7e dimanche de Pâques, année C

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : C
Année: 2003-2004

Quand j'étais enfant, j'étais toujours avide d'expériences scientifiques très sérieuses. Du moins, je le croyais. J'aimais mélanger les couleurs entre elles et en découvrir de nouvelles. Certaines étaient innommables, tellement elles étaient horribles mais il y avait ce bleu et ce jaune qui ensemble donnaient un si beau vert. Je m'étonnais de cela et je me demandais parfois s'il pouvait en être de même avec les êtres humains. Serai-je un jour capable d'aimer quelqu'un à ce point que je me fonderais en lui ? Une telle unité est-elle possible ou bien est-ce une utopie ?

Le poète Rainer Maria Rilke affirme que le partage total entre deux êtres est impossible. Il ne sert cependant à rien de s'enfermer dans une morosité car lorsque nous avons pris conscience de la distance infime qu'il y aura toujours entre deux êtres humains, quels qu'ils soient, une merveilleuse vie "côte à côte" devient possible, écrit-il. Une vie " côte à côte " et non pas une fusion. Il faudra, poursuit cet auteur, que les deux partenaires deviennent capables d'aimer cette distance qui les sépare et grâce à laquelle chacun des deux aperçoit l'autre entier, découpé dans le ciel. L'amour entre deux êtres peut être tel qu'ils peuvent presque devenir l'un l'autre. Mais il y aura toujours ce " presque ", cette distance aussi fine puisse-t-elle être qui les séparera. Il n'y aura donc jamais d'unité totale entre deux êtres humains. Nous atteignons ici une des limites de notre humanité. Je peux aimer, aimer tellement à ressentir tout ce que l'autre vit. Sa respiration peut même devenir mienne mais il y aura toujours ce quelque chose, cette infime rien qui m'empêchera de l'être complètement. Notre vocation humain n'est pas fusionnelle mais plutôt " côte à côte ".

Certains pourront me dire que mes propos vont à l'encontre des écrits révélés où il est dit que l'homme quittera son père et sa mère, s'attachera à sa femme et tous deux ne feront plus qu'un. Et ils ont raison tant que nous lisons cette phrase en français car le texte original dit quelque chose de différent. La traduction trahit le sens. En effet, dans le texte hébreu et grec, il est plutôt dit : " tous deux n'iront vers qu'un ". Il ne s'agit pas d'une fusion mais bien d'une nouvelle création, celle de la vie, d'une nouvelle individualité.

Nous sommes donc confrontés à la réalité des limites de l'intimité humaine, il est vrai. Mais par l'incarnation du Fils de Dieu, nous sommes appelés à répondre à l'appel de la vie et à accepter notre condition nouvelle et résurrectionnelle, celle de devenir pleinement enfants de Dieu. Filles et fils d'un même Père dans la foi. Tel est le sens de la prière du Christ entendue ce jour dans l'évangile : " que tous, ils soient un, comme toi, Père, tu es en moi, et moi en toi. Qu'ils soient un en nous ".

Ici, au c½ur de ce monde, nous sommes conviés à vivre d'une intimité exceptionnelle, une intimité illimitée. Enfants de Dieu par adoption, nous le sommes. Comme nous l'avons découvert, Dieu a choisi de venir inhabiter en chacune et chacun de nous. A l'occasion de l'Ascension, il est parti rejoindre le Père qui est en nous. Le Fils a pris résidence au c½ur de notre humanité. Nous sommes tabernacles vivants de sa présence. Dieu vit au plus intime de tout être humain, là où aucune autre personne ne peut nous rejoindre à ce point. Si je le souhaite, Dieu fait un avec moi. Il s'est établi au sein de ma conscience. C'est dans ce lieu précis que l'Esprit Saint est à l'½uvre et inspire mes actes et mes mots.

Dieu est au plus intime de notre intimité. Il inonde mon être de sa réalité divine et me rend par là plus humain, plus divin. Il est plus grand que mon c½ur et connaît toute chose. Avec Lui, je vis en permanence. Il est là, attendant que je parte à sa rencontre en moi. Je n'ai rien à lui cacher. Je n'ai plus à me mentir. Il est là, bien là en moi et il m'accompagne. Non pas comme une petite voix intérieure jugeant mes actions mais comme un ami qui avance avec moi sur le chemin de la vie. Il est vraiment au plus intime de mon intimité, là où personne ne peut venir tellement je suis au plus profond de mon être. Ce qui est impossible humainement, l'est par contre divinement. Oui, l'unité, l'intimité totale est possible entre deux êtres lorsque l'un est humain, l'autre divin. Que nous puissions alors vivre de cette unité divine en nous. Elle est le lieu par excellence d'une unité par délà toute compréhension.

Amen.

7e dimanche ordinaire, année C

Auteur: Gihoul Luc-Henri
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2003-2004

J'ai choisi avec votre Pasteure, de venir en dominicain, parce que cet habit, pour St. Dominique, était hautement symbolique. Dans l'habit blanc, dont la couleur biblique est réservée à Dieu, Dominique voyait un habit de lumière et l'exigence pour ses fils d'être dans le monde un reflet de la bonté divine. Habit de paix, car les hommes de guerre et les hommes d'affaires portaient l'habit court et le collant ; les gens de paix, l'habit long. Habit de pauvre, il nous rappelait que, dans notre ministère, nous étions de passage( un autre moissonnera...), et que nous devions aussi être toujours prêts à recevoir la lumière et la fraternité des autres. Le message des textes de ce jour va nous ramener à l'essentiel et être une leçon pour nous tous. Le premier texte nous donne un témoignage admirable de Pardon (1er livre de Samuel, 26,2). Celui de Paul ( 1Cor.15,15-19), nous rappelle qu'enfant de la terre, avec tout notre poids humain, nous sommes cependant devenus enfant du ciel sous le souffle de l'Esprit. Et l'extrait de l'Evangile de Luc nous livre toute une prédication donnée par Jésus dont l'évangéliste avait vu l'importance puisqu'il l'insère directement après sa version des Béatitudes. Les conseils évangéliques du Seigneur sont centrés sur le primat de la charité. Ici aussi, il est question de miséricorde et de pardon, non d'un amour facile ou à fleur de peau, non d'amour calculateur ou ergoteur, non de bonté vécue avec une âme crochue qui rentabilise la générosité.

La charité fraternelle ! Quintessence du christianisme ! Premier témoignage rayonnant du disciple et propre de l'agir chrétien. De tout cela, nous sommes persuadés, mais comme cet amour de l'autre est difficile et comme il est exigeant de s'harmoniser entre nous ! Toutes les religions proclament l'amour de Dieu comme premier. Toutes les philosophies s'honorent de l'amour du prochain, et même du pardon des offenses et de l'amour des ennemis. Des spéculations des Upanisads au thème de la bienveillance chez le bouddha, de la loi d'or des rabbins juifs ( Hillel notamment), au thème du respect chez Lao Tsu, de la compassion chez les stoïciens et les pythagoriciens à la présence de la « miséricorde » d'Allah dans le Coran ! Mais, ce qu'il y a d'unique et d'original dans le christianisme, c'est ce lien que Jésus met entre l'amour pour Dieu et l'amour du prochain. Jamais, nulle part ailleurs, ce lien n'est aussi fortement marqué. L'originalité du christianisme c'est cette relation établie entre l'amour fraternel et notre propre amour de Dieu et la signification donnée à l'amour.

Dans l'amour d'autrui, Dieu devient réel pour l'homme, Dieu devient personne pour l'homme. Si Dieu est lui-même, indépendamment de nous, plénitude et absolu d'amour ; si le Tout-Autre est une intériorité absolue de conscience et d'amour, si Dieu est autre chose que la somme de toutes nos amours de charité, pour nous, il devient réel et personnel à travers nos frères. Il faut être frères entre nous pour que Dieu soit réellement Père pour nous. Il faut faire la fraternité humaine sans cela la paternité divine est dépourvue de sens. Le danger de toute religion est de s'illusionner sur Dieu. Nous croyons « penser » à Dieu d'autant plus que, parfois, nous ne pensons qu'à lui et à personne d'autre. Nous sommes pleins d'élan vers lui, pris dans des bouffées de piété qui nous isolent en Lui. Mais, dans le christianisme, quand nous disons à Dieu » Tu es mon Dieu, tu es mon Tout. » Jésus répond » Ton prochain est aussi ton Dieu, ton voisin, c'est moi ! ». Quand nous vivons une paisible intimité avec Dieu, Dieu nous ramène ou nous lance vers nos frères. Nous n'aurons pas plus d'amour réel pour Dieu que nous n'aurons de compassion concrète pour nos frères. Nous ne serons pas plus près de Dieu que nous ne le serons du prochain. 64 fois, dans l'évangile, Jésus parle de l'amour du prochain, beaucoup plus que de l'amour pour Dieu. Jésus en parle toujours comme du signe de l'amour du disciple pour son Dieu. Ainsi le mystère de la charité fraternelle s'enracine bien dans le mystère de l'incarnation. Un autre aspect fait aussi l'originalité chrétienne de cette charité. C'est la valeur eschatologique de cet amour. Vous connaissez le critère du jugement dernier chez Matthieu (25-31 : vêtir, nourrir, désaltérer, visiter son frère, c'est ...Jésus). Nous savons aussi par St. Jean que le but de l'aventure humaine, c'est l'unité de tous en Dieu dans l'amour du Père. (Jean 14 au chap. 17 que le pasteur protestant luthérien David Distractus appelait la « prière sacerdotale »). Nous pouvons affirmer que dans un monde où l'homme n'a plus assez confiance en l'homme pour éviter que les différends ne se règlent dans la haine et le sang, nous, nous croyons que quelque chose tient bon à quoi l'espérance peut se raccrocher. Nous croyons à « la force d'aimer », à la promesse que le monde pécheur ressuscite et entre dans la rédemption de par un seul geste d'amour vrai. Le plus petit geste d'amour, le plus méprisé ou le plus inconnu, le plus méconnu ou le plus bafoué, va dans le sens de l'histoire Il fait aboutir l'histoire humaine et la fait basculer en Dieu. Tout ce qui, par la médiation du c½ur de l'homme à été consacré et offert au Seigneur, sera éternellement récupéré par Dieu, repris dans la grande récapitulation christique dont parle St. Paul. C'est là, la foi qui donne à notre amour sa dimension d'éternité. L'amour est premier parce qu'il incarne Dieu parmi nous, à l'instar du Christ, et parce qu'il construit le Royaume. Pourquoi s'aimer sinon parce que Dieu s'est identifié à chacun d'entre nous et qu'il nous a confiés les uns aux autres et que nous sommes tous semblables.

Dieu s'est confié à nous dans et par nos frères. « Ce que vous faites aux plus petits des miens... » Dans une flaque d'eau, on peut voir un peu d'eau sale, boueuse, nauséabonde, mais dans la même flaque d'eau je puis voir le reflet du ciel et l'image du soleil. Dans les autres, je puis apercevoir leurs limites, leurs défauts mais mieux, regarder leurs vertus et qualités. Il n'est alors pas possible de ne pas avoir de la sympathie pour un enfant de Dieu quand on y voit la force sacrée du Père.

Dieu nous a confiés les uns aux autres. Il nous dit que par là, il veut notre bonheur puisque seul l'amour rend heureux et que nous ne pouvons rendre un être meilleur qu'en le rendant heureux ! Lorsqu'on partage un gâteau il diminue. Lorsqu'on partage un toit rien ne change, tout reste en place. Par l'affection, il en est autrement de nos joies et de nos peines. Mettre ses joies en commun et connaître ce mystère de les voir grandir et se multiplier ! Mettre ses peines en commun et connaître ce mystère autrement étrange de les voir s'amoindrir et diminuer ! Par l'amour, Dieu nous confie les uns aux autres et, c'est là, vivre ce que nous connaissons ce matin entre nous. En effet, aimer c'est connaître l'émotion née de la joie d'être ensemble et ressentir une promotion de soi-même par l'accueil d'autrui.

Nous sommes tous pareils et, cependant, tous différents. Oui, il n'y a pas d'ange parmi nous. Ce mystère de l'ambiguïté humaine, St. Paul l'avait déjà perçu : « je ne fais pas le bien que je voudrais faire et je fais le mal.... Ambiguïté : source de nos heurts et de nos déchirements, fondement de nos différences ! Si nous nous demandons pourquoi il est si difficile de nous aimer et de cheminer en harmonie l'un vers l'autre, il faut bien reconnaître que cela réside en nos différences. Différents par l'âge, par l'éducation, l'intelligence, la santé et notre niveau moral et spirituel. Nous posons les problèmes différemment et nos solutions sont diverses, voire divergentes ou opposées. Ayant des vécus différents, il nous est parfois pénible de dialoguer. Nos sensibilités et nos options nous séparent. Il n'y a pas que l'adolescent qui aime en copiant l'autre. Le fan imite sa vedette. Il reproduit sur lui la coiffure, le maquillage, l'habillement de sa star favorite. Il aime par clonage. Il en va autrement de l'adulte. Adulte, nous comprenons que loin d'éliminer nos distinctions et de minimiser nos différences, nous devons être de plus en plus respectueux de ces distinctions et attentifs à ces différences car elles constituent les seuls chemins et les meilleures pistes pour aller à la découverte de l'autre, de ce que mon frère ou ma s½ur sont en tant qu'autre. Ce tout différent de moi, cet au-delà de moi-même.

La difficulté de s'harmoniser à son origine dans nos différences ! Evoquons dès lors l'importance de la relation conflictuelle. Dans un monde où tout est construit sur des rapports de force, où seul le « battant » triomphe, il est urgent de redonner son sens réel et humain au conflit. Sachons d'abord qu'une relation affective n'est jamais totalement harmonieuse. Elle est faite de oui et de non, de pour et de contre, d'attrait et de retrait. L'ordre de l'amour est un lieu d'interaction avec ses moments fusionnels et ses ajustements et réajustements constants.

Mais le conflit n'est pas la guerre. La guerre, c'est la domination de l'un par l'autre, la destruction de l'adversaire, l'élimination de l'autre, la mort de l'ennemi. Le conflit dont il est question, lui, entre gens qui fondamentalement se respectent ou s'estiment, invite à approfondir nos convictions, à repenser notre point de vue, à percevoir le bien-fondé de l'opinion de l'autre. S'il y a conflit c'est qu'il n'y a pas indifférence. L'amour indifférent laisse périr son objet. L'amour possessif l'étouffe et le tue. L'amour oblatif, seul, le promeut. Le conflit invite à réfléchir à tout ce qui nous unit, à inventer des solutions originales. L'amour ça rend débrouillard. Il faut faire de nos crises des crises de croissance.

Il nous faut aussi évoquer, comme les textes le suggèrent le pardon. On dit que les femmes pardonnent mais n'oublient pas. Que les hommes, eux, sont tellement égoïstes qu'ils oublient au lieu de pardonner. Les femmes auraient trop de mémoire et les hommes si peu d'intérêt pour les autres qu'ils oublieraient même de leur en vouloir. Je pense que nous valons plus et mieux qu'un tel jugement ! Mais, cela révèle la confusion que nous faisons entre oubli et pardon. Comment pardonner si l'on a tout oublié ? Pardonner, c'est refuser de se venger et de laisser la faute et la blessure rayonner en nous. Le pardon, c'est la mémoire généreuse du passé. Le pardon n'oublie pas, il traverse, il dépasse. Le mal commis reste. La blessure ancienne n'est pas supprimée mais, elle n'est plus source de grief, de revendication, de vindicte ou de vengeance. En théologie, l'excuse n'existe pas mais bien le pardon. Là où l'excuse prétend oublier, le pardon, lui, n'oublie jamais. Toutes les paraboles qui abordent le pardon montrent le Christ regardant les choses en face et l'accusé ou le pécheur. Ensuite, il s'agit de prendre conscience de la faute, de tenir compte de ce qui nous y a amené pour y échapper et continuer à avancer. Le pardon implique le partage de la faute. C'est la question de la réconciliation et de la réciprocité qui est sous jacente ici. Se réconcilier, c'est accueillir le pardon de l'autre. C'est le lui offrir et l'accueillir, l'un et l'autre sont difficiles. C'est là une humble demande, comme dans la formule de politesse : » Je vous prie de m'excuser » et non « je m'excuse »... L'offensé qui pardonne, coupe les liens qui retenaient l'offenseur dans sa faute. Par le pardon, je ne reste pas emprisonné dans le ressentiment, la ranc½ur ou la récrimination. J'assume le passé douloureux pour en changer les conséquences. Le passé cesse de condamner le présent. La faute cesse d'hypothéquer l'avenir. Je ne réduis pas mon frère à sa faute, je lui ouvre un espoir pour vivre. Je le restitue à sa propre liberté, à sa dignité. Pardonner c'est proclamer qu'un avenir est toujours ouvert. C'est affirmer ne jamais désespérer de mon frère. Quand Jésus pardonnait, il réintégrait le pécheur dans une vie sociale nouvelle, dans une vie fraternelle et festive.

Ouvrons-nous au pardon par l'humilité, c'est à dire par la connaissance de nos propres limites et la reconnaissance de nos propres fautes personnelles. Comprendre est toujours anti-inflammatoire. Par la compréhension nous ne sur valorisons pas la blessure reçue et la faute n'arrive plus à défigurer en l'autre la force sacrée de Dieu. Faisons cet accord tacite entre nous, entre personnes qui s'aiment bien, et quelle que soit la situation, de toujours faire le premier pas. Sachons montrer à l'autre que nous ne lui en voulons pas et dépasser la peur d'être rabroué si nous avons mal agi envers lui en connaissant qu'il vit, en miroir, la même situation, la même réticence à faire le premier pas ou la peur d'une réaction négative toujours possible. Et lui, ému et reconnaissant se jettera dans nos bras. C'est là l'accord tacite dont il est question.

Enfin, on nous dit toujours qu'il faut aimer les autres. Mais, pour aimer bien, il faut être aimable, capable d'être aimé. Pour bien aimer, commençons par nous aimer nous-même. Il faut être doux envers soi-même. A vivre 24h/24 avec soi-même, nous nous trouvons parfois « insupportable ». Or, les gens mécontents d'eux-mêmes accablent toujours leur entourage. Notre entourage « paye » toujours notre manque d'équilibre personnel. Pour nous bien aimer voyons nos qualités non comme des privilèges qui nous donneraient des avantages, des pouvoirs et des droits mais comme des exigences, créatrices de devoirs et ouvertes aux services. Quant à nos défauts, il faut, à la fois ne pas en prendre son parti et cependant ne pas s'acharner contre ses limites. Ne nous laissons pas étouffer par nos défauts. Certes, nous sommes toujours enracinés dans notre passé, à nous de ne pas nous y enchaîner ...surtout s'il fû défectueux. Nos fautes, confions-les à Dieu. Lui néantise le mal quand il pardonne.

Si nous nous offrons de réaliser ce programme auquel nous invite la Parole de Dieu, nous pourrons vivre ce v½u que je vous adresse, ce souhait à incarner : que ceux qui vous côtoient soient heureux ! Que ceux qui vous quittent soient meilleurs !

Ascension

Auteur: Pirson Pierre
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : A, B, C
Année: 2003-2004

J'avais un ami, il est mort il y a quelques années déjà, qui avait l'habitude de dire : " Ferme les yeux et tu verras ". Ferme les yeux si tu veux comprendre ce qu'ont vécu les disciples à partir du troisième jour après la mort de Jésus. Ferme les yeux ; n'essaie pas de te représenter la résurrection et, a fortiori, l'ascension comme une séquence de cinéma à la Mel Gibson ou même à la Bergman.

" Jésus ressuscité apparaissait à ses disciples. " Avec l'arrestation de Jésus, les procès bâclés, les tortures, la mort et la mise au tombeau les disciples ont vécu trois journées terribles de désespérance. Dieu semble avoir vraiment abandonné, renié celui qui prétendait venir de lui et parler en son nom. Ensuite, à partir du matin de Pâques, des rencontres multiples, fortuites se succèdent ; des expériences que les disciples se transmettent les uns aux autres et qui entraînent une conviction de plus en plus profonde : " Il est vivant !

Dieu ne l'a pas abandonné. " Jésus reste présent, actif, attentif à tous ceux qu'il a connus auparavant. Alors, ils se rappellent les événements proches ou plus anciens de sa vie ; ils les mettent en relation avec ce que les Anciens ont transmis dans les livres saints entendus chaque sabbat à la synagogue : " il fallait que s'accomplisse ce qu'annonçait l'Ecriture ". En l'espace de quelques jours, on constate dans la vie des disciples, un retournement total et subit de leurs comportements et de leur vision des choses. La plupart s'étaient enfuis et se cachaient, morts de peur. A partir de Pâques, bravant tout obstacle et toute crainte, ils proclamant : Il est Vivant ; ce que nos yeux ont vu, ce que nos mains ont touché du Verbe de Vie, nous vous l'annonçons : Christ est ressuscité, Christ est vivant. En lui, vous aurez la vie.

Le mystère de la Résurrection a comme deux faces : - La résurrection proprement dite : Christ est sorti du tombeau ; il a vaincu la mort ; sur lui la mort n'a plus d'emprise ; il est désormais présent à chacun ; je serai avec vous. - l'autre face : Christ est entré dans la gloire du Père ; il est vivant en Dieu. Cette vie nouvelle il la communique à qui reçoit le message et croit en lui. Résurrection et ascension sont deux facettes d'une unique réalité : Celui qui fut mis à mort est vivant ; il vit désormais en Dieu.. L' ascension est moins un événement qu'on pourrait dater dans l'histoire ; c'est plutôt l'expression, la représentation de cette réalité : il vit en Dieu.

Luc nous a donné deux récits de l' ascension : le plus connu, celui des Actes des Apôtres où il parle de 40 jours. L'autre, finale de son évangile que nous venons d'entendre. Je vous invite, ce soir, demain, à prendre votre bible pour lire avec un peu d'attention le chap. 24 de Luc : le départ de J., l' ascension. semble situé au soir ou au lendemain de Pâques. Vous découvrirez la même chose en lisant l'évangile de Jean. Les 40 jours sont donc moins à entendre en temps réel que comme représentation d'une période symbolique : temps privilégié de rencontres avec le ressuscité, d'expériences qui ont fait entrer les disciples dans une vision nouvelle des choses, et qui ont totalement transformé leurs vies. " De cela nous sommes témoins ".

A partir de là, le message s'est transmis de génération en génération, jusqu'à nous, qu'on pourrait appeler les disciples de deuxième main, tous ceux qui n'ont pas vu et touché, mais qui sont appelés à une expérience proche de celle des disciples : rencontre et certitude de la présence du ressuscité ; partage, avec lui, de la vie de Dieu : eucharistie, prière, le reconnaître dans un autre... Vivre cela, en être témoins. Saint Paul l'exprime dans une formule forte mais aussi un peu hermétique. " Nous le visage dévoilé, nous reflétons la gloire du Seigneur. Ns sommes transformés en cette même image avec une gloire toujours plus grande par le Seigneur qui est Esprit. " Explication : quand quelqu'un est amoureux, il ne peut pas le cacher ; cela transparaît sur son visage ; ses yeux, sont sourire en sont comme illuminés. Vivre de la conscience et de la présence du Ressuscité dans nos vies ne transparaît pas nécessairement dans nos traits, mais bien dans nos façons de vivre. C'est ce qu'exprime à sa façon Guy Gilbert. Il n'est pas père de l'Eglise ou théologien ; mais il a le génie dire de façon simple des choses non compliquées, et finalement très simples : " Vivre de telle façon qu'à ma seule façon de vivre on pense que c'est impossible que Dieu n'existe pas. " Ferme les yeux et tu verras ! Ferme les yeux et tu vivras.

Baptême du Seigneur, année C

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps de Noël
Année liturgique : C
Année: 2003-2004

C'est fou ce que le temps passe vite. Même parfois trop vite. Dire que la semaine passée, nous étions toujours à la crèche nous joignant aux mages venus rencontrer Dieu nouveau-né. Et voilà qu'en quelques jours, nous avons traversé le temps, environ trente ans. Le temps nécessaire pour passer de l'Epiphanie au Baptême de Jésus.

Il y a eu toutes ces années dont nous ne savons pour ainsi dire rien : une fuite en Egypte, une visite au temple de Jérusalem quand l'enfant avait douze ans puis silence radio sur toute la ligne et voilà qu'il réapparaît aujourd'hui, prêt à commencer une nouvelle étape de sa vie. Dieu était né à la crèche et il est re-né dans l'événement de son baptême lorsque Dieu lui annonce : " c'est toi mon fils bien aimé ; en toi, j'ai mis tout mon amour ".

Une différence existe cependant entre le baptême du Christ et le nôtre : Jésus a effectivement attendu de nombreuses années avant de vivre son baptême alors que pour la majorité d'entre nous, nous sommes un peu comme Obélix, le compagnon d'Astérix, tous deux nés d'ailleurs le même jour comme nous avons pu le découvrir dans leur dernier album sorti il y a quelques semaines. Oui, nous sommes un peu comme Obélix, car, en ce qui concerne le baptême, nous sommes tombés dedans quand nous étions petits. Pour beaucoup, nous n'avons pas choisi d'être baptisés, c'était la décision de nos parents. Mais notre présence en ce lieu est signe de la ratification de cette décision. Par cet acte, nous tenons à montrer que nous avons décidé de traverser notre vie différemment.

Par notre baptême, toutes et tous nous sommes porteurs et donneurs de vie là où nous sommes, avec tout ce que nous avons reçu. Le baptême nous a rendu vivants dans la vie, c'est-à-dire que nous désirons renoncer à tout ce qui pourrait l'abîmer voire l'éliminer. Je pense à la haine, au racisme, à la vengeance, à l'injustice, au mensonge et à bien d'autres choses encore qui nous détournent de notre finalité et nous entraîne vers une vie mortifère.

Il est vrai, comme le dit l'humoriste, la vie est une maladie mortelle, incurable. Triste perception de la vie alors que notre baptême nous convie à vivre une vie vivante, c'est-à-dire une vie qui conduit au bonheur. Tel est le sens du salut proposé à tout être humain dans les mots de saint Paul : " La grâce de Dieu s'est manifestée pour le salut de tous les hommes ". Jésus vient nous sauver, il est le Sauveur. Le Sauveur et non le Sauveteur.

C'est ce que certains théologiens ou liturgistes n'ont toujours pas compris lorsque nous trouvons aujourd'hui encore dans notre rituel de baptême des phrases telles " pour nous libérer du pouvoir de Satan... ; pour que l'homme arraché aux ténèbres... ; ou encore, ces enfants rachetés du péché originel ". Quelle conception négative de la vie à l'image des visages de ces théologiens au regard triste tellement ils portent le poids du monde sur leurs épaules. Ils ont tout simplement oublié que cela avait déjà été fait il y a deux mille ans et que grâce à la résurrection du Christ, nous pouvons maintenant vivre une vie vivante et non plus une vie mortifère. La vie vivante nous est offerte par un Sauveur.

Oui, le Christ est venu nous sauver, c'est-à-dire nous montrer un chemin de vie, un chemin d'amour et de bonheur, un chemin de réalisation de chaque être humain pour que tout homme, toute femme, tout enfant puisse pleinement participer à la grande aventure du salut de Dieu. Par le baptême, nous sommes renouvelés dans l'Esprit Saint, c'est-à-dire que nous sommes renés en Dieu à la vie. Dans notre pays, il y a quelques années lorsque nous voulions décrire des gens peu ou mal éduqués, nous les appelions des " ronny ".

Aujourd'hui, les chrétiens du monde entier pourraient être dénommés des " rené ". Tel serait notre second prénom qui s'adjoindrait à celui que nous avons reçu à notre naissance. Comme si nous avions tous un prénom composé. Même si cela peut faire sourire, toutes et tous par notre baptême nous sommes des re-nés en puissance. Mais des re-nés à la vie, des re-nés à la beauté de l'existence, des re-nés à l'aventure divine. Voilà ce que notre Sauveur est venu nous offrir. Grâce à cette renaissance nous possédons dans l'espérance l'héritage de la vie éternelle.

Quel optimisme dans le plan de Dieu pour sa création entière ! Quittons alors ces images négatives de la foi et laissons la grâce divine faire son ½uvre en nous pour que les effets de notre baptême se lisent dans la lumière souriante de nos yeux. Nous sommes donc chacune et chacun devant un choix : vivre une vie mortifère en quête d'un Sauveteur ou vivre une vie vivante à la suite du Sauveur. Notre baptême ne nous laisse cependant pas la possibilité de choisir. Dieu nous appelle à vivre la vie. Ne dit-il pas : " je suis venu pour que vous ayez la vie, la vie en abondance " ?

Amen.

Commémoration de tous les fidèles défunts

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A, B, C
Année: 2003-2004

C'est un peu comme un déchirure, une blessure qui n'arrive pas à cicatriser puisque chaque fois que je pense à lui, que je pense à elle, mon c½ur se remet à saigner de plus belle. Un peu comme si une partie de mon être m'avait été arrachée, enlevée à jamais. J'ai le sentiment d'être devenu un océan. Parfois, en moi, le calme et la sérénité règnent et d'autres fois, je me sens emporté par des vents violents qui secouent mon être tout entier. Je passe de la chaleur des souvenirs heureux à l'ouragan de l'absence et du silence. Avec toujours cette question lancinante : ceux que nous avons aimés, nous entendent-ils, nous voient-ils ? Parfois, j'ai le sentiment de ressentir une présence éternelle, parfois, je me sens si seul et confronté à l'expérience du vide, du néant.

Face à de telles questions existentielles, nous n'avons pas de réponse certaine. Il n'y a aucune certitude vis-à-vis de la mort. Est-ce la fin d'une vie à jamais ou plutôt la poursuite de ce que nous avons commencé sur cette terre ? Est-ce un trou noir dans lequel ils ont sombré ou plutôt une lumière où ils vivent en plénitude dans le c½ur et la tendresse de Dieu ? Rien ne peut être dit à ce sujet de manière absolument sûre. Personne ne peut prétendre à la vérité de la mort sauf celles et ceux qui y sont entrés. Mais un tel savoir leur est-il vraiment réservé ? N'avons-nous pas, nous qui restons ici bas, le c½ur en tristesse, la possibilité d'entrevoir un coin du voile de ce mystère. Ni les sciences, ni aucune connaissance, ne peuvent nous aider.

Toutefois, nous n'avons pas à nous enfermer dans le découragement car si la connaissance ne peut nous éclairer. Il nous reste l'espérance de notre croyance, de notre foi. Connaissance et croyance sont deux champs de notre intelligence de c½ur qui s'éclairent l'un l'autre mais ils ne peuvent se confondre. Lorsque je connais, je sais. Lorsque je crois, j'espère et je cherche à comprendre ce mystère qui habite au plus profond de mon être. Cette croyance s'illumine par les lectures de ce jour. En effet, y a-t-il plus belle espérance que les paroles du Livre de la Sagesse : « les âmes des justes sont dans la main de Dieu. Ils sont dans la paix. Leur espérance est pleine d'immortalité. Ceux qui sont fidèles demeureront auprès de lui dans l'amour ». Si nous prenons ces mots inscrits avec l'encre de Dieu dans ces pages de la Bible au sérieux, nous pouvons nous apaiser les uns les autres et nous dire ou redire que là où ils sont, celles et ceux que nous avons aimés vivent la plénitude de la paix divine. Prendre de telles paroles au sérieux, tel peut être le sens de notre foi. Foi en une vie qui ne se termine pas. Foi en une vie, commencée sur cette terre et qui se poursuit dans l'au-delà de Dieu. Foi en ce don offert à chacune et chacun de nous qu'est l'éternité divine.

Prenons alors le temps, de temps en temps de méditer ces phrases d'espérance telles qu'elles nous ont été livrées dans la Bible. S'il est vrai que nous pouvons nous réjouir de la lumière dans laquelle ils sont entrés, cela n'enlève hélas pas grand-chose à la douleur de ceux qui restent. Je me réjouis que tu sois où tu es mais nous avions encore tellement de chose à vivre ensemble, à partage, tant de je t'aime à se dire. Je n'arrive toujours pas à me consoler en reconnaissant le bien-être dans lequel tu as ressuscité. Ta déchirure est et reste profonde en mon c½ur. Je saigne de solitude car la mort arrive trop souvent trop tôt. Elle me semble injuste et je souffre. Puissions-nous alors, à l'instar des disciples d'Emmaüs, vivre avec cette espérance que l'Esprit de Dieu nous accompagne également dans ce chemin d'apprentissage de l'absence. De quelle manière, sommes-nous en droit de nous demander ? Tout simplement en prenant conscience que Dieu inhabite en chacune de ses créatures. Nous sommes images, mains et yeux de Dieu sur cette terre.

Le Dieu de Jésus Christ se révèle en chacune et chacun de nous. Il passe par nous. Il a besoin de nous. Nous sommes parcelles de divinité terrestre. C'est dès lors à nous de nous lever, d'entourer et d'accompagner celles et ceux qui vivent l'expérience d'une séparation dans la mort. C'est à nous qui sommes confrontés à la douleur de l'absence, d'ouvrir les yeux et notre c½ur, et de repérer celles et ceux qui vivent autour de nous et qui nous portent dans ce lent apprentissage du silence de l'être aimé. C'est de cette manière que Dieu nous prend la main. Elle passe toujours par un autre humain. Alors, nous pourrons nous aussi nous dire : « notre c½ur n'était-il pas brûlant ? ». Amen.

Dimanche de Pâques

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : A, B, C
Année: 2003-2004

Pilate. Voilà un personnage bien sympathique, propre sur lui. Il va même jusqu'à se laver les mains en public. Dans un roman plutôt récent, celui-ci s'interroge sur le sens de tous les événements que nous venons que commémorer et demande à son épouse : " S'il est bien Fils de Dieu, comme il le prétend, pourquoi ne pas demeurer parmi nous à jamais ? Et par là nous convaincre. Et nous faire vivre dans le vrai. S'il restait éternellement sur terre, personne ne douterait plus de son message ". A cela l'épouse rétorqua que Jésus n'avait aucune raison de s'installer. Il suffit qu'il soit venu une fois. Car il ne doit pas apporter trop de preuves. S'il se montrait clairement, continuellement, avec force et évidence, il contraindrait les hommes, il les obligerait à se prosterner. Or il a fait l'homme libre. Il tient compte de cette liberté en nous laissant la possibilité de croire ou de ne pas croire. Peut-on être forcé d'adhérer ? Peut-on être forcé d'aimer ? On doit s'y disposer soi-même, consentir à la foi comme à l'amour. Le Fils de Dieu nous respecte. Il nous fait signe par son histoire, mais nous laisse libre d'interpréter les signes. Il nous aime trop pour nous contraindre. C'est parce qu'il nous aime qu'il nous donne à douter. Cette part de choix qu'il nous laisse, c'est l'autre nom de son mystère. " (Cfr. E.-E. Schmitt, L'Evangile selon Pilate, Paris, Albin Michel, 2000, p. 331-332).

Voilà un des sens de la résurrection. Un peu moins de deux mille ans après ces événements, nous nous trouvons comme les premiers disciples face à un tombeau vide. Cette vacuité, ce sentiment d'absence peut nous donner un certain vertige de silence inhabité par rien, absolument rien. Nous sommes devant un choix : celui de croire ou de ne pas croire ce qui est arrivé. Dépasser l'incompréhensible parce qu'indicible pour nous laisser envahir par un mystère qui nous surpasse complètement. Un mystère dont le sens ne peut se prouver, voire s'éprouver qu'en Dieu lui-même. C'est pourquoi, nous devons d'abord décider de choisir.

Choisir de croire que le Fils de Dieu est bien venu sur cette terre et qu'il est mort et ressuscité. Par sa mort, il a vaincu la mort et de la sorte, il nous fait le don de la vie éternelle. Dieu a achevé l'½uvre de sa création. Face au tombeau vide, nous sommes conviés à nous laisser émouvoir par l'amplitude du don divin. A l'instant de la Création, le Père avait fait de chacune et chacun de nous des êtres créationnels, c'est-à-dire des êtres capables de Dieu au sens où il nous avait donné un mandat : celui de nous conduire ainsi que le monde vers leurs accomplissements respectifs. Aujourd'hui dans l'événement de la Pâques, le Christ nous fait entrer dans une nouvelle dynamique.

Non seulement nous sommes capables de Dieu, mais nous devenons également capables de résurrection. Le Fils de Dieu achève l'½uvre de Création du Père en faisant de nous des êtres résurrectionnels, c'est-à-dire des êtres qui choisissent de Le suivre car ils vivent avec cette conviction intime et profonde que la mort a été vaincue, que la mort de la mort est un des nouveaux noms de la résurrection. En d'autres termes, le signe du tombeau vide nous indique la promesse d'un salut, d'une vie éternelle, d'une résurrection. Non seulement, celle de Dieu mais également la nôtre. Un peu comme s'il nous disait de ne pas trop nous préoccuper de la mort, car elle n'a finalement plus de puissance sur nous.

La foi en la vie éternelle n'est pas quelque chose d'anodin, elle signifie prendre la vie au sérieux et la vivre jusqu'au bout. La vie éternelle nous oblige à goûter pleinement cette vie, avec ses joies, ses responsabilités mais également ses peines. Notre vie n'est pas une roue qui tourne sans fin mais une flèche qui a une direction. Dans la foi, notre vie vaut la peine d'être vécue, à chaque instant qu'il nous est donné de vivre. Une vie vécue dans la confiance devant quelque chose que nous ne pouvons pas nommé tellement elle reste mystérieuse pour notre intelligence.

Nous sommes des êtres capables de Dieu, des êtres capables de résurrection, des êtres qui se réjouissent pleinement de la vie terrestre car nous avons en nous cette conviction que quelque chose d'ici se poursuivra dans l'au-delà. Mais ça, c'est d'abord une question de choix. A chacune et chacun de décider si ce qui s'est passé il y a tant d'années est bien vrai, si ce qui va au-delà d'une certaine historicité comporte bien le don de la divinité. Dieu en nous offrant aujourd'hui encore son tombeau vide, nous laisse la liberté de choisir. C'est par l'exercice de notre liberté que nous devenons des êtres résurrectionnels. Alors et alors seulement, le tombeau est tout habité de la présence divine.

Amen

Epiphanie

Auteur: Coulée André
Temps liturgique: Temps de Noël
Année liturgique : A, B, C
Année: 2003-2004

L'Epiphanie - manifestation - c'est la fête de Noël, mais enrichie aux confins du monde. D'ailleurs, avant le 4ème siècle, Noël était célébré le 6 janvier, date actuelle de la fête de l'Epiphanie. La tradition orthodoxe continue à faire de l'Epiphanie une Noël amplifiée, comme un feu d'artifice de Noël aux couleurs de l'arc-en-ciel.

En effet l'histoire des mages (ils ne sont pas dit rois), férus d'astrologie, ouvre Noël aux diverses cultures de nos continents, du moins des continents connus à l'époque. Ce qu'apportent ces étrangers à la crèche diversifie l'hommage donné par les peuples, qu'ils soient pauvres comme les bergers ou plus riches comme les mages.

Tous reconnaissent en cet enfant Dieu qui se manifeste inséré dans un corps humain. Je dirais que la grâce que nous apportent les mages, c'est de nous ouvrir nous aussi aux cultures différentes et d'entrer dans ce mouvement initié par Dieu : prenant corps d'homme, Dieu se met à la disposition de tous les êtres humains et nous entraîne dans cette ouverture. C'est bien ce que St Paul dit dans l'extrait - prévu comme deuxième lecture " - de sa lettre aux chrétiens d'Ephèse : " Ce mystère, Dieu ne l'a pas fait connaître aux hommes des générations passées comme il vient de le révéler maintenant par l'Esprit à ses saints apôtres et prophètes, à savoir que toutes les nations sont admises au même héritage, membres du même corps, associées à la même promesse en Jésus-Christ ".

Ainsi donc la révélation majeure de cet événement présenté comme historique, c'est que le salut en Jésus-Christ est offert à tous. Dieu aime tout homme, toute femme, sans discrimination. La preuve c'est que ces étrangers au peuple d'Israël pour qui seul, croyait-on, viendrait le messie, ils sont accueillis ; Dieu les laisse entrer et plus encore accepte leurs cadeaux, ce qui signifie qu'il les accepte eux-mêmes comme étant chez eux. Ainsi donc tous, venant de chemins différents, avec des cultures différentes et des conceptions différentes, se présentant dans leur diversité, sont introduits dans l'histoire naissante du salut. Ces étrangers ont leur place dans la crèche. Alors, quand nous chantons " laisserons-nous dans nos églises une place à l'étranger ", nous devrions réaliser que c'est bien là la volonté de Dieu qui leur a donné place dans la crèche. Suivre une étoile : Telle est également la bonne nouvelle d'aujourd'hui. Si Dieu parle par des signes, chaque nation ayant le sien, à fortiori il nous parle par son fils Jésus auquel conduisent ces signes. L'étoile s'est arrêtée sur la crèche ; elle a terminé son rôle, c'est aujourd'hui le Christ qui nous guide, étoile pour nos vies. L'Epiphanie nous invite à marcher sans cesse, pour arriver plus près du but qui est de devenir entièrement fils et fille de Dieu, c'est-à-dire saints. C'est facile de rêver cela, mais il faut mettre un pas après l'autre et avancer.

Ces astrologues étrangers nous montrent que cela est possible et faisable. Les scribes qu'a consultés le roi Hérode avaient étudié l'Ecriture, ils connaissaient les réponses et savaient où allait naître le messie, mais ils n'ont pas bougé d'un pouce alors que les étrangers se sont remis en route, malgré les jours sans étoile. Aussi, pour nous, vivre en chrétiens c'est partir dans le pèlerinage de la vie, quitter le confort d'une religion bien encadrée et parfois enfermée dans ses certitudes et avancer, sans attendre l'évidence des connaissances humaines - même quand tout paraît sombre- les yeux toujours fixés sur le Christ souvent appelé par les premiers chrétiens " l'astre du matin ".

Epiphanie : première image de la mondialisation : tous sont là (on ne dit pas qu'il n'y aurait eu que trois mages), adeptes ou croyants d'autres religions. Pour eux aussi, Dieu s'est manifesté en son temps par les grandes figures de leurs religions ou leurs fondateurs : Bouddha, Confucius, Mohamed. St Paul le rappelle pour les hébreux : " après avoir parlé autrefois à de nombreuses reprises et de multiples façons à nos pères, Dieu en ces jours nous a parlé par son Fils... ". Dieu s'est aussi manifesté de diverses façons aux autres peuples. C'est pourquoi ces grandes religions vivent des valeurs qui nous sont communes comme le respect de la vie, de la vérité, de la reconnaissance d'un Dieu vivant, de l'amour et de l'amitié.

Oui, Dieu sème sa parole, mais nous savons par la parabole du semeur qu'elle tombe dans des terrains différents à des distances différentes, et que l'herbe pousse plus ou moins vite selon le climat, le soleil et la pluie. Chacun a son chemin vers Dieu. Nous croyons - et la fête d'aujourd'hui l'affirme - que Dieu appelle tout le monde à la foi en son fils Jésus, nous y compris. Telle est notre foi. Serons-nous aujourd'hui, par notre comportement, l'étoile qui invitera à rejoindre Jésus, en portant la bonne nouvelle que tous y seront accueillis. Je ne veux pas entrer dans le débat : toutes les religions se valent-elles, mais il me semble que nous sommes tous comme gravissant une montagne au sommet de laquelle Dieu nous attend avec son fils Jésus.

Ainsi que le suggère Isaïe : " Porte tes regards sur les alentours, Jérusalem, tous viennent vers toi ". Les êtres humains partent du pied de la montagne beaucoup plus large que la tête et tous cherchent Dieu. Les chemins sont parallèles, mais peu à peu nous nous rapprochons les uns des autres, parfois nous nous croisons et pouvons bénéficier de la vérité des autres, de leur spiritualité, mais la direction est unique car Dieu aime tous les hommes et veut faire de tous ses enfants.

Comment ? Je ne sais pas, mais c'est bien là le mystère dont parlait Paul que tous sont appelés au même héritage. L'important est de nous y entraider et parce que dans notre foi nous croyons que le salut de Dieu est donné en Jésus-Christ, de vivre cela nous-mêmes, selon nos rites, nos traditions, nos convictions de façon à être une étoile pour tous. Vivre notre foi au mieux, c'est le cadeau que nous pouvons faire et à Dieu et à tous ceux qui, de toutes les parties du monde, cheminent selon leurs traditions et croyances. Pourquoi, comme les mages, ne pas marcher ensemble et ainsi ne plus être étrangers l'un à l'autre ?

Fête de la Pentecôte

Auteur: Gihoul Luc-Henri
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : A, B, C
Année: 2003-2004

Le début et la fin de cet évangile sont un appel à la foi. « Si quelqu'un m'aime, il restera fidèle à ma parole (...) Lorsque toutes les choses annoncées arriveront, vous croirez. » Je me suis souvent demandé, et avec d'autres chrétiens, ce qui rendait si ardue notre foi, si exigeant notre amour de Dieu. La raison la plus évidente est liée à l'absence et au silence de Dieu. En effet, un exemple simple illustre l'importance pour nous de se sentir écouté. Au téléphone et tout au long de la communication, nos « oui » d'acquiescement accompagnent ce qui nous est confié par notre interlocuteur. Si ces signes d'attention cessent, la personne s'inquiète et vérifie la qualité réelle de notre écoute . Il en est de même dans la foi et pour Dieu. Dans la foi, Dieu reste invisible et comme absent. Il ne nous signifie pas son attention.

Le « credo » commence par ces 2 mots : « je crois ». Si le « je » affirme d'emblée la conscience de soi, l'assurance en soi et la suffisance il n'est prononcé, dans la foi, que pour être en quelque sorte annulé par le verbe « croire ». Ce « je » ne croit pas en lui mais en un autre, un Tout- Autre qui est Dieu. Par la foi, on sort de soi et on entre dans l'absolument Autre. Dire « je », c'est dire : « je me remets et m'abandonne à toi ». Je me dépouille de moi pour me remettre à Dieu. Je renonce à mon seul arbitrage pour jumeler mon autonomie à la sagesse divine. La foi est l'acte du pauvre. La pauvreté n'est ni un v½u, ni un conseil évangélique, ni un courant de la vie spirituelle, ni la 1ère béatitude. Elle est l'acte premier de la foi, le point de départ de l'entrée en Dieu, le concret de toute vie chrétienne. La foi, c'est l'acte de celui qui accepte de se laisser dépouiller de ses jugements de valeur, de ses références humaines pour entrer dans cette « valeur d'un Dieu déroutant », précisément, parce que invisible et absent. La foi nous libère d'une fausse richesse qui est avant tout celle des idées que nous nous sommes faites de Dieu. Nous voudrions surtout de lui qu'il soit Fort, qu'il règle définitivement, et dès aujourd'hui sur terre, le sort de tous nos ennemis, étant bien entendu que ceux-ci sont nécessairement les siens ! Mais voilà, le Dieu de la foi est toujours récalcitrant à nos idées de réussite, à nos intérêts de puissance, à nos volontés de triomphe. Seule la compréhension des raisons pour lesquelles Dieu nous résiste dissipera cet éternel malaise d'un Dieu fait à notre mesure. Une religion de puissance, à coups de miracles ou de cataclysmes, met Dieu à notre service. Or, dans la foi, il s'agit de servir Dieu et non de l'asservir. Le rôle de la religion est de nous ajuster à la parole de Dieu et non de la soumettre à nos appétits capricieux et à nos vues humaines réductrices. Par ailleurs, les interventions de Dieu que nous attendons le plus souvent (succès temporels, guérisons, mort des méchants, confusion des mauvais, apaisement des soucis) pourraient nous distraire d'une autre vie pour laquelle nous sommes faits et à laquelle il nous faut nous préparer. Et, c'est bien là, la raison pour laquelle Jésus opérait ses miracles comme à regret et en secret, tout en recommandant le silence. C'est comme s'il pressentait que ces signes risqueraient de distraire l'attente des siens de ce qu'il voulait leur révéler du royaume : une vie bienheureuse sans fin au sein du Père dans la Trinité Sainte. Si Jésus a refusé de donner à ses contemporains des signes de puissance pour alimenter leur foi, c'est qu'il savait que ces miracles détourneraient l'attention de sa propre personne. Or, c'est par sa personne, ses paroles et ses gestes de tous les jours que se manifestait le divin. Il en est encore ainsi aujourd'hui. Nous confions notre foi à un homme qui dort pendant la tempête parce qu'il en est le maître, à un homme qui meurt sur la croix parce qu'il ressuscitera et se donnera en nourriture en chaque eucharistie.

A ceux qui voulaient profiter de prodiges spectaculaires ou de miracles intéressés pour se passer de sa personne, Jésus n'offre, « que » lui-même au travers de gestes de miséricorde, des attitudes de solidarité, des paroles de bonté. Mais, comme ses contemporains, nous ne sentons pas le prodige et la puissance de celui qui a inventé de nous sauver par la croix, de nous chérir en sa Passion, de nous aimer dans l'invisible. La foi, ou la confiance en Dieu, nous libère de toute fausse idée de l'action de Dieu qui agirait autrement que dans l'invisible, « en » et « par » nos c½urs, par notre témoignage d'amour et de foi.

La foi nous libère aussi et surtout d'une défroque ancestrale qui ferait d'elle un juste-au-corps étriqué à enfiler sans se poser de questions, sans l'ajuster au réel et cela, qui plus est, au nom de la vertu ! Beaucoup rêvent d'une foi sans ombre et sans doute mais une telle foi est fossilisée et figée. En se privant d'expériences nouvelles, elle n'est au fond qu'une ignorance masquée, une incertitude camouflée, une incrédulité dissimulée. La peur terrible de perdre la foi, pour peu que nous y réfléchissions, n'est-elle pas le signe, alors, que nous ne l'avons jamais eue ? La foi du charbonnier convient bien au charbonnier. Nous, nous devons avoir des raisons de croire proportionnées à notre culture, à notre âge, à nos savoirs. La foi n'est pas plus une richesse acquise qu'un bien reçu que nous enfouirions dans le sol de crainte d'être volé. Elle n'est pas un trésor à calfeutrer, un savoir à dérober à la réflexion. Elle est une marche sur les eaux, une aventure à la suite du Christ. Elle nous fait quitter le rivage de nos certitudes humaines pour prendre le large des références divines. Elle nous fait laisser la stabilité rassurante des rives pour affronter, en pleine mer, les flots des évènements, les tempêtes des contradictions, les creux de la vie. Et, quand nous tenons la main de Jésus, nous marchons sur ces flots, nous résistons à toutes les lames de fond que le monde nous jette au visage.

On ne se repose pas dans la foi, on s'expose en elle. La vie, au travers des évènements ne cesse de nous surprendre, de nous désinstaller, de nous questionner. Ne restons pas à grelotter sur la rive. Suivons le Christ dans la foi qui est un départ- comme tout amour- et qui nous ouvre au grand large de Dieu. Elle nous ouvre à une quête du divin jamais achevée. A la lumière de cette foi, toujours mieux éclairée et ancrée en nous par la prière, l'étude et la communion eucharistique, accueillons les évènements du monde. Nous apprendrons leur leçon, comprendrons leur portée et supporterons leurs avatars.

Grâce à la foi, nous pourrons alors les faire concourir, dans la grâce et selon notre possible, au bien le plus profond de tous. Car, la foi nous dit qu'au terme de tout, un autre monde existe, une autre dimension où règnent paix et amour, un autre côté du temps, éternel et serein, un autre espace où Dieu se tient et attend. Il nous est possible de nous y introduire dès aujourd'hui, en arrhes et prémices, par tout geste d'amour, tout effort de vertu, toute parole de bonté et tout acte de compassion

Fête de la Pentecôte

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : A, B, C
Année: 2003-2004

Avez-vous déjà remarqué que la Pentecôte est une histoire à couper le souffle. Elle est tellement extraordinaire, que je manque de souffle pour vous la raconter au risque même de m'essouffler sans pour autant craindre de rendre le souffle. La vie vaut trop la peine d'être vécue. Reprenant cependant mon souffle, je me dis que c'est époustouflant ce qui est arrivé il y a deux mille ans. Il est d'ailleurs étonnant de constater que cette fête de la Pentecôte n'a plus tellement la côte parmi de nombreux chrétiens aujourd'hui.

Ce qui en fait sa spécificité dans notre pays, c'est qu'il y a congé le lendemain. Et pourtant, pourtant c'est sans doute une des fêtes les plus importantes de notre foi car sans elle nous ne serions pas ici en ce moment. Beaucoup connaissent les semaines du Carême, celles où il faut soit disant faire des efforts, un brin de culpabilité mais peu ont gardé en mémoire la richesse du temps de Pâques, ces cinquante jours de joie, d'espérance qui se clôture par la fête de la vie.

En effet, la Pentecôte est l'histoire de la vie puisque l'absence de souffle est synonyme de mort. Notre souffle est notre respiration. Mais avoir du souffle va bien au-delà de cette métaphore, avoir du souffle c'est pousser jusqu'aux limites les forces de vie et d'amour que nous portons en nous, écrit Charles Singer. C'est repousser les limites qui empêchent d'aimer jusqu'au bout. C'est tout simplement laisser fleurir jusqu'à l'épanouissement la vie qui habite en chacune et chacun de nous. En ce sens, le souffle divin est une folie, la folie de Dieu.

Un nouveau concept est ainsi né : celui de la folie de Dieu. Notre regard sur la vie passe par ce prisme qui donne à cette dernière une couleur arc-en-ciel. Un peu comme si Dieu attendait de nous de devenir des êtres fous à lier mais à lier d'amour. Et cela passe par la folie du souffle de l'Esprit, cet Esprit d'amour. Comme je vous l'ai déjà souvent dit, la folie de Dieu n'est pas loin. De plus, elle est très contagieuse. Aucun vaccin ne lui résiste même si les antibiotiques de la bêtise humaine, de l'orgueil, du désir de puissance et d'écrasement de l'autre peuvent l'empêcher pendant un temps, parfois long, d'éclore et de prendre toute la place qui lui est due. Certains essayent même de faire des OGM de folie, c'est-à-dire de remplacer la folie de Dieu par la folie des hommes. Absurdité. Il n'y a pas d'autres mots. La folie des hommes conduit toujours à la mort. L'histoire actuelle ne peut hélas démentir mes propos. Par contre, la folie de Dieu, elle conduit à la vie, au bonheur en soi avec les autres. La folie de Dieu est le rêve d'un monde à réaliser, un monde d'amour et de paix, en fait un monde qui commence avec et par nous.

L'Esprit de Dieu est le nom le plus secret et le plus clair pour dire ce qu'est la vie divine dedans ma vie humaine. Esprit de Dieu, tu es le souffle qui ne me fait jamais défaut, ce souffle si nécessaire à la pensée et au rire, ce souffle qui impose le silence à cette voix noire des sagesses et des raisons lorsque ces dernières sont détournées de leurs finalités pour le bien de quelques uns, ce souffle qui se dévoile comme un brin de folie, ce souffle, cet air qui rafraîchit mon c½ur et fait de chaque être humain une place battue par tous les vents divins.

Esprit de Dieu, Souffle de Dieu, tu deviens ainsi l'air dont je ne peux me passer et avec qui j'ai envie de vivre à tout instant. Tu es cette part insaisissable en chacune et chacun de nous. Tu es ce lieu intérieur duquel nous ne revenons jamais puisqu'il trace notre unité la plus profonde, la plus respectueuse de notre identité. Le souffle de Dieu est notre respiration. L'Esprit de Dieu est notre inspiration. Fort de notre liberté, laissons la divinité être à l'½uvre au plus intime de nous-même. En nous inspirant, elle nous permet de poser les actes, de dire les phrases qui participent à la folie de l'amour, folie de Dieu par excellence. En fait, Dieu attend de chacune et chacun de nous d'être des gens doués. Non pas de dons qui conduisent à un bien-être matériel. Dieu nous convie à l'éternité. C'est pourquoi, il nous offre un don tout intérieur qui sommeille en nous. Ce don-là, c'est celui de devenir des êtres doués mais doués de l'Esprit Saint. Tel est le sens de la Pentecôte. N'est-ce pas une superbe fête ? Soyons alors ces êtres doués de l'Esprit divin.

Amen.

Amen.

Fête de la Sainte Trinité

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A, B, C
Année: 2003-2004

Dieu est relations

Le célèbre biologiste Albert Jacquard, connu pour ses engagements en faveur des pauvres et sa lutte pour la défense de l'environnement, a publié, l'an dernier, un essai qui est resté longtemps au top des ventes des libraires et intitulé : " DIEU ?" (éd. Stock-Bayard)

Passant en revue les articles du CREDO, qui a constitué le n½ud de son éducation catholique, Jacquard assure que, avec le progrès des connaissances scientifiques, il n'est plus possible à un savant d'accorder créance à ces vieux mots : " JE CROIS ...UN...DIEU...SON FILS...RESSUSCITÉ...L'ESPRIT...". Au fond, conclut-il, ces mots mystérieux n'ont guère d'importance : il suffit d'accepter le message de Jésus tel qu'il l'a proclamé dans le Sermon sur la Montagne. Seul importe ce qu'il faut faire.

JESUS N'EST-IL QU'UN SAGE ?

Même si l'on admire la sublimité de cet enseignement de Jésus et si l'on décide de le prendre comme norme d'existence, il n'est pas "scientifique" (pour entrer dans la mentalité de notre auteur) de prélever ces trois chapitres de l'évangile de saint Matthieu pour les dresser en "charte du christianisme". Car si Jésus n'est que l'admirable créateur des Béatitudes et de ce Sermon, il faut le ranger à la suite de Jean-Baptiste, Moïse, des prophètes d'Israël ou même ceux d'autres religions. A leur niveau, il n'est plus qu'un sage, un grand spirituel, un professeur de morale, un leader idéaliste, un utopiste généreux. Dans ce cas, il n'y a plus de Nouveau Testament, ni de christianisme : nous demeurons des élèves qui essaient d'appliquer les leçons d'un enseignant surdoué. Et n'oublions pas que, devant une Loi, si belle soit-elle, il n'y a pas de pardon !

Or la lecture non sélective mais intégrale des évangiles n'autorise pas à enfermer Jésus dans cette esquisse : elle oblige au contraire à se reposer sans cesse la question qui traverse le Nouveau Testament :

" Qui donc est cet homme ?".

Qui est cet homme qui, à la suite des Béatitudes, ose proclamer que son programme ne supprime certes pas l'enseignement de la Loi juive mais le dépasse et le radicalise absolument : " On vous a dit...Moi je vous dis..." ?

Qui est cet homme qui, au c½ur même de ce fameux Sermon, apprend une toute nouvelle façon de s'adresser à Dieu : " Quand vous voulez prier, vous direz : NOTRE PERE QUI ES AUX CIEUX..." ?

Qui est cet homme qui, non seulement énonce de magnifiques enseignements, mais exige que ses disciples se donnent à lui totalement jusqu'à le suivre en renonçant à tout - même aux valeurs sacrées de la famille - et se disposent à donner leur vie pour lui ? Nul maître n'avait de telles prétentions !

Qui est cet homme qui, à la veille de sa mort, révèle que s'il s'en va, il reviendra dans la Gloire à la fin de l'histoire et que c'est lui qui jugera toutes les nations sur le seul critère de l'équivalence entre lui-même et les démunis ? " Venez les bénis de mon Père : J'ai eu faim et vous m'avez nourri ; j'étais nu et vous m'avez vêtu..." Et tous seront stupéfaits : " Quand donc t'avons-nous rencontré ? " Et il dira : " Chaque fois que vous l'avez fait à l'un de ces plus petits de mes frères, c'est à MOI que vous l'avez fait".

Enfin qui est cet homme qui, soupant avec ses disciples, ose leur tendre pain et coupe de vin en leur disant : " Prenez : ceci est mon corps...ceci est mon sang..." ?

Non, en toute honnêteté, on ne peut confondre Jésus avec un sage génial, un enseignant de morale, pas plus qu'avec un guérisseur ou un héros qui a donné sa vie pour ses idées.

Les évangiles n'assènent pas un credo tout fait : ils osent raconter qu'il a été très difficile, même pour ses proches, d'identifier Jésus, cet homme parmi les hommes, dont le comportement et les paroles faisaient éclater les idées approximatives que l'on se faisait de lui : "C'est le fils de Joseph...c'est un prophète...c'est Jean-Baptiste qui est revenu...". Les disciples ont mis beaucoup de temps pour enfin énoncer le titre qui leur paraissait vrai : Jésus est LE FILS DE DIEU. Et bien entendu, ils n'étaient pas naïfs : ils savaient que Dieu dépasse la paternité et la maternité et qu'il n'engendre pas comme nous.

D'autant qu'il y avait également l'ESPRIT auquel on croyait en Israël en tant que puissance créatrice, force d'inspiration des prophètes, énergie divine animant certains héros, sagesse fluide, idéal recherché par les plus grands maîtres. Mais Jésus en avait parlé de manière plus profonde : cette Sagesse pleine d'intelligence, cet Esprit qui venait de Dieu, cette RUAH qui manifestait le Souffle créateur et ré-créateur de Dieu, était Quelqu'un : L'ESPRIT-SAINT

Bref, les purs monothéistes qu'étaient les premiers disciples furent acculés - au prix de terribles efforts - à confesser qu'il n'y a qu'UN DIEU, mais que Jésus est SA PAROLE, son FILS, son IMAGE parfaite, et que le Souffle de Dieu est l'ESPRIT-SAINT.

Cette confession n'est pas jonglerie gratuite de concepts théologiques, équation irrationnelle : elle est la Révélation que Dieu est communion de personnes, dialogue dans la différence et l'égalité, accueil et réciprocité, Amour.

La TRINITE, que nous fêtons en ce jour, paraît un mot abstrait, insignifiant pour beaucoup : pourtant cette Révélation du vrai Dieu constitue bien l'essentiel, donc "le programme" pour l'humanité.

Si Dieu est unique, monolithique, seul, le danger, tant de fois prouvé par l'histoire et l'actualité, est de basculer dans l'intolérance, le fanatisme et même la guerre des religions.

Si Dieu est Jésus seul, la foi peut se réduire à un programme social, moteur de la construction d'une société meilleure enfermée dans les horizons terrestres.

Si Dieu est l'ESPRIT seul, il est facile de s'évader dans un monde irréel, commandé par des illusions faussement religieuses, et entraînant dans les sectes et l'ésotérisme.

Le grand philosophe russe Nicolas BERDIAEV étonnait mais avait raison de dire : " Notre programme social, c'est la Trinité".

Jeudi Saint

Auteur: Collin Dominique
Temps liturgique: Triduum pascal
Année liturgique : A, B, C
Année: 2003-2004

Nous connaissons tous, de mémoire, la conclusion rituelle des contes de Perrault ou d'Andersen qui ont bercé, charmé, voire même effrayé notre enfance : le prince charmant épouse une belle princesse, ils vivent heureux et ont beaucoup d'enfants.

Si l'évangile de Jean ressemblait à un conte de fées, il aurait pu terminer par ce verset qui commence le passage que nous venons d'entendre : " Avant la fête de la Pâque, sachant que l'heure était venue pour lui de passer de ce monde à son Père, Jésus, ayant aimé le siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu'au bout ". Que pouvait-on écrire de plus beau et de plus heureux que cela pour exprimer le sens de la venue de Jésus parmi nous ? Mais contrairement aux contes de notre enfance, Jean écrit cela non comme conclusion d'un récit où tout se termine pour le mieux dans le meilleur des mondes, mais comme introduction d'une histoire où tout s'enchaîne dans la trahison et l'incompréhension, puis dans le drame d'un condamné à mort. Pourquoi faut-il toujours que l'amour se conjugue avec l'incompréhension, la trahison, le tragique et la mort ? Cette question est celle de Judas et plus encore celle de Pierre, lui qui aimerait tant comprendre, mais comprend tout de travers ! Telle est aussi notre question quand notre capacité d'amour est trahie, blessée ou plus simplement quand nous ne savons plus comment aimer en vérité un conjoint, un enfant, un frère, un ami.

Jésus nous répond ce soir par un geste, celui du lavement des pieds. Pierre, et peut-être chacun d'entre nous, ne comprend pas la portée de ce geste que pose Jésus. Non qu'il ne connaît pas l'action de laver les pieds puisque ce geste fait encore partie des usages de l'hospitalité des peuples du Moyen Orient.

Si Jésus refait ce geste avec ses disciples alors qu'il sait que son Heure est venue, c'est pour lui donner une signification bien plus profonde que celle commandée par l'hospitalité traditionnelle. Le verbe qu'utilise Jean pour dire que Jésus " quitte " ou " dépose " son vêtement est exactement le même qu'il emploie ailleurs dans son évangile pour dire que Jésus " dépose " sa vie pour ses amis : " C'est pour cela que le Père m'aime, parce que je dépose ma vie, pour la reprendre. Personne ne me l'enlève ; mais je la dépose de moi-même. J'ai le pouvoir de la déposer et le pouvoir de la reprendre ; tel est le commandement que j'ai reçu de mon Père " (Jn 10, 17-18).

Ainsi, le sens du lavement des pieds s'enrichit et se précise : quand Jésus dépose ses vêtements dans un signe de dépouillement et de service, il mime, en quelque sorte, sa propre mort et lui confère toute sa signification : Jésus nous a aimé jusqu'au bout parce qu'il a fait de sa mort un don de soi radical. Il dépose sa vie pour ceux qu'il aime et c'est précisément en cela qu'il fait la volonté de son Père. A l'image de son Père, Jésus dépose sa vie sans rien retenir pour lui : il se fait entièrement vulnérable.

Pierre n'a rien compris à cette nouvelle logique de l'amour car il reste encore vissé à la logique de la force et de la puissance. Il ne saisit pas le sens du geste de Jésus et réclame naïvement un bain total : " Alors, Seigneur, pas seulement les pieds, mais aussi les mains et la tête ! " Mais ce n'est pas d'une purification corporelle dont parle Jésus mais d'un renouvellement complet de notre manière de comprendre la logique de l'amour. L'amour véritable, nous enseigne Jésus, est inséparable d'une attitude de don de soi où le soi ne se prend pas pour le centre de l'univers, mais se " dépose " sans cesse par les signes humbles et quotidiens du service, de l'amabilité, du pardon et de la joie.

L'amour véritable est aussi un amour vulnérable : il sait se laisser toucher par les détresses et les horreurs du monde, il peut entrer en sympathie avec autrui, sans le juger ni le condamner. Pierre croyait que son Maître et Seigneur s'opposerait à sa destinée tragique par la force et la puissance. Jésus nous apprend que nous n'avons d'autres forces que le don de soi et la vulnérabilité. C'est là le visage du commandement nouveau de l'amour qui trouve maintenant son expression la plus forte dans l'Eucharistie que nous célébrons et dans laquelle Jésus dépose sa vie par les humbles signes du pain partagé et du vin versé en abondance.

Le Corps et le Sang du Seigneur

Auteur: Coulée André
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A, B, C
Année: 2003-2004

Je suis étonné du titre donné à cet épisode de l'évangile et qu'on nous a toujours appris qu'on a mis - car ce n'est pas d'origine - comme subdivision dans les évangiles Or le texte n'emploie jamais le mot multiplication

En fait, la première attitude de Jésus est d'accueillir ceux qui ont faim de sa parole Mais cette faim-là s'accompagne de la faim corporelle et il est frappant de voir que Jésus se préoccupe autant du bien-être physique de cette foule que de son bien-être spirituel. On dit aussi que ventre affamé n'a point d'oreille. Jésus sait qu'il est venu pour le bien-être de l'homme dans son intégralité.

Ensuite si Jésus et ses disciples nourrissent une telle foule, c'est tout simplement parce les apôtres - les autres évangiles parlent d'un jeune homme qui avait 5 pains et 2 poissons - qui avaient quelque nourriture dans leur sac ont accepté l'invitation de Jésus à partager le peu qu'ils avaient. Ne dit-on pas " quand il y en a pour deux, il y en a pour trois " ! Revenons au texte : Jésus ne va pas aller acheter pour les autres ni renvoyer tous ces gens : si on accueille, ce n'est pas pour ne pas s'occuper des hôtes. Non, il demande d'abord de voir quelles sont les provisions des apôtres. En effet c'est rare qu'on parte loin sans avoir un " briquet " dans sa poche ou son sac. Peut-être d'ailleurs d'autres personnes avaient quelque provision : peu importe. L'essentiel c'est que Jésus a mis les apôtres - ou ce jeune homme -dans l'occasion et en état de partager. Et c'est peut-être là le vrai miracle. Et au lieu de multiplier, Jésus a divisé. Plus on divise, plus il y en a jusqu'à y avoir de trop. Le texte dit bien en effet que Jésus rompit, donc divisa pains et poissons. Et qu'il y en eut même de trop.

Et c'est clair dans les évangiles que ce geste était aussi prémonitoire de ce que Jésus allait faire de son corps : ce corps qu'il a reçu de sa mère, il le partage pour qu'il nourrisse et fertilise tous ceux qui participent à ce partage. C'est le don le plus grand, pas seulement de ce qu'on a mais de ce qu'on est soi-même.

Communier pour nous c'est participer à cette attitude fondamentale et aimer les autres comme le Christ nous a aimés.

Il nous demande d'abord d'accueillir. Accueillir est déjà un geste de partage ne serait-ce que de la place qu'on occupe dans la maison. Jésus lui aussi voulait être tranquille avec ses apôtres qui avaient un tas de choses à raconter après leur première mission ; mais il est disponible et n'a pas peur de se laisser déranger, manger le temps malgré la fatigue. Le premier don de soi consiste d'abord à faire de la place à l'hôte, à celui qui arrive même à l'improviste. Peut-être a-t-il besoin de parler, de demander conseil : il s'agit d'abord d'une parole partagée et cela est toujours source de richesse

Il nous sera souvent demandé aussi de donner de nous-mêmes en donnant de notre temps. Nous avons toujours tellement de choses à faire. Mais donner de son temps est déjà un réel don de soi.

Enfin donner aussi de ce qu'on a, non comme un geste de riche à pauvre, mais comme un partage. Le partage va d'ailleurs dans les deux sens, c'est-à-dire c'est accepter de recevoir, autrement dit se considérer comme aussi pauvre également, quelqu'un qui a besoin de l'autre qu'on accueille. Ainsi Jésus n'avait rien pour manger, il a dépendu de ses apôtres, ou selon de ce garçon aux 5 pains et 2 poissons. Le partage nous ainsi sur pied de fraternité ; accepter de recevoir nous met en état de donner toujours plus, jusqu'à notre corps, jusqu'à notre vie. En tout cas le partage ouvre notre c½ur à aimer davantage, en actes et en vérité.

Et ce don de soi aide en fait l'un et l'autre à vivre.

Ainsi en est-il aussi du don de Jésus dans l'Eucharistie : c'est son corps à partir de ce que nous offrons en partage le pain et le vin. Symbole de vie comme l'est toute offrande que nous faisons. Si nous n'apportons rien il n'y a pas d'eucharistie Si nous partageons nous recevons encore davantage : la vie même de Jésus. Voyez ce que Justin nous a rappelé dans la première lecture : l'on va alors dans les maisons, on partage ce qu'on a reçu à l'autel, et cela fait vivre parce que fait entrer dans l'amitié, la fraternité.

Tel est sans doute la portée de ce miracle de la division des pains. Et si nous voulons communier en vérité, alors nous devons communier aux sentiments de celui qui se donne à nous pour vivre le même esprit, le même accueil, le même partage. Par le partage de son corps, Jésus se rend mystérieusement mais réellement présent au milieu de nous, et nous en recevons force et vie. Par le partage eucharistique et le partage dans notre vie de tous les jours, d'une façon tout aussi mystérieuse, nous rendons présent le Christ et ainsi nous aidons vraiment à vivre tous ceux et celles avec qui nous partageons, à qui nous nous donnons.