Homélie pour une profession religieuse

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Fêtes des Saints Dominicains
Année liturgique : A, B, C
Année: 2006-2007

Profession solennelle du frère Stéphane Braun

Berceuse assassine. Une bande dessinée en trois tomes, écrite et dessinée par Tome et Ralph. Berceuse assassine : une bande dessinée qui nous confronte à la complexité de la vérité. Dans le premier tome, nous découvrons un chauffeur de taxi, épris d'un sentiment de vouloir tuer son épouse qui lui rend la vie impossible. Lorsque nous refermons ce premier volume, sans pour autant nous rendre complice de son désir, nous pouvons comprendre ses ressentiments et nous serions peut-être même prêts à l'excuser. Dans le second volume, les auteurs nous présentent la même histoire mais cette fois racontée par l'épouse. Elle a sa propre version des faits. Des détails importants avaient été sciemment omis par le chauffeur de taxi. En refermant ce second tome, nous prenons conscience que la vérité n'était pas l'apanage du seul mari. Il ne mentait pas pour autant mais il racontait sa version de la vérité. Page après page, dans le troisième tome, nous pouvons être frappés par un ensemble de détails essentiels qui étaient déjà présents dans les deux premiers mais que nous n'avions pas vus tellement nous étions pris par l'intrigue. Par l'image et par le texte, Berceuse assassine démontre à quel point la vérité est un mystère qui se laisse difficilement approcher. Et pourtant, c'est la devise que notre Ordre a choisie : Veritas. Comme frères dominicains, nous sommes des êtres en recherche constante de la vérité. Beaucoup d'entre nous n'aimons pas les affirmations certaines qui nous semblent souvent signes d'une prétention et parfois aussi d'un manque d'intelligence. Les certitudes sont ennuyeuses ou encore, elles ne sont que la réponse à des questions sans intérêt, c'est-à-dire ces questions qui ne participent pas à l'édification de l'être humain et à la construction d'un monde plus juste. Nous aimons remettre les certitudes, voire les questions, en question pour pouvoir mieux les appréhender. Nous cherchons car nous aimons comprendre par nous-même. Cela exige de chaque frère de reconnaître qu'en fait, il ne sait pas grand-chose et ce, même s'il aura passé beaucoup d'années à étudier. En effet, la vérité s'approche avec humilité. Un peu comme si ces deux vertus se donnaient constamment la main. Vérité et humilité ne font plus qu'une en nous. Tout simplement parce que, pour nous autres, croyantes et croyants, la vérité s'enracine et se réalise d'abord et avant tout en Dieu. Elle nous rend alors pleinement libres de poursuivre notre route humaine. La vérité est cette visée à laquelle nous tendons lorsque nous sommes en recherche de Dieu. Nous espérons et nous croyons tout en avançant à tâtons. C'est ce que tu as pu découvrir par toi-même, cher Stéphane. Déjà durant ton noviciat et puis durant tes trois années de profession simple, tu es, comme tous tes frères depuis bientôt huit siècles, retourné sur les bancs de l'école du savoir. A Lumen Vitae, grâce à l'intelligence de nos frères les jésuites, et puis lors de tes tutorats avec tes frères dominicains, cette fois pour nous rassurer que tu avais bien été formé et non déformé comme certains auraient pu l'imaginer. Tu as ainsi pu redécouvrir le goût de l'étude, le plaisir d'apprendre, l'humilité de prendre conscience qu'aucun être humain ne peut tout savoir. Tu t'es ainsi laissé bercé au gré des semaines par la richesse de tout ce patrimoine intellectuel de notre foi. Toutefois, la vérité ne peut uniquement s'enraciner dans notre raison. Ton expérience de vie, transformée par l'amour de ton épouse Marie-Noëlle et de la famille que vous avez créée ensemble, t'a également fait comprendre que la vérité trouvait aussi source dans nos émotions. Certains frères de notre Ordre ne t'ont-ils pas, avec un peu d'ironie il est vrai, baptisé le philosophe des relations. En effet, c'est également dans l'amour que la vérité se recherche car l'amour nous donne l'occasion d'être plus libre encore car dans l'amour et l'amitié, nous avons le bonheur de ne pas craindre l'autre, de ne pas avoir peur de ses réactions puisque le ciment de cette relation s'épanouit dans la confiance. La richesse des questions qui se résolvent dans l'amour donne également à la vérité toute sa chaleur et toutes ses couleurs. En effet, il y a toute une part d'indicible dans cette quête incessante de tout être humain pour trouver en lui et en l'autre cette part divine qui ne demande qu'à être dévoilée. Ne soyons pas des chercheurs de vérité pour la vérité en elle-même. Devenons plutôt des chercheurs de vérité car nous vivons avec cette espérance folle que Dieu a choisi de venir inhabiter chacune de ses créatures. Par l'Esprit Saint, nous sommes devenus Dieu à l'½uvre en notre monde. S'il en est vraiment ainsi alors réjouissons-nous d'être ces acteurs divins au c½ur de notre humanité et rendons grâce à chaque instant du bonheur que nous avons d'être ces êtres humains en quête constante de ce qui nous dépasse et nous transcende. Veritas est notre devise. Que celle-ci t'accompagne tout au long de ta vie dominicaine et te permette, cher Stéphane, de participer avec tes frères au détricottage des certitudes et au requestionnement des questions pour le bien du Royaume de Dieu.

Amen.

Le Corps et le Sang du Seigneur

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A, B, C
Année: 2006-2007

La liturgie du Saint Sacrement nous fait entendre l'évangile que l'on appelle "la multiplication des pains"- signe qu'il y a un rapport intime entre toutes les distributions de pain effectuées par Jésus : ici dans le désert, à la dernière Cène et à chaque Messe ( 2ème lecture : 1 Cor 11)

Ce miracle revêt une importance particulière puisqu'il est le seul qui soit rapporté par les 4 évangiles. St Jean fait même de cette scène l'ouverture de sa longue catéchèse sur l'Eucharistie (Jean 6).

On voit d'emblée que l'on ne peut réduire ce texte à une distribution de nourriture aux pauvres et en tirer une exhortation aux gestes humanitaires. Il faut en effet souligner que Jésus n'accomplit cette distribution qu'une unique fois (Marc et Matthieu la dédoublent selon les deux auditoires, juif et païen) et, d'après St Jean, lorsque la foule est accourue le lendemain pour en bénéficier à nouveau, Jésus a vertement refusé : il n'est pas venu se substituer aux boulangers ( ni aux médecins) et il n'ouvre pas un "resto du c½ur". Il faudrait commencer la lecture un peu plus haut. Luc raconte le retour des Apôtres près de Jésus après leurs courses missionnaires : voyant leur fatigue, Jésus les emmène à l'écart. Mais des gens l'apprennent et se mettent à "les suivre" (ce ne sont donc pas des mendiants mais des "candidats-disciples") .

Jésus les accueillit : il leur parlait du Règne de Dieu et il guérissait ceux qui en avaient besoin.

Les évangélistes ont toujours bien soin de préciser que l'½uvre essentielle de Jésus est la prédication du Royaume de son Père. Ce qu'il cherche à obtenir, c'est la conversion, le changement de vie des hommes. Il travaille par la PAROLE. Les bienfaits physiques ne viennent jamais qu'en appui.

La scène évoque manifestement l'exode des Hébreux, tenaillés par la faim dans le désert du Sinaï et découvrant la manne. Ici les Apôtres, excédés par l'arrivée inopportune de tous ces gens, préfèreraient les renvoyer chez eux pour pouvoir pique-niquer à l'aise avec leur Maître. Mais celui-ci les somme de sortir leurs provisions et de nourrir cette foule. " Impossible, se récrient-ils, ils sont plus de 5000 !". Au plan de la nourriture terrestre, l'aporie est totale, c'est l'impasse. Mais il s'agit de passer au niveau d'une autre nourriture, celle que Jésus, seul, peut offrir.

"Le jour commençait à baisser" : la notation n'est pas banale. N'est-ce pas également le soir que Jésus instituera son Eucharistie, que les disciples d'Emmaüs inviteront Jésus à entrer dans leur maison où il fractionnera le pain et que les premiers chrétiens se réunissaient pour la Messe ?

Jésus donne un ordre curieux dans sa traduction exacte :

Jésus dit à ses disciples : ( Non : "faites-les s'asseoir" mais) " Faites-les s'étendre par lits " ( ??? )

Le verbe ne peut s'appliquer dans ce lieu désertique mais il convient pour ceux qui seront invités plus tard à se réunir dans un local afin de partager le Repas du Seigneur (coutume grecque des repasau temps de Luc)

"...par groupes d'une cinquantaine".

Cette exigence rappelle encore le temps de l'exode : la foule disparate des Hébreux devait être mise en ordre au moment de recevoir la Loi de Dieu au Sinaï (Exode 18). De même, lorsque les fidèles se rassembleront pour l'Eucharistie, il y aura de l'ordre. Dans une société tiraillée par les intérêts divers des membres, la liturgie doit s'effectuer dans la paix, la tranquillité où chacun trouve sa place. Toute rivalité, toute compétition est exclue.

Que la scène prophétise l'Eucharistie, cela devient tout à fait net à la phrase suivante qui est celle-là même de la Dernière Cène et que le prêtre répète encore à chaque célébration eucharistique :

Jésus prit les 5 pains et les 2 poissons, et levant les yeux au ciel, il les bénit, les rompit, et les donna à ses disciples pour qu'ils les distribuent à tout le monde.

La succession des verbes est importante :

Jésus prend : par eux-mêmes, les hommes demeurent impuissants à s'offrir une nourriture qui les rassemble dans la paix. Il faut donner nos biens au Christ pour qu'ils nous "reviennent" transfigurés par Lui.

Levant les yeux au ciel, il les bénit : dans une attitude de prière, d'appel à son Père "qui est dans les cieux", Jésus prononce la bénédiction. Luc (seul ) note qu'Il "bénit les aliments" alors que le geste normal est de "dire la bénédiction", c'est-à-dire de rendre grâce pour ce pain qui devient ainsi un don du ciel. A la Cène, Luc écrira "il rendit grâce" - avec le verbe "eucharistein".

Il les rompit : (idem à la Cène, et à Emmaüs) l'Eucharistie des 1ers chrétiens s'appellera "la Fraction du Pain" pour que les invités au repas du Seigneur comprennent, par le geste même du rite, qu'ils sont des "morceaux", des "fragments" qui, en consommant LE Pain du Christ doivent comprendre qu'ils deviennent UN. L'Eucharistie est le remède à leurs divisions, elle est partagée justement afin que la foule égaillée du début soit un peuple organisé, uni, en communion avec le Christ qui le nourrit de sa Vie et où l'on est, du coup, membres les uns des autres.

Il les donna aux disciples : le Pain (fabriqué par les hommes) doit être reçu comme un cadeau offert par Jésus et transmis par les Apôtres et leurs successeurs..."pour qu'ils les distribuent à tout le monde". On ne peut pas "se communier". On dépend de l'Eglise.

Tous mangèrent à leur faim : car ce Pain, si menue soit la portion, nous comble - au contraire des nourritures terrestres (aliments ou idéologies) qui, si succulentes et intéressantes soient-elles, resteront toujours impuissantes à apaiser notre désir de Dieu.

Et l'on ramassa les morceaux qui restaient : cela remplit 12 paniers. Le Repas du Seigneur n'est jamais clôturé : il s'ouvre sur l'avenir. Il y a toujours du surplus : on gardera les restes pour apporter l'Eucharistie aux malades. Et les Apôtres pourront l'offrir aux foules d'affamés qui viendront des quatre coins du monde pour se nourrir de la Parole et du Pain eucharistié.

Les deux lectures - de Paul et de Luc- se complètent magnifiquement et nous permettent d'entrer davantage dans ce mystère de l'Eucharistie. Si, hélas, elle est abandonnée par des multitudes, nous ne pouvons nous y résigner et accuser "les autres".. Il nous revient de nous interroger sur notre pratique. Entrons-nous dans le monde du partage ? Courons-nous au rassemblement convoqué par le Seigneur ? Avons-nous faim de sa Parole, de son Pain ? Chantons-nous avec allégresse notre joie d'avoir découvert un berger dans notre désert ? Le Pain du Christ nous libère-t-il des fausses avidités excitées par notre monde ? La foi nous comble-t-elle ?...

Mercredi des Cendres

Auteur: Van Aerde Michel
Temps liturgique: Temps du Carême
Année liturgique : A, B, C
Année: 2006-2007

Après Auschwitz, Hiroshima et les Twin-Towers, notre monde a pris un goût de cendres. Nous risquons tous d'être incinérés, individuellement ou collectivement ! Les cendres ne signifient plus seulement la poussière de notre mortalité. Les cendres sont aujourd'hui le résultat de notre violence collective. Elles signent notre autodestruction. Elles marquent notre péché, le contraire même du projet de Dieu. Mais il n'y a pas de cendres sans feu !

Le mystère pascal commence par le Carême et s'accomplit à la Pentecôte. Comme toujours, la foi renverse l'ordre des choses : au début, les cendres ; à la fin, les langues de feu ! Il s'agit de passer de la nuit à la clarté du jour, de la servitude à la liberté, de l'errance à l'alliance, de l'offense au pardon, de l'angoisse à la paix, de la solitude à la communion, des ténèbres à la lumière, de la rupture à la réconciliation et, finalement de la mort à la vie ! D'êtres éteints, il s'agit de devenir lumières, de cendriers : des buissons ardents !

***

Le carême est d'abord et avant tout un temps de transformation, de transmutation... Renaître à la vie, à la liberté, à la tendresse, à la compassion ! Il s'agit de se laisser attirer par un amour brûlant, envahir par un goût de la vie, par une passion pour l'homme, entraîner dans une communion qui transfigure tous les vivants. Il s'agit d'implanter l'Evangile dans le vif de nos vies !

Nous recevons les cendres, en un signe d'humilité, signe de notre condition humaine, signe surtout, et avant tout, d'un malheur dont nous sommes aujourd'hui sauvés.

Nous croyons que la braise couve sous la cendre, nous croyons que le feu renaîtra. Le monde est un vieux cendrier refroidi, il sent la solitude et le tabac froid ? Il faut y mettre le feu et la chaleur cordiale de l'amitié ! Il s'agit d'être une Eglise contagieuse qui communique la passion de Dieu, l'enthousiasme, la flamme de la foi, l'amour qui brûle sans consumer, la vie plus forte que la mort !

Nous recevons les cendres, pour dénoncer nos multiples morts et renaître à notre propre vie. Nous recevons les cendres pour communiquer le feu. Il brûle et purifie, dans une passion de vie, toutes les mesquineries, manques de vitalité et complaisances avec le désespoir.

De même que la lumière blanche se diffracte en différentes couleurs, le mystère pascal présente des phases très contrastées, mais il n'est qu'un seul mouvement. Recevoir les cendres et communiquer le feu : c'est tout un. C'est entrer en un chemin où il n'y aura plus d'impasse, ni de mort... Mystère de notre foi. Alors notre geste de recevoir les cendres, les nôtres, celles de nos frères, celles des ruines de partout, a un sens. Solidaires du monde entier, nous sommes appelés à être transfigurés, à renaître de nos cendres, à recevoir les langues de feu, à devenir buissons ardents ! Mais c'est à travers le feu...au c½ur même de la nuit, de la détresse parfois, de la souffrance... si proches alors de la croix victorieuse du Ressuscité.

Noël

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps de Noël
Année liturgique : A, B, C
Année: 2006-2007

Il y a une dizaine d'années est sortie cette pièce où entraient en dialogue Freud et un inconnu qui était Dieu. Permettez-moi en ce jour de Noël de vous livrer l'extrait suivant : Tu es tout-puissant, déclara Freud. Faux, répondit l'inconnu. Le moment où j'ai fait les hommes libres, j'ai perdu la toute-puissance et l'omniscience. J'aurais pu tout contrôler et tout connaître d'avance si j'avais simplement construit des automates. Alors pourquoi l'avoir fait ce monde ? demanda Freud. Pour la raison qui fait faire toutes les bêtises, répondit Dieu, pour la raison qui fait tout faire, sans quoi rien ne serait... par amour. Tu baisses les yeux, mon Freud, tu ne veux pas de ça, hein, toi, un Dieu qui aime ? Tu préfères un Dieu qui gronde, les sourcils vengeurs, le front plissé, la foudre entre les mains ? Vous préférez tous ça, les hommes, un Père terrible, au lieu d'un Père qui aime... Et pourquoi vous aurais-je fait si ce n'était par amour ? Mais vous n'en voulez pas, de la tendresse de Dieu, vous ne voulez pas d'un Dieu qui pleure... qui souffre... Oh, oui, tu voudrais un Dieu devant qui on se prosterne mais pas un Dieu qui s'agenouille. (E.-E. Schmitt, Le Visiteur, Actes-Sud, 1994, p. 53-54). Si parfois, dans nos vies, lorsque nous sommes confrontés à l'expérience de la souffrance, de la maladie et de l'injustice, nous souhaitons retrouver un Dieu tout-puissant qui puisse agir et changer en un coup de baguette magique le cours des événements, Noël est là pour nous rappeler qu'il en va tout autrement. Par l'événement de l'Incarnation, Dieu a choisi de s'agenouiller auprès de son humanité. Il n'attend pas que nous le vénérions, que nous l'adulions. Non, il semble souhaiter pouvoir venir s'agenouiller auprès de nous pour nous prendre par la main. Il vient auprès de nous. Il est avec nous. Mieux encore, il est en nous. Dieu s'est fait homme, non seulement pour que l'homme devienne Dieu, écrivit déjà au deuxième siècle saint Irénée mais aussi pour que le Père puisse se mettre à notre niveau. Il se veut un Dieu proche de son humanité. Je me risquerais même à dire, que malgré nos travers, Dieu aime profondément sa Création et ce, de toute éternité. Il savait qu'un jour il s'incarnerait, qu'il deviendrait un des nôtres. Et comme le souligne depuis des siècles la théologie, Dieu n'avait pas besoin du péché de l'homme pour s'incarner. Il devait s'incarner pour embrasser notre humanité afin de montrer le chemin qui conduit à la vie et de nous permettre de prendre un part active dans l'½uvre de sa résurrection. Ainsi, par la venue de Fils de l'Homme, nous participons mieux encore à son ½uvre créatrice. Toutes et tous, malgré nos fragilités, nos faiblesses ou notre maladie, nous continuons à être des co-créateurs de notre humanité. Chacune et chacun a sa manière. Il ne faut pas être valide pour répondre à un tel appel. En effet, tant de gens blessés par la vie ont été des étoiles d'espérance au c½ur de notre humanité. Et c'est donc dans un monde comme le nôtre, habité par des personnes comme nous, que, tout simplement Dieu s'invite à partager quelques années de notre condition humaine. Il vient s'agenouiller auprès de nous. Il vient poser sa main divine sur nos propres mains et il nous invite à nous émerveiller de tout ce que nous avons pu vivre depuis l'instant de notre conception. Il nous convie à nous réjouir de tous ces gestes de tendresse, ces moments d'amitié vécus dans la vérité de la rencontre, ces années d'amour offert l'un à l'autre, ces paroles de douceur échangées. En ce jour de Noël, il nous propose de les cueillir pour oser se les offrir à nous-mêmes. Dieu vient à nous. Dieu est en nous. Agenouillé auprès de nous, nous tenant fermement la main, il nous prie alors le c½ur rempli de la beauté de notre humanité de nous laisser guider par notre étoile intérieure, don de l'Esprit Saint, pour nous amener là où la vie nous conduit mais en toute confiance cette fois car nous sommes convaincus que ce Dieu qui s'est agenouillé auprès de nous, nous tient la main sur la route à parcourir pour que nous puissions nous aussi, pris dans notre réalité humaine, laisser éclore en nous toute cette part divine qui est présente afin que la lumière de Noël éclaire la beauté intérieure de chacune et chacun d'entre nous. Par l'événement de Noël, Dieu est avec nous, Dieu est en nous. Il vit agenouillé au plus profond de nous. S'il en est vraiment ainsi, alors heureux sommes-nous de pouvoir nous dire les uns aux autres : Joyeux Noël.

Amen

Noël

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps de Noël
Année liturgique : A, B, C
Année: 2006-2007

Personne ne connaît la date de naissance de Jésus. C'est seulement au 4ème siècle qu'on la fixa au 25 décembre qui était un jour de grandes festivités. En effet après la descente dans le froid et les ténèbres de l'hiver, les nuits allaient commencer à diminuer et les jours à s'allonger : aussi on se réjouissait et on s'offrait des cadeaux pour fêter la victoire du soleil. L'Eglise s'efforça d'apprendre au peuple que la véritable Lumière du monde, c'était Jésus ; c'est Lui qui nous fait sortir des ténèbres du mal et qui apporte au monde le salut de Dieu.

Or que voyons-nous ? Dans notre Occident si longtemps marqué par le christianisme, les traces de l'Evangile disparaissent et Noël est redevenu une fête païenne. Le pauvre bébé de Bethléem a fait place au père Noël ; les vitrines ne montrent plus des crèches mais des monceaux de marchandises. "Faisons comme si Dieu n'existait pas."

Certes le monde a fait des progrès gigantesques, il nous a apporté des bienfaits considérables, une part de l'humanité jouit d'un niveau de vie stupéfiant. Mais comment nier que ce monde reste à sauver ? La misère tue des milliers d'enfants tous les jours ; des guerres éclatent partout ; les drogues, les alcools, le sida font des ravages. Et dans notre Occident si riche, on ne compte pas les sans-logis, les affamés, les femmes battues, les ouvriers renvoyés au chômage. Et on s'effraie d'apprendre que le suicide reste la première cause de mort des jeunes de 20 ans. Et voici que nous sommes en train de détruire la planète : le climat se réchauffe, des espèces disparaissent, le désert s'étend, l'eau manque.

MARIE UNE FEMME QUI REFLECHIT

En cette nuit, notre mémoire remonte l'histoire et s'arrête sur une toute jeune femme qui, quelque part en Judée, contemple son nouveau-né endormi sur la paille d'une crèche." Que suis-je en train de vivre ?". L'évangéliste en effet note comme très importante cette attitude de Marie :

" Quant à Marie, elle retenait tous ces événements et les méditait en son c½ur".

Petite paysanne de Nazareth, soudain, Dieu l'avait interpellée, lui avait donné la plus extraordinaire des vocations : être mère du Messie. Un Messie qui serait Fils de Dieu, Roi d'un royaume éternel. Puis elle avait visité sa cousine et ensemble, prises par une folle allégresse, elles avaient chanté : " Dieu est magnifique, il fait pour nous des merveilles, il choisit les pauvres, et renverse les orgueilleux..." Et voilà que 9 mois plus tard, elle se retrouvait loin de chez elle, acculée à la plus extrême pauvreté, n'ayant d'autre berceau pour son bébé qu'une crèche avec un peu de paille. Et quelques petits gamins pouilleux étaient survenus dans la nuit, s'émerveillant de ce spectacle... Rien n'avait changé. Le monde continuait à tourner, l'Empire romain se croyait immortel, les commerçants faisaient des affaires, les cérémonies se déroulaient au temple, les malades gémissaient sur leur couche. Que voulait donc Dieu ?... Marie cherche à percer le mystère. Mais elle a fait l'essentiel : elle y a consenti.

LE CHRETIEN CHERCHE LE SENS DE L'HISTOIRE

Près de sa crèche, aujourd'hui, le chrétien imite Marie : il réfléchit sur l'histoire qu'il est en train de vivre et dont il est un acteur. Il ne se lamente pas sur les malheurs du temps, il ne se perd ni dans les regrets stériles du passé ni dans les rêves utopiques d'un futur paradisiaque. Il est dans l'aujourd'hui de Dieu.

Et il réfléchit. Qui donc est Dieu qui ne déchaîne pas sa colère contre la méchanceté des hommes, qui n'impose pas sa Transcendance, qui ne bouleverse pas l'ordre apparent du monde, qui ne résout pas nos problèmes par un coup de baguette magique ? Qui donc est Dieu pour se faire si faible, si petit, si pauvre ? Un Dieu qui se fait homme pour que nous puissions le regarder, l'accueillir, l'aimer. " Dieu a tant aimé le monde..." ( Jn 3)

Et qui donc est l'homme pour être, à ce point, aimé de Dieu ? Noël est la grande fête qui proclame que "tout homme est une histoire sacrée", que chacun doit être respecté dans son existence, sa vie, son identité. Noël, c'est la paix pour les hommes que Dieu aime

Et qu'est donc l'Eglise ? Elle aussi retient tous les événements et les médite pour tâcher de les interpréter et d'y répondre. Au moment même où elle venait de faire un Concile pour se présenter au monde moderne avec un visage rajeuni, de grandes voix ont retenti qui contestaient son autorité, son carcan moral et l'obscurantisme de ses dogmes. Et des idoles se sont dressées qui tonitruaient d'autres refrains, bien plus rythmés que ses cantiques doucereux.. Et les mains des jeunes, au lieu de s'ouvrir pour recevoir l'Hostie, se sont tendues, avides de drogues et d'alcools. Et des foules de baptisés, hypnotisés par une idéologie qui les persuadait que le bonheur, c'est d'acquérir, d'acheter, d'avoir tout, tout de suite, se sont détournés d'une Eglise qu'ils jugeaient définitivement dépassée.

Et pourtant 40 ans après 68, l'Eglise est là, chahutée par l'histoire mais confiante comme Marie. Ici elle peine mais dans les steppes de Mongolie, comme au c½ur de Pékin, des missionnaires baptisent. Dans la savane du Cameroun ou les contreforts de l'Himalaya, des Filles de la croix, nos voisines, ouvrent des écoles et des dispensaires. Et les pauvres se pressent dans les chapelles

L'Eglise fait mémoire des événements en même temps qu'elle fait mémoire de son Seigneur qui aujourd'hui vient à elle sous forme du Pain à rompre et partager. Ne reposait-il pas, dès sa naissance, dans une "mangeoire" ? N'est-il pas né dans un village qui s'appelle Beth-lehem, qui signifie "maison-du-pain" ? L'Eglise demeure la maison du Père où les frères et s½urs partagent le Pain de Vie pour être habités par le Christ.

Car, comme répétaient les Pères des 1ers siècles : "Dieu s'est fait homme pour que l'homme devienne Dieu"

"N'ayez pas peur : je vous annonce une Bonne Nouvelle pour tous les peuples : aujourd'hui vous est né un Sauveur. Il s'appelle JESUS".

Saint Jean-Baptiste ordinaire, année Aucune

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A, B, C
Année: 2006-2007

Le mois de juin de chaque année est un moment très dense pour toute une partie de la population de notre pays. Les jeunes générations sont touchées par ce phénomène puisqu'il s'agit du temps des examens. D'ici quelques jours, certains se réjouiront de leur période de vacances alors que d'autres se remettront à étudier. Quand nous sommes de l'autre côté de la barrière, comme professeurs, nous entendons parfois quelques belles petites perles. Je me permets de vous en livrer une qui m'a été offerte durant cette session-ci lorsqu'une étudiante présenta son travail en éthique à l'occasion de son examen. A un moment donné, elle affirma que le plus bel exemple du pardon se trouve dans l'évangile lorsque « Jésus sauva cette jeune musulmane de la lapidation ». Je me permis de l'interrompre et de lui demander : « êtes-vous bien certaine que c'est une jeune musulmane que Jésus sauva de la lapidation ? » Etonnée de mon propre étonnement, elle me répondit par l'affirmative tout en s'étonnant elle-même de ma question. Je lui ai demandé comment Jésus avait-il pu sauver une jeune musulmane alors que l'islam est une religion qui a été fondée six siècles après Jésus-Christ ? Une fois encore, étonnée de mon propos, elle me dit : « vous êtes sûr de ce que vous dites parce que c'est mon papa qui m'a donné cet exemple et lui, il a fait son catéchisme ». L'argument de l'autorité paternelle mit fin à la discussion sur ce point et me laissa tout surpris, tout étonné de tant de crédulité et également, pour être honnête, d'un certain manque de culture générale.

L'étonnement n'est d'ailleurs pas quelque chose d'anodin. Il fait partie de nos existences. Et il est bon de pouvoir s'étonner de temps à autre sinon la vie ne serait qu'une succession de séquences prévisibles. L'étonnement peut nous mettre du baume au c½ur, de la joie profonde en nous lorsque nous sommes confrontés à des situations merveilleuses telle qu'une surprise, la beauté d'un lieu, l'inattendu d'une rencontre ou d'une situation et que sais-je encore. L'étonnement donne une autre couleur à la vie, un peu comme une suite de notes sur une portée dont on changerait de temps à autre la clé de sol en clé de fa ou en clé d'ut pour offrir une tonalité différente. L'étonnement crée d'une certaine manière une forme de scission dans le lot de notre quotidien. Il peut s'agir d'un éclair ou d'une lumière nouvelle. Il s'inscrit dans notre histoire subitement, sans que l'on puisse s'y attendre. Il y a toutefois lieu de reconnaître que nous pouvons aussi faire l'expérience d'étonnements moins heureux lorsque le cours normal de l'existence est traversé par une rupture douloureuse telle que la confrontation à l'injustice de la maladie, la perte d'un être cher, un changement subit de situation professionnelle, une remise en question difficile. Il n'y ici plus de place pour l'émerveillement et les réjouissances. Nous sommes confrontés à la découverte pénible que notre vie ne suit pas le cours normal que nous avions espéré. Notre musique intérieure ne sonne plus juste, voire pire la mélodie nous semble tout à fait fausse. Nous risquons alors de nous enfermer dans une spirale dont nous pouvons avoir l'impression qu'il est quasi impossible de nous libérer tellement nous nous sentons liés à la situation nouvelle qui ne fait plus qu'un avec nous. Pourtant les forces de vies en nous nous convient à chercher, à l'instar de Zacharie dans l'évangile entendu, à nous délier de ce qui nous emprisonne, à trouver en nous la voie qui nous permettra non pas de donner sens à l'insensé mais de chercher à comment vivre autrement notre propre existence, c'est-à-dire à permettre à ce qu'une fleur puisse à nouveau éclore au plus profond de nos entrailles. Nous sommes face à la question existentielle du « que sera donc cet enfant ? » ou en d'autres termes « qui vais-je devenir ? » ou « comment advenir à l'être que je suis devenu ? ». Le destin étonnant qui nous a frappé a transformé la poursuite de notre destinée. Il n'y a pas de réponse toute faite, juste une espérance qui prend le temps de se découvrir. Pour ce faire, nous sommes invités, comme Jean le Baptiste, à entrer dans notre désert intérieur : un désert non pas vide et voué à une vaine solitude mais un désert rempli de tout ce qui a fait la richesse et la beauté de notre être, un désert plein de la présence divine se révélant dans la tendresse de celles et ceux qui croisent notre route, un désert qui nous permettra peut-être un jour d'être à nouveau étonnés mais cette fois étonnés de Dieu dans le regard d'amour de nos proches. Et cet étonnement-là, nous remettra sur le chemin de notre vie.

Amen

Sainte Famille, année C

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps de Noël
Année liturgique : C
Année: 2006-2007

Elle est le creuset de l'amour, le nid primordial de l'éclosion de la vie, le milieu chaleureux où se développent les potentialités de chacun, le centre où se tissent les relations les plus profondes. Lieu des plus grands bonheurs mais aussi de la souffrance. Car qui peut nous faire souffrir davantage que nos proches ? Lieu des failles où les plus tendres confidences peuvent faire place aux cris et aux insultes. Lieu parfois, hélas, des ruptures et des haines. Mais banc d'épreuves nécessaires pour guérir de l'égoïsme congénital. Aimer, ce n'est pas ce que je croyais. C'est plus rude, plus beau.

PRIER EN FAMILLE

Pourquoi donc la famille est-elle si rarement le lieu de la prière commune ? Comme si chacun était gêné d'exposer sa relation à Dieu. Pourtant époux et épouse, en parlant ensemble à Dieu, pourraient mieux découvrir qu'ils ne sont pas seulement deux amoureux qui se sont unis mais qu'ils sont, à égalité, enfants du même Père. Donc frère et s½ur dans la foi et la charité puisqu'ils diraient ensemble : " NOTRE PERE QUI ES AUX CIEUX". Quelle solidité prendrait un lien conjugal dont les racines seraient manifestées comme enfoncées dans le c½ur du Père. Et quelle force soutiendrait les familles qui se réuniraient chaque dimanche dans la Maison de CE PERE DES CIEUX. Là on croit que l'amour s'étiole s'il se replie entre quatre murs, que le partage du pain que "l'on a gagné à la sueur de son front" doit conduire à un autre Partage, celui du Pain de Vie. Là il n'y a plus de disparités sociales car la paroisse est la famille des familles.

N'est-ce pas là l'objectif de Dieu ? Jésus qui a donné le plus haut enseignement sur le mariage comme ¼uvre de Dieu ("Que l'homme ne sépare pas ce que Dieu a uni") ne s'est pas marié lui-même.

Non par refus d'une faiblesse impure, ni par goût d'une vie angélique. Mais parce qu'il voulait manifester qu'en lui, avec lui, l'union entre Dieu et l'humanité était reconstituée. Un jour, raconte l'Evangile, il s'est bien appelé EPOUX - et c'était au moment même où il partageait un repas avec des gens catalogués comme pécheurs. Pour sauver les mariages terrestres - en si grand péril aujourd'hui -, il faut montrer leur source divine : l'amour infini que Dieu offre aux êtres humains afin de s'unir à eux comme un Epoux à son épouse. ¼uvre gigantesque, terrible : Jésus en est mort sur une croix ! Mais c'était pour purifier son Epouse l'Eglise et offrir le pardon à tous ceux-là - chacun de nous - qui l'ont trahi.

Et si les familles retrouvaient l'usage des premiers chrétiens : prier ensemble, dire et méditer la grande Prière du Seigneur ? Trop souvent nous nous contentons de la dire d'une traite : voici quelques notes, trop rapides, à prolonger au cours de vos échanges

LE NOTRE PERE EN FAMILLE

Notre Père des cieux : non lointain, derrière les nuages, mais dans le ciel de notre âme, là où jaillit la source de notre amour. C'est Lui qui nous donne l'un à l'autre. Car Il est Amour et celui qui aime est né de Dieu et connaît Dieu...

Que ton Nom soit sanctifié - et non moqué, nié, caricaturé, blasphémé. Que notre joie quotidienne soit de te nommer, de te révérer dans ta Majesté et ta proximité. Tu es le centre de l'équilibre familial. Notre cellule familiale doit témoigner de ta Présence aimante.

Que ton Règne vienne...Car nous voyons trop bien aujourd'hui que les idoles (argent, frénésie d'achat, ambition, envie, racisme...) causent des ravages épouvantables. Dieu ne s'impose pas par la force : il est comme l'Enfant de la crèche qui sollicite l'amour. C'est ce Dieu de tendresse qui doit régner chez nous, avec sa Bonté, sa douceur, sa Miséricorde. Si nous acceptons d'être citoyens de son royaume, nous vivrons dans la Paix.

Que ta Volonté soit faite - C'est la prière dite par Jésus à Gethsémani. C'était les hommes qui voulaient sa mort mais il priait son Père de lui donner assez de courage pour poursuivre sa mission, même si cela devait le conduire au martyre. Trop souvent nous tenons à notre volonté propre.....l'autre également...et cela fait des étincelles. Ensemble apprendre à nous remettre devant ta Volonté d' Amour. Vouloir ce que Toi, Père, tu veux sera sans doute chemin de croix mais voie du vrai bonheur.

On voit que la prière n'est pas bavardage sur soi : elle commence par une attention totale à l'Identité et au Projet du Père. Les chrétiens participent au Dessein du salut des hommes en priant. La prière est le grand levier qui permet à l'Esprit de soulever le monde, de tirer l'humanité hors de la jungle pour la guider vers le monde tel que Dieu le veut.

NOS DEMANDES POUR NOUS.

Ensuite la famille de Dieu (car on prie toujours en NOUS - et non tout seul) présente ses requêtes selon la triple dimension temporelle de l'existence humaine :

(le présent) Donne-nous notre pain de ce jour - Car travail et propriété ne nous rendent pas maîtres absolus. Tout doit être reçu avec gratitude : pain à partager à la table familiale...mais plus encore Pain de la Vérité reçu dans l'enseignement de l'Evangile et Pain de Vie dans l'Eucharistie qui nous rendra UN.

(le passé) Pardonne-nous comme nous pardonnons - La vie commune entraîne des blessures, des heurts. Nul n'est pur et chacun doit demander pardon au Père : il l'accorde à tout appel sincère mais exige que ce pardon soit offert à l'autre avec la même libéralité.

(le futur) Ne nous soumets pas à la tentation mais délivre-nous du Mal. Dieu ne nous tend pas des pièges, ne nous pousse pas au bord du précipice. Mais nous sommes libres donc toujours placés devant des alternatives et tentés de prendre des décisions qui nous paraissent meilleures et qui vont nous détruire. Le couple et la famille peuvent être secoués par des ouragans terribles... C'est pourquoi, consciente de sa faiblesse, la famille supplie pour recevoir une aide surnaturelle. Seule la Puissance de l'Esprit-Saint lui permettra d'éviter les chutes dans l'abîme des conflits, des rancunes tenaces, des haines inexpiables, de l'absurde et du désespoir.

Splendeur du NOTRE PERE : Redit des milliards de fois jamais il ne s'use. Qui le médite y trouve des profondeurs toujours nouvelles. Il est comme le résumé de la vie chrétienne. Heureuses les familles qui, en le priant chaque jour, feront l'expérience que, dans l'élan de l'Esprit, avec les mots du Fils, elles communient à la Vie du Père. La Famille terrestre, blessée, vulnérable, défaillante, demeure l'image du Dieu Communion.. R. Devillers , dominicain

Sainte Famille, année C

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps de Noël
Année liturgique : C
Année: 2006-2007

Fête de la Sainte Famille : le 31 décembre 2006

Il faut quand même le faire. Je ne crois pas qu'il y ait de meilleure expression pour décrire cette situation. Il faut quand même le faire d'arriver à perdre son enfant pendant trois jours. A la première lecture de l'évangile que nous venons d'entendre, nous pourrions nous dire que Marie et Joseph ne sont pas des parents qui se soucient beaucoup du sort de leur progéniture pour ainsi être capable de le perdre. Dans cette perspective, je me risquerais même à dire qu'ils ne sont certainement pas un modèle à suivre. Perdre son enfant est déjà un scandale mais qui ce dernier s'aggrave encore lorsque l'enfant est l'enfant-Dieu. Ils auraient quand même pu faire un peu plus attention. Bon sang. Oser perdre Dieu. Vous imaginez ! Mais en y réfléchissant à deux fois, Marie et Joseph sont-ils si différents de nous ? Ne sommes-nous pas, nous aussi, des êtres humains à qui ils arrivent parfois de perdre Dieu. Pris par le brouhaha de la vie, par une certaine force de lassitudes, par le vacarme des soucis ou encore par une fatigue due à une overdose de travail, ne perdons-nous pas un peu de cette divinité qui inhabite au plus profond de chacune et chacun d'entre nous ? Ou pour le dire autrement, où est Dieu lorsque nous déclinons notre identité ? Suis-je d'abord croyant puis belge puis francophone puis je cite ma profession, mon statut social j'en passe et des meilleures ou bien est-ce que je me décline en parlant d'abord de ma profession, de tout ce que j'ai entrepris et réussi, de ma famille et parfois, mais très rarement je m'autorise à dire que je suis croyant ? Ne risquons nous pas de perdre parfois Dieu dans le tourbillon de nos existences. Il est vrai que l'expérience d'une épreuve qu'elle soit physique ou morale nous donne souvent l'occasion de remettre de l'ordre dans nos priorités pour découvrir ou redécouvrir que l'essentiel voire l'existentiel se vit dans ce que le Christ nous propose. Alors effectivement, il peut nous arriver de perdre Dieu lorsque nous sommes pris dans la folie de notre quotidien et voilà que l'évangile nous invite à nous arrêter pour partir à la recherche de ce Dieu d'amour qui sommeille en nous. Il suffit d'une toute petite étincelle de tendresse pour le réveiller. Un peu comme si les lectures du jour nous invitaient à ne plus perdre Dieu mais plutôt à nous perdre en lui. Telle serait notre destinée : accepter de nous perdre en Dieu tellement son amour est immense, son pardon démesuré. Y a-t-il plus belle espérance que celle-là : pouvoir se perdre à jamais en Dieu car ayant pris conscience de l'avoir perdu de temps à autre, nous sommes heureux de revenir à ce qui donne le sens de nos existences. Oser se perdre en Dieu, c'est redécouvrir que l'essentiel se vit dans le c½ur. Tout comme Marie dans l'événement relaté dans l'évangile qui retenait tous ces événements dans son c½ur. N'est-il d'ailleurs pas étonnant de constater que Marie est l'anagramme du verbe « aimer ». Marie et aimer : cinq lettres qui se veulent synonymes dans l'amour. Marie, la mère de l'enfant-Dieu, est donc bien celle qui a tout donné et vécu dans son c½ur. Elle avait choisi d'écrire sa vie avec cette encre d'amour. Se perdre en Dieu, c'est accepter alors de devenir des philographes de nos existences, c'est-à-dire des hommes et des femmes qui acceptent dorénavant de n'écrire leurs vies qu'avec une encre étincelante de douceur, lumineuse de bonté. La philographie, c'est la calligraphie du c½ur lorsque nos visages rayonnent de tout ce que nous avons gardé de merveilleux au plus profond de nous-mêmes. La philographie est un art offert à tout être humain de par sa simple condition d'être humain. Elle n'est pas l'apanage de quelques uns. Toutes et tous, nous sommes conviés à devenir des philographes, c'est-à-dire des femmes et des hommes qui sont prêts à marcher sur la route de leurs destinées ayant pour seul et unique objectif de se perdre mais se perdre en Dieu car ils ont acquis cette conviction intime que tout se qui se vit dans l'amour, se grave à jamais dans le c½ur des êtres aimés et aimants. Alors, ne regardons plus en arrière même s'il nous est parfois arrivé, à nous aussi, de perdre Dieu. Déclinons nos identités en osant affirmer avec force cette foi en ce Dieu qui inhabite en nous. Nous rayonnerons alors de cette part divine parce que nous serons devenus les véritables philographes de nos existences. En ce temps de Noël, qu'aimer devienne pour chacune et chacun d'entre nous l'anagramme virtuel de chacun de nos prénoms.

Amen.

Tous les Saints

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A, B, C
Année: 2006-2007

TOUSSAINT : Quel dommage que ce nom évoque l'âcreté des chrysanthèmes, le crissement des pas dans les allées de cimetière, le brouillard et les feuilles mortes. L'ambiance des romans de Simenon. Une odeur de désespoir, de mort. Alors que "TOUS-LES-SAINTS" est la fête de la victoire de la VIE !

L'actualité sanglante nous le rappelle chaque jour : l'humanité gémit sous les griffes de la souffrance, pleure ses échecs continuels, semble se débattre dans l'absurde avant de glisser vers l'anéantissement inexorable. Or la TOUSSAINT proclame que cette impression est fausse. Si les hommes se détestent, font des guerres, semblent irrémédiablement perdus, malgré tout Dieu parvient à rendre VIE aux cadavres. Et si l'Eglise du Christ semble succomber au mal tout-puissant, si même en son sein les scandales éclatent, Dieu parvient à conduire des hommes à leur accomplissement : LA SAINTETE.

LA SAINTETE EST LA VOCATION DE CHAQUE HOMME

Dans notre Eglise catholique, le mot SAINT est malheureusement réservé à des héros intrépides, des champions en exploits ascétiques et mystiques tellement extraordinaires qu'ils apparaissent comme des êtres d'une autre espèce que nous, inimitables.

Les premiers chrétiens s'appelaient "frères" ou "saints" selon le qualificatif biblique qui veut dire "séparé", "autre". En se convertissant à la foi nouvelle, les baptisés s'engageaient à changer de comportement, à adopter le mode de vie tel qu'il était prescrit et détaillé dans les Ecritures : dans l'Ancien Testament où YHWH avait ordonné à tous les croyants " Soyez saints car Je suis Saint", et dans le Nouveau Testament où Jésus avait radicalisé ces mêmes exigences.

Saint PAUL, dès sa 1ère lettre, écrivait : " La volonté de Dieu, c'est que vous viviez dans la sainteté" ( 1 Thess 4, 3).

Dans toutes ses lettres, il exprimait des reproches et des remarques sévères à ses communautés : tout n'était pas parfait, la charité manquait souvent, il y avait du laisser-aller. Mais cela n'empêchait pas Paul de considérer ses frères et s½urs comme des SAINT(E)S.

Ce qui signifie donc que la SAINTETE est un DON reçu et une TÂCHE à accomplir. Le chrétien, par son baptême, EST saint - par sa vie, ses décisions, sa fidélité, il DEVIENT saint. "Beaucoup sont appelés mais peu sont élus" disait l'Evangile...néanmoins le livre de l'Apocalypse rapporte une vision splendide de Jean pour alimenter notre espérance en ce jour : "J'ai vu une foule immense, que nul ne pouvait dénombrer, une foule de toutes nations, races, peuples et langues.

Ils se tiennent debout devant le Trône de Dieu et devant l'Agneau, en vêtements blancs, avec des palmes à la main.

Et ils proclament d'une voix forte :" Le salut est donné par notre Dieu, lui qui siège sur le Trône, et par l'Agneau" Un des Anciens dit : " Tous ces gens vêtus de blanc qui sont-ils et d'où viennent-ils ?...Ils viennent de la grande épreuve : ils ont lavé leurs vêtements, ils les ont purifiés dans le sang de l'Agneau" ( chap. 7 - 1ère lecture)

La sainteté n'est donc pas réservée à un peuple, à une classe, à des initiés... : elle peut naître et se vivre en tout pays, à toute époque. Elle permet le dépassement de tout racisme, de tout préjugé de classe ; elle crée la communion finale de l'humanité enfin UNE.

La Sainteté met l'homme DEBOUT, fier, droit. Il n'est plus courbé sous le poids des maladies, déformé par les handicaps, soumis à des contraintes, enchaîné par l'esclavage. La sainteté est la fin de l'aliénation : elle est libération.

Alors l'humain n'est plus dévêtu par la honte, gêné par sa misère, souillé par le péché : il est (symboliquement) HABILLE DE BLANC, il rayonne de la Gloire de son Dieu.

Et tous agitent des palmes en signe d'allégresse, ils expriment leur bonheur infini, leur joie inaltérable en acclamant leur DIEU et son FILS, l'AGNEAU IMMOLE ET DEBOUT, Jésus le Christ, qui a donné sa vie sur la croix, le Sauveur qui a versé son sang afin de leur offrir à tous le pardon. Le ciel est folle JOIE parce que partagée, commune. Aucun orgueil, aucune vanité n'est possible : nul ne se targue d'avoir réussi sa vie, nul ne se vante de ses perfections, nul ne dénombre ses propres qualités ou ses mérites, nul ne se juge supérieur aux autres.

Tous, à égalité, dans l'humilité, chantent Dieu et son Fils Jésus dont ils ont tout reçu. "LE SALUT EST DONNE".

Mais cet aboutissement de l'humanité n'est pas automatique : "ILS VIENNENT DE LA GRANDE EPREUVE".

Ces femmes et ces hommes, au long de leur vie terrestre, ont été soumis, comme nous, aux tentations, ils ont dû renoncer à eux-mêmes, suivre le Christ, porter leur croix, souffrir pour lui. Au lieu d'écouter les refrains mensongers de la société idolâtre, ils ont choisi de chercher le bonheur tel que Jésus l'enseignait : " Heureux les pauvres...les doux...les assoiffés de justice...les purs de c½ur...les persécutés..." (évangile du jour) Le combat est nécessaire, il peut être terrible, il dure jusqu'à la dernière seconde. Cependant, on le répète, ce ne sont pas les vertus qui sauvent mais seul le SANG DU CHRIST - donc la Miséricorde. Au ciel, il n'y a plus place que pour le chant de la reconnaissance, l'explosion de gratitude, le remerciement éperdu. "Tout est grâce" disait Thérèse de Lisieux reprenant le mot de la grande Thérèse d'Avila. "J'estime que les souffrances actuelles sont sans proportion avec la Gloire qui doit être révélée en nous" ( S.Paul aux Romains, 8).

Aurons-nous en ce jour davantage envie de nous joindre à cette foule bigarrée ? La sainteté est la réussite de la vie.


12e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2005-2006

Mc 4, 35-41

Voulant être encore plus performant que son propre père et se souvenant de sa guerre contre l'Irak baptisée « Tempête du désert » au début des années nonante du siècle passé, G. W. Bush décida de préparer une nouvelle guerre. Pour ce faire, il invita son allié Tony Blair pour en discuter car il reconnaissait le fin stratège qu'était ce dernier. En pleine discussion dans le bureau ovale, Jacques Chirac qui passait par hasard par là se permit d'entrer et leur demanda quel était le contenu de leur entretien. « Nous sommes en train de préparer une nouvelle guerre », annonça G. W. Bush. « Pour quel motif ? » s'interrogea le président français. « L'opération militaire baptisée « Tempête chez les belges » aura comme objectif d'éliminer tous les belges de la planète et un marchand de frites pakistanais », répondit Tony Blair. « Mais pourquoi un marchand de frites pakistanais ? », s'enquit Jacques. A ce moment Tony regarda George et lui dit : « tu vois, j'avais raison, les gens ne se poseront pas la question du pourquoi de l'élimination de tous les belges ». Pauvres de nous. Tempête du désert où tant d'hommes ont perdu la vie, tempête chez les belges qui, j'espère, jamais n'existera. Des tempêtes nous en traversons toutes et tous. Elles font partie de l'histoire de nos vies. Nous les traversons car existe au plus profond de nous un désir de vivre même si au moment où nous en faisons l'expérience, nous nous sentons trop souvent bien seuls face à l'immensité de ce qui nous arrive. Nous redécouvrons à quel point nous sommes confrontés à notre propre solitude même lorsque des êtres aimants nous entourent, nous consolent et nous aident à nous remettre debout pour aller de l'avant. Nos tempêtes portent différents noms également. Il y a la tempête des échecs de projets ou des échecs d'examen. Il y a les tempêtes de séparation de relations amoureuses. Il y a les tempêtes de deuil à devoir affronter et l'apprentissage de vivre sans l'être aimé. Il y aussi parfois la tempête du scandale de la mort lorsque la personne qui nous a quitté avait encore tant d'années devant elle. Il y a la tempête de la souffrance physique, la tempête de la douleur morale. Il y a également la tempête de la diffamation et de la calomnie face auxquelles nous n'avons comme arme que le silence et l'attente du temps au temps qui rétablira la vérité. Il y a encore tant d'autres tempêtes dont je pourrais vous parler. Et au c½ur de toutes ses expériences tumultueuses, nous sommes traversés de questions, notre foi est ébranlée et le doute se met à nous envahir. Mais pourquoi Seigneur, pourquoi moi et pourquoi maintenant ? Où es-tu ? Que fais-tu ? Si tu es ce Dieu Amour dont on nous parle tant, pourquoi laisses-tu faire ? Pourquoi n'interviens-tu pas puisque tu sembles être également tout-puissant ? Pour toi, ce ne serait pas grand-chose dans le temps de l'éternité alors que pour nous, c'est essentiel vu le temps de notre humanité qui est compté. Tu es sans doute là et tu nous observes de là où tu te trouves et peut-être même que tu souffres avec nous, peuvent penser certains d'entre nous. Toutes ces questions sans réponse et nous nous restons toujours aussi esseulés au cours de ces diverses tempêtes que nous traversons. Mais en sommes-nous si sûrs. Ne sommes-nous pas en train de nous tromper ? Il le semble en tout cas d'après les dires de l'évangile de ce jour. Au c½ur de nos tempêtes, nous nous tournons vers le Ciel pour trouver la réponse à nos questions. Comme si Dieu était extérieur à tout ce que nous vivions et qu'il pourrait, en tant que grand magicien, changer en un coup de baguette le cours des événements. Dans le récit de l'évangile, Dieu n'est pas en-dehors de la tempête, il est au c½ur même de cette dernière. Le Fils de Dieu est avec ses disciples. Il est paisible et confiant. Jésus, par cette expérience de la tempête, semble vouloir nous inviter à chercher Dieu non plus à l'extérieur des troubles mais au c½ur de ceux-ci non pas comme celui qui les aurait causé mais comme celui qui nous accompagne et nous soutient. Le Fils de Dieu dans le récit de la tempête apaisée, l'Esprit de Dieu aujourd'hui sont avec nous lorsque les bourrasques de la vie nous submergent. L'Esprit de Dieu est à nos côtés en inspirant celles et ceux qui se font proches de nous tout en nous portant et en nous soutenant dans l'épreuve. Dieu ne nous laisse pas seul. Il ne nous renvoie pas à notre propre solitude. Non, il inspire d'autres êtres qui partagent ma condition humaine pour continuer d'avancer sur le chemin de la vie. Dieu est avec nous mais également en nous. A nous aussi de repartir à la source de notre humanité là où l'Esprit a choisi de venir se reposer. En chacune et chacun de nous, il y a une force de vie nourrie par le don de l'Esprit. Ne craignons pas d'aller nous rassasier à celle-ci lorsque le besoin se fait sentir. Jésus était au c½ur de la tempête. Par son Esprit, il l'est toujours autant car Dieu n'est pas au loin, Il est avec nous, Il est en nous.

Amen.

12e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Van Aerde Michel
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2005-2006

Voici un évangile qui tombe à pic ! Vous me direz que le jeu de mot est facile mais l'Eglise vit aujourd'hui un effondrement apparent qui nous inquiète tous. La barque de saint Pierre est secouée. Les vagues arrachent les gréements, le vent hurle et peut nous précipiter dans la mer. La barque prend l'eau de toutes parts. Va-t-elle va couler à pic comme le Titanic ?

Le temps de la chrétienté est terminé. Il subsiste en notre imaginaire comme ce temps idéal où le sol était ferme et tout bien assuré. Mais elles sont loin les années où l'Eglise était installée, puissante, avec plusieurs prêtres par clocher, des réseaux multiples d'organisations, la catéchèse pour tous les enfants et des églises bondées. On peut être fier de ce passé. L'Eglise a créé les premières universités, les hôpitaux, les écoles pour démunis, les mutuelles et les maisons d'édition. Maintenant, l'Etat prend à sa charge aussi bien l'enseignement et la culture, que la santé et la solidarité. Faut-il s'attrister que l'Etat assume enfin ses responsabilités ? Faut-il vraiment déplorer l'effacement de la religion ?

Ces changements profonds nous effraient comme une tempête qui secoue profondément. De fait, nous sommes en butte à l'indifférence ou au dénigrement, à des vagues successives de revanche, de ressentiment, d'agressivité. Notre fidélité fait rire et nos symboles sont objets de dérision dans les médias et la publicité. Les églises se convertissent en salles de concert ou en musées. Cette fois la barque de saint Pierre est prise dans la tempête, tout s'en va à veau l'eau et nous allons couler. Faut-il revenir en arrière, rentrer au port, nous mettre à l'abri dans un passé idéalisé ? Faut-il prier le Christ et le secouer ? A l'évidence, il dort. Oserons-nous le réveiller ?

Si l'Evangile nous est ainsi étonnamment contemporain, c'est qu'il est un chemin de passage. « Passons sur l'autre rive » nous dit Jésus. C'est-à-dire allons de la rive juive à la rive païenne, de Capharnaüm à Gerasa. Ce mot d'ordre est permanent. « Passons aux païens » dira saint Paul : laissons la culture juive, entrons dans la culture grecque. « Passons aux barbares » dira-t-on après : l'empire romain s'effondre, convertissons les barbares vainqueurs. « Passons à la République et laissons l'Ancien Régime », diront en France, au siècle dernier Lacordaire et Lamennais... passons à la modernité. La foi est le contraire de la crispation. La foi n'est liée ni à une culture ni à un système social. Elle correspond à un incessant départ en mission, de l'autre côté du lac et le passage est toujours risqué.

Jésus dort et son sommeil est symbole de mort. Il est couché, inerte, à plat. C'est la Pâque et la panique est là, sauve qui peut, chacun pour soi ! Mais voici qu'il s'éveille. Il se met debout, et c'est la Résurrection. « N'ayez pas peur ! » La tempête est tombée, le calme s'établit dans la lumière de Dieu. C'est le petit matin d'une nouvelle création dans un silence merveilleux.

Tout l'Evangile nous dit ce passage d'un bord à l'autre de la vie, au travers de la peur. Tout l'Evangile nous dit que malgré tout, Jésus est au milieu de nous et que c'est lui qui nous conduit. Nous ne comprenons pas tout, nous ne comprenons parfois même plus rien, mais nous pouvons nous appuyer sur lui comme s'est lui-même appuyé sur son Père, devenu notre Dieu. Ce porte-à-faux, cette confiance s'appelle la foi. Elle permet de surmonter la peur. Non pas de ne plus avoir peur du tout, car nous avons toujours peur, comme Jésus a eu peur lui aussi, mais la foi nous donne de ne pas être paralysés et de franchir, l'une après l'autre, les étapes de notre développement spirituel et humain.

L'Evangile ne nous cache pas que le monde change, que les temps changent, que la tempête fait rage, qu'il fait nuit. Mais il nous dit aussi que le Christ nous accompagne et qu'il a traversé la mer. Il a franchi les obstacles, en particulier la mort. Il a mis le pied sur l'autre rive et il nous y conduit.

Qu'on l'accepte ou non, tout ce qui est humain est appelé à mourir. Jérusalem a été détruite, le Temple aussi. Nos églises ne sont que des bâtiments, elles ne sont pas l'essentiel. Nous pouvons être peu nombreux. Peu importe. Comme le disait Jean Paul II aux chrétiens du Maroc : « on ne vous demande pas de faire nombre, on vous demande de faire signe ». Ce signe, nous le donnons. Notre religion pas est figée. Elle n'est prisonnière ni d'une langue donnée, ni de formules fixées, ni d'une esthétique passée. Notre foi est une source permanente de créativité. « Passons sur l'autre rive ! » et traversons la vie avec sérénité.

Si nous regardons l'histoire avec sérieux, nous verrons que toutes les générations ont vécu l'impression d'être les dernières. Il y a eu d'abord l'effondrement de l'empire romain et les barbares vainqueurs. Au Moyen Age, les grandes épidémies ont décimé la population. Des comètes dans le ciel ont inquiété les esprits. La révolution française a entraîné la terreur. La révolution bolchévique a terrifié les populations. Les guerres mondiales ont plongé le monde dans la nuit et la menace atomique a tourné comme un orage lourd, prêt à éclater. Aujourd'hui, même les animaux sont touchés : après la vache folle, voici la grippe aviaire ! La peur s'appelle « terrorisme », il frappe aveuglément, toujours des innocents.

Ainsi donc jamais la vie n'a été facile et il faut toujours aller de l'avant, passer sur l'autre rive sans vouloir s'installer. C'est vrai pour tout le monde mais nous, nous le savons. L'Evangile nous le dit clairement. C'est la condition normale de l'homme et celle du chrétien. Dans cette traversée nous ne sommes pas seuls et, même si les vagues sont fortes et tout semble sombrer. Même si Jésus dort, les vents et le ciel lui obéissent.

En attendant : Ramons !!!

12e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2005-2006

 

Mc 4, 35-41

Comme toujours, l'évangile du jour se révèle d'une actualité pointue, bien propre à éclairer et conforter une Eglise en crise.

Toute la journée Jésus avait parlé à la foule en paraboles. Le soir venu, Jésus dit à ses disciples : " Passons sur l'autre rive". Quittant la foule, ils emmènent Jésus dans la barque, comme il était ; d'autres barques le suivaient. Survient une violente tempête. Les vagues se jetaient sur la barque si bien que déjà elle se remplissait d'eau. Et Jésus dormait sur le coussin.

Ses compagnons le réveillent : " Maître, nous sommes perdus ! Cela ne te fait rien ?".

Réveillé, il interpella le vent avec vivacité et dit à la mer : " Silence ! Tais-toi !". Le vent tomba et il se fit un grand calme.

Jésus leur dit : " Pourquoi avoir peur ? Comment se fait-il que vous n'ayez pas la foi ? ".

Saisis d'un grande crainte, ils se disaient entre eux :

" Qui est-il donc pour que même le vent et la mer lui obéissent ?".

La nuit tombe vite et c'est précisément alors ("le soir") que Jésus, fourbu après des heures d'enseignement, prend l'initiative de gagner l'autre rive du lac, c'est-à-dire d'aborder le pays païen. Il ne s'agit donc pas d'un moment de détente après une journée de travail mais d'un départ en mission vers l'extérieur. Il est donc normal que les forces du mal se déchaînent, que des résistances se lèvent avec violence.

C'est l'heure du déracinement, du passage vers l'étranger - donc l'heure de l'opposition, de la peur - donc l'heure d'une foi nouvelle.

UN PASSAGE VERS L'INCONNU

N'est-ce pas ce que nous sommes appelés à vivre aujourd'hui ? Bien des chrétiens n'ont pas encore compris que le temps de la chrétienté était terminé. Finis les siècles d'un Eglise installée, puissante, avec une pléthore de prêtres, des réseaux d'organisations confessionnelles, des églises combles, la catéchèse pour toute la jeunesse du pays. L'Eglise a joué son rôle prophétique en inventant universités, écoles pour pauvres, soins des plus malheureux, mutuelles. Par le phénomène dit de sécularisation, l'Etat moderne ne veut plus la tutelle de la religion : il entend assumer lui-même ces tâches de justice, d'enseignement, de médecine, de culture.

Devant cette évolution qui tend à marginaliser l'Eglise, certains jubilent devant ce qu'ils annoncent comme la fin de la religion.

Beaucoup de croyants, eux, se lamentent devant les effondrements auxquels l'Eglise doit consentir : le prêtre n'est plus une personnalité, des églises deviennent des salles de concert ou des musées, les pratiquants ne sont plus qu'un petit troupeau. L'Eglise elle-même est objet de dérision, ses interventions publiques sont considérées comme une intrusion indue dans le domaine socio-politique.

Dans cette tempête qui arrache toiles et gréements, des multitudes ont décidé de quitter la barque de l'Eglise où ils ne retrouvaient plus leurs assurances de jadis. Et ceux qui restent en veulent à cette société matérialiste : ils dénoncent le dévergondage des m½urs, les magouilles du monde de la finance, la corruption des milieux politiques, le manque de générosité des jeunes allergiques à l'héritage chrétien.

Comme si le monde pouvait faire autre chose que détester l'Eglise !

DÉNONCER LE MONDE OU CONVERTIR LES CROYANTS ?

En relisant les Ecritures, on remarque, à notre grand déplaisir peut-être, que les prophètes bibliques ne vitupèrent guère contre les Puissances païennes qui écrasent Israël et lui infligent des désastres. Racontant les défaites qui ont conduit à la ruine de Samarie puis de Jérusalem et à l'incendie du temple, ils en font porter la responsabilité première sur le peuple d'Israël lui-même et principalement ses dirigeants qui n'ont pas été fidèles à la Loi de Dieu.

Le manque de foi des fidèles est beaucoup plus grave que la perfidie des ennemis et la puissance de leurs armées.

De même Jésus ne tonne pas contre les exactions et les tortures de l'armée romaine d'occupation pas plus qu'il ne s'emporte contre les malfaiteurs et les prostituées. Curieusement mais tout à fait dans la ligne des prophètes, il s'en prend à ceux qu'il juge les vrais coupables : le haut clergé, imbu de ses privilèges, et qui a transformé le temple en un système bancaire très lucratif ; les théologiens qui multiplient les interdits oppressants, faisant peser un joug insupportable sur les consciences ; et les confréries de laïcs, ces fidèles pharisiens qui camouflent leur amour de l'argent sous des pratiques pieuses et cherchent à faire leur salut par leurs propres ½uvres.

Nous sommes peut-être dans une situation analogue : le Seigneur nous presse de laisser là le vieux monde pour partir vers de nouvelles rencontres. Les actions de nos prédécesseurs ont été belles, utiles, fécondes mais sans doute faut-il maintenant oser les abandonner pour nous enfoncer au c½ur des défis gigantesques d'aujourd'hui : famine, péril nucléaire, destruction de l'environnement, contagion des drogues, chômage, solitude, désespérance. Dans cette cacophonie d'horreurs, comment faire entendre la Bonne Nouvelle aux masses qui ignorent tout de l'Evangile ?

Nous cherchons des procédés pas trop dérangeants ...et voici la nuit noire et le soulèvement des forces adverses, voici non seulement les assauts des ennemis de l'Eglise mais les farouches résistances des croyants accrochés à leur ancien monde, à leurs anciennes pratiques, à leurs anciennes certitudes.

Secoués par les épreuves, risquant de chavirer, nous paniquons, affolés par les ténèbres. Nous crions au secours et le Seigneur se tait. Est-ce qu'il se désintéresse de son Eglise désemparée ? Est-ce qu'il désapprouve nos initiatives ?

Mais Jésus qui était COUCHÉ se met DEBOUT !

Lui qui était ENDORMI SE RÉVEILLE (le verbe qui désignera plus tard la résurrection !)

Lui qui NE REPONDAIT PAS PARLE.

Lui qui était appelé "Maître", enseignant, se révèle tel le SEIGNEUR, capable d'un mot d'apaiser la tempête - privilège de Dieu dans la Bible :

" Ceux qui partent en mer sur des navires ont vu les ½uvres du Seigneur...Un vent de tempête soulevait les vagues ; ils montent et descendent, ils sont malades à rendre l'âme, ils tanguent. Ils crient au Seigneur dans leur détresse et il les tire de leurs angoisses.

Il réduit la tempête au silence et les vagues se sont tues...

Qu'ils célèbrent le Seigneur pour sa fidélité...(Psaume 107)

Encore et toujours la même question se pose : QUI DONC EST-IL CE JESUS ? S'il n'est qu'un enseignant et l'évangile une théorie, nous coulerons ou nous rentrerons dans nos abris. S'il est le SEIGNEUR VIVANT, il nous faut prendre le large, répondre aux appels des multitudes. La tempête pourra bien se déchaîner et le silence de Dieu nous laisser dans la nuit. Seule la confiance totale dans le CHRIST de Pâques - couché puis debout, mort puis vivant - exorcisera nos peurs.