25e dimanche ordinaire, année C

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 1997-1998

Qui paie ses dettes s'enrichit et on ne prête qu'aux riches. L'argent ne fait pas le bonheur mais on ne peut pas vivre sans argent. Il faut mourir riche. Heureusement, il est avec le ciel quelques accommodements. Il est vrai que le temps c'est de l'argent et que comme l'a rappelé la première lecture de ce soir, l'argent n'a pas d'odeur. De toute façon, il faudra toujours faire contre mauvaise fortune bon coeur. Voici quelques lieux communs qui expliquent le thème de notre eucharistie de ce soir et qui ont été expliqués par Léon Bloy en 1901.

Dieu ou l'argent, semble nous dire l'Evangile, j'aurais certainement aimé un autre texte pour célébrer la reprise de la messe de 19 heures préparée par différentes équipes de jeunes. Mais Dieu nous attend souvent ailleurs que là où on l'espérait.

Mieux encore, Il nous surprend comme s'Il se laissait aller à quelques égarements moraux. Il félicite le gérant trompeur, il nous invite à faire des amis avec de l'argent trompeur. L'argent sale et blanchi pour parler en termes contemporains n'a pas l'air de Le déranger. Et malgré tout, Jésus nous annonce que nous ne pouvons servir à la fois Dieu et l'Argent. Il ne me restait plus qu'à faire une prière de demande pour que le Père m'envoie l'Esprit afin de tenter de comprendre cette si forte contradiction du texte. Mais finalement, il n'y a peut-être pas de contradiction comme telle, surtout si l'on lit ce texte à la lumière des données historiques qui permettent de comprendre les us et coutumes de l'époque. Et voici une clef possible. Le gérant est malhonnête c'est vrai mais contrairement à ce que l'on croit, il trompait non pas son Maître mais bien les débiteurs.

En effet, à cette époque, il paraissait normal pour tout le monde, que le gérant se paye sur le montant à devoir au Maître. Si le Maître prêtait disons pour un montant de cent francs, le gérant demandait au débiteur d'écrire 120 sur le reçu et de cette façon il s'enrichissait allègrement. En augmentant ainsi la dette, il mettait souvent le débiteur en difficulté de paiement. L'historien Josèphe raconte que lorsque Hérode Agrippa Ier, était au bord de la faillite, en 33-34 de notre ère, il emprunta de l'argent par l'entremise d'un agent d'une banque du Proche Orient. Il du écrire 20.000 drachmes sur son reçu alors qu'il reçut 2500 drachmes de moins.

Tout devient alors lumineux par rapport à notre texte de ce soir. Un jour un gérant reçoit son C4, pour éviter ce renvoi, la prudence et la sagesse s'imposent. Cette situation critique l'oblige à redevenir honnête, à ne pas profiter de la fragilité de personnes plus pauvres que lui et surtout à cesser de diviniser l'argent comme il l'avait fait jusqu'à présent. Zachée me revient alors en mémoire. L'argent ne pourra jamais être moteur de mon existence, il doit rester au niveau d'un moyen et non d'une valeur. Ma seule divinité est au plus profond de moi, là, où Dieu a trouvé sa place.

En effet, c'est dans notre nudité que nous entrons dans la vie éternelle. Sur terre, l'argent ouvrait les portes facilitait les relations. Arrivé là-haut, plus rien, pensent certains. Pourtant, il y aura l'argent qui a intéressé Dieu, celui que nous avons partagé avec amour, et même parfois donné assez follement. Les gens que nous avons aidé sont là pour le redire au Père, nous ne sommes pas nus mais merveilleusement habillés par notre générosité ; nous ne sommes pas sans relations, il y a tous ceux qui nous accueillent joyeusement. Les rabbins de l'époque avaient déjà saisi cela puisqu'ils disaient : "le riche aide le pauvre en ce monde, mais le pauvre aide le riche dans le monde à venir". Tout est question d'amour. Nous ne sommes pas des étrangers pour le Dieu d'amour, nous étions nous-mêmes amour en donnant.

Servir Dieu devient alors transformer l'argent en Amour. Nous sommes devant un choix difficile de banque : banque d'égoïsme ou banque d'amour. L'évangile nous invite à choisir cette dernière. Et le Père nous dit : Déposez votre Amour sur votre livret-épargne du Coeur Au nom de Jésus Christ Ressuscité je vous en donnerai au moins 100 fois plus. Amen.

25e dimanche ordinaire, année C

Auteur: Delavie Bruno
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 1997-1998

Jésus parlait de l'argent. Il disait « l'argent trompeur » Pourtant, on ne peut vivre sans ! D'ailleurs, dans le groupe des douze, il y avait une bourse. Mais c'est vrai aussi qu'il y eut Judas, qui aimait l'argent et qui pour de l'argent a traghi son maître.

Je vois qu'aujourd'hui, l'argent prend toujours tant de place. Pour beaucoup, il n'est même plus un salaire, une récompense méritée. Dans le jeu des capitaux, on achète et on vend... on gagne sans travaiuller.

Et il y a encore l'argent qui rend puissant ; Pour en gagner plus , on fait le commerce des armes, L'argent écrase et tue.

Il y a aussi la compétition sociale économique : on doit licencier des travailleurs, du personnel, pour ne pas gagner moins.

Dans le monde, il y a les nations les plus riches et les autres, le tiers monde et le quart monde....

La roue de la fortune et la course au trésor. L'argent, toujours l'argent. Jésus avait ajouté : « Les fils de la lumière sont beaucoup moins habiles avec l'argent trompeur que les fils de ce monde » Et je me suis souvent demandé si notre Eglise elle-même n'était pas bien souvent prise aux pièges de l'argent. je l'ai vue dans le passé associée aux riches et aux puissants conquérants de l'Amérique. Je l'ai vue aussi mal à l'aise face à la classe ouvrière. Je la vois encore empêtrée dans les liens du pouvoir et hésitante parfois à soutenir ceux qui sont la voix des hommes sans voix. Je la vois dénonçant plus facilement la sexualité que l'argent. Et je me suis dit alors que l'Eglise et que moi aussi nous nous laissions tromper par cet argent trompeur. Jésus nous a encore dit : « Faites-vous des amis avec l'argent trompeur. »

Et je l'ai vu lui qui se rangeait parmi les pauvres de son temps et parmi les petits. Et j'ai vu aussi tous ceux-là qui marchaient sur ses pas. Je voyais tous ces couples, chrétiens ou non, qui avaient conservé le sens de l'équilibre et des priorités. Et je voyais aussi tous ceux qui luttaient pour la paix, pour l'emploi, pour l'accueil, pour plus de liberté et plus de justice. J'ai pensé que ceux-là sauvaient l'honneur de notre monde et de notre Eglise.

Ils n'étaient pas esclaves. Ils étaient des hommes libres. Eux, ils ne servaient qu'un seul maître, non pas l'argent, mais l'amour. Et l'amour lui ne trompe pas.

26e dimanche ordinaire, année C

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 1997-1998

Il était une fois... un jour où il faisait effroyablement froid ; il neigeait depuis le matin. Le soir approchait, le soir du dernier jour de l'année. Au milieu des rafales, par ce froid glacial, une pauvre petite fille marchait dans la rue ; elle n'avait rien sur la tête, elle était pieds nus. Les pieds de la pauvre enfant étaient devenus rouges et insensibles. Elle portait des allumettes qu'elle protégeait dans son vieux tablier. Personne hélas ne s'arrêtait pour considérer l'air suppliant de la petite. La journée finissait, et elle n'avait pas encore vendu un seul paquet d'allumettes ; personne ne lui avait fait l'aumône de la moindre pièce de monnaie. Tremblante de froid et de faim, elle se traînait de rue en rue ; elle était l'image même du malheur et du désespoir. De chaque maison, sortait l'odeur de la dinde qui cuit et les lumières de la fête. Elle aperçoit un recoin, où elle s'assied et se blottit cachant ses pauvres pieds sous sa jupe ; elle grelotte et frissonne de plus en plus. L'enfant sentant ses mains geler peu à peu, décide d'allumer une allumette. Quelle flamme merveilleuse. La première flamme l'a fait rêver d'un grand poêle bien chaud, la deuxième d'un repas festif, puis un sapin lumineux et enfin sa grand-mère qu'elle aimait tant. A cette dernière, elle supplie : "grand-mère, emmène moi". Touchée par la supplication de sa petite fille, la grand mère prend la petite dans ses bras et , s'élançant dans les airs, elle la porte bien haut, bien haut, en un lieu où il n'y a plus ni le froid, ni la faim, ni le chagrin ; c'est devant le trône de Dieu. Le matin, des passants ont trouvé le corps de la petite ; elle était morte de froid, pendant la nuit. Ils ignoraient que si, elle avait bien souffert durant sa trop courte vie, elle goûtait maintenant dans les bras de sa grand-mère le plus doux des bonheurs.

N'est-il pas merveilleux de découvrir que le conte d'Andersen "la petite fille aux allumettes" a quelques ressemblances avec l'homme riche de l'évangile. Vous ayant parlé de Dieu et l'Argent la semaine passée, en vous rappelant que l'objectif de l'argent c'est de le transformer en Amour, je ne reviendrai pas sur ce thème-là. La question que nous nous sommes posée en préparant cette eucharistie est la suivante : mais qu'est-ce qu'on lui reproche à ce riche ? D'autant que l'un d'entre eux, derrière moi, disait, on est tous des bourgeois à Rixensart, même toi. Comme quoi, je reçois aussi des claques en préparant cette liturgie. Pourtant au-delà de cette remarque, l'homme riche n'avait rien fait de mal. Il vivait dans sa maison, il s'habillait assez chicos, c'est vrai. Ses vêtements coûtaient plus ou moins deux mille francs belges de cette époque, alors que le salaire journalier d'un ouvrier était de deux francs belges. Mille jours de travail d'un homme pour le coût des vêtements d'un autre. Il y a comme un scandale qui crie vengeance au Ciel. Il fêtait également tous les jours. Il dépensait donc beaucoup, un peu trop sans doute. Mais est-ce un péché ? En effet, il vivait et ne faisait rien de mal : on ne parle pas d'exploitation d'esclaves, de brimades injustes. Non, sa maison était cossue, il semblait heureux, fréquentait les gens de son milieu : cherchez l'erreur.

Il ne faisait rien de mal, c'est vrai. Pire encore, il ne faisait rien du tout. Et nous voici au coeur du problème. L'homme riche s'était enfermé dans son petit monde à lui, il l'avait peut-être même un peu verrouillé. Il acceptait tout simplement que Lazare fasse partie du paysage, simplement comme les quelques mauvaises herbes éparpillés dans sa pelouse, il lui semblait tout à fait naturel voire inévitable que Lazare puisse vivre en souffrant et en ayant faim alors que lui se complaisait, se vautrait dans ses richesses matérielles. L'homme riche était capable de porter un regard rapide sur la misère du monde sans s'émouvoir. Il ne fit rien pour changer tout cela. Voilà la raison qui le conduisit en enfer : il n'avait rien fait de mal, c'est vrai. C'était encore pire, il n'avait rien fait du tout. Son drame était la cécité du coeur. Cet aveuglement peut nous menacer quand nous nous enfermons dans notre petit confort intérieur. Les "on n'avait pas vu, on ne s'en était pas rendu compte", n'ont pas de place au Royaume de Dieu.

L'homme riche voulut alors éviter un condamnation éternelle en envoyant un messager à ses frères. La réponse est cinglante : si vous voulez des signes, lisez et vivez de la Parole, il n'y a rien de plus extraordinaires que Celle-ci. L'évangile de ce soir, nous invite alors à oser nous poser la question suivante : ma Bible est-elle déjà suffisamment feuilletée, usée ? Et si vous cherchez les prophètes, regardez dans les yeux de votre prochain. Amen.

28e dimanche ordinaire, année C

Auteur: Delavie Bruno
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 1997-1998

Il y avait dix lépreux, exclus et rejetés par la société. Attention : contagieux !

Au temps de Jésus, dans la pensée juive, la maladie était signe du péché. Celui qui est malade est déclaré impur. Il est de ce fait temporairement exclu de sa communauté. En raison de son aspect horrible et hideux, La lèpre est presque l'expression parfaite du péché. Ces dix lépreux sont tenus en dehors, à l'écart de la vie sociale. Ils sont « excommuniés » C'est d'ailleurs à distance qu'ils s'adressent à Jésus et s'écrient : « Prends pitié de nous ».

Jésus ne supporte pas que la Loi, celle de Dieu son Père, soit ainsi détournée de son vrai but. La loi divine est une loi d'alliance. Elle est promulguée pour rapprocher les hommes de Dieu et les rapprocher entre eux. Elle est donnée pour que tous vivent d'amour. Et voici que dans les faits, cette loi condamne, exclut ceux qui ne peuvent supporter ses exigences. C'est pourquoi Jésus guérit les lépreux, au nom même de son Père.

Neuf d'entre eux sont purifiés et vont se montrer aux prêtres, pour être officiellement reconnus par eux et déclarés purs, afin de réintégrer leur communauté humaine. Le dixième ne se rend pas chez les prêtres. C'est un samaritain, un étranger, étranger surtout à la loi juive, considéré comme un hérétique. Pourtant lui seul fait demi-tour pour venir dire sa gratitude. Lui seul glorifie Dieu et rend grâce. Il se prosterne au pied de Jésus, reconnaissant en lui l'envoyé du Père. Lui seul va participer au salut offert par le Christ. Même s'il n'y est pour rien, s'il n'a aucun mérite, il vit déjà par la foi : « Ta foi t'a sauvé » lui dit Jésus.

Au temps de Jésus, il y avait dix lépreux, rejetés par tous. Et aujourd'hui, dans notre société actuelle, je vois tant d'exclus : Malheur à ceux qui sont cosovarts en ex-yogoslavie, arabes chez nous, jeunes à la rue, demandeurs d'asile en Belgique, immigrés refoulés, vieillards isolés, chômeurs de longue durée, enfants abandonnés, drogués en perdition ou victimes du sida. Et que dire de ceux qui n'existent même pas, rejetés dans l'oubli et l'indifférence. Ainsi donc, il y a encore tant d'exclus que nous croisons chaque jour sur le bord de nos routes, sans peut-être même les remarquer.

Au temps de Jésus, il y avait dix lépreux exclus par leur Eglise. Prenez garde, pécheurs ! Et je vois aujourd'hui, tous ceux que notre Eglise exclut elle aussi : celles et ceux que nos lois, nos exigences morales, nos rigueurs actuelles tant de fois répétées sur la contraception, sur la vie du couple, sur les chrétiens qui doutent et qui cherchent un sens à donner à la vie, sur les théologiens qui parlent autrement, tous ceux-là qu'avec l'autorité religieuse nous rangeons parmi les pécheurs et nous mettons au ban de notre société bien pensante. Et je me dis qu'au nom de Dieu son Père, Jésus aujourd'hui les guérirait encore, au risque même de le payer encore cher. C'est vrai qu'autrefois, il l'a payé très cher ! En effet, les prêtres et les lévites de Jérusalem, les docteurs de la loi juive ne le lui ont pardonné. Ils l'ont considéré comme un lépreux, comme un pécheur, un scélérat, un contagieux. Ils l'ont chassé de la ville sainte, accroché à une croix. Aujourd'hui, n'est-ce pas à nous à continuer ce qu'Il a fait, à ½uvrer efficacement pour plus de justice, de respect des droits humains, pour une réinsertion de tous ceux qu'une société inhumaine, dans laquelle nous tous plus ou moins impliqués, rejette. Même si cela nous en coûte. Quelle serait belle alors l'Eglise du Christ, quand des hommes malheureux et rejetés pourraient ainsi lui dire leur merci.

29e dimanche ordinaire, année C

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 1997-1998

Elle avait tout pour être heureuse et d'ailleurs elle l'était. Il y a quelques mois, elle s'en est allée sur la pointe des pieds, trop tôt c'est vrai. Mais elle était tellement sereine, en paix, avec elle-même et avec Dieu malgré le fait qu'elle aurait aimé voir la vie, sa vie continuer. C'est un soir d'automne que la nouvelle est tombée, froide, brutale, comme un coup de poignard au coeur de son être et un filet de sang qui s'écoule peu à peu jusqu'à l'épuiser. Est venu le temps de la révolte, du cri de sa souffrance, du pourquoi « moi ». Sa prière fut d'abord une plainte douce, vite transformée, il est vrai en colère. Et puis, lentement, est venu le temps de la supplication, la demande insistante pour que tout puisse changer, revenir comme avant. Elle y croyait. Elle espérait. Elle refusait de perdre courage et continuait à désirer, au plus profond de son être, peut-être à ce que nous appelons un miracle. Mais ses forces continuaient de la quitter peu à peu. Elle demanda, elle supplia, elle implora, elle persévéra. Rien n'y fit et face à cette demande, un silence, un profond silence, comme l'écho d'une absence. Dieu semblait si loin, Dieu semblait si sourd. L'histoire que je vous raconte ce soir (matin), je ne l'ai pas inventée et je crois que de nombreuses personnes dans cette assemblée pourront y mettre un visage, un prénom, différent de celui-ci de mon histoire. Et cela importe peu d'ailleurs puisque mon histoire se conjugue au pluriel. Elle cria jour et nuit, comme la veuve de l'évangile. Rien n'y changea. Puis un soir, elle s'arrête presque par hasard. Elle n'a jamais su pourquoi. Elle reprit lentement conscience de la respiration de ce qu'elle était ; et qui était de lâcher prise, de s'abandonner mais pour mieux se recevoir. J'ai vécu, me dit elle, l'expérience merveilleuse de la prière, c'est-à-dire ce mouvement qui descend de la tête vers le coeur et qui découvre quelque chose de mon être. Mais aussi ce mouvement des entrailles jusqu'au coeur. L'expérience de l'émotion, d'un frémissement sensible qui s'apaise et se purifie pour devenir tout amour. A partir de ce jour, sa vie fut tendresse, oui, vraiment tendresse. Elle avait décidé d'ouvrir les yeux pour se nourrir des mille et une petites merveilles de la vie, de se laisser surprendre par la beauté des gestes simples. Elle n'attendait plus rien mais elle reçut tout jusqu'à ne plus rien regretter. Elle se rendit compte que sa prière ne fut pas vaine ; oui, elle avait été entendue. Oh Dieu, ce Dieu qu'elle rencontrait dans ses moments intimes n'avait pas changé le cours ni de son histoire, ni de sa maladie. Par contre, il se révéla à elle de manière inattendue, là où elle ne l'attendait jamais, en des êtres qui l'entouraient, dans tout ces gestes d'amitié échangés. Dieu l'accompagnait, la soutenait, lui tenait tendrement le bras, disait-elle. Dieu se révéla à elle, comme jamais il ne l'avait fait auparavant. J'étais aveugle et aujourd'hui, enfin, je vois. Regardez, confia-t-elle en désignant ce qu'elle appelait le « mystère de l'océan ». Nos yeux ne voient que la surface de l'eau. Mais dessous se cachent de vastes profondeurs et des merveilles à peine imaginables. C'est la même chose quand nous ouvrons les yeux sur la vie. Dans notre vulnérabilité nous osons aller sous la surface pour apercevoir le coeur de l'être rencontré. Nous n'avons plus rien à perdre, seulement tout à gagner. L'impression d'absence divine s'est peu à peu transformée en un bruit joyeux de sa présence révélée dans cette multitude d'attitudes offertes en vérité, dans ces regards, sourires. A partir de ce moment-là, il n'y avait plus besoin de se cacher. Vous êtes beau, me dit-elle en fermant les yeux. Maintenant, je ne vois plus que cette beauté intérieure. Et je ne regrette rien, car ces derniers mois, toutes les rencontres que j'ai vécues l'ont été en vérité. Dieu était avec moi.

Merci à toi, femme de mon histoire, toi qui a vraiment existé, toi qui fut si belle dans ta mort, de nous rappeler par delà la vie éternelle que Dieu se révèle à nous dans tous ces petits événements qui nous font porter la vie. Grâce à toi, nous découvrirons peut-être et plus souvent que nous ne le pensons, combien sont vraies les paroles de l'Apocalypse(3:20) : « Je me tiens à la porte et je frappe ; si quelqu'un entend ma voix et ouvre la porte, j'entrerai chez lui pour souper, moi près de lui et lui près de moi ». Puissions-nous entendre au creux de notre silence, Celui qui frappe à notre porte et s'invite en nous. Amen.

29e dimanche ordinaire, année C

Auteur: Delavie Bruno
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 1997-1998

« Il faut toujours prier sans se décourager » nous dit Jésus.

C'est facile à dire. Comme si l'on obtenait toujours ce qu'on demande !

Et j'entends les prières des malades qui ne guérissent pas, de tous ces infirmes qui vont à Lourdes ou à Banneux dans l'espoir d'une guérison et qui reviennent aussi handicapés qu'avant ! J'entends les demandes de ces jeunes ou moins jeunes qui subitement sont atteints par un cancer ou arrivent en face terminale ! J'entends la plainte de tous les malades du Sida !

J'entends le cri de révolte des parents devant leur enfant mourant tout jeune, à la suite d'une leucémie ! J'entends l'appel au secours de toutes celles et de tous ceux qui ne trouvent plus de sens à leur vie et sont tenté de se supprimer !

J'entends aussi la détresse de tous ceux que les guerres ou les restructurations d'entreprises et les délocalisations, laissent pour compte au bord des routes, de tous ceux qui n'ont plus de place dans la société, pas d'emploi, pas de toit et sont sans abri !. J'entends la plainte de ceux qui luttent pour plus de justice, pour la liberté et dont le combat est toujours à recommencer !

Comment ne pas laisser tomber les bras quand Dieu ne répond pas ? quand il semble rester sourd à nos cris et à nos supplications ? Quand Dieu se tait ! C'est déjà une vieille histoire que celle du silence de Dieu ! Déjà, tout au long de l'Ancien Testament, les croyants s'étonnent de son mutisme. Les prières et les psaumes sont l'écho de cet étonnement : « Jusques à quand, Seigneur, nous oublieras-tu ? jusqu'à la fin ? N'entends-tu pas le cri de ceux qui te supplient ? Resteras-tu sourd à notre appel ? » Ps 12. Ou encore « Est-ce que Dieu oublie d'avoir pitié, ou de colère ferme-t-il ses entrailles » Ps.76.

Pour justifier le silence apparent de Dieu et rendre compte, malgré tout, de sa foi et de sa confiance, la tradition biblique a forgé le thème du « Jour du Seigneur » Le croyant doit rester patient et garder courage car Dieu va intervenir, sans tarder, pour établir son règne. Il va même régner sur les nations païennes et le monde entier, d'où le « jour du Seigneur » sera aussi le « jour du jugement »

Au temps de Jésus, cette question du silence de Dieu était aussi bien présente dans la pensée des juifs pieux. Beaucoup attendaient une intervention divine, qui ne semblait pas venir, beaucoup espéraient la venue d'un « messie » qui chasserait les romains et établirait un règne de Dieu ! Comme souvent, Jésus répond à cette question en racontant une histoire, une parabole, celle des démêlés d'une veuve avec un juge, peu pressé à rendre la justice.

Malgré la mauvaise volonté du juge, une faible femme obtient justice par son opiniâtreté. Dans la pensée juive, la veuve est le symbole de la faiblesse. Par sa ténacité, elle a gain de cause auprès d'un juge véreux. A plus forte raison ceux qui sont aimé de Dieu, lui qui est Juste, se feront-ils écouter dans leur prière.

Un temps de crise est donc évoqué ici. Les élus crient vers Dieu, sans comprendre le retard pris par Dieu à rendre justice. C'est donc de la part de Jésus un enseignement non seulement sur la prière mais aussi sur l'avènement du règne de Dieu.

Comme la veuve, il faut sans cesse revenir à la charge. Et puisque Dieu est bon, qu'il exauce sans tarder ses élus, le croyant ne doit pas se lasser de demander. Même s'il y a retard dans l'exaucement de la prière.

« Il faut donc toujours prier. » C'est Jésus qui parle comme si cela allait de soi ! Mais je l'ai vu partir au jardin de Gethsémani. A l'approche de la mort, il se mit à demander : « Père, fais donc que ce supplice s'éloigne de moi » Il n'eut pas de réponse et partit vers la croix Et quand il fut pendu au bois du supplice sa prière se fit plainte : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ? » Il n'eut pas de réponse. Il mourut. Ainsi donc lui aussi s'est heurté au silence de Dieu. Plus tard, Luc a repris cet enseignement du Maître comme paroles d'encouragement à sa communauté chrétienne, ne comprenant pas que l'attente du retour du Seigneur soit si longue. Si, au bout d'un certain temps la veuve a réussi à se faire entendre par le juge malhonnête, à plus forte raison les croyants persécutés se feront-ils entendre, sans tarder, par le Père qui les aime. Il voulait par là ranimer l'espérance des chrétiens, malgré le silence apparent de Dieu. Le fidèle doit inclure dans sa prière l'acceptation du délai que Dieu s'octroie. Même s'il se heurte au silence divin, le disciple attend le Seigneur dans la foi. Alors, aujourd'hui je me suis souvenu de Moïse qui priait, au haut de la colline, les mains levées au ciel, pour avoir la victoire. Quand il levait les mains son peuple était le plus fort et quand il les baissait, ses ennemis l'emportaient. Mais, avec la fatigue, ses mains s'alourdissaient. Alors ses compagnons lui soutinrent les bras jusqu'à la fin du jour.

Et je me suis dit que, dans la prière, on ne peut parvenir à persévérer seul. Mais qu'ensemble, qu'en communauté, qu'en Eglise on peut se soutenir mutuellement les bras, pour les élever vers le Père jusqu'à ce qu'il nous aide.

2e dimanche de l'Avent, année C

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Avent
Année liturgique : C
Année: 1997-1998

Mais pourquoi saint Luc s'encombre-t-il l'esprit et donc le nôtre également de tant de détails tout à fait insignifiants. Ces derniers ne semblent rien apporter au récit : l'an 15, Pilate, Tibère, Hérode, Philippe, Traconitide, j'en passe et des meilleures. Il avait peut-être le goût de l'histoire mais quand même. Il y a moyen de prendre des chemins nettement plus rapides pour aller droit au but. Le message est très simple, juste une phrase, une petite phrase, la dernière : « et tout homme verra le salut de Dieu ». Il ne fallait rien dire de plus, tout est résumé en ces quelques mots. Ils se suffisent eux-mêmes. Oui, mais si nous n'avions pas eu tous ces petits détails en introduction aurions-nous pu nous préparer à recevoir une telle bonne nouvelle ? C'est un peu comme si on lisait l'évangile en commençant la célébration. D'abord, il y aurait tous ceux qui l'auraient manqué parce que leurs montres n'indiquaient pas la bonne heure ou que la nôtre avançait, et seraient arrivés en retard, puis il y a tous les autres, qui n'auraient pas eu le temps d'entrer dans un tel texte sans aucune rupture avec ce qu'ils faisaient avant.

Il y a donc lieu de se préparer. Tout simplement. Une bonne nouvelle se prépare à être reçue, pour être ensuite intériorisée. De la sorte, elle n'est pas seulement quelques phrases gribouillées sur le coin d'un parchemin, elle est devenue vie en nous. Alors heureusement que saint Luc a pris le temps, il nous permet de nous préparer. Et cette préparation à laquelle nous sommes conviés est une invitation personnelle faite à chacune et chacun d'entre nous. Pas moyen d'y réchapper, comme s'il y avait un RSVP (ou RSLP) dans le coin inférieur gauche de l'invitation et ce avant le 25 décembre de ce mois, s'il vous plaît. Il nous reste peu de temps pour aplanir cette route, notre chemin nous conduisant vers Dieu puisque c'est bien de cela qu'il s'agit en ce temps de l'Avent. Dieu, ce soir, nous fixe à nouveau rendez-vous pour une grande fête, celle de sa rencontre en notre humanité. Il nous indique l'endroit, c'est-à-dire au plus profond de nous-mêmes. Et malheureusement pour nous, il ne nous indique pas le chemin à suivre. A chacune et chacun de le trouver, à partir de son histoire et de ses certitudes. Il y a autant de chemins qu'il n'y a de personnes dans cette assemblée. Cependant, c'est la même voix, celle de Jean le Baptiste qui crie dans nos déserts intérieurs : préparez le chemin du Seigneur, aplanissez sa route.

Qu'est-ce à dire ? Tout simplement, inviter Dieu à entrer en nous, et cela exige un fameux remue-ménage. Nos routes intérieures sont tortueuses de nos maladresses, parsemées de nid-de-poule d'hésitations et d'objections, glissantes de nos trébuchements et nos hésitations, durcies par nos entêtements. Elles ressemblent drôlement à certaines routes de Rixensart... Nous pourrions alors nous morfondre face à l'immensité de ce travail. Mais ce ne serait pas lire et comprendre l'évangile de ce soir jusque dans son dernier drapé : tous les hommes verront le salut. Une telle phrase serait une promesse de rêveur si elle ne nous ramenait à ce qui doit être sauvé en chacune et chacun de nous. Comme si se préparer c'était creuser dans notre terre propre jusqu'au moment où nous atteignons cette source d'eau claire à laquelle nous pouvons à nouveau venir nous abreuver, nous ressourcer pour repartir à la conquête de notre être intérieur, lieu de la rencontre avec le Christ. C'est faire de la place, enlever le secondaire et ainsi retrouver l'essentiel de nos existences.

Et si l'essentiel c'était d'oser à nouveau croire et proclamer à voix forte que Dieu s'est fait homme pour nous sauver. Mais, qu'est-ce, au fond, l'idée de salut ? Essentiellement ceci : que les choses peuvent être reprises, que rien n'est jamais perdu, définitif. Tout peut toujours reprendre, rien n'est inexorable, bref tout peut être sauvé. Comme s'il y avait une sorte de surabondance dans la venue de Dieu en nous. Si c'est tout cela, alors je crois que cela vaut vraiment la peine de s'y préparer.

Amen

2e dimanche de Pâques, année C

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : C
Année: 1997-1998

Mais comment peux-tu croire à tout cela, lui dit-elle ? Une vraie perte de temps, ça ne sert vraiment à rien, ce sont des histoires de grand-mère ? Comment peux-tu imaginer aujourd'hui encore croire à cette idée qu'un homme tel que ce Jésus est ressuscité ? Je ne comprends pas que tu puisses avoir la foi ? Oui, sans doute cela te rend la vie plus facile, conclut-elle avec un brin de condescendance, voire de mépris dans le regard. Pauvre de moi, pauvre de nous face à de telles questions, de tels jugements. Comme si c'était si facile de croire « à tout cela ».

La foi n'est pas une certitude, elle est plutôt une espérance, une conviction intérieure que face à tous les mystères de vie qui nous entourent, il doit bien exister une explication. Mais cette espérance ne suffit pas à elle-même, une fois pour toute, comme si tout était dit, comme si notre décision étant sans appel possible. Non, la foi en ce Dieu trinitaire dont nous célébrons en ce temps de Pâques, le mystère de la résurrection, est à conquérir, reconquérir chaque jour. Elle ne nous est jamais acquise, un peu comme l'amour d'ailleurs. Cette foi, qui par moment nous colle à la peau et à d'autres reste une question, demande que nous nous investissions, elle ne peut se contenter de nos somnolences. En effet, ce Dieu en qui nous croyons et qui est la raison de notre présence en ce lieu, est un Dieu exigeant qui nous offre la liberté de croire, la liberté de répondre au don de la foi.

Ce serait tellement plus facile de ne plus se poser de questions, de vivre une foi de charbonnier mais nous risquons alors de stagner, de vivre en des eaux dormantes, troubles où nous ne partirions plus à la rencontre d'un Dieu, notre Dieu, qui continue de se dévoiler à nous chaque jour dans les signes des temps. Signes qui ne peuvent être lus qu'avec les lunettes de la foi. Une foi qui parfois brûle en nous comme un feu ardent, parfois tout simplement, tout silencieusement comme la flamme d'une bougie. Ne craignons pas cette dernière, n'est-ce pas elle qui illumine notre tabernacle intérieur, tout empreint de sa présence divine. Elle est là, nous indiquant au plus profond de notre silence, que Dieu ne s'est pas éloigné de nous, qu'il vit en nous. Il nous suffit de reprendre notre pélerinage pour repartir à sa rencontre. La foi devient alors un peu comme les marées de la mer, elle vient et elle va. L'important, c'est qu'elle soit toujours là et ça, c'est à nous, et uniquement à nous, d'y veiller.

Mais le doute est bien là, me direz-vous ? Et c'est vrai, il est en nous, parfois, de temps à autre ou souvent même. Cela dépend de tant de facteurs. Ce doute peut nous faire peur, faire ébranler un édifice de certitude et pourtant, il est intégralement lié à notre désir de croire. C'est en cela que l'histoire de l'évangile de ce jour est merveilleuse. L'histoire de Thomas devient ainsi un peu notre histoire. Il n'est pas le jumeau d'un quelconque frère de sang comme nous pourrions l'imaginer, non il est notre jumeau dans la foi, notre jumeau dans l'incrédulité, dans le doute. Thomas, il est un peu une partie de nous. Il est celui qui doute. Mais heureusement pour lui, heureusement pour nous, lorsqu'il se met à douter, il ne se coupe pas de sa communauté. Il ne jette pas l'éponge, retournant à sa vie d'avant comme s'il n'y avait rien eu. Non Thomas, tout en doutant, reste auprès des autres apôtres. Il sait que la foi ne se nourrit que dans un partage, en communauté. Sans cette dernière, il ne pourrait pas tenir. L'incertitude se transforme en certitude au contact de nos pairs, de celles et ceux qui nous entourent et partagent nos convictions. Grâce à cela, il se laisse approcher par le Ressuscité et dépasse son incrédulité. De son doute, va naître son cri, déchirure au coeur de lui-même, lorsqu'il dit au Christ : « mon Seigneur et mon Dieu ». Pour la première fois, Jésus est reconnu Dieu par l'un des siens. Il aura fallu qu'il passe par le mystère de la croix pour être reconnu comme tel. Que de nos doutes à nous, naissent également pareil cri. Alors, c'est vrai, il n'est pas facile de croire tous les jours, mais quand revient en nous cette conviction, cette certitude, cette espérance, la vie reprend ses couleurs vives de Pâques. Amen.

30e dimanche ordinaire, année C

Auteur: Delavie Bruno
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 1997-1998

La parabole de l'évangile met en opposition deux prières : celle du pharisien, qui se dit juste, et celle du publicain, qui s'avoue pécheur. Contrairement à ce que nous pourrions penser, c'est celle du publicain qui fut exaucée. Les pharisiens sont pourtant les héritiers de juifs courageux, qui ont animé l'héroïque résistance durant la persécution païenne au temps des Maccabées, deux siècles avant le Christ ! Au temps de Jésus, ils représentent sans conteste ce qu'Israël compte de plus pur et de plus noble et cette fidélité aux traditions des anciens leur vaut la faveur et l'estime de beaucoup.

Les publicains, au contraire, sont l'image de la déchéance morale et de l'impureté religieuse. Chargés de percevoir taxes et impôts, ils devaient verser d'avance au fisc une somme déterminée, qu'ils avaient ensuite à récupérer, augmentée bien sûr d'un intérêt personnel laissé à leur libre appréciation, en extorquant le plus possible le malheureux contribuable. Ces percepteurs étaient directement au service de l'occupant romain.

Les premiers chrétiens, juifs convertis pour la plupart, se sont montrés sévères à l'égard des pharisiens, les plus religieux de leurs compatriotes. Certes, Jésus les a traité d'hypocrites, mais à ses yeux le pharisaïsme n'est pas seulement l'hypocrisie, c'est aussi croire que Dieu nous doit quelque chose. Or Jésus nous révèle un Dieu tout autre, un Dieu qui ne veut pas compter, mais qui donne en abondance, qui se donne et pardonne en toute gratuité. Jésus reproche donc aux pharisiens leur sûreté, leur prétention à acquérir le salut à coup de bonnes ½uvres, comme si. Dieu serait obligé de le leur donner. Mais Dieu est celui qui donne le Salut gratuitement et ce Salut de Dieu se reçoit. Il ne peut jamais être exigé comme prix de vertus.

L'évangéliste termine la parabole par une sentence de Jésus : « Qui s'élève, sera abaissé ; qui s'abaisse, sera élevé » Ce n'est pas qu'un bon conseil. Mais cela évoque une révélation sur Dieu, celle qui est présnetée dans le « magnificat ». Dieu est celui qui abaisse les puissants, c'est-à-dire ceux qui trouvent leur soutien dans leurs seules richesses ; il élève les humbles, ceux qui attendent tout de lui.

Peut-être avons-nous à réformer quelque peu notre conception de la vie chrétienne ? Autrefois, nos éducateurs nous invitaient à accomplir les petits sacrifices, à multiplier nos bonnes actions, à chercher à gagner des indulgences, tout cela en vue de mériter le ciel ! L'histoire racontée ici par Jésus est en réalité une mise en garde contre un danger subtil qui guette sans cesse le croyant : croire que le salut s'obtient par ses propres forces. A la limite, on n'aurait plus besoin de Dieu. On pourrait même être tenté de croire que, selon la justice, le Seigneur est tenu de récompenser toutes les bonnes actions accomplies. Or la valeur du chrétien ne se mesure pas au nombre d'exercices de piété ou de bonnes ½uvres. Le disciple de Jésus n'est pas nécessairement celui qui en fait le plus. L'important, c'est la qualité intérieure commandant les actions. L'important aux yeux du Christ, c'est l'amour que chacun y met. Le croyant n'a donc pas à se glorifier de sa foi, ni ses ½uvres : cela lui vient d'ailleurs. Il doit simplement reconnaître les dons reçus de Dieu et l'en remercier.

Ainsi la parabole du pharisien et du publicain nous dit que le croyant n'est pas celui qui se fait « juste », mais plutôt qu'il est « justifié par Dieu ». Si la foi pousse le croyant à plus de générosité, c'est encore une grâce et non pas un mérite. Les bonnes actions ne nous donnent pas un ticket pour le ciel. Le Salut est toujours accordé gratuitement et librement par Dieu. Cette attitude d'humble réception des dons divins n'est pas seulement un comportement individuel, elle est aussi affaire de communauté, qui concerne l'ensemble des croyants : l'Eglise. Et pour vous le montrer, je traduirais volontiers la parabole en termes plus actuelactuels : Dans l'église du village, il y avait deux hommes en prière. L'un était tout en haut, près du ch½ur, sur une chaise de velours rembourrée comme autrefois. Revêtu de beaux vêtements, comme habillé de ses vertus. Un saint homme. Il représente ainsi une Eglise, qui entend occuper le devant de la scène, qui seule possède la vérité, qui ne peut se tromper et qui fait la leçon à tout le monde. Elle entend être écoutée, respectée et admirée. Ce qui est important pour l'Eglise c'est d'être reconnu et récompensé à sa juste valeur.

L'autre était au fond, près du bénitier. Tout gêné, il se faisait tout petit. On le savait pécheur. Il le savait aussi. Derrière lui, il y a la foule de ceux qui n'entrent même plus dans l'église du village, parce qu'on les a refoulés car ils n'étaient pas en règle avec la loi. Il y a la foule de tous ceux qui ont encore tant d'autres choses à se faire pardonner.

En regardant cet homme, à genoux dans l'ombre du Temple, cela me fait penser à un autre. Celui-là, je l'ai vu marcher dans une rue de Jérusalem. Il avançait, comme tout le monde, sans fierté, ni gloire. Ses vêtements étaient déchirés. Il traînait derrière lui une lourde croix. Sur cette route, il s'est cogné aux pavés, il a trébuché, il est tombé. Il n'est donc pas étonnant qu'à cause de cela, il s'est pris d'amour pour tous ceux qui, comme lui, ont aujourd'hui les pieds écorchés ou traînent la jambe !

33e dimanche ordinaire, année C

Auteur: Delavie Bruno
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 1997-1998

Trop de siècles nous séparent de la rédaction de l'évangile, pour que certains de ses passages nous livrent spontanément leur secret.

Nous avons affaire aujourd'hui à une sorte de « message codé ». Dans la tradition biblique, parler de « fin du monde », est une façon d'exprimer sa foi au Dieu de l'Alliance. Déjà le prophète Malachie, annonçait la venue du règne de Dieu. Le « jour du Seigneur » serait comme l'apparition d'un soleil dont les rayons guériraient les justes, mais brûlant comme une fournaise pour consumer les impies. Encore au temps de Jésus, les juifs pieux croyaient que ce monde-ci devait un jour disparaître pour laisser place à un monde nouveau, pleinement en harmonie avec Dieu, un monde tout autre, où il n'y aurait plus de mal, de souffrances, ni de catastrophes naturelles mais un monde où le peuple de Dieu, régnant sur toutes les nations, conduirait celles-ci vers le Seigneur.

Souvent les mots manquaient pour décrire le passage de ce monde perverti à un autre plus parfait. C'est pourquoi la tradition biblique s'est forgé un langage, une sorte de code. Avec des images de bouleversements cosmiques, elle cherche à signifier et à symboliser la fin de ce monde mauvais. Ces expressions de catastrophes n'indiquent nullement le « comment » de ce qui va arriver, mais bien plus l'espérance en un monde meilleur, donné par Dieu. Et comme dans un message codé, le plus important n'est certainement pas le code, mais plutôt le message, l'important pour nous n'est pas de nous appesantir sur ces images étranges qui abondent dans le texte, mais bien de rechercher la foi qui se cache derrière ces images. Il faut aussi savoir qu'au moment où l'évangéliste Luc écrit cette page, la ville de Jérusalem à déjà été assiégée par le général romain Titus. En l'an 70, elle fut totalement détruite et le Temple fut incendié. « Il n'en reste rien. Tout a été détruit. ». Et pourtant le retour du Christ, revenant dans la gloire pour établir définitivement le règne de Dieu, n'est pas encore là. Luc avertit ses lecteurs : « Ce n'est pas une raison de croire que le moment de la fin du monde est arrivé. Elle n'est sans doute pas pour tout de suite. L'essentiel est donc de persévérer dans la foi et de demeurer disciple du Christ. Et si la persécution découle nécessairement du témoignage porté au nom du Christ, le chrétien ne doit pas s'en effrayer : le ressuscité reste avec lui.

Ainsi donc, nous n'avons pas besoin d'agitations mais de persévérance. Le Christ doit revenir certes, mais il reste mystérieusement présent à son Eglise, la soutenant dans le témoignage qu'elle a à donner, inspirant même les réponses que chacun devra proclamer face à ses détracteurs. D'une certaine manière, c'est tous les jours qu'il revient, pour établir son règne et rendre courage à chacun. De nos jours, face à l'évolution rapide de la société, à la démocratisation, à l'accès facile à tous les biens de consommation, face aussi aux progrès de l'incroyance, aux changements profonds des m½urs et à la perte de certaines valeurs morales, il n'est pas rare de rencontrer des gens perturbés, inquiets quant à l'avenir de l'humanité ! Où va-t-on ? demandent-ils. Où va-t-on si les grands de ce monde ne sont plus considérés ? Où va-t-on si ceux qui sont chargés de nous gouverner ou de maintenir l'ordre sont sans cesse remis en question ? Où va-t-on si l'aide sociale finit par encourager le chômage, si ceux qui ont de l'argent comptent moins que ceux qui n'en ont pas ? Où va-t-on si dans la société religieuse les dignitaires et la hiérarchie ne sont que serviteurs ? Et Dieu dans ce monde-là ou se retrouvera-t-il ? En haut, en bas, nulle part ? Ces gens perturbés souvent se plaisent à croire aux prophéties de malheurs, comme celles du secret de Fatima, des écrits de Nostradamus ou d'autres. Ils annoncent des révélations de faits terrifiants, des catastrophes prochaines. Ce serait la fin du monde !

Il nous faudra cependant, aujourd'hui encore, envers et contre tout, suivre cet homme : Jésus de Nazareth ! Sans nous laisser égarer par ceux qui se prétendent des envoyés spéciaux. Sans craindre ceux-là qui défendent leur pouvoir, en s'accrochant au passé, en rejetant à priori toute évolution sociale, en méprisant ceux qui ne pensent pas comme eux, en excommuniant ceux qui ne sont pas en règle et surtout en cherchant à faire peur par des annonces de malheur. Cessons donc de trembler et relevons la tête ! Il n'y a aucune raison de croire que la fin du monde est pour bientôt. « Mais c'est par votre persévérance, nous dit Jésus, que vous obtiendrez la vie ».

« Le jour du Seigneur », mais c'est chaque jour. C'est aujourd'hui, c'est demain, c'est chaque jour de notre existence. Le Seigneur est là !Depuis sa résurrection, il est sans cesse avec nous. Il nous soutient de son amour. Son Royaume est déjà là, mais il n'est pas encore achevé. Chaque jour, par notre persévérance et notre confiance en Lui, nous construisons un peu plus ce Royaume, jusqu'au jour inconnu de son achèvement.

34e dimanche ordinaire, année C (Christ Roi)

Auteur: Delavie Bruno
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 1997-1998

Au cours des dernières décennies, le système monarchique a connu des vicissitudes et même, dans certains pays du monde, des reculs considérables. N'est-il pas un peu vieillot, sinon inconvenant, de maintenir la fête du Christ en tant que roi de l'univers ?

Il y a, en effet, une façon tout humaine d'envisager la royauté du Christ qu'il faut s'empresser d'éliminer. Elle consiste à comparer Jésus-Christ aux puissants de ce monde qui possèdent domination, honneurs et richesses. Jésus a toujours refusé pour lui-même cette sorte de royauté. Rappelez-vous, après la multiplication des pains, il s'esquive lorsque la foule enthousiaste cherche à en faire son chef et son roi.

Et cependant, les évangiles l'attestent fermement : Jésus est roi. Voilà qui est surprenant ! car il n'a rien d'un roi. On le disait le Très-Haut, mais il fut le Très-Bas. Une étable pour naître et pas même une pierre où reposer la tête. Sa cour, n'en parlons pas : des petits, des sans grade, des bergers, des pécheurs, des lépreux, et pour compagnons des pêcheurs. Aux jours de sa souffrance, son sceptre est un roseau. Sa couronne est d'épines. Son grand manteau royal est rouge de son sang. Son trône est en fin de compte une croix. Et le peuple qui, voici quelques jours l'acclamait, cette regardait en silence, et les puissants ricanaient, et les soldats se moquaient. Seul un brigand comprend. C'est son dernier compagnon et son premier invité : « Aujourd'hui, avec moi tu seras dans mon Royaume »

.En quoi donc et comment Jésus peut-il être roi ? Le récit de Luc, que nous venons de lire, n'est pas un simple reportage sur les derniers moments de la vie de Jésus. Le langage des divers personnages montre que nous sommes devant un enseignement sur l'importance de la croix. Tout d'abord les adversaires de Jésus ne comprennent rien. Pour eux, la croix est un échec qui vient sceller les échecs de la vie du Nazaréen. « Il en a sauvé d'autres ». Beaucoup ont été témoins des faits et gestes de Jésus. Mais ne croyant pas en lui, ils n'ont vu dans les miracles et les signes opérés par le Christ que l'exercice d'un don de guérisseur.

D'autres ont été déçus. Ils espéraient avant tout un Messie qui serait un chef politique, qui redonnerait à Israël l'éclat du royaume de David, la magnificence du règne de Salomon. Et Jésus ne leur a pas apporté ce genre de salut.

Une dernière chance lui est laissée : « qu'il se sauve lui-même, s'il est le messie de Dieu. » Puisqu'il prétend être l'élu du Dieu, il n'a qu'à se détacher de la croix. Ce sera alors vraiment la preuve de sa messianité. Tout le monde sera d'accord pour faire de lui un chef, le « roi des juifs », et obéir à sa politique. L'occupant romain pourra être chassé et le royaume davidique reconstruit. Si les adversaires de Jésus ne comprennent rien au mystère de la croix, par contre Luc propose aux croyants une autre lecture, celle de la foi, que l'on pourrait dire symbolisée et exprimée par l'attitude d'un des malfaiteurs, celui que l'on a appelé le bon larron.

Si Jésus a sauvé des malades et des infirmes c'est en conformité à la volonté du Père. « Il en a sauvé d'autres », mais en vue de manifester par ces signes la bonté et la miséricorde divines envers tous. « Lui, du moins, Il n'a rien fait de mal » et pourtant il est condamné. S'il ne se dérobe pas c'est pour accomplir jusqu'au bout la volonté de Dieu son Père et sauver ainsi tous les hommes. La croix devient la preuve par excellence de la messianité de Jésus. Par elle le royaume est offert à tous.

Ainsi le Royaume de Dieu est inauguré par le pardon et le premier bénéficiaire en est un malfaiteur. Tel est le point de départ de l'accomplissement total de toute chose, selon l'expression de saint Paul

Un pardon, c'est peut-être pas grand chose, mais c'est un simple pas qui fait avancer la personne humaine, si perverse soit-elle, vers plus d'humanité, un pas qui fait avancer l'humanité vers son accomplissement. Et Luc d'ajouter encore une précision importante. Certains chrétiens de son temps pourraient penser que le salut n'est que pour tout de suite, qu'il est seulement pour plus tard, au moment du retour du Christ, « quand il viendra comme roi », c'est-à-dire à la fin des temps. Mais l'évangéliste insiste : c'est aujourd'hui que ce salut est donné à tous, à commencer par celui qui reconnaît ses torts et accepte d'être pardonné. Nos réconciliations entre nous, aujourd'hui, ne sont-elles pas le plus sûr chemin vers la paix et l'accomplissement du royaume de Jésus ?

34e dimanche ordinaire, année C (Christ Roi)

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 1997-1998

Et il disait : « Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras inaugurer ton Règne ». De nombreuses légendes ont été écrites sur ce voleur repenti. L'une d'elles fait de lui, une sorte de Robin des Bois qui volait les riches pour redistribuer le fruits de ses larcins aux pauvres de sa région. Mais la plus belle d'entre elles, est sans doute celle-ci. Lors de leur fuite en Egypte, au début de la vie de l'Enfant-Dieu, Joseph, Marie et Jésus, furent attaqués par une bande de voleurs. Le fils du chef fut ébloui par la bonté qui émanait déjà de l'enfant, il refusa de porter la main sur eux et décida de sauver ainsi toute la famille. Prenant l'enfant dans ses bras, il lui dit : « enfant béni, si un jour j'implore ta miséricorde, rappelles-toi de moi et n'oublies pas ce moment-ci ». C'est ce jeune voleur qui rencontra Jésus bébé, nous dit la légende qui est celui qui se repent au calvaire. Et cette fois, c'est le Christ qui le sauve. Il n'avait pas oublié.

Une légende, une douce légende pour nous dire tout simplement ce matin (soir), en ce dernier dimanche de notre année liturgique, qu'il ne faut pas désespérer, qu'il est toujours temps, même en des temps apocalyptiques. Temps pour quoi, me direz-vous ? Un temps pour se convertir. Il n'est jamais trop tard quand il s'agit de Dieu. Au cours des étapes de nos vies, nous avons parfois l'impression que nous avons raté des marches, que nous sommes passés à côté d'occasions qui ne se sont jamais représentées. Etait-ce par crainte, par manque de courage, par aveuglement, par trop de préoccupations ? A chacune et chacun d'y répondre dans le silence de son coeur. Et nous pouvons le regretter, notre vie aurait sans doute été autre. Comme le dit le philosophe, nous ne nous baignons jamais deux fois dans la même eau de la rivière. C'est passé, c'est passé et tant pis. Si ceci semble être vrai pour la vie, il en va, d'après l'évangile de ce jour, autrement pour Dieu. Nous ne sommes jamais devenus trop âgés. Tant que le souffle de vie est en nous, même la dernière seconde, il est toujours temps pour se tourner vers le Christ. Comme si Jésus nous disait, tant qu'il y a de la vie, il y a de l'espoir. Et quelle espérance : « aujourd'hui, avec moi, tu seras dans le Paradis ».

Ne perdons jamais espoir, ni pour nous, ni pour celles et ceux qui nous entourent, tout peut arriver, même au dernier instant nous dit Jésus. La conversion, cela ne se commande pas. Nous pouvons toujours nous laisser surprendre pour vivre un jour dans ce Paradis promis. De celui-ci nous savons bien peu de choses, si ce n'est que c'est un mot persan qui signifie, un jardin entouré d'une muraille. Quand un roi perse souhaitait offrir certains honneurs à un de ses sujets, il faisait de lui « un compagnon de jardin », c'est-à-dire que cette personne était élue pour se promener avec le roi dans le jardin. Quel honneur, quel moment de bonheur de pouvoir passer quelques instants avec son roi pour le rencontrer dans cette intimité relationnelle. Et voilà une tradition royale persane, traduite en invitation royale mais divine cette fois. Christ-Roi, que nous célébrons aujourd'hui, nous convie, sur le bois de nos croix respectives, à un jour, prendre place au Paradis. De la sorte, Jésus nous invite à quelque chose de plus grand encore que la vie éternelle. Il nous promet, tout simplement, de venir partager son chemin divin pour le temps de l'éternité. Il fait de nous ses propres « compagnons de jardin », comme si, pour lui, une promenade au Paradis, c'était à jamais de vivre pleinement de cette vie divine à laquelle toutes et tous nous avons été appelés. Comment mériter un tel honneur, sommes-nous en droit de nous demander ? Simplement. Tout simplement. En nous tournant vers Jésus, en faisant ce chemin intérieur de conversion de le reconnaître pleinement comme Fils de Dieu. Alors, en choeur, nous pourrons lui chanter : « Jésus, souviens toi de moi, quand tu viendras inaugurer ton Règne ». Amen.