32e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2004-2005

Pour comprendre la parabole proposée par l'évangile de ce jour, permettez-moi de vous soumettre les questions suivantes qui sont actuellement proposées dans un diaporama qui circule sur internet : pourriez-vous me nommer les cinq personnes les plus riches du monde, les trois dernières gagnantes de Miss univers, les cinq derniers prix Nobel de physique et les noms et prénoms des acteurs qui ont reçu l'oscar du meilleur acteur, ces trois dernières années ? Je vous donne quelques secondes pour réfléchir. Vraisemblablement, la majorité d'entre nous, nous n'arrivons pas à répondre à ce type de questions. Elles sont trop difficiles. Toutefois, nous n'avons pas à nous inquiéter car personne ne s'en rappelle. Dans la vie, les applaudissements passent, les trophées prennent de la poussière, les gagnants sont vite oubliés. La gloire humaine semble être toujours éphémère. Fort de ce constat, puis-je nous inviter à répondre à une autre série de questions : nommez trois professeurs qui ont contribué à votre formation ainsi que trois amis qui vous ont aidé dans des moments difficiles. Ensuite pourriez-vous penser à quelques personnes qui vous ont fait sentir qu'à leurs yeux, vous étiez quelqu'un de spécial ? Et enfin, nommez cinq personnes avec qui vous aimez passer du temps. Cette fois, je suis plus à l'aise, car je suis convaincu que la majorité d'entre nous, voire tout le monde, peut répondre à de telles questions. Pourquoi ? Tout simplement parce que les personnes qui ont un sens dans nos vies ne sont pas « cotées » au maximum, avec le plus d'argent, avec les plus grands prix offerts sur un plateau de gloire illuminées par des spots aux mille couleurs. Non, les personnes qui nous sont chères, sont celles qui se font du souci pour nous, qui prennent soin de nous. En fait, elles sont celles qui, en toutes circonstances, restent aux alentours de nous. Nous nous sommes faits proches d'elles. Puissions-nous ne pas l'oublier. La vie est trop courte pour passer à côté de telles merveilles relationnelles. Alors une dernière question : et nous, dans quelle liste sommes-nous chez les autres : dans celle de la gloire éphémère ou dans celle des gens pour qui nous comptons parce que nous avons choisi d'investir nos relations ? N'attendons pas qu'il soit trop tard !

Toutes et tous, nous avons besoin de relations pour exister puisque nous sommes nés d'une relation. Cette dernière est inscrite au c½ur de notre humanité. Il m'est impossible de vivre sans celles-ci. Mais les relations vraies et profondes ne peuvent exister que si nous acceptons de les investir, c'est-à-dire de donner à nouveau du temps au temps pour que nous prenions le temps de nous rencontrer en vérité. Il y va de notre liberté et de notre responsabilité personnelle. Il s'agit bien d'un choix : choisir d'alimenter la rencontre pour vivre ensemble cet instant qui nous fait grandir l'un l'autre. Et cela prend un certain temps : le temps de l'approche mutuelle, le temps de l'apprentissage de la confiance et puis le temps du partage en vérité à vivre et à revivre au fil de la vie car ce qui fait la beauté de la relation, c'est la fidélité qui s'instaure entre deux êtres. Et cette fidélité ne peut exister qu'à l'épreuve du temps car celle-ci s'inscrit toujours dans le long terme. Toutes et tous, nous avons fait ou ferons des choix de vie qui s'enracinent dans une telle perspective. Cette réalité nous fait alors prendre conscience que nos relations d'amour ou d'amitié ne sont pas interchangeables. Je ne peux ni vous les prêter ni vous les donner.

Une relation par définition est éminemment personnelle. Elle se vit entre elle et moi, entre lui et moi. Elles sont toutes différentes l'une de l'autre et c'est ce qui fait la richesse de toutes ces rencontres qui parsèment nos existences. La vie est aussi simple que cela. S'il en va ainsi entre nous, la parabole de l'évangile nous rappelle qu'il en va de même avec Dieu. Avec Lui aussi, il s'agit d'une rencontre. Une rencontre exceptionnelle, parce qu'avec Dieu, le Père, le Fils ou l'Esprit, je peux être pleinement moi-même, je n'ai pas besoin de tricher, de me mentir. En Dieu, je suis en pleine vérité. Il connaît même mes nocturnités et mes zones d'ombre. Dieu nous accepte et surtout nous aime tels que nous sommes. Mais il attend de nous, que nous entrions en relation avec lui, que nous prenions le temps de le rencontrer pour un jour être aussi capables de l'aimer tellement nous aurons compris à quel point il veut notre liberté et notre réalisation. Une relation humaine ne se prête pas, ne se donne pas. Il en va alors de même pour une relation divine. Elle non plus ne se prête pas, ne se donne pas. Puissions-nous alors dans le silence de notre c½ur prendre le temps d'allumer notre lampe intérieure pour entrer dans le mystère divin. L'huile de Dieu est le combustible de l'amour que nous partageons, de l'amour que nous recevons, de l'amour que nous offrons. Amen

32e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2004-2005

Jésus a échoué à se faire reconnaître à Jérusalem Endurcis dans leur fermeture, ulcérés par ses invectives, ses ennemis préparent sa perte.

Jésus en est bien conscient. Bouleversé de deviner le destin tragique de cette ville qu'il aime tant, il sort du temple et, à partir du mont des Oliviers, il fait à ses disciples un long discours d'adieu. En deux chapitres (24-25), c'est le 5ème et dernier discours de Jésus dans l'évangile de Matthieu qui enchaînera, tout de suite après sur le récit de la Passion. C'est dire l'importance de cette ultime instruction sur l'avenir (on dit : "eschatologique").

LE DISCOURS D'ADIEU DE JESUS AUX SIENS

Jésus met les siens en garde : l'histoire va continuer, elle sera très longue et parsemée de malheurs. De faux libérateurs se prétendront les véritables messies, des calamités naturelles et des guerres éclateront, on persécutera les chrétiens, une terrible catastrophe surviendra en Judée (sans doute la guerre et la défaite de l'an 70). Mais, au sein même de ces tourments et sans discontinuer, les disciples auront la mission essentielle de proclamer l'Evangile, la Bonne Nouvelle du Royaume dans le monde entier (24, 14).

Et Jésus termine par une ultime promesse qui doit permettre aux disciples de garder courage et de tenir bon dans les adversités :

le Fils de l'homme viendra dans la Gloire.

Souvent Jésus s'est attribué ce titre qu'il a trouvé dans le prophète Daniel : un siècle et demi avant le Christ, celui-ci racontait une vision apocalyptique :

"Je regardai dans les visions de la nuit et voici qu'avec les nuées du ciel venait comme UN FILS D'HOMME : il arriva jusqu'à l'Ancien (symbole de Dieu)...Et il lui fut donné souveraineté, gloire et royauté. Les gens de tous peuples, nations et langues le servaient. Sa Souveraineté est une souveraineté éternelle qui ne passera pas et sa royauté ne sera jamais détruite

( Daniel 7, 13)

Jésus (alors même qu'il est prêt d'être jugé et condamné comme un malfaiteur !) affirme qu'il s'identifie à ce mystérieux personnage et que son futur avènement dans la Gloire divine - que l'on appelle PAROUSIE - est absolument certain. Il sera soudain comme l'éclair (24, 27), imprévu comme le déluge (24, 37) et nul, sauf Dieu le Père, n'en connaît ni le jour ni l'heure.

A plusieurs reprises, Jésus insiste sur cette ignorance afin de détourner les siens de la folle curiosité des calculs, supputations, pronostics sur "la fin du monde" - temps perdu en vain et qu'il faudrait consacrer à adopter la seule attitude qui importe : VEILLER, DEMEURER VIGILANTS, SE TENIR PRETS car "en ce jour" Dieu effectuera un discernement, un tri définitif parmi les humains.

Cinq paraboles se succèdent pour nous mettre en garde, nous apprendre à demeurer vigilants, à garder l'espérance - tant le danger qui nous guette est d'oublier l'horizon, le but de l'existence et de nous enliser dans le souci des choses immédiates.

Aujourd'hui nous écoutons la 3ème de ces paraboles de la vigilance.

LA PARABOLE DES 10 JEUNES FILLES

Le Royaume de Dieu, dit Jésus, sera comparable à 10 jeunes filles invitées à des noces. 5 insensées prennent leur lampe ; 5 prévoyantes, avec leur lampe, prennent de l'huile en réserve.

L'époux tardait : toutes s'endorment...

Au milieu de la nuit, un cri : " Voici l'époux : sortez à sa rencontre !".

Toutes se réveillent et prennent leur lampe. Les insensées disent aux autres : " Donnez-nous de votre huile car nos lampes s'éteignent" ; elles répondent : " Jamais ça ne suffira ; allez plutôt vous en procurer chez les marchands". Pendant qu'elles y vont, l'époux arrive. Les filles qui sont prêtes entrent avec lui dans la salle de noces et on ferme la porte.

Plus tard les autres arrivent et crient : " Seigneur, Seigneur, ouvre-nous". Il leur répond : " Amen je vous le dis : je ne vous connais pas".

VEILLEZ DONC CAR VOUS NE SAVEZ NI LE JOUR NI L'HEURE

Jésus s'est inspiré d'une coutume de son pays : pendant que les deux familles discutaient âprement (parfois très longtemps) au sujet du montant de la dot de la mariée, des jeunes filles se préparaient pour faire joyeux cortège au jeune époux lors de son arrivée.

Ainsi, dit Jésus, à la fin, il y aura "des noces" : l'Alliance (que nous aurons toujours confondue avec des préceptes à suivre) s'accomplira, sera "consommée". Il y aura bien union entre la divinité et l'humanité, donc accès à la plénitude de la Béatitude éternelle.

Mais le temps est long, les siècles passent, on ne voit rien venir et le soupçon met en doute cette échéance. Est-il vrai que le Christ viendra ? N'est-ce pas une légende ? N'est-il pas mieux de profiter, dès aujourd'hui, des plaisirs de la vie ? (en nous plaignant des injustices mondiales et en glissant parfois une piécette à un mendiant).

Mais inéluctablement, pour chacun de nous, le moment vient, l'invitation nous est faite d'entrer dans la Vraie Vie. Alors les "insensés" ne peuvent plus demander au "prévoyants" l'espérance qu'ils ont abandonnée - pas plus qu'un athlète qui a omis de soigner sa préparation ne peut, à la veille des Jeux, demander à un autre de lui passer tout à coup "sa forme". A ce moment, il est trop tard, la lumière de la foi est éteinte et la porte est fermée !

Ce n'est pas la première fois que Jésus évoque cette éventualité : déjà, à la fin de sa 1ère instruction (Le Sermon sur la Montagne), il avait mis en garde ses auditeurs :

Il ne suffit pas de me dire :" Seigneur ! Seigneur !" pour entrer dans le Royaume de Dieu ; il faut faire la volonté de mon Père. En ce jour-là, beaucoup me diront : " Seigneur, Seigneur, n'est-ce pas en ton nom que nous avons prêché, que nous avons fait des miracles ?" Alors je leur dirai : " Je ne vous ai jamais connus ; écartez-vous, vous qui commettez l'iniquité (7, 21-23)

N'est-ce pas le péril sournois de notre société où l'idéal - qu'un philosophe désignait comme "le sacre du présent"- se réduit à la hausse du niveau de vie, à la crispation sur ses propres droits, à la fascination de la jouissance immédiate ? Contaminés par cet état d'esprit, des baptisés, en foule, oublient l'avenir de Dieu ; ils aménagent, gèrent, améliorent le quotidien. Ils ne voient plus la nécessité de participer au repas eucharistique de la route puisque, installés dans l'avoir, ils n'attendent plus personne.

Et si notre témoignage le plus urgent était de rendre l'espérance à une société nantie ? Voit-on que nous sommes en attente de Dieu ?

Seigneur : que ton Esprit de Lumière nous garde éveillés dans la nuit du monde.

Que ton Eglise soit un peuple en marche, pauvre,

animé par l'espérance, "pré-voyant".

Sans mépris des choses de la terre. Sans anxiété devant l'avenir.

Sûrs que nous allons à ta rencontre et que tu es Amour.

Que l'espérance de la consommation des noces futures

nous garde de l'enlisement dans la consommation des biens matériels

33e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2004-2005

L'ultime instruction de Jésus à ses disciples avant d'aller à la mort est un appel à la vigilance. Dans la nuit du monde qui continue sa course, dans la succession des calamités et les tempêtes des persécutions - et alors même que l'"amour se refroidit chez beaucoup" (24, 12)-, il s'agit de tenir bon, de garder sa lampe allumée, de continuer d'attendre non la fin du monde mais l'arrivée d'un Dieu qui nous introduira dans la lumière éternelle de l'Amour (parabole des 10 jeunes filles)

Cette attente ne se réduit pas à une vague idée que l'on garde du catéchisme : la vigilance est un engagement total, une mise en ½uvre de nos responsabilités. C'est pourquoi une autre parabole enchaîne directement avec la précédente : celle des talents.

LE SEIGNEUR NOUS FAIT CONFIANCE

Un homme qui partait en voyage appela ses serviteurs et leur confia ses biens. A l'un, il donna une somme de 5 talents, à un autre 2 talents, au troisième un seul - à chacun selon ses capacités. Puis il partit.

Jésus n'est donc pas simplement un héros qui a marqué l'histoire, un grand personnage dont il faut garder le souvenir : Il a bien inauguré une réalité nouvelle - le Royaume de Dieu -, il y a fait entrer des hommes et des femmes à qui il a donné son message et son Esprit. Ils étaient donc la cellule première d'un Corps qui doit s'étendre jusqu'aux extrémités du monde et croître jusqu'à la fin des temps.

Tous ceux et celles qui acceptent d'entrer dans ce Corps sont bien plus que des membres d'une société religieuse : par la foi et le baptême, ils reçoivent des dons d'une importance extraordinaire et signifiés ici par le mot "talent".

A l'époque, et au sens premier du mot, un "talent" ne désigne pas une qualité personnelle, un don naturel mais une somme d'argent considérable : 6000 francs-or, soit près de 20 ans de salaire d'un journalier de ce temps-là !

La réconciliation obtenue par la Croix, la Vie divine offerte par la résurrection, le feu de l'Esprit, le baptême et l'Eucharistie ne sont pas des petits agréments de la vie : ce sont des cadeaux d'une valeur inestimable que jamais nous ne pourrions nous constituer.

Mais ce sont également des dons qui ne peuvent dormir, que nous ne pouvons capitaliser et conserver tels quels.

Ces dons du Christ sont répartis inégalement sans que nous puissions demander des justifications : chacun reçoit "selon sa capacité".

Nous ne pouvons donc pas nous comparer les uns aux autres ni nous jalouser mais, bien plutôt, nous épauler afin de travailler ensemble sans esprit de concurrence.

FAIRE FRUCTIFIER

Aussitôt celui avait reçu 5 talents s'occupa de les faire valoir et en gagna 5 autres. De même celui qui avait reçu 2 talents en gagna 2 autres.

Mais celui qui n'en avait reçu qu'un creusa la terre et enfouit l'argent de son maître.

Les deux premiers serviteurs comprennent tout de suite que la foi chrétienne n'est pas un dépôt à conserver précieusement, un credo à mémoriser, quelques rites à suivre, un label de bonne conduite mais qu'elle déclenche chez le vrai croyant le désir incoercible de la faire fructifier. Un tel a le don exceptionnel de faire des choses miraculeuses, un autre a le don d'une compassion qui le rend proche des malades et souffrants, l'un a le sens de la liturgie, l'autre accroche très bien avec les jeunes, etc....Chacun a son " charisme ".

Une communauté chrétienne est ainsi un espace où, sans acrimonie ni rivalité, dans une émulation fraternelle, tous s'activent en vue de réaliser le projet du Seigneur.

Et le responsable de communauté n'est pas celui qui veut tout faire en appelant les autres à lui obéir : au contraire son charisme à lui est d'aider ses frères et s½urs à discerner leurs propres dons, à encourager les plus timorés et à les rendre tous solidaires dans une tâche commune : que le dessein de Dieu s'accomplisse, que l'humanité découvre et vive la Bonne Nouvelle.

RENDRE COMPTE

Longtemps après le maître revient et il leur demande des comptes. Le premier dit : " Seigneur, tu m'as confié 5 talents, j'en ai gagné 5 autres - Très bien, serviteur bon et fidèle, tu as été fidèle en peu de choses, je t'en confierai beaucoup ; entre dans la joie de ton maître".

De même pour le 2ème : il a gagné 2 talents et en rapporte 2 autres. Il reçoit la même récompense.

Le 3ème s'avança : " Seigneur, je savais que tu es un homme dur, tu moissonnes là où tu n'as pas semé. J'ai eu peur et je suis allé enfouir ton talent dans la terre. Le voici. Tu as ce qui t'appartient.

Son maître répliqua : " Serviteur mauvais et paresseux, tu savais que je moissonne là où je n'ai pas semé...Alors il fallait placer mon argent à la banque et, à mon retour, je l'aurais retrouvé avec les intérêts.

Enlevez-lui son talent et donnez-le à celui qui en a 10. Car celui qui a recevra encore et celui qui n'a rien se fera enlever même ce qu'il a. Quant à ce serviteur bon à rien, jetez-le dehors dans les ténèbres : là il y aura des pleurs et des grincements de dents."

D'emblée nous serions pris de pitié pour ce pauvre homme qui avait reçu moins que les autres et qui est puni si durement. Mais justement Jésus veut nous prévenir : le grand danger qui nous guette, c'est d'estimer que "nous ne sommes pas doués", que nous n'avons pas de talent - et donc que nous n'avons pas de comptes à rendre !!.

Fausse modestie pour excuser notre inertie, notre peur de l'engagement, notre paresse !

Le péché de ce serviteur "mauvais et paresseux"- le nôtre, qui prétendons ne pas être de grands saints ! -, ce n'est pas d'avoir commis de vilaines choses, d'être tombé dans le vice : il est de N'AVOIR RIEN FAIT, d'avoir laissé son don en friche.

Des parents ne peuvent jamais dire à leur enfant qu'il n'est bon à rien. De même Dieu ne crée pas des inutiles : seule notre société païenne ose rejeter certains comme marginaux et incapables.

Ce serait faire injure au Seigneur de lui reprocher de ne nous avoir rien donné. Chacun a reçu. L'un plus, l'autre moins. Peu importe. Dieu a ses raisons et nous sommes tous promis à la même joie.

Imaginez une paroisse ordinaire, sans personnalités d'envergure, sans grandes ressources...mais où au moins quelques-uns commenceraient à mettre en pratique le don de Dieu : quel changement !

Car y a-t-il ¼uvre plus merveilleuse, plus essentielle, plus urgente qui soit en train de se dérouler dans notre histoire : accueillir l'humanité dans le Royaume du Père, proclamer en actes et en paroles la Bonne Nouvelle ? Nous en sommes les acteurs.

Pour entrer un jour dans la Joie incommensurable du Seigneur, il nous faut entrer aujourd'hui dans la lutte.

34e dimanche ordinaire, année A (Christ Roi)

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2004-2005

Ce matin, en me rasant, j'ai vécu une expérience mystique d'une telle intensité que je ne peux m'empêcher de vous la partager. J'étais devant mon miroir et je me suis dit : « et dire que ce visage est aussi visage de Dieu ». Mon visage, vous vous imaginez. Quelle prétention, pourront dire certains. Et pourtant, chaque visage, expression visuelle de notre être, est signe de la présence divine sur cette terre. Toutes et tous, de par le simple fait de notre condition humaine, nous sommes visages de Dieu. En vous regardant, je me dis que Dieu s'exprime à moi par vos visages. Alors, la prochaine fois que nous passons devant un miroir, je nous invite à nous dire : « bonjour, Dieu ». Toutefois, de tels mots ne peuvent être prononcés s'ils sont de simples mots. Ils n'ont de sens que s'ils s'enracinent dans notre nature profonde lorsque cette dernière dévoile par nos actes et nos paroles une partie de la divinité. Tel semble être le message proposé par l'évangile entendu ce jour (ce soir).

Une fois encore, le Christ nous rappelle avec force que la vie ne se vit pas dans l'exceptionnel, dans l'extraordinaire. Dieu n'a que faire de nos gloires éphémères. Il ne recherche nullement les actions d'éclat. Il nous attend tout simplement dans le quotidien de nos existences, c'est-à-dire lorsque nous refusons de nous enfermer en nous-mêmes dans notre petit confort et ce, afin de nous tourner vers l'autre. En effet, c'est dans l'altérité que Dieu aime se laisser rencontrer. Comme s'il y avait en chacune et chacun de nous un élan mystérieux qui nous pousse à sortir de nous pour partir à la rencontre de celles et ceux qui croisent la route de nos vies. Dieu se laisse rencontrer dans la rencontre de l'autre. Et lorsque j'entre dans une telle dynamique divine, tout être humain acquiert autant de valeur auprès du Père que celle de son propre Fils. En nous laissant seuls, expérimentant la force de la liberté face à la destinée du monde, Dieu nous confie une très lourde responsabilité. D'une certaine manière, il a choisi de ne plus exercer sa toute puissance de maîtrise et de domination pour laisser tout l'espace nécessaire à tout être humain afin que celui-ci accomplisse la tâche qui lui a été confiée. D'aucuns prétendent que, depuis plusieurs siècles, Dieu semble souvent bien silencieux face aux détresses de notre humanité. Et ils ont sans doute raison s'ils attendent que Dieu, le Père, dans le Fils et par l'Esprit, se mettent à tout régler de leur côté. Une telle attitude peut conduire à une déresponsabilisation de l'être humain qui s'en remet pleinement à Dieu et qui se met à croiser les bras en attendant que quelque chose de magique se produise. Accepter cette philosophie de vie, ferait de nous des spectateurs de nos existences et non plus des acteurs. Or, comme le souligne l'évangile, Dieu nous attend dans la manière dont nous accueillons celles et ceux de qui nous nous faisons proches en répondant à leurs besoins alors que ceux-ci sont souvent élémentaires : loger, nourrir, vêtir, visiter. Non seulement, il nous attend là mais il a besoin de nous.

En effet, si Dieu peut parfois nous sembler bien silencieux, c'est parce que nous ne sommes plus là où nous devrions être : trop pris par les soucis de la vie, parfois enfermés dans un individualisme ambiant, aveuglés par la détresse des autres. En quelque sorte, nous serions devenus des paralysés de l'existence. Or Dieu nous veut debout, en marche, c'est-à-dire partis à la rencontre de celles et ceux qui sont confrontés à diverses expériences douloureuses qu'elles soient physiques, mentales ou émotionnelles. Il semble que ce soit la meilleure manière qu'il ait trouvée pour ½uvrer en notre monde. Nous sommes donc bel et bien responsables du silence ou de la cacophonie de Dieu. En d'autres termes, si Dieu est silencieux, c'est parce que nous refusons de nous tourner vers les autres pour les accompagner sur le chemin de leurs destinées. Si, par contre, Dieu devient bruyant en notre monde, c'est parce que nous avons décidé de vivre de cette foi qui habite au plus profond de nous-mêmes en nous tournant vers celles et ceux en qui le Père a choisi de se révéler dans leur propre vulnérabilité. Notre inaction, notre désintérêt des êtres qui nous entourent rend Dieu muet. Notre souci de la souffrance des personnes rencontrées, notre empathie, notre volonté de transformer le monde en un lieu d'amour et de tendresse rend Dieu présent au c½ur de notre humanité. S'il en est ainsi, puissions-nous chacune et chacun, avec les dons que nous avons reçus, devenir des chahuteurs d'amour, des chahuteurs de tendresse car c'est par le biais de ce type de chahut que Dieu vit en nous et autour de nous. Amen.

3e dimanche de Carême, année A

Auteur: Collin Dominique
Temps liturgique: Temps du Carême
Année liturgique : A
Année: 2004-2005

Chacun de nous avons soif de bonheur, de plénitude de vie, de communion avec nos proches. Nous désirons étancher notre soif de ces choses, mais pour ce faire, nous n'avons qu'une petite cruche. Cette cruche représente tous ces moyens que nous mettons en ½uvre quotidiennement pour nous abreuver de bonheur : moments passés avec ceux qu'on aime, réussites professionnelles et sociales, ou encore ces petites choses de la vie, comme écouter une sonate de Beethoven.

Cette petite cruche nous sert tous les jours quand nous revenons au puits de nos multiples désirs. Lorsqu'il est environ midi, c'est-à-dire lorsque notre désir de bonheur se fait le plus sentir, alors nous revenons à ce puits et nous remplissons notre petite cruche d'un peu d'eau de bonheur.

Quand nous venons à notre puits, quelqu'un nous attend déjà, assis sur la margelle. Il s'agit de Jésus. Il sait, lui, que nous y venons constamment pour épancher notre soif de vie. Il le sait parce que lu aussi est humain comme nous et que, comme un être humain, il désire la vie et le bonheur.

Jésus ne nous attend pas au bord de notre puits pour nous demander de renoncer à notre désir de bonheur. Il ne demande pas le renoncement au désir. Jésus ne nous réprimande pas, ne nous repousse pas. Il ne nous fait pas la morale. Or, malheureusement, on nous a dit, au nom de l'évangile, que chercher le bonheur et le désirer est un sentiment qui éloigne de Dieu. C'est dire cela qui éloigne de Dieu. Non, Jésus nous dit la vérité : au fond de tous nos désirs de bonheur et de plénitude de vie, au-delà de tous nos appétits compréhensibles ou répréhensibles, nous portons en nous un vrai trésor et un grand secret !

« Si tu savais le don de Dieu ! » dit Jésus à la Samaritaine et à chacun de nous. Si tu savais qu'au c½ur de ton désir de bonheur, il y a cet « amour de Dieu qui a été répandu par l'Esprit Saint qui t'a été donné ! » Ton désir de bonheur t'indique que le bonheur, c'est aimer ! Ton désir de bonheur te montre aussi que celui que tu appelles Dieu est plus que ce que nous appelons Dieu par habitude ou par convenance. Celui qui est la source jaillissante de l'amour est notre Père. Il est Père parce qu'il donne tout ce qu'il a, ou mieux, tout ce qu'il est : son amour qui est l'Esprit saint.

Seul un Dieu qui est Père peut nous inviter à l'adorer en esprit et en vérité. Les dieux païens ou les idoles de nos désirs se font prier. Ils réclament qu'on leur soit soumis. Ils veulent qu'on se sacrifie pour eux. N'est-il pas vrai que parfois nous sacrifions notre bonheur à la recherche anxieuse et sans limites de ce même bonheur ? Notre Dieu, le Dieu de Jésus-Christ, nous invite à l'adorer en esprit et en vérité, c'est-à-dire à répondre à son amour uniquement par amour, dans l'Esprit saint. Seul un Dieu qui se rend aimable est un Dieu qui nous assure la source du bonheur car le bonheur exige que nous ne soyons pas contraints, mus par la peur ou la menace.

Mais avons-nous encore besoin de notre petite cruche pour puiser à l'eau du bonheur ?

Notre petite cruche nous servira encore, mais au lieu de puiser dans le puits habituel de nos désirs, nous nous en servirons pour nous abreuver à la source de l'Esprit, dans notre c½ur. Peu importe la taille ou la qualité de notre cruche, tant qu'on puise à la bonne eau.

Laissez-moi terminer en vous racontant une histoire :

Un porteur d'eau transportait deux cruches suspendues aux extrémités d'une pièce de bois reposant sur ses épaules. Mais l'une d'elles avait une fissure. Pendant que l'autre jarre conservait parfaitement toute son eau de source jusqu'au village, la première perdait la moitié de sa cargaison en cours de route.

La jarre parfaite était fière d'elle car elle remplissait sa fonction sans faille mais la cruche abîmée avait honte et se sentait déprimée parce qu'elle n'accomplissait que la moitié de ce que l'on attendait d'elle.

Un jour, elle s'adressa au porteur d'eau au moment où il la remplissait à la source :

Je me sens coupable et je te prie de m'excuser.

De quoi as-tu honte, demanda le porteur d'eau Je ne réussis qu'à porter la moitié de ma cargaison d'eau à cause de cette fissure qui laisse fuir l'eau. Par ma faute, tu fais tous ces efforts mais tu ne livres que la moitié de l'eau, tu n'obtiens pas le fruit de tes efforts à cause de moi.

Le porteur d'eau, touché de cette confession lui répondit : Ne songe plus à ça et pendant que nous retournons à la maison, regarde les magnifiques fleurs au bord du chemin. Sur la route, la vieille jarre vit de très jolies fleurs baignées de soleil et cela lui mit la joie au coeur. Mais elle se sentait toujours aussi coupable parce qu'elle avait encore perdu la moitié de son eau.

T'es-tu rendu compte qu'il n'y avait de belles fleurs que de ton côté du chemin, et presque aucune de l'autre de l'autre côté ?

J'ai toujours su que tu perdais de l'eau et j'en ai tiré parti.

J'ai semé des fleurs de ton côté et toi tu les arrosais pendant le parcours. Sans toi, jamais je n'aurais pu obtenir des fleurs aussi fraîches et gracieuses.

3e dimanche de Carême, année A

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps du Carême
Année liturgique : A
Année: 2004-2005

Ce samedi 12 février dernier, à ANADU, petite ville du nord du Brésil, une religieuse de la Congrégation des S½urs de Notre-Dame de Namur a été abattue de six balles de revolver par deux tueurs à la solde d'un gros propriétaire terrien. S½ur DOROTHY, d'origine améri-caine, avait 73 ans et depuis 22 ans, elle luttait pour défendre les droits des paysans sans terre qui demandent l'application de la grande Réforme agraire de 1970. Une foule immense, venue de partout, dont 3 Ministres du gouvernement central, se pressait à l'enterrement. On a rappelé que, sur les 20 dernières années, 1250 personnes engagées dans la cause des sans-terre ( avocats, prêtres, laïcs ) avaient été assassinées sans que jamais leurs auteurs, identifiés, soient arrêtés.

LA POLITIQUE DE PHARAON

C'est bien une des horribles constantes de l'histoire de l'humanité : sans cesse et partout, la rage du pouvoir et la soif de l'or transforment des hommes en tyrans acharnés à opprimer d'autres hommes pour manifester et accroître leur puissance.

Ne l'a-t-on pas encore vu chez nous lors de la révolution industrielle du 19ème siècle lorsque certains ont édifié d'immenses fortunes en condamnant leurs ouvriers à une vie inhumaine : salaires insuffisants pour la subsistance de leurs familles, cadences infernales, journées de 12 heures, insalubrité des logements, enfants en-dessous de 10 ans dans les mines ou les filatures, et aucun jour de repos ni dimanche, ni mutuelle, ni pension. ?! Les pauvres durent entreprendre une lutte âpre et dangereuse - dans laquelle plusieurs tombèrent sous les balles du Pouvoir - pour arracher des droits légitimes.

Et parce que certains de ces vampires qui les avaient exploités si longtemps étaient des catholiques, soutenus par un Parti de la même étiquette, et que des prêtres s'étaient compromis avec eux ou s'étaient tus, la classe ouvrière se détourna de l'Eglise. Aujourd'hui encore, après plus d'un siècle et demi, la fracture ne s'est toujours pas refermée.

Cette exploitation des plus faibles est ce que l'on peut appeler "la politique du pharaon". Celui-ci n'est jamais nommé dans le récit biblique de l'Exode car il ne s'agit pas de tel ou tel souverain d'un pays mais d'un symbole qui désigne une puissance dictatoriale, abusant de son pouvoir et traitant en esclaves des êtres humains qui pourtant sont, tous, "créés à l'image de Dieu" et donc d'une dignité inaliénable.

LE PASSAGE DE LA MER

Cet état de fait, cette réduction d'êtres humains à l'esclavage n'est pas une fatalité inéluctable. La Bible raconte que pendant très longtemps les Hébreux durent subir l'oppression parce que la mer formait une barrière infranchissable les empêchant de s'enfuir. Mais rien, pour Dieu, ne constitue un enfermement définitif. C'est pourquoi, après la nuit du repas de l'agneau (Pessah = Pâque), les esclaves parvinrent à s'enfuir. La représentation de notre ancien manuel d' "histoire sainte", reprise par les films à grand spectacle, avec des murailles d'eau dressées et laissant les Hébreux passer à pied sec, est probablement une belle légende inventée par après. Sans doute Moïse, le guide, connaissait-il l'un ou l'autre gué, un endroit par lequel il était possible de passer sans trop de danger.

L'essentiel, c'est que les Hébreux se sont sentis protégés par leur Dieu qui leur ouvrait un passage (une "pâque") afin de recouvrer leur liberté. Arrivés de l'autre côté, les fugitifs explosèrent de joie et se mirent à chanter : " DIEU A LIBÉRÉ SON PEUPLE !..."

LE BAPTÊME = PASSER L'EAU

Maintenant, pour nous, chrétiens, ce passage est réalisé par le BAPTEME dont la pratique, heureusement, est en train de bien évoluer. Au lieu de se confiner à une petite aspersion sur le crâne d'un bébé inconscient, le Baptême redevient ce qu'il était à l'origine : un véritable passage, un saut, la sortie d'une société où règne le droit du plus fort et l'entrée dans un nouveau mode d' existence où les hommes vivent ensemble dans la communion des enfants de Dieu.

Le baptême est une option grave, une décision capitale : il scelle la volonté de sortir du "monde de pharaon" - où des forbans sans scrupules oppriment des êtres humains - afin d'entrer dans ce que Jésus appelait LE ROYAUME DE DIEU, la communauté fraternelle.

RENAîTRE D'EAU ET D'ESPRIT

C'est bien ce que Jésus tentait d'expliquer à Nicodème, ce notable de Jérusalem : " Si tu veux entrer dans le Royaume, tu dois renaître d'eau et d'Esprit".

En effet la foi n'est pas une amélioration de l'honnêteté naturelle ni une série de pratiques religieuses, mais un changement tellement radical que Jésus l'appelle UNE RENAISSANCE.

Seul l'Esprit de Dieu est capable de réaliser pareille merveille : transformer un homme afin qu'il refuse le marasme et l'ignominie d'un monde inique pour commencer à prendre part au monde de Dieu, un monde de droit et de justice, de solidarité et de paix.

S½ur Dorothy : Je ne vous connais pas, je vous découvre alors que vous nous quittez. Menacée de mort depuis des mois, vous aviez décliné l'offre de votre Congrégation de rentrer aux U.S.A. car vous ne vouliez pas abandonner vos frères écrasés par la misère. Je vous remercie de nous montrer, après Jean-Baptiste, Gandhi, Martin Luther King et tant d'autres, que le Christ s'est offert afin de permettre à ses frères et s½urs de quitter les geôles de l'injustice pour se lancer sur la route de l'EXODE. Le monstre peut encore tuer : la brèche est faite, maculée du sang des martyrs mêlé à celui de l'Agneau.

Puisse notre carême - c'est son rôle, son sens, son but - nous rendre capables, au cours de la prochaine Veillée pascale, de renouveler nos engagements de baptême sans mentir.

3e dimanche de l'Avent, année A

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Avent
Année liturgique : A
Année: 2004-2005

Qui n'a jamais eu de doutes contre la foi ? Personne. Comment ne pas douter quand Dieu se tait devant l'immense détresse des hommes ? Pourquoi prier quand le mal inexorable emporte la personne que vous chérissez ? Pourquoi encore aller à la messe du dimanche que des millions de baptisés ont abandonnée et qui n'a plus de sens ?

Rassurez-vous : les plus grands Saints ont, eux aussi, été taraudés par des interrogations parfois cruelles : relisez les confidences de la petite Thérèse, rongée par la tuberculose dans son carmel de Lisieux et obsédée par la question : " Et s'il n'y avait pas de ciel ?"

LA QUESTION DE JEAN BAPTISTE

Même le grand Jean-Baptiste fut pris d'angoisse. Près du Jourdain, il avait reconnu sa propre impuissance et désigné clairement Jésus comme le Messie attendu, celui qui allait effectuer le grand nettoyage :

Il a sa pelle à vanner : il ramassera le bon grain et brûlera la paille (cf. l'Evangile de dimanche passé).

Mais voilà que Jean est arrêté et jeté en prison pour avoir eu le front de dénoncer les m½urs du roi : Je vais être bientôt exécuté, pourquoi donc Jésus n'intervient-il pas ?...

Jean-Baptiste dans sa prison avait appris ce que faisait le Christ (en Galilée). Il lui envoya demander par ses disciples :

Es-tu celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre ?

Terrible question - bien plus aiguë encore aujourd'hui car d'autres religions proposent d'autres messages. Car l'Evangile n'a guère prouvé son efficacité. Car de nouvelles découvertes scientifiques vont peut-être éclairer le mystère de l'aventure humaine. Ne devons-nous pas nous résoudre à attendre la solution d'un autre que de Jésus ?...

Aux ambassadeurs venus lui transmettre le trouble de Jean, Jésus fait une très curieuse réponse :

Jésus leur répondit :

Allez rapporter à Jean ce que vous entendez et voyez : les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, les sourds entendent, les morts ressuscitent et la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres.

Ce qui signifie : je ne lancerai pas un commando d'assaut contre la prison et je n'effectuerai aucun acte de libération magique. Jean doit donc accepter son destin. Non il ne s'est pas trompé sur Jésus - qui est bien le Messie, le Libérateur - mais, comme tout le monde à l'époque, Jean guettait la venue d'un Justicier des derniers temps, d'un Vengeur implacable, d'une Apocalypse finale.

Or si Jésus inaugure vraiment le Royaume de Dieu sur la terre, c'est d'une façon tout à fait inattendue : par la multiplication de petits signes de guérison et par l'annonce de la Bonne Nouvelle...qui n'est pas d'échapper à la mort !!!...

LA TÂCHE DES AMBASSADEURS

Aussi les délégués de Jean ont-ils une tâche capitale et difficile à accomplir : sauver leur maître du désespoir, lui permettre d'assumer son martyre sans révolte, dans la certitude que l'espérance d'Israël est en train de se réaliser ...mais tout autrement qu'il ne l'imaginait.

Plus tard Etienne, le premier, puis l'un après l'autre, les apôtres, Jacques, Pierre, Paul et des milliers d'autres seront arrêtés, torturés, exécutés...mais ils mourront sans révolte, soutenus par l'Esprit de feu que Jésus leur avait communiqué par sa Parole et son Pain rompu et partagé.

Parce qu'ils avaient reçu le CORPS DU CHRIST dans son Eucharistie, ils étaient devenus capables - oh dans l'angoisse et avec larmes - de donner LEUR CORPS pour la Vérité.

ALLER DIRE CE QUE VOUS AVEZ VU

Est-ce que Jésus est le Messie, le Libérateur ? Ne faut-il pas en attendre un autre ? : Est-ce que l'Eglise a échoué ? Doit-elle s'effacer de l'histoire ?...

Pour répondre à ces questions anxieuses posées par les jeunes générations, nous devons obéir à l'injonction de Jésus : " Allez dire à ceux qui doutent que la croix du Christ continue à éclairer le monde, que des martyrs ont offert, et offrent encore, leur vie pour leur Unique Sauveur, que des malades sont soignés, que des malheureux sont soutenus, que des désespérés retrouvent un sens à leur vie....et QUE LA BONNE NOUVELLE EST ANNONCEE AUX PAUVRES.

Car seuls comprennent vraiment Jésus ceux qui ont perdu leur assurance et leur orgueil, qui ne réduisent son message ni à des rites formalistes ni à des souvenirs de catéchisme enfantin ni même à une généreuse philanthropie : ceux qui se sentent rejoints par Quelqu'un qui ne leur apporte pas le bonheur sur un plateau d'argent mais qui les aime au fond de leur misère et qui demeure en eux jusqu'à les rendre capables de transformer leur mort en don.

"Jésus est-il le Messie ? Dois-je aller à la messe ?". Je n'ai pas d'ordre à te donner, ami. Simplement je te dis : cesse de rêver d'une liberté égoïste, refuse les préjugés de ton milieu, n'imagine pas une Eglise à ta mode qui résout tous tes problèmes. une Eglise puissante, forte, impressionnante. Rejoins-la lorsqu'elle accomplit ces signes presque ridicules que sont les soins des malades et la célébration avec des assemblées - souvent vieillies - qui écoutent l'annonce de la Bonne Nouvelle et qui partagent un morceau de Pain.

Ami, que Dieu mette sur ton chemin des témoins qui te feront comprendre que Noël, ce n'est rien d'autre que la pauvre, la misérable, la superbe, la stupéfiante Messe du dimanche. Elle est le grand signe. Sans elle, l'Eglise n'est rien.

Mais la vérité de ce signe exige que ses pratiquants prolongent les soins du Christ et annoncent son Evangile aux pauvres.

3e dimanche de Pâques, année A

Auteur: Croonenberghs Didier
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : A
Année: 2004-2005

Elle s'était mariée uniquement pour se libérer, mais elle n'osait pas affronter son mari et lui dire ses souffrances et ses difficultés. Elle espérait secrètement que son mari l'aide jusqu'à ce qu'un jour, celui-ci apprenant ses souffrances, décide enfin de l'aider, de la libérer de ce poids qui pesait sur elle...

Quelques temps après, après des semaines d'accompagnement, ce couple s'est littéralement effondré. Ils se sont séparés. Leur relation s'est brisée lorsque cette femme réussit pleinement à se changer, à se libérer. Puisqu'elle s'était transformée et libérée grâce à son mari, elle n'avait plus besoin de lui, elle était libre...

Si en guise d'introduction, je me suis permis de vous raconter cette petite anecdote citée par le psychologue Jean Van Hemelrijk lors de sa conférence sur le couple organisée il y a quelques semaines par l'équipe pastorale, ce n'est certainement pas pour dévaluer la relation de couple, ou pour vous inciter à ne pas vous marier ou encore pour faire une politique active pour les vocations religieuses...

Non, si je vous ai cité cette anecdote, c'est parce qu'il me semble tout d'abord que cette expérience de l'attente dans nos relations est fondamentale et constitutive de nos existences. Nos relations humaines sont faites d'accompagnement, de cheminement et d'aides mutuelles, que ce soit dans nos relations d'amitiés ou de couple. Nous avons tous des attentes dans nos relations, vis-à-vis de personnes qui nous entourent... et ces attentes peuvent être comblées ou non.

Et l'Evangile que nous venons d'entendre nous montre peut-être qu'il en va un peu de même dans notre relation avec Dieu. Comme les disciples d'Emmaüs, nous avons des attentes. Et c'est bien normal. Nous avons tous besoin que Dieu nous accompagne sur nos chemins et qu'il nous aide à lire et à évangéliser nos histoires, nous attendons qu'il nous libère de nos doutes et de nos peurs. Le Christ nous accompagne, mais nous sommes comme les disciples d'Emmaüs. Nous ne parvenons parfois pas à discerner sa présence cachée dans nos existences. Dieu nous accompagne discrètement, sans que nous parvenions à voir sa présence cachée, mais il est là pour nous aider à relire les écrits de nos vies, à lire, à interpréter et à écrire nos histoires, pour nous libérer, et nous permettre de marcher.

Dès lors, ce que l'histoire des disciples d'Emmaüs peut nous apprendre est peut-être bien ceci : si le Christ ressuscité nous accompagne, il doit, pour nous laisser pleinement libres, en même temps s'éclipser de nos regards. Pour que la libération soit effective, il faut qu'il s'efface effectivement... Si le Christ veut nous libérer, pour le faire pleinement, il doit s'effacer de nos regards... Pour nous libérer, il doit s'effacer...

Dans nos relations humaines, une telle libération totale n'est pas possible... car lorsque nos relations sont basées uniquement sur des attentes, la relation n'a plus de raison d'être une fois que ces attentes sont comblées. En effet, si un couple ou une relation d'amitié se base seulement sur une attente, il ne faut pas que cette attente se réalise sinon la relation est détruite...

Par contre, avec Dieu, la libération totale ne détruit pas la relation, mais elle l'accomplit. Nous sommes tous confrontés à ce merveilleux paradoxe : « le ressuscité nous accompagne pour que nous parvenions à reconnaître sa présence et son amour au milieu de nous... mais lorsque que nous y parvenons, il disparaît pour que notre relation avec lui soit pleinement libre »

Alors, pouvons-nous être encore tristes si comme les disciples d'Emmaüs, notre relation avec le Christ n'est pas brisée mais est affermie lorsqu'il s'efface de nos regards ? Son absence n'est elle pas gage de libération ?

3e dimanche de Pâques, année A

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : A
Année: 2004-2005

Depuis ta profession de foi à 12 ans, tu as "évidemment" cessé d'aller à la messe le dimanche. Cependant tu te considères encore comme chrétien, tu crois en Dieu, il t'arrive même de prier, tu te conduis bien et tu essaies de rendre service. Tu défends les droits de l'homme et tu désires la paix dans le monde.

Mais regarde les adultes autour de toi : tu remarques qu'il n'est pas difficile de s'octroyer un label de générosité tout en désirant, au fond, mener une petite vie confortable.

REPRENDRE LA QUESTION JESUS

Au moment où tu vas entrer pleinement dans la vie adulte - mariage et engagement professionnel -, peut-être me permettras-tu de reprendre avec toi la question JESUS CHRIST.

Pas le problème d'une vague croyance en la divinité ni les débats sur une moralité universelle.

Mais le regard sur quelqu'un, sur cet homme de Nazareth, que l'on appelait IESHOUAH, qui était très croyant et qui cependant a été condamné à mort par les autorités religieuses qu'il osait contester.

Que devait-il faire, crois-tu, pour sauver les pauvres, rendre la liberté à son peuple occupé par l'ennemi et apporter la paix au monde ?

Il aurait pu, certes, soulever la jeunesse et l'entraîner à verser son sang dans une insurrection générale. Ou il aurait pu se lamenter sur les malheurs des hommes et se résigner en prétextant que l'on ne peut rien changer au désordre du monde.

Ni passivité ni violence. Seul, sans ressources, dans son coin minuscule de Galilée, IESHOUAH s'est approché de tous, il a aimé les malades, les petits, les pauvres. Il annonçait un autre monde possible...mais, dans ce but, il osait appeler chacun et chacune à un changement radical, à un engagement sur le chemin des Béatitudes. Ce qui n'allait pas sans risque !

Et lorsque l'étau s'est refermé sur lui, il a compris qu'après avoir rendu santé et espoir à beaucoup, il lui fallait encore aller plus loin et donner sa propre vie comme signe et preuve de l'Amour de Dieu.

DESCENTE AUX ENFERS ET RESURRECTION

Lui qui avait toujours aimé, il aima les hommes jusqu'au bout. Repoussant tout dépit, toute haine, il transfigura son échec en victoire, l'horreur de son supplice en don d'amour pour l'humanité. " Personne ne me prend ma vie : je la donne"

Il n'était pas qu'un héros admirable ou un martyr à qui il faudrait élever un monument. Car, vois-tu, sa mort a eu un lendemain : ses disciples - qui l'avaient lâchement abandonné - d'abord incrédules se rendirent à l'évidence. IESHOUAH était vivant, il était au milieu d'eux. Il n'était donc pas qu'un maître, un rabbi, un sage, un leader - comme on le pensait au début - mais le SEIGNEUR !

En Lui, Dieu était descendu au fond de notre horreur : le paroxysme de la douleur, l'effroi de l'agonie, la solitude totale, l'ignominie de la haine des hommes. La nuit sans consolation.

Mais au creux des ténèbres et de l'absurde, il avait fait retentir un mot : PARDON AUX HOMMES. Car la vraie révolution, c'est quand l'homme se sait aimé de Dieu.

LE REPAS DU SEIGNEUR

Alors ces mêmes disciples se sont retrouvés à table pour revivre le repas que IESHOUAH avait partagé avec eux à la veille de sa mort et qu'il leur avait ordonné de refaire en sa mémoire.

Et en quelques siècles, des églises, modestes ou majestueuses, se sont édifiées dans tous les pays, au milieu des maisons des hommes. Afin que toutes les familles puissent converger vers le foyer central, là où l'amour de Dieu fulgure et attire.

En toutes les langues, les pauvres croyants viennent y prier et l'un d'eux - pas toujours le meilleur - répète les paroles inouïes : " Ceci est mon Corps : mangez...Ceci est la coupe de l'Alliance...".

Et ainsi tu comprends qu'il était faux de te demander de "faire ta communion". Tout au contraire, c'est IESHOUAH qui fait communier ensemble les pauvres humains qui n'arrêtent pas de se débattre contre le mal. Il ne leur offre pas un bonheur facile et égoïste : Il les libère de leur enfermement et les donne les uns aux autres comme des frères et s½urs, tous enfants de Dieu !

TU VIENS OU TU NE VIENS PAS ? . . .

Ce repas tout simple, tu peux t'en moquer comme d'un rite insignifiant, tu peux le dédaigner puisqu'il ne rassemble que quelques personnes âgées, tu peux le refuser à l'imitation de tes copains et par peur de te faire ridiculiser. Mais tu peux aussi, en conscience, relire l'Evangile (qui ne se réduit pas aux vagues souvenirs de ton catéchisme) et regarder vers ce Visage unique qui t'interroge :

" POUR TOI QUI SUIS - JE ? "

En effet on ne se débarrassera jamais de cette question car Il ne cessera jamais de t'appeler : " Ah ! si tu savais le don de Dieu...Oui je suis le Pain de la Vie : Celui qui me mange vivra par moi, je le ressusciterai".

Il y a quelque 20 siècles, deux jeunes gens, comme toi, croyaient que le Christ était mort, qu'il fallait se résoudre au triomphe des injustes.

Ils ont dû faire un long chemin pour passer du Jésus de leurs illusions au Seigneur de l'histoire, au Jésus de saint Paul et de Thérèse de Lisieux, de Maximilien Kolbe et du père Damien chez les lépreux, de l'abbé Pierre et de Jean-Paul II. Chacun de ceux-ci peut te dire que s'il a agi comme il l'a fait, ce n'est pas d'abord parce qu'il était rempli de qualités, mais parce que, chaque dimanche, au moins, il rejoignait les autres croyants dans l'Eucharistie pour se laisser agréger en un seul peuple, en une communion, en une assemblée qui chante la Vie et qui marche dans l'espérance : l'Eglise.

Une Eglise qui n'est vieille que parce que tu n'y vas plus.

Une Eglise incomplète - puisque tu lui manques.

Une Eglise qui t'attend - car elle est inaccomplie sans toi.

Une Eglise qui a des défauts - ce qui lui permettra de toujours pardonner les tiens.

Une Eglise à réformer - si tu viens collaborer.

Bon chemin d'Emmaüs, frère.

A la joie de t'accueillir.

3e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2004-2005

Ils se réunissaient toujours au même endroit et à la même heure. Chaque semaine, ils prenaient ce temps ensemble pour discuter de l'évolution du monde. Etaient présents : le Dieu de la télévision, le Dieu de l'Internet, le Dieu de la téléphonie, le Dieu de l'ordinateur, le Dieu de la technologie. Leurs réunions étaient évidemment présidées par le Dieu de l'électricité. Deux dieux étaient cependant absents tellement ils étaient occupés par ailleurs : il s'agissait du Dieu de la course après le temps et du Dieu de la course effrénée après l'argent. Et voilà que ce jour-là, en pleine réunion, le Dieu de l'électricité eut une crise cardiaque. Personne ne parvint à le sauver. Il mourut sur place entraînant dans sa suite tous les autres dieux qui n'avaient d'existence que par lui sauf bien évidemment les deux dieux toujours absents qui aujourd'hui encore continuent de courir après leur propre divinité je pense. En un instant, dû à une rupture éternelle d'électricité, la terre avait perdu presque tous ses dieux. Les gens étaient consternés. Ils ne savaient plus à quel saint se vouer. Cela faisait tellement longtemps qu'ils étaient devenus les esclaves de ces différents dieux. Toutefois, après quelques jours, certains eurent le sentiment de recouvrer une certaine liberté n'étant plus tenus de lier leurs vies à de telles divinités.

Cela peut paraître étonnant et pourtant, contrairement à ce que certains pensent, croire au Dieu de Jésus-Christ ne nous conduit pas à entrer dans une dynamique d'esclavage, de perte de son autonomie. Non croire au Dieu de Jésus Christ, un seul Dieu révélé à nous en trois personnes, est pour chacune et chacun de nous une chance unique de ne lier sa vie qu'à un seul Dieu et non plus à plusieurs. Croire au Dieu de Jésus-Christ fait de nous des êtres libres, profondément libres car nous acceptons que c'est à sa suite et uniquement à la sienne que nous marchons sur le chemin de notre vie. En d'autres termes, croire au Dieu de Jésus-Christ, c'est accepter de n'avoir qu'un seul guide nous ouvrant la voie au bonheur, qu'une seule lumière éclairant nos existences. Croire au Dieu de Jésus Christ nous permet ainsi d'écrire nos vies au rythme de l'évangile qui nous propose toujours un chemin nous conduisant vers la divinisation de notre propre humanité. Y a-t-il plus grande expérience de liberté que celle-là ? Je ne le crois pas.

Et ce Dieu qui nous rassemble aujourd'hui encore est notre lien commun. Entre nous, il existe des différences culturelles, sociales, intellectuelles, physiques et d'autres encore. Mais croire en Dieu, tel qu'il nous est révélé dans les Ecritures, nous permet, par-delà ces différences qui existent, de d'abord voir ce qui nous rassemble, ce qui nous ressemble. Sans doute que vu de la terre, il existe des diversités, des rivalités mais nous pouvons espérer que vu du Ciel notre foi commune est belle à voir. Entre nous, nous formons une certaine unité. Toutes les religions du monde partagent des valeurs similaires, même si parfois l'intensité de ces dernières varie de l'une à l'autre. Il en va également de la sorte quant à notre unité de foi en tant que chrétiens. Les différentes branches de cette foi précisent et dévoilent à leur manière une partie du mystère divin. Chacune cherche à donner des réponses possibles à l'accomplissement de notre destinée en Dieu.

Le Dieu de Jésus-Christ s'adresse au plus profond de nous en nous souhaitant « une bonne liberté », c'est-à-dire cette liberté d'enfant de Dieu de croire en Lui car le Royaume des cieux est tout proche. Toutefois, notre bonne liberté de croire, don de Dieu par excellence, n'est pas quelque chose de statique. Elle est plutôt dynamique, en mouvement. En fait, toute bonne liberté a besoin de s'exprimer pour exister. Tout comme Paul, nous ne sommes pas d'abord là pour baptiser mais plutôt pour annoncer cet évangile qui nous rassemble pour que nous le ressemblions. L'annoncer tout simplement, à partir des êtres que nous sommes, avec les dons que nous avons reçus. Ce n'est pas pour rien que les premiers disciples de Jésus étaient des pêcheurs. Dieu le Fils n'a que faire de belles phrases bien construites, agréables à entendre. Il attend de nous de prêcher son évangile avec des paroles sans dorures, des paroles vraies qui viennent du tréfonds de notre âme. Au risque de me répéter, Dieu a besoin de chacune et chacun de nous. La révélation aux autres du mystère du Tout Autre passe par nous. C'est avec nos mots, nos gestes que nous devenons, en tant que baptisés, prêcheurs de sa bonne nouvelle. Chacun à sa manière. Telle est la liberté de l'évangile. Telle est la liberté des enfants de Dieu. Puisse alors résonner en nous cette parole adressée par Dieu : « bonne liberté, mon enfant. Vis ta foi. Annonce-Moi ».

Amen.

3e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2004-2005

A chacun de nous, une certaine (et incertaine) durée est impartie pendant laquelle il nous faut accomplir notre mission chrétienne. Car à un moment, le temps du témoignage sera terminé (Apocalypse. 11, 7) et nous devrons céder la place à d'autres qui poursuivront la lutte.

Ainsi de Jean-Baptiste. Un jour, bousculé par un mystérieux appel, il a surgi, a entrepris sa tâche, a désigné Jésus puis, peu après, les soldats sont venus l'arrêter et ils ont jeté en prison celui qui avait eu l'outrecuidance de dénoncer le péché du roi. S'il ne se cantonne pas dans une piété inoffensive, le témoin sait qu'il doit s'attendre au pire.

Et alors qu'il s'était retiré dans la solitude afin de comprendre ce à quoi l'engageait la révélation reçue lors du baptême ( "Tu es mon Fils bien-aimé : aujourd'hui..."), Jésus apprend l'arrestation de Jean : c'est le signal, le temps de son propre témoignage s'ouvre. La voix du précurseur est bâillonnée, la voix du Fils va retentir. Mais il doit s'attendre probablement à la même issue.

UN PREDICATEUR ITINERANT

Si Jean s'était cantonné à la frontière, au-delà du Jourdain (là où Moïse avait disparu et où Elie avait été enlevé au ciel - comprenons : là où s'arrêtaient la Loi et les Prophètes, donc la Révélation première), Jésus, lui, rentre dans le pays pour y instaurer le Royaume de Dieu.

Il regagne sa région de Galilée, cette province au nord d'Israël qui si souvent fut envahie et occupée par les armées ennemies, cette zone où se côtoient Juifs et païens, où la foi est affrontée aux diverses croyances et donc exposée aux compromissions. Ainsi, dit Matthieu, s'accomplit la prophétie :

"Galilée, carrefour des païens ! : le peuple qui habitait dans les ténèbres a vu se lever une grande Lumière : sur ceux qui habitaient dans le pays de l'ombre et de la mort, une lumière s'est levée..." ( Isaïe 8, 23...)

Car n'est-ce pas au c½ur des ténèbres qu'il importe d'allumer la Lumière, n'est-ce pas là où pèse la menace de mort qu'il faut faire jaillir la Vie ?.....C'est dans cette Galilée turbulente, ouverte au monde, loin du temple de Jérusalem, lieu de passage et de trafic, que Jésus va réaliser sa mission. Et c'est là, à la fin de l'Evangile, que le Ressuscité convoquera ses disciples afin de les envoyer dans le monde entier ( Matthieu 28, 16-20).

La foi doit se vivre en plein monde, dans la grisaille des jours.

" LE ROYAUME DE DIEU VIENT"

" A partir de ce moment, Jésus se met à proclamer :

-  Convertissez-vous car le Royaume des cieux est tout proche !"

Telle est la Nouvelle, bonne, ultime, indépassable, urgente que Jésus lance pour la première fois. Avec Lui, Dieu vient régner ici tout de suite. Car prenons garde : "les cieux" remplace le nom imprononçable de Dieu et ne désigne pas un état désincarné, un rêve pour "les belles âmes", une utopie renvoyée à l'après mort.

Mais Dieu ne s'impose ni par les armes ni par la magie, il ne trace pas un territoire, ne recrute pas une élite. Pour "voir" ce royaume, l'homme doit accepter de remettre en cause ses idées et manières de voir : il doit se retourner, entreprendre ce déchirant travail, jamais achevé, de la "conversion". De même que Jésus, dans le désert, avait refusé les formes diaboliques d'une nouvelle société, de même l'Eglise doit écarter sans cesse ces tentations récurrentes et opter pour le chemin tracé par Jésus.

Très vite, celui-ci appelle quelques jeunes pêcheurs pour collaborer à son ½uvre (ils répondent illico à son appel sans doute parce qu'ils l'ont connu dans l'entourage du Baptiste). Et notre texte se clôt par une petite phrase qu'il importe de méditer car elle situe la méthode de travail de Jésus - et donc celle de son Eglise. Pour la rendre de façon plus exacte, il faut rectifier un peu la traduction du lectionnaire :

" Et il circulait dans toute la Galilée,

enseignant dans leurs synagogues,

et proclamant l'Evangile du Royaume,

et soignant toute maladie et toute infirmité dans le peuple".

Les prêtres officiaient au temple, Jean-Baptiste, comme les Esséniens, se tenait dans le désert : Jésus, lui, tel un prophète, marche, bouge, circule dans le monde. Il ne fonde pas un lieu saint dans le but d'y attirer les foules (ni Vatican ni "maison de retraites") : il se met en route afin de rejoindre les gens là où ils vivent. Il les invite non à un pèlerinage géographique mais à un voyage intérieur terriblement plus dur : changer, se convertir, oser entrer dans ce mystérieux Royaume que Jésus leur ouvre... s'ils consentent à l'accueillir.

Son activité est donc triple.

Au centre, la note essentielle : " PROCLAMER LE ROYAUME DE DIEU"

Et, l'encadrant, les deux actions complémentaires :

-  ENSEIGNER. Jésus, en bon Juif, se rend à la synagogue chaque shabbat. Il explique aux gens ce que signifie son appel, ce que Dieu désormais attend d'eux, il fait de la catéchèse.

-  SOIGNER. Jésus s'approche des corps meurtris, des handicapés. Car si Dieu vient, alors le mal recule : l'homme est corps et âme, et l'Evangile n'est pas une idéologie. Les guérisons ne sont pas des preuves apologétiques mais les signes de l'efficacité de la PAROLE que Jésus proclame.

*

SEMAINE DE PRIERE POUR L'UNITE DES CHRETIENS.

Notre évangile nous éclaire. D'accord sur l'essentiel - annoncer le Royaume aux hommes-, nous nous sentons tenus de surmonter nos divisions. Car les hommes ne nous croiront que si nous sommes UN. Différents mais UN. La Parole unique à proclamer, à expliquer, à appliquer sur les angoisses et les détresses, bref l'évangélisation, telle que Jésus l'a vécue, n'est-elle pas le chemin de nos retrouvailles ?...

4e dimanche de Carême, année A

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps du Carême
Année liturgique : A
Année: 2004-2005

Il était difficile de trouver plus ponctuel que lui. Toujours à l'heure, jamais en retard. Comme s'il avait un annuaire de chemins de fer dans le cerveau. Et s'il le pouvait, il ferait encore tout pour être même un peu en avance. D'où mon étonnement de le voir systématiquement arriver quelques minutes après le début de la célébration dominicale. A l'heure pour les humains, en retard pour Dieu. Telle devait être sa devise. Poussé par une certaine curiosité, je lui demandai un jour la raison d'une telle attitude. Il me répondit très simplement que pour lui, la messe commençait vraiment avec les lectures, que le début de la célébration était ennuyeux, tellement répétitif avec cette phrase du kyrie : « Seigneur prends pitié », qu'il préférait arriver au moment où il pouvait commencer à se nourrir spirituellement. Je lui dédie alors cette homélie.

Pour comprendre le sens de ce que nous vivons à chaque célébration eucharistique en invoquant au début de celle-ci la tendresse et la miséricorde de Dieu par le chant du Kyrie, je nous invite à repartir des textes proposés par la liturgie de ce jour. Toutes et tous, dans le Christ, nous sommes appelés à devenir des filles et des fils de la Lumière. Voilà, l'espérance de Dieu pour sa création. Dieu s'est fait homme pour que l'homme devienne Dieu, écrivit il y a bien longtemps saint Irénée. Nous sommes toutes et tous, de par notre humanité inscrite en Dieu, invités à participer à la vie divine. Une vie de Lumière, une vie éclairée d'un Amour indicible. Telle est notre destinée. Elle s'offre à nous et se vit par l'ensemble des choix que nous posons chaque jour pour un peu plus nous accomplir, nous réaliser et nous rapprocher de la sorte de cette divinité inscrite au c½ur de notre humanité. Toutefois, pour vivre de la tendresse de Dieu, nous avons, nous aussi, à aller nous baigner dans la piscine de Siloé.

Sommes-nous finalement si différents de l'aveugle-né ? Je ne le pense pas. Nous avons également nos propres aveuglements. En effet, tant de choses peuvent nous aveugler et ce, qu'elles soient heureuses ou non. Ne dit-on pas que l'amour rend aveugle ? Même si certains affirmeront que le mariage rend la vue. Mais au-delà de cette dernière remarque perfide, je dois reconnaître que, dans la vie, il y a tant de choses qui peuvent participer à mon propre aveuglement : je peux, par exemple, subir l'influence du groupe auquel j'appartiens et qui peut m'empêcher de dire ce que je pense en vérité par peur d'être rejeté alors que les attitudes de ce même groupe sont peu respectueuses d'autres personnes. Je peux aussi être aveuglé par le rythme fou de la vie qui m'empêche de penser et donc de voir la réalité en face. La quête du pouvoir, la recherche effrénée de plaisirs immédiats, une volonté d'ignorance, une certaine routine, toutes ces attitudes peuvent également participer à notre aveuglement quotidien. Alors aujourd'hui Jésus, tout comme dans l'évangile, vient vers nous et nous invite à aller nous laver à la piscine de Siloé, c'est-à-dire à accepter d'entrer dans une démarche de « désaveuglement ».

Etre désaveuglés de tout ce qui nous empêche de devenir nous-mêmes, être désaveuglés de toutes ces petites limites qui nous constituent et qui font partie intégrante de notre être. Ces limites sont d'une certaine manière tous nos petits travers, nos distractions, nos énervements, nos ronchonnements qui iront jusqu'à parfois faire sourire les autres de nous voir capables de nous encombrer l'esprit de tant de petits détails inutiles. Au fil de la vie, ils deviennent comme des écailles venant se placer sur nos yeux et peu à peu, ils nous aveuglent. D'une certaine façon, ils constituent les zones ténébreuses de notre c½ur, c'est-à-dire ce que nous repoussons dans nos coins intérieurs en essayant de les oublier. Ce sont tous ces petits faits et gestes, souvent anodins, qui traversent nos existences et qui nous encombrent.

Il ne s'agit pas comme tel des manques d'amour, appelés communément péchés, qui conduisent à nous exclure de l'Alliance avec Dieu et qui demandent de notre part un véritable chemin de réconciliation. Non, il s'agit plutôt de nos petits travers de tous les jours qui peuvent nous empoisonner l'existence et dont il est bon de se débarrasser de temps en temps en allant les déposer au pied de la Croix du Christ. Et c'est tout simplement cela que nous faisons chaque fois que nous célébrons l'eucharistie : nous invoquons la tendresse de Dieu pour que celui-ci nous désaveugle de nos limites personnelles afin que nous puissions nous ouvrir à l'intelligence de sa Parole. S'il en est vraiment ainsi, n'est-il pas dommageable pour sa propre foi de ne pas se donner ce temps de miséricorde avec Dieu. Que notre ponctualité nous permette à jamais de vivre ce moment de tendresse divine exprimée dans le Kyrie. Quant à nous, il ne nous reste qu'à aller nous plonger dans la piscine de Siloé pour nous désaveugler et entrer ainsi dans la Lumière promise. Amen