois que cet adage nous questionne bien sur la royauté de ce Dieu qui a besoin de nous, de gouverneurs pour réaliser son projet de vie. Car, en effet, c'est par son...inaction et sa seule parole que Jésus en croix nous montre sa souveraineté et nous rend notre dignité d'hommes libres. En effet, face aux insultes, dans l'Evangile, les seuls mots que Jésus nous adresse sont des mots d'amour et de libération... Voici un Roi qui ne juge pas, qui ne gouverne pas, voici un Dieu qui ne nous impose rien mais qui s'adresse à son peuple. C'est peut-être cela la folie de mystère chrétien. Celle de croire en un Dieu qui nous parle mais qui a besoin de nous pour agir, pour porter sa parole et se faire comprendre en ce monde ; et c'est aussi sans doute cela qui rend cette folie de la foi « crédible ». En effet, un dieu qui s'impose n'est pas un Dieu crédible et digne de foi puisqu'il ne nous laisse pas libres. Nous pourrions presque dire que ce Dieu en qui nous croyons est vraiment Dieu parce qu'il ne s'impose pas, parce qu'il ne nous gouverne pas. Oui, Dieu est Roi, parce qu'il ne nous gouverne pas. Et bien plus, parce qu'il nous laisse libres de le suivre ou non, nous le faisons alors régner sur nos vies. Le pouvoir se donne, il ne se prend pas.

C'est pourquoi, le jugement de Dieu n'est pas, n'est plus une condamnation, mais une force qui nous pousse à aller de l'avant, c'est un incroyable souffle qui peut nous aider à avancer. Le jugement de Dieu, la parole de Dieu nous libère plutôt que de nous enfermer. Et si enfer ou enfermement il y a, c'est peut-être à nous de voir si cela n'est pas dû à notre refus, personnel, de cette ½uvre libératrice Dieu.

Car, s'enfermer, c'est se couper de la Vérité... Et c'est pourquoi Jésus déclare au « bon larron » -appelons-le comme cela- qu'il accèdera au paradis : c'est parce que justement ce bon larron parvient à faire la vérité sur lui et sur les autres. Par ce fait même, par la vérité qu'il fait sur lui et sur Jésus, il se libère... Le jugement est d'une certaine manière entre ses mains, comme il l'est entre les nôtres. Le « bon larron » est le seul à se reconnaître responsable et à ne pas accuser Jésus. Vous avez compris : si le Christ nous libère par son jugement, alors nous sommes à notre tour les juges de nos vies.

Puissions-nous alors, en cette fête du Christ-Roi, avoir la force de croire à cette ½uvre libératrice de Dieu qui réside en nous ; Puissions-nous avoir la force de croire à cet Esprit qui nous pousse non pas à subir les événements, mais à agir en ce monde, et à le gouverner non pas pour régner, mais pour faire régner le royaume de Dieu.

Amen

34e dimanche ordinaire, année C (Christ Roi)

Auteur: Materne Pierre-Yves
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2003-2004

Comme Belges, nous sommes habitués à l'idée d'avoir un roi. Depuis le début de son existence, notre pays est un royaume. Le rôle joué par le roi a considérablement évolué au cours de l'histoire. Certains se demandent s'il est encore nécessaire d'avoir un roi ?

L'Eglise nous invite aujourd'hui à fêter le roi des chrétiens qui est Jésus. Avons-nous vraiment besoin d'un roi pour vivre ? On ne peut y échapper : l'Evangile lui-même est l'annonce du Royaume de Dieu. Qu'est-ce que ce Royaume ?

Jésus est venu nous annoncer la proximité du Royaume de Dieu. Jésus se fait le serviteur de ce Royaume divin. Il ne se considère donc pas comme un roi. Beaucoup ont voulu faire de lui un chef politique. Le Christ a toujours refusé d'entrer dans cette logique de pouvoir. « Mon royaume n'est pas de ce monde » répondait-il. Les romains voyaient en lui un concurrent de l'empereur. Les scribes et les pharisiens ne pouvaient accepter qu'il soit le nouveau David, le messie d'Israël.

Lors de son entrée à Jérusalem, Jésus est monté sur un âne. Un roi sur une si modeste monture a de quoi faire rire. C'était une manière de démontrer qu'il n'est pas un roi comme les autres. Le Christ ne s'est d'ailleurs jamais attribué le titre de Roi d'Israël. Ce sont les autres qui lui donne ce titre. A Pilate qui lui demande s'il est le roi des Juifs, Jésus répond : « c'est toi qui le dit ». Jésus est un roi moqué. Les malfaiteurs l'insultent, les soldats le mettent au défi, le peuple regarde par curiosité. Tout le monde est dans l'incompréhension. Comment peut-on dire que cet homme en croix est un roi ? C'est de la folie pure. Un écriteau l'atteste pourtant : « Celui-ci est le roi des Juifs ».

Regardons d'un peu plus près l'attitude de Jésus. Interpellé par un des deux malfaiteurs qui l'entourent, Jésus répond : « Aujourd'hui, tu seras avec moi dans le paradis ». C'est un criminel que Jésus emmène avec lui. A la différence de l'autre brigand, le bon larron reconnaît sa faute et surtout l'innocence du Christ. Il n'a rien fait de mal. Il ne devrait pas être ici. Le larron a compris que Jésus n'avait pas recherché la mort mais qu'il avait accepté cette éventualité.

Jésus n'est pas venu dans le monde pour mourir mais pour aimer. En voulant rester fidèle à ses amis et à son message, il a pris le risque de choquer les autorités de son époque. Il a pris le risque de la mort. C'est par amour et fidélité que Jésus s'est livré pour nous. Pour nous, c'est-à-dire pour que nous soyons libérés de nos esclavages, de nos peurs, de nos obstinations. C'est probablement cela que le larron a compris du haut de sa croix. C'est cette prise de conscience qui l'a sauvé. Comme il n'était plus enfermé dans sa culpabilité, il a laissé le Christ entrer dans sa vie pour le mener dans la paix de Dieu.

N'est-ce pas le sens du Royaume de Dieu ? C'est que tout n'est jamais définitif. Tout peut-être changé, même à la dernière minute. Nous ne sommes pas dans une prison de fatalité mais sur un chemin de liberté. A la suite de Jésus, nous sommes invités à ne pas entrer dans une logique de domination. A la suite du Bon Larron, nous sommes appelés à accepter ce que nous sommes et à demander le pardon pour nos manques de justice et d'amour. Que Dieu nous guide sur cette voie royale.

Amen.

3e dimanche de Carême, année C

Auteur: Gihoul Luc-Henri
Temps liturgique: Temps du Carême
Année liturgique : C
Année: 2003-2004

Chez l'évangéliste Luc les chapitres 12 et 13 sont comme symétriques. Le chapitre 12 est une sorte de large exposé sur la vie. Le chapitre 13 est une longue réflexion sur la mort. Luc aborde ce mystère qu'est pour l'homme l'arrêt de la vie en relatant deux faits divers traitant de la destinée de l'homme. Ceux-ci permettront à Jésus de faire un enseignement sur la relation entre la mort et le péché.

Le premier est un fait rapporté à Jésus par les gens. Ponce Pilate, 5ème. Procurateur de Judée de l'an 26 à 36 a fait massacrer en son temps, des galiléens venus à Jérusalem offrir leur sacrifice. Ils devaient être impurs à ses yeux parce que zélotes nationalistes, les terroristes d'alors ou parce qu'ils étaient des gens au sang mêlé à des non-juifs. Le deuxième fait est fourni par Jésus lui-même. Un jour une tour s'est effondrée à Siloé, un beau quartier du sud -est de Jérusalem, où existait une piscine qu'Hérode avait entourée d'une colonnade. Deux catastrophes. L'une est née du vouloir d'un homme, Pilate, dont les victimes furent des provinciaux. L'autre qui demeure sans explication et qui atteignit les habitants de la capitale.

Commentant ces 2 évènements, la vieille théologie d'Israël refait surface, la vieille spiritualité de la rétribution, à coup sûr, ces victimes le sont parce qu'elles ont péché. Pécheurs, pécheresses : Dieu les punit ! Citant ces évènements, Jésus remet les choses en place. C'est que tous sont pécheurs et que tous sont atteints par la mort. Succombant à la tentation et voué à la mort tel est bien le sort humain de chacun. Personne ne peut tirer une leçon de la chronologie de la mort, on meurt jeune ou âgé, ni de la modalité de celle-ci, mort naturelle ou violente, consciente ou inconsciente, paisible ou angoissée. Nul n'a plus désormais à porter un jugement sur la mort et à en tirer des conclusions religieuses. Une seule chose importe : marcher droit vers le but que l'on atteint différemment. Jésus refuse d'établir un lien entre le péché et la mort. La mort est le secret de Dieu. Secret qui nous sera livré de l'autre côté. Dieu ne condamne pas le pécheur au malheur ni à la mort. Il ne l'enferme pas dans son échec. Pour attester de cela, Jésus nous donne la parabole du figuier stérile. La symbolique juive nous aide à la comprendre.

La vigne est le symbole végétal d'Israël, comme la colombe en est le symbole animal. Le figuier, planté au c½ur de la vigne et qui offrait son ombre aux vendangeurs devient dans la thématique juive le symbole de la loi de Moïse, du temple et du culte, dans ce cas-ci, il s'agit de Jésus lui-même. Le vigneron qui demande un délai symbolise l'extraordinaire patience de Dieu révélée en Jésus-Christ. Le sens de la parabole est clair. La loi, le culte ne produisent pas les fruits de conversion et de sainteté que Dieu en attendait. Mais l'attachement au Christ dans la foi, parce qu'il nous révèle l'amour miséricordieux, peut seul nous soutenir dans notre conversion quotidienne. La parabole est l'exemple d'un retour à la vie parce que nous croyons en l'amour patient de Dieu. Le péché ne nous condamne pas à la mort, mais il nous invite à la conversion du c½ur et Dieu l'attend avec patience.

Ainsi, Jésus nous éclaire lui-même sur le sens chrétien du péché. A propos de l'existence et de la notion du péché, on a tout entendu, depuis sa prétendue non-existence, on a même défendu la perspective d'une morale sans péché, jusqu'au reproche fait au christianisme de nourrir un sens névrotique de la culpabilité dans un univers morbide de la faute. La parabole dit tout le contraire. Le mot hébreu qui exprime le mot faute veut dire littéralement « manquer sa cible », tirer à côté, un peu dans le sens où les jeunes parlent d'être à côté de la plaque, à côté de ses pompes. Le péché, c'est rater Dieu, c'est l'existence d'une rupture au sein de l'Alliance, d'une incohérence, d'un désordre entre Dieu et nous. Et, quand on rate Dieu, croyant trouver son petit bonheur immédiat, tout seul, on se fourvoie soi-même. Aussi, plus que nos vertus toujours imparfaites, ce qui nous rend juste aux yeux de Dieu, c'est son pardon qui nous devance toujours. Plus que nos efforts toujours limités, ce qui nous rend saint aux yeux de Dieu, c'est sa miséricorde infinie qui suscite notre pénitence. La doctrine chrétienne du péché est une théologie, un discours sur Dieu, sur un Dieu rédempteur et sauveur. Le péché lui-même est une notion révélée

C'est parce qu'il se révèle un Dieu Sauveur que Dieu nous révèle la vraie possibilité de péché comme le sens du mal et la signification de la seule mort éternelle : le rejet définitif de Dieu. Dieu révèle la faute pour nous restituer à notre vraie dignité. Toujours pécheur, toujours pardonné, invité à être à notre tour toujours pardonnant. Finalement le seul péché, c'est de refuser de se laisser aimer, c'est de ne plus croire à l'amour de Dieu. Face au mal, au péché, à la mort, nous dit la parabole du figuier stérile, il y a la patience de Dieu, la faiblesse de Dieu : sa miséricorde. Face à la faute, la parabole rejette toute fixation, toute crispation obsessionnelle sur notre narcissisme déçu pour nous ouvrir à la confiance et à la gratitude.

Dans un monde porté trop vite aux dérives suicidaires, puisse la charité des enfants, inspirés de la stratégie de Dieu qui est patience et compassion, n'exclure jamais personne parce qu'il est pécheur, car une Eglise dans laquelle le pécheur n'aurait pas sa place ne serait plus l'Eglise de Jésus-Christ. Puisse notre tendresse, à l'instar de Dieu, faire que toute vie humaine, même dégradée, découvre un jour son printemps. La patience obtient tout disait Ste. Thérèse d'Avila. La patience, cette délicatesse du c½ur est la doublure de l'âme comme l'écrivait si joliment Tertullien.

3e dimanche de Carême, année C

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps du Carême
Année liturgique : C
Année: 2003-2004

Et dire qu'à notre époque, il faut encore compter plus de trois minutes pour qu'un plat soit prêt au-micro-ondes, mon ordinateur quant à lui a besoin de deux minutes vingt sept secondes pour installer tous les programmes afin de pouvoir être utilisé. C'est dingue ce que nous pouvons perdre comme temps chaque jour à devoir attendre bêtement devant un appareil alors que nous avons autre chose à faire et que nos journées sont si courtes puisque nous ne disposons que de 86.400 secondes à pouvoir dépenser et de ce chiffre ; il faut encore soustraire 28.800 secondes c'est-à-dire huit heures de sommeil. Cela ne nous laisse alors plus que 55.800 secondes à dépenser. Il est donc grand temps que les fabricants d'appareils ménagers et autres se mettent au travail pour que nous ne perdions plus de temps bêtement. C'est éreintant de courir de la sorte après le temps.

Toutefois à force de courir après le temps, nous devenons impatients, tout va trop lentement et nous ne respectons même plus les gens et leurs propres rythmes d'avancement dans la vie. Il faut aller vite, très vite. Peut-être trop vite ce qui conduit à une certaine violence d'impatience. Mais finalement n'avons-nous pas un mauvais rapport au temps. N'est-il pas préférable d'ajouter de la vie au temps plutôt que du temps à la vie. N'est-ce pas une illusion de croire que plus nous aurons de secondes disponibles à dépenser, plus nous serons heureux. Donner plus de temps à la vie ne nous appartient pas. C'est la nature qui le décidera. Par contre donner de la vie au temps est du ressort de notre propre liberté. La qualité de l'occupation de mon temps m'appartient. C'est à moi, en lien avec celles et ceux qui m'entourent, de décider comment je vais l'occuper.

Alors plutôt que de courir après le temps, n'est-il pas nécessaire, voire vital, de reprendre le temps de vivre, de ne pas s'enfermer dans une spirale d'impatience. Finalement de laisser le temps au temps pour vivre de cette espérance qui habite au plus profond de nos êtres. Mais comment remettre de la vie dans le temps se demandent sans doute certains ? Tout simplement en réintégrant la mort dans la vie, en reconnaissant cette limite ultime et certaine par laquelle toutes et tous nous passerons sans exception. Nous ne sommes pas des êtres immortels, nous sommes des êtres appelés à recevoir l'éternité, don de Dieu par excellence. Telle est notre espérance de la mort. Comme le disait Alexandre (un jeune de notre commune), " Moi, la mort, j'y pense à luche. Ca me fout le cafard ". Je traduis : " Moi la mort, j'y pense beaucoup. Cela me donne le cafard ".

Et je le comprends car nous sommes là face à un mystère qui nous dépasse et dont nous ne savons rien par définition. La mort est un non-savoir par excellence. Nous ne pouvons qu'espérer et croire que Dieu nous proposera quelque chose de merveilleux où nous pourrons chacune et chacun poursuivre ce que nous avons commencé sur cette terre. Ce qui est en tout cas clair à partir de l'évangile de ce jour, c'est que la mort ne se mérite pas. Elle n'est pas une punition dues à certaines mauvaises actions. La mort nous surprend tout simplement parfois de manière paisible, parfois de façon tragique aussi et les événements en Espagne de cette semaine nous le rappellent. La mort nous surprendra toujours. Telle est notre condition humaine.

La vie nous a été offerte, ne soyons donc pas fatalistes car être fatalistes c'est subir les événements, c'est comprendre la vie comme un destin, à l'image de ces gens dans l'évangile. Or il n'y a rien de pire qu'un destin. Le destin se subit, la destinée se vit et s'accomplit. Dieu nous invite à vivre notre destinée. Cette dernière varie de personne à personne. C'est à chacune et chacun de découvrir sa propre destinée, son chemin d'accomplissement. C'est pour cette raison précise que la mort donne sens à la vie, car elle nous permet de vivre un recentrement sur l'essentiel. En d'autres termes, prendre conscience de sa propre mortalité, nous permet de vivre une conversion intérieure car s'il n'y a pas de fatalité, de déterminisme, mais bien une destinée, alors tout être humain peut accomplir son chemin de manière libre tout en prenant le temps. Il ne nous reste plus qu'à réintégrer la mort dans notre vie pour, tout simplement, ajouter de la vie au temps.

Amen.

3e dimanche de l'Avent, année C

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Avent
Année liturgique : C
Année: 2003-2004

Dans la vie religieuse, il y a quelque chose qui souvent me fait sourire. Ce sont les prénoms qui ont été donnés à certains d'entre nous. Je pense par exemple à ces s½urs qui s'appellent s½ur Jean-Albert, s½ur René, s½ur André-Thomas, s½ur Jean-Baptiste. Ce ne sont pas des prénoms qui féminisent la profession. Mais les hommes ne faisaient pas beaucoup mieux à l'époque.

Chez les dominicains, il y a une cinquantaine d'années, les frères ne recevaient pas des prénoms féminins. Heureusement pour eux. Je vois assez mal appeler un frère, frère Suzanne ou père Jacqueline. Non, chez nous, chaque année avait sa lettre. Par exemple, l'année du frère Louis Dingemans, la lettre choisie par le père-maître était le C.

C'est pourquoi, pendant de longues années notre frère Louis s'appelait le frère Constant. Je comprends que dès que l'occasion lui a été donnée, il a préféré reprendre non pas son nom de jeune fille mais son prénom de baptême : Louis.

A cette époque, on changeait de prénom car entrer dans la vie religieuse, c'était quitter le monde, c'est-à-dire changer de vie. Et nous voilà confrontés à une spiritualité dangereuse et surtout peu évangélique. Dangereuse car il est impossible de faire fi de son passé et de recommencer tout à zéro comme si une nouvelle vie était offerte. Nous sommes façonnés par notre histoire. Egalement une spiritualité peu évangélique car comme nous le révèle l'évangile de ce jour, à la question des différents groupes : " que devons-nous faire ? ",

Jean-Baptiste ne leur dit pas de tout quitter, de changer de vie. Il leur dit tout simplement ne changez pas de vie mais changer votre vie, c'est-à-dire vivez-la autrement, différemment. Voilà ce à quoi nous sommes appelés par la foi. Il est inutile de se mettre à rêver de ce que nous ferions si nous étions comme ceci ou si nous avions cela.

C'est non seulement inutile mais absurde car ce qui suit le " si ", ce n'est plus nous. Nous avons donc à devenir qui nous sommes. Qu'est-ce à dire dans un monde comme le nôtre qui prône ce mensonge d'une identité acquise à partir de nos avoirs, de nos possessions. Un peu comme si, parce que j'ai alors je suis. Erreur fondamentale car notre identité ne se construit pas sur nos envies, sur nos avoirs. Ceux-ci sont extérieurs à notre être. Non notre identité se construit à partir de qui nous sommes. Je n'ai pas à prétendre être qui je ne suis pas. C'est en nous et seulement en nous que se trouvent la réponse et les moyens qui vont nous permettre de changer notre vie.

Et l'évangile de ce jour nous apprend que Dieu ne peut se contenter de v½ux pieux. Devenons qui nous sommes à partir de ce que la vie nous a donné. Toutes et tous nous sommes capables de changer, chacune et chacun à son rythme. Et tout est là, en nous. Apprenons à nous connaître et à prendre conscience de toutes ces richesses qui habitent en nous. Si nous ne les voyons pas, espérons que nous rencontrons sur notre chemin des femmes et des hommes qui nous les feront découvrir. En ce temps d'attente où nous nous rappelons ce mystère de Dieu qui se fait homme, prenons le temps de changer notre vie pour être en cohérence avec Celui qui habite au plus profond de nous-mêmes et qui fait de nous son lieu de résidence sur terre.

Il est vrai que changer sa vie peut parfois donner l'impression de faire un grand saut dans le vide. Nous sommes en chute libre sauf si nous croyons que l'Esprit de Dieu nous accompagne et nous lie à lui pour que cette transformation intérieure se vive dans la joie. Changer sa vie, c'est donc être capable de se libérer de ses faux rêves, de l'abondance de ses avoirs, de ses jalousies. Ce n'est plus regretter ce que je n'ai pas mais rendre grâce de tout ce que j'ai déjà.

Dieu n'attend pas que nous fassions une révolution car la révolution fait table rase du passé. Il nous propose plutôt de vivre une évolution, une transformation en douceur à partir de ce que nous sommes. J'ai donc je suis est un leurre. Je pense donc je suis a une certaine valeur. Je deviens qui je suis, c'est la promesse du bonheur. Et ce dernier se découvre dans la joie que Dieu nous promet car elle est le moteur de nos transformations.

Alors si Dieu est Dieu et si je deviens qui je suis, cette joie doit inonder nos visages de lumière, une lumière divine qui nous rend crédible les uns vis-à-vis des autres. Si Dieu est Dieu et si je deviens qui je suis, attention à la tête que je donne à voir. Elle est le lieu de ma vérité. Elle est signe de ma capacité de changer ma vie. Alors, à toutes et à tous, à nos miroirs.

Amen.

3e dimanche de Pâques, année C

Auteur: Braun Stéphane
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : C
Année: 2003-2004

Nous voilà, une fois de plus, pris dans un superbe texte de st. Jean ! Texte qui se situe dans l'épilogue, tout a la fin de son l'Evangile. Ce texte en est donc un peu la conclusion, l'envoi. J'ai toujours aimé la peinture et les tableaux, parce-que dans un cadre, un artiste parvient a disposer des éléments, des couleurs, qui me font rêver, m'emportent dans un autre univers. Dans un tableau, ce n'est pas un petit détail qui me touche et me fascine, c'est l'ensemble, tout ce qui est dans le cadre. Bien que chaque détail ai son importance, sa place dans l'ensemble. Dans l'Evangile de Jean, lu aujourd'hui, il y a deux tableaux :

Le premier . Nous avons déjà vu en méditerranée ces petits bateaux pêchant la nuit avec des lampes pour attirer les poissons. Sur une barque, 7 pêcheurs s'ennuient car ils ne prennent rien. La nuit est longue. Je vois le tableau sombre rendant l'obscurité de la nuit et quelques lueurs sur une barque éclairant faiblement des pêcheurs somnolents .

Le deuxième : Le jour se lève. Un coin du tableau s'éclaire. Les 7 pêcheurs sont en pleine activité et essayent de remonter un filet plein a craquer (153 poissons !). Sur le rivage qui n'est pas trop loin un feu de braises avec quelques poissons et " quelqu'un ".

Que se passe t'il d'un tableau a l'autre ? Entre cette longue pêche de nuit sans succès et cette pêche miraculeuse ? Regardons ensemble tout ce qu'il y a d'extraordinaire dans ce deuxième tableau, tout ce que le peintre st. Jean a voulu nous communiquer.

Il y a là maintenant quelqu'un sur le rivage. Quelqu'un qu'il a fallu du temps a identifier. Quelqu'un qu'on ne reconnaît pas tout de suite mais qui est bien là présent, Jésus-Christ ressuscité. Et parce qu'Il est là, le deuxième tableau n'est plus le même que le premier. Ce n'est plus la nuit avec une barque et des pêcheurs somnolents. C'est l'aube. Le jour se lève. Quelque chose de nouveau commence. 7 pêcheurs sont en pleine activité et remontent un filet plein de 153 poissons. 153, le peintre aurait pu ne rien dire ou dire simplement " un filet plein a craquer ". Mais dans la bible, beaucoup de chiffres ont des valeurs symboliques et le jeu de leurs multiplications, additions ou soustractions a toujours un sens. Par exemple : 3 est le chiffre de Dieu, de la perfection (la trinité, le troisième jour,...). 4 est celui des hommes (les 4 points cardinaux, les 40 jours, ...).3+4=7 : chiffre sacré qui associe Dieu a l'humanité (les 7 jours, le chandelier a 7 branches, ...). 153 est une combinaison qui associe a la foi l'universalité (toutes les espèces, les races, ...)la quantité (une masse innombrable, le monde entier, ...) et la durée (l'infini du temps, l'éternité, ...). Il y a donc dans le filet le monde entier pour une pêche qui ne s'arrête jamais. 7 pêcheurs, alors que 5 sont cités nommément. Et si nous étions nous-mêmes appelés a être ces deux anonymes, a être nous aussi pêcheurs d' hommes ? Et puis ce filet ! On pourrait dire que les poissons sont prisonniers, captifs. Mais parce que Jésus est ressuscité, qu'Il est là, tout près, nous ne sommes pas captifs dans un filet mais captivés par quelqu'un de captivant. Un peu comme lorsqu'on lit un livre passionnant. On est pris, captivé par le livre. On ne sait plus en sortir tellement le récit est passionnant.

Alors, dans la mer, le monde, il y a de tout. Ceux qui sont dans le filet par hasard. Ceux qui se sont laissés captiver. Ceux qui se sont échappés. Ceux qui en étaient trop loin pour être pris. Ceux aussi qui sont restés accrochés a l'extérieur par une nageoire ou une écaille. Tous, nous sommes appelés, a notre rythme, a nous laisser prendre, captiver et a nous laisser entraîner sur le rivage devant un feu de braise...un feu de braise ! Nous avons étés séparés quelques mois, Marie-Noëlle et moi, au cours de nos fiançailles. Tous les deux jours, en alternance, on s'écrivait et recevait une lettre. On était amoureux, impatients de se donner et de se recevoir. On ressentait en soi quelque chose de brûlant et mystérieux. Je crois que c'est quelque chose du feu de braise sur le rivage. Ou encore : Après la fin de la veillée, au cours d'un camp louveteau, lutin, scout ou guide, quand on a fait le bilan de la journée, qu'on se sent plus proche les uns des autres, on peut rester longtemps a regarder le feu rougeoyant sans rien se dire, en étant bien ensemble, tout simplement. Je crois que c'est aussi quelque chose du feu de braise sur le rivage

Un feu de braises sur lequel grillent quelques poissons pour un repas, un partage, une communion avec le Ressuscité. Pour devenir a notre tour brûlants et nourriture. Des hommes et des femmes, de toutes espèces et en tous temps, captivés par la personne de Jésus-Christ, de son Evangile et captivants parce qu'ils L'ont découvert. Des hommes et des femmes rassemblés autour de ce feu avec le Ressuscité et priant son Esprit pour qu'en nous Il souffle sur les braises et toujours les réactive . C'est bien là, au delà des structures, l'image de l' Eglise, de notre Eglise, avec " E " majuscule ...et le très beau tableau de st. Jean.