2e dimanche de Carême, année A

Auteur: Materne Pierre-Yves
Temps liturgique: Temps du Carême
Année liturgique : A
Année: 2004-2005

Aujourd'hui, la liturgie nous invite à tourner notre regard vers le visage du Christ, à la manière des disciples Pierre, Jacques et Jean. Les trois disciples vivent en compagnie de Jésus, ils l'accompagnent sur la route, à travers les villes et villages où Jésus répand la Bonne Nouvelle. Autrement dit, ils connaissent son visage d'homme, son sourire, le son de sa voix ou encore la couleur de ses yeux.

Jésus marche vers Jérusalem, lieu de sa mise à mort et de sa résurrection. En chemin, il fait une halte sur la montagne. Il invite ses trois amis à venir un peu à l'écart pour se reposer et prier. C'est à se moment que quelque chose d'inattendu se passe. Jésus est transfiguré sous les yeux des disciples. Le texte évangélique nous dit que son visage devient « brillant comme le soleil » et ses vêtements « blancs comme la lumière ». Pierre, Jacques et Jean n'en croient pas leurs yeux. Ils découvrent un autre visage de leur Christ. C'est toujours le même Jésus mais quelque chose de nouveau se donne à voir. Une lumière intérieure rayonne sur le visage du Christ. D'où vient-elle ? On l'apprend de la voix mystérieuse qui dit : « Celui-ci est mon fils bien-aimé, en qui j'ai mis tout mon amour ; écoutez-le ». La lumière vient du Père avec lequel Jésus a une relation unique. La proximité entre Jésus et son Père se manifeste comme un rayonnement de clarté, comme le soleil qui brille sur la terre. L'éblouissement du regard bouleverse les disciples. Ils tombent sur le sol, saisis de peur. En faisant cette expérience exceptionnelle, il y a de quoi être paniqué. Qui est vraiment ce Jésus ? Tout le monde peut voir que c'est un homme, mais ici il faut bien admettre qu'il porte en lui un don unique. Que s'est-il donc passé sur la montagne ? Nous sommes bien obligés de reconnaître que cela nous dépasse.

Une manière de comprendre la scène de la Transfiguration est de dire que le regard des disciples s'est ouvert à une réalité qu'ils ne percevaient pas encore jusque-là. Ils étaient familiers du visage de Jésus en tant qu'homme. Mais ils n'avaient pas encore perçu la vie divine en Jésus. Comme bien souvent, nous aussi, nos yeux sont habitués à voir les choses de la vie, tellement habitués que nous perdons la capacité de nous émerveiller devant la beauté des choses, des petites choses surtout. Le carême peut-être un temps privilégié pour évangéliser notre regard, et retrouver ainsi notre capacité d'émerveillement. Si nous prenons de la distance par rapport aux images qui nous arrivent quotidiennement, en particulier via la télévision, nous pouvons décider de voir les choses autrement. Dans le monde, nous pourrions être plus attentifs aux signes d'espérance et de renouveau qu'aux images catastrophiques qui nous alourdissent le c½ur. Ce n'est pas de l'indifférence. Au contraire, c'est retrouver la différence. Tout n'est pas négatif et des signes d'un monde différent existent. Même autour de nous, nous sommes invités à renouveler notre regard sur les autres.

N'ai-je pas trop oublié que mon frère, ma s½ur, mon voisin, mon compagnon, porte en lui des richesses à découvrir ? Ne suis-je pas trop sûr de moi quand je crois connaître les gens ? Est-ce qu'il n'y a pas de facettes de l'autre que j'ignore à force de voir l'autre toujours sous le même angle ? Voilà autant de questions qui se posent à nous. Les apôtres eux-mêmes se sont posés de telles questions. Ils pensaient connaître Jésus, son visage, son projet de vie. Et pourtant, ils vont de découverte en découverte. Aujourd'hui, ils sont émerveillés de la lumière divine présente en Jésus. Demain, ils assisteront à la crucifixion de leur ami. Ensuite, ils verront le Ressuscité de leurs yeux chagrinés et stupéfaits.

Nous sommes en marche vers Pâques. Notre bonheur vient de ce que nous sommes proches du Seigneur. En évangélisant notre regard, en le modifiant, nous découvrirons Dieu à l'½uvre dans notre vie de chaque jour. En ouvrant nos yeux, nous verrons la lumière qui brille sur le visage de l'autre. Le visage d'une personne peut dire quelque chose de sa vie intérieure, en être comme le reflet. Une personne qui souffre aura souvent les traits tirés. Une personne qui n'espère plus rien dans la vie aura un air hagard. Quelqu'un qui est heureux de vivre sera souriant et aura un regard vif. J'ai souvent été frappé par le visage de certaines personnes, notamment de celles qui aiment et vont jusqu'à tout donner. Ces personnes sont pour nous des icônes de la bonté divine, mystérieuse et proche. Dieu est discret mais il n'est pas loin de nous.

Comme Jésus qui encourage ses disciples, Dieu nous dit à chacun et chacune d'entre nous : « Relèves-toi et n'aies pas peur ». On ne peut jamais s'arrêter trop longtemps en chemin. Chacun doit continuer sa route, à son rythme. En effet, la foi n'est pas une halte mais un chemin parsemé de découvertes. A la suite de Abraham, modèle des croyants, nous marchons vers l'inconnu dans la confiance. Si nous laissons nos yeux sans vigilance, nous risquons de passer à côté des signes d'espérance que Dieu nous donne. Pour retrouver la force de voir les choses sous la lumière de Dieu, il est parfois nécessaire de faire un peu silence. Il faut aussi de la patience et du courage devant les difficultés. Mais nous croyons qu'en Jésus, comme dit Paul, Dieu « s'est manifesté en détruisant la mort et en faisant resplendir la vie ». Alors, bonne marche vers Pâques !

2e dimanche de Carême, année A

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps du Carême
Année liturgique : A
Année: 2004-2005

 

Le Repas de l'Agneau Immolé

Ce 24 avril prochain, en Israël comme partout dans le monde, les familles juives vont, une fois encore, célébrer la Pâque. Car, comme le dit un vieil adage, "tout Juif, dans toutes les générations, doit se considérer comme sorti d'Egypte". C'est en effet en cette nuit de printemps que Dieu a réussi à faire sortir son peuple de la captivité.

A L'ORIGINE UNE FETE DE BERGERS

L'origine de cette fête se perd dans la nuit des temps. Les bergers du Proche-Orient avaient coutume, à la fin de l' hivernage, d'organiser une nuit de fête avant de repartir avec leurs troupeaux à la recherche des pâturages. On immolait un tout jeune agneau, mâle, sans défaut et on tâchait de son sang les piquets des tentes dans l'intention d'écarter ainsi l'influence des mauvais esprits. Puis on rôtissait l'agneau à la broche et on le consommait avec des pains sans levain, avant de se faire les adieux et de se disperser.

ENSUITE UNE FÊTE DE LIBÉRATION DES ESCLAVES

Or, une certaine année, comme nous l'avons vu dimanche dernier, Moïse prévint ses frères hébreux : "Le Pouvoir s'obstine à nous exploiter comme des esclaves mais Dieu a entendu vos cris : vous allez préparez la Pâque. Faites vos paquets, habillez-vous pour la route et nous fuirons. N'ayez crainte, YHWH est avec nous et Il nous gardera"

On immola l'agneau, on le mangea et, sans lutte, sans combat, la troupe des Hébreux parvint enfin à s'arracher du pays d'exil et de servitude.

Cet événement est considéré dans la Bible comme l'acte fondateur d'Israël. YHWH est intervenu en faveur des pauvres, c'est par son initiative qu'ils sont "passés" de la servitude à la liberté. Aussi est-il indispensable de garder la mémoire de ce jour : donc chaque année, à cette date, nous célébrerons le repas de la Pâque (=passage).

C'est un devoir essentiel qui incombe au père de famille d'entraîner ses enfants dans la célébration du repas pascal et de leur en expliquer tous les rites. La transmission est un enjeu capital car le souvenir de la libération d'Egypte est le gage de toutes les libérations futures, la certitude de n'être jamais abandonnés par Dieu.

JESUS S'OFFRE COMME LE NOUVEL AGNEAU PASCAL

A Nazareth, Joseph et Marie, fidèles à la tradition, ont toujours célébré la pâque et en ont expliqué le sens à leur fils l Plus tard, Jésus n'a jamais manqué de la manger en compagnie de ses disciples. C'est pour fêter Pâque qu'il est monté avec eux à Jérusalem au milieu de la foule immense des pèlerins.

Mais, en cette année 30, sachant qu'il célébrait sa dernière pâque - car ses ennemis avaient décidé sa perte-, à table il eut ces paroles extraordinaires qui transfiguraient tout à fait le sens de ce repas :

Il prit le pain, dit la bénédiction, le rompit et le leur donna en disant :

" PRENEZ ET MANGEZ ; CECI EST MON CORPS LIVRÉ POUR VOUS "

Puis il prit la coupe de vin : "PRENEZ ET BUVEZ : CECI EST LA COUPE DE LA NOUVELLE ALLIANCE EN MON SANG VERSÉ POUR VOUS ET LA MULTITUDE".

Comment ses apôtres ont-ils vécu ce repas ? Que comprirent-ils de ces phrases ahurissantes ? Rien. Une heure plus tard, dans le jardin de Gethsémani, lorsque les soldats surgirent pour arrêter leur Maître, ils s'enfuirent dans la nuit.

Mais peu de temps après, alors qu'ils restaient écrasés par l'événement tragique de la croix comme par l'expérience brûlante de leur lâcheté, Jésus revint vers eux. Sans colère, sans reproche.

IL ETAIT VIVANT !

Leurs c½urs s'ouvrirent et le souvenir de la dernière cène éclaira le sens des événements : Jésus s'était substitué à l'agneau pascal !

Alors qu'ils l'avaient suivi dans l'attente fébrile de la révolution et de la victoire sur l'ennemi, ils comprirent que Jésus, victime innocente que

ses bourreaux avaient exécutée en croix, s'était en fait volontairement immolé par amour pour ses amis.

Dieu nous aimait donc à ce point ? Là était donc la véritable libération : être retiré hors de la prison du péché, de l'ambition, du désespoir et recevoir gratuitement le pardon. Ne pas faire couler le sang des ennemis mais avoir foi en l'Amour de Dieu à jamais affirmé dans la Croix et le sang répandu de Jésus l'Agneau de Dieu.

L'EGLISE CÉLÈBRE LE DON DE L'AGNEAU

Stupéfiante nouvelle ! Bouleversante bonne nouvelle !

Eclairés par le don de l'Esprit, les apôtres comprirent qu'il fallait actualiser la libération, en faire profiter l'humanité entière. Il fallait désormais refaire ce rite - non plus chaque année mais toutes les semaines, le lendemain du sabbat (samedi) donc le dimanche puisque c'était le jour où Jésus était ressuscité. Toute peur vaincue, ils s'encoururent partout afin d'annoncer la Bonne Nouvelle et créer des communautés.

L'Eucharistie commençait à faire l'Eglise !

" Le Christ, notre Pâque, a été immolé :

célébrons donc la fête dans la pureté et la vérité"

écrit S.Paul aux nouveaux chrétiens de Corinthe, dès l'année 55 (25 ans à peine après la crucifixion)

Drame de notre Eglise d'Occident : la transmission du Repas du Seigneur ne s'effectue plus. Pourquoi ? Le mode de vie basé sur l'argent est-il en train de dissoudre la foi ? Sommes-nous vraiment un peuple qui est réuni par le sang de l'Agneau et qui part "en exode" ? Car il ne suffira jamais d'être un brave homme, un jeune dévoué pour être fidèle au baptême et se dire chrétien. Les païens sont tout autant respectables, gentils, généreux, philanthropes...

Les premiers chrétiens ne s'affirmaient libres qu'en participant à l'assemblée et en célébrant le sacrifice de Jésus.

 

2e dimanche de l'Avent, année A

Auteur: Dianda Jean-Baptiste
Temps liturgique: Avent
Année liturgique : A
Année: 2004-2005

 

Mt 3, 1-12

Dans les textes liturgiques de ce jour, deux figures de prophète se dégagent et avec elles deux univers différents :un univers quelque peu terrifiant et l'autre paradisiaque.

Si Isaïe nous plonge dans un monde de bonheur et de paix, un monde où le loup et l'agneau font bon ménage, (le monde) où le bébé joue sur le nid de la vipère...,(voilà un univers loin de l'amère réalité de notre monde d'aujourd'hui) !Il pressent un autre monde, un monde nouveau, un monde à construire.

Au contraire, Jean baptiste, dans l'évangile de ce jour, nous décrit un monde terrifiant et semble « nous inviter à fuir la colère qui vient ». Il nous ramène en plein dans la dure réalité de la vie.

Mais les deux prophètes nous invitent à nous tourner vers l'avenir d'espérance car le Seigneur vient, Il est proche ! Si le temps de l'Avent est le temps d'attente, nous devons nous interroger en vérité : « qu'attendons-nous ? »

Nous sommes portés à espérer « le prince de la paix, ce rameau de justice dont parle le prophète Isaïe, ce messie qui apportera enfin « la paix et le bonheur à tous les hommes ». « Noël est bien la fête du bonheur, ces heureux moments de retrouvailles familiales que l'on souhaite voir se propager jusqu'aux extrémités de la terre ».

Pourtant l'évangile de ce jour reste une vigoureuse interpellation, un vif plaidoyer pour la conversion ! Nous ne pouvons l'éliminer :il nous redit cette autre face du jugement qui nécessite des décisions courageuses et des choix décisifs car le Seigneur est proche. Si nous souhaitons que nos rêves d'un monde meilleur où règneraient l'harmonie, la paix et la justice, deviennent réalité aujourd'hui et maintenant dans notre société, « il faut nous convertir et produire du fruit », nous dit l'évangile. Il y a urgence, le Seigneur vient ! Il faut donc un effort permanent pour changer de cape ou le retrouver ! Quoi faire concrètement ?

« Une voix crie !elle nous dit la parole de Dieu ».Elle nous rappelle que Dieu s'est mis en route pour nous rendre visite car il a confiance en chacun de nous !Pour habiter parmi nous et cheminer avec nous. Oui le Seigneur est proche : « préparez donc le chemin du Seigneur ».

« Dans nos vies, n'y a-t-il pas des chemins que nous ne distinguons plus ? »

« Le chemin de la prière qu'on a laissé s'ensabler ? »(...)

« Le chemin du renoncement dont nous avons perdu les repères ».

Le chemin de l'attention aux autres, aux plus démunis, qui souvent ne nous intéresse plus .

Le chemin de l'engagement pour la justice et la paix !

Vivre l'Avent, ce n'est pas attendre les bras croisés, que descende du ciel un monde merveilleux, un monde nouveau. C'est au contraire se souvenir que le Royaume de Dieu est déjà là et qu'il a besoin de moi pour grandir.

Chemin des solidarités diverses avec les blessées et oubliés de l'histoire...

-Bref le chemin de la réconciliation .

Le chantier est considérable : préparer le chemin du Seigneur , aplanir sa route, mais aussi produire du fruit et du bon grain. Ce temps de l'Avent ne doit donc pas nous faire oublier l'urgence de la mission au quotidien, là où nous sommes. Car le chemin du Seigneur passe partout où vivent des enfants, des femmes ,des hommes, partout où sa parole ne peut encore être suffisamment entendue, partout où persistent des comportements opposés à son amour. Jésus a besoin de trouver un chemin par lequel il puisse entrer dans nos vies. L'Avent nous invite à déblayer les chemins que Jésus doit emprunter si nous souhaitons qu'il renaisse en nos vies. « Comment allons-nous y prendre ? Dans une de ses prières, st Paul dit « je demande que votre amour vous fasse progresser de plus en plus dans la connaissance vraie et la parfaite clairvoyance qui vous ferons discerner ce qui est plus important ».

o Discerner ce qui est plus important ! Ne serait-ce pas aplanir les routes défoncées ?

o Réfléchir pour discerner l'essentiel de l'accessoire !

o Partager, réfléchir en famille, en équipe au sens de notre vie, à nos priorités, à notre échelle de valeurs, aux choix que nous pourrons faire pour éviter de nous embourber dans des comportements mesquins et même néfastes.

o Et la prière ! Ma prière. La prière en communauté... ! Cette prière qui va m'aider à reconnaître le Seigneur à l'½uvre dans le c½ur de l'homme. Qui va m'éclaircir les yeux pour que je pose d'avantage sur les autres et sur les événements le regard de Dieu lui-même. Elle me permet de croire en l'autre, de croire au meilleur de moi-même, et surtout de me rebrancher sans cesse sur Dieu.

« Préparez le chemin au Seigneur, rendez droits ses sentiers » : Laissons-nous interpeller par Jean Baptiste comme les foules au bord du Jourdain. Sa voix entendue il y a 2000 ans par ceux et celles qui cherchaient un sens à leur vie, retentit encore aujourd'hui à nos oreilles. Laissons-nous provoquer par ses paroles ! Car c'est à partir de chacun de nous que commence le monde nouveau.

2e dimanche de l'Avent, année A

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Avent
Année liturgique : A
Année: 2004-2005

çUn rameau sortira de la souche de Jessé, père de David.

Sur lui reposera l'Esprit du Seigneur.

...Et le loup habitera avec l'agneauà

( Prophète Isaïe 11 - 1ère lecture)

Vers l'année 28 de notre ère, au temps où Jésus exerçait encore son métier de charpentier à Nazareth, une sorte d'effervescence éclata dans le pays d'Israël occupé par les armées romaines depuis plus de 90 ans. Alors qu'il n'y avait plus eu de prophètes depuis 3 siècles, tout à coup, dans la vallée du Jourdain, des prédicateurs apparurent qui prédisaient un bouleversement imminent et appelaient le peuple à s'y préparer en se laissant purifier dans les eaux du fleuve. Est-ce que Dieu, enfin, allait intervenir pour libérer son peuple ?...

L'un de ces prophètes est resté célèbre car c'est avec lui que les évangélistes commencent leurs récits : il s'appelait IOHANAN - en français JEAN.

En ces jours-là paraît Jean le Baptiste qui proclame dans le désert de Judée :

-  Convertissez-vous ! car le Royaume des cieux est tout proche...

Jean est celui que désignait la parole transmise par le prophète Isaïe : "A travers le désert, une voix crie : Préparez le chemin du Seigneur, aplanissez sa route "

Jean portait un vêtement de poils de chameau et une ceinture de cuir autour des reins ; il se nourrissait de sauterelles et de miel sauvage. Alors Jérusalem, la Judée et la région du Jourdain venaient à lui et ils se faisaient baptiser par lui dans le Jourdain en reconnaissant leurs péchés.

Vêtu à la manière du prophète Elie (dont Malachie avait jadis annoncé le retour pour la fin des temps), ce Jean, ascétique et mystérieux, appelle au changement de vie car Dieu va instaurer son règne. En réponse, les gens avouent leurs fautes et acceptent de plonger dans l'eau afin de recevoir le baptême du prophète. Geste révolutionnaire car c'est au temple que l'on obtenait la rémission !!?

Jean, clairvoyant, dénonce un double péril qui menace toute démarche dite "religieuse" : se croire en règle dès que l'on a accompli un rite en bonne et due forme ou se revendiquer d'une ascendance, d'une famille ou d'un peuple. Avec violence, il dénonce cette hypocrisie :

Voyant des Pharisiens et des Sadducéens venir en grand nombre à ce baptême, il leur dit :

-  Engeance de vipères ! Qui vous a appris à fuir la Colère qui vient ? Produisez un fruit qui exprime votre conversion et n'allez pas dire en vous-mêmes : " Nous avons Abraham pour père". Car je vous le dis : avec des pierres, Dieu peut faire surgir des enfants à Abraham

LA MYSTÉRIEUSE ANNONCE D' UN AUTRE

Mais voilà que Jean semble lui-même prendre conscience que ses exhortations virulentes et ses baptêmes ne sont pas efficaces. Le changement de vie, urgent et nécessaire, ne peut s'accomplir suite à des admonestations, grâce à des rites ou à coup de bonne volonté. Jean admet que sa mission n'a qu'une valeur préparatoire et il lance une nouvelle annonce tout à fait originale :

Moi, je vous baptise dans l'eau pour vous amener à la conversion. Mais celui qui vient derrière moi est plus fort que moi, et je ne suis pas digne de lui retirer ses sandales.

Lui vous baptisera dans l'Esprit-Saint et dans le feu...

Et ; en effet, Jésus va descendre de Galilée, se fera baptiser par Jean dans l'eau puis circulera en annonçant que la prophétie de Jean se réalise : Oui, Dieu vient régner ! Ses attitudes radicales et ses dénonciations du légalisme et du culte mensonger lui attireront l'hostilité des autorités qui l'arrêteront, le condamneront et le feront mettre à mort.

Mais c'est alors qu' éclatera la Bonne Nouvelle de l'arrivée du Règne !

Ses disciples -qui l'avaient lâchement abandonné et venaient de faire l'expérience la plus humiliante de leur faiblesse et de leur péché- commencent à proclamer l'Évangile :

Jésus, sur la croix, a donné sa vie afin de nous offrir le pardon.

Agneau de Dieu immolé pour les péchés du monde, à présent il est Seigneur ressuscité. Ceux qui croiront en Lui, il les "plongera dans l'Esprit de Dieu", il les rassemblera en un peuple animé du " Feu " de l'Amour divin. La libération est donnée - tout autre que celle dont on rêvait.

L' EUCHARISTIE

Et c'est pourquoi, depuis ce temps des origines, les chrétiens se rassemblent chaque premier jour de la semaine (dimanche) afin de célébrer la mémoire de leur Seigneur qui se partage à eux afin de pardonner leur péchés et de les combler de sa Vie.

Nous, les pratiquants, nous ne prétendons pas que nous sommes impeccables, nous ne venons pas recevoir l'Eucharistie comme une récompense. Avec humilité et confiance, nous reconnaissons que nous sommes pécheurs et que totale est notre impuissance à sauver nous-mêmes notre vie. Nous ne sommes plus disciples de Jean-Baptiste, ni d'un gourou qui nous dévoile les chemins de la sagesse. Notre liberté, nous la recevons de Celui auquel nous avons donné notre confiance : elle est pure grâce.

C'est bien pourquoi nous appelons notre assemblée : EUCHARISTIE - mot qui signifie "action de grâce", remerciement, gratitude, louange à Dieu notre Père qui, par son Fils, nous libère de l'esclavage du péché.

Se détourner de l'assemblée chrétienne, c'est retomber dans le moralisme, dans l'illusion de se croire capable par soi-même de sa propre libération, c'est dénier toute valeur à la Croix du Christ.

Cependant nous n'oublions pas la prédication de Jean-Baptiste, qui reste toujours valable : La conversion est urgente et nécessaire ; une cérémonie - fût-ce la messe- n'a pas d'effet magique ; nous ne pouvons nous dissimuler derrière une généalogie, un baptême d'eau, une appartenance à telle ou telle famille.

L'Eucharistie, mémoire de la croix de Jésus, nous donne les uns aux autres afin d'apparaître comme Son Corps vivant : l'Église pardonnée et heureuse

2e dimanche de Pâques, année A

Auteur: Rudinskas Paulius
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : A
Année: 2004-2005

On nous a dit que Jésus est ressuscité. Le tombeau est vide. Il est apparu à Marie Magdalena et à ses disciples ! Il est vivant ! On ne peut que se réjouir avec les disciples de sa résurrection. Mais... qu'est-ce que cela change pour celui qui vit dans les rues de Bruxelles ou celui qui cherche la nourriture dans les poubelles de Vilnius ? Qu'est-ce que ça change pour celui, par exemple, qui appartient à la classe la plus pauvre à St- Pétersbourg et n'a pas assez d'argent pour acheter un cercueil afin d'enterrer convenablement sa mère ?

 

Comment prêcher la joie de la résurrection à ces gens là ? Comment leur dire 'le Christ est vivant,' si pour eux la vie n'est rien d'autre qu'une misère insupportable et la source de leur honte ? A vrai dire, je ne sais pas.

Mais je suis persuadé que aider les pauvres et les opprimés à vivre est notre devoir pascal. Je dis 'pascal,' parce que ce devoir trouve à mon avis, son origine dans la mort et la résurrection du Christ. Le Christ s'est donné complètement à nous et pour nous. Sa vie était une renonciation totale et, en même temps, une donation. Et c'est pour cela que son Père l'a ressuscité, parce que il s'est donné complètement.

Moi, comme disciple de Jésus, je ne peux plus rechercher simplement mon intérêt à moi, mais je dois aussi chercher « les intérêts d'autrui », car le Christ, comme dit Paul dans sa lettre aux Romains « n'a pas cherché ce qui lui plaisait » non plus. Bref, la charité n'est une vertu chrétienne que si elle puise son origine, sa force dans la mort et la résurrection du Christ, c'est-à-dire dans son amour allant jusqu'à l'extrême.

Mais si on ne fait rien pour ces gens là, pour les pauvres et les opprimés, à quoi bon cette résurrection si elle ne nous inspire pas à agir ? A quoi bon annoncer que Jésus est VIVANT si les pauvres et les opprimés ne retrouvent pas eux-mêmes LA JOIE DE VIVRE ? Cela ne sert à rien. Mais si, grâce à nous, ils retrouvent le goût de la vie, le bonheur de la vie, le désir et la joie de vivre, nous n'aurons plus besoin de prêcher la résurrection, puisqu'ils auront eux-mêmes réellement expérimenté cette résurrection d'une manière ou d'une autre dans leurs vies.

Aussi, je vous invite maintenant à réfléchir un peu sur la manière dont chacun de nous peut être un vrai témoin de la résurrection dans la pratique de sa vie.

Charité - Notre Devoir Pascal

2e dimanche de Pâques, année A

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : A
Année: 2004-2005

Jn 20, 19-31

Avez-vous fait un bon carême ? Vous êtes-vous privé de friandises, d'alcools, de distractions ? Avez-vous fait 40 jours de pénitence comme l'Eglise le recommande ?...

- Euh, non...Enfin...pas beaucoup...

Eh bien !, rassurez-vous : sachez que Saint Pierre, Saint .Jean et les autres, comme tous les premiers siècles chrétiens, n'ont jamais "fait carême". Ils se limitaient à un ou deux jours de jeûne total les vendredi et samedi saints (mémoire de la Crucifixion). C'est bien plus tard que des moines ont imposé le temps quadragésimal, 40 jours de privations.

Ce qui intéressait les premiers frères, ce qu'ils fêtaient - avec une joie dont nous n'avons plus idée -, ce n'était pas le temps avant la Croix, mais le temps après la Résurrection, les 7 semaines qui allaient du jour de Pâques au jour de Pentecôte quand l'Esprit fut donné.

Cette cinquantaine sainte (7 semaines plus 1 jour) s'appelait le temps de Pâques ou le temps de Pentecôte ou le Grand Dimanche. Il y était interdit de jeûner, de s'attrister et même de s'agenouiller pour prier. Avec son Seigneur, l'Eglise était debout, ruisselante d'allégresse, unie dans la prière à l'Esprit.

LA DOUBLE EXPERIENCE DES APÔTRES

En effet, les apôtres venaient de faire une expérience terrible : ainsi donc on pouvait vivre avec Jésus pendant plus de 2 ans, écouter ses enseignements, admirer ses miracles, partager ses privations, l'assurer qu'on l'aimait jusqu'à donner sa vie pour lui...et, à l'approche du danger, on s'enfuyait dans la nuit, on abandonnait le Maître à ses ennemis ! Jamais les apôtres n'avaient commis pareil crime ! Jamais ils ne s'étaient cru capables d'un telle trahison !

Mais immédiatement après, ces mêmes apôtres avaient vécu une expérience extraordinaire. Le Seigneur, qui était allé seul au supplice et à la mort, était revenu vers eux. Au lieu de maudire ses anciens amis renégats et de les châtier pour leur immonde péché, il leur avait montré ses plaies en leur offrant sa Paix.

Oui c'était pour eux qu'il avait accepté la croix ; il était l'Agneau qui avait versé son sang afin de pardonner leur crime et ainsi les libérer de la prison du remords et de la culpabilité. S. Jean raconte la scène des retrouvailles :

Le soir du premier jour de la semaine (jour où Jésus est ressuscité - qui deviendra le dimanche), les disciples avaient verrouillé les portes du lieu où ils étaient, tellement ils avaient peur. Jésus vint, il était là au milieu d'eux et il leur dit : " La Paix soit avec vous" et, ce disant, il leur montra ses mains et son côté... Ils furent remplis de joie en voyant le Seigneur

LA MISSION POUR OFFRIR LE PARDON

Mais du coup, enfin convertis, enfin convaincus que le passage de Jésus de la mort à la Vie les faisait d'emblée passer de la mort du péché à la Vie du pardon, ils pouvaient - ils devaient - partir en mission pour partager ce don.

Jésus leur dit à nouveau : " La Paix soit avec vous". De même que le Père m'a envoyé, moi aussi je vous envoie." Il souffla sur eux : " Recevez l'Esprit-Saint. Tout homme à qui vous remettrez les péchés, ils lui seront remis...

Il est urgent que, sans mépris, certes, pour le carême, l'Eglise retrouve la pratique des premières générations.

Le grand temps de fête de l'année, c'est bien ce temps pascal qui, de Pâques, nous conduit à la Pentecôte. C'était d'ailleurs l'unique fête de l'Eglise des premiers siècles - qui ne connaissait ni Noël, ni Carême, ni Assomption, ni Toussaint...

50 jours pour comprendre que l'on ne bâtit pas sa vie sur ses propres ressources car le Royaume ne sera jamais le résultat de nos efforts.

50 jours pour être submergé par la joie de la miséricorde.

50 jours pour réaliser vraiment que Jésus est vivant, qu'il se tient au milieu des siens lorsque, le dimanche, il les réunit, leur parle et leur partage son Pain et son Vin.

50 jours pour revaloriser le moment de l'Eucharistie, réunion obligatoire des chrétiens, jour mémorial de la résurrection. Car S. Jean, avec l'exemple de S. Thomas, nous certifie que la rencontre de Jésus se réalise au cours de l'assemblée dominicale (rite qui était donc déjà installé à la fin du 1er siècle) :

Huit jours plus tard, les disciples étaient à nouveau dans la maison et Thomas était avec eux. Jésus vient : " Paix à vous". Il dit à Thomas : " Avance ton doigt, vois mes mains...Cesse d'être incrédule : sois croyant. Et Thomas de dire : " Mon Seigneur et mon Dieu

50 jours pour demander à recevoir l'Esprit. Car on ne le possède jamais et on doit sans cesse le quémander.

50 jours pour reprendre conscience que nous avons, tous, une mission essentielle à accomplir dans le monde : non pas d'abord faire le bien (les incroyants le font aussi) mais transmettre le pardon des péchés à ceux qui consentent à les reconnaître, partager avec eux la certitude d'être toujours à nouveau acceptés par un Dieu de tendresse et d'infinie patience.

50 jours de joie pour chanter sans arrêt le grand cantique de l'Eglise sauvée :

Alleluia ... Alleluia ... Alleluia...


2e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2004-2005

Jn 1, 29-34

Si les évangiles commencent en confrontant les deux personnages de Jean-Baptiste et de Jésus, c'est afin de nous inculquer un point essentiel. Survenant dans la longue lignée des Prophètes, Jésus ne s'y enferme pas : il est bien davantage qu'un porte-parole, qu'un messager de Dieu : il est SA PAROLE, SON FILS.

C'est pourquoi, après le récit de son baptême (dimanche passé), nous écoutons aujourd'hui le témoignage capital du Précurseur dans l'évangile de Jean :

"Comme Jean-Baptiste voyait Jésus venir vers lui, il dit :

Voici l'agneau de Dieu qui enlève le péché du monde... C'est de lui que j'ai dit : " Derrière moi vient un homme qui a sa place devant moi car avant moi, il était" . Je ne le connaissais pas, mais si je suis venu baptiser dans l'eau, c'est pour qu'il soit manifesté au peuple d'Israël.

Alors Jean rendit ce témoignage :

J'ai vu l'Esprit descendre du ciel comme une colombe et demeurer sur lui. Je ne le connaissais pas mais Celui qui m'a envoyé baptiser dans l'eau m'a dit : "L'homme sur qui tu verras l'Esprit descendre et demeurer, c'est celui-là qui baptise dans l'Esprit-Saint".

Oui j'ai vu et je rends ce témoignage : c'est lui le Fils de Dieu".

( Jean 1, 29-34 )

Jean a beaucoup prêché, il a admonesté les gens, les a exhortés à avouer leurs péchés et à se laver dans les eaux du Jourdain. Mais il en a fait très vite l'expérience : nulle prédication, nulle ablution ne peuvent changer l'être humain ! La puissance du péché est telle qu'elle ne peut être enlevée par ces moyens dérisoires. Jean reconnaît son échec de prophète mais il a reçu une révélation : Jésus, lui, et le seul, pourra accomplir l'impossible : parce qu'il a reçu l'Esprit et qu'il en est comblé. Il est l'AGNEAU DE DIEU QUI ENLEVE LE PECHE DU MONDE. Qu'est-ce à dire ? D'où vient cette expression ?

VOICI L'AGNEAU DES BERGERS

Il y a bien longtemps, -peut-être déjà 15 siècles avant le Christ - les bergers du Proche-Orient célébraient une certaine fête. Pendant les deux mois d'hiver, les troupeaux étaient enfermés à l'abri des pluies et des températures plus basses. La nuit de la première lune de printemps, marquant l'entrée dans une nouvelle année, les bergers se réunissaient. On immolait un agneau nouveau-né et, de son sang, on marquait les linteaux des portes en vue de chasser les mauvais esprits ; ensuite, sur la broche, et sans en avoir brisé les os, on rôtissait l'agneau et on le consommait avec des pains sans levain. Après ce repas, les bergers se saluaient et, chacun emmenant son troupeau, ils se dispersaient à la recherche des nouveaux pâturages et des sources à nouveau alimentées. On se retrouverait à la fin de l'été. Cette fête de l'agneau s'appelait PESSAH - en français : passage, pâque.

VOICI L'AGNEAU DES ESCLAVES

Or, précisément, une certaine année, lors de cette fête de PESSAH, Moïse parvint à faire sortir d'Egypte ses frères hébreux qui y étaient esclaves depuis des siècles. Là, on le sait, se situe l'événement fondateur d'Israël. Ce peuple confesse qu'il est né parce que, en cette nuit de PESSAH, Dieu est intervenu afin de le libérer sans qu'il soit nécessaire de combattre. PESSAH est la célébration de la libération : elle proclame pour toujours que Dieu prend le parti des pauvres contre les tyrans totalitaires.

Il était donc impérieux qu'Israël n'oublie jamais cette nuit : c'est pourquoi les fils d'Israël prirent l'habitude de célébrer chaque année cette fête, d'immoler et de partager un agneau dont le sang avait permis l'"exode", la sortie de prison des ancêtres et, du coup, cette mémoire était en même temps promesse que YHWH, en Son Jour, procurerait la délivrance définitive de son peuple.

VOICI L'AGNEAU QUI ENLÈVE LE PÉCHÉ : JÉSUS

A la suite de Jean-Baptiste, Jésus a d'abord beaucoup prêché et appelé les foules à la conversion. En bon Juif, chaque année, il a célébré la Pâque de son peuple. Mais sa mission suscita une hostilité grandissante de la part des Autorités. C'est alors qu'il monta à Jérusalem pour y célébrer la Pâque - conscient que l'étau allait se refermer sur lui.

Et cette nuit-là, tout à coup, à la grande stupéfaction de ses disciples attablés, il "transfigura" le rite : il prit le pain, le bénit, le rompit et le leur donna en disant : "Prenez et mangez : ceci est mon corps" et il fit de même avec la coupe de vin : " Ceci est mon sang, le sang de l'Alliance...".

Jésus se substitue à l'agneau pascal (dont la présence certaine sur la table n'est même pas mentionnée par les évangélistes) : il interprète son exécution - qui, il le sait, va avoir lieu dans quelques heures - comme un don de lui-même. Aucun sacrifice d'animal ne peut sauver l'humanité : seul le sang de Jésus, Fils de Dieu, - donc porteur d'amour infini - est capable de nous libérer de l'esclavage du péché et de nous combler de la Vie de l'Esprit, cet Esprit dont Jésus est plein.

A la fin de son évangile, rapportant la mort de Jésus en croix au Golgotha, Jean racontera un curieux incident : le soldat, de sa lance, perce le côté de Jésus, il en sort de l'eau et du sang et le témoin, d'un ton solennel, écrit :

"En effet tout cela est arrivé pour que s'accomplisse l'Ecriture :

Pas un de ses os ne sera brisé

Et il y a aussi un autre passage de l'Ecriture :

Ils regarderont Celui qu'ils ont transpercé"

Effectivement le rite de l'ancienne pâque stipulait qu'il ne fallait pas briser les os de l'agneau (Exode 12, 46) ; et un prophète avait prédit qu'un jour on "transpercerait" le Berger suscité par Dieu ( Zach 12, 10).

VOICI L'AGNEAU DANS L'EUCHARISTIE

Extraordinaire évolution du rite pascal ! Ce qui fut d'abord une fête pastorale, un rite de passage qui visait la protection et la fécondité des troupeaux, était devenu, en Israël, la grande célébration de la libération du peuple de pauvres. Et voici, qu'avec Jésus, le rite a pris sa forme définitive et des proportions inédites : Jésus est l'Agneau pascal qui s'offre, qui donne sa vie afin que ses disciples (enfermés dans la nuit du péché, esclaves de leur faiblesse et de leur trahison) soient libérés et entrent dans le Royaume de Lumière, guidés désormais par l'Agneau devenu leur Berger.

Désormais faites attention quand le prêtre tend l'Hostie et répète la phrase de Jean-Baptiste : regardez et croyez...mangez et buvez...

Vous êtes libres,

membres du peuple de Dieu

en route vers les pâturages éternels.

30e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2004-2005

Depuis toujours j'ai eu un faible pour les gens qui vivent en Nouvelle-Zélande et en Australie. J'apprécie également celles et ceux qui vivent au Japon ou encore en Indonésie. J'oserais même me risquer à dire que je les aime alors que je n'ai jamais mis les pieds dans aucun de ces pays. Vous allez me dire qu'il est évidemment aisé d'aimer ces gens qui vivent tellement éloignés de notre plat pays. Et c'est sans doute vrai. Mais si je suis capable d'aimer de telles personnes qui sont à des milliers de kilomètres de chez moi, il doit en être de même avec Dieu qui semble, lui, aussi habiter si loin de chez nous. Le Ciel n'est quand même pas la porte à côté quoiqu'en disent certains. Toutefois, à la lecture de l'évangile de ce jour, j'ai comme l'impression qu'il y a une erreur de logique dans mon raisonnement.

« Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout c½ur, de toute ton âme et de tout ton esprit. Voilà le grand, le premier commandement ». Aimer Dieu. Facile à dire mais personne ne l'a jamais vu. Personne n'arrive à le décrire correctement. Je n'ai dans ma tête aucune image qui me permette de dire comment il est, où il habite, quelles sont ses activités. Dieu est Dieu et il dépasse tout entendement humain. Heureusement pour nous, le Père a décidé un jour d'envoyer son Fils unique parmi nous. Par Lui, Dieu devient plus palpable, plus proche. Mais c'était quand même il y a deux mille ans et beaucoup d'eau a coulé sous les ponts depuis. Vu l'absence de moyens technologiques à l'époque, il m'est difficile d'en avoir une image précise. Je n'ai aucune preuve irréfutable de sa divinité. Il ne me reste qu'à croire celles et ceux qui l'ont rencontré et ont vécu avec Lui. Une fois encore, il est bon de se rappeler que Jésus refuse de s'enfermer en Lui-même. Il ramène toujours tout à son Père et c'est par Lui que ce Dieu qui nous semblait si éloigné se rapproche de sa propre création. En Christ, nous pouvons apprendre à découvrir et aimer le Père par ce qu'il nous en dit tout au long de l'évangile. Ce Dieu lointain se fait petit à petit le prochain de son humanité. Mais c'est sans doute face à notre incrédulité persistante que Jésus a estimé nécessaire d'ajouter un second commandement au premier. Et il le met au même niveau car il lui est semblable, proclame-t-il : « tu aimeras ton prochain comme toi-même ». Comme l'épisode du bon samaritain nous le rappelle, le prochain n'est jamais une personne éloignée de moi. Le prochain est toujours celle ou celui de qui je choisis de me faire proche.

En d'autres termes, le prochain, c'est moi lorsque je me rapproche de tout être humain. Je ne suis donc pas appelé à aimer la terre entière. Dieu ne nous demande pas l'impossible mais j'ai à découvrir la beauté de l'amour dans les relations de proximité que j'instaure avec celles et ceux qui croisent ma route. Dans la foi, tout prochain, quel qu'il soit, n'est pas seulement humain. Il y a aussi une parcelle de divinité en chaque être. Etre humain, être divin. Telle semble bien être notre condition terrestre. En effet, l'Esprit de Dieu est en chacune et chacun de nous. Il est présent. Il est vivant. Toutes et tous, nous sommes « maison de Dieu » sur terre. C'est dans la relation à l'autre que je peux alors aussi aimer Dieu. Le Père dans l'Esprit est proche de nous. Il est notre prochain par son inhabitation en nous et nous pouvons choisir d'être le sien si nous acceptons d'aimer celles et ceux de qui nous nous faisons proches. C'est aussi simple que cela. Aimer mon prochain me conduit à aimer Dieu. Et cela se vit tous les jours dans les gestes les plus anodins de nos existences, dans une attention renouvelée aux personnes. C'est donc bien par l'autre de l'être humain que je peux commencer un chemin de rencontre avec le Père. De cette manière, je puis entrer en relation directe et personnelle avec la divinité. Il ne s'agit plus d'un mystère éloigné de ma compréhension mais plutôt une occasion d'amour d'amitié entre Lui et moi. Ayant pris conscience que, dans l'Incarnation du Fils et dans le don de l'Esprit, Dieu s'est fait mon prochain, je puis alors en toute liberté répondre à son invitation de le rencontrer pour l'aimer au c½ur même de sa divinité. Amen.

30e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2004-2005

Alors que peu à peu Jérusalem se remplit des foules de pèlerins qui viennent de partout pour célébrer la grande fête de la Pâque, Jésus poursuit son enseignement sur l'esplanade. Toutes les catégories qu'il dérange le harcèlent de questions sur les points fondamentaux de sa foi.

Matthieu rapporte quatre débats : après celui sur le tribut à César et celui sur la résurrection (omis par la liturgie), voici le 3ème.

LE GRAND, LE PREMIER COMMANDEMENT

Apprenant que Jésus a fermé la bouche aux Sadducéens, les Pharisiens se réunissent et l'un d'eux, un docteur de la Loi, pose une question à Jésus pour le mettre à l'épreuve :

Maître, dans la Loi, quel est le grand commandement ?

Les Pharisiens ont mauvaise réputation mais c'était des hommes extrêmement croyants, pieux et généreux. Ils ne croyaient pas à la révolte armée : pour eux, le salut d'Israël viendrait par une vie fidèle à Dieu, par l'observance sans faille des préceptes divins. Mais dans la multitude des pratiques léguées par la tradition, quelle était donc la plus importante : la circoncision ? le sabbat ? les fêtes ? les prières ? ...

Jésus lui répond :

-  Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton c½ur, de toute ton âme et de tout ton esprit.

Voilà le grand, le premier commandement.

Et voici le second qui lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même.

Jésus recentre toute la législation sur l'AMOUR. Il n'invente pas les termes de sa réponse : il joint deux versets qui sont séparés dans les Ecritures, tout en leur laissant un ordre.

TU AIMERAS DIEU : Alors qu'auparavant on disait : "craindre Dieu", c'est la première fois que la Bible ose cette expression. (Deutéronome 6, 6). Ainsi donc le rapport à Dieu n'est pas celui d'un esclave craintif face à une force irrésistible, celui d'un serviteur à un maître, mais il peut être un lien entre personnes, un lien d'amour et d'amitié.

Evidemment cet amour n'est pas un sentiment variant au gré des humeurs, un contrat qui sécurise à bon compte, une pulsion aux rythmes volages. C'est une relation forte, ferme, fidèle, qui s'applique à répondre par toute l'existence à un désir de Dieu qui ne peut être que le bonheur de l'homme.

DE TOUT TON C¼UR : dans la Bible, le c½ur n'est pas le siège des sentiments et des passions mais celui des décisions et des engagements. C'est le centre de la personne, là où elle se construit par ses volontés et ses projets.

DE TOUTE TON ÂME : ce qui signifie de toute ta vie. Celle-ci doit garder son orientation axiale vers son Dieu. A tel point que, s'il le faut, le croyant ira jusqu'à donner sa vie et acceptera le martyre plutôt que de manquer à son Dieu.

DE TOUTE TA PENSEE : Car la foi ne se réduit pas à une impression, elle doit être réfléchie, rationnelle. Aimer Dieu, ce n'est pas se laisser porter par l'hérédité, la foule, l'habitude : c'est chercher à connaître Dieu, s'appliquer à comprendre ce qu'il veut. Précisément afin de mieux l'aimer, afin de répondre à son désir.

UN SECOND EST SEMBLABLE :

 

TU AIMERAS TON PROCHAIN COMME TOI - MÊME

Ici Jésus reprend un verset du Lévitique (19, 18), signe que cet amour était déjà ordonné dans l'Ancien Testament et qu'il devait aller au-delà de la politesse, de la bienséance et de la tolérance. Agis envers l'autre comme tu voudrais que l'on agisse envers toi, dit la règle d'or.

L'amour pour Dieu l'Infini est premier afin que l'amour du proche ne soit pas particulariste, limité au cercle de la famille ou de la nation, et afin qu'il ose s'ouvrir au maximum des exigences sans se contenter d'une vague coexistence pacifique.

Mais le commandement d'amour du prochain s'enchaîne tout de suite au premier et lui est "semblable" sinon l'amour risquerait de se confiner dans l'idéalisme, la piété, les belles pensées.

C'est en aimant les êtres humains, en acte et en vérité, que nous vérifions l'authenticité de notre spiritualité.

La charité envers l'homme est le test de la foi envers Dieu.

TOUT DEPEND DE L'AMOUR

Jésus termine sa réponse en ajoutant :

Tout ce qu'il y a dans l'Ecriture - dans la Loi et les Prophètes -

dépend de ces deux commandements

La traduction exacte est "tout est suspendu". Jésus ne supprime donc pas les ordonnances et les pratiques contenues dans "La Loi et les Prophètes" mais il précise que l'amour est la source dont tout le reste dépend. Sans l'amour, on peut être un honnête citoyen, un pratiquant pointilleux, un théologien savant, un spécialiste des règlements (comme ces pharisiens qui questionnent Jésus) - mais tout cela est vain si pensées, paroles et actions ne sont pas engendrées par l'amour et si croyances et rites ne portent à aimer.

Inversement l'amour, pour ne pas demeurer une sensation stérile ou une vague impression religieuse, doit se concrétiser par l'obéissance à des lois.

La réponse vraie à Dieu n'est pas légale ou rituelle, religieuse ou pieuse mais amoureuse et vitale. Et, parce qu'elle est vitale, elle est effort de piété, de générosité, actes de prière et de service.

L'évangéliste ne dit rien de la réaction des interlocuteurs de Jésus : ils disparaissent de la scène sans rien dire. Signe qu'ils sont d'accord avec lui. Judaïsme et christianisme concordent sur cette proclamation de Jésus : notre vocation est d'aimer.

Et cependant, quelques heures plus tard, certains parviendront à faire condamner Jésus mais sur la croix il manifestera comment il a vécu et appliqué son enseignement.

Devant le crucifix ou lors de la célébration eucharistique, l'amour n'est plus une injonction : il est Don de Dieu puis réponse du croyant, offre d'un c½ur humain à un Dieu qui d'abord nous a donné le sien.

St Paul écrira : " En ceci Dieu prouve son amour envers nous : Christ est mort pour nous alors que nous étions encore pécheurs" ( Rom 5, 8)

Et St Jean : " Voici ce qu'est l'amour : ce n'est pas nous qui aimons Dieu, c'est Lui qui nous a aimés et qui a envoyé son Fils en victime d'expiation pour nos péchés" ( 1 Jean 4, 10).

JOURNEE DE LA MISSION : notre programme est tout tracé. Portée par l'amour du Christ, et appliquée à vivre cet amour, l'Eglise est de soi évangélisatrice.

31e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Collin Dominique
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2004-2005

Très souvent, des personnes rencontrées lors de mariages me demandent : « Doit-on vous appeler « Père » ou « Frère » ? Je pourrais aujourd'hui leur répondre avec les paroles mêmes de Jésus dans l'évangile de ce jour : « Ne donnez à personne sur terre le nom de Père, car vous n'avez qu'un seul Père, celui qui est aux cieux ». Je ne suis donc pas « Père » ; je ne suis pas votre père, mais votre frère.

Est-ce là seulement une convenance ou une formule de politesse. Est-il indifférent d'appeler un prêtre « père » ou « frère » ? Non, réponde aujourd'hui Jésus. Car ceux qui aiment se donner le nom de « père » aiment également en avoir les droits sur ceux qu'ils considèrent donc comme des enfants. Être père revient alors à vouloir éduquer les autres, à leur donner des repères. Donner des repères ! Combien de fois encore j'entends des gens bien intentionnés se plaindre de l'absence de repères dans la société d'aujourd'hui ! Tout fout le camp ! Il faut donc des repères ! Et c'est bien ce que fait l'Eglise en général : elle dit ce qu'il faut faire et ne pas faire, ce qu'il faut croire et ne pas croire, ce qu'il faut penser et ne pas penser. Les autorités, les « Pères » connaissent la vérité et la morale. Et ils l'écrivent à nouveau dans des petits catéchismes ! N'avons-nous pas souvent l'impression qu'ils « lient de pesants fardeaux et en chargent les épaules des gens » !

Le pharisaïsme contre lequel Jésus s'est toujours insurgé n'est pas mort ! Il existe toujours comme une tentation à laquelle nous tombons tous, particulièrement ceux qui ont reçu la charge de servir leurs frères et s½urs. Nous confisquons encore aujourd'hui la Parole de Dieu ; nous l'empêchons de produire des fruits de liberté parce que nous la paralysons dans le formol des observances et des prescriptions. Au lieu d'écouter Dieu, le seul enseignant de la Vie et de l'Amour, voilà que nous devons passer notre vie de foi à écouter les encycliques, les bulles et les rescrits apostoliques.

Mais, crie Jésus, seul un Dieu d'Amour est véritablement Père ; un Père qui est source de Liberté profonde. Alors, on peut être à l'écoute d'un tel Dieu. Car à l'écoute de Dieu, rien ni personne ne peut nous lier, rien ni personne ne peut nous enfermer. Quelle perversion de l'Evangile et de l'Eglise quand on distingue les enseignants des enseignés ; de ceux qui ont le pouvoir de la parole et de l'intelligence contre ceux qui ne peuvent rien comprendre à Dieu. Aujourd'hui encore, Jésus s'insurge : « Ne vous faites pas non plus appeler maîtres ! » Apprenez à nouveau que le Royaume de Dieu est comparable à une petite graine ou à un peu de levain : il repose au fond de chacune de nos vies. Apprenez de nouveau que le Royaume de Dieu est destiné d'abord aux publicains et aux pécheurs ! Apprenez de nouveau que ce ne sont pas ceux qui disent « Seigneur ! Seigneur ! qui entreront dans le Royaume, mais bien ceux qui font la volonté de leur Père qui est aux cieux !

Si nous sommes tous frères les uns des autres, c'est donc que nous sommes tous responsables les uns des autres. Surtout responsables de ne pas charger avec des fardeaux trop lourds les épaules de ceux qui cherchent Dieu ou qui ne le cherchent pas. « Vas à la messe ! N'oublie pas de faire ta prière avant d'aller dormir ! Obéis à l'Eglise ! Faisons attention avant de demander aux autres ce que nous ne faisons que remuer du bout du doigt. Car la foi ne se laisse découvrir que de l'intérieur ; c'est donc de l'intérieur que nous pouvons aider quelqu'un à grandir dans sa foi. Aucune pratique extérieure ne compte si elle n'est pas portée par la vie. Ouvrons dès lors les yeux sur la vie de nos frères et s½urs et réjouissons-nous de ce qu'ils sont proches de Dieu ! Et qu'ils peuvent donc nous aider, comme des frères et non pas comme des pères, à découvrir jour après jour l'amour de Dieu.

Un prêtre n'a pas reçu une révélation spéciale sur Dieu. Ses études consistent à se mettre à l'écoute de la parole de Dieu. Mais elle est la même pour vous comme pour moi. Si je peux vous servir, c'est uniquement en vous rappelant cette source de vie et de liberté. Mais je ne sais pas plus que vous ; je cherche comme vous. Mais malheur aux prêtres quand ils font « de la Loi une occasion de chute pour la multitude ! »

31e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2004-2005

Ceux qui parlent avec suavité du "doux Jésus" n'ont sans doute jamais lu le chapitre 23 de S.Matthieu : quelle volée de bois vert contre les Pharisiens ! La tension montait sur l'esplanade du temple de Jérusalem depuis que Jésus, dès son arrivée, avait chassé les marchands. Chaque jour, il expliquait son message au peuple tandis que ses adversaires tentaient de mille manières de le prendre en défaut afin de le disqualifier.

A la suite des controverses lues ces derniers dimanches, voici qu'éclate en finale la colère de Jésus. Avant d'écouter ce texte (dont la liturgie n'offre que le début), il faut faire quelques remarques préliminaires.

D'abord reconnaître qu'il y a généralisation indue : on va sans cesse parler "des pharisiens" alors que probablement tous n'avaient pas les défauts qu'on leur reproche. Ce qui est dénoncé, ce ne sont pas des personnes (jamais nommées) mais un état d'esprit, une attitude qui, sous couvert de religion, fausse absolument la foi. Et ce qui aggrave au maximum, c'est que ces hommes se présentent comme des modèles à suivre et donc détournent les gens simples du vrai rapport à Dieu.

Autant Jésus se montre patient et plein de miséricorde pour les pécheurs tombés par faiblesse et avouant leurs fautes, autant il est virulent à l'égard de ceux qui, sous couvert de piété, caricaturent et déforment la religion. La charité ne tolère pas le mensonge.

Ensuite n'oublions pas que Matthieu écrit son évangile dans les années 85 : après le choc de la défaite et la destruction du temple par les Romains (en 70), les pharisiens et leurs maîtres demeurent l'autorité centrale autour de laquelle le judaïsme se reconstitue. Alors éclatent des affrontements très durs entre ces tenants de la Loi et les jeunes communautés chrétiennes que la Synagogue rejette comme hérétiques. Souffrant de cette exclusion, Matthieu durcit les traits et dépeint les Pharisiens de façon très noire.

Et cela d'autant plus qu'il constate que "le pharisaïsme" n'est pas réservé à Israël, mais qu'il est une attitude, un comportement qui s'introduit peu à peu chez certains disciples de Jésus. D'où son devoir de dénoncer un virus dont il voit les ravages récurrents.

Quels sont donc les péchés que l'on nomme "pharisaïsme" ?

DIRE SANS FAIRE

Jésus déclarait à la foule et à ses disciples : Les scribes et les pharisiens enseignent dans la chaire de Moïse. Pratiquez donc et observez tout ce qu'ils peuvent vous dire. .

Mais n'agissez pas d'après leurs actes car ils disent et ne font pas

La Loi d'Israël n'est pas abolie par l'Evangile et il faut continuer à l'expliquer et à la transmettre. Il est important qu'il y ait des maîtres, des catéchistes, des enseignants. Mais Jésus dénonce l'hypocrisie des beaux parleurs qui donnent des leçons aux autres sans pratiquer eux-mêmes ce qu'ils enseignent.

UN CUMUL DE PRESCRIPTIONS

Ils lient de pesants fardeaux et en chargent les épaules des gens -.

mais eux-mêmes ne veulent pas les remuer du doigt

Le mouvement pharisien était né d'une bonne intention : pour combattre le laisser-aller de beaucoup, on voulait regrouper de bons croyants, des hommes zélés, appliqués à observer tous les détails de la Loi divine. Mais cette casuistique, avec le temps, aboutissait à un durcissement de la Loi, se perdait dans des minuties et voulait imposer au peuple une pratique religieuse pesante, insupportable. La Loi devenait un fardeau écrasant. Il fallait "être en règle" et on ne l'était jamais !

Jésus, lui, voulait revenir à l'essentiel : c'est pourquoi il avait lancé un jour : " Venez à moi vous tous qui peinez sous le poids du fardeau et moi, je vous donnerai le repos. Prenez sur vous mon joug et mettez-vous à mon école car je suis doux et humble de c½ur" (11, 28). Et chez lui la vie était toujours conforme à la Parole.

LES PRATIQUES OSTENTATOIRES

Ils agissent toujours pour être remarqués des hommes : ils portent sur eux des phylactères très larges et des franges très longues ; ils aiment les places d'honneur dans les repas, les premiers rangs dans les synagogues, les salutations sur les places publiques, ils aiment recevoir des gens le titre de Rabbi.

Puisque Dieu demandait dans la Bible que l'on garde bien en tête ses préceptes, sans les oublier, l'usage s'était répandu de placer sur le front un sachet contenant un écrit avec quelques versets ("phylactères") ; on se couvrait aussi d'un châle de prière qui portait des houppes aux extrémités. Les pharisiens, eux, pour bien montrer qu'ils étaient les meilleurs croyants, augmentaient les dimensions de ces signes religieux. Connus pour leur science théologique, leurs cours, leur éloquence, certains étaient des personnalités révérées que l'on faisait avancer au premier rang, à qui on décernait des titres honorifiques...ce qui n'allait pas sans flatter leur amour-propre. Déjà dans sa première instruction (Sermon sur la Montagne), Jésus dénonçait ces pratiques ostentatoires : " Gardez-vous de pratiquer votre religion devant les hommes pour attirer leurs regards..."(6, 1...). Ce n'est pas l'admiration des gens qu'il faut chercher, mais leur conversion et cela n'est possible que s'ils voient des croyants humbles et une Eglise débarrassée du faste spectaculaire.

UNE EGLISE D'HUMILITE

Pour vous, ne vous faites pas donner le titre de Rabbi car vous n'avez qu'un seul enseignant et vous êtes tous frères. Ne donnez à personne sur terre le nom de Père, car vous n'avez qu'un seul Père qui est aux cieux. Ne vous faites pas non plus appeler maîtres car vous n'avez qu'un seul maître, le Christ. Le plus grand parmi vous sera votre serviteur..

Qui s'élèvera sera abaissé, et qui s'abaissera sera élevé

Comment ne pas sourire en lisant ces paroles de Jésus...et en entendant les titres en usage dans son Eglise !? Réjouissons-nous : il y a eu des progrès par rapport à un temps pas si lointain...Et espérons : peut-être verrons-nous encore la suite du toilettage, le prolongement du mouvement initié par le cher pape Jean XXIII qui voulait une Eglise servante et pauvre, où les ministères ne sont pas des charges honorifiques mais d'humbles services.

Si vous désirez poursuivre la dénonciation des péchés des pharisiens et donc connaître a contrario le portrait de l'Eglise telle que Jésus la voulait, lisez la suite du chapitre. A huit reprises, Jésus lance "Malheureux vous..." : ce ne sont pas des condamnations mais des lamentations, des plaintes qui font l'antithèse des huit béatitudes qui ouvraient le Joyeux Message de Jésus.

Seigneur, guéris-nous de l'hypocrisie, de la vanité et de l'orgueil. Que notre seul signe soit ta Croix ; notre seul titre, enfants de Dieu.

32e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Braun Stéphane
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2004-2005

Mt 25, 1-13

"Vous ne savez ni le jour ni l'heure" où retentira le cri dans la nuit.

Matthieu et notre tradition ont lié ce texte à notre mort et notre résurrection. A ce moment, où nous les chrétiens, les baptisés qui avons reçus cette petite lampe, rejoignons le Christ dans l'infini de Dieu. Toute notre vie de baptisés est alors un temps de veille, un temps de préparation, un temps de vie dans la foi à la suite du Christ, pour pouvoir un jour le rencontrer. Le temps de l'attente est le temps de la préparation, de la pénitence aussi, qui est indispensable pour être prêts à la rencontre avec l'époux, ce Dieu qui a fait alliance avec nous, son Eglise. Le texte est dur pour ceux qui ne sont pas prêts. Ils restent dans la nuit et les portes d'accès à la noce leurs sont fermées.

Mais, fondamentalement pour nous, que veut dire cette attente, cette veille ? Comment connaîtra t'on le jour et l'heure ? Que sera cette noce ?

Je crois que la réponse viendra si notre attente n'est pas passive, si nous allons à la rencontre, si nous produisons en nous, avec l'aide de l'Esprit, l'huile nécessaire à maintenir la flamme allumée.

L'attente n'est pas celle de la mort et du mystère qui la suit. Ce n'est pas l'angoisse devant l'inconnu. L'attente est celle de l'épouse déjà choisie et dont la place est déjà prête, aujourd'hui, à la table pour le festin. C'est la surprise et l'émerveillement de la découverte quand, dans la nuit, on peut allumer sa lampe et courir à la rencontre.

Attendre, c'est être sur le qui-vive, comme la truite prête à bondir sur la mouche descendant au fil de l'eau. Attendre, c'est être prêt, "toujours prêt", comme le crie le scout à chaque rassemblement.

Etre prêt quand quelqu'un, dans notre nuit, vient secouer notre torpeur. Etre prêt à répondre quand quelqu'un nous appelle et qu'une petite voix nous dit "vas-y, il est là, puise en toi cette huile pour qu'elle devienne lumière et chaleur autour de toi, ose la rencontre et qu'elle devienne alliance et fête".

Cette noce dont parle l'évangile, c'est le sacrement de la relation, de l'engagement à la suite de celui qui nous invite, qui a posé en nous sa lampe.

La noce c'est le sacrement de l'engagement à vivre, à être dès ici bas, aujourd'hui et demain, prêts à bondir et à se lancer dans l'aventure de la relation avec l'autre. Cet autre qui est déjà maintenant quelque chose du "Tout Autre".

La noce de l'évangile, c'est la confiance extraordinaire que fait en l'homme notre Dieu, déjà notre époux alors que nous ne l'avons pas encore rejoint. La noce de l'évangile, c'est la folie de Dieu en organisant dès ici-bas la fête, sans être sûr que nous l'y rejoindrons tous.

C'est notre liberté d'homme de devenir l'épousée en allumant cette lampe posée en nous, en veillant les yeux ouverts, les oreilles tendues, attentifs aux appels du monde qui nous entoure.

Veiller, ce n'est pas somnoler, c'est être aux aguets, disponibles pour rentrer dans ce dynamisme de la rencontre et découvrir ce bonheur de la communion, de l'alliance, de la noce.

Nous ne savons ni le jour ni l'heure, car c'est tous les jours, toutes les heures. Le sens de notre vie est la relation, l'alliance avec l'autre qui nous inscrit dans le chemin de l'alliance de Dieu avec l'homme.

J'ai lu, dans "le Soir" de ce week-end, le projet de loi de Laurette Onkelinx concernant la simplification de la procédure légale du divorce. En 2004 il y a eu en Belgique à peu près 31000 divorces pour 43000 mariages ! Le projet de loi est une reconnaissance de la faiblesse de l'homme, de sa difficulté à veiller, à être capable de rallumer la flemme pour courir à la rencontre de l'autre dans la nuit.

Nos lois souvent constatent, normalisent nos faiblesses humaines et tâchent d'y palier. L'évangile de ce jour nous entraîne dans un projet. Le projet de croire en la relation, à notre place dans le plan d'amour de Dieu, à notre place à la table du festin. Etre croyant, c'est être veilleur, vigilant, à l'écoute et attentif à l'autre. Etre croyant, c'est se reconnaître détenteur de cette petite lampe et entretenir en soi et avec l'aide de l'Esprit la réserve d'huile pour être prêt à se lancer dans l'aventure de la rencontre. Alors nous occuperons la place qui nous attend à la noce. Cette place pour laquelle nous sommes crées et qui, sans nous et sans notre décision, restera vide.

Personne ne connaît le jour et l'heure où nous l'occuperons parce que cela dépend aussi de nous.

Amen