Absence totale de culture ou bêtise humaine profonde ? Peut-être même les deux. Nous pouvons en tout cas nous le demander quand nous constatons qu'ils dénomment le fleuron de la gastronomie belge : des french fries. Comment les américains osent-ils nous retirer ce qui devraient s'appeler des Belgian fries et ils n'ont pas d'excuse puisqu'ils parlent bien des Belgian chocolates ou encore des Belgian wafels. Mon sang ne fait qu'un tour lorsque je les entends prononcer, avec leur voix nasillarde, ces mots de 'french fries'. Toutefois, je ne devrais m'énerver car il semblerait que french fries ne signifient nullement des frites françaises. L'expression viendrait d'un vieux verbe anglais « to french » qui signifierait couper en bâtonnets. Ce ne sont donc plus des frites françaises mais des bâtonnets fris en traduction correcte. Notre honneur et notre « belgitude » sont donc sauvés grâce à cette précision. Quoiqu'il en soit qu'elles soient nommées de la sorte ou non, on dira ce qu'on veut, sans sel, c'est vraiment pas bon. Et dans les aliments, c'est comme dans la vie, quand il en manque, cela se sent, cela se goûte. Du sel sur ses frites, il n'en faut pas beaucoup. Juste assez pour l'assaisonnement. A raison alors, Jésus nous dit : « vous êtes le sel de la terre ». Il n'a pas dit : « vous êtes les frites de la terre » car il sait que là c'est plutôt la quantité et non la qualité qui importe. Or l'important n'est pas le nombre mais la manière dont nous nous investissons.
Nous sommes donc, d'après le Fils de Dieu, le sel de la terre. Etonnante analogie. C'est peut-être l'indication d'une direction à suivre, d'une tâche à accomplir, voire d'une responsabilité à vivre. En étant le sel de la terre, nous prenons conscience qu'avec nos moyens, aussi fragiles soient-ils, nous pouvons faire de grandes choses. Le sel ne se suffit pas à lui-même, il peut remplir différentes fonctions. En fait, il accompagne toujours. Il en est également pour tout être humain, pour tout croyant. Si notre foi en Dieu est vraie, si elle donne sens à nos existences, si elle donne du goût à notre vie alors nous ne pouvons plus la garder pour nous. Une foi cachée, par définition, se meurt.
Aujourd'hui, le Christ insiste : vous êtes le sel de la terre ou en d'autres mots : vous êtes le Ciel de la terre c'est-à-dire que Dieu fait de chacune et chacun de nous des messagers de sa Parole. Nous sommes ses représentants sur cette terre, c'est pourquoi nous pouvons nous reconnaître comme étant ce Ciel de la terre. Sans nous, Dieu ne peut plus se transmettre, se faire connaître. Il a besoin de nous. Baptisés dans l'Esprit Saint, nous avons ce bonheur et cette joie d'offrir à celles et ceux que nous croisons ce qui nous fait vivre au plus profond. Cela ne peut pas se faire de n'importe quelle manière. Nous ne sommes pas là pour transmettre un savoir, une connaissance livresque. Notre mission divine est de partager cette saveur de la foi. Nous l'apprécions tellement, que nous souhaitons que d'autres puissent également la découvrir et surtout en vivre. Croire en Dieu, n'est pas de l'ordre de l'obligation. Non, croire en Dieu est la conséquence d'un choix heureux. Il nous comble de sa présence mystérieuse. Par l'expérience propre de notre foi, nous avons pris conscience que Dieu appelait chacune et chacun de nous à la vie, à l'abondance de la vie. Il nous convoque à vivre pleinement chaque instant offert. Et cela se fait dans la contagion.
Mais sommes-nous vraiment des contagieux de Dieu ? Sommes-nous réellement cette lumière du monde ? Eclairons-nous dans la douceur de nos vies celles et ceux de qui nous nous faisons proches ? Nos actes, nos paroles et nos gestes illuminent-ils nos existences d'une telle beauté que cette lumière arrive à se propager de manière naturelle autour de nous ? Peut-être pas tous les jours lorsque nous sommes pris dans le tourment du temps, mais telle est pourtant notre vocation. Aujourd'hui encore, le Christ nous fait une déclaration d'amour en nous rappelant ces mots : « vous êtes le sel de la terre, vous êtes la lumière du monde ». Telle est notre tâche, telle est notre mission. Donner du goût à la vie, rayonner de cette joie intérieure qui nous façonne. Et lorsque nous y parvenons, nous pouvons alors nous redire : oui vraiment, nous sommes le ciel de la terre. Amen.