3e dimanche de Pâques, année B

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : B
Année: 2005-2006

Lc 24, 35-48

Elle s'en était allée sur la pointe des pieds, comme elle avait toujours vécu. Sans déranger personne. Ses funérailles furent recueillies et empreintes d'émotion et surtout d'espérance. Il faut dire que sa foi avait toujours été grande. Elle était parvenue à la transmettre à ses enfants et ses petits-enfants. Avec aisance et simplicité, elle aimait leur parler de Dieu. C'était tellement naturel pour elle qui vivait cette intimité divine de manière quotidienne et sans doute, plus encore, depuis le décès de son mari, il y a quelques années déjà. Elle l'avait rejoint en toute confiance et reposait auprès de lui dans le petit cimetière du village. Quelques jours après l'enterrement, ses enfants se retrouvent dans la salle attenante au bureau du notaire écoutant la lecture du testament. Soudain, c'était comme un tonnerre puis un éclair et voilà qu'elle se retrouve au milieu d'eux assise sur la chaise qui était restée libre. Elle les regarde et sourit comme à son habitude. Le notaire et les enfants sont pris de stupeur, effrayés, se demandant s'ils n'étaient pas tous entrés dans un même délire collectif. Puis elle leur parle : « oui, c'est bien moi, je suis juste revenue quelques instants pour vous dire que tout va bien de l'autre côté de la vie et que je vous y attends toutes et tous dorénavant ». Sur ces mots, elle repart comme elle était venue. Les autres, laissés seuls dans la pièce, restent stupéfaits. Ils ne savent plus quoi penser. Ils n'en croient pas leurs yeux et leurs oreilles. C'est impossible. Personne ne peut revenir ainsi de la vie éternelle. Ils sont bouches bées, sans voix. Ils viennent de faire l'expérience de l'indicible de la Résurrection.

Et si cette histoire nous était arrivée à chacune et chacun de nous. Ne serions-nous pas également pris de stupeur ? N'aurions-nous pas l'impression d'avoir eu des hallucinations alors que nous sommes à jeun ? Arriverions-nous à croire une telle histoire si nous ne l'avons pas vécue nous-mêmes ? Ces questions nous permettent alors d'avoir un peu d'indulgence et de compassion pour les disciples qui viennent de vivre une telle expérience car nous n'aurions sans doute pas réagit différemment d'eux. Il n'y a pas de mots pour décrire ce qui est de l'ordre de la Résurrection. Comme l'écrivait un jour un poète, la Résurrection explose dans un silence qui ne peut se comprendre qu'en Dieu. Nous nous trouvons donc ainsi bien démunis face à ce mystère. Aucune certitude, juste une espérance et surtout une confiance dans l'expérience vécue par le Christ. Alors plutôt que d'essayer de vouloir comprendre rationnellement le mystère de la Résurrection, ne pourrions-nous pas revenir à nous et inverser la dynamique. Nous sommes face à la Résurrection comme nous le sommes face à Dieu. Puisque je ne peux pas dire qui est Dieu, je peux me poser la questions suivante : qui suis-je devant Dieu ? La compréhension de mon propre mystère me permettra d'entrer petit à petit dans celui de Dieu. S'il en est ainsi pour Dieu, nous pouvons faire une parallèle avec la Résurrection : puisque je suis incapable de dire ce qu'est la Résurrection, je peux alors me demander ce que la Résurrection signifie pour moi ou en d'autres termes : qui suis-je face à la promesse de ma propre résurrection ? Comment est-ce que je me situe face à cette espérance ? Ai-je envie d'y croire et si oui, en quoi cela va-t-il changer ma vie maintenant ? A ces questions, je ne puis répondre à votre place. Ce que je crois, c'est simplement que la confiance en la Résurrection me fait prendre conscience que la mort nous la traverserons pour nous retrouver en présence de ce Dieu qui vit déjà en nous par l'Esprit. Cette confiance est une invitation constante à vivre intensément notre vie terrestre car elle est la première étape vers la vie éternelle. La Résurrection est non seulement celle des morts mais aussi celle des vivants. Par essence, nous sommes des êtres résurrectionnels. Comment en être sûrs ? se demandent sans doute certains. La certitude de la résurrection vient en vivant sa vie aujourd'hui. Soyons alors toutes et tous des êtres ressuscités.

Amen.

3e dimanche de Pâques, année B

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : B
Année: 2005-2006

Pourquoi nous étonner que, même dans nos pays de vieille tradition chrétienne, la foi en la résurrection soit inacceptable à la majorité, qu'un certain nombre de pratiquants avouent ne pas y croire, et que bien des fidèles demeurent encore incertains devant ce fait ? Oui la foi en la résurrection est difficile et, pour le 3ème dimanche consécutif, l'évangile reconnaît que les apôtres eux-mêmes eurent bien de la peine à l'accepter.

Et pourtant...voilà des hommes et des femmes qui avaient suivi Jésus pendant des mois sinon des années, avaient écouté ses prédications, assisté à ses guérisons miraculeuses, reçu des enseignements en privé où il leur révélait qu'il serait refusé, haï et finalement mis à mort avant de ressusciter....Et lorsque, ce matin de Pâques, quelques femmes du groupe étaient revenues en toute hâte du tombeau qu'elles venaient de découvrir vide et où deux hommes (des anges ?) leur avaient affirmé que Jésus était ressuscité comme il l'avait prédit : ces pauvres messagères avaient été reçues avec des moqueries : "Délire de femmes !". Pierre avait quand même voulu se rendre compte : il avait vu le tombeau vide...et était reparti tout perplexe. Et puis deux disciples qui, complètement découragés, avaient quitté Jérusalem pour retourner à leur village d'Emmaüs, étaient tout à coup revenus en pleine nuit prétendant qu'ils avaient été rejoints par un voyageur inconnu qui leur avait fait comprendre le sens de la croix et, à la maison, ils l'avaient reconnu "à la fraction du pain" : c'était Jésus !??

JESUS VIVANT AU MILIEU DES DISCIPLES

Tout le groupe est en train de débattre avec passion de la vérité ou non de ces événements et subitement Jésus est là au milieu d'eux (c'est l'évangile d'aujourd'hui). Il leur offre la Paix et les presse de regarder ses mains et ses pieds. Il assure :" Oui c'est bien MOI !". Il va même jusqu'à manger un morceau de poisson sous leurs yeux ...Et en dépit de tous ces messages, événements et apparitions, saint Luc souligne avec force combien les disciples peinent à accueillir le mystère :Ils sont terrifiés, remplis de crainte...ils pensent voir un fantôme (verset 37) ; ils sont bouleversés, secoués comme la mer par la tempête...leurs têtes agitent mille objections (v.38)...Malgré leur joie, ils demeurent incrédules, stupéfaits (v.41).

Quelle erreur de penser que les apparitions rendent la foi plus facile !

RELIRE LES ECRITURES

Qu'est-ce qui, enfin, va dissiper leurs doutes, vaincre leur résistance ? : non une manifestation de puissance mais le rappel de ce que Jésus leur avait dit en chemin et la relecture des Ecritures. A trois reprises dans ce chapitre 24 de la résurrection, Luc le répète :

Au tombeau, deux hommes parlent aux femmes :

Pourquoi cherchez-vous le Vivant parmi les morts ? Il n'est pas ici, mais il est ressuscité. Rappelez-vous comment il vous a parlé quand il était encore en Galilée : Il disait : Il faut que le Fils de l'Homme soit livré aux mains des hommes pécheurs, qu'il soit crucifié et que le 3ème jour, il ressuscite""

Sur la route d'Emmaüs, le voyageur dit aux deux disciples :

" Esprits sans intelligence, c½urs lents à croire tout ce qu'ont déclaré les prophètes : ne fallait-il pas que le Christ souffrît cela pour entrer dans sa gloire ?" Et commençant par Moïse et tous les Prophètes, il leur expliqua dans toutes les Ecritures ce qui le concernait.

Et enfin ici, à l'adresse de tout le groupe, le Ressuscité résume :

Voici les paroles que je vous ai adressées quand j'étais encore avec vous : il faut que s'accomplisse tout ce qui a été écrit de moi dans la Loi de Moïse, les Prophètes et les Psaumes.

Alors il leur ouvrit l'intelligence pour comprendre les Ecritures...

Dans ses trois parties (Loi, Prophètes, Ecrits), ce que nous appelons la Bible, l'Ancien Testament, fait entendre que le projet de salut de Dieu réussira...mais pas à la manière somptueuse, triomphante, nationaliste que tant de Juifs imaginaient. Oui, le FILS DE L'HOMME recevra effectivement la Royauté universelle des mains de Dieu son Père (comme l'annonçait le prophète Daniel, chap.7) mais il ne le fera qu'en étant, en même temps, le SERVITEUR SOUFFRANT dépeint par Isaïe (Isaïe 53). Oui, le Messie sera le Libérateur attendu mais il n'usera pas d'armes et de violence, comme l'espéraient les gens de la résistance et au contraire, il sera combattu par les Puissants ainsi que, par exemple, le Psaume 2, l'annonçait : " Les rois de la terre s'insurgent et les grands conspirent entre eux, contre le Seigneur et son Messie..."

Dans son second livre, les Actes des Apôtres, saint Luc montrera comment les apôtres ont enfin compris la manière de lire que Jésus leur avait apprise et ils tenteront de convaincre leurs frères juifs en démontrant ( ?), par le recours aux Ecritures, que Jésus est bien le Messie attendu.

" L'économie de l'Ancien Testament avait pour raison d'être majeure de préparer l'avènement du Christ Sauveur du monde et de son royaume messianique, d'annoncer prophétiquement cet avènement...( Vatican II - La Révélation § 15)

La vie chrétienne ne trouve et ne garde son authenticité que par la perpétuelle re-lecture des Ecritures qui fait comprendre la pâque, le "passage" nécessaire ( "Il faut" ) à la Vraie Vie par la mort.

" L'ignorance des Ecritures, c'est l'ignorance du Christ" ( St Jérôme)

NOUS SOMMES LES TEMOINS DE PÂQUES

La scène de reconnaissance de Jésus s'achève par l'annonce de la mission :

Jésus conclut : " C'est bien ce qui était annoncé par l'Ecriture : les souffrances du Messie, sa résurrection d'entre les morts le 3ème jour et la conversion proclamée en son nom pour le pardon des péchés à toutes les nations, en commençant par Jérusalem.

C'est vous qui en êtes les témoins.".

Remarquons que tous les disciples -et pas seulement les 11 apôtres-ont à témoigner. Non, comme on l'insinue souvent, par le rayonnement d'une perfection silencieuse pas plus que par des catalogues de préceptes moraux, la splendeur des édifices ou l'efficacité des ¼uvres. L'objet du témoignage restera toujours : "Jésus est mort sur la croix et il est ressuscité". Il s'agit donc d'un message - qui se proclame - qui ne peut être dit que par des gens qui ont eu l'expérience de la rencontre de Jésus vivant. Il a de soi une destination universelle et concerne tous les êtres humains jusqu'à la fin des temps. La Bonne Nouvelle de Pâques provoque "la conversion", le changement radical de vie. La relecture des Ecritures ouvre l'intelligence sur la foi dans le Ressuscité, rend le "c½ur brûlant", et en même temps fixe les regards sur les plaies du Crucifié. Trop souvent l'Eglise a préféré une "théologie de la Gloire" à une "théologie de la Croix" (répétant le même aveuglement qu'Israël). Seule une Eglise qui a vénéré la Croix du Vendredi-Saint peut célébrer la Joie de Pâques en vérité.

Et seul l'Esprit-Saint, que nous attendons et que nous supplions de venir, nous permettra de remplir cette mission

3e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2005-2006

Le pauvre homme. Quelle gifle, il a du prendre dans la figure quand il a constaté que ses deux garçons l'abandonnaient pour suivre cet inconnu. Pourtant depuis qu'ils étaient tout petits, il leur avait toujours dit et répété : « ne partez jamais avec quelqu'un que vous ne connaissez pas. Si quelqu'un vous donne un bonbon, ne l'acceptez pas ». Et voilà qu'il aura suffit d'un regard et de quelques mots pour mettre par terre des années d'éducation. Cet homme mérite vraiment notre compassion. Il est clair que si cet événement c'est vraiment produit de la sorte, Jésus devait avoir un sacré sens de la persuasion ou une aura telle qu'il était impossible de résister à son appel. Quoiqu'il en soit, ces premiers disciples ont mis toute leur confiance en lui pour le suivre. Ils ont ainsi reçu une mission qui, depuis lors, se transmet de générations en générations lors de la célébration de notre baptême.

Nous aussi, aujourd'hui, nous sommes appelés par le Christ à devenir des pêcheurs d'hommes et de femmes, c'est-à-dire des croyantes et croyants qui par la simple force de leur foi dans leurs actes et leurs paroles en arrive à convaincre celles et ceux qu'ils rencontrent que la foi en ce Dieu qui se révèle par l'Esprit dans le Christ vaut vraiment la peine d'être vécue. Nous pourrions nous contenter d'une foi purement personnelle. Il s'agirait alors d'une relation d'amour entre Dieu et nous. Elle se vivrait dans notre c½ur et serait de l'ordre de notre intimité la plus profonde. Comme si la foi était une relation qui allait de nous à nous, c'est-à-dire qu'elle reste en nous. Une telle attitude va à l'encontre de toute forme d'expression amoureuse. Lorsque nous aimons notre regard se transforme, nous sommes plus attentifs aux mots que nous utilisons, nous nous émerveillons face à la personne aimée tellement elle semble pouvoir combler un ensemble de nos manques personnels. Les amoureux, ils se distinguent des autres. Cela se voit. Il suffit d'ailleurs de peu : un bref regard échangé, une main qui se glisse dans une autre, un ensemble de petites attentions qui change le cours de la vie. Et si nous ne sommes pas aveugles, nous voyons ces gestes de tendresse auprès de nos enfants, de nos parents, de couples d'amis. L'amour entre deux êtres se dévoile dans la réalité de nos vies.

S'il en est ainsi alors, qu'en est-il du rayonnement de notre relation avec Dieu. Celles et ceux qui croisent notre route sont-ils à même d'affirmer après quelques minutes, celui-là ou celle-là, ils doivent certainement croire vu leur façon de vivre leur vie, de parler des autres, d'être attentionné à la beauté de la création ? Avons-nous des visages et des corps de croyants ? Sommes-nous, comme Socrate, attentifs à tout ce que nous disions des autres soit vrai, utile et bon ? S'il en est ainsi, nous approchons de la vraie sagesse. Toutefois, le Dieu auquel nous croyons ne semble pas se satisfaire de cette sagesse uniquement. Non seulement nos paroles et nos actes doivent être vrais, utiles et bon mais ils doivent s'enraciner dans la source de toute vie, c'est-à-dire dans l'amour. En effet, c'est lorsque tout ce que nous disons et faisons trouvent leur enracinement dans l'amour de tout être humain et dans le respect de la différence que nous pouvons à notre tour devenir des pêcheurs d'hommes et de femmes. Comment faire ? Il suffit de mettre en pratique la théologie du supermarché. Elle est éminemment simple. La prochaine fois que nous faisons nos courses dans un grand magasin, en fait cela fonctionne aussi pour une petite boutique, je vous invite à regarder celles et ceux qui mettent les produits dans les rayons, celles et ceux qui servent au rayon des produits frais ainsi que les caissières et les caissiers. Non seulement les regarder mais se dire que Dieu vit en chacune et chacun de ceux qui sont entrain de nous servir. Si j'accepte que Dieu est en moi, je dois avoir l'humilité de reconnaître qu'il a choisi d'habiter en tout être humain quelle que soit sa condition physique, culturelle ou sociale. Dieu est en chacune et chacun de nous. Si nous sommes capables de reconnaître cette évidence et d'en vivre, nous deviendrons de véritables pêcheurs d'hommes et de femmes car nous vivrons avec cette conviction intime que Dieu se révèle à nous de la sorte. Mon regard sur les autres se transformera et nous aurons alors sur nous les vrais visages des croyantes et croyants qui vivent pleinement leur foi dans l'émerveillement de l'autre par le Tout-Autre. Amen.

4e dimanche de Carême, année B

Auteur: Van Aerde Michel
Temps liturgique: Temps du Carême
Année liturgique : B
Année: 2005-2006

 

Jn 3, 14-21

Pas de souci ! Bruxelles, Finistère, 25-26 mars 06 Ep 2, 4-10 « Le salut ne vient pas de vous, il est un don de Dieu ; il ne vient pas des ½uvres, car nul ne doit pouvoir se glorifier. » Jean 3, 14-21 « Dieu n'a pas envoyé son Fils dans le monde pour juger le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui. »

Il y a une petite expression bien sonore, toute nouvelle, qui s'est glissée dans notre langage et qui jaillit de plus en plus souvent dans nos salutations comme un chant de canari. En français, on dit « Pas de souci », en anglais « No stress », cela rime avec tendresse et politesse. C'est un cadeau que l'on se fait comme une caresse d'âme pour calmer l'angoisse. « Pas de souci, ne vous inquiétez pas, tout va bien, no stress ! S'il vous plaît ! Soyez en paix ! »

Mais vous le devinez, est-ce que l'on répèterait cette formule à tout bout de champ si l'on n'en avait pas besoin, si l'on n'était pas stressé justement, si l'on parvenait à se reposer vraiment ? Notre civilisation active, pressée, transpire d'angoisse, d'inquiétude et de peur. Que faire pour survivre, vais-je pouvoir m'en sortir ? S'il fallait trouver un titre pour résumer ce que je retiens de la Parole qui résonne aujourd'hui, je choisirais donc cette expression nouvelle et amicale : « pas de souci ! » Pas de souci, nous dit Jésus : Reposez-vous. « N'ayez pas peur ! » Je gère ! J'assume, je le prends sur moi.

Saint Paul le dit aussi à sa manière : « Le salut ne vient pas de vous ». Le mot « salut » ne nous dit plus rien car nous ne pensons ni à l'enfer ni au paradis, s'est pour aujourd'hui que nous avons peur de tout simplement couler et d'être perdus. Mais le salut, pour Dieu, c'est tout l'homme et cela commence maintenant. Donc pas de souci : bonne nouvelle ! Enfin quelque chose qui ne dépend pas de nous ! Nous faisons des efforts de Carême (vous du moins, parce que je vous confesse que je n'en fais pas plus que d'habitude et j'ai déjà beaucoup de mal...) mais ces petits efforts n'ont aucune importance en eux-mêmes ! Le salut ne vient pas de nous. Il nous est offert, inconditionnellement : Pas de souci !

Le bon pape Jean XXIII méditait dans une nuit d'insomnie, et voici que la lumière lui vient : « Que tu es bête, Angelo, que tu es bête ! Ce n'est pas toi qui diriges l'Eglise, c'est le Saint Esprit ! » Nos préoccupations seraient-elles plus importantes que celles du Pape lui-même ? Pas de souci ! Faites confiance au Saint Esprit ! Notre péché n'est-il pas surtout le manque de foi, c'est-à-dire de confiance ? « Le parfait amour bannit la crainte ». Alors pourquoi nous effrayer ? La vie est difficile et ce que je dis ne va pas la changer superficiellement mais profondément. Voici qu'à l'opposé de ce monde de compétition, de sélection et d'exclusion, l'assurance d'une solidarité divine nous est donnée. Une assurance vie gratuite et garantie. Une assurance vie éternelle, pour la vie spirituelle, pour l'essentiel. Ce salut ne s'achète pas, il se reçoit.

Peut-être pensez vous que j'exagère en disant qu'il se reçoit. Il est vrai que le rapport entre la foi et l'action a été un sujet très débattu. Catholiques et Protestants se sont étripés à propos de la question des ½uvres et de la foi. Depuis, le pape Jean Paul II, réhabilitant Martin Luther, a bien précisé qu'en fait nous étions tous d'accord. La question était mal posée. En effet, comment pourrait-on croire sans chercher, du même coup, à s'ajuster à ce que l'on croit ?

Il est clair que nous serons toujours en dette et que nous ne pourrons jamais rendre tout ce que nous avons reçu. Mais en est-il question ? Où est le problème ? Le Dieu de Jésus-Christ serait-il un banquier qui demanderait remboursement avec les intérêts ? Ce qu'il a donné, il l'a vraiment donné. Il est même prêt à donner plus encore pour que nous soyons dans la joie. « Demandez et vous recevrez ». Il nous fait un chèque en blanc. Je vous encourage donc à demander le maximum, c'est-à-dire pas seulement un beau pantalon ou une nouvelle machine à laver la vaisselle, mais Dieu lui-même : rien moins que son Esprit, sa Vie, sa force, son Amour.

Voilà pour les donc reçus. Réciproquement, si nous accueillons à plein l'amour de Dieu offert si généreusement, comment notre vie n'en serait-elle pas transformée ? Comment la foi ne nous conduirait-elle pas à l'espérance, à l'amour et donc à l'action ? Opposer la foi, la confiance, et le comportement, c'est un peu comme opposer l'arbre à son fruit, cela n'a pas de sens car tout va ensemble.

Penser s'en sortir tout seul, c'est rester enfermé sur soi. La sortie, le salut et la vie, c'est entrer en relation justement, entrer dans la confiance et dans l'amitié. Alors, de n'être plus seul nous dynamise et nous fait rayonner.

Avoir confiance, ne plus avoir peur, ne plus être stressé, nous remet sur pieds comme le paralytique guéri et pardonné, qui va jusqu'à prendre son brancard pour le porter à bout de bras.

Le salut, c'est la vie, la vie en abondance, c'est-à-dire le contraire de la vie solitaire. C'est la vie en communion, la vie en amitié, les grands projets et la force de les accomplir.

Pas de souci ! « J'ai vaincu le monde ! » Jésus a ouvert ce qui était fermé, replié, séparé. Il a ouvert les yeux, ouvert les mains, ouvert les oreilles, ouvert le c½ur. Il a même ouvert les tombeaux. Rien ne devrait plus nous faire peur, rien ne devrait plus nous arrêter. Le stress peut stimuler mais, en excès, il paralyse, c'est comme la culpabilité : en clignotant, comme indicateur, c'est excellent mais il faut mesure garder. Alors aujourd'hui, faisons un pas, franchissons un seuil, décidons de croire que nous sommes aimés inconditionnellement, pour de vrai, accueillons cette nouvelle ne serait-ce qu'un tout petit peu, pour aujourd'hui et pour demain. Nous serons surpris, en bien, alors : Pas de souci !

 

4e dimanche de Carême, année B

Auteur: Braun Stéphane
Temps liturgique: Temps du Carême
Année liturgique : B
Année: 2005-2006

En ce 4è dimanche de carême, Jean nous rappelle cet épisode du serpent, raconté au livre des Nombres de l'AT., pour en faire le rapprochement avec le symbole de la croix.

Le peuple hébreu errait dans le désert, sans horizon, sans repères, il tournait en rond et se retrouvait sur ses anciennes traces. Où est cette terre, promise par Dieu, vers la quelle doit nous conduire Moïse ? "Pourquoi nous avez-vous fait quitter l'Egypte ? disaient-ils. Pour nous faire mourir dans le désert ? Il n'y a ici ni pain ni eau et nous sommes dégoûtés de la manne, cette nourriture de misère"

Le livre des Nombres nous raconte alors que Yahvé, pour punir son peuple du manque de confiance, lui envoya des serpents venimeux qui décimèrent rapidement les rangs hébreux.

Le peuple se tourne alors vers Moïse pour qu'il supplie Yahvé d'éloigner ces serpents. Dieu dit alors à Moïse de couler un serpent en bronze et de l'accrocher en hauteur au dessus d'un poteau pour que le peuple puisse se mettre devant lui, le regarder, reconnaître son manque de confiance, sa faute, et par cette démarche, être guéri de la morsure et du venin du péché. Ce serpent de bronze est donc tout le contraire d'une idole, d'un faux dieu. C'est le rappel du serpent de la Genèse qui renvoie l'homme à sa véritable destinée qui est le long et exigeant chemin de la relation, de l'amour. Le serpent de bronze est un miroir qui renvoie à l'homme sa véritable image, non pas dans un paradis avec tous les fruits, toute la connaissance a portée de main, tout de suite, mais sur le long chemin de la confiance à Dieu qui conduit à la connaissance de Dieu.

Regarder vers le serpent au dessus de son mât, c'est prendre de la hauteur pour être capable de voir nos propres traces qui tournent en rond, n'ont plus d'objectifs et se perdent dans la banalité des sables de nos déserts, c'est prendre de la hauteur pour voir plus loin, l'horizon de la terre promise et sortir du cercle infernal, du venin mortel qu'est le péché du manque de confiance, en soi, dans les autres ou en Dieu.

En reliant l'image du serpent de bronze de l'AT. à celle du Christ sur la croix, Jean nous met déjà dans ce chemin vers Pâques, debout devant la croix comme les Israélites devant le serpent dans le désert.

Jean nous dit dans l'évangile : "De même que le serpent de bronze fût élevé par Moïse dans le désert, ainsi faut il que le fils de l'homme soit élevé, afin que tout homme qui croit en lui obtienne la vie éternelle."

Le serpent de bronze, en renvoyant l'homme à la prise de conscience de son péché, le guérissait du venin dans son corps. Le Christ, par sa mort, nous entraîne à sa suite, malgré tout le poids de nos manques d'amour, non pas dans la guérison physique mais dans la vie éternelle. C'est cela la grâce qui nous sauve si nous y croyons. Alors, qui suis-je devant ces représentations du Christ souffrant cloué sur une croix ? De qui et de quoi ces crucifix sont ils pour moi le signe ?

Je préfère à ces images de tristesse peintes ou sculptées, la simple croix plantée ou sommet d'une montagne. Celle dont l'approche est difficile et me fait souffrir dans mon corps, celle surtout qui me dynamise, qui me montre le chemin et m'attire vers le sommet en plein soleil, cette lumière dont parle l'évangile. C'est la croix au pied de laquelle, je me sens tellement petit, émerveillé et plein de projets dans l'immensité qui m'entoure et m'attend. Se tourner vers la croix, c'est se mettre en face de son destin. C'est voir la croix avec un miroir en arrière plan.

"C'est vrai, Seigneur Jésus, que je suis faible et fragile. Je reconnais que mes lâchetés et trahisons ont conduit ton corps à la mort. Mais je crois aussi que malgré mes faiblesses tu me fais l'immense confiance de me confier ton relais. Par ta mort, c'est ta place que tu me demandes de prendre. En me demandant seulement d'aimer, c'est la vie de Dieu que tu me confies." Le chemin d'amour que Jésus est venu montrer aux hommes est loin d'être terminé. Se tenir devant la croix, c'est reconnaître la mort du fils de Dieu, c'est voir la place devenue vide et accepter de la prendre nous-mêmes en se lançant dans l'aventure d'une longue et difficile ascension, souvent dans l'ombre et les pierrailles, mais avec en point de mire, là-bas, tout en haut dans le soleil et la lumière, cette croix qui se découpe dans le ciel. C'est le chemin vers Pâques, celui du bonheur de l'homme, vers la résurrection du Christ qui passe par la nôtre.

Se tenir devant la croix, c'est aussi entrer dans la démarche sacrée de l'Eucharistie à laquelle nous sommes appelés dans quelques instants : "Seigneur Jésus, devant toi, nous reconnaissons que tu es la source et le sens de l'amour, que tu es le Dieu amour. En recevant ton corps et ton sang, nous voulons, malgré nos faiblesses, que nos corps deviennent le tien pour oser aimer comme tu nous l'as montré."

Le serpent de bronze a permis la guérison des Israélites après la reconnaissance de leurs péchés, ce venin du manque de confiance.

Jésus, mort sur la croix, laisse sa place aux hommes, les renvoie à leur destin, celui de devenir à leurs tours partenaires du plan d'amour de Dieu pour le monde.

Que la croix en soit pour nous le signe, Amen.

4e dimanche de Carême, année B

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps du Carême
Année liturgique : B
Année: 2005-2006

Jn 3, 14-21

Vous n'ignorez pas qu'au début de cette année notre pape Benoît XVI a publié sa première encyclique qui, tout de suite a connu un immense succès (plus d'un million d'exemplaires déjà vendus en Italie). Reprenant la magnifique affirmation de St Jean, elle s'intitule "DIEU EST AMOUR" et plonge ainsi au c½ur de la révélation chrétienne.

DIEU EST AMOUR

Non, Dieu n'est pas une puissance cosmique anonyme, un justicier implacable, un provocateur de guerres ou d'attentats. En lui l'amour n'est pas une qualité parmi d'autres, un sentiment volatile, une passion destructrice. Dieu n'a pas l'amour : il est amour. Et si les disciples de Jésus ont pu, pour la première fois, exulter en lançant cette affirmation, c'est parce qu'ils venaient d'en avoir la preuve :

Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique...

Il a envoyé son Fils non pas pour juger le monde,

mais pour que le monde soit sauvé par lui

( évangile de ce jour)

Et St Jean écrit dans sa Lettre :

Voici ce qu'est l'amour : ce n'est pas nous qui avons aimé Dieu, c'est Lui qui nous a aimés et qui a envoyé son Fils en victime d'expiation pour nos péchés" ( 1 Jn 4, 10).

La croix n'est pas l'apologie de la souffrance ni un reproche qui nous culpabilise : elle est preuve, attestation, manifestation stupéfiante de l'identité de Dieu

"car il n'y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu'on aime" (Jn 15, 1)

La foi n'est rien d'autre que l'accueil de cette révélation, le OUI à cette Bonne Nouvelle, l'acceptation de ce don.

"Nous avons reconnu et nous avons cru que l'amour de Dieu est parmi nous"( 1 Jn 4, 16) : c'est ainsi, dit le pape, "que le chrétien peut exprimer le choix fondamental de sa vie"...car " à l'origine du fait d'être chrétien, il n'y a pas une décision morale ou une grande idée, mais la rencontre avec un événement, avec une Personne qui donne à la vie un nouvel horizon et, par là, son orientation décisive".

Quiconque se dit croyant n'a d'autre vocation que d'aimer : il se doit d'offrir aux autres ce qu'il a reçu de Dieu

LA REPONSE : NOUS AIMER LES UNS LES AUTRES

La révélation de l'amour infini de Dieu n'est pas une belle idée, elle n'attend pas de nous quelque vague assentiment, des actes de piété ou d'ascèse, elle ne cautionne pas tout bonnement une vie d'honnêteté et de gentillesse (ce que les païens font aussi).

Jésus a précisé à ses disciples ce qu'il attendait d'eux :

Voici mon commandement : aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés (Jn. 15,12)

Et, en écho, Jean écrit dans sa lettre :

C'est à ceci que nous connaissons l'amour :

Jésus a donné sa vie pour nous.

NOUS DEVONS, NOUS AUSSI,

DONNER NOTRE VIE POUR NOS FRERES.

Et pour que cela ne se cantonne pas dans des velléités ou des signes hypocrites, Jean continue :

Si quelqu'un possède les biens de ce monde et voit son frère dans le besoin et qu'il se ferme à toute compassion, comment l'amour de Dieu demeurerait-il en lui ?...Mes petits enfants, n'aimons pas en paroles et de langue, mais en actes et dans la vérité " ( 1 Jn 3, 16-18)

Les apôtres n'ont pas pris en charge toute la misère du monde, ils n'auraient jamais admis que "faire la charité" se réduise à glisser une piécette dans la sébile d'un mendiant. Ils appelaient les fidèles à se réunir dans la joie autour de la source de l'amour - l'Eucharistie - et, du coup, à constituer une vraie communauté où l'on partageait selon les besoins de chacun.

LA COLLECTE DE CAREME

L'Eglise du Christ est un seul Corps constitué d'innombrables cellules locales : donc il est logique, évident, indispensable, que les communautés chrétiennes se soutiennent les unes les autres, que les paroisses de nos pays riches exercent leur devoir de solidarité active avec nos frères des pays pauvres.

Un exemple. L'abbé liégeois F.X. Jacques, qui vient de changer de poste au Mali, est frappé par la misère de l'Eglise qu'il découvre : il écrit :

" Ces communautés qui sont nées il y a à peine 50 ans, pourquoi sont-elles moribondes ? Que s'est-il passé ?...Les chrétiens sont minoritaires, l'Islam est moins exigeant...Les imams étant plus nombreux que les prêtres, il est plus facile de les trouver lors des événements...Les musulmans ne donnent pas leurs filles en mariage à des chrétiens, mais l'inverse est vrai...

Des chapelles qui croulent alors que les mosquées se construisent régulièrement, quel impact symbolique ? .....Que ce soit ici ou en Europe où certaines communautés se meurent, la question est-elle différente ? ..." ( in Eglise de Liège, 2.06)

Quand donc les Eglises d'Occident reconnaîtront-elles que si elles sont frappées par une crise grave, si les couvents et les séminaires se vident, si les nouvelles générations s'éloignent, ce n'est ni à cause du pape, ni de la morale conjugale, ni parce qu'on a démontré la non-existence de Dieu. La raison en est que nous sommes gangrenés par l'avidité, l'avarice, l'appétit de possession et nous ne consentons guère à aider nos frères et s½urs qui se débattent dans des conditions parfois effroyables. Il y a un certain style de vie aujourd'hui qui est devenu "normal" et qui est incompatible avec la foi chrétienne.

Si nous ne voulons pas être hypocrites, combien allons-nous glisser dans l'enveloppe de carême ? Quelle décision allons-nous prendre pour vivre nos engagements de foi tout au long de la vie ?

4e dimanche de Pâques, année B

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : B
Année: 2005-2006

Dans une société urbaine et technologique, oserons-nous encore parler de "pastorale" et annoncer que Jésus est le Berger et nous, ses brebis ? Car ce message est précisément celui que l'homme moderne refuse de toutes ses forces ! Il ne veut plus être "un mouton" forcé de dire amen à tout, tenu d'accepter des dogmes incompréhensibles, de se plier à des règles morales édictées par des clercs. " La religion est un carcan de la liberté et la foi, une aliénation" : en quelques dizaines d'années, des multitudes ont été convaincues par ces affirmations sans cesse répétées et elles se sont détournées de la croyance et de l'attachement à l'Eglise.

Est-ce à dire que l'homme moderne est libéré comme il le prétend ? Voyez-le au contraire se glisser dans les schémas tout prêts de "la pensée unique", s'essouffler à suivre toutes les modes, s'acharner à élever son train de vie, courir éperdument pour rester "branché", être là où "il faut" être vu.. Injure suprême : se faire traiter de "ringard", ne pas exhiber les baskets dernier cri ! Et ils ne sont pas peu nombreux ceux qui, désemparés, se livrent à un gourou ou obéissent à une voyante extra-lucide. Sans compter les innombrables "fans" de telle vedette qui les plonge, à corps et âme perdus, dans une communion fusionnelle et mortifère. Plus "les gothiques" et les sectes sataniques.

LES BREBIS Se détourner du Christ, c'est risquer de se soumettre à mille maîtres, se laisser déchirer par des sollicitations en tous sens. On l'a dit : nous avons aujourd'hui tant de moyens de vivre mais nous manquons de raisons de vivre. Comme disait A.Malraux : "A quoi bon aller sur la lune si c'est pour s'y suicider !". A quoi bon courir vite si c'est pour n'aller nulle part ? Et où aller sans un guide, un berger qui connaît le but ?

Au fait, l'image biblique de la brebis est-elle si fausse que cela ? Comme ce petit animal, nous aussi nous ne disposons pas de moyens de défense, nous sommes fragiles, vulnérables, exposés aux attaques, naïfs devant les pouvoirs ou les publicitaires enjôleurs. Qu'un führer, un petit père des peuples, un grand timonier se présente et les foules de frissonner en délire...avant de prendre les chemins des plus horribles massacres.

JESUS LE BON PASTEUR

Je suis le Bon Pasteur. Le vrai Berger donne sa vie pour ses brebis.

Le berger mercenaire n'est pas un vrai pasteur car les brebis ne lui appartiennent pas : s'il voit venir le loup, il abandonne les brebis et s'enfuit. Et le loup s'en empare et les disperse. Ce berger n'est qu'un mercenaire, les brebis ne comptent pas vraiment pour lui.

Moi je suis le Bon Pasteur : je connais mes brebis et mes brebis me connaissent COMME le Père me connaît et que je connais le Père.

Et je donne ma vie pour mes brebis.

Le salarié qui n'est pas propriétaire des brebis et qui est attaqué par un loup vorace sauvera sa propre vie en sacrifiant l'une ou l'autre bête. Ceux qui s'offrent à conduire les hommes n'agissent-ils pas souvent de la même manière ? Si un péril menace, si un conflit éclate, n'est-ce pas toujours parmi la troupe qu'il y a des victimes ? Quel honneur d'offrir sa vie pour "le Chef" adulé !

Au contraire, lorsque les soldats sont survenus au jardin des Oliviers afin d'arrêter Jésus, celui-ci s'est présenté et s'est laissé prendre tandis que ses apôtres s'enfuyaient dans la nuit. C'est tout seul que Jésus est allé au Golgotha. Et lorsque peu après il les a retrouvés, ce n'était nullement pour leur reprocher leur lâcheté mais, en leur montrant ses plaies, il leur a souhaité la Paix. La croix l'avait conduit à l'extrême de l'amour qui est de pardonner à ceux-là même qui vous ont abandonné.

Ses ennemis ont cru capturer et anéantir une victime : en fait il se donnait pour ses amis, il les aimait jusqu'au bout, accomplissant ainsi la vocation reçue de son Père et ainsi, rendu capable de retrouver une Vie sur laquelle personne jamais n'aura de prise mais qui sera partagée par ses disciples.

Le Père m'aime parce que je donne ma vie pour la reprendre ensuite. Personne n'a pu me l'enlever : je la donne de moi-même.

J'ai le pouvoir de la donner et le pouvoir de la reprendre :

voilà le commandement que j'ai reçu de mon Père.

A plusieurs reprises dans ce passage revient donc l'expression qu'il faudrait traduire exactement par JE POSE MA VIE POUR et qui est reprise de l'extraordinaire "Chant du Serviteur souffrant "d'Isaïe :

Il était méprisé, homme des douleurs....

En fait ce sont nos souffrances qu'il a portées.

Nous tous, comme des brebis, nous étions errants ;

Nous nous tournions, chacun vers son chemin...... Brutalisé il s'humilie, Il n'ouvre pas la bouche

comme un agneau traîné à l'abattoir.

---- Seigneur Dieu : daigne faire de lui un sacrifice d'expiation.

Ayant payé de sa personne ,

il verra une descendance, il sera comblé de jours.

Il dispensera la justice parce qu'il s'est dépouillé jusqu'à la mort

et qu'il a porté les fautes des multitudes... ( Isaïe 53 - extraits)

Qui donc est ce Jésus qui ose s'approprier les humains ( "les brebis m'appartiennent") - au même titre que Dieu...et qui nous assure qu'il aime ses disciples de l'Amour même dont Dieu le Père l'aime...et qui sait que sa vie tuée sera une vie restituée ?

DIMANCHE DES VOCATIONS.

On nous presse d'accroître aujourd'hui nos prières afin que renaissent des vocations. Bien. Mais ne faudrait-il pas au préalable que tous, nous reprenions conscience de notre vocation fondamentale qui nous a rendus chrétiens ? La surabondance de prêtres et de religieuses a longtemps habitué les fidèles à se laisser conduire en menant une existence plus ou moins médiocre.

La crise actuelle peut être bénéfique. Elle oblige les prêtres à ne plus tout diriger, à écouter la variété des opinions, à ventiler les responsabilités, à organiser les engagements.

Et elle pousse les laïcs à ne plus être "des brebis muettes, dociles...et inactives" pour redevenir des chrétiens à part entière.

La foi ne peut plus se confondre avec une simple existence honnête assortie d'une vague ritualisation de quelques moments de la vie : elle est don de soi, offrande, décision de mettre en ½uvre le OUI du baptême, participation à un peuple en marche chargé d'alerter l'humanité quand elle va vers l'abîme et de la conduire à sa plénitude près du Père.

Mais seuls les agneaux peuvent devenir des pasteurs.

4e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2005-2006

Mc 1, 12-15

Un grand événement se profile pour nous, paroissiens, à un horizon désormais tout proche : à Pâques, après 7 longues années de travaux, nous allons enfin retrouver notre chère et antique collégiale sous son nouveau visage. Encore bien plus nombreux qu'auparavant, des touristes du monde entier se presseront pour admirer le chef d'½uvre unique dont elle est l'écrin : les fonts baptismaux de Renier de Huy.

Que d'études, que d'échafaudages, que de milliers d'heures de travaux, que de volonté de collaboration entre les divers métiers, que d'argent a-t-il fallu pour que notre église poursuive sa course à travers les siècles !

UNE EGLISE COMMUNAUTE DE PIERRES VIVANTES

Toutefois nous n'oublions pas que le mot EGLISE ne désigne pas d'abord un bâtiment mais bien la communauté qui s'y réunit. Les apôtres et les premières générations chrétiennes n'ont connu ni sanctuaire ni chapelle : "l'Eglise de Corinthe", "l'Eglise d'Ephèse" étaient les communautés de personnes qui avaient répondu à l'appel de l'Evangile et qui se retrouvaient dans l'une ou l'autre maison pour prier, partager le repas et l'Eucharistie.

Architectes, entrepreneurs, corps de métiers ont ½uvré pour sauver et terminer un édifice majestueux mais nous, nous ne sommes pas les fabricants, les auteurs de la communauté d'Eglise : au contraire, c'est le Christ qui, seul est capable, par la puissance de son Esprit, de bâtir et de faire croître ce corps immense dont il est la Tête Quant à nous, nous sommes LES PIERRES VIVANTES, les éléments - disparates, mais tous nécessaires - que le Christ rassemble et appareille les uns aux autres afin qu'ensemble, dans l'harmonie, ils constituent une communauté.

Autre différence : si un jour, on peut déclarer la fin des travaux d'un bâtiment, nous savons qu'il n'en sera jamais de même pour l'Eglise-Corps car toute communauté d'hommes est en gésine permanente. Seule l'Eucharistie célébrée avec sincérité peut faire l'Eglise.

LE CAREME : NOTRE CHANTIER CONTINUE

Au moment même où les ouvriers s'activent pour mettre la dernière main à leur oeuvre, voici que nous, nous entrons en carême.

Avec l'Eglise universelle, dont nous sommes une petite cellule, nous voulons laisser le Seigneur nous travailler afin de devenir une communauté plus fidèle à son dessein.

Dans ce but, nous méditons le court évangile de ce jour :

Jésus venait d'être baptisé. Aussitôt l'Esprit le pousse au désert. Et dans le désert, il resta 40 jours, tenté par satan. Il vivait parmi les bêtes sauvages et les anges le servaient. Après l'arrestation de Jean Baptiste, Jésus partit pour la Galilée proclamer la Bonne Nouvelle de Dieu. Il disait :

Les temps sont accomplis, l Le Règne de Dieu est tout proche. Convertissez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle !

Il n'y avait guère d'incroyants en ce temps : les synagogues étaient remplies chaque semaine. A Jérusalem, à la suite des travaux commandés par le roi Hérode, le temple se dressait dans sa splendeur renouvelée et les fêtes y étaient célébrées par des foules immenses. On pouvait estimer qu'Israël était un peuple bien religieux

Et voilà qu'un inconnu tout à coup surgit à la frontière du pays : Jean annonce l'imminence d'un événement formidable, il presse les gens de se convertir, de confesser leurs péchés et il les invite à plonger dans les eaux du Jourdain pour se purifier.

Parmi la foule, un homme, un inconnu, charpentier de Nazareth. Et sans que personne ne remarque rien, lors de son baptême, c'est le choc : Jésus perçoit l'appel de DiEU : "TU ES MON FILS BIEN AIME..." -...ce qui était la formule d'intronisation du roi !

Qu'est-ce que cela veut dire ? Dieu n'est pas bavard, le message est bref. Quelles conséquences en tirer ? comment répondre ? Seul, Jésus s'enfonce dans le désert où il va réfléchir pendant 40 jours.

Temps de prière austère, en butte à toutes sortes de tentations que Marc ne détaille pas mais qui reviendront tout au long de la mission de Jésus :

Multiplier les miracles afin d'époustoufler les masses ;

- Chercher les succès populaires, tabler sur le nombre ;

- Recourir à la force des armes

Se laisser récupérer par sa famille et reprendre la vie tranquille du village ;

Edulcorer ses propos devant les critiques acerbes et l'hostilité violente des adversaires ;

Renvoyer les apôtres si balourds qui ne comprennent pas son message et se déchirent par jalousie ;

S'échapper lorsque se précise la menace du supplice de la croix...

...Toutes ces possibilités se présentent à son imagination, satan fait tout pour le conduire dans les impasses de la fausse gloire et de la violence. Mais Jésus résiste.

Son "carême" terminé, seul, sans armes ni argent ni diplômes, sans attendre l'approbation des autres, sans chercher l'appui des puissants, avec la seule force de sa Parole, il retourne dans sa Galilée non plus pour construire des maisons mais pour édifier la Demeure de Dieu, le sanctuaire de son Père qui sera bâti d'êtres vivants, de croyants qui constitueront l'embryon de l'Humanité nouvelle.

Il serait vraiment absurde de confondre le carême avec quelques privations de bonbons, des prières consolantes, des cérémonies routinières, quelques piécettes jetées dans le gobelet d'un mendiant.

Il y va de l'Eglise, du dessein de Dieu, du salut du monde, qui a coûté à Jésus d'atroces souffrances et une croix ignominieuse. Alors que des trafiquants complotent pour engloutir les jeunes dans la drogue, alors que des religions pressent pour s'imposer, alors que notre région bat les records de suicides...allons-nous rester impassibles ?

Devant notre lâcheté, notre impuissance congénitale, nos velléités, nos atermoiements, une seule chose est nécessaire : à l'exemple de Jésus, nous enfoncer dans la prière. Faire taire les bruits. Ecouter ce que Dieu nous dit. Nous adapter à sa Volonté.. Ne pas attendre l'accord des autres. Et nous battre âprement contre toutes les tentations.

L'Eglise (de pierres) est finie. La paroisse (= nous) reste en chantier..

5e dimanche de Carême, année B

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps du Carême
Année liturgique : B
Année: 2005-2006

Jn 12, 20-33

Elle avait eu une belle vie, un mariage heureux, une famille nombreuse et elle s'est éteinte dans la paix à l'aube de ses quatre-vingt-six printemps. Jusqu'au dernier instant elle est restée paisible et consciente, heureuse de s'en aller après une vie accomplie. Elle n'avait aucun regret et se réjouissait de retrouver non seulement son époux mais également son Dieu en qui elle avait toute confiance. Il est vrai qu'elle avait une foi de charbonnier. « J'ai donné tout ce que j'avais à donner, mes chers enfants, maintenant c'est à vous de poursuivre. Aimez-vous comme votre papa et moi nous nous sommes aimés tout au long de notre vie ». Tels furent ces derniers mots inscrits sur un petit morceau de papier. Peu avant son dernier souffle, elle avait émis un dernier souhait : « le soir de mon enterrement, faites-la fête. Ne soyez pas tristes car là où je vais, je serai heureuse pour l'éternité ». Nombreux furent ses descendants qui respectèrent sa volonté et firent la fête comme cela avait été demandé. Quel ne fut alors pas leur étonnement suite à certaines remarques de leur entourage. « Comment osez-vous faire la fête un tel jour ? N'avez-vous pas plus de respect pour votre maman ou grand-mère ? C'est choquant que vous ne portiez pas le deuil, ne fut-ce que quelques jours ».

L'entourage n'avait, me semble-t-il, rien compris au sens véritable de la résurrection. En effet, si nous sommes convaincus que la vie ne s'arrête par l'événement de la mort mais que cette dernière est l'entrée vers la vie éternelle, n'est-il pas nécessaire de nous réjouir, de faire la fête. Aimer, n'est-ce pas vouloir le bien de l'autre ? S'il en est ainsi, malgré la perte de la séparation, surtout au terme d'une vie que nous estimons accomplie, au nom de notre foi, ne devrions-nous pas être heureux pour celle ou celui qui vient de nous quitter pour vivre éternellement auprès de Dieu ? Où sont notre foi et notre espérance ? Il est sans doute bon d'oser ce poser ce type de question. Nous avons une destinée à réaliser. Chacun a la sienne et nous l'écrivons, comme croyantes et croyants, avec l'encre de Dieu. Une encre indélébile. Une encre lumineuse de vie, étincelante de confiance. Une encre d'éternité. Tel est notre sort à toutes et à tous. Dans la vie, nous n'avons que deux certitudes : la première, aujourd'hui, nous vivons ; la seconde, un jour, nous mourrons. Désolé de vous l'apprendre mais ainsi va notre chemin. Deux certitudes : la vie et la mort, et une espérance : le don de la vie éternelle en Jésus-Christ. Face à cette réalité, nous sommes conviés à nous préparer dès à présent. Ne perdons plus de temps. C'est aujourd'hui que nous préparons notre vie éternelle, chaque jour, chaque instant. De quelle manière : peut-être en apprenant à mourir à certains projets que nous avons soit mis en place ou auxquels nous avons participé. Accepter de mourir à certaines de nos activités qui ont eu leur heure de gloire pour que d'autres prennent le relais et poursuivent ce qui a été commencé. Lorsqu'un futur existe, il est évidemment plus facile de mourir à soi pour laisser tout l'espace à l'autre. Il arrive également dans nos vies que certaines de nos activités se termineront avec nous. Elles auront eu leur temps et leur raison mais les saisons varient et parfois, leur raison d'être disparaît. Il y a également certaines activités où nous devons apprendre à mourir à nous-mêmes et laisser la place au vide pour qu'autre chose puisse à nouveau naître ou renaître. C'est sans doute plus difficile à vivre car cela nous demande un lâcher prise et une confiance en l'avenir, c'est-à-dire accepter qu'il n'y a pas de relève et que nous risquons de passer par un temps de désert plus ou moins long. Vivre avec cette espérance forte qu'un jour quelque chose de nouveau émergera et ce, sans que l'on puisse s'y préparer. Mourir à soi pour que ce que nous avons un jour ensemencé puisse commencer à donner non pas des fruits mais beaucoup de fruits. Accepter de se détacher de sa vie en ce monde, pour entrer dans la vie éternelle. C'est ce que le Christ nous dévoile aujourd'hui dans son évangile. Vie et mort ou vie et vie éternelle. Cette dernière s'acquiert en acceptant parfois d'oser mourir à soi pour que notre grain donne beaucoup de fruits.

Amen.

5e dimanche de Carême, année B

Auteur: Van Aerde Michel
Temps liturgique: Temps du Carême
Année liturgique : B
Année: 2005-2006

Jésus était-il suicidaire ? Comprenez ma question : des Grecs cherchent à le voir. Ils s'adressent à Philippe, qui porte un nom grec lui aussi. Ce sont des Juifs de la diaspora venus à Jérusalem, la capitale du judaïsme, pour y adorer Dieu. Puisque Jésus sait la radicalité du rejet dont il est l'objet de la part des autorités , pourquoi ne part-il pas avec ces Grecs sympathisants, vers d'autres horizons, d'autres peuples, d'autres cultures, mieux disposés à son égard ?

Nous le voyons : Jésus choisit délibérément de rester. Son horizon n'est pas de recommencer ailleurs, il est de poursuivre jusqu'au bout, là où il se trouve et là où la perversion est la plus développée, son affrontement au mensonge, à l'imposture et à l'instrumentalisation de Dieu. Son attitude peut sembler suicidaire, elle vient en fait d'une confiance paradoxale en son message, en sa mission et dans la victoire de la vérité. S'il partait, il éviterait la mort mais il esquiverait une part essentielle de sa mission. Jésus n'est pas un lâche, il n'est pas un fuyard, il n'est pas non plus un passif résigné. Ce n'est pas par faiblesse qu'il reste, ce n'est pas une forme de capitulation. Il dévisage le mal et le combat sur son terrain, de toutes ses forces et par delà même l'échec apparent. Il n'a pas peur des oppositions, de la calomnie ni du mépris, et cela de la part même de ceux qui devraient l'accueillir et l'aider : les disciples de Moïse, ses frères selon la foi d'Abraham, le monde juif qui est le sien. Chaque chose, chaque peuple en son temps. Alors que Paul se dispose à partir pour l'Asie, une vision d'un Macédonien l'oriente vers l'Europe. La première culture étrangère que rencontrera l'Evangile sera celle du monde grec et sa rencontre avec la philosophie produira ce que nous appelons la théologie.

En attendant, Jésus est pleinement lucide sur ce qui l'attend : l'injustice, l'humiliation, l'exclusion. Mais il a fait son choix. Ce choix passe par la mort mais il est celui de la vie :

« L'heure est venue pour le Fils de l'homme d'être glorifié. Oui, vraiment je vous le dis : si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul ; mais s'il meurt, il donne beaucoup de fruit » (Jn 12, 23-24).

Soyons honnête : qui accepterait aujourd'hui que son chemin passe de cette manière par la mort ? Si je mesure mon comportement à celui de Jésus, je ne peux qu'être frappé de l'immense fossé qui me sépare de lui ! Je prends conscience par là, de la trempe exceptionnelle de cet homme, de son envergure spirituelle inégalée, de sa clairvoyance inouïe sur les vrais chemins de la vie et de sa connivence profonde avec Dieu. Sa Parole, son action, son désir profond sont tellement accordés à Dieu qu'il en est pleinement la manifestation. Il est Dieu manifesté, qui vit comme nous, sans aucunement s'échapper de notre condition, qui ne fait pas semblant d'être un homme, qui ne fait pas semblant d'être Dieu. Sa manière d'assumer son humanité dans la finitude et la particularité, la misère et la douleur, l'angoisse et la souffrance a quelque chose d'absolu.

Il s'avance vers la mort, nullement suicidaire, nullement victime consentante, mais fidèle aux plus hautes valeurs de la vie. Même s'il a conscience que sa détermination a un sens, il a horreur de ce qu'il va subir et il éprouve l'angoisse de tout être humain devant la souffrance et la mort. Dans son désarroi, il s'adresse à son Père :

« Maintenant, je suis bouleversé. Que puis-je dire ? Père, délivre-moi de cette heure ! » (Jn 12, 27).

Il aimerait échapper à la mort, il n'est nullement complice avec le mal qui va subir. Mais, parce que tout le mouvement de sa vie est de rejoindre ceux que détruit la mort, il s'avance vers l'abîme et descend aux enfers pour en faire sortir ceux qui s'y trouvent enfermés, les mener vers la vie et l'amour retrouvé. Tout est paradoxal ici. « Christos paradoxos paradoxôn » paradoxe des paradoxes, disait un père de l'Eglise. Il va souffrir parce qu'il aime trop la vie. Il est mis à mort parce qu'il est trop vivant. Il exprime son angoisse parce qu'il est pleinement croyant.

« Mais non ! C'est pour cela que je suis parvenu à cette heure-ci ! Père, glorifie ton nom ! » (Jn 12, 28).

Jésus est entièrement référé à ce Père. De lui, il dépend totalement. Sa vie tout entière veut le manifester. Son souffle vient de Lui et le Père lui répond. Il le fait publiquement pour la troisième fois dans l'Evangile (après le baptême et la transfiguration), pour lui promettre qu'il ne l'abandonnera pas :

« Du ciel une voix vient qui disait : 'Je l'ai glorifié et je le glorifierai encore' » (Jn 12, 28).

Quelle gloire ? Celle de l'amour vainqueur. Celle de la vie qui va se déployer, en lui et en ceux qui lui sont attachés. La gloire de communiquer à tous l'amour du Père qui renouvelle toute chose dans une nouvelle alliance et une nouvelle création, la Résurrection. Ainsi maintenant, nous qui sommes européens, imbibés de culture grecque, nous pouvons nous associer à cette Pâque, à ce passage, afin qu'en vivant notre mort inéluctable, sans être nullement suicidaires mais par pur goût de la vie, nous soyons plongés dans le Christ qui, « par sa mort a vaincu la mort ». Le grain tombé en terre d'Israël a produit partout du fruit.

5e dimanche de Carême, année B

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps du Carême
Année liturgique : B
Année: 2005-2006

Jn 12, 20-33

L'autre jour, j'ai retrouvé au fond d'un tiroir un petit sac de toile brune et le souvenir m'en est revenu. Dans les années 80, lors d'une retraite, j'avais expliqué les paraboles de Jésus et notamment la première, celle où Jésus se compare à un semeur qui jette les paroles dont beaucoup seront reçues dans l'indifférence, tomberont dans l'oubli...mais quelques-unes s'enfonceront dans des c½urs purs et changeront l'existence de certains.

A la fin de la retraite, une religieuse avait confectionné pour chaque participant(e) un petit sac contenant des grains de blé récoltés dans un champ tout proche et accompagné d'une image avec les mots de l'évangile : " Si le grain ne meurt...".

Plus de 20 ans plus tard, tout est pareil : les petits grains sont toujours là, inchangés, bien durs...mais solitaires et inutiles. Serrés l'un contre l'autre, dans l'obscurité, chacun bien protégé par sa balle, ils peuvent demeurer là encore pendant des années, des siècles peut-être, juxtaposés...solitaires et inutiles.

Pourtant chacun recèle en son c½ur un secret, un merveilleux mystère : la vie !

Il suffirait sans doute que j'ouvre le petit sac, que je sème ces grains dans une bonne terre et la merveille s'accomplirait : viendraient des épis...on les faucherait...on les moudrait...on les cuirait. Enfin ils deviendraient farine, pain, nourriture : VIE !!!!

Encore faut-il qu'ils sortent de leur abri, qu'ils tombent, se perdent dans la glèbe, se laissent broyer : condition absolument nécessaire pour qu'ils accomplissent leur vocation de grains de blé : se craqueler, se mêler les uns aux autres, subir l'écrasement. Mais alors, et alors seulement, ils cesseraient - enfin ! - d'être solitaires et inutiles.

LE FILS DE L'HOMME DOIT DONNER SA VIE ...

Jésus était un homme de la campagne. Dès son plus jeune âge, il a vécu au rythme des saisons, il a observé les paysans au travail, il a sans doute participé aux moissons et aux joyeuses vendanges. Et lorsqu'il mordait dans le pain cuit par sa maman, il savait la destinée des grains de blé et rendait grâce à son Père des cieux qui, par eux, lui donnait de vivre.

Aussi, tout naturellement, lorsqu'il entre à Jérusalem parmi une foule en délire qui croit que ce héros va lui offrir victoire sur l'ennemi, honneur national, banquets gratuits et divertissements sans fin, il est sans illusion. Et lorsque ses amis viennent lui annoncer que des Grecs, des païens, voudraient le voir, il reçoit ces mots comme un message de Dieu : Le monde te cherche ! Jusqu'à présent, tu as donné ton argent, ton temps, tes enseignements, des guérisons...Voici le moment de donner ta vie.

Et Jésus interprète sa décision :

" SI LE GRAIN NE TOMBE EN TERRE, IL RESTE SEUL... MAIS S'IL MEURT, IL DONNE BEAUCOUP DE FRUIT"

Aussi, peu après, à table pour la dernière fois avec ses disciples, comprenez-vous pourquoi, en rompant la galette de pain, il pourra leur dire :

" PRENEZ ET MANGEZ-EN TOUS :

CECI EST MON CORPS LIVRÉ POUR VOUS...."

Mes ennemis vont se saisir de mon corps, le tuer, le mettre en terre : mais ce sera trop tard car auparavant, je me serai donné à vous, vous me broierez sous vos dents et je tomberai en vous.

Ma tombe sera vide puisque c'est en vous que je demeurerai.

Et voilà pourquoi Jésus n'a plus été solitaire et inutile : il est devenu peuple en marche, communauté debout, nourriture vivante et vivifiante.

Solidaire et utile.

Et aujourd'hui encore, il est NOUS, nous, les convives invités à ce banquet exceptionnel où nous n'assimilons pas de la nourriture mais où le Pain nous intègre dans SA VIE.

L'AMOUR EST DE SE LAISSER BROYER

Mais ces convives, s'ils cherchent à sauver leur propre vie, s'ils cèdent aux slogans pervers, indéfiniment martelés aujourd'hui ("protège-toi, prends, enrichis-toi, achète, consomme, jouis, accumule...fais comme les autres !"), et même si, dans le même état d'esprit, "ils ont leur messe", ils resteront, en dépit de leur piété, des grains solitaires et inutiles.

Nous aussi, devons briser notre carapace, perdre nos défenses, accepter de tomber de notre piédestal, partager nos biens, nous laisser parfois broyer par les dents (si dures !) des moqueurs et même de nos proches, nous enfoncer dans la pâte humaine, oser dénoncer les injustices flagrantes et les hypocrisies religieuses.

Impuissante et vulnérable, l'Eglise, comme son Seigneur, ne cherche pas les honneurs et les applaudissements des foules. Elle craint les complots, les coups, la haine de ses ennemis ; comme Jésus, il lui arrive d'être angoissée. Mais elle marche vers sa pâque. C'est lorsque d'autres annoncent sa mort, qu'elle est sûre d'apporter la vie aux générations de demain.

En effet, des jeunes païens, déçus par les mirages d'une société qui les gruge par ses mensonges, continuent d'appeler : " Nous voudrions voir Jésus". Si nous nous calfeutrons à l'abri de nos certitudes, protégés par nos traditions, riches de nos avoirs, crispés sur nos possessions, nous serons solitaires et inutiles.

Il nous faut suivre Jésus, c'est-à-dire obéir à son appel, crier la Bonne Nouvelle, donner notre vie, nous exposer, pauvres, fragiles.

Alors nous serons solidaires et utiles.

 

5e dimanche de Carême, année B

Auteur: Berten Ignace
Temps liturgique: Temps du Carême
Année liturgique : B
Année: 2005-2006

Jn 12, 20-33

La Lettre aux Hébreux nous dit que Jésus s'est adressé à Dieu avec un grand cri et des larmes, pour qu'il le sauve de la mort. Le ton dramatique de cette affirmation doit être prise au sérieux. De même que les mots que Jean met sur les lèvres de Jésus : « Maintenant je suis bouleversé. » Ou encore la prière de Jésus à Gethsémani, selon les trois premiers évangiles, « Père, si c'est possible, délivre-moi », prière qu'évoque précisément la lettre aux Hébreux, et aussi le dernier cri de Jésus sur la croix, selon Marc et Matthieu : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ? »

Les textes disent sans détour qu'au seuil d'une mort violente et injuste Jésus, a vécu une terrible lutte psychologique, morale et spirituelle. Sa condamnation était humainement et pour l'immédiat l'échec total de la bonne nouvelle pour tous dont il s'était voulu le porteur. Le monde n'avait pas changé, Israël ne s'était pas converti à l'Évangile. Jésus a dû, à ce moment, mener un combat intérieur dans la solitude et l'incompréhension de ses proches. Ce combat spirituel l'a conduit à exercer ultimement sa liberté : par là, il a accompli le chemin de fidélité dans l'engagement de sa vie dans la foi, fidélité à ce qui était pour lui réponse à l'appel de Dieu : vivre jusqu'au bout de l'esprit du Royaume, l'annoncer et en témoigner par toute son existence, signifier concrètement la proximité de Dieu offerte à tous.

La lettre aux Hébreux dit encore qu'à ce moment, Jésus a appris l'obéissance, saint Paul dit aussi que Jésus a été obéissant jusqu'à la mort de la croix. Ce chemin d'obéissance n'est pas celui d'une obéissance à une loi faite de préceptes, ni la soumission à une volonté ou un ordre extérieurs. Il s'agit bien plutôt de l'accomplissement en sa personne de ce qu'avait annoncé le prophète Jérémie : « Je mettrai ma Loi au plus profond d'eux-mêmes ; je l'inscrirai dans leur c½ur ; je serai leur Dieu. » Jésus obéit à la loi profonde de sa conscience, lieu de sa présence devant Dieu son Père. Jésus s'inscrit ainsi dans une longue lignée de témoins dans l'histoire de l'humanité, des hommes et des femmes qui ont eu la force et la liberté de faire prévaloir leurs convictions les plus profondes et leur conscience, par le sacrifice de leur propre vie, contre la loi des hommes. Cette loi, en effet, est trop souvent mise au service des intérêts personnels ou des intérêts particuliers de groupes, au service des intérêts d'une institution ou de la défense d'une idéologie.

Ces hommes et ces femmes sont l'honneur de notre humanité. C'est à eux et à tous ceux qui ont vécu du même esprit sans pour autant avoir dû aller jusqu'au martyre, que nous devons que notre société ne soit pas un enfer, mais qu'elle soit le lieu où se construit véritablement l'humanité et où déjà se dessine, pour nous croyants, le Royaume de Dieu. Lorsque Jésus déclare : « Si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul ; mais s'il meurt, il donne beaucoup de fruit », il parle évidemment de lui-même. Et pour Jean, cette parole exprime la fécondité de l'Évangile qui s'est manifestée par et dans la résurrection de Jésus et par l'½uvre de l'Esprit dans la communauté croyante. Mais la destinée tragique de Jésus, semblable à celle de tant d'autres témoins, s'inscrit ainsi dans une mystérieuse dynamique de l'histoire humaine. Il y a une fondamentale fécondité de la vie donnée physiquement jusqu'à la mort pour la défense d'un idéal ou de valeurs essentielles, mais aussi de la vie donnée au quotidien apparemment sans efficacité dans le dévouement pour les autres. La vie humaine donnée, parfois véritablement sacrifiée porte, du fruit pour les autres ; elle rejaillit de quelque manière en donnant crédit à des valeurs essentielles et en les consolidant dans la communauté humaine, comme l'amour, la justice, la solidarité, la fidélité, la non-violence... Notre histoire est ainsi marquée de tant de témoins martyrs dont de quelque manière nous sommes les héritiers. Mais la destinée de Jésus ouvre cette dynamique féconde de l'histoire humaine à une autre dimension, dont témoigne l'évangile de Jean. En Jésus, nous reconnaissons dans la foi que c'est Dieu lui-même qui s'est engagé dans notre histoire, qui a pris sur lui le tragique de cette histoire pour l'ouvrir à l'espérance et à la vie. Car nous reconnaissons que celui qui meurt ainsi sur la croix, est le Fils de Dieu. « Ce monde est jugé, dit Jésus dans cet évangile ; voici maintenant que le prince de ce monde va être jeté dehors. »

En Jésus et par Jésus, nous pouvons dire dans la foi que Dieu lui-même est à l'½uvre chaque fois qu'un homme ou une femme, au nom de sa conscience, désarme la loi dès lors que celle-ci ne sert pas l'être humain. Ce dont témoigne, par exemple, Mgr Van den Berghe, l'évêque d'Anvers, en participant avec d'autres à une manifestation et en affirmant publiquement qu'offrir un toit ou donner à manger à une personne en séjour illégal est un devoir qui prime toute loi. L'évêque d'Arras et un évêque des États-Unis ont récemment affirmé la même chose contre leur gouvernement. Dieu est à l'½uvre partout où la loi de l'amour du prochain est inscrite au c½ur même du comportement humain, et où par là l'humanité devient, consciemment ou non, peuple de Dieu. Dieu est à l'½uvre quand le pardon et la réconciliation abattent les murs du ressentiment et de la haine et guérissent les blessures les plus profondes d'un passé dramatique.

Parce que nous croyons que Jésus est ressuscité, nous pouvons dire avec saint Jean : Ce monde est jugé. Certes le mal continue et il continuera à agir, et il fait des ravages, mais nous osons croire qu'il n'a pas et qu'il n'aura pas le dernier mot. Ceux qui comme Jésus ou à la suite de Jésus, ceux qui au nom de leur conscience osent croire à l'impossible sont semences de vie. Malgré tous les démentis apparents, les choses peuvent être autres, malgré les forces aveugles d'une économie soumise à la finance, la solidarité est possible ; en dépit des souffrances des guerres, la réconciliation et la paix sont possibles ; en dépit de la violence avec laquelle la culture impose l'instant dont il faut jouir, la fidélité dans la durée est possible. Tous ceux-là qui croient à cet autre possible et le mettent en ½uvre, sans éclat, dans le quotidien de la vie, engendrent le Royaume de Dieu dans la force de l'Esprit. Puissions-nous tous être de ceux-là avec la grâce de Dieu.