Dimanche de Pâques

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : A, B, C
Année: 2004-2005

Dans les années 40-50 de notre ère - il y avait à peine 10 ans que Jésus avait été crucifié -, un homme courait les routes. Seul ou avec quelques jeunes disciples, de Damas à Antioche, de Thessalonique à Corinthe, de la Galatie à Ephèse, ce voyageur n'était pas un commerçant avide de bonnes affaires ni un touriste curieux de découvrir les merveilles de son temps. A pied, parfois en bateau, par tous les temps, cet homme pauvre et toujours pressé parcourut des milliers de kilomètres, affrontant tous les dangers.

Ce Juif originaire de Tarse en Cilicie, toujours combattu, toujours joyeux, se nommait Saül : c'est un des géants qui ont marqué l'histoire du monde. On l'appelle SAINT PAUL.

CRÉER UNE EGLISE

Que cherchait-il, que voulait-il faire ? Rien d'autre que de créer au c½ur des plus grandes cités de son temps une communauté chrétienne, une Eglise. Dans ce but, que faisait-il ? Il parlait, il exposait sa foi et lançait un appel. A peu près ceci :

" J'étais un jeune pharisien à Jérusalem, rempli de zèle pour la religion et les traditions de mon peuple Israël. Lorsque des disciples de Jésus, l'ancien crucifié, commencèrent à répandre l'absurde nouvelle qu'il était ressuscité, je bouillonnai de fureur et je me mis à lutter pour arrêter et emprisonner ces infâmes.

Jusqu'au jour où je l'ai rencontré ! Ou plutôt où il m'a rencontré ! Lui, JESUS ! Sans colère, sans me punir, il m'a dit de sa voix douce : " Saül, Saul, pourquoi me persécutes-tu ?".

Ainsi donc Jésus était vivant ! Et il régnait dans la Gloire de Dieu, et il demeurait dans ses disciples !... Quel mystère !

Au lieu de me châtier, il me donna une mission : aller raconter cela aux nations païennes !...J'étais fou de joie"

Saint Paul n'ignorait pas les dangers de sa mission. Partout il se heurta à des adversaires farouches, décidés à le faire taire. Sarcasmes, coups, lapidation, flagellation, prison : il a tout connu de la cruauté des hommes. Mais jusqu'au jour où, à Rome, il fut décapité, il ne cessa de proclamer la Bonne Nouvelle, d'appeler hommes et femmes, libres et esclaves, à croire, comme lui, à ce Jésus qui l'avait introduit dans la lumière de la vérité, dans l'épanouissement de l'amour.

VOILÀ LA BONNE NOUVELLE

Paul n'a pas rêvé, pas plus que Pierre, Jean ou Marie-Madeleine : tous étaient mobilisés pour aller proclamer la plus belle, la plus urgente, la plus incroyable des nouvelles.

Car ces chargés de mission n'ont pas joué leur vie pour affirmer qu'il n'y a qu'un Dieu (des philosophes, comme la Bible, l'avaient enseigné), ni pour exhorter à bien se conduire, à vivre honnêtement, sans se faire la guerre (ce que tout le monde souhaite), ni pour appeler à quitter une société perverse et à s'enfuir comme des moines au désert.

Ils affirmaient, répétaient, annonçaient l'essentiel, l'inouï, ce que la loi n'avait jamais dit, ce que la morale n'avait jamais espéré :

Jésus a été crucifié et son Père l'a ressuscité.

Il a offert sa vie pour donner le pardon de toutes les fautes, à présent il vit, il est Seigneur et il communique sa vie - la Vie de l'Esprit, la Vie divine - à ceux et celles qui osent croire en Lui et acceptent de former une communauté.

Cette communauté, issue de tous les milieux de vie, se réunit chaque dimanche afin de faire mémoire de son Seigneur en répétant son dernier repas. Ainsi les croyants comprendront et expérimenteront qu'ils sont réellement son corps, un Corps destiné à s'étendre par toute la terre, lorsque toutes les cellules locales se veulent une unique Eglise, animée par l'unique amour, la charité née du c½ur crucifié de Jésus. Qu'ils ne dirigent pas le monde : qu'ils en soient le ferment dans l'attente de la venue du Seigneur.

REPRENDRE UNE VIE DE BAPTISES

En cette Veillée pascale, au moment de renouveler nos engagements de baptême, de nous redire qui nous sommes devant Dieu et qui nous devons être devant les hommes, nous venons à nouveau d'entendre la voix du grand Apôtre.

Méditons, buvons ses paroles, laissons nos c½urs s'échauffer à sa flamme :

" Nous avons été baptisés en Jésus Christ, plongés dans sa mort pour que nous menions une vie nouvelle, de même que le Christ est ressuscité...

L'homme ancien qui est en nous a été fixé à la croix avec lui ; l'être de péché est réduit à l'impuissance.

Si nous croyons que nous sommes passés par la mort avec le Christ, nous croyons que nous vivrons aussi avec Lui.

Ressuscité des morts, le Christ ne meurt plus.

Il est mort au péché, il est vivant pour Dieu.

De même vous : vous êtes morts au péché et vivants pour Dieu en Jésus Christ" ( Romains 6 )

Tout est là, dans le mystère pascal, le "passage" de Jésus de la mort à la Vie, "exode" qui entraîne le nôtre. Sortie de la vie ancienne, marquée par le péché et la servitude de la loi, pour entrer dans la Vie nouvelle, la communion en Jésus ressuscité, la liberté.

Dans un monde ivre de progrès, mais où chaque succès des sciences allume une nouvelle menace, comment allons-nous faire pour que continue à retentir la Bonne Nouvelle ? En la vivant nous-mêmes.

Le problème n'est pas notre petit nombre (Il n'y avait guère de chrétiens jadis à Corinthe ou à Philippes !) mais notre foi.

Il y a longtemps que nos édifices, nos institutions et même nos dévouements n'impressionnent plus personne. Il est urgent que, le dimanche, jour de la Résurrection de Jésus, les baptisés se ressoudent en communautés vivantes, greffées sur le Mystère pascal de leur Seigneur

" CHRIST NOUS A LIBERES POUR AIMER" clamait saint Paul.

Que cette Bonne Nouvelle, ce Joyeux Message remplisse nos c½urs !

Dimanche des Rameaux

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps du Carême
Année liturgique : A, B, C
Année: 2004-2005

Mt 26, 14-27

Si la croix est bien l'insigne distinctif du christianisme, il serait absolument faux d'y voir une apologie de la souffrance, une façon de propager un goût morbide pour le malheur.

Dès le début de sa mission, Jésus s'est lancé dans un combat acharné et permanent contre le mal. Lorsqu'il ouvre les yeux de l'aveugle, permet à un sourd d'entendre, fait marcher le paralytique, purifie le lépreux, ce n'est pas pour stupéfier les foules, leur prouver son identité, les acculer à croire grâce à des actions miraculeuses.

C'est parce que, avec Jésus, le Royaume de Dieu s'est approché. Si Dieu vient régner, cette Présence provoque des effets bénéfiques même dans les corps. Les guérisons sont les signes manifestes de l'amour actif de Dieu pour tout homme, de sa compassion pour les blessés de la vie. L'Evangile n'est pas une théorie pieuse, une théologie pour les belles âmes mais une force divine à l'½uvre afin de restituer l'humanité dans son intégrité, son honneur, sa grandeur.

Il est capital de répéter que jamais Jésus n'a dit qu'il fallait se résigner à son destin, "offrir ses souffrances"...ou que le Bon Dieu envoyait des punitions. L'Evangile est le contraire du fatalisme, il appelle à la mobilisation, à l'action incessante contre tout ce qui abîme l'homme, contre tout ce qui le défigure, ce qui l'empêche de vivre en plénitude.

GUERISONS SPIRITUELLES

Il reste que la santé corporelle, si importante soit-elle, ne constitue pas le tout du bonheur et de l'épanouissement de l'homme. A quoi bon rendre la santé à tout un village si les gens utilisent leurs forces retrouvées pour s'envier, se faire du mal, s'entretuer ? Les grands criminels sont rarement des malades.

C'est pourquoi Jésus ne se cantonne pas dans un rôle de médecin : il déploie sa mission à un niveau beaucoup plus difficile, la thérapie spirituelle. Il faut soigner l'humanité à la source de son mal, au fond de son c½ur, là où elle est esclave d'instincts mortifères, tiraillée par des tendances suicidaires, déchirée par des oppositions raciales, endurcie dans l'indifférence au malheur du prochain.

Jésus s'applique à guérir les c½urs blessés : Zachée, le voleur, et Marie-Madeleine, la pécheresse pardonnée, comptent parmi les plus grandes victoires de son pardon.

DES MALADES QUI NE VEULENT PAS GUERIR

Le travail thérapeutique de Jésus va même se poursuivre là où on ne l'attendait pas : à l'égard de gens qui s'estimaient en bon état devant Dieu. Ceux que l'Evangile nomme souvent "pharisiens" ne sont pas des hypocrites pervers mais des gens honnêtes, appliqués à observer les règles morales et liturgiques, convaincus de faire leur possible pour plaire à Dieu.

Mais lorsque Jésus se met à dénoncer leur légalisme, leur vanité, leur assurance en eux-mêmes, quelle fureur les prend ! Et lorsque Jésus, pire encore, conteste un culte mensonger, Caïphe et ses comparses n'hésitent guère à décider l'arrestation et la condamnation de ce perturbateur.

LA CROIX ET L'EUCHARISTIE

Et voilà que la croix, que Jésus avait enlevé du dos des souffrants et des pécheurs, s'abat à présent sur ses épaules. Lui qui voulait la vie de l'homme, voilà que des hommes hurlent à mort contre lui et exigent sa crucifixion ! Et pas plus que les apôtres, ses amis les plus proches, aucune des anciennes personnes guéries ne vient prendre sa défense lors de son procès.

Que faire alors ? Jésus ne peut renoncer à sa mission, reculer, s'enfuir, édulcorer son message, adoucir les angles, proposer un compromis. Il lui faut aller vers cette mort qui le révulse, dont l'approche le jette à terre, tordu par une angoisse inimaginable.

Mais cette Passion dans laquelle il lui faut entrer, il va en faire une Action.

Son dernier geste, avant que ses ennemis ne l'arrêtent, est de partager un repas avec ses pauvres disciples. Il sait qu'ils vont l'abandonner tant leur lâcheté est grande, mais il les aime et s'offre à eux en nourriture :

" Prenez et mangez...Buvez...Mon corps...Mon sang...Faites cela en mémoire de moi".

L' Eucharistie prouve que Jésus n'est pas la victime inconsciente d'un guet-apens mais qu'il assume la haine de ses bourreaux pour en faire un don d'amour de sa personne.

Après Pâques et la Résurrection, et à la lumière de l'Esprit-Saint, les apôtres saisiront peu à peu ce qui vient de se produire. Eux qui s'émerveillaient devant les guérisons miraculeuses de Jésus, eux qui rêvaient de réaliser, avec lui, une grande révolution pour recouvrer l'indépendance nationale, ils comprennent maintenant que le mal était d'abord en eux et que Jésus était le véritable Agneau pascal qui leur offrait le pardon.

Grâce à la Croix, par la Croix, Jésus a ouvert les portes de leur prison, ils sont libres - non par leurs propres forces, mais par la Miséricorde de Dieu manifestée au Calvaire et partagée dans l'Eucharistie.

Ils formeront les premiers rangs de l'Eglise, le peuple transformé par l'Amour de Dieu et dont la mission est de poursuivre celle de Jésus : guérir, soigner, mettre debout, consoler, réconforter, pardonner... Mais aussi faire la vérité, dénoncer l'injustice, l'idolâtrie et le mensonge. Quitte à devoir subir la contradiction. Et à devoir prendre la Croix !

En cette Semaine Sainte, nous avons encore à méditer ces affirmations de saint PAUL

Je n'ai rien voulu savoir parmi vous

sinon Jésus Christ, et Jésus Christ crucifié.

Avec le Christ, je suis un crucifié...

Pour moi, jamais d'autre titre de gloire

que la CROIX de notre Seigneur Jésus Christ...

Dimanche des Rameaux

Auteur: Monnet Claire-Marie
Temps liturgique: Temps du Carême
Année liturgique : A, B, C
Année: 2004-2005

Un homme va mourir. Il faudrait pleurer. Mais la foule est en liesse et Jésus ne repousse pas sa joie.

Que faut-il comprendre ?

Que valent cet enthousiasme, ces acclamations ? Ne savons-nous pas qu'incessamment, la situation va basculer ? De l'accueil au rejet, de la reconnaissance à l'abandon, quelques jours suffiront pour que Jésus perde tout : son honneur et sa dignité, ses frères et ses amis. Le triomphe du prophète, sa crédibilité, sa liberté physique, sa santé sont précaires et menacés.

Comme les pharisiens, mais pour une autre raison, celle de notre lucidité, nous serions tentés de fustiger l'exubérance des gens. De quelle victoire peut-on parler quand déjà le soir tombe et que la violence va se déchaîner ? L'heure est-elle à fête et à la joie ?

Et pourtant, Jésus s'y associe tout entier. Il refuse de la réprimer .

La liturgie juxtapose le triomphe des Rameaux et la lecture de la Passion. L'échec suit le succès, la peine recouvre la joie.

Du haut de son petit âne, Jésus nous provoque. A quoi ? Jésus nous provoque à entrer dans la joie, à entrer dans l'ironie du moment, non pas pour amoindrir sa gravité, son poids, sa profondeur...mais pour en percevoir peut-être l'enjeu.

La foule acclame son messie. Mais Jésus répond et ne répond pas. Il est bien le fils de David, il vient au nom du Seigneur, il accomplit la prophétie. Mais il est juché sur un âne : il choisit l'impuissance pour manifester la paradoxale toute-puissance de Dieu.

C'est limpide et pourtant, il y a méprise. Aux Rameaux, Jésus est le Seigneur mais il est le Seigneur des pauvres et par là le Seigneur de tous : de ceux qui n'auront pas le panache de rester forts dans l'adversité, de ceux qui déserteront quand viendra l'extrême souffrance, de ceux qui douteront toujours un peu, mais pas assez pour renoncer à croire. Il est le Seigneur de ceux qui restent les yeux rivés sur leurs petits bonheurs.

Il accepte d'être leur Seigneur ! Et pour lui, cette joie enfantine des Rameaux n'est pas condamnable. Il accueille et il bénit la joie des enfants et des petits.

Cette joie des Rameaux est la nôtre lorsque, pauvres avec les pauvres, nous mendions auprès de Jésus nos bonheurs, petits ou grands, légitimes ou non. Lorsque nous mendions auprès de Lui parce que nous croyons qu'il entre en nos désirs même les plus inavouables, les plus fous, les plus risqués, les plus honteux peut-être, les plus ridicules parfois. Il entre dans la foule de nos faux problèmes, de nos bonheurs qui n'en sont pas, de nos illusions chéries.

Jésus suit le chemin que nous lui traçons avec nos palmes et nos manteaux. Le chemin des succès dont nous rêvons. Il assume ce chemin qui conduit à l'impasse dans la fosse commune des illusions perdues. Il assume ce chemin comme il assume notre pauvre joie, pour l'accomplir et le traverser, le sauver, en faire un véritable chemin triomphal, modeste comme le petit âne choisi, mais souverain.

La joie des Rameaux, la voilà : C'est la joie des pauvres. L'inquiétude les rend créatifs, créateurs de joie. C'est la joie de la foi, celle de l'espérance accomplie. La foule prend le risque d'être déçue, elle s'expose au Christ, elle se confie à lui. Elle est prête à croire en lui. Et, même s'il prévoit la désillusion, Jésus la lui permet. Il l'accompagnera aussi au-delà de la désillusion, au-delà du désespoir.

L'Eglise d'aujourd'hui a-t-elle encore cette audace ? L'audace de se 'tromper' avec les pauvres ? De se réjouir dans une fête prématurée du côté des pauvres et des humiliés, à la barbe de tous les pouvoirs ?

Le triomphe est fragile, la victoire menacée. Elle est en attente, en suspens. L'issue ne dépend pas de nous. La grande transformation du monde, selon le désir de Dieu, ne dépend pas de notre force, de notre effort, ni même de notre conversion. Elle est gratuite, attendue, à recevoir.

Nos attentes sont infantiles, nous cherchons de fausses solutions, des placebos, des antalgiques, un peu d'opium, pour combler le vide de nos vies. A nos problèmes immédiats, Jésus n'a pas la solution, il n'est pas la solution. Jésus répond et ne répond pas. Mais il assume nos espoirs. Au c½ur de notre errance, il est présent.

La disparition du Messie va plonger ses partisans dans le doute profond, celui qui lamine l'intelligence et fait défaillir le c½ur. Ils vivront l'absence et le silence de la mort, la domination de l'absurde et du mensonge, le pire des malentendus.

Mais où donc le Christ pourrait-il nous rejoindre si ce n'est sur le chemin de nos illusions ? Ceux qui n'espèrent rien ne cherchent rien. Ils ne voient que l'âne et pas le salut qui est dessus. Seuls ceux qui espèrent peuvent être déçus. Seuls ceux qui se sont trompés dans une espérance humaine peuvent rencontrer le Christ en relisant l'histoire de leur malheur, comme les disciples sur le chemin d'Emmaüs

Jésus accueille la joie des pauvres, sans la réprimer. Il entre dans leur espérance sans la démentir. Il nous confirme comme êtres de désir. La joie qui est la nôtre, nul ne pourra nous la ravir : qui donc pourrait nous séparer de Lui ?

Dans la discrétion du matin de Pâques, dans l'explosion silencieuse de la vie, répondra pour toujours tout ce qu'il y a de vivant en nous, timide ou fort, tordu ou bien droit. Ce ne sera plus jamais un silence qui répondra au silence. A nos doutes, à nos attentes terriblement humaines et vaines aussi parfois, à tous nos besoins insatisfaits, Jésus ouvre un chemin. Il les libère tous, en ne les niant pas : il nous rend forts de notre faiblesse en la prenant sur lui.

En entrant à Jérusalem, il nous rend à la joie, la joie d'êtres sauvés.

Alors les pauvres crient à la face du Seigneur, car Il vient.

Il épouse leur joie, Il épouse notre joie : Son amour est plus fort que tout.

Epiphanie

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps de Noël
Année liturgique : A, B, C
Année: 2004-2005

Est-il encore besoin de les nommer : Gaspard, Balthasar et Melchior. Un africain, un européen, un asiatique. Un jeune, un d'âge moyen et un plus âgé. A trois, ils représentent tant de choses : l'annonce de la venue dans notre monde à toutes les cultures et pour tous les âges. Sans discrimination aucune. L'incarnation du Fils de Dieu n'est pas révélée à un petit nombre. Elle vaut pour toutes les nations, de tout temps et en tout lieu. Le tout résumé dans les trois personnages venus à la crèche. Chiffre d'ailleurs étonnant puisqu'il n'est même pas cité dans l'évangile où est seulement mentionnée l'expression « des mages venus d'Orient ». Ils étaient peut-être finalement plus nombreux. Nous n'en savons rien et cela n'a aucune importance. Alors permettez-moi de vous parler du quatrième mage. Celui dont l'évangile ne parle pas.

Une légende russe et un conte perse en ont fait leur héros. Le roi de Perse partit avec les trois autres mages et il emporta comme cadeau trois belles perles précieuses de la taille d'un ½uf de pigeon chacune. Mais en chemin il les donna. La première lui servit à payer des soins à un vieil homme malade. Avec la seconde il sauva une femme de la violence de brigands et enfin, avec la troisième, il monnaya la vie d'un enfant qui allait être tué par les soldats et rendit celui-ci à sa mère. Il arriva les mains vides à la crèche et s'excusa auprès de Jésus de n'avoir plus rien à lui offrir. L'enfant le regarda et son visage rayonnait. Il étendit ses deux petites mains vers les mains vides. Et l'enfant Jésus sourit, conclut le conte.

En ce qui concerne la légende russe, il s'agit d'un roi qui ayant vu l'étoile quitta son pays et s'en alla par les chemins. Mais ce roi était tellement généreux qu'en cours de route, il s'arrêta à de multiples occasions pour aider celles et ceux en détresse qui croisaient sa route. En conséquence, quand il arriva à la crèche, Marie, Joseph et l'enfant étaient déjà partis. Il poursuivit sa marche durant une bonne trentaine d'années pour se retrouver un jour à Jérusalem face à une colline où se dressaient trois gibets. Voyant l'homme du milieu, il sut tout de suite que c'était celui qu'il avait cherché toute sa vie. Il n'était donc pas arrivé trop tard. Cette légende et ce conte concernant le quatrième mage, certains d'entre nous les ont déjà peut-être entendus.

Mais connaissez-vous l'histoire belge du quatrième mage. C'est celle qui a ma préférence. Un belge, bon vivant et heureux de vivre dans son plat pays, vit lui aussi un jour l'étoile de Noël et partit à sa rencontre. A plusieurs reprises, il s'arrêta sur la nationale 4 pour profiter des bons produits de son terroir. Et puis, en bon belge, il n'était pas habitué aux distances tellement son pays était petit, c'est pourquoi il prit tout son temps, rencontra et aida plein de gens, ayant cette conviction intime que depuis deux mille ans Dieu l'attend à sa crèche. Lorsqu'il arriva à l'endroit tant cherché, il se prosterna devant l'enfant Jésus et choisit de lui offrir le plus cadeau qu'il n'ait jamais possédé : la vie qui lui avait été donnée. Le mage belge déposa aux pieds de Dieu tout ce qu'il était : ses richesses et ses zones d'ombre, ses espérances et ses désespoirs, ses convictions et ses doutes. Et l'enfant Jésus l'accepta tel qu'il était et le regardant droit dans les yeux, il lui sourit de tout son être. En fait, ce quatrième mage de ma dernière histoire bien belge, c'est vous, c'est moi, c'est nous. Et avec Dieu, il n'est jamais trop tard. Nous sommes nous aussi conviés à partir à la recherche de cette étoile nous conduisant à l'enfant-Dieu pour nous prosterner devant la divinité de celui qui s'agenouille face à notre humanité. Dieu n'a pas besoin de cadeaux achetés ou récoltés, il attend que nous nous donnions nous-mêmes à lui et ce, à chaque souffle de l'Esprit. Les dons des mages que nous sommes ne sont pas extérieurs à nous. Ils sont en nous. Ils viennent de nous. A nous alors de choisir de nous donner entièrement au mystère de la foi non seulement dans la rencontre intime de la prière, lieu de dialogue par excellence où se noue en nous l'humain et le divin, mais également dans la manière dont nous conduisons nos vies c'est-à-dire par le don de notre temps aux autres. Ceux qui font partie de nos vies ou qui croisent nos routes. Ceux qui nous rappellent la présence de Dieu en chacune et chacun de nous. Si vous aussi vous souhaitez vous déposer aux pieds de Dieu et donner au Seigneur ce que vous êtes, alors ensemble, partons à la recherche de cette étoile de Noël. Elle brille à jamais au fond de nous. Amen.

Epiphanie

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps de Noël
Année liturgique : A, B, C
Année: 2004-2005

 

Eucharistie Etoile pour la Route

Ces jours derniers, la télévision nous a permis de voir ou revoir "l'Odyssée de l'espèce", cette reconstitution qui fait survoler l'aventure tout à fait extraordinaire qu'est la nôtre : comment, du big-bang initial, le temps a conduit lentement à l'apparition de l'homo sapiens.

Comment un pauvre petit être fragile et sans défense au milieu de la savane a-t-il pu se mettre debout, affronter les dangers, dompter les fauves, percer les secrets du cosmos écrasant et étendre sa maîtrise ?

Fabuleuse et merveilleuse histoire de cet être unique émergeant péniblement de l'animalité pour devenir un jour le peintre génial de Lascaux, l'auteur de symphonies, le bâtisseur de cathédrales, l'inventeur des vaisseaux spatiaux entreprenant aujourd'hui la conquête des planètes...

Mais tout aussi capable de se laisser emporter par la haine de son semblable, d'inventer non seulement des armes mais des instruments de torture et d'instaurer l'horreur d'Auschwitz !

Mystère de l'humanité portée au meilleur comme au pire, et toujours tenaillée par une interrogation tenace : quel est le sens de cette aventure millénaire ? Notre terre est-elle seulement une grande scène où nous jouons nos tragi-comédies ... jusqu'au moment où s'éteindront les derniers lampions et que tout s'abîmera dans le grand froid final ?...Suffirait-il de nous débrouiller pour souffrir le moins possible, nous assurer contre les revers et profiter au maximum, pendant qu'il en est temps, des gadgets et des feuilletons débiles du petit écran ?...

Quand il laisse là son téléscope et arrête ses machines, le plus grand savant se retrouve seul et il sait que les étoiles ne lui donneront jamais la réponse que son c½ur cherche dans la nuit.

" Tu nous as fait pour Toi, Seigneur,

et notre c½ur est sans repos tant qu'il ne se repose en Toi"

( Saint Augustin )

Mais où es-tu, Dieu ? Nous ne croyons plus que tu te confonds avec les coups de tonnerre et les forces de la nature qui épouvantaient nos ancêtres. Nous ne croyons plus qu'il suffirait de calculer un horoscope pour enfin connaître la recette du bonheur. Où es-tu ? Comment donc faut-il vivre ? ...Où est la route de l'homme ? L'étoile est-elle, comme chantait J.Brel, "inaccessible" ?...

LA QUÊTE DES MAGES

Un jour, des mages - ces astronomes de l'antiquité orientale- comprirent qu'il fallait chercher la solution de leur désir profond non en-haut dans le ciel mais sur la terre. Et ils se mirent en route, sous les moqueries sans doute de leurs confrères.

Ils allèrent d'abord au palais, dans le lieu du pouvoir : est-ce que le roi - ou l'empereur, ou la vedette, ou le philosophe ou tout autre spécialiste d'une science nouvelle - pouvait répondre à leur quête ? Seul un vieux livre semblait annoncer que la lumière viendrait d'un village perdu de Judée.... Etait-ce crédible ?...

Néanmoins les voyageurs décidèrent de s'y rendre et là, à Bethléem, ils découvrirent une famille modeste, un homme, une femme et leur nouveau-né. Pas de prodige surnaturel, pas d'extase ni d'auréole. Mais là, tout à coup, les mages comprirent et s'agenouillèrent devant cet enfant.

Habitués à s'émerveiller devant les splendeurs du cosmos, voilà qu'ils découvraient " le fils de l'homme" qui était la Manifestation, l'EPIPHANIE de Dieu !

Au c½ur du monde, au sein de la pauvre humanité, ils faisaient la découverte suprême, celle qui rend compte de toutes les autres, celle qui donne sens au travail scientifique, à l'amour des couples et à tout enfant ..

Alors ils offrirent leurs cadeaux : l'or que l'on offre à son Seigneur, la myrrhe qui est l'aromate de l'amour et l'onguent de la mort, et enfin l'encens que l'on brûle pour adorer son Dieu.

CHERCHER ...TROUVER ...CHANGER...

Après 2000 ans, il n'est pas d'autre démarche ni pour le savant le plus génial ni pour nous. Les sciences n'offriront jamais réponse aux parents qui pleurent un enfant mort et nous n'avons plus la naïveté de Victor Hugo qui croyait qu'en ouvrant une école on fermerait une prison.

Il faut oser - et Dieu sait que c'est dur dans une société qui nous anesthésie - se mettre en route, prendre l'initiative, refuser l'endormissement du conformisme, fût-ce sous les quolibets de la famille et les sarcasmes des collègues. Cessant de croire aux contes de fées des palais et de tous les lieux qui prétendent livrer les clefs du bonheur, il faut s'enfoncer dans la nuit afin de chercher ce Jésus-Sauveur, un Vivant que nous avons trop longtemps enveloppé dans les bandelettes des idées

Si tu as la grâce de le découvrir, alors fais-toi tout petit devant lui - même et surtout si tu détiens argent et diplômes -, mets-toi à genoux.

Tu es gêné par tes souillures ? Son regard t'en délivrera.

Tu n'as pas de cadeaux à lui apporter ? Ce n'est pas grave. Ce qu'il veut, ce n'est pas ce que tu as, mais ce que tu es. Ce qui le réjouit, c'est que tu sois venu. Que tu le reconnaisses. Que tu acceptes de te laisser aimer et pardonner.

Alors, comme les mages, tu repartiras "par un autre chemin", tu changeras de vie, tu prendras d'autres orientations, tu rejoindras la troupe des pèlerins de l'Absolu.

Et tu seras bien plus heureux que les mages car eux, ils ont laissé l'enfant dans son village, tandis que toi, t'arrêtant chaque semaine dans une église qui sera ton "Beth-Léhem"(La Maison-du-Pain), tu feras l'expérience que ton Sauveur est avec toi, car il s'appelle EMMANUEL, Dieu-avec-nous.

L'Eucharistie, Pain de Vie, sera en toi l' Etoile qui te guidera vers la Maison du Père.

 

Fête de la Pentecôte

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : A, B, C
Année: 2004-2005

Jn 20, 19-23

C'était un dimanche matin, le 12 juillet 1942 pour être précis. Elle n'était pas bien née pour une certaine idéologie de cette époque puisqu'elle était juive. Hetty Hillesum s'interrogeait sur le monde dans lequel elle vivait et elle adressa cette prière : « je vais t'aider, mon Dieu, à ne pas t'éteindre en moi, mais je ne puis rien garantir d'avance. Une chose cependant m'apparaît de plus en plus claire : ce n'est pas toi qui peux nous aider, mais nous qui pouvons t'aider - et ce faisant nous nous aidons nous-mêmes. C'est tout ce qu'il nous est possible de sauver en cette époque et c'est aussi la seule chose qui compte : un peu de toi en nous, mon Dieu. Il m'apparaît de plus en plus clairement à chaque pulsation de mon c½ur que tu ne peux pas nous aider, mais que c'est à nous de t'aider et de défendre jusqu'au bout la demeure qui t'abrite en nous ».

Y a-t-il un extrait plus éclairant que celui-ci pour comprendre la fête de la Pentecôte, la fête du don de l'Esprit Saint ? Toutes et tous, nous sommes le temple vivant de Dieu sur cette terre, puisqu'Il a choisi de venir demeurer en nous. Ne le cherchons ni dans les nuages, ni au plus profond de l'océan ou encore au sommet de la plus haute montagne. Depuis l'événement de la Pentecôte, c'est uniquement en nous que nous le trouverons et par conséquent, également, dans le c½ur de l'autre. Dieu n'a donc pas quitté notre monde, il a choisi de l'inhabiter au plus intime de sa Création, c'est-à-dire en nous. L'Esprit Saint, souffle divin, nous inspire à tout moment. Par Lui, Dieu est là, bien présent, accroché à nos vies. Cette troisième personne de la Trinité est difficilement définissable. Il est la Transcendance même au c½ur de notre monde. Il est ce don du Père par le Fils aux disciples. Et par notre baptême, nous embrassons également cet état puisque nous avons reçu l'Esprit Saint.

Mais comme tout don, sommes-nous capables de le recevoir, de l'accueillir en nous et mieux encore d'en vivre ? Pouvons-nous accepter d'avoir l'être de Dieu au plus intime de notre être, là où aucun autre être humain ne peut venir se promener ? Un peu comme si, par delà un sentiment de solitude existentielle, vivait en nous cette présence divine qui nous inspire et nous pousse à découvrir dès à présent les joies de la vie divine. En d'autres termes, l'Esprit de Dieu est à l'½uvre en ce monde par nous mais seulement si nous le faisons vivre. Il y va de ma responsabilité de croyant. Dieu a besoin de ses créatures pour que non seulement la terre tourne plus juste mais aussi pour que nous puissions pleinement participer à l'achèvement de la Création.

Dès lors, contrairement à ce que certaines pourraient penser, l'Esprit Saint n'est pas une entrave à notre liberté humaine. Il est ce souffle qui nous pousse à nous dépasser, à quitter, à l'instar des apôtres qui s'étaient enfermés, toutes nos peurs qui parfois nous tenaillent et nous paralysent. L'Esprit de Dieu nous ouvre vers l'étendue de nouveaux horizons, vers cette plénitude à laquelle toutes et tous nous sommes appelés. Loin de limiter notre liberté, il la déploie en toutes ses dimensions pour que nous vivions pleinement cette abondance de vie telle qu'elle nous a été promise dans le Christ. Seuls, nous serions désemparés, dépassés, déprimés face à l'immensité de la tâche. De plus, tout comme le Christ dans l'évangile que nous venons d'entendre, l'Esprit Saint ne force pas nos serrures intérieures. Il n s'impose pas. Il s'invite en nous. Il est là, simplement, pour nous apporter d'abord la paix. Une paix profonde. Un sentiment de bien être car nous prenons conscience qu'avec Lui, nos vies s'ouvrent sur un avenir que nous n'aurions jamais pu imaginer par nous-mêmes.

En cette fête de Pentecôte, Dieu nous fait signe, une fois encore. Venez en vous, nous dit-il, vous êtes chez moi et ensemble nous traverserons la vie. Elle vaut tellement la peine d'être vécue. Inspiré par l'Esprit, je respire autrement mon existence. Le souffle de Dieu balaye en moi mes inquiétudes pour que je puisse retrouver le sens de mon humanité profonde : le partage de la vie divine. Mais comment être certain de l'inhabitation de Dieu en nous ? La réponse est claire. Les disciples furent remplis de joie, nous relate l'évangéliste. La joie est donc signe de cette présence divine en nous. Il nous reste alors à savoir si nous sommes bien toutes et tous empreint de cette joie qui fait de nous des êtres qui rayonnons de notre foi, des êtres qui rayonnons d'une vie pleine de vie. Si la Pentecôte est la fête de la vie pleine de vie, il ne me reste qu'à nous souhaiter en ce jour : une bienheureuse fête. Amen

Fête de la Pentecôte

Auteur: Lens Patrick
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : A, B, C
Année: 2004-2005

 

Jn 20, 19-23

Figurez vous, quelque part dans un pays. Une famille est rassemblée après un enterrement, en train de manger dans une petite salle. Mais ils mangent peu. Leur gorge est fermé. C'est l'enterrement du fils unique. Il n'y a que le pain des larmes sur la table. La maman est inconsolable. Et tout d'un coup, un vent énorme tombe sur cette petite pièce, avec une force inouïe. La porte s'ouvre, la fénêtre tombe. La table est renversée. Une tornade frappe la maison. Tout le monde qui était à l'intérieur, devait se raccrocher à quelqu'un d'autre. Le vent hurle. Il vient avec une telle force, une force si incroyable, qu'il faut vraiment se maintenir. Finie la tristesse ; tout d'un coup, il y a une autre priorité : survivre, oui, se raccrocher à la vie.

Peut-être cette histoire vous paraît invraisemblable. Mais elle s'est passé vraiment, il y a presque 2000 ans.

Le Fils unique était enterré. Ses disciples avaient peur. Ils ne savaient plus quoi faire. Et sa maman, elle était parmi eux, mais avec une étrange confiance... Et puis ce coup de vent qui leur change les idées, ces langues de feu qui leur brûlent la peur. Tout est balayé. Finie la tristesse, adieu la peur. Il faut sortir. Une aube nouvelle, à jamais considéré comme impossible, mais qui est là de manière choquante.

Aujourd'hui le Saint-Esprit frappe nos maisons, balaye nos peurs et nos tristesses, nous brûle nos problèmes, nos inquiétudes, souffle dans nos idées, vide nos têtes et nos coeurs par un vent salutaire. Tout d'un coup, il n'y a encore qu'une seule priorité : c'est Dieu. A la Pentecôte, Dieu brûle dans nos coeurs. Et cela change tout. Qui possède Dieu, a tout.

Peut-être vous me direz que c'est la rêverie, que cela ne se passe jamais, surtout pas le temps ma vie, que cette histoire du vent est belle, mais invraisemblable. Pourquoi cela ne se fait jamais chez nous ? Pourquoi les choses restent toujours comme elles étaient ? Pourquoi la vie est si difficile, si lourde parfois ? Quand est-ce que ma tristesse sera balayée ? Quand est-ce que mes soucis seront brûlés ? Pourquoi ai-je toujours ce pessimisme dans mon coeur ? Purquoi est-ce que je me bats avec la depression ? Pourquoi toujours ce grisaille ? Où-est il ton Esprit-Saint ?

Peut-être nous avons eu trop de phantasmes sur la Pentecôte, sur la descente du Saint-Esprit, et les phantasmes ne changent pas la vie.

C'est pour cela que la Pentecôte nous paraît si irréel. Mais si nous devons dire que avons eu peut-être trop de phantasmes sur la Pentecôte, sur la descente de l'Esprit-Saint, il faut dire également qu'en fait, nous avons presque pas l'imagination de créer des pistes d'atterrissage, pour qu'Il puisse réellement venir en nos vies.

Notre soi-disant réalisme dans l'église ne nous a pas forcément apporté la joie ni la nouvelle vie... Le problème de la Pentecôte, c'est le problème de notre auto-suffisance. Nous savons tout, nous savons comment gérer notre vie. Nous savons comment organiser les choses. Nous connaissons nos capacités. Nous avons créé des commissions pour réfléchir sur tout. Nous organisons tout. Nous préparons tout, même les textes de la messe que nous aimerions entendre...d'autres pas. Est-ce que l'Esprit-Saint a encore à dire quelque chose ? Est-ce que le Seigneur peut encore parler dans sa propre maison ? Ou est-ce que c'est nous qui avons préparé ses discours ? Est-ce que nous avons encore besoin de Lui ? Oui, nous en parlons parfois, de l'Esprit-Saint, parce que c'est à la mode de Lui attribuer toutes les choses que nous aimerions changer...

Mais tout d'un coup dans nos maisons, dans nos églises, dans nos églises, c'est le calme plat. C'est le pneu crêvé. C'est la lourdeur et la pesanteur. Et la où nous devenons trop humain, il ne reste que des conflits et de déceptions. Les apôtres étaient bien préparés à la descente de l'Esprit-Saint sans le savoir. Ils avaient perdu toutes leurs espérances, ils étaient totalement pauvres. Et l'Esprit-Saint, le Père des pauvres, est venu, de façon inattendu. Dieu ne se laisse pas manipuler. Il vient quand il veut.

N'attendons rien de nous-mêmes. L'orgueil n'attire pas la colombe de feu. Attendons l'inattendu de Dieu. Et Dieu coulera comme une source fraîche dans nos vie, dans nos prières. Il viendra de façon incompréhensible et là où justement tu avais déjà perdu l'espérance. Construisons des pistes d'atterrissage sur la ruine de nos rêves et Il balayera tout nos tristesses et nos peurs. Il nous brûlera les soucis et remplira nos coeurs d'une joie indécible et totalement inattendu.

Vivons les mains ouvertes et Il nous comblera. Dieu ne se laisse pas surpasser en largesse.

Fête de la Pentecôte

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : A, B, C
Année: 2004-2005

Heureux anniversaire, sainte et misérable Eglise du Christ !

En effet, si l'on en croit St Luc, c'est en ce matin de Pentecôte, à Jérusalem, que tu es née, en l'an 30 de notre ère, sans doute.

Il y aurait 1975 ans !

Pour l'heure, tu n'as pas bonne presse en notre Occident que tu as aidé à surgir. Les médias se moquent de tes fastes moyenâgeux, contestent ton enseignement rétrograde, critiquent tes papes qui ne sont jamais ce qu'ils devraient être. Ebranlés par ces vagues de dérision - parfois plus efficaces que des attaques violentes -, des multitudes de baptisés, notamment les jeunes générations, renoncent à t'appartenir et abandonnent le culte.

La crise est-elle si grave, fatale ? Pour y remédier, des changements de vocabulaire, d'organisation ou de discipline seraient sans doute importants, urgents à mettre en ½uvre. Mais ils ne sauraient suffire.

Pour te rendre une nouvelle jeunesse, il ne faut rien moins qu'une nouvelle Pentecôte.

Eglise, regarde-toi telle que tu apparus pour la première fois sur la scène du monde. Transformée par le pardon de ton Seigneur et « soufflée » par l'Esprit de Dieu, tu allais, en peu de temps, connaître une expansion exceptionnelle. Demande-toi le secret de ce temps.

UNE COMMUNAUTE EN PRIERE

Au point de départ, il y a un petit groupe d'hommes et de femmes réunis dans une maison de Jérusalem. Ils sont tous en état de choc sous le coup des événements qu'ils viennent de traverser .

Disciples de Jésus, pendant des mois, ils l'ont suivi, tout fiers, vers la capitale, sous les vivats des foules. Tout à coup la tragédie : le maître est arrêté, condamné, exécuté sur une croix, enseveli. C'est l'échec total, l'effondrement.

Mais voilà qu'il revient vers eux : il est ressuscité. N'est-ce pas une hallucination ? Il les convainc : oui il est bien le Messie, non un chef militaire et nationaliste, mais le Seigneur, vainqueur de la mort !

Alors il leur annonce la mission qu'ils auront à accomplir : proclamer cette Bonne Nouvelle à tous les peuples.

Mais d'abord qu'ils se mettent en prière. L'Esprit de Dieu va venir et les rendra capables de réaliser cette ½uvre, la plus importante de l'histoire du monde : apporter le salut par la foi.

Et Jésus disparaît, non sans avoir promis son retour pour un futur indéterminé.

Dans le cénacle, les esprits bouillonnent : on tente d'élucider le sens de cette aventure, on relit les Ecritures, on discute. Et surtout on prie.

Finies les belles déclarations que l'on osait naguère (« Jésus, je donnerai ma vie pour toi »). On est devenu conscient de ses limites, de son infinie lâcheté, on ne compte plus sur ses ressources. On attend une force divine, seule capable de convertir le monde.

UNE COMMUNAUTE IVRE DE JOIE

Et la promesse de Jésus se réalise : soudain une poussée irrésistible les chasse de leur local, les fait dégringoler les escaliers, les projette sur la rue. Et les passants de se trouver devant des farfelus en train de danser, chanter des hymnes à Dieu, comme emportés par une joie folle.

St Luc, amusé, se plaît à souligner les réactions de ces spectateurs :

« Ils étaient dans la stupéfaction...déconcertés, émerveillés, perplexes...Certains supposaient : Ces gens sont pleins de vin doux ? »...

Or la Pentecôte étant une fête de pèlerinage, des juifs de la diaspora, installés dans les pays voisins, étaient montés dans la capitale et ils étaient tout ébahis

« parce que chacun d'eux les entendait parler sa propre langue ».

Signe prophétique dont on comprend la portée symbolique : d'emblée l'Eglise commence une mission qui doit atteindre le monde entier. Elle n'impose pas une langue sacrée : elle rejoint chacun dans sa langue.

Ainsi va se guérir la plaie ouverte dans l'humanité et qu'esquissait le mythe de Babel. Contrairement aux rêves des dictateurs, la paix du monde ne peut se réaliser en imposant une langue, une culture, une idéologie : l'impérialisme dissout, disperse, exacerbe les antagonismes. Seul l'Esprit rassemble les hommes dans la diversité de leurs caractères, dans la complémentarité de leurs richesses nationales.

Et le centre, le c½ur du monde, ne sera jamais ni une Tour, ni une Ville sainte mais uniquement la Croix de Jésus.

DANS L'ATTENTE DE L ' ESPRIT

O Eglise sainte et misérable : es-tu capable de te dépouiller de beaucoup de tes certitudes, et surtout de ta tristesse pour retrouver la joie des premiers jours ?

Saint Pierre et ses amis ne se présentaient pas pour prendre la direction du monde, ils ne prononçaient pas de condamnation contre lui, ils n'effrayaient pas par des perspectives apocalyptiques, ils n'appelaient pas à fuir la société, à se distinguer par des vêtements différents, à multiplier édifices et constructions.

Pauvres de tout mais riches de la miséricorde que Jésus avait jetée sur leurs péchés et emportés par la force du Souffle de Dieu, ils ne faisaient pas encore de projet. Avant de faire, ils étaient.

Heureux de croire, heureux de se donner l'accolade, heureux d'espérer, heureux de s'aimer.

Et Marie, la mère de Jésus, la toute-sainte, embrassait Marie-Madeleine, la pécheresse, ainsi que Pierre, le fanfaron très aimé.

Et saint Luc racontera dans son petit livre l'expansion incroyablement rapide de cette communauté. Sous la méfiance générale et les critiques, en quelques dizaines d'années, des communautés semblables naîtront à Antioche, Alexandrie, Ephèse, Corinthe, Rome...

Il nous revient de poursuivre l'½uvre.

Seul l'Esprit...si nous prions...et si nous acceptons son Souffle ... !!!

Fête de la Sainte Trinité

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A, B, C
Année: 2004-2005

La liturgie de ce dimanche ne fait entendre que 3 versets du chapitre 3 de Saint Jean . Pourquoi ne pas proclamer aujourd'hui tout ce chapitre qui d'ailleurs ne vient jamais dans les lectures dominicales - au moins les versets 1 à 9 puis 14 à 18 ? Il rapporte le célèbre dialogue de Jésus avec Nicodème, magnifique chemin de découverte du Dieu-Trinité que nous fêtons ce jour.

Nicodème est un pharisien, membre du grand tribunal de Jérusalem : donc un notable respecté, un homme pieux, droit, honnête. Il a vu Jésus, un jeune Galiléen inconnu, opérer quelques guérisons et il vient le rencontrer :

-  Rabbi, nous savons que tu es un homme de Dieu, car personne ne peut opérer les signes que tu fais si Dieu n'est avec lui !

Loin de le remercier, Jésus le détrompe tout de suite :

-  Amen, amen, je te le dis : à moins de renaître, personne ne peut voir le Royaume de Dieu.

Interloqué, Nicodème objecte :

-  Un homme pourrait-il naître s'il est vieux ? Pourrait-il entrer dans le sein de sa mère et naître ?

A nouveau Jésus écarte cette possibilité :

-  Amen, amen, je te le dis : à moins de naître d'eau et d'Esprit, personne ne peut entrer dans le Royaume de Dieu. Ce qui est né de la chair est chair. Ce qui est né de l'Esprit est Esprit.

Et comme le mot employé par Jésus ( RUAH - qui se dit en grec : PNEUMA) signifie d'abord le vent, le souffle, il use d'une image :

-  Ne t'étonne pas. Le vent souffle où il veut : tu entends sa voix mais tu ne sais ni d'où il vient ni où il va. Ainsi en est-il de quiconque est né du Vent de l'Esprit.

Ainsi Jésus déclare la vanité de trois voies que l'humanité explore pour tenter de se sauver, de s'accomplir, d'atteindre le bonheur dont elle a soif :

-  celle de la moralité : il s'agirait de s'améliorer peu à peu, de vaincre ses défauts, d'acquérir des qualités, de faire des progrès en honnêteté - même en s'aidant de pratiques pieuses comme Nicodème.

-  celle de la guérison de nos maladies, par des miracles ou des progrès scientifiques : on arriverait au bonheur par l'éradication de nos handicaps, l'allongement d'une vie saine.

-  celle de la réincarnation : après l'expérience des échecs, on pourrait prendre un nouveau départ, recommencer une nouvelle vie.

Nulle de ces voies ne peut aboutir car cela demeure au niveau de ce que la Bible appelle « la chair » c'est-à-dire tout ce qui reste incurablement marqué par la fragilité, ancré dans la finitude, rongé au fond par la mort. Génie, efforts, héroïsme, puissance, ascèse, mystique... : toute ½uvre humaine est « chair », à jamais incapable de sortir de sa prison et d'arriver à la plénitude de la Vie.

CE QUI EST IMPOSSIBLE A L'HOMME

Alors « renaître de l'Esprit » ? : cette expression nous laisse perplexes, comme Nicodème :

-  Mais comment cela peut-il se faire ?...

A l'homme qui n'affirme plus qu' « il sait », Jésus peut faire l'ultime révélation :

-  Il faut que le Fils de l'homme soit élevé afin que quiconque croit ait en lui la Vie éternelle.

Car Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils, son Unique, pour que tout homme qui croit en lui ne périsse pas mais ait la Vie éternelle.

Car Dieu n'a pas envoyé son Fils dans le monde pour juger le monde mais pour que le monde soit sauvé par lui.

Qui croit en lui n'est pas jugé ; qui ne croit pas est déjà jugé parce qu'il n'a pas cru au nom du Fils unique de Dieu »

Mystérieusement, le Souffle de Dieu jaillira à partir de Jésus lorsqu'il sera dressé sur une croix au Golgotha. Là où les hommes ne verront que l'exécution d'un condamné, là où beaucoup se dresseront contre un Dieu qui n'est pas intervenu pour sauver un juste -donc qui est impuissant ou pervers-, le croyant, lui, contemplera en Jésus crucifié la Manifestation paradoxale de l'Amour infini de Dieu. Il se dira : Dieu nous a aimés à ce point qu'il a exaucé la prière de Jésus, son Fils, qui lui demandait miséricorde pour les hommes capables d'un tel forfait.

Lorsque l'homme croit que Jésus n'est pas un imposteur condamné par ses juges, ni même un martyr victime de la haine, mais qu'il est le FILS DE DIEU offrant sa vie par amour, lorsqu'il s'expose au Souffle de cet homme, alors se produit le miracle : il renaît.

Ce qu'il n'a pu réaliser par ses efforts, ses réalisations, sa volonté, lui est donné. Certes « sa chair » reste ce qu'elle - fragile, pécheresse, mortelle - mais le Souffle de Dieu chasse ses fautes et il reçoit la VIE DIVINE, la VIE ETERNELLE.

Alors il échappe au jugement que lui méritait ses défaillances, il n'est plus prisonnier de la culpabilité Il n'est ni changé, ni amélioré : il est RE-NÉ.

La Croix est donc la révélation, l'épiphanie du vrai Dieu, de Celui devant lequel nous nous prosternons aujourd'hui, au terme du chemin pascal, Celui que les Pères ont tenté de nommer : TRI-UNITÉ, TRINITÉ, TROIS-EN-UN.

Dieu est le PERE de Jésus. Celui-ci est son FILS, son Unique, qui était toujours avec Lui. Offrant sa vie par amour, il communique le souffle de l'ESPRIT à quiconque accepte de le regarder et de le confesser.

Père, Fils, Esprit : ils sont UN. Dieu n'est pas une entité solitaire, monolithique, immuable, impassible. Il est, en soi, AMOUR. Il est « RELATIONS ».

Et la foi chrétienne est une merveille puisque qu'elle n'est rien moins que la renaissance de l'être humain, la communion de l'homme-chair avec son Dieu devenu son PERE.

Jeudi Saint

Auteur: Materne Pierre-Yves
Temps liturgique: Triduum pascal
Année liturgique : A, B, C
Année: 2004-2005

 

Jn 13, 1-15

Aujourd'hui, nous sommes venus fêter l'eucharistie de Jésus. Comme les disciples, nous nous sommes réunis autour de la table pour partager le pain et le vin, symboles de la vie de Dieu donnée et partagée. Jésus a célébré la Pâque avec ses disciples et a demandé que l'on refasse ce geste de partage en mémoire de lui. Nous sommes ici pour faire mémoire du dernier repas de Jésus, moment de fête pas comme les autres puisque déjà imprégné d'une ambiance lourde : « Quelqu'un va me livrer », dit Jésus.

Chose bien curieuse, l'Evangile de ce jour, écrit par Jean, ne nous raconte pas le dernier repas du Christ. Alors que les autres évangélistes, et même Saint Paul, nous décrivent l'eucharistie de Jésus, Saint Jean nous parle d'un tout autre événement : Jésus a lavé les pieds de ses disciples.

Le fait de laver les pieds, dans la culture de Jésus, est un geste d'accueil et d'hospitalité. En entrant dans la maison, alors que les pieds sont couverts de poussière, les marcheurs apprécient la fraîcheur de l'eau qui nettoie les pieds. Généralement, ce sont les servants qui versent l'eau sur les pieds des invités.

Or, aujourd'hui, c'est Jésus lui-même qui prend la place du serviteur. Loin de se comporter en chef et en seigneur, il s'abaisse pour poser cet acte simple et humble qui fait du bien aux autres. Jésus se met à genoux, plus bas que son disciple, pour donner du confort et de la fraîcheur à celui qu'il aime.

Saint Jean nous raconte ce geste tout simple en lieu et place du repas pascal car il est animé d'une conviction profonde : le corps de Jésus, c'est aussi celui des disciples. Dans l'eucharistie, Jésus offre son corps, c'est-à-dire sa vie, pour que les chrétiens vivent en communion avec lui et son Père.

Dans le lavement des pieds, Jésus prend soin de son propre corps. C'est le paradoxe de l'incarnation. En effet, en prenant notre chair, le Christ est présent en toute humanité, en notre vie humaine. Nous formons le corps du Christ parce que lui-même s'est rendu présent en chacun de nous. Jésus est présent en chacun de nos frères et s½urs. Le prolongement de l'incarnation signifie que le corps du prochain est le corps du Christ. Lors du repas pascal, Jésus offre son corps pour faire vivre celles et ceux qui vont lui donner corps après sa mort. En venant dans la chair, au c½ur de l'humain, Dieu a créé une solidarité des corps comme expression de la communion divine. Nous sommes porteur d'un mystère étonnant que nous n'aurons jamais fini de contempler.

A cause de l'incarnation, le corps eucharistique, c'est à la fois le pain consacré et le corps du prochain. Vivre l'eucharistie ne se limite pas à partager le pain, cela s'étend au service des autres. A côté du sacrement de la table, il y a le sacrement du frère. Dans les deux cas, Dieu se rend présent pour nous. Il nous est accessible également dans la rencontre du prochain. Dieu se fait concret dans la relation de service.

Jean veut nous faire comprendre que la communion au corps eucharistique s'accompagne naturellement du « prendre soin » des personnes. Dieu est présent dans le pain et le vin. Mais Dieu est également présent en chacun de nous. Prendre soin de son frère, c'est prendre soin du Christ. « Ce que vous faites au plus petit d'entre les miens, c'est à moi que vous le faites » disait Jésus. « En se portant à leur secours, on célèbre une véritable eucharistie » a écrit le théologien belge Gesché, qui trouve que le lavement des pieds est un authentique sacrement trop longtemps oublié.

Bien que nous ne sommes pas dans la culture du lavement des pieds, est-ce que ce geste est pour autant dénué de sens pour nous ? Nous pouvons lui donner une nouvelle signification. Nous pouvons par exemple nous placer du côté du disciple qui se laisse laver les pieds. En effet, il n'est pas facile de se laisser faire par un autre, de lâcher-prise. La plupart du temps, nous sommes un peu comme Pierre qui refuse de dépendre d'un autre. Nous voulons nous débrouiller tout seul. C'est sans doute vrai à l'égard de nos proches, c'est un peu vrai aussi vis-à-vis de Dieu. Nous avons du mal à nous abandonner entre les mains du Dieu de tendresse.

Le lavement des pieds signifie aussi que sommes invités à vivre au service des autres, surtout des plus faibles. Ils sont le corps du Christ. Nous sommes aussi le corps du Christ. En posant sa vie pou nous, Jésus nous invite à entrer dans son mouvement de lâcher-prise. Il nous invite aussi à découvrir sa présence en ceux qui ont besoin de nous. Pour le rencontrer concrètement, Jésus nous montre le chemin : c'est le chemin de son corps étendu à tout être humain. Nous pouvons faire l'expérience d'un Dieu vulnérable, un Dieu de tendresse, en allant vers le corps du prochain.

Saint Jean a mis en valeur le lavement des pieds comme signe du corps du Christ. C'est le même Jean qui a écrit : Le Verbe s'est fait chair et a habité parmi nous. Puissions-nous le vivre en plénitude dans des gestes quotidiens.

Amen.

Le Corps et le Sang du Seigneur

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A, B, C
Année: 2004-2005

Il y a une dizaine de jours, l'un d'entre vous qui se reconnaîtra peut-être dans mes mots, me raconta que récemment, au cours d'une réception de mariage, il vit quelqu'un s'approcher de lui et cette personne lui dit à peu près ceci : « nous nous connaissons par la messe à Froidmont mais jusqu'à présent nous n'avons qu'échangé la paix du Christ. Puisque aujourd'hui nous avons un peu plus de temps, je viens vers vous pour prendre ce temps afin de vous rencontrer ».

Je trouve personnellement cette démarche tout à fait sacramentelle. Elle s'inscrit dans le prolongement de cette prière dominicale partagée ensemble. En effet, de dimanche en dimanche, en fonction de notre pratique, nous nous retrouvons en ce lieu pour entendre la Parole de Dieu, célébrer l'eucharistie et prier ensemble. Nous ne nous connaissons pas tous c'est vrai mais nous nous reconnaissons. D'ailleurs, très souvent, nous sommes assis à la même place, ce qui me permet soit dit en passant de prendre les présences. Se reconnaître sans pour autant se connaître, telle est une réalité à laquelle nous sommes confrontés. Toutefois, vivons-nous cela comme un simple constat ou plutôt comme le début d'une démarche ?

Je m'explique : est-ce que je viens dans cette église uniquement pour rencontrer Dieu dans l'intime de mon c½ur me souciant peu de savoir qui sont les autres membres de cette assemblée ou bien est-ce que je me réjouis de me trouver avec d'autres pour partager ce qui est au fil des années devenu un des fondements de mon être et de ma vie, c'est-à-dire ma foi ? Comment le savoir ? Assez simplement, je crois. Si Dieu est important dans nos existences, lorsque nous reconnaissons certains avec qui nous avons prié le dimanche, les ignorions-nous si nous les croisons en rue, au marché ou encore ailleurs, ou bien suis-je assez à l'aise avec ma foi et confiant en cette autre personne qui partage également quelque chose de si existentiel que, par un petit geste de la tête, un sourire, un simple bonjour, je lui fais savoir que je l'ai reconnue. Suis-je assez franc pour m'arrêter quelques instants et partager peut-être quelques mots ? Ces questions, je me permets de vous les livrer.

Pourtant, je crois que « se reconnaître sans se connaître » ne peut être que la première étape dans une démarche de foi. Nous ne sommes pas un troupeau de gens qui se rassemblent en un lieu précis. Non, le sacrement de l'eucharistie que nous célébrons et partageons, fait de nous une communauté de croyantes et croyants qui communient ensemble au même mystère. Nous vivons et partageons ici quelque chose de divin. Cette communion est alors sacrement de la rencontre du Christ. Par le simple fait de ce geste, nous devenons également sacrements les uns pour les autres puisque en mangeant son corps et en buvant son sang, Dieu demeure en nous et nous en Lui, souligne l'évangile de ce jour. Nous ne pouvons donc pas nous contenter de nous reconnaître sans nous connaître. Dieu semble attendre plus de nous.

Notre eucharistie n'est pas un self-service où je viens chercher juste pour moi ce dont j'ai envie. Elle est un véritable repas où se partage le corps et le sang du Christ, un véritable repas qui nous transforme et fait de chacune et chacun de nous des frères et s½urs dans la foi. Un peu comme s'il ne pouvait y avoir un sacrement de l'eucharistie sans que celui-ci soit préalablement précédé d'un sacrement du frère ou de la s½ur. Communier ensemble à ce mystère est une invitation permanente à partir à la rencontre de l'autre, celle ou celui en qui Dieu inhabite également car ma relation à tout être humain renforce ma relation à Dieu. L'un et l'autre sont inséparables. S'il en est ainsi, la fête du corps et du sang du Christ n'est pas le mémorial d'un événement passé que nous célébrons chaque année. Non cette fête est notre fête car en communiant véritablement ensemble nous devenons les uns pour les autres et pour Dieu le corps et le sang du Christ sur cette terre. Il ne s'agit pas d'une fête à laquelle nous assistons. Il s'agit de notre fête. « Se reconnaître sans se connaître » ne peut alors être que la première étape de toute démarche de foi car dans l'eucharistie nous puisons la force pour accepter que notre présence en ce lieu signifie plutôt « se reconnaître pour mieux se connaître ». Puissions-nous ne jamais l'oublier chaque fois que nous communions ensemble. Amen.

Le Corps et le Sang du Seigneur

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A, B, C
Année: 2004-2005

En quelque temps, la pratique de la messe dominicale a connu, en Occident, une chute considérable et - il ne faut pas se leurrer - celle-ci va se poursuivre puisque la relève par les jeunes générations ne se fait guère. On prévoit des fermetures imminentes.

Au lieu de nous effrayer de cette « décadence », peut-être devrions-nous admettre que nous sommes tout bonnement en train de revenir à une situation « normale ». Si Jésus a osé comparer sa communauté au sel de la terre, au levain dans la pâte, il signifiait qu'il n'envisageait jamais une conversion généralisée, et donc que ses disciples demeureraient une minorité.

Par ailleurs, si beaucoup de nos contemporains abandonnent la pratique, ce n'est sans doute pas d'abord à cause des motifs sans cesse allégués (liturgies ennuyeuses, rites monotones, langage incompréhensible...) mais plus probablement parce que l'Evangile et l'Eucharistie prônent un mode de vie radicalement opposé à celui que propose notre société.

Si l'idéal martelé sans arrêt par les médias est : jouir tout de suite, acheter, consommer, voyager, profiter..., il ne faut pas s'étonner que les gens - même les baptisés, hélas - deviennent comme allergiques à une Eglise qui exige de ses membres qu'ils s'engagent tout de suite, sans attendre le nouveau programme gouvernemental, dans une existence de service, partage, réconciliation, solidarité, justice. Quand le monde sacralise un présent de jouissance immédiate des nourritures terrestres, il empêche de désirer un Pain pauvre, aliment pour le pèlerinage d'un peuple en marche vers le Ciel.

DU PAIN GRATUIT AU PAIN DE LA VIE ETERNELLE

Le chapitre 6 de St Jean, dont nous lisons ce jour un extrait, nous raconte qu'il en fut déjà de même dès le début lorsque, pour la première fois, Jésus annonça le Pain vivant.. En effet, quand d'abord il procéda au partage du pain et offrit à manger gratuitement, la multitude fut évidemment prise d'enthousiasme et envisagea même de le couronner roi. Mais Jésus refusa cette exaltation et lorsque, plus tard, les gens le rejoignirent, il leur dit sans illusion :

Ce n'est pas parce que vous avez vu des signes que vous me cherchez, mais parce que vous avez mangé à satiété.

Et au lieu de réitérer le miracle pour s'attirer des fans, il annonça à la stupéfaction générale :

Je suis le Pain de Vie...Celui qui mangera ce pain vivra éternellement. Le pain que je donnerai, c'est ma chair donnée pour que le monde ait la Vie.

Devant cette affirmation inouïe, intolérable, les gens se mirent à hurler. Le texte lu dit : « Les Juifs discutaient entre eux ... » mais St Jean emploie un verbe de combat pour souligner la violence de la réaction populaire. L'enthousiasme avait fait place au rejet, à la colère.

Or sans vouloir se justifier par une explication émolliente (« C'est un symbole »), Jésus précisa son projet :

Amen, amen, je vous le dis : Si vous ne mangez la chair du Fils de l'Homme et si vous ne buvez son sang, vous n'aurez pas la Vie en vous. Ma chair est la vraie nourriture, mon sang est la vraie boisson...

Et comment se termine le texte ? Il faut lire la suite :

Après l'avoir entendu, beaucoup de ses disciples dirent : Cette parole est dure ! Qui peut continuer à l'écouter ?

Jésus les interpelle :

C'est pour vous un scandale ? ...

Les paroles que je vous dis sont Esprit et Vie.

Et Jean de conclure l'épisode :

A partir de ce moment, beaucoup de ses disciples se retirèrent et cessèrent de faire route avec lui.

Jésus les regarde partir, sans rien faire pour les retenir - car il n'a que faire d'esclaves à sa botte. L'Eucharistie est pierre d'achoppement, scandale. Seuls demeurent les Douze, avec Pierre...et Judas.

Après ce survol général, il nous faut, en ce jour de fête, méditer l'enseignement que Jésus offre ici sur ce que nous appelons l'Eucharistie.

« Le Pain que je donnerai, c'est ma chair donnée pour que le monde vive » : Les hommes vont tuer Jésus. Mais en instituant l'Eucharistie, Jésus, la victime, prouve à ses disciples qu'il accepte cette mort pour eux. Il est plus qu'un martyr : sa mort ne se prolonge pas par le souvenir mais par le repas. Son enseignement, ses paroles, sa passion, son agonie et sa mort : toute sa personne est don, aliment à assimiler par ses disciples.

« ...Pain...vraie nourriture...vraie boisson... » : Jésus ne dit jamais « obligatoire » mais son vocabulaire entend bien dire que l'Eucharistie est indispensable. Peut-on continuer à vivre sans s'alimenter ?

« ...Celui qui mange ce pain A la Vie éternelle » : tout l'évangile de Jean souligne le présent, l'actualité du Royaume de Dieu. Par le Pain du Christ, le croyant entretient en lui la Vie divine reçue au baptême.

« ...Et je le ressusciterai au dernier jour » : mais l'Eucharistie reste aussi Promesse. Elle ensemence, dans notre corps mortel, un gage certain de la résurrection.

« ...Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en Moi et moi, je demeure en lui" (Remarquez l'ordre ) : Manger l'Eucharistie introduit dans le Christ. Celui-ci assume, dans son Corps qui est l'Eglise, tous les disciples qui croient. En retour, ceux-ci deviennent habités par la Présence réelle de celui qui donne sa chair pour eux.

« Comme le Père vivant m'a envoyé et que je vis par le Père, de même aussi celui qui me mangera vivra par moi » : accueillir l'Eucharistie, c'est recevoir une mission. On devient un « fils » envoyé dans le monde pour révéler le Père.

Saurons-nous célébrer notre Eucharistie dominicale avec une telle authenticité que beaucoup de ceux qui l'ont quittée par ignorance, y reviennent afin de chanter avec nous l'immense amour de celui qui a donné sa vie pour nous ?...