3e dimanche ordinaire, année C

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2003-2004

D'abord il faut un peu de temps devant soi mais juste une bonne heure. Vous le sortez de votre frigo 15 minutes avant de commencer. Lorsqu'il s'est légèrement amolli, vous le dénervez. Il vous faudra trois bons quart d'heures. Vous étalez l'ensemble comme si c'était une ciabatta. Vous le salez, le poivrez de poivre noir, vous l'asperger avec modération de Pineau de Charentes. Vous retournez l'ensemble et vous refaites le même assaisonnement. Prenez ensuite trois morceaux de papier Reynolds que vous superposez de dix en dix centimètres, vous y déposer le foie d'oie préparé et le rouler comme un boudin. Ensuite vous prenez les extrémités du papier alu et vous le tourner comme si c'était un carambar afin de bien tasser la préparation. Il vous suffit alors de le cuire pendant douze minutes à cinquante deux degrés soit dans un four à vapeur, soit dans de l'eau à cette température constante. Et vous aurez pour vos fêtes un délicieux foie gras que vous pouvez servir avec, par exemple du spéculoos émietté.

Pour celles et ceux que cela intéresse, après ce court exposé théorique, nous vous proposerons mi-décembre 2004 un cours pratique dans la salle à manger de Froidmont. Mais revenons un instant à la recette : l'assaisonnement est très important. A vous de le saler selon vos désirs.

Il suffit parfois de quelques grains de sel pour changer le goût des aliments. Ces grains se fondent dans toutes nos préparations. Nous ne les voyons plus et pourtant ils jouent un rôle essentiel pour le plaisir du palais. Et il en va des aliments comme il en va de la vie. Toutes et tous nous avons à apporter notre propre petit grain de sel à la construction du monde. Il y a plusieurs variétés de sel, comme il y a une variété d'êtres humains. Aucun ne sera jamais complètement le clône de l'autre. Ce qui fait notre humanité, c'est entre autres notre unicité. Chacun de nous est un être unique et c'est précisément cette unicité qui permet toute la richesse de nos rencontres. Comme le monde serait ennuyeux s'il en était autrement.

Imaginez-vous un instant des millions de Philippe Cochinaux     sur terre. La vie serait absolument insupportable. Déjà un, c'est suffisant. Et c'est exemple vaut pour chacune et chacun de nous. Nous avons donc à apporter notre petit grain de sel à la vie. Son goût se découvre à partir des dons que nous avons reçus et qui nous singularisent. Toutes et tous nous en avons au moins un. Et il est vrai que cela prend parfois du temps de les découvrir car trop souvent nous perdons notre temps à jalouser et à tenter d'acquérir ceux des autres. Non repartons plutôt de qui nous sommes, les dons sont en nous. Prenons le recul nécessaire pour les voir, les apprécier. Il y a en tout être humain, quel qu'il soit, quoiqu'il ait pu faire, un don, quelque chose de positif et de grand. Certains dons reçus sont parfois plus visibles.

Il est clair que le gai-luron se verra plus vite que la personne discrète. Et pourtant toutes deux ont leur place et participent à leur manière à l'harmonie de la vie. Puissions-nous nous les faire découvrir les uns aux autres car ils nous permettront de voir la vie autrement, de manière plus positive, plus heureuse, à l'instar du conte chinois. Ces dons qui sont en nous n'ont pas comme objectif de sommeiller. Ils sont des moyens offerts en vue de la réalisation d'une tâche. La tâche de notre vie.

Le Christ est venu, nous dit l'évangile, pour " porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux prisonniers qu'ils sont libres, et aux aveugles qu'ils verront la lumière, apporter aux opprimer la libération annoncer une année de bienfaits accordée par le Seigneur ". Mais ça, c'était sa tâche à lui. Pas la nôtre. Notre tâche est différente et cependant, chacune et chacun de nous en avons une à réaliser. Elle pourrait se définir de la sorte : l'accomplissement du bonheur en Dieu. Telle serait notre vocation humaine. Aucune recette ne nous est proposée. A nous de chercher, d'errer parfois puis de découvrir la voie qui nous permettra de la vivre.

La réalisation de notre bonheur dépend de notre responsabilité. Et il passe par la découverte des dons qui nous façonnent. Il est donc essentiel non seulement de les connaître mais également de les accepter et de s'en réjouir car ce n'est que lorsque je prends conscience de tout ce que j'ai reçu et qui fait mon unicité, que je peux alors commencer à me réjouir des dons des autres. Non pas pour les jalouser ou les aduler mais tout simplement parce que je découvre que la somme de nos unicités participe à l'harmonie de la vie, à l'accomplissement du monde. Et une telle prise de conscience n'est-ce pas un premier pas sur le chemin du bonheur qui conduit à Dieu puisque toutes et tous nous sommes membres du Christ.

Amen.

4e dimanche de Carême, année C

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps du Carême
Année liturgique : C
Année: 2003-2004

Jules Brunin. Un nom parmi tant d'autres. Un nom que certains reconnaîtrons. Un nom inconnu pour d'autres. Jules Brunin a défrayé la chronique, il y a une vingtaine d'années dans son combat pour dénoncer les abus des enfants des homes. Il a été condamné pour avoir cherché des preuves en commettant quelques effractions puis il a été gracié par le Roi Baudouin. Un homme qui n'a jamais laissé quelqu'un indifférent dans un sens positif ou négatif. Me revient en mémoire une phrase qu'il a écrite en dédicaçant un de ses livres. Je vous la livre : « si ton c½ur est trop lourd à porter et bien, donne-le aux autres ». Ces quelques mots sont devenus pour moi une belle leçon de vie.

En effet, la vie nous rattrape souvent là où nous nous y attendons le moins. Elle est faite de surprises : certaines sont merveilleuses alors que d'autres nous font mal et surtout nous abîment. Il peut nous arriver d'être submergé d'un sentiment de solitude profonde. Nous cherchons mais en vain l'oreille attentive qui pourra nous comprendre. Et surtout nous comprendre sans nous juger ni nous condamner. Une oreille attentive qui ne ramène pas nos souffrances à elle après seulement quelques minutes de dévoilement. Une oreille qui accepte de vivre au rythme de mes silences. Vous allez me dire que là je deviens peut-être un peu exigeant mais je ne crois pas que l'écoute soit autre chose que cela. Ecouter, c'est faire taire en soi ses propres sentiments, sa propre vie pour être tout à l'autre dans son histoire. Une histoire que nous ne maîtrisons pas mais que nous ne faisons simplement qu'effleurer en laissant à l'autre se raconter. C'est cela donner son c½ur aux autres. Cet autre qui nous semble parfois bien difficile à trouver : nos amis sont parfois trop occupés pour donner un peu de leur temps et puis, ils n'ont pas toujours envie d'entrer dans les méandres de notre histoire. Enfin, il y a tout ceux que nous croisons mais sans oser nous arrêter de peur qu'ils ne nous comprennent pas ou encore nous trahissent plus tard. Pourtant, pourtant, il y a toujours quelqu'un sur cette terre qui est là pour nous prendre dans ses bras, il existe bien une épaule sur laquelle nous pouvons nous épancher. Cette dernière n'est jamais très loin. A nous de chercher, de chercher pour enfin trouver. Cette rencontre peut alors devenir le début d'une belle amitié, c'est vrai. Les autres sont là pour nous mais nous aussi nous sommes là pour eux.

L'histoire du fils prodigue nous rappelle également que nous pouvons parfois être saisi d'un vertige lorsque nous pensons à notre famille. Mais comme tant de parents l'ont affirmé, enfin je l'espère : quoique tu fasses, quoiqu'il t'arrive, nous t'aimons et nous serons toujours là. Même si nous désapprouvons, nous ne te lâcherons pas. Quelle belle sécurité pour celles et ceux qui ont eu la chance d'entendre de telles paroles : savoir qu'il y a dans un endroit, notre maison familiale, des personnes qui nous accueillerons toujours tels que nous sommes et ce, malgré nos trébuchements. Pour faire, nous devons oser revenir, reconnaître que nous nous sommes trompés, accepter que l'erreur fait partie de notre humanité : notre orgueil en prend un sacré coup, il est vrai mais quelqu'un quelque part nous comprendra. A sa manière alors lui aussi fera tuer le veau gras pour notre fête, notre retour à la vie.

Cependant, parfois nous sommes envahis d'une pensée, d'une situation enfouie au plus profond de notre jardin secret. Il s'agit alors de quelque chose que nous n'avons absolument pas envie de dévoiler. Nous nous sentons pris au piège et tellement esseulés. S'enfermer dans un tel sentiment me semble être une erreur. Tout simplement parce qu'au plus secret de notre jardin secret, Dieu a choisi d'y établir une de ses résidences. C'est à cet endroit précis que se noue en nous l'humain et le divin. Nous découvrons alors un silence merveilleux tout habité de la présence de Dieu, un Dieu qui peut nous écouter pour nous aider à nous relever et nous permettre ainsi de marcher à nouveau sur la route de notre vie. Alors reprenant la phrase introductive de Jules Brunin nous pouvons nous dire les uns aux autres : « si ton c½ur est trop lourd à porter et bien donnes le aux autres voire même à Dieu ».

Amen

4e dimanche de Carême, année C

Auteur: Croonenberghs Didier
Temps liturgique: Temps du Carême
Année liturgique : C
Année: 2003-2004

Ne me quitte pas, je ne vais plus pleurer, je ne vais plus parler, je me cacherai là, à te regarder danser et sourire, et à t'écouter, chanter et puis rire, laisse-moi devenir l'ombre de ton ombre L'ombre de ta main, L'ombre de ton chien...

Je me rappelle encore très bien d'une discussion un peu étrange avec des amis il y a quelques années. Cette discussion concernait justement ces dernières paroles de " ne me quitte pas " de Jacques Brel. L'objet du débat était le suivant : " Jacques Brel a-t-il bien fait de terminer sa chanson par " laisse moi devenir l'ombre de ton chien.... " L'ombre de ton ombre, cela passe encore, mais l'ombre de ton chien, là c'en est de trop. Vous vous direz sans doute que j'ai de drôles de discussions et de drôles de questions. Mais " Laisse moi devenir l'ombre de ton chien. " n'est-ce pas pousser un peu loin l'abaissement. ? N'est-ce pas vraiment la phrase de trop ? En effet, comment vouloir préserver une relation d'amour ou d'amitié avec un tel abaissement ?

A la lecture de l'Evangile d'aujourd'hui, une question un peu semblable me vient à l'esprit face au cri du fils prodigue : " Je ne mérite plus d'être appelé ton Fils ". Laisse moi être ton ouvrier, ton esclave,... mais " je ne mérite plus d'être appelé ton fils... " Comment pouvons-nous comprendre un tel cri ?

Un tel abaissement peut sembler incompréhensible voire inacceptable. Mais dans certains situations, je crois qu'il y a des réactions un peu similaires que nous pouvons tous et toutes éprouver d'une manière ou d'une autre : celles de consentir à certains renoncements, à certaines privations, pourvu que se noue ou que se renoue une relation. Parfois même, ce repli sur soi, s'accompagne d'une culpabilité mal placée. Plutôt s'accuser que se retrouver seul, perdu. Par souci de l'autre, voire par amour de l'autre, nous pouvons presque en venir à chercher en nous une faute inexistante, pourvu que se maintienne une relation. Si je rejette la faute sur moi, au moins, elle n'est pas chez l'autre et je crois d'une certaine manière le préserver. Mais cette fausse humilité nous conduit à ignorer ce que nous sommes profondément, et ce que sont les autres pour nous... Voilà le terreau d'une impossible relation : la culpabilité qui nous coupe des autres ; la fausse humilité et dans laquelle consciemment ou non, nous pouvons nous trouver.

C'est cela, entre autres choses, que Jésus nous invite à dépasser avec l'exemple du fils prodigue : cette culpabilité mal placée. Il s'agit de s'éloigner de cette forme de culpabilité, et dans le même moment de se faire proche de ceux qui se sentent coupables, de se faire proche de ceux qui se sentent faussement exclu de l'amour de Dieu. Dans l'Evangile, Jésus se fait ainsi proche de ceux qui se considèrent éloignés de Lui, les pécheurs et les publicains, et il mange avec eux, signe de profonde communion. Nous sommes ainsi confrontés à un Dieu dont la seule loi est celle de l'amour sans limites.

Alors dans ce chemin de dépassement de la culpabilité qui nous est proposé, reconnaître notre faute est toutefois nécessaire. Il y va de notre responsabilité car cela permet de nous libérer, oui, de nous libérer de ce qui nous pèse. Mais cela doit s'arrêter là. Comme l'écrit Philippe Nemo, " le jugement de culpabilité m'indique que je suis responsable ; et si je suis responsable, je découvre que je suis libre et j'apprends les chemins de la liberté " et du pardon. Oui, la liberté pour le pardon. Le pardon pour la liberté. C'est cette liberté qui manque au fils aîné. S'il est incapable de pardonner et de se réjouir avec les autres, c'est peut-être parce qu'il se considère comme quelqu'un pour qui tout est dû, car pour pouvoir pardonner, il faut avant tout savoir donner, livrer une part de soi, une partie de son être. Incapable d'accepter le don de son Père pour son frère, il est également incapable de pardonner, et de se réjouir... Par sa jalousie envers le fils prodigue, le fils aîné se prive ainsi de son chemin de libération...

Enfin, j'aimerais ajouter que si Dieu nous invite ainsi à accueillir et à vivre de son pardon, Il nous invite aussi à le communiquer autour de nous. C'est à cela que nous sommes appelés, à répandre ce pardon. Comme le dit la seconde lecture " Dieu nous a réconciliés avec lui, par le Christ, et il nous a donné comme ministère de travailler à cette réconciliation" Tel est peut-être le projet de libération de Dieu pour nous. Comme le disait Dimitri du groupe de préparation, " Dieu nous pardonne, pour nous que nous puissions pardonner à notre tour " Voilà donc le chemin que nous invite à suivre l'Evangile.

Que l'Esprit nous éclaire et transforme notre regard comme celui du fils prodigue. Alors, nous pourrons avancer sur nos chemins, et nous reconnaître tous comme fils de notre unique Père, source de tout don, Père prodigue d'Amour et qui nous invite tous sans exception à la joie.

Amen

4e dimanche de l'Avent, année C

Auteur: Gihoul Luc-Henri
Temps liturgique: Avent
Année liturgique : C
Année: 2003-2004

Elisabeth est de la descendance sacerdotale d'Aaron. La bible ne nous en dit que peu de chose et la liturgie encore moins puisque Ste. Elisabeth, épouse de Zacharie, n'a même pas une fête, pas plus que son saint époux d'ailleurs ! Cousine de Marie, mariée, on la disait stérile. Le pire opprobre pour une épouse en Israël.

Dans un contexte où la virginité deviendra symbole de Foi, l'adultère d'idolâtrie, la maternité de promesse et de vie, la viduité d'abandon et de mort, la stérilité de néant, la malheureuse Elisabeth est bien mal lotie. Mais le Dieu de la bible est le Dieu des surprises. Dans sa vieillesse Elisabeth conçoit un fils car, « rien n'est impossible à Dieu » remarque Luc. Tous les faits majeurs de la vie d'Elisabeth sont issus de rencontres et c'est là qu'ils y trouvent leur importance. Jeune fille, elle rencontre Zacharie son mari. Toute femme, par expérience, peut imaginer le bonheur d'un tel événement, source de promotion, de richesse, d'épanouissement. Et ce dialogue est secrètement nourri du désir de maternité. Mais le temps passe, la jeune femme vieillit et c'est une autre forme de rencontre qui se présente à elle, la rencontre avec la stérilité, plaie douloureuse pour une femme en ces temps-là. Ce handicap est si mal considéré que l'on veut le taire et le cacher. Pour Elisabeth, cette rencontre est celle de la peine, du regret, de la déception et du déshonneur. Et ne retarde-t-elle pas la venue du Messie ? Mais, on l'a dit, le Dieu biblique est surprenant. Il est le Dieu de « l'impossible » selon Luc. Pour Elisabeth, âgée, vieillie, c'est alors la merveilleuse rencontre avec la sollicitude admirable de Dieu et sa toute puissance. Cette rencontre est vécue avant tout dans la foi car la future mère a vraiment passé l'âge de concevoir. Advient alors une rencontre doublement mystérieuse avec sa jeune cousine Marie. Rencontre troublante avec Jésus que porte secrètement Marie et qui fait tressaillir le futur Jean-Baptiste, tout aussi ému, dans le sein de sa mère. Elisabeth est une femme qui, comme chaque femme dans le monde, a connu la joie et la souffrance. Il lui a fallu une grande foi, une vive espérance et beaucoup de force d'âme pour vivre et assumer toutes ces « rencontres ».

Qu'en est-il pour chacun d'entre nous ? Nos vies ont aussi leurs rencontres. Sont-elles aussi, chacune, porteuses d'un message, d'un appel, d'une vocation ? Il n'y en a pas de petites. Toutes sont porteuses d'une mission. Toutes ont valeur d'éternité. Dieu, présent en chacune d'elles, nous y livre une leçon, un secret, une tâche. Quand on en a pris conscience, la vie n'est peut-être pas plus facile, mais elle prend forme de dialogue et de discours intime. On y découvre des messages qui éclairent, interpellent et galvanisent.

Dans un monde de solitude, c'est important de se rencontrer. Rencontrer Dieu dans les évènements de la vie, mais aussi se rencontrer entre soi, entre homme et femme de ce monde, entre frères humains. On croise tant de gens sans les voir. Etre attentif à l'autre, le croiser dans son c½ur, se mettre soi-même en partage, communiquer par un sourire, un regard, un silence, c'est donner un peu de l'amour qui nous habite. Nos rencontres peuvent être riches de ces échanges.

On m'a dit un jour « Lorsque tu as rencontré quelqu'un et vraiment communié avec lui, tu n'as plus le droit de l'oublier. » Cette phrase doit habiter nos prières. On dit que chaque femme, fidèle à sa nature, porte en elle un c½ur de mère. C'est leur privilège. C'est avec ce c½ur-là que nous devons faire nos rencontres d'homme, de femme, de célibataire, de veuve ou d'époux, des moments de grâce, des sources de sanctification, des sacrements de Salut, des présents de Dieu.

La psychologie moderne nous définit par ce pouvoir de relation, par cette faculté de dialogue qui nous constitue. Parole et c½ur de feu symbolisés par la dualité sexuelle de l'homme et de la femme. De l'apprentissage de cette relation devrait naître la réussite potentielle de toute autre rencontre. Enfant d'entre deux mondes, âme bicéphale, galaxies pas tout à fait opposées ni tout à fait jumelées dès le départ, se repoussant et s'appelant sans cesse, se touchant presque et s'attirant en s'éludant et se rapprochant en se reconnaissant ! Se dire à demi, se murmurer à peine et s'émerveiller toujours de se comprendre. S'étourdir de cette étrange complicité et se lamenter de ne pouvoir, en tout, élire le mot juste, trouver le ton qui donne amour à la parole, n'est-ce point là notre vocation de croyant ?

Sainte Elisabeth, par sa vie, nous ramène à l'amour. Elle nous dit que la sainteté chrétienne n'est pas un souci individualiste de salut personnel, ni effort volontariste d'intégrité. Mais, par la présence de Jésus, fondement et ferment de toute rencontre créatrice, elle nous dit que la sainteté est sympathie et empathie, passion et compassion, le tout en toute gratuité, pour la vie sur la terre comme au ciel.

4e dimanche de l'Avent, année C

Auteur: Collin Dominique
Temps liturgique: Avent
Année liturgique : C
Année: 2003-2004

Nous faisons tous la même expérience dans les salles d'attente médicales ou dentaires : pour tuer le temps, et parfois même le stress, nous feuilletons machinalement les quelques revues laissées là pour occuper le patient. Parmi celles-ci, il m'arrive de parcourir une revue pour vous, mesdames. Du genre " Elle " ou " Femmes d'aujourd'hui ".

Quelle chance avez-vous de lire une telle littérature ! Ainsi, dans un numéro, avant les recettes de cuisine, je suis tombé sur un article intitulé " Paraître s'impose ". Notre corps, nous dit-on, notre visage, nos vêtements, notre allure générale joueraient un rôle essentiel dans notre vie. Plus question de faire dire n'importe quoi à notre apparence, d'où l'importance capitale, continue l'article, de la " mise en scène de soi ". Et l'article ajoute une série de conseils et de recettes afin de mettre en valeur l' " image globale " de votre personnalité.

Quel contraste avec l'évangile que nous venons d'entendre : ce texte ne parle pas d'apparence, mais de présence et de la grâce d'une rencontre : celle de Marie et de sa cousine Elisabeth. Représentons-nous cette scène. Pour le faire, il faudrait se transporter à Zaventem à l'arrivée d'un avion en provenance du Moyen Orient : quelle profusion de joie, quelles accolades et embrassades quand des familles se retrouvent. C'est probablement cela qu'on dû vivre Marie et Elisabeth. Marie " court " littéralement vers la montagne de Judée afin de visiter sa cousine. A peine arrivée Marie échange avec Elisabeth des paroles d'intense émotion. Leurs corps se touchent, et leurs enfants, déjà, tressaillent. Une même joie débordante inonde ce texte, le bonheur de deux femmes qui figurent l'une - Elisabeth-, l'Ancien Testament, et l'autre - Marie -, le Nouveau. Les deux testaments se réjouissent l'un et l'autre de la visite de Dieu sur terre en la personne d'un petit enfant.

Je ne veux pas trop caricaturer et nier le " poids des apparences " ou de la " mise en scène de soi ", mais cet évangile nous permet d'aller plus loin. Il nous apprend tout d'abord à nous mettre à l'écoute de notre intériorité car c'est de cette intériorité retrouvée que jaillissent les émotions et les attitudes justes qui nourrissent les vraies rencontres. Souvent, en effet, nous restons avec les autres, dans une attitude un peu superficielle ou convenue : nous savons ce que nous pouvons dire ou ne pas dire, faire ou ne pas faire pour être " bien " en société. Mais nous connaissons aussi la joie profonde de l'amour et de l'amitié où s'exprime une palette plus riche et plus variée de nos sentiments. Avec un être aimé, nous n'avons pas besoin de réfléchir à notre " apparence " : si notre amour est riche, riche sera aussi sa manifestation ou sa " visitation " : pas besoin de beaucoup de paroles, comme dans l'évangile, mais joie de la rencontre, joie des c½urs, mais aussi joie des corps.

On nous a appris à réfléchir d'abord, à exprimer ensuite. Cela est utile en société car toutes nos relations ne demandent- heureusement pas- le même investissement. Si, par exemple, chaque fois que je m'ennuie à un cours, je me lève et je dis au professeur ce que je pense de sa manière de donner cours, je risque quelques ennuis à l'examen. Mais n'est-il pas bon quelque fois de laisser exprimer une intense émotion, une joie des retrouvailles, un encouragement et toute la gamme des attitudes émotionnelles et corporelles dont nous sommes souvent demandeurs ? A nous aussi de les donner avec cette liberté qu'ont eu Marie et Elisabeth à se " visiter ".

L'évangile n'est pas un code de politesse ou de bonnes manières. Il ne donne aucun conseil d'étiquette ou de protocole et, quand il en donne, c'est pour conseiller de se mettre à la dernière place lors d'un repas. L'évangile est avant tout une " bonne nouvelle " inouïe : Dieu nous visite dans la joie et la tendresse : il ne vient pas à nous après s'être soucié de son " image globale ", il n'a pas lu un magazine féminin avant de nous rejoindre dans notre chair. " Paraître " ne s'impose pas à lui, pas plus que sa présence ne s'impose à nous.

Il n'y a aucune apparence trompeuse dans la présence de Dieu parmi les hommes car elle s'exprime avec toute la vérité de l'amour : simple, caché mais débordant d'une allégresse profonde. C'est ainsi que Dieu vient habiter chez les hommes ; c'est aussi ainsi que l'amour vient habiter nos c½urs. A nous de quitter un peu la région du paraître afin de descendre dans l'intime de notre c½ur. Nous y retrouverons des trésors de tendresse, d'amour et de pardon qui n'attendent qu'à être exprimés et vécus.

Avons-nous plus beau cadeau à offrir aux autres en ce temps de fêtes ?

Amen.

4e dimanche de Pâques, année C

Auteur: Coulée André
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : C
Année: 2003-2004

La voix : c'est la première chose qu'on entend lorsque naît un bébé : il crie, il pleure, il se fait la voix. Quand un enfant s'est éloigné de la maison, avant même de courir à sa recherche, on l'appelle par son nom. On dit aussi que c'est le dernier contact qu'un mourant peut avoir avec quelqu'un dans son agonie : c'est de l'entendre lui adresser la parole, et ce contact est réconfortant ; le mourant sait ainsi qu'il n'est pas seul. Quand nous téléphonons, nous ne pouvons reconnaître l'interlocuteur qu'à sa voix seule - du moins tant que nous n'avons pas de téléphone-vidéo. C'est par la voix que nous entrons en relation avec un autre, surtout avec celui ou celle qu'on aime : Ainsi, dans l'Ancien Testament, dans le chant d'amour appelé le Cantique des Cantiques, la fiancée s'éveille car, dit-elle : " J'entends mon bien-aimé qui vient ; il élève la voix et ma parle.. " (2/ 8,10) Oui, avant de voir quelqu'un, on peut le reconnaître à sa voix.

Jésus nous parle aujourd'hui encore. Certes il prend ici une image bucolique, celle d'un berger soucieux de faire paître son troupeau dans de bons pâturages mais aussi de ne perdre aucun de ses moutons. Des images que nous voyons parfois à la télé d'un berger avec son troupeau n'insistent pas tellement sur le fait que les moutons suivent le berger, presque aveuglément, mais sur le fait qu'une personne est capable de les rassembler en les appelant de sa propre voix, souvent par une parole, une onomatopée, une langage codé. Il y a un dialogue et la voix du berger construit une relation d'amour.

Quand, le jour de la Résurrection, Marie de Magdala va au tombeau elle rencontre le jardinier ; il lui est totalement inconnu, jusqu'au moment où ce jardinier parle et l'appelle "Marie" : elle reconnaît aussitôt la voix de Jésus, son intonation, sa façon de prononcer. Et elle lui répond. Reconnaître la voix des êtres proches et aimés est en effet le fondement de toutes les relations humaines, de celles qui font vivre.

La parole prononcée, le message est évidemment inséparable de la voix. Ainsi par sa Parole, Jésus nous met ainsi en contact avec Dieu notre Père et son Père, avec lequel il ne fait qu'un, et nous fait découvrir son intimité. Ecouter la parole de Dieu, ce n'est pas simplement entendre une invitation morale ou un enseignement ou une révélation, c'est une invitation à entrer en contact, en relation même avec Dieu. Et cette relation est une relation d'amour, qui aide à vivre, qui nous rapproche du Père. Par la parole, quelqu'un - et Dieu aussi - donne, livre ce qu'il y a de plus intime en lui-même. Mais, plus encore, la voix de quelqu'un est aussi invitation à entrer dans son intimité ; pas seulement à y être bien au chaud comme dans un cocon, mais invitation à commencer avec lui des relations durables : c'est ce qui se passe au début de tout amour. Ainsi, appeler quelqu'un c'est aussi l'inviter à entrer dans son projet, à marcher avec lui, à épouser d'une façon ou l'autre sa mission, l'objectif de sa vie

Si l'Eglise choisit ce dimanche pour nous rappeler le souci des vocations religieuses et sacerdotales, c'est parce que toute vocation se fonde sur cette relation d'intimité avec Dieu en Jésus-Christ, Dieu et Jésus ne faisant qu'un comme celui-ci le dit dans l'évangile de ce jour. Comme la fiancée du Cantique des Cantiques s'éveille à l'appel du bien-aimé et donc se met en route, nous sommes invités à une réponse à cette voix du berger, à cet appel de Jésus en vue de plus d'intimité et d'une telle communion avec lui que certains d'entre nous souhaiteront la vivre et s'y engager dans la quotidienneté, en épousant la mission de Jésus.

Oui, la parole de Jésus est là, source de communion avec lui et dans nos communautés ; les différentes réponses que nous pouvons donner situent nos rôles divers dans une même communauté, celle qui nous rassemble dans cette eucharistie.

Combien de fois ne sommes-nous pas appelés nous aussi à coopérer à cette mission de Jésus, à dire des paroles qui font vivre d'autres personnes : consolation, paroles d'espoir, paroles de simple présence "je suis là près de toi ", paroles d'encouragement, paroles d'estime, paroles de tendresse. Elles sont toujours signes de présence ; elles font vivre. Ainsi en va-t-il de la parole de Dieu, par Jésus-Christ, comme de la nôtre, dans notre fidélité à la tendresse de Dieu.

A nous d'ouvrir nos oreilles, de discerner cette voix qui nous appelle à divers services de la mission de Jésus et de savoir y répondre. " Aujourd'hui, si vous entendez sa voix ne fermez pas votre c½ur... " (Psaume 95)

4e dimanche ordinaire, année C

Auteur: Materne Pierre-Yves
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2003-2004

" Nul n'est prophète en son pays. Qu'en pensez-vous ? " Voilà un bon point de départ pour une dissertation dans le cadre du cours de français. Il s'agirait alors de dire qu'il est parfois difficile d'être entendu par des gens qui nous connaissent bien. Lorsque j'ai annoncé ma décision de devenir dominicain, certains proches n'ont pas reçu cela comme une bonne nouvelle : " Un beau grand garçon comme cela qui entre dans les ordres", " un jeune homme intelligent comme toi ", et j'en passe. A l'inverse, j'ai été entendu et encouragé par d'autres qui disaient par exemple : " Toi, au moins, tu as trouvé ta voie ". J'avais exprimé mes convictions et elles ont été diversement appréciées. Il est difficile d'être prophète dans son pays. Est-ce pour autant impossible ?

D'abord, qu'est-ce qu'être un prophète ? Nous avons en tête Jean le Baptiste, avec sa tunique en poil de chameau, critiquant les bien-pensants de son temps. Nous pouvons penser aussi à des grandes figures actuelles comme S½ur Emmanuelle ou l'Abbé Pierre. Ce sont des prophètes qui disent que Dieu est proche des pauvres. Jésus lui-même était un prophète.

Dans la Bible, le prophète est quelqu'un qui est choisi par Dieu pour annoncer un message aux hommes. Le message est souvent une invitation pressante à changer notre c½ur, à remplacer notre c½ur de pierre par un c½ur de chair. Jésus est lui aussi dans cette ligne. Il est porteur d'une bonne nouvelle, à savoir que Dieu est avec nous pour nous délivrer de nos esclavages et avoir un c½ur sensible. A Nazareth, ville où il a grandi, Jésus annonce cette nouvelle libératrice. Dieu est ami de l'homme, de tout homme et de toute femme, quelque soit sa nationalité, sa religion, sa condition sociale.

Malheureusement pour lui, les gens qui l'écoutent se mettent en colère. C'est le fils de Joseph, comme on dirait le fils du voisin, qui leur parle au nom de Dieu. Non seulement il se prend pour un prophète mais en plus il raconte que Dieu est là pour tous les peuples et pas seulement pour les juifs. Devant la communauté juive incrédule, Jésus rappelle que Dieu est mieux accueilli par les étrangers, les veuves et les lépreux. En disant tout cela, Jésus exprime ses convictions les plus profondes. Il dit ce qu'il pense et tant pis si cela se gâte. Jésus ose annoncer le message d'amour universel de Dieu. Dieu n'a pas de chouchou. Mais certaines personnes sont plus ouvertes, plus réceptives que d'autres. Chacun reste libre d'accueillir ou non le message.

Nous aussi nous sommes appelés à devenir prophète. Quel genre de prophète ? Je pense que nous pouvons, dans les petites choses de la vie, laisser transparaître nos convictions les plus intimes. Ainsi, mes paroles et mes gestes témoigneront que le Dieu auquel je me fie est Celui qui me fait aimer encore plus, espérer encore plus, croire en moi et en l'autre encore plus. Autrement dit, Dieu apporte de l'intensité dans notre vie et nos relations. Cela ne veut pas dire que tout devient facile. La vie demeure un combat journalier. Mais au fond, ne savons-nous pas quelque part que Dieu a vaincu les obstacles ? Parfois, il arrive qu'on exprime explicitement ses croyances. Je dis alors à un groupe d'amis que je vais à la messe à Froidmont. Je dis à un collègue que je refuse telle attitude car je suis chrétien. Tout peut alors basculer : regards d'incompréhension, voire de colère, mais aussi interpellation et émerveillement devant quelqu'un qui croit en quelque chose de fort. Il est souvent difficile de prévoir les réactions et on préfère parfois rester le plus discret possible.

Finalement, nous pouvons être des prophètes en posant des actes sans nécessairement faire de grands discours. Tout le monde n'est pas l'Abbé Pierre. Mais j'ai aussi besoin de dire mon identité de croyant, de parler explicitement du Dieu qui me fait vivre.

Et vous ? Que là où nous sommes, Dieu nous aide à vivre de nos convictions et à prophétiser son amour.

Amen

5e dimanche de Carême, année C

Auteur: Gihoul Luc-Henri
Temps liturgique: Temps du Carême
Année liturgique : C
Année: 2003-2004

Nous savons tous que s'il fallait qualifier l'originalité du message de Jésus par rapport à la prédication des prophètes de l'Ancien Testament, il faudrait dire - et nous définissons d'ailleurs par-là une attitude de Jésus - : « Il mangeait avec les pécheurs. » Par sa parole, par ses actes, Jésus vit et prône une logique de solidarité. Dans ce passage, une autre logique se met en place, celle de l'exclusion.

St. Jean parle d'un cercle. Pharisiens et scribes - les parfaits et les garants de la loi de Moïse-, encerclent Jésus et cette femme sans prénom. C'est un cercle mortel. Une femme est piégée parce que prise en flagrant délit et exposée à des regards de véritables « voyeurs » ! Jésus est piégé et mis sur la sellette dans le but d'être accusé et disqualifié. Le piège est tendu « au nom de la Loi ». C'est la froide logique du processus légal qui mène à la mort. Transgression égale châtiment, voire châtiment mortel, ici la lapidation.

Les pharisiens et les juristes exégètes ont substitué à la logique de l'amour- rédempteur, l'obéissance à la loi, la vertu et l'obsession de leur propre sainteté. Mais une sainteté qui tue ne peut être qu'imposture. Ils ont les mains pures, dirait Péguy, mais ont-ils des mains ?

A cela, Jésus oppose une autre logique qu'il introduit par un temps de silence, symbole d'un retour sur soi. Jésus, par deux fois, écrit avec un doigt sur le sol sablonneux malgré l'impatience des accusateurs qui veulent en découdre au plus vite. Or, nous savons, par le prophète Jérémie, qu'écrire le nom d'une personne dans la poussière indiquait que celle-ci était vouée à la mort. Mais qui, ici, est voué à la mort ? La suite de la péricope nous le dit. La relation à Dieu est très proche d'être perdue quand on imagine le posséder comme un droit acquis. La relation à Dieu est bien proche d'être retrouvée quand on garde la contrition dans l'âme et l'espérance au c½ur.

Quel contraste entre la Loi figée dans des tables de pierre immuable et la souplesse du pardon de Dieu qui glisse dans une âme désemparée, comme le sable entre les doigts ! Jésus écrit sur le sol, lieu de la marche exigeante sur la route rocailleuse de la vie. Jésus écrit dans la glaise, lieu fragile de nos origines et de notre nature duelle et ambiguë, matière et esprit, lieu d'un cheminement périlleux sur les sables mouvants de l'existence.

D'accusateurs publics de la femme adultère, d'accusateurs publics de Jésus, soupçonné d'adultère à la Loi, Jésus met les vertueux scandalisés en position d'accusés : « Que les parfaits parmi vous lui jettent la première pierre ! » Pour une fois, les pharisiens vont être logiques : les plus vieux partiront les premiers. C'est que, pour Jésus, il s'agit moins de juger son passé que de proférer son avenir, il s'agit moins de condamner son présent que de mieux créer son futur. Salves d'espérance au creux de nos errances ! « Va et ne pèche plus » !

« Dieu est bon, il n'est pas faible » disaient les jansénistes. Mais une bonté sans ce que notre dureté appelle « faiblesse », une bonté réelle et absolue, sans cette faiblesse d'indulgence, de clémence et de miséricorde est une bonté inhumaine et terrible. Elle n'est pas celle de Dieu. Dieu, lui, est faible par nature. La Rédemption est là pour le prouver. La Croix me donne raison. Et si l'amour de Dieu est inconditionnel et sans repentance, s'il s'adresse aux humains que nous sommes, nous qui fautons parfois d'une manière si incongrue, voire épouvantable (regardons le monde), cet amour divin, de bonté belle et parfaite, pourra bien trouver pour chacun d'entre-nous le chemin rédempteur et de quoi et comment nous sauver.

Face à cette femme, image de toutes nos idolâtries (la prostitution et l'infidélité étaient l'image de l'abandon par Israël de Dieu), face à l'errance, il y a Jésus. Or, cet épisode de l'Evangile se passe le jour de la fête des Tentes qui clôture l'année liturgique en Israël et qui en est le sommet. Ce grand jour festif où dans la lumière, les processions et les chants se célébrait la « joie libératrice de la Loi ».

La joie libératrice de la Loi ! ? Quel paradoxe ! On célèbre, heureux, la loi qui libère et on veut mettre à mort quelqu'un, dans la honte et la colère, au nom de cette même Loi ! C'est bien le dilemme que relayera St. Paul : la grâce ou la loi, la vie ou la mort, l'amour ou la punition, la vengeance ou le pardon ! La loi : un amour mal compris, mal vécu et c'est la mort. La grâce : une invitation à mieux aimer, à aimer toujours, à aimer plus (car on n'aime jamais assez), à se convertir à l'amour et c'est la vie. Courbé ou debout ? A nous de choisir !

5e dimanche de Carême, année C

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps du Carême
Année liturgique : C
Année: 2003-2004

Tant la presse écrite que la presse parlée en a fait la une de ses journaux. Il est vrai qu'ils ont quand même été condamnés à près de cinq cents millions d'euros. Vraisemblablement une bagatelle pour eux.

Voilà ce qu'il en coûte de vouloir maîtriser tout un secteur par une situation de monopole. Je n'entrerai pas dans ces considérations économiques car ce n'est pas le lieu, mais j'ai été frappé de certaines similitudes entre les logiciels et l'évangile de ce jour : celui de la femme adultère. Quel est le lien se demandent sans doute certains. Le vocabulaire évidemment. Je suis toujours frappé du vocabulaire religieux utilisé dans le langage informatique. Grâce à la souris, appelée mulot par le président Jacques Chirac, nous cliquons sur une icône. Lorsque nous écrivons un texte sur l'écran, avant de fermer le programme, l'ordinateur demande si nous voulons le sauver. Enfin pour la présentation d'un travail écrit, il est toujours préférable de justifier celui-ci. Etonnant, voilà trois mots : icônes, justification et sauver qui se retrouvent dans l'extrait d'évangile de ce jour.

Au fil des années, la femme adultère est devenue une icône du pardon offert par Dieu. Sa justification est un don gratuit du Christ lorsque ce dernier lui dit : " je ne te condamne pas, va, et désormais, ne pèche plus ". De la sorte, elle vit de nouveau l'espérance d'être sauvée. S'il en est ainsi pour la femme adultère, il en va d'une certaine manière de même pour chacune et chacun de nous. De par notre conception, toutes et tous nous sommes images, c'est-à-dire icônes de Dieu. Un Dieu qui veut que toute sa création chemine vers sa réalisation, son accomplissement, en fait vers l'épanouissement de chaque individu. Dieu désire donc que chaque être humain puisse être sauvé ou pour le dire autrement que chaque personne choisisse de partager la vie divine puisque toutes et tous nous avons été créés capables de Dieu. Telle est l'espérance que la foi nous propose dans la mort et la résurrection du Fils. Devenir des êtres résurrectionnels, des êtres sauvés, " un jour " pleinement accomplis en Dieu.

Pour ce faire, nous devons nous aussi être justifiés. Dans cette perspective, la justification est essentielle à notre propre réalisation. En effet, tout chemin de vie est parsemé d'embûches, d'entraves posées par les autres ou par nous-mêmes. Ces entraves jouent un rôle négatif dans notre accomplissement puisqu'elles nous empêchent de devenir pleinement nous-mêmes. Certains pourraient alors se dire : " Ca, c'est mon affaire, cela ne regarde que moi ".

Penser de la sorte n'est-ce pas s'enfermer dans une sphère égocentrique qui nie le sens même de toutes les relations que nous construisons et qui nous définissent. N'est-ce justement pas dans la relation d'amour et d'amitié que tout être grandit et chemine vers son propre accomplissement ? Si ma propre existence est entravée de tous mes encombrements, il n'y aura alors plus ni lieu, ni temps pour une rencontre en vérité avec mes contemporains ou avec Dieu car je suis devenu tellement encombré de tout ce qui m'empêche de devenir moi-même.Un sentiment de paralysie m'envahit et finit par m'empêcher d'exister dans toutes les dimensions de mon être. Il suffit me direz-vous de faire comme l'ordinateur, c'est-à-dire de tout envoyer à la corbeille puis de la vider. Comme cela tout est effacé et nous pouvons recommencer à vivre. C'est pourtant ici que s'arrêtent les similitudes entre les langages informatique et théologique.

Le pardon n'efface rien. Nous n'oublions pas. Le pardon est un acte de souvenir. Je me souviens, je n'oublie pas mais je me libère de toutes ces entraves. Tel est un des sens du pardon. Par amour, Dieu souhaite notre libération, notre justification. Il nous propose un chemin de vie où il se révèle à nous dans la réconciliation. Toutefois, cela demande une certaine dose d'humilité de notre part pour le recevoir. Dieu le Père par son Esprit dans le Fils vient au plus profond de chacune et chacun de nous pour nous offrir son propre pardon.

Si nous souhaitons le recevoir, désencombrons-nous de tout ce qui nous empêche de devenir nous-mêmes, de tous ces manques d'amour qui nous habitent, de toutes ces ruptures d'alliance que nous vivons entre nous et avec Dieu. Que l'Esprit Saint nous éclaire et nous accompagne sur cette route du pardon offert pour que nous puissions, après un temps de méditation, en toute liberté, venir poser au pied de la croix du Christ tout ce qui nous encombre afin de marquer notre volonté de revenir dans l'Alliance promise, de vivre une nouvelle fois de la vie divine.

Amen

5e dimanche de Pâques, année C

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : C
Année: 2003-2004

Puis-je vous inviter à vous livrer à un petit exercice ? Je vous demande simplement de regarder votre voisin ou votre voisine de gauche puis celle ou celui de droite. De regarder les gens autour de vous et de les observer quelques instants. Vous pouvez même vous retourner. Et tout cela sans parler car il est difficile de s'observer sans ne rien dire. Je vous en prie : allez-y.

Après cet exercice ô combien difficile, j'en conviens, je nous invite maintenant à nous poser la question suivante : avons-nous l'impression que si des personnes extérieures à notre communauté entraient tout à coup dans cette église, elles pourraient se dire : oui, ces gens sont vraiment les disciples du Christ, regardez comme ils s'aiment. Je ne peux pas affirmer avec certitude qu'ils arriveraient à une telle conclusion. Nos visages expriment-ils vraiment ce que nous ressentons au plus profond de nous-mêmes ? Nos expressions donnent-elles le goût de Dieu ? Nos attitudes sont-elles enracinées dans l'amour. Car c'est tout simplement cela que le Christ nous propose aujourd'hui.

Dépasser nos craintes respectives pour oser entrer les uns avec les autres dans une véritable relation d'amour au sens où Dieu l'entend. En effet, nous avons d'abord et avant tout été créés libres pour aimer. L'amour commence là - dans les fonds du désert de notre liberté. Il est invisible dans ses débuts, indiscernable dans son visage. D'abord nous ne voyons rien. L'amour avance vers lui-même, vers son propre couronnement. Il ne nous demande rien, sinon d'être là. Il est cette invitation discrète à nous éclairer l'un l'autre sans toucher à nos ombres respectives. En effet, l'amour ne révoquera jamais la solitude. Il la parfait. Il lui ouvre tout l'espace pour brûler. L'amour n'est rien de plus que cette brûlure. Il n'est donc pas manque mais plénitude du manque, comme le souligne Christian Bobin. Une plénitude du manque qui vient à la conscience dans l'acte amoureux. En effet, l'alchimie naissante entre deux êtres nous fait découvrir cet ensemble de besoins que l'autre pourra en partie combler.

L'amour n'a pas de frontières, pas de limites. Il se donne à vivre tout entier dans cette plénitude invisible pour la raison et qui s'exprime dans les sentiments. Par la rencontre, tout être aimé nous ouvre à de nouveaux horizons à découvrir. Le désir de bonheur de l'autre passe dans le soucis de le rencontrer dans ses espaces personnels qui diffèrent des nôtres. L'amour, l'amitié nous permettent ainsi de nous dépasser, de partir vers ces endroits où nous n'aurions pas été de nous-mêmes. C'est poussés par le désir de combler ces nouveaux manques que la relation nous offre, que nous marchons autrement sur le chemin de la vie. Dans ces relations où les sentiments expriment notre désir d'aimer, nous nous sentons souvent comblés. Comme s'il y avait quelque chose d'égoïste dans l'amour. Lorsque j'aime, j'y trouve mon compte. Je t'aime parce que tu es toi.

" Je t'aime " est en fait une affirmation, non pas une question attendant une réponse. L'être aimé en les prononçant ne dit pas aime-moi mais aime-toi. " Je t'aime ", c'est-à-dire tu es ce qui éveille en moi le sentiment d'amour, tu es le complément en moi du verbe aimer. Mieux encore, je t'aime toi, tu es mon complément, celui de mon tout, de mon ombre et de ma lumière. De la sorte, l'amour se dépose au fond de notre âme et y laisse toujours un rien de toi, une poussière de tendresse qui nous accompagne et nous suit où que nous allions. Etre aimé n'est-ce d'ailleurs pas la quête légitime de toute vie humaine. Et Dieu aujourd'hui nous convie à ne vivre que de cela. Tout la vie de foi se résume en ces mots : " je vous donne un commandement nouveau : c'est de vous aimer les uns les autres ".

Toutefois, cet amour ne se réduit pas à l'amour d'amitié, à l'amour de sentiment, c'est-à-dire à l'amour de plénitude du manque qui nourrit tout être humain. Fort de ce constat, nous sommes alors conviés à aimer de respect, fondement même de l'amour, toute personne, quelle qu'elle soit, d'où qu'elle vienne pour la simple raison que nous partageons la même humanité . Chaque rencontre vaut donc la peine d'être vécue. Chacun, chacune a quelque chose à nous apporter, à nous faire découvrir même si nous ne nous en rendons pas compte tout de suite. Tout être humain, de par le simple fait de son humanité, ouvre en nous de nouvelles perspectives car toutes et tous nous sommes parcelles de divinité. C'est cette réalité toute simple qui permet à Jésus de nous dire que " ce qui montrera à tous les hommes que vous êtes mes disciples, c'est l'amour [de respect] que vous aurez les uns pour les autres ". Que ces mots ne soient pas un simple souhait mais qu'ils deviennent entre nous réalité.

Amen.

6e dimanche de Pâques, année C

Auteur: Gihoul Luc-Henri
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : C
Année: 2003-2004
 Mes brebis entendent ma voix et me suivent » disait Jésus. Suivre Jésus ! Placé devant Jésus, il devait être impossible, pour ses contemporains, de rester neutres. Devant lui, on se laissait gagner par un espoir fou car c'était surtout sa façon d'aimer qui frappait. Souvent nous croyons que nous sommes trop humains, trop attachés à ce qui nous entoure pour être vraiment chrétiens et pour qu'une vraie vie spirituelle soit possible. Mais, justement, nous devrions reconnaître en Jésus quelqu'un qui savait aimer humainement bien et bien mieux que nous. Devant Jésus, nous aurions su que c'est l'amour vrai qui nous manque : celui qui ne juge pas et sait attendre, celui qui respecte et ne méprise jamais, celui qui accueille et sait partager ; l'amour au quotidien, dans chaque instant, dans toutes les petites choses de la vie.

Au fond, devant Jésus, tout est simple et terrible à la fois. Suivre Jésus, c'est partager ou non ses sympathies. C'est se décider « devant lui et comme lui » par rapport à toutes choses dans des situations purement humaines. Est-ce difficile d'être ému devant un ami défunt ou un jeune homme mort , d'avoir pitié d'une mère en larmes ou d'une femme bafouée, fût-elle pécheresse , d'être émerveillé de la discrète offrande d'une pauvre veuve ou de s'attendrir devant un enfant ? Comme Jésus, est-il difficile d'admirer la vigne et d'aimer le vin qui en jaillit , de goûter la fraîcheur du vent ou le silence de la mer ? Est-il difficile de céder à une amitié vraie comme Jésus vis à vis de Lazare ou de ses douze , de vivre, comme lui, une belle affection avec Marthe et Marie, de connaître la tristesse devant le péché ou l'angoisse devant la mort pressentie ? Oui, tout cela est simple et pourtant terrible et merveilleux à la fois.

Nous croyons suivre Jésus dans des affections purement humaines mais voilà que, vivant comme lui, nous nous rendons compte que par là même, nous nous décidons vis à vis de choses divines ! En vivant toutes ces choses très simples, comme lui, c'est à dire animés par la grâce, nous communions en fait, et en même temps, à des réalités divines. En réalité, quand Dieu s'est fait homme, il a choisi toutes les valeurs humaines dont il allait s'éprendre. Il a renoncé à tout ce qui pouvait nous nuire : le pouvoir, la richesse, la suffisance. Il n'a gardé de Dieu, en s'incarnant, que l'amour pour épouser la faiblesse de notre condition humaine et nous inviter, à sa suite, à la bonté, à l'humilité et au pardon. Lorsque nous suivons Jésus en vivant toutes les proximités familières, nous vivons toutes choses dans la grâce et nous nous unissons, par elles, à Dieu.

« Mes brebis entendent ma voix » ! Entendre la voix de Dieu en ce monde ? N'est-ce pas précisément le silence de Dieu qui nous pose problème et rend notre foi ardue ? Devant tant de malheurs, de massacres perpétrés sur le globe et d'errances de l'humanité, pourquoi cette apparente absence d'un Dieu qui serait impassible, impavide et impuissant ? Nous vivons une sorte de fatalisme d'un monde sans Dieu apparent.

D'un côté, les enfants des victimes de l'holocauste crachent leur mépris à la figure d'autres enfants palestiniens. Les enfants des héros de la victoire de la résistance serbe contre les nazis massacrent leurs voisins de toujours et entassent charniers contre charniers.. D'un autre côté, sur tout le continent africain, les enfants meurent dans des guérillas fratricides qui enrichissent les marchands d'armes. Les talibans pulvérisent à la dynamite l'art sacré de croyances ancestrales et traitent de façon ignominieuse les femmes... D'un côté, des sommes colossales sont dépensées pour des programmes sur le clonage tandis que des milliers d'enfants crèvent de faim ou sont exploités et violés. D'un autre, si nous envoyons Ariane dans l'espace, c'est parce que pendant la 2ème. guerre mondiale, des milliers de prisonniers creusaient les usines souterraines des V1 et V2...

Et il en sera toujours ainsi ! Peut-être même serons nous plus loin encore demain ! Et le prix à payer sera d'autres victimes, innocents et martyrs. Comme s'il fallait toujours que Caïn tue Abel, qu'Abraham veuille sacrifier son fils ! Mais, le croyant qui suit Jésus ne cède pas à une sorte de fatalisme de l'Histoire et du temps, au fanatisme des méchants. Abraham n'a pas tué Isaac. Le silence de Dieu s'est rompu à travers l'amour d'Abraham pour son fils, amour qui a purifié sa foi. C'est cela qu'il ne faut pas oublier car aujourd'hui encore, c'est à travers l'amour de l'homme pour l'homme que Dieu parle.

Les juifs contemporains du rabbi Jésus attendaient de lui l'écrasement de leurs ennemis par des miracles de toute puissance. Jésus a refusé ces signes. Il a déplu et déçu tout le monde, sa parenté, son village, son peuple, ses partisans, certains disciples très proches et Judas, définitivement. Nous aussi, parfois, Dieu nous déçoit. Nous sommes fatigués de son silence, de sa patience et de sa tolérance. De nos jours encore, c'est en restant en butte aux reproches et aux outrages que Dieu continue de témoigner de sa présence et de sa puissance invisible. Et c'est cette invisibilité reprochée qui peut le rendre manifeste. Quand n'importe où, le plus petit geste d'amour vrai s'ébauche alors éclate le miracle de la présence de Dieu parmi nous. A travers le respect de l'autre, sa libération, sa promotion, à travers la volonté de le vouloir lui-même et non conforme à notre propre volonté s'expriment l'amour et la présence de Dieu. Les autres sont alors mis entre nos mains, « livrés » à nos négligences, nos distractions et nos refus ou, au contraire, à nos responsabilités et à nos engagements.

Le voilà tel qu'il aime apparaître à nouveau au monde ce Dieu invisible, dans un regard d'amour, de pardon et de partage de l'homme pour l'homme. Le voilà présent dans la compassion à la souffrance, la main tendue à la solitude, la proximité d'une présence silencieuse, la chaleur d'une joie partagée. Oui, « entendre la voix de Jésus et le suivre » est tout le sens de notre foi : être capable de croire à tout ce que fait Dieu en silence et en filigrane par nos paroles et nos gestes de bonté et de soutien. La foi c'est croire que le plus humble geste d'amour fait faillite à tous les déterminismes mortifères et met en échec tous les fatalismes infernaux.

6e dimanche de Pâques, année C

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : C
Année: 2003-2004

Certaines personnes se posent encore la question de savoir quel est la maillon manquant entre le singe et l'être humain. La réponse de l'éthologiste autrichien Konrad Lorenz me plait beaucoup. Il affirme que le chaînon manquant, c'est vous, c'est moi. En effet, nous ne sommes pas encore des êtres pleinement réalisés, accomplis, voire humanisés. Nous n'avons pas encore atteint notre statut d'humain. Nous sommes toujours sur cette voie d'humanisation, de divinisation. Je crois que nous pouvons même affirmer que cette réponse vaut également pour la question suivante : mais où est Dieu en notre monde ? Dieu, il est en vous, en moi. Tout maillon manquant que nous soyons, cela n'empêche absolument pas Dieu de venir inhabiter en chacune et chacun de nous. Le Christ ne dit-il pas dans l'extrait d'évangile de ce jour : " si quelqu'un m'aime, il restera fidèle à ma parole ; mon Père l'aimera, nous viendrons chez lui, nous irons demeurer auprès de lui ".

Dieu le Père et Dieu le Fils vivent en nous. Comment en être certain ? N'est-ce pas une belle promesse mais qui ne peut se vérifier ? Je ne le pense pas. Dieu inhabite en ses créatures, si nous sommes fidèles à sa parole. Une parole qui s'est offerte à nous dans le commandement de l'amour. Père et Fils demeurent auprès de nous par l'Esprit qui nous a été donné. Il est notre défenseur. Depuis le retour du Fils auprès du Père, nous sommes entrés dans ce fameux temps de l'Esprit Saint. Un Esprit qui se fait connaître à nous en nous inspirant. Et c'est cette inspiration précise qui nous permet d'agir d'une certaine manière en notre monde. Il y va donc de la responsabilité de chaque être humain de permettre à Dieu d'agir dans le monde puisque ce dernier a besoin impérativement de ses créatures. C'est par elles qu'il agit. Nous sommes les mains de Dieu, les acteurs de Dieu sur cette terre. Son Esprit nous inspire. Certains diront que nos actes sont purement humains. Et c'est peut-être vrai. C'est la manière dont nous lisons notre vie qui nous permet de l'écrire avec l'encre divine.

Inspirés par l'esprit, nous sommes théographes de nos existences . Et cela se vite en toute liberté. En effet, Dieu nous laisse libres de choisir de répondre à ses diverses inspirations. Ces dernières ne sont pas des coups d'éclat, des bonnes actions quotidiennes bien charitables. La solidarité avec ses frères et s½urs en humanité n'est pas l'apanage de quelques professionnels médiatisés de la charité. Non. Etre inspirés par l'Esprit et donner une signification divine à nos actes humains, est une manière de vivre, une philosophie de vie à la suite du Christ.

Poser dans la vie de tous les jours, des petits gestes de tendresse, des actes banals d'amour, des attentions gratuites avec tous ceux et celles qui nous entourent et partagent nos différents lieux d'existence. Il n'est pas nécessaire qu'il y ait du mal, de la souffrance pour que le bien puisse exister. Le bien peut se vivre quotidiennement, il en va, et je me permets de le souligner une fois encore, de notre responsabilité. Et ce qui est surprenant c'est que l'inspiration de l'Esprit ne se découvre que dans ma propre réponse, c'est-à-dire dans tous les actes que je pose. Par l'Esprit, j'entre dans un nouvel état d'esprit : je choisis de m'humaniser, de me diviniser. Non, n'ayez pas de crainte, je n'ai pas la prétention d'être Dieu. Par contre, en posant librement tous ces gestes quotidiens à la suite de cette parole d'amour donnée, j'espère partager un jour la vie divine. Tel est l'objectif à atteindre. Il n'y aura plus de maillon manquant puisque ce jour-là l'être humain se sera pleinement humanisé. Tel est le défi auquel Dieu nous invite. Avec ce que nous sommes, avec tout ce que nous avons reçu et développé au cours de nos existences, nous sommes conviés à éveiller en nous tous nos potentiels d'amour. Nous en sommes capables. Il suffit d'humaniser notre humanité et par là la diviniser. L'inspiration divine conduit toujours à la solidarité, aux simples gestes qui apportent le plus d'amour. De la sorte, nous deviendrons humains à la mode de Dieu. Ou encore, pour reprendre les mots du poète Aragon : nous serons devenus des êtres humains " amoureux de vivre à en mourir ". S'il en est vraiment ainsi, n'est-elle pas belle la vie que Dieu nous propose ?

Amen.