Dimanche de Pâques

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : A, B, C
Année: 2005-2006

Sur notre minuscule planète, grain de sable voguant à travers les espaces infinis, dans une humanité perplexe devant la diversité des religions et même scandalisée par leurs crimes, au sein d'une société "post-moderne" qui nous éclabousse de merveilles technologiques et nous persuade que seul vaut le plaisir immédiat- dans ces conditions actuelles, pouvons-nous encore dresser la Croix et proclamer la résurrection du Crucifié ? Sous l'idéal tyrannique de la consommation d'objets et le tintamarre des sirènes marchandes - causes du naufrage de la foi de multitudes -, avons-nous encore l'audace de crier le message de la consumation de l'amour ?

Oui bien sûr ! Il le faut ! Et parce que nous en avons reçu mission et parce que l'homme gavé reste à sauver.

Aujourd'hui, jour de Pâques, l'Eglise répercute le refrain chanté par le peuple des baptisés depuis deux millénaires, l'hymne à la joie que murmuraient encore les bouches ensanglantées de Martin Luther King, de Mgr Romero et des sept moines de Tibhérine égorgés en Algérie :

A l l e l u i a ! A l l e l u i a ! Jésus est ressuscite

EST-CE VRAI ??? L'objection s'est posée avec force dès les premiers jours de l'Eglise. Ainsi lorsque saint Paul travaille à développer la communauté chrétienne d'Ephèse, en Asie mineure, il reçoit une correspondance de la communauté de Corinthe : on lui fait part du scepticisme de certains baptisés qui calent devant l'idée de résurrection. La réponse de Paul flamboie comme une de ses pages les plus essentielles. Voilà le premier credo de l'Eglise :

Je vous rappelle, frères, l'Evangile que je vous ai annoncé, que vous avez reçu, auquel vous restez attachés, et par lequel vous serez sauvés - si vous le retenez tel que je vous l'ai annoncé...

Autrement vous auriez cru en vain.

Je vous ai transmis en premier lieu ce que j'avais moi-même reçu :

Christ est mort pour nos péchés - selon les Ecritures ;

Il a été enseveli ;

Il est ressuscité le 3ème jour- selon les Ecritures. il est apparu à Képhas (Pierre) puis aux Douze, ensuite à plus de 500 frères ( la plupart sont encore vivants) puis à Jacques et tous les apôtres...et enfin à moi l'avorton.... ( 1 Corinthiens 15)

Il ne s'agit donc pas d'une nouvelle idée, mais d'une "tradition" que Paul a reçue et qu'il transmet intégralement. Il rappelle à ses correspondants qu'il leur avait bien enseigné tout cela dès le début lorsqu'il était venu fonder cette communauté de Corinthe - c'est-à-dire dans les années 50-52 (à peine 20 ans après la mort de Jésus en croix !). Là se trouve le c½ur de la foi.

Paul fait appel à des témoins que l'on peut encore interroger, qui ont été transformés par cette découverte et dont plusieurs mourront martyrs à cause d'elle. Rejeter cette foi c'est anéantir la Bonne Nouvelle, c'est retomber sous le règne de la conscience, des règles morales ou de la fatalité, c'est boucher l'horizon de la vie, c'est tuer l'espérance.

Paul l'affirme de la manière la plus nette :

Si le Christ n'est pas ressuscité,

notre prédication est vide, et vide aussi votre foi !....

Vous êtes encore dans vos péchés !

L'Apôtre supplie les baptisés de résister aux doutes et insinuations de certains : la foi initiale doit tenir dans la durée, s'affermir jusqu'à devenir fidélité. Réduire Jésus au statut de martyr, admirer son message et même en faire son programme de vie est bien mais nettement insuffisant. Jésus n'est pas qu'un prophète, un sage, un maître. S'il est ressuscité, il a pouvoir d'agglomérer en lui ceux qui lui font confiance, qui se donnent à lui au point de devenir son Corps.

Là-dessus pointe une nouvelle objection :

"Mais, dira-t-on, comment les morts ressuscitent-ils ?....."

En effet, presque infailliblement, nous imaginons les morts revenant à un monde et à une vie qui seraient la reprise de la situation d'antan. Il faut bien voir la différence radicale entre ré-animation et résurrection. Lazare dans l'évangile a bénéficié d'un sursis et il a recommencé à vivre comme avant...sous la menace de devoir à nouveau mourir pour toujours. Tandis que la résurrection est le passage dans une nouvelle condition que nous ne pouvons imaginer car elle fait éclater toutes nos représentations. Pour tenter de faire comprendre, Paul a recours à une comparaison agricole :

" Insensé ! Toi, ce que tu sèmes, ne prend vie qu'à condition de mourir...Ce que tu sèmes n'est pas la plante qui doit naître mais un grain nu, de blé ou d'autre chose. Puis Dieu lui donne corps et cela de façon particulière à chaque semence

Il en est ainsi pour la résurrection des corps :

Semé corruptible, le corps ressuscite incorruptible ;

Semé méprisable, il ressuscite éclatant de gloire ;

Semé dans la faiblesse, il ressuscite plein de force ;

Semé corps animé, il y a aussi un corps spirituel ..."

De même que le gland ne pourrait deviner le chêne qu'il deviendra, ainsi nous sommes incapables d'imaginer quelle sera notre condition future. Mais Paul affirme bien que c'est la même personne qui sera passée dans un état glorieux, spiritualisé.

Appuyés sur la foi au Christ qui a donné sa vie pour leur offrir le pardon, marchant dans l'espérance d'être un jour transfigurés dans sa Gloire, les baptisés vivent déjà dans un état nouveau. Le baptême les a configurés, assimilés au Christ : déjà ils sont enfants de Dieu. Ils ne sont plus soumis à un code de lois mais ils vivent dans une Demeure spirituelle où ils peuvent parler à Dieu comme à leur PERE. Certes ils restent marqués par leur condition humaine, ils connaissent des faiblesses mais ils partagent la certitude de saint Paul :

" Ni la mort ni la vie, ni les anges ni les démons, ni aucune créature...rien ne pourra nous séparer de l'amour de Dieu manifesté en Jésus Christ notre Seigneur " (Romains 8, 38)

Nos ancêtres ont eu assez de foi pour créer ce chef-d'½uvre unique des Fonts baptismaux et édifier cette collégiale qui traverse les siècles : image de l'Eglise constituée de personnes vivantes qui toutes, renaissent dans le baptême pour se rassembler en communauté fraternelle et annoncer à la ville que

Christ est vivant

il est vraiment ressuscite

alleluia ... alleluia...allleluia

Dimanche des Rameaux

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps du Carême
Année liturgique : A, B, C
Année: 2005-2006

Pendant ces dernières semaines de carême, parce que nous sommes chrétiens de bonne volonté, nous avons consenti quelques menus efforts pour brider notre gourmandise (jeûne), blesser notre avarice (partage avec les frères pauvres) et mater notre orgueil (prière).

Cela valait ce que ça valait. Sans doute peu de choses.

Aujourd'hui voici le Seigneur lui-même qui vient à notre rencontre et il se présente à nos portes comme il le fit jadis devant Jérusalem. En écoutant la scène célèbre de l'Entré des Rameaux, nous sommes contents de recevoir un petit rameau béni et nous n'oublions pas d'en emporter un autre pour notre voisine qui ne peut plus se déplacer.

Cependant prenons garde de ne pas commettre la même bévue que la foule de Jérusalem ! Pourquoi manifestait-elle tant d'enthousiasme à l'arrivée de Jésus ? Parce qu'on savait que ce Galiléen annonçait la venue imminente du Royaume de Dieu et qu'il était capable d'accomplir des guérisons spectaculaires. Et d'ailleurs n'était-il pas un descendant de l'illustre famille royale de David ? Et son nom n'était-il pas IESHOUAH, qui signifie "Dieu sauve" ?

Tous les indices concordaient : le bonheur nous arrive.

Après plus de 90 années d'occupation romaine, de vexations, de souffrances, de misère, beaucoup voyaient enfin venir le moment de l'insurrection, l'espérance de la libération et du triomphe sur l'ennemi. Quelle joie, quelle certitude d'acclamer Jésus et de chanter : "Hosanna au Roi qui vient au nom du Seigneur...".

LE SIGNE DE L'ANON

Et personne dans la foule ne prêta attention au petit âne que Jésus avait emprunté au village de Béthanie et sur lequel il était assis pour faire sa Joyeuse Entrée. St Jean avouera que les disciples eux-mêmes ne comprirent pas le sens de la scène : ce n'est que plus tard, après la Résurrection, qu'ils "se souvinrent que cela avait été écrit de lui"

( Jean 12, 16)

En racontant plus tard l'événement, S.Matthieu dira que Jésus avait fait cela pour accomplir un oracle du prophète Zacharie :

"Tressaille d'allégresse, fille de Sion ;

Pousse des acclamations, fille de Jérusalem.

Voici que ton roi s'avance vers toi. Il est juste et victorieux,

Humble , monté sur un ânon. Il supprimera les chars de combat,

Il brisera les arcs de guerre, Et il proclamera la paix pour les nations" (Zacharie 9, 9 ...)

Mais comment aurait-on pu se rappeler cette prophétie d'un Messie "doux et humble de c½ur" et d'un programme de paix universelle lorsqu'on rêve de révolte armée, de violence, de victoire sur l'ennemi ?

Ce Jésus considéré à tort comme un général d'armée (y a-t-il un officier qui monte un âne ?...) sera, les jours suivants, moqué comme un poète farfelu puis accusé comme un blasphémateur. Parce qu'il n'avait pas correspondu à l'attente, l'accueil tournera au rejet et les rameaux en couronne d'épines.

Quelques dizaines d'années plus tard, en 70, le projet d'insurrection violente rejaillira : ce sera la guerre, des centaines de milliers de morts, la destruction de la ville, l'incendie du temple !

En contemplant le panorama de sa capitale tant aimée, prévoyant le désastre futur, Jésus avait pleuré sur elle :

" Ah ! si toi aussi tu avais su, en ce jour, comment trouver la paix !!! ...Tes ennemis t'écraseront et ils ne laisseront en toi pierre sur pierre parce que tu n'as pas reconnu le temps où tu as été visitée..." ( Luc 19, 41)

Il y a pire que de piétiner les Ecritures : c'est de les lire, de les écouter pieusement et de ne pas accepter de les vivre lorsqu'elles dérangent nos plans ! C'est de bâillonner le message en lui imposant nos vues étroites et bornées.

LIRE LES ECRITURES

Ah, si l'Eglise s'appliquait à scruter en profondeur les Ecritures, si , au lieu de vénérer un Livre clos, elle était convaincue qu'elle doit calquer sa conduite sur les enseignements de son Seigneur, jamais elle n'aurait allumé les bûchers de l'Inquisition, jamais les théologiens n'auraient condamné Galilée, jamais on n'aurait traité Israël de "peuple déicide", jamais les masses ouvrières du 19ème siècle n'auraient quitté une Eglise qui prenait le parti des puissants et les abandonnait à leur misère. Mais les regrets des erreurs passées sont vains s'ils ne nous ouvrent les yeux sur les signes d'aujourd'hui.

Oui il nous faut agiter nos rameaux - à condition qu'ils nous dissuadent d'attendre une Eglise majoritaire, triomphante, impériale. Nous les accrocherons au crucifix afin de fixer les yeux sur Celui que nous méconnaissons si souvent et qui cependant a donné sa vie pour ses disciples qui ne lui obéissent pas.

Oui Jésus est vraiment notre Roi - mais il ne règne que par la Croix.

Oui il faut la révolution - mais elle s'appelle "conversion" de tous et de chacun.

Oui il faut acclamer Jésus et le chanter à pleine voix - mais en le suivant sur son chemin d'humilité, au pas de l'âne, en dressant de grandes oreilles afin de ne pas perdre une seule de ses paroles.

D

Comment, pour terminer, ne pas évoquer ce pape décédé il y a juste un an et qui, le 22 octobre 1978, inaugurait son pontificat en lançant, sur la place St Pierre de Rome, le cri inoubliable :

" Ouvrez ! Ouvrez toutes grandes les portes au Christ "

Et les ouvriers polonais du syndicat Solidarnosc n'ont pas oublié l'appel de Jean-Paul II qui exorcisa leur frayeur :

" N'ayez pas peur ! N'ayez pas peur !".

La ténacité et la prière des pauvres eurent raison de la dictature : le mur de Berlin peu après s'effondra.

En cette grande semaine qui commence, chassons la peur, ouvrons nos c½urs au Christ Seigneur, suivons-le sur son chemin.

Epiphanie

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps de Noël
Année liturgique : A, B, C
Année: 2005-2006
Depuis des siècles, cela avait été annoncé, le Christ allait un jour revenir. Et voilà qu'une nuit, les anges se mettent à chanter : « un Sauver vous est né. Le Seigneur est revenu parmi les siens comme il l'avait promis. Vous le trouverez emmailloté dans une mangeoire à Gastuche, au coeur du Brabant Wallon, en Belgique ». Trois mages belges, un cistercien, un franciscain et un jésuite décidèrent de concert d'aller rendre hommage à l'Enfant Dieu qui venait de renaître. Arrivé à la crèche, le cistercien remit à l'enfant son présent en lui disant : « Seigneur, je t'ai amené quelques bonnes bières catholiques brassées par les moines trappistes de notre pays. Elles sont un moyen de prédication lorsque nous disons aux gens : « si vous ne croyez pas en Dieu, goûtez une de nos trappistes et si après l'avoir appréciée, vous ne croyez toujours pas, c'est vraiment que vous avez un problème personnel ». Le franciscain s'approcha de l'enfant et lui présenta de délicieux chocolats : « Seigneur, voici quelques douceurs qui te feront le plus grand bien. Je t'ai apporté des mendiants qui représente les trois Ordres mendiants de notre sainte Mère l'Eglise : le chocolat blanc pour rappeler la chape des frères carmes, le fondant pour la chape des frères prêcheurs et celui au lait pour l'habit des frères franciscains ». Le jésuite s'approcha ensuite et glissa tout en douceur à l'oreille de Jésus : « voici Seigneur, je t'ai apporté des chicons et des choux de Bruxelles, produits de notre terroir. Ces deux légumes sont légèrement amers, un peu à l'image de notre humanité parfois ». Puis se relevant et se tournant vers les parents, il leur dit très discrètement : « je me suis permis également de glisser un formulaire d'inscription pour l'enfant quand il sera en âge de scolarité. Nous avons de très bonnes écoles dans ce pays ». Puis les trois religieux repartirent chez eux. Heureux d'avoir pu rencontrer l'enfant Dieu qui s'est ainsi manifesté à la terre entière.

Au-delà de cette petite fiction, que ferions-nous chacune et chacun, si nous étions conviés à partir à la rencontre de Jésus, couché dans une mangeoire ? Quel type de présent, lui apporterions-nous ? Comme il a choisi de s'incarner, peut-être n'a-t-il pas voulu se différencier des autres et donc nous avons à le considérer de la même manière qu'un autre enfant en lui offrant une peluche ou une brassière. D'autres se diront : pourquoi ne pas lui offrir une Bible, comme cela il verrait lui-même ce que son message nous a apporté depuis deux mille ans. D'autres encore estimeront qu'il n'a encore rien prouvé et ils préfèreront d'abord entendre la teneur de son nouveau message. Sans doute que toutes ces approches sont trop matérialistes. En effet, au cours de nos existences, lorsque nous étions malades ou en peine, des proches sont venus nous rendre visite et vraisemblablement ils nous avaient apporté un petit présent. Au fil des années, nous nous rappelons de leur présence par contre, très souvent, nous avons oublié ce qu'ils nous avaient donné à l'époque. Comme si finalement le matériel s'imprime moins bien dans notre mémoire que la rencontre amicale, fraternelle ou familiale. S'il en est ainsi entre nous, alors à la question posée de savoir ce que nous apporterons à la crèche, il ne nous reste plus qu'une seule possibilité. Un peu comme si nous disions à l'enfant Dieu : « Seigneur, en toute humilité, je suis venu les mains vides car 'je' suis ton cadeau. J'ai choisi de m'offrir à toi en te donnant qui je suis : avec mes failles et mes fragilités, mes dons et mes espérances. Je m'offre à toi tel que je suis et je vis avec cette conviction intime que tu me comprends mieux que moi-même puisque toi, tu connais toutes choses même mes zones d'ombre dans lesquelles je n'arrive pas toujours à entrer. Oui, Seigneur, je me dépose à tes pieds. En toute confiance car je sais que tu m'aimes. J'ai cette certitude intérieure que tu ne juges pas, que tu ne condamnes pas comme certains de mes contemporains. Je sais que tu ne t'encombres pas de médisances ou de calomnies dans lesquelles quelques uns aiment parfois se prélasser. Tu es le Dieu d'Amour, le Dieu de la Vérité. Et ce qui ne regarde pas les autres parce que cela fait partie de mon intimité, je peux te les confier car tu es au plus secret de mon propre être. Avec toi, je peux tout partager. En toi, je peux tout déposer : mes peines et mes joies, mes désirs et mes espérances. Ce matin (soir), je viens auprès de toi, je te donne mon être car je sais que tu es le seul à qui je puis tout dire. Tout fragile et vulnérable que tu es, tu portes avec chacune et chacun de nous le chemin de nos existences ». Ne tardons plus un enfant nous est né. Sa crèche est dans notre coeur. C'est là que le Seigneur nous attend pour que nous nous offrions à lui. Marchons, courons, Dieu partage et porte avec nous notre condition d'homme et de femme appelés à aimer en toute vérité. Finalement, croire, c'est aussi simple que cela : aimer en toute vérité. Amen.

Epiphanie

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps de Noël
Année liturgique : A, B, C
Année: 2005-2006

Mt 2, 1-12

Depuis des siècles, cela avait été annoncé, le Christ allait un jour revenir. Et voilà qu'une nuit, les anges se mettent à chanter : « un Sauver vous est né. Le Seigneur est revenu parmi les siens comme il l'avait promis. Vous le trouverez emmailloté dans une mangeoire à Gastuche, au coeur du Brabant Wallon, en Belgique ». Trois mages belges, un cistercien, un franciscain et un jésuite décidèrent de concert d'aller rendre hommage à l'Enfant Dieu qui venait de renaître. Arrivé à la crèche, le cistercien remit à l'enfant son présent en lui disant : « Seigneur, je t'ai amené quelques bonnes bières catholiques brassées par les moines trappistes de notre pays. C'est une de mes façons de prêcher : « si vous ne croyez pas en Dieu, goûtez une de nos trappistes et si après l'avoir appréciée, vous ne croyez toujours pas, c'est que vous avez vraiment un problème personnel ». Le franciscain s'approcha de l'enfant et lui présenta de délicieux chocolats : « Seigneur, voici quelques douceurs qui te feront le plus grand bien. Je t'ai apporté des mendiants qui représente les trois Ordres mendiants de notre sainte Mère l'Eglise : le chocolat blanc pour rappeler la chape des frères carmes, le fondant pour la chape des frères prêcheurs et celui au lait pour l'habit des frères franciscains ». Le jésuite s'approcha ensuite et glissa tout en douceur à l'oreille de Jésus : « voici Seigneur, je t'ai apporté des chicons et des choux de Bruxelles, produits de notre terroir. Ces deux légumes sont légèrement amers, un peu à l'image de notre humanité parfois ». Puis se relevant et se tournant vers les parents, il leur dit très discrètement : « je me suis permis également de glisser un formulaire d'inscription pour l'enfant quand il sera en âge de scolarité. Nous avons de très bonnes écoles dans ce pays ». Puis les trois religieux repartirent chez eux. Heureux d'avoir pu rencontrer l'enfant Dieu qui s'est ainsi manifesté à la terre entière.

Au-delà de cette petite fiction, que ferions-nous chacune et chacun, si nous étions conviés à partir à la rencontre de Jésus, couché dans une mangeoire ? Quel type de présent, lui apporterions-nous ? Comme il a choisi de s'incarner de cette façon, peut-être n'a-t-il pas voulu se différencier des autres et donc nous avons à le considérer de la même manière qu'un autre enfant en lui offrant une peluche ou une brassière. D'autres se diront : pourquoi ne pas lui offrir une Bible, comme cela il verrait lui-même ce que son message nous a apporté depuis deux mille ans. D'autres encore estimeront qu'il n'a encore rien prouvé et qu'ils préfèrent entendre la teneur de son nouveau message. Sans doute que toutes ces questions sont trop matérielles.

En effet, au cours de nos existences, lorsque nous étions malades ou en peine, des proches sont venus nous rendre visite et vraisemblablement ils nous ont apporté un petit présent. Au fil des années, nous nous rappelons de leur présence par contre, très souvent, nous avons oublié ce qu'ils nous avaient donné à l'époque. Comme si finalement le matériel s'imprime moins bien dans notre mémoire que la rencontre amicale ou familiale. S'il en est ainsi entre nous, alors à la question posée de savoir ce que nous apporterons à la crèche, il ne nous reste plus qu'une seule possibilité. Un peu comme si nous disions à l'enfant Dieu : « Seigneur, en toute humilité, je suis venu les mains vides car 'je' suis ton cadeau. J'ai choisi de m'offrir à toi en te donnant qui je suis avec mes failles et mes fragilités, mes dons et mes espérances. Je m'offre à toi tel que je suis et je vis avec cette conviction intime que tu me connais mieux que moi-même puisque toi, tu connais toutes choses même mes zones d'ombre dans lesquelles je n'arrive pas à entrer. Oui, Seigneur, je me dépose à tes pieds. En toute confiance car je sais que tu m'aimes comme je suis. J'ai cette certitude intérieure que tu ne juges pas, que tu ne condamnes pas comme certains de mes contemporains. Je sais que tu ne t'encombres pas de médisances ou de calomnies dans lesquelles quelques uns aiment parfois se prélasser. Tu es le Dieu d'Amour, le Dieu de la Vérité. Et ce qui ne regarde pas les autres parce que cela fait partie de mon intimité, je peux te les confier car tu es au plus secret de mon propre être. Avec toi, je peux tout partager. En toi, je peux tout déposer : mes peines et mes joies, mes désirs et mes espérances. Ce matin (soir), je viens auprès de toi, je te donne mon être car je sais que es le Seul avec qui je puis tout dire. Tout fragile et vulnérable que tu es, tu portes avec chacune et chacun de nous le chemin de nos existences ». Ne tardons plus un enfant nous est né. Sa crèche est dans notre coeur. C'est là que le Seigneur nous attend pour que nous nous offrions à lui. Marchons, courons, Dieu partage et porte avec nous notre condition d'homme et de femme appelés à aimer en toute vérité. Finalement, croire, c'est aussi simple que cela : aimer en toute vérité. Amen.

Epiphanie

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps de Noël
Année liturgique : A, B, C
Année: 2005-2006

 

LES ETOILES PARLENT-ELLES ?

Ces mystérieux voyageurs appelés "mages" -dont on ne sait ni le nom ni le nombre- n'étaient pas des rois mais des savants de Mésopotamie. En effet, au pays des deux fleuves -l'Irak d'aujourd'hui-, les archéologues ont retrouvé les vestiges d'immenses tours qui servaient d'observatoires astronomiques et que l'on appelait des ziggourats.

Emerveillés par le spectacle des millions d'étoiles et intrigués par les mouvements des constellations, les peuples croyaient que le ciel transmettait les messages mystérieux des divinités. Les mages étaient les spécialistes qui déchiffraient les paroles des dieux afin d'élaborer des horoscopes, assurer au souverain que son fils était né "sous une bonne étoile", ou fixer la date d'un mariage heureux.

C'est en découvrant ces monuments impressionnants, notamment la ziggourat de Babylone, que les rédacteurs de la Bible ont inventé la légende de la Tour de Babel, 5ème et dernier épisode de l'introduction biblique que nous avons parcourue ces derniers dimanches.

LE GRATTE-CIEL SIGNE DE L'ORGUEIL IMPERIALISTE

Cette Tour se dressait comme emblème et axe vertical d'un gigantesque dessein de conquête : le fol orgueil de vouloir unir tous les peuples dans la même civilisation autour d'une capitale fastueuse. Du haut de la Tour, les mages captaient les signaux divins à transmettre au roi afin qu'il mène à bien ses visées impérialistes.

Ce projet a fait faillite et chaque fois qu'il renaîtra, il échouera car Dieu ne veut pas qu'il réussisse, affirme la Bible. Non qu'il ait peur des hommes ni qu'il condamne la recherche scientifique et les exploits techniques (Le mythe de Prométhée volant le feu n'est pas biblique). Mais Dieu ne veut pas une humanité de clones, un monde où les hommes adoptent les mêmes m½urs, suivent une idéologie unique, marchent au même pas, parlent la même langue.

Chaque être humain en effet est créé "à l'image de Dieu" : il est donc une personne, unique, une conscience libre, un être à la dignité inaliénable. C'est pourquoi tout projet dictatorial (qu'il soit de Nabuchodonosor ou de Staline ou de Mao) est diabolique parce qu'il nie les singularités individuelles et les caractéristiques de chaque peuple. Méfions-nous donc des roulements de tambour, des discours hystériques, des claquements de drapeaux, des salles en délire, des programmes définitifs ! Tout rouleau compresseur conduit au goulag, à l'écrasement des libertés. Et toute idole au fanatisme.

Oui, il est bien vrai que le projet de Dieu est celui de l'unité du genre humain (on nous le disait d'emblée en nous assurant que nous sommes tous de la descendance d'Adam), mais cette unité n'est pas uniformité. Le rassemblement ne peut être le résultat du despotisme mais doit respecter l'originalité de chacun et la richesse des différences.

LES MAGES PROPHETES DU PEUPLE DE DIEU

Un jour, un message spécial a atteint nos mages, une nouvelle étoile les a incités à descendre de leur observatoire et à se mettre en route vers Israël. Ils y ont découvert non un dictateur mais le petit enfant d'un jeune couple pauvre. Ils ont alors compris qu'il ne fallait plus chercher dans le ciel les prédictions de l'avenir, les diktats des dieux, les combinaisons gagnantes du Lotto. Qu'il ne fallait plus croire aux élucubrations des horoscopes, à la fatalité cosmique. Car l'homme n'est pas soumis au destin écrit d'avance et le salut de son existence naît de la rencontre d'un Dieu qui s'est fait homme.

Descendus de leur tour orgueilleuse, aux pieds de Jésus, les mages ont appris l'adoration et se sont dépouillés de leur biens. Enfin ils étaient libres !

Ainsi étaient-ils les prophètes, les pionniers de l'extraordinaire mouvement qui allait saisir l'humanité quelques années plus tard et qui aujourd'hui franchit les frontières de la Chine.

Sourds aux ordres d'embrigadement des tyrans comme aux appels des "stars" et des vedettes de l'audimat, guidés par l'étoile de la foi, les chrétiens ne se veulent pas "identiques". Ils ne cherchent pas à bâtir une assemblée mondiale où se dissolvent les différences, une paroisse où tous sont du même rang et partagent les mêmes idées.

Au souffle de l'Esprit de Pentecôte, s'accueillant les uns les autres dans leurs particularités singulières, ils sont l'humanité réconciliée. Ils ne parlent pas la langue unique de la dictature babylonienne mais ils chantent la gloire de Dieu leur Père dans la multiplicité des langues, la diversité des cultures, des croyances et des liturgies.

L'amour n'a pas besoin de traducteur.

L'axe qui centralise leur existence n'est pas une tour - même celle de cathédrale - ni un programme figé ni une construction humaine mais l'humble croix du Golgotha, signe définitif que le ciel est uni à la terre, que Dieu aime les hommes., et qu'il parle à chacun dans sa langue.

CONCLUSION

Nous achevons ainsi la lecture rapide des onze premiers chapitres de la Genèse ; ils ne sont pas un reportage sur les débuts de l'univers mais une façon imagée, géniale, inoubliable, de nous montrer dans quel monde nous vivons, qui nous sommes, les dangers qui nous guettent. Adam a perdu le paradis, Abel est assassiné, Noé invente le bateau du salut, la tour de Babel s'effondre en ruines : tout est dit pour nous éveiller à la suite. Quelle est-elle ? Dieu appelle Abraham qui croit et se met en route. A chacun de nous d'entendre le même appel, de marcher et de redécouvrir Celui qui est au début, au c½ur et au terme de la Révélation : Jésus, nouvel Adam, nouvel Abel, nouveau Noé.

L'antique histoire n'a de sens que si elle devient la tienne, si tu consens à en être l'acteur. Quelle étoile suis-tu ?

 

Fête de la Pentecôte

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : A, B, C
Année: 2005-2006

Jn 20, 19-23

Et s'il était resté parmi nous, s'il avait décidé de ne plus jamais quitter la terre afin que nous puissions le contacter en permanence pour que nous sachions ce que nous devrions faire dans telle ou telle situation. Vous vous imaginez notre vie. Nous serions comme enchaînés, prisonniers dans nos vies. Nous n'oserions plus prendre aucune décision avant de lui en avoir référer. Il nous aurait constamment montré la bonne route à suivre. Nous n'aurions plus jamais trébuché. Vraisemblablement, avec les moyens technologiques contemporains, les réponses à nos questions seraient arrivées plus vite qu'auparavant. Juste un petit mail, en quelques mots et un courriel bref pour toute réponse. L'adresse aurait été la suivante : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.. Une telle omniprésence aurait eu deux conséquences négatives quant à notre liberté, me semble-t-il. La première concerne le choix même de croire. En effet, si Dieu est omniprésent de manière visible comme nous le sommes les uns pour les autres, nous ne pourrions plus choisir de croire ou de ne pas croire puisqu'il serait alors une évidence à nos yeux. Nous pourrions le rencontrer et peut-être à l'une ou l'autre occasion même pouvoir lui parler. Toutefois, Dieu veut que nous soyons à ce point libre par rapport à l'Amour qu'il souhaite nous donner, qu'Il ne veut plus être une évidence, une certitude. Il attend de nous que nous partions à sa rencontre par le biais de la foi, c'est-à-dire ce choix de croire en Lui. Un choix éminemment personnel qui se fonde sur une rencontre et une espérance en la douceur de notre vie terrestre et céleste. L'évidence divine aurait ainsi été une atteinte à notre liberté. Autre conséquence négative, si à chaque croisement ou à chaque question nous avions la possibilité d'avoir une ligne directe avec Dieu pour nous donner la bonne réponse, nous perdrions également notre liberté. Nous deviendrions des automates et non des êtres autonomes tel que le plan divin l'avait envisagé à l'instant de la Création. Donc, si Dieu le Fils avait choisi de rester sur terre nous aurions perdu ce qui fait une des grandes caractéristiques de notre humanité : en d'autres termes, notre liberté. Celle qui nous permet de choisir à partir de notre histoire, de notre personnalité en vue de toujours prendre le choix qui apportera le plus d'amour.

Le Fils de Dieu a donc choisi, et c'est heureux pour nous sur terre, de retourner auprès de son Père. Non pas pour nous laisser dans une solitude morbide et une désespérance mais pour nous permettre de partir à la rencontre de la troisième personne de la divinité : l'Esprit Saint. Dieu le Fils s'en est rentré chez lui mais Dieu poursuit son ½uvre d'accompagnement par le biais de l'Esprit. Le souffle divin est venu sur les apôtres au moment de l'événement de la Pentecôte et sur chacune et chacun de nous à l'instant de notre baptême. Nous sommes toutes et tous pétris du souffle de Dieu. L'air divin est en nous. Pour certains, il est cette petite lampe intérieure qui éclaire nos chemins respectifs. Pour d'autres, il est plutôt cette petite voix intérieure qui s'adresse à notre âme, lieu où en nous se noue l'humain et le divin. Mais sommes-nous encore capable de l'entendre et de la voir dans un monde si bruyant et souvent trop gris ? Quel espace donnons-nous au souffle de l'Esprit qui vit en nous. Dieu nous fait confiance, je le crois mais il sait que la vie est tellement complexe et que nos histoires sont souvent blessées, qu'il ne veut pas nous laisser seuls face à l'immensité de notre réalité humaine. Il a alors choisi le meilleur lieu de rencontre possible : au plus intime de notre intime. Là, où personne d'autre que Lui peut venir converser avec nous sur ces différents thèmes qui nous sont chers : la vie, la mort, l'amour, nos souffrances et nos blessures, nos espoirs et nos joies. Au c½ur de cette intimité, la voix de Dieu nous révèle à nous-même et nous inspire afin que nous fassions les bons choix. En effet, comme le souligne saint Paul dans sa Lettre aux Galates, souvent nous sommes confrontés à un croisement où deux routes s'offrent à nous : celle de gauche qui, même si elle est attirante dans un premier temps, nous conduit à une mort spirituelle : nous respirons toujours mais nous ne vivons plus. Ou alors, celle de droite qui s'écrit avec l'encre de l'Amour. Celle-là conduit à la vie. Un peu comme si l'Esprit Saint nous demandait à chaque seconde de nos existences : avez-vous juste envie de respirer et donc de mourir peu à peu à vous-même ou bien avez-vous envie de respirer et de vivre pleinement le don de la vie. Première voie : respirer ou vivre. Seconde voie : respirer et vivre. Pour vivre en Dieu, seule la seconde nous ouvre la voie du salut. C'est une fois encore une question de liberté car c'est à nous, et à nous seuls, de choisir. Que l'Esprit de la Pentecôte nous y aide.

Amen.

Fête de la Pentecôte

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : A, B, C
Année: 2005-2006

DIEU NOUS A DONNÉ SA LOI : L' ALLIANCE

Après les 8 jours de la fête de la Pâque à Jérusalem, on comptait 7 semaines et à nouveau, on célébrait la 2ème grande fête de pèlerinage : la Fête des Moissons, appelée aussi "Fête des Semaines" ou, en grec, PENTÉCOSTÈS ( = 50ème ) qui a donné notre mot français.

Puisque Pâque commémorait la sortie, l'exode des ancêtres hébreux, esclaves en Egypte, Pentecôte faisait mémoire du don de la Loi, donc de l'Alliance que Dieu avait nouée avec Israël au Sinaï dans le désert - événement que la Bible datait "au 3ème mois après la sortie". Il s'agissait donc d'une fête extrêmement importante, célébrée dans l'allégresse populaire : quel bonheur de connaître la Loi divine !!

Toutefois on connaissait bien l'histoire : on n'ignorait pas que si Israël n'avait cessé d'étudier la Loi et de chanter sa grandeur, il n'avait cessé d'y être infidèle ! Les Ecritures dénonçaient les méfaits de la plupart des rois (même les grands, tels David et Salomon, comblés des bienfaits de Dieu, avaient commis des fautes très graves) et elles portaient un diagnostic sévère : les grandes catastrophes qui avaient frappé Israël étaient le châtiment de leur désobéissance et de leur révolte contre les commandements de Dieu. "Peuple à la nuque raide = ".

UN JOUR, UNE ALLIANCE NOUVELLE ???

Si l'on organisait des liturgies de pénitence afin de demander pardon pour les péchés passés, on vivait néanmoins dans l'espérance. En effet, au lendemain même du plus grand malheur de l'histoire - la destruction de Jérusalem par Nabuchodonosor et l'incendie du temple en 587 avant notre ère -, deux grands prophètes avaient lancé une extraordinaire promesse :

" Des jours viennent où je conclurai avec la communauté d'Israël

une NOUVELLE ALLIANCE.

Elle sera différente de l'Alliance que j'ai conclue avec leurs pères

qui ont rompu mon alliance :

Je déposerai mes directives au fond d'eux mêmes, je les inscrirai dans leur être...

Ils ne s'instruiront plus : ils me connaîtront tous.... "

(JÉRÉMIE 31, 31-34)

" Je ferai sur vous une aspersion d'eau pure, je vous purifierai de toutes vos impuretés...Je vous donnerai un C¼UR NEUF, je mettrai en vous UN ESPRIT NEUF.

J'enlèverai votre c½ur de pierre et vous donnerai un c½ur de chair.

Je mettrai en vous MON PROPRE ESPRIT : je vous ferai marcher selon mes lois...

( ÉZÉCHIEL 36, 24-28)

Ainsi on pouvait attendre la venue d'une nouvelle époque : le problème n'était pas d'étudier sans fin la Loi de Dieu, ni d'en changer...mais de recevoir la force (divine) de l'accomplir.

Quand cela arriverait-il ? Les Prophètes étaient restés dans le vague. Des siècles passèrent et Israël, malheureux, gémissait sous l'oppression des grands Empires.

LE DON DE L'ESPRIT À LA PENTECOTE

Année 30 de notre ère. Après la mort de Jésus, ses disciples ont disparu de la scène publique. Le Pouvoir romain ne s'inquiète pas à leur sujet : on a compris que ces hommes étaient inoffensifs, une bande de naïfs qui s'étaient laissé berner par un maître farfelu et qui n'avaient même pas eu le courage de le défendre ! Or ces hommes, avec la mère de Jésus et quelques femmes, se sont regroupés dans une maison en ville.

Ils ne préparent pas un complot, ne disposent d'aucune arme : ILS PRIENT.

Ils sont convaincus : Jésus leur est apparu vivant et, avant sa disparition, il leur a promis de leur envoyer l'ESPRIT DE DIEU.

C'est précisément en ce jour où Israël fêtait l'Alliance et le don de la Loi que les antiques prophéties vont se réaliser. Le VENT DE DIEU va faire irruption dans le local des disciples :

Quand arriva la Pentecôte, ils se trouvaient réunis tous ensemble. Soudain il vint du ciel un bruit pareil à celui d'un violent coup de vent...Ils virent apparaître comme un feu qui se partageait en langues et qui se posa sur chacun d'eux.

Ils furent tous remplis de l'ESPRIT SAINT...

Ces hommes et ces femmes font une expérience : ils sont purifiés de leurs fautes, ils ont un c½ur nouveau !! Ce don de Dieu n'est pas un privilège secret : le Vent de Dieu souffle sur les élus et les emporte vers les hommes. D'emblée la mission commence. Ils sortent de leur cachette, dégringolent les escaliers et surgissent dans la rue en chantant !

Ecrasés par la culpabilité (n'avaient-ils pas tous renié leur Maître ?), ils exultent sous la Miséricorde de Dieu :

Emmurés dans la peur, ils se présentent ouvertement à la foule.

Muets de stupeur et de chagrin après la mort de Jésus, ils parlent.

Tremblant devant le danger, ils affrontent sarcasmes et menaces.

Les gens étaient dans la stupéfaction parce que chacun les entendait parler dans sa propre langue ! ... Déconcertés, émerveillés, ils disaient : " Ne sont-ils pas des Galiléens ? Et nous, Mèdes, gens de Cappadoce, de la Mer Noire, d'Asie, de Cyrène, Romains et Juifs, nous les entendons proclamer dans nos langues les merveilles de Dieu !???"

La mission se dévoile dans son envergure universelle : tous les peuples de la terre doivent entendre la Bonne Nouvelle.

La déchirure de l'humanité provoquée par l'orgueil (mythe de la tour de Babel) se répare : l'Eglise n'a pas à imposer une langue unique mais à aimer tellement les hommes qu'elle se fasse comprendre de tous.

Avouons-le, nos paroisses sont souvent bien loin de ressembler à l'Eglise née en ce jour de Pentecôte : nous demeurons enfermés entre nous, nous n'osons pas exposer notre foi, nous avons l'air triste, nous avons peur d'être missionnaire.

Avons-nous prié la NEUVAINE DE L'ESPRIT ? Sommes-nous unanimes ? Vivons-nous notre foi avec Marie ?

Sentons-nous notre responsabilité gigantesque qui est de : porter l'Evangile au monde ?...

Que le Souffle de Dieu vienne, nous fasse sortir, que l'Eglise accepte de descendre dans l'humilité et d'aller à la rencontre des hommes. Non pour leur reprocher leurs vices, mais pour compatir à leurs faiblesses et leur communiquer cette Puissance de Libération et de Joie qu'est le DON DE L'ESPRIT.

Fête de la Sainte Trinité

Auteur: Van Aerde Michel
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A, B, C
Année: 2005-2006

Après la Pentecôte, nous fêtons la Trinité et nous le faisons en rappelant l'envoi en mission. « Allez donc, de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit » (Mt 26, 20).

La mission et la Trinité sont intimement liées. Cela n'apparaît pas clairement aujourd'hui, après la colonisation. La mission a trop été entachée d'impérialisme culturel. Nous sommes maintenant dans l'ère du dialogue interreligieux. Mais les caricatures ne doivent pas nous faire oublier les montagnes d'héroïsme et de générosité véritablement mystique qui ont été déployés. Les générations antérieures ont porté l'Evangile au bout du monde, en des climats difficiles et des traditions très différentes de celles du monde occidental. Combien ont été touchés ont souffert physiquement, politiquement et moralement, avec parfois des persécutions. Ils ont franchi des distances qui n'étaient pas que géographiques, pour parler les langues et entrer dans les coutumes de ceux qu'ils venaient rejoindre pour leur parler de l'amour vainqueur en Jésus ressuscité.

Une question de fond est posée aujourd'hui : pourquoi vouloir communiquer sa foi ? Pourquoi faire du prosélytisme, pourquoi ne pas se contenter d'être ce que l'on est ? Pourquoi vouloir que les autres adhèrent eux aussi à ce que nous croyons, espérons et vivons ? Cette question de fond s'accompagne parfois d'un certain sentiment d'ingratitude, d'un certain sentiment de culpabilité aussi, après coup, pour avoir manqué de respect, d'un certain sentiment d'échec en voyant l'Afrique par exemple se débattre en grande difficulté. Mais l'Evangile a été transmis, de nouvelles Eglises ont été fondées, des liturgies, des théologies nouvelles ont vu le jour et se sont développées, tous les peuples ont été rejoints et peuvent exprimer à leur manière les merveilles de Dieu.

La foi ne nous appartient pas. La Bonne Nouvelle n'est pas notre patrimoine exclusif. L'Espérance est pour tous. L'amour de Dieu n'a de limite ni géographique ni culturelle. Et je vois trois raisons pour vivre cet appel de Jésus à la mission.

D'abord, nous l'avons entendu, cela ne vient pas de notre initiative, ça n'est ni à discuter ni à réfléchir, c'est Jésus lui-même qui nous invite à communiquer la Bonne Nouvelle de sa Résurrection, à transmettre la Parole de vie.

Ensuite, et c'est certainement plus important. Ce qui nous presse, n'est pas le désir de nous répandre ni celui de rendre l'autre semblable à nous. C'est l'amour qui nous habite et qui, par son dynamisme propre, tend à se communiquer. L'amour ne peut que se partager. S'il n'est pas communicatif, c'est qu'il n'est pas, tout court. L'amour de Dieu est offert à tous, il doit être annoncé à tous. L'événement pascal, l'Alliance nouvelle, sont à tous. Avant même qu'ils ne soient rejoints concrètement, tous les hommes sont déjà concernés. Tous les hommes, tous les peuples, toutes les cultures sont invitées. Le mot Eglise signifie convocation et l'Eglise ne se réduit heureusement pas à l'Eglise visible et à son administration.

La troisième raison de l'importance de la mission, c'est la vie même de Dieu. Le Père aime ses enfants et pour cela c'est lui qui prend l'initiative de les rejoindre en envoyant des témoins. Il nous donne son Fils et notre mission correspond à la mission de Jésus. « Comme le Père m'a envoyé, moi aussi, je vous envoie ». Dans le jargon théologique, la mission correspond à la procession. Le Fils procède du Père et il est envoyé par le Père. L'Esprit procède du Père et du Fils et il est envoyé par le Père. A notre tour, dans le même dynamisme vital et amoureux, nous sommes envoyés. Et cela correspond à l'amour, à l'amour qui est au c½ur de Dieu, à l'amour qui est offert sans limite : « comme le Père m'a aimé, moi aussi je vous ai aimés ». « Comme le Père m'a envoyé, moi aussi je vous envoie ».

Etre envoyé, c'est être aimé. C'est être aimé au point d'être traversé par cette impatience partagée. C'est avoir la chance inouïe de communiquer l'amour, de transmettre la vie. C'est la chance, la grâce, d'être pleinement associé à ce qui fait la raison même de la venue du Verbe dans la chair, la venue de l'Emmanuel parmi nous. C'est la chance formidable de découvrir en acte, en le vivant, en l'apprenant, ce que c'est que de communiquer d'un c½ur vivant à un autre c½ur vivant. L'amour fait vivre, la vérité libère, la promesse donne d'espérer. L'Evangile donne d'espérer, parfois contre toute évidence, par delà même l'échec provisoire et le démenti de la mort. Etre chrétien, c'est ne plus jamais être tranquille jusqu'à ce que tous les hommes soient réconciliés.

Ne disons pas « toutes les religions se valent » si nous ne les connaissons pas. Toutes les religions ont une immense valeur, mais notre foi est au-delà de toutes les religions. Elle nous permet d'adorer en Esprit et en Vérité, dans la confiance et le c½ur à c½ur. Dieu nous a dit son nom et il s'est donné sans réserve, jusqu'à nous confier la responsabilité de l'annoncer.

Devant notre responsabilité de missionnaires, là où nous nous trouvons, il y a deux erreurs opposées. Celle d'en faire trop, au sens d'imposer, d'être des colonialistes sans respecter l'autre vraiment. Mais il y a aussi l'erreur opposée : celle de ne rien partager, de ne rien dire et de tout garder pour soi. Le trésor qui nous est confié, nous ne pouvons en vivre que si nous le communiquons. La parole ne se comprend que si elle est prononcée. L'amour ne se vit que s'il est avoué. Le Souffle de Pentecôte n'est donné que si l'on sort de la maison pour parler aux inconnus. Alors seulement on peut expérimenter ce que c'est que sortir de soi, ce que c'est, pour Dieu, que créer du non-dieu, que se communiquer aux hommes et se remettre entre leurs mains. Pour employer un mot contemporain, ce que c'est que déléguer.

Allez annoncez et baptisez au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit. Allez annoncer, Jésus ne nous dit pas comment ? Mais si ! Il le dit : allez sans rien emporter, ni bibliothèques ni comptes en banque remplis. Allez avec votre manque, avec votre maladresse, avec vos mots à vous. Mangez ce que l'on vous donnera. Allez pour recevoir, pas seulement pour donner. Et puis baptisez au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit. Accompagnez les hommes dans le passage vital, se déposséder pour se trouver, faire confiance à la vie, à la mort, à Celui qui est mort et ressuscité pour nous. Faites entrer toute l'humanité dans la danse, la danse de la musique de Dieu.

« Je suis avec vous pour toujours, jusqu'à la fin du monde ». L'histoire du monde se confond avec l'histoire d'un amour immense qui cherche à se communiquer.

Fête de la Sainte Trinité

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A, B, C
Année: 2005-2006

 

Mt, 28, 16-20

A l'Eucharistie, nous sommes accueillis par l'antique salutation (déjà utilisée par saint Paul) : " La grâce de notre Seigneur Jésus, l'amour de Dieu le Père, la communion du Saint-Esprit soient toujours avec vous" ( 2 Cor 12, 13) ; toutes nos prières y sont adressées au PERE par Jésus-Christ ton FILS.....dans l'unité du SAINT-ESPRIT... ; et à la fin, nous sommes renvoyés dans le monde avec la bénédiction :"Que Dieu tout-puissant vous bénisse : le Père, le Fils et le Saint-Esprit"

Ainsi tout le fruit du mystère pascal que nous venons de célébrer depuis le Jeudi-Saint jusqu'à la Pentecôte culmine dans cette révélation de l'identité de DIEU. Mieux encore : dans la communion à ce Mystère divin de la TRI-UNITE.

La finale de l'Evangile de Matthieu, lue ce jour, nous redit que cette Révélation n'est la joie de certains que pour devenir le bonheur de tous.

LA RENCONTRE DU RESSUSCITÉ

Au temps de Pâques, les 11 disciples s'en allèrent en Galilée, à la montagne où Jésus leur avait ordonné de se rendre.

Quand ils le virent, ils se prosternèrent mais certains eurent des doutes.

Le tombeau où le corps de Jésus a été déposé n'est pas un lieu de pèlerinage où viendraient pleurer les amis d'un prophète assassiné. Le désarroi devant la disparition de Jésus devient un appel : Jésus est ressuscité, il faut aller en Galilée, retourner au point de départ, là où l'aventure avait débuté, où ces hommes avaient été appelés et s'étaient mis à suivre Jésus, dans cette Galilée où se côtoient Israël et les Nations païennes. C'est chez soi que l'on recommence sa quête.

La scène des retrouvailles est toute simple, sans éclat ni fulgurance spectaculaire. Pas de merveilleux, d'extase, de tonnerre. Mais C'EST LUI VIVANT !!! Muets, les hommes tombent à genoux, dans l'attitude d'adoration. Et pourtant le doute tenaille certains. Car l'amour vrai ne peut contraindre. La foi n'est pas une science qui oblige à la certitude : elle reste toujours acte libre et les questions qu'elle éveille sont là pour inciter à la recherche, à la rencontre plus profonde, au contact plus intime. Jésus ne reproche pas à ses amis de l'avoir trahi : on ne revient pas en arrière. Seul importe l'avenir, l'½uvre à accomplir : trois phrases suffiront à dire l'essentiel.

UNE RÉVÉLATION

Jésus s'approcha d'eux et leur adressa ces paroles :

" Tout pouvoir m'a été donné au ciel et sur la terre".

Jésus étonnait en s'attribuant le titre mystérieux de "Fils de l'homme" : à présent il affirme qu'il est bien effectivement ce personnage évoqué dans la vision majestueuse du prophète Daniel. Celui-ci avait vu comme une symbolisation du déroulement de l'histoire : après la succession des empires monstrueux, sonnera le temps de la fin :

" Avec les nuées du ciel venait comme un Fils d'Homme. Il arriva jusqu'à l'Ancien (image du Dieu éternel)...Et il lui fut donné souveraineté, gloire et royauté. Les gens de tous les peuples le servent. Sa Souveraineté est une souveraineté éternelle qui ne passera pas ( Daniel 7, 13).

En retraite au désert où il méditait sur sa mission reçue au baptême, Jésus avait été tenté : le diable l'avait emmené (symboliquement) sur une haute montagne et lui avait proposé de lui donner la gloire de tous les royaumes de la terre "si tu te prosternes devant moi et m'adores" - c'est-à-dire si tu utilises mes procédés : mensonge, ruse, corruption, haine, armes... Jésus avait catégoriquement rejeté cette proposition et décidé d'accomplir sa mission dans la pauvreté, par la parole (qui laisse à l'autre la liberté), la fragilité et finalement la souffrance et la mort. Parce qu'il a été fidèle à son Père, maintenant celui-ci lui a donné la Souveraineté éternelle. C'est lui le juge de tous les peuples.

LA MISSION

"Donc allez ! ... De toutes les nations faites des disciples :

les baptisant au nom du PERE et du FILS et du SAINT ESPRIT

et leur apprenant à garder tous les commandements que je vous ai donnés"

La convocation près du Ressuscité devient provocation à rencontrer tous les hommes car Jésus est bien "le sauveur du Monde" et l'événement pascal le pivot de l'histoire universelle. Il n'y aura pas d'étape suivante. Jamais la science, l'art, la philosophie, la morale, le génie ne pourront réaliser ce que Jésus a fait. Aussi pour le bonheur des hommes, pour la réussite de l'histoire, il faut que ses disciples le DISENT, le racontent. Ils n'imposeront rien : ils proposeront. Ils ne convertiront pas tout le monde mais, parmi tous les peuples, dans toutes les classes sociales, ils "feront des disciples" comme eux-mêmes l'ont été. A l'écoute de l'Evangile, des personnes seront touchées, elles commenceront à "suivre Jésus", elles renonceront à leurs croyances et leurs préjugés pour s'attacher à lui.

-- Afin de marquer leur accueil, on les baptisera, on les plongera (c'est le sens du verbe "baptiser") dans la Vie du PERE, du FILS et de l'ESPRIT - formule qui sans doute est celle de la liturgie baptismale en usage dans les communautés de Matthieu. Daniel n'avait-il pas fait entendre que "LE FILS DE L'HOMME" était aussi "LA COMMUNAUTE DES SAINTS DU TRES HAUT" ? ( Dan 7, 18)

-- Ensuite on poursuivra un long et incessant travail de formation. La foi n'est pas inscription sur un registre, héritage familial, religion acquise une fois pour toutes. Le baptisé ne se croira pas chrétien à la communion solennelle ni même par l'observance de rites. La foi exige un don total, la perte des sécurités, l'apprentissage des m½urs évangéliques. Il faut du temps pour pratiquer les ordres de Jésus (il ne dit pas "conseils") : renoncer à soi-même, porter sa croix, pardonner 70 fois 7 fois, vivre les béatitudes des pauvres et des souffrants, partager ses biens.... La vie évangélique ne comporte rien de facultatif. Etre disciple est un honneur et aussi une tâche jamais finie.

LA PROMESSE SOLENNELLE

" Et moi, je suis avec vous tous les jours, jusqu'à la fin du monde"

La prophétie d'Isaïe, répétée lors de l'annonce à Joseph, est réalisée : " La vierge enfantera un fils auquel on donnera le nom d'EMMANUEL - ce qui se traduit DIEU AVEC NOUS" (Isaïe 7, 14 = Matth 1, 23). La nouvelle présence de Jésus aux siens ne sera plus dépendante de l'espace, perdue et retrouvée au gré des circonstances, mais incessante et inamissible. Jésus a averti les siens : " Vous serez haïs de tous à cause de moi" : dans les tempêtes des épreuves, les disciples garderont un courage indéfectible, sûrs d'être soutenus par Celui qui est Seigneur du monde...mais qui ne l'est devenu qu'en passant par la croix.

Le Corps et le Sang du Seigneur

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A, B, C
Année: 2005-2006

Mc 14, 12-26

Il y a quelques années déjà, il était venu témoigner de sa vie, de sa propre descente aux enfers, ceux de toutes les drogues possibles et imaginables. Avec beaucoup d'humilité, il nous racontait comment il avait pu, petit à petit, grâce aux nouveaux contacts qu'il nouait, remonter la pente. Il était très ému et beaucoup avait été touché par ses mots. Quelques semaines, plus tard son livre autobiographique était mis en vente et ce fut un véritable succès dans nos paroisses. Deux années se passèrent, puis il repris contact avec nous nous demandant si nous accepterions que lui et ses amis, sortis également tout droit de cet enfer, puissent venir exposer leurs peintures. Ils ne cherchaient pas spécialement à les vendre, ils avaient juste envie de nous les montrer. Un peu comme pour nous dire : vous voyez, malgré nos histoires teintées de moments plus sombres, nous aussi nous pouvons laisser exprimer ce que nous ressentons par le biais de l'art. Nous fûmes invités à aller les voir. Il suffisait de descendre les quelques marches de l'église conduisant à la salle. Beaucoup avait acheté le livre mais peu d'entre nous décidèrent de prendre quelques minutes de notre précieux temps pour rendre hommage à ces artistes en herbe, trop souvent blessés par la vie. En ce temps-là, il avait été plus facile de dépenser quinze euros que de donner cinq minutes de notre temps.

Même si nous n'avons pas personnellement participé à ces deux rencontres, nous pouvons quand même nous les faire nôtres. En effet, très souvent, et peut-être même trop souvent, il est plus facile de donner une piécette qu'un peu de son temps. Mais s'il en est ainsi nous ne donnons qu'une part de superflu de nous-mêmes. Nous ne donnons pas de nous-mêmes. Or le véritable don ne trouve-t-il pas sa source en nous ? Ne gardons-nous pas un meilleur souvenir du temps passé ensemble que d'un objet reçu ? Il est vrai qu'il n'est pas aisé de donner de soi car donner de soi peut nous rendre plus vulnérable. En effet, lorsque je donne une partie de moi, je m'expose à l'autre, je me dévoile d'une certaine manière et cela, je ne peux le réaliser que si je suis entré dans une relation de confiance. Confiance que l'autre m'acceptera tel que je suis. Confiance que l'autre n'utilisera pas cette face dévoilée contre moi. Confiance en la vie que le plus belle chose que nous pouvons offrir, c'est une part de nous-même. Nous sommes appelés à donner de nous. Non pas tout car il n'est pas possible de donner cette part mystérieuse qui fait partie intégrante de notre être. Donner de soi, c'est accepter de prendre le risque de la rencontre ou plus encore, c'est oser risquer d'aimer et de se laisser aimer. Le don de soi est donc bien le plus beau cadeau que nous puissions nous faire l'un l'autre lorsque la confiance et la recherche de vérité sont au c½ur de notre rencontre. S'il en est ainsi pour nous, il en va de même pour Dieu. Lui aussi, d'une certaine manière, a choisi de nous offrir non pas seulement une petite part de sa divinité mais toute sa personne par le don de son corps et de son sang. Il va au-delà de toute espérance. Il accomplit ce que, humainement, peu d'entre nous arrivent à réaliser : le don total de sa vie pour le bien des autres, pour l'humanité entière. Dieu se donne entièrement dans le mystère eucharistique que nous célébrons chaque fois que nous le pouvons. Il se donne mais d'une manière étonnante : il se donne en communion. C'est-à-dire qu'il ne cherche pas à offrir un don exclusif à l'un ou l'autre d'entre nous. Non, il a choisi de se donner à chacune et chacun de nous par le biais de cette communion partagée. Nous devenons ainsi ensemble ce que nous avons reçu : le corps et le sang du Fils. En plus de celui de la vie, il n'y a plus beau don à recevoir et à pouvoir partager. Dieu se donne et nous sommes invités à nous donner également tant à Dieu qu'à celles et ceux de qui nous nous faisons proches. D'une manière ou d'une autre, par ce don reçu, nous sommes conviés à devenir des êtres féconds durant cette traversée terrestre. Cette fécondité variera en fonction de nos choix et de nos réalités respectives. Certains d'entre nous ont choisi d'offrir à un autre le plus beau don qui soit : celui de la Vie. Puissions-nous rendre grâce à nos parents respectifs de nous l'avoir offert mais portons également dans nos prières toutes ces vies qui ont été offertes à la Vie et qui ont commencé leur chemin parmi nous puis s'en sont allées par elles-mêmes ou par le choix d'autres vers cet ailleurs qui nous est inconnu. Une vie, des vies ont été commencées. Elles nous ont quitté mais puissions-nous croire qu'elles se poursuivent aujourd'hui en Dieu dans le cloître des lumières où chacune est devenue un luminaire d'espérance.

Amen.

Le Corps et le Sang du Seigneur

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A, B, C
Année: 2005-2006

Dimanche passé, en la fête de Dieu Trois-en-Un, nous avons entendu les ultimes paroles de Jésus ressuscité à ses disciples : " Tout pouvoir m'a été donné...Allez...faites des disciples...baptisez-les...".

Et cet envoi se terminait par une promesse inconditionnelle :

" ET JE SUIS AVEC VOUS TOUS LES JOURS JUSQU'A LA FIN DES TEMPS".

 

Tout au long de son histoire, l'Eglise a souvent péché, elle n'a pas toujours obéi aux enseignements du Christ mais jamais cette Présence de son Seigneur ne lui a manqué. Invisible mais réelle, cette Présence l'a toujours soutenue, relevée, purifiée, réconfortée.

C'est de cette Présence, de cette Victoire du Christ sur la mort, qu'elle doit témoigner - et non de ses travaux et de ses réalisations à elle.

JE SUIS AVEC VOUS = L'EUCHARISTIE DOMINICALE

Cette Présence se manifeste au maximum lorsque, le dimanche (jour de la résurrection de Jésus), des personnes de toutes origines et de toutes classes sociales quittent leurs domiciles particuliers pour se rassembler, écouter la Parole de Dieu, se nourrir du Pain du Christ, chanter et prier dans l'élan de l'Esprit.

Oh certes elle est parfois bien pauvre, notre messe du dimanche, usée par la routine, ennuyeuse avec ses formules figées, fastidieuse avec ses cantiques trop connus.

Et pourtant elle reste bien "l'épiphanie", la manifestation évidente de la réussite du projet de Dieu accompli par son Fils. Car si Jésus a accepté - avec horreur - de mourir sur une croix, si, quelques heures avant son supplice, il a institué l'Eucharistie, c'est bien pour unir les hommes dans la paix de Dieu. Et cette union doit se voir.

Telle fut son ultime prière :

" Père, que tous soient UN comme Toi et Moi nous sommes UN...qu'eux aussi soient UN afin que le monde croie que tu m'a envoyé" ( Jean 17)

Jésus n'a pas dit que la mission dépendait du dévouement de Pierre, du courage de Barthélemy, de l'ascèse de Jacques, de la mystique de Jean... : il a assuré que les hommes seraient conduits à la foi en voyant réalisée l'unité entre disciples si divers.

Et où apparaît d'abord cette unité ?... sinon lorsque, abdiquant leur égoïsme, renonçant à tout racisme, heureux de juxtaposer leurs différences et cessant de se fier à leurs ½uvres individuelles, des disciples sortent de leur vie privée pour constituer une assemblée, une existence communautaire, un CORPS dont le Christ est la TETE et eux les MEMBRES.

L'affirmation que Jésus est ressuscité (c½ur de la foi) n'est pas un dogme à asséner à des esprits incrédules, ni une conviction privée, ni la caution d'une vie morale impeccable. Elle cesse d'être une phrase mystérieuse et incroyable lorsque, convaincus d'être des morts s'ils restent séparés les uns des autres, les chrétiens se laissent reconstituer en CORPS VIVANT en disant ensemble AMEN à l'Evangile et en partageant le Pain du Christ leur Seigneur présent.

Selon la superbe formule utilisée au Moyen-Age et reprise par Jean-Paul II dans son ultime encyclique :

" L'EGLISE FAIT L'EUCHARISTIE

ET L'EUCHARISTIE FAIT L'EGLISE "

Voilà pourquoi l'hémorragie de nos assemblées depuis quelques dizaines d'années, la désaffection des jeunes et d'une multitude de baptisés est un fait extrêmement grave.

Non que ces gens soient devenus des vauriens. Beaucoup en effet sont honnêtes, serviables, certains militent pour les droits de l'homme et la justice dans le monde ; ils avouent même qu'ils prient en secret, demandent le baptême pour leurs enfants et, naturellement, en cas de décès d'un parent, un enterrement religieux !...Mais la messe leur paraît vaine et inutile.

Et par ailleurs nous ne prétendons pas que "les pratiquants" sont des modèles de vertu et des héros de la foi, que les cérémonies sont poignantes, et la prédication toujours intéressante.

Mais nous voulons faire ce que les chrétiens faisaient à Jérusalem avec Pierre et à Corinthe avec Paul : obéir au Seigneur Jésus qui a promis sa présence et qui a affirmé :

"Je suis le Pain de la Vie....

Le Pain que je donnerai, c'est ma chair donnée pour que le monde vive.

Si vous ne mangez pas la chair du Fils de l'Homme et si vous ne buvez pas son sang, vous n'aurez pas la Vie en vous. Car ma chair est vraie nourriture et mon sang vraie boisson. Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi en lui..."

.( Jean 6 )

Saint Jean note que tout de suite après ces déclarations choquantes, la plupart des disciples cessèrent de suivre Jésus. L'eucharistie a toujours été et sera toujours la pierre d'achoppement. La tentation revient sans cesse de rabattre la foi sur le plan moral de la bonne volonté et du dévouement individuel ...ou de l'évacuer dans le ciel des belles idées, de la piété inefficace, de la superstition.....

Un vieux chrétien aveugle me confiait un jour : " Pour moi la messe n'est pas obligatoire : elle est indispensable ".

Oui, nous ne nous rassemblons pas le dimanche "parce que c'est obligatoire" ou pour éviter un gros péché mais parce que nous imitons nos ancêtres dans la foi. Lorsque saint Luc trace le portrait sommaire de la première Eglise née à Jérusalem autour des Apôtres, il énumère les quatre activités fondamentales qui la constituent :

"Ils étaient assidus à l'enseignement des apôtres et à la communion fraternelle,

à la FRACTION DU PAIN et aux prières"

( Actes des apôtres 2, 42)

Ils ne se lamentaient pas sur la croix ni ne pleuraient la disparition de Jésus : ils étaient convaincus qu'en se réunissant le premier jour de la semaine et en partageant le Corps eucharistique du Christ, ils devenaient sa Présence ecclésiale.

La Joie qu'ils expérimentaient en communiant était le signe que Jésus était vivant et elle était tellement communicative qu'en dépit des persécutions ils fondèrent partout de nouvelles communautés. Lesquelles, à leur tour, ne tenaient qu'au foyer de l'Eucharistie partagée. Il en va de même aujourd'hui.

Mercredi des Cendres

Auteur: Collin Dominique
Année: 2005-2006
2 Co 5, 20 - 6, 2 Dans certaines abbayes, autrefois, était gravée sous les horloges, cette inscription latine : Ultima forsan, la dernière peut-être. Vous allez trouver que cette formule est bien peu réjouissante et qu'elle s'accorde finalement bien avec l'impression de gravité, voire même de tristesse qu'on doit adopter quand arrive le carême. Mais il n'en est rien. Ultima forsan, la dernière peut-être, souligne que chaque heure qui passe n'est pas un dû, mais un don, un cadeau de la part de Dieu. Cette heure, ce moment présent est le signe, le plus discret, de la bonté de Dieu envers nous : il nous donne le temps. Il nous donne le temps de le chercher, car il n'habite pas les évidences et les affirmations. Il nous donne le temps de nous tromper, de passer par les échecs et les difficultés, étrangement aussi par le mal et le péché. Il nous donne surtout le temps de la conversion, c'est-à-dire du choix renouvelé en faveur de la vie et de l'amour, en faveur de la paix et du pardon. C'est le sens de l'appel de Paul aux Corinthiens que nous venons d'entendre : Au moment favorable, je t'ai exaucé, au jour du salut je suis venu à ton secours. Or, c'est maintenant le moment favorable, c'est maintenant le jour du salut. Le temps n'est donc pas ce que nous subissons, même si, psychiquement, c'est souvent ainsi que nous le vivons : le temps nous manque, nous presse de toute part, il nous agite et il nous stresse, il nous fatigue et ne nous donne pas le temps de vivre, de rêver, de prier, d'aimer. Il nous laisse exsangues, lessivés, défaits. Pourquoi ? Parce que nous voulons le maîtriser, l'enchaîner. Nous croyons que le temps est une pure invention humaine. Il doit donc rester à notre service. Or, c'est nous qui sommes à son service. Le serviteur est devenu plus grand que son maître. Nous sommes invités, en ce temps de carême, à changer notre regard sur le temps et à le redécouvrir pour ce qu'il est réellement : le visage pour nous de l'éternité, le visage pour nous de Dieu. Nous véhiculons une idée de l'éternité aussi étriquée que celle que nous avons du temps, car les deux sont liés. Nous croyons que l'éternité est l'absence de temps, qu'elle est pour plus tard, au paradis. Et nous en avons une idée d'ennui : L'éternité, c'est long, surtout à la fin, selon le mot amusant de Woody Allen ! Mais non, le temps que nous vivons, maintenant est le visage de l'éternité pour nous, c'est la manière qu'a l'éternité de nous rejoindre, c'est l'éternité qui se dépose dans le temps et nous donne ainsi la seule possibilité de goûter le temps de Dieu. Le temps de Dieu se donne et se dépose dans le temps des hommes : visage d'un homme, Jésus, venu de Dieu et qui ne cesse jamais de nous inviter à le rejoindre, aujourd'hui. Le temps nous est donc offert de la part de Dieu, c'est même son plus beau cadeau : cette heure-ci, la dernière peut-être est la plus grande délicatesse d'un Dieu patient. D'un Dieu qui sait qu'on ne fait rien de grand et de profond sans enracinement, sans cheminement. Il y a donc une sagesse à redécouvrir le don du temps. Et il n'y a pas besoin de courir vers les philosophies orientales, aussi riches soient-elles, le christianisme nous apprend que le temps est le visage pour nous de l'éternité. Alors, il nous faut le recevoir avec un c½ur renouvelé car il est temps, cette heure est la dernière peut-être. Et quand celle-ci arrivera, puissions-nous avoir assez de foi pour la croire déjà gorgée d'éternité !