1er dimanche de Carême B

Auteur: Philippe Henne
Date de rédaction: 22/02/15
Temps liturgique: Temps du Carême
Année liturgique : B
Année: 2014-2015

            La liturgie ne fait pas le détail en ce premier dimanche de Carême. Elle met les grands moyens. Tout d’abord, elle aborde un thème peu exaltant : le désert. C’est très beau pour les citadins d’aller passer une semaine au désert. Cela change du bruit et de la pollution, de l’agitation et de la bousculade. Voilà le silence profond et les vastes étendues désertiques. Et surtout vivement le soir qu’on prenne l’apéritif entre amis dans une tente bien climatisée. Mais l’expérience du désert est tout autre pour Jésus. Notons d’abord que c’est sa première action dans sa vie publique. Jésus passe trente ans chez ses parents. Et à peine partie de chez lui, la première chose qu’il fasse, c’est de se retirer dans le désert. Cela a de quoi surprendre. Mais le désert a de multiples significations dans la tradition judéo-chrétienne.

            C’est tout d’abord le lieu de la rencontre avec Dieu. On se souvient que c’est là que le prophète Elie s’est réfugié. Il faut dire que c’était bien nécessaire. Il venait de massacrer les prêtres de Baal sur le mont Thabor. La reine Jézabel était furieuse. Elle l’a fait rechercher pour pouvoir le mettre à mort. Elie part se réfugier. Où cela Dans sa famille ? Chez des amis ? Non, il veut retourner au mont Sinaï, là où le Seigneur s’était manifesté à son peuple. C’est là qu’Elie veut retrouver l’intimité avec son Dieu, un peu comme certains couples qui refont leur voyage de noces pour mieux revivre ces beaux moments de complicité. Le désert, c’est le lieu privilégié de la rencontre, loin de l’agitation de tous les jours. Nous aussi, partons quelques instants dans le désert loin de la bousculade de tous les jours et de la pollution des milles petits détails de la vie quotidienne et allons à la rencontre du Bien-aimé.

            Oui, mais me direz-vous, être seul, ce n’est pas facile. C’est dans le silence et la solitude que se réveillent tous les monstres qui sommeillent dans notre cœur. C’est alors, dans le silence et la solitude, que se réveillent la tristesse, l’angoisse, la rancune s’arrêter un instant, c’est laisse libre cours à toutes les horreurs de notre cœur. Et c’est pour cela que les moines et les ascètes sont partis dans le désert : c’est pour y combattre le diable, là où il est. Dans le désert, Jésus fut tenté par Satan. C’est pour cela que le thème des tentations de saint Antoine au désert est tellement populaire. C’est parce qu’il rejoint notre expérience humaine la plus profonde. Saint Antoine du désert, c’est cet Egyptien qui est présent comme le fondateur de la vie monastique. Il a quitté les rives fertiles et actives du Nil pour s’installer dans une grotte, seul. Il a ainsi affronté toutes ses peurs et toutes ses angoisses. C’est pour cela que l’Evangile précise que Jésus vivait avec les bêtes sauvages. Ce n’était pas seulement les lions et les chacals, mais c’était surtout les lions de nos colères et de nos rages, les chacals de nos rancunes et de nos aigreurs. Mais Jésus vivait avec ses bêtes féroces dans la paix et la réconciliation. Parce que dans le désert Jésus a retrouvé l’intimité avec son Père. Alors porté, transformé, transfiguré par l’amour et la confiance de son Père, il a pu partir et affronter la trahison de ses apôtres, la réconciliation avec les pécheurs et avec Marie-Madeleine.

            Nous aussi, partons pour le désert, où nous retrouverons la tendresse et l’amitié de Dieu pour chacun de nous. Partons dans le désert pour y affronter nos tristesses et nos angoisses qui seront comme transfigurés par la lumière infinie du Bien-aimé. Alors les anges nous serviront parce que nous-mêmes nous proclamerons que le Royaume de Dieu est tout proche.

1er dimanche de Carême B

Auteur: Raphaël Devillers
Date de rédaction: 22/02/15
Temps liturgique: Temps du Carême
Année liturgique : B
Année: 2014-2015

CHOUETTE …….. V’LA LE CARÊME !

Naguère les choses étaient simples : l’entrée en carême signifiait « faire pénitence », c.à.d. nous priver de friandises et manger du poisson le vendredi. La qualité du carême se mesurait au nombre de petits sacrifices consentis. Bien ! mais on a progressé : « le carême de partage » nous appelle à un geste de générosité à l’endroit de la multitude des pauvres. Bien ! mais aujourd’hui l’état du monde et de l’Eglise ne nous oblige-t-il pas à aller plus loin encore ?

L’évangile de ce dimanche nous permet de méditer sur l’unique période de jeûne de Jésus et d’éclairer les dimensions de cette pratique.

Jésus venait d’être baptisé. Aussitôt l’Esprit le pousse au désert. Et, dans le désert, il resta quarante jours, tenté par Satan. Il vivait parmi les bêtes sauvages, et les anges le servaient.

Après l’arrestation de Jean le Baptiste, Jésus partit pour la Galilée proclamer l’Évangile de Dieu ; il disait : « Les temps sont accomplis : le règne de Dieu est tout proche. Convertissez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle ».

BAPTEME : CONSCIENCE DE SON IDENTITE. Au point de départ, avant de se demander ce qu’il faut faire, il importe de se rappeler qui l’on est : le baptême nous a réellement fait renaître, l’Esprit-Saint nous a investis et nous sommes devenus des enfants de Dieu. « Mes bien-aimés, dès à présent nous sommes enfants de Dieu » (1e lettre de Jean 3, 2) : « Vous avez reçu un Esprit qui fait de vous des fils adoptifs et par lequel nous crions : ABBA-PERE ! » (Paul aux Romains 8, 15)

Cet honneur ne nous met pas à part, ce privilège ne nous place pas au-dessus des autres. Le baptême n’est pas une assurance tout-risques, une garantie contre l’enfer mais une vocation, un appel à consacrer son existence à Dieu et au service des hommes afin que tous deviennent aussi des enfants de Dieu rassemblés dans un monde de droit, de justice et de paix. Nous redevenons conscients de notre baptême dont nous renouvellerons les engagements dans la nuit de Pâques.

REFLEXION ET LUTTE DANS LA SOLITUDE. - Etre « fils bien-aimé » est un acte d’investiture qui confère une mission mais Dieu n’a rien précisé pour la suite. C’est pourquoi Jésus rompt avec la foule et s’enfonce, seul, dans la solitude pour méditer. Il va être tenté. La tentation n’est donc pas un mal, un péché : elle est le revers de notre liberté. Le « Fils de Dieu » demeure « fils d’homme », tenu de réfléchir de façon personnelle, d’opter pour tel comportement et rejeter l’autre.

Le carême n’est donc pas un temps de piété tranquille mais de combat. S’il est normal d’avoir envie de goûter son petit bonheur à l’abri dans le bunker de son ego, il est chrétien de déceler la tiédeur de notre foi, la perversité de notre indifférence et de notre cupidité et de prendre la décision de « sortir », de prendre des engagements.

Réchauffement climatique, pollution, centaines de millions d’hommes affamés, distorsion sociale (de plus en plus de riches et davantage de pauvres), fraude fiscale, diminution des prêtres, panne de transmission de la foi… : quelles décisions puis-je prendre sans attendre que d’autres commencent ?...

La vie chrétienne, parce que libre, est un combat perpétuel car nous serons toujours tentés de chercher la solution la plus facile, celle qui nous arrange le mieux.

Nous ne sommes pas toujours vainqueurs mais jamais désespérés car la confiance en Jésus nous permet de ne pas perdre cœur  L’humiliation de nos chutes nous fait demander et obtenir la miséricorde.

AVEC LES BETES. « Il vivait parmi les bêtes sauvages » : cela évoque le mythe d’Adam qui, sans faute, pouvait vivre au milieu de toutes les créatures dans un univers sans hostilité.

Le carême est un temps pacifié, sans agressivité, libéré de la loi de la jungle où tout prédateur dévore sa proie, où le plus fort tue le plus faible. Il n’y a plus de ressentiment, de rancune, de peur de l’autre. On rentre ses griffes, on goûte la douceur de Dieu.

AVEC LES ANGES. « Les anges le servaient ». Marc ne parle pas du jeûne mais il est évident que « le désert », ce lieu à l’écart, oblige à la sobriété, fait ressentir le manque. La privation n’est pas seulement un geste d’ascèse : le corps non repu incite le cœur à se nourrir de la vérité. Parce que Jésus était tout donné à son Père, parce que sa « nourriture était de faire la volonté de son Père et d’accomplir son œuvre » (Jn 4, 34), il était tendu pour percevoir le grand désir de Dieu qui le faisait vivre.

Le carême est le grand temps d’écoute de la parole de Dieu. Comment m’y appliquer ?...

FOI DANGEREUSE : JEAN-BAPTISTE EST LIVRÉ. Un jour, Jésus apprend que l’on vient d’arrêter Jean-Baptiste qui osait dénoncer les mœurs du roi. Jésus y voit un signal et, terminant sa retraite, il remonte vers sa province de Galilée et commence sa mission. La fin tragique de son maître lui fait augurer de la sienne : lui aussi devra dénoncer les pratiques des puissants et il sera en danger de mort. Après l’eau du baptême et le feu du soleil du désert, il y aura le sang répandu.  

Le carême initial jette une lueur sur la croix future et donne à Jésus la force et le courage d’aller jusqu’au bout. Fils bien-aimé, comment pourrait-il jamais être abandonné par son Père ? Le passage du Jourdain et du désert l’assurent de pouvoir passer le torrent de la mort.

Faire advenir le Royaume de Dieu sur terre est une tâche très dangereuse qui outrepasse les discours pieux, les consolations émollientes, la morale privée. Le carême n’est pas une illusion, un mirage, une parenthèse : il ouvre les yeux sur l’enjeu dramatique du salut des hommes.

LE BUT : JESUS PROCLAME LA BONNE NOUVELLE.  En sortant du désert, Jésus a compris comment réaliser la volonté de son Père : par la parole et la pauvreté, au cœur des relations humaines.

Le carême est un temps de préparation, d’entraînement. La solitude permettra de se plonger ensuite dans l’humanité ; le silence autorisera à parler avec franchise et vérité ; le jeûne enverra partager les fêtes des hommes afin de leur annoncer la joie de la Bonne Nouvelle.

CONCLUSION. Les 5 lignes de Marc nous ouvrent à une réflexion profonde à propos de notre carême et de l’engagement qui peut s’ensuivre.

Le texte très fort de notre Pape (ci-dessous) alimentera notre méditation de ces prochaines semaines.

6ème dimanche ordinaire B

Auteur: Raphaël Devillers
Date de rédaction: 15/02/15
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2014-2015

LA JOURNEE DU LEPREUX

En lisant aujourd’hui la fin du premier chapitre de l’évangile de Marc, nous sommes peut-être perplexes. Que de prodiges déjà effectués par Jésus ! A la synagogue, le possédé ; chez Pierre, la belle-mère ; en ville, une foule de guérisons et d’exorcismes ; sur la route un lépreux purifié. Et il y en aura d’autres !      

Si, dans l’antiquité, ces récits étaient acceptés tels quels, la critique moderne s’attaqua à leur historicité et les soupçonna d’être des légendes, inventions des premières générations chrétiennes pour surévaluer leur héros. Cependant aujourd’hui les plus sceptiques admettent la réalité de ces faits - même si certains traits ont été embellis- car sans ces nombreuses guérisons, on ne comprendrait pas, disent-ils, le succès fulgurant de Jésus en Galilée.    

Toutefois si nous relisons ce chapitre attentivement, nous constatons que l’essentiel de l’activité de Jésus ne réside pas dans les guérisons et exorcismes mais dans la prédication.

Jésus est un prophète : il proclame la Bonne Nouvelle, il donne un enseignement nouveau, il quitte Capharnaüm pour circuler à travers la Galilée et y proclamer l’Evangile. Et c’est par sa parole et ses contacts avec les malades qu’il accomplit les guérisons.

Pourquoi alors cette œuvre thérapeutique ? Ce n’est en tout cas pas pour asséner des « preuves » et contraindre à croire en lui, ni pour accroître sa célébrité, épater la galerie, s’attirer des fans puisque Jésus ordonne impérativement aux personnes guéries de se taire et de ne pas aller clamer ses bienfaits partout. Il ne veut pas être réduit au rôle de guérisseur, il n’est pas « une potion magique ».

S’il soigne les malades, c’est que les corps ont de la valeur et que le salut ne se confine pas au niveau des âmes. Le Règne de Dieu concerne l’homme tout entier et Jésus accueille avec bienveillance tous ceux qui accourent vers lui afin d’obtenir la guérison. Nos intercessions pour nos malades sont normales et valides et les foules continueront de se rendre à Lourdes et autres lieux de pèlerinage.

Il reste que, au-delà de la guérison du corps, Jésus ne cesse d’appeler à la conversion de l’être c.à.d. au retournement, au changement radical des idées, opinions, croyances, imaginations, volontés, comportements. Car c’est du cœur que viennent les jalousies, les haines, les décisions de faire souffrir l’autre, de l’écraser, de lui nuire, de l’exterminer (7, 21). Les pires malades et possédés du monde restent les criminels, les bourreaux, les pervers, les conquérants ambitieux, les fous d’orgueil.

LE LEPREUX PURIFIÉ

Un lépreux vient auprès de Jésus ; il le supplie et, tombant à ses genoux, lui dit : « Si tu le veux, tu peux me purifier. » Saisi de compassion, Jésus étendit la main, le toucha et lui dit : « Je le veux : sois purifié». À l’instant même, la lèpre le quitta et il fut purifié. Avec fermeté, Jésus le renvoya aussitôt en lui disant : « Attention, ne dis rien à personne, mais va te montrer au prêtre, et donne pour ta purification ce que Moïse a prescrit dans la Loi : cela sera pour les gens un témoignage. »

En ces temps anciens, le mot lèpre désignait toute infection purulente, tout suintement malodorant et même toute moisissure sur les murs des maisons. On était effrayé devant ces phénomènes que la médecine de l’époque ne parvenait à vaincre que rarement. Et on comparait souvent la lèpre et le péché :

tous les deux commencent de façon subreptice et insensible,

rongent et étendent peu à peu leurs ravages,

résistent au traitement,

enlaidissent et défigurent,

contaminent l’entourage, brisent la société,

entraînent l’exclusion.

Il fallait de toute urgence éloigner les lépreux de la société : aussi ces malheureux « impurs », excommuniés, étaient condamnés à la solitude où ils se regroupaient, compagnons d’infortune qui ne pouvaient circuler qu’en signalant de loin leur présence aux passants. Lorsqu’un de ces lépreux était guéri, il devait se rendre au temple de Jérusalem pour faire constater la guérison par un prêtre, offrir un sacrifice de reconnaissance à Dieu et recevoir une attestation pour pouvoir réintégrer son entourage.

(cf. la longue législation sur ces phénomènes dans Lévitique, chap. 13 et 14).

Un jour, sur une route, un de ces pauvres malades abîmés et rejetés vient à la rencontre de Jésus dont sans doute on lui a vanté les dons de guérisseur. Il se fait tout petit, implorant à genoux, dans la posture d’adoration, il croit que la guérison ne sera pas le fruit d’une incantation magique mais une décision, une volonté personnelle de Jésus : « Si tu veux » car je sais que tu es plus fort que la lèpre.

« Saisi de compassion », Jésus le touche : il est guéri. Alors que les lépreux contaminaient ceux qui les touchaient, ici au contraire c’est Jésus qui est rayonnant et contagieux de pureté et de sainteté.

Comme souvent Jésus demande à l’homme de ne pas raconter cela partout mais d’aller à Jérusalem remplir les obligations imposées par la Loi. Il ajoute un mot curieux : « Ce sera pour eux un témoignage ». Donc le lépreux guéri racontant sa guérison par Jésus va de ce fait devenir son premier témoin devant les autorités du temple : celles-ci vont être alertées sur la présence en Galilée d’un nouveau et mystérieux thaumaturge qui opère des merveilles et qui annonce la venue du Règne de Dieu. Et en effet, peu après, on verra arriver un groupe de scribes chargés d’observer cet inconnu et ils concluront : « Il a Belzébul en lui ; c’est par le chef des démons qu’il chasse les démons » (3, 22).

Les guérisons opérées par Jésus vont se retourner contre lui : on décidera de tuer celui qui rend la vie.

Une fois parti, cet homme se mit à proclamer et à répandre la nouvelle, de sorte que Jésus ne pouvait plus entrer ouvertement dans une ville, mais restait à l’écart, dans des endroits déserts. De partout cependant on venait à lui.

Mais évidemment, fou de joie, l’homme ne peut se taire et Marc désigne son action en employant les verbes utilisés pour Jésus : « il proclame (le kérygme)…il répand la Parole ». L’homme guéri devient prédicateur, témoin de Jésus devant les foules.

Cette merveille, à la suite des autres, provoque stupeur et enthousiasme au point que Jésus, assailli par les foules, n’entre plus dans les villages où on le prend pour une vedette et peut-être pour un messie qui vient supprimer la maladie, la souffrance et la mort. Il reste donc au-dehors : lui qui a réintégré l’ancien lépreux dans son milieu social est à présent exclu des agglomérations. Troublant et mystérieux échange ! Il faut désormais sortir pour le rencontrer.

Plus tard la haine se déchaînera contre Jésus : déshabillé, criblé de coups, fouetté, ensanglanté, il apparaîtra comme un homme défiguré, aussi horrible à regarder qu’un lépreux. On ne voudra plus qu’il souille la ville de Jérusalem et on l’en chassera. Au Golgotha, qui se situe hors ville, abîmé et excommunié comme un lépreux, il s’offrira pour tous les pécheurs atteints par la lèpre du péché.

Mais après Pâques, ses disciples – souvent rejetés par les autres- constitueront des communautés vers lesquelles viendront les lépreux-pécheurs. Il ne leur sera demandé qu’une chose : avoir totale confiance dans l’amour du Christ vivant. Oui, j’en suis sûr : Tu peux me purifier de mes souillures.

Nous sommes leurs héritiers, pécheurs purifiés.

Raphaël Devillers, dominicain

6ème dimanche ordinaire B

Auteur: Augustin Wiliwoli
Date de rédaction: 15/02/15
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2014-2015


6ème dimanche ordinaire B

Auteur: Philippe Henne
Date de rédaction: 15/02/15
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2014-2015

            C’est la descente aux enfers. Jésus va rejoindre les hommes au plus profond de leur misère. Il avait tout d’abord guéri la belle-mère de Pierre. Cela restait dans le cadre familial. Il a ensuite guéri des hommes et des femmes posédés par des esprits mauvais. Cela restait des maladies tristes et affligeantes, mais pas dégradantes. Aujourd’hui, c’est un lépreux que Jésus guérit. On a du mal à imaginer toute la répulsion que peut provoquer la vue d’un lépreux. Ce sont des membres amputés par la maladie : des mains sans doigt, des pieds sans orteil. Ce sont surtout des visges totalement défigurés, le masque de la mort sur des êtres vivants. Partout sur la terre, à toutes les époques, il y a eu un mouvement universel de répulsion à l’égard des lépreux ; tous, toujours, partout, ils ont été mis à l’écart. Certains noms de lieu rappellent les endroit soù les lépreux étaient aprqués jusqu’à la mort : ce sont les ladreries ou encore les maladreries.

            Il a fallu un père Damien pour qu’on commence à s’occuper d’eux. Il a fallu un Raoul Follereau pour que le monde commence à les soigner. Raoul Follereau les touchait, les embrassait, manifestant ainsi qu’ils n’étaient pas immédiatement contagieux. Et nous, nous sommes tous les lépreux de quelqu’un. Nous avons tous été pendant un moment plus ou moins long le lépreux de notre voisin, de notre frère, de notre conjoint : « Oh ! tu es encore et toujours dans le chemin. Avec toi, la maison n’est jamais assez grande » : tel est le cri que l’on entend parfois, même dans les couples les plus unis. On est tous à un moment ou à un autre le lépreux de quelqu’un. Cela peut être dû à certaines maladresses que l’on a pu commettre. Cela peut être dû à la méfiance de l’entourage dans lequel on est brutalement plongé. Et nous pouvons songer aux étrangers qui vivent au milieu de nous. Ils sont parflois blessés par la réaction violente de certains d’entre nous, agacés parce qu’ils ne font comme nous, alors qu’on a toujours fait comme cela. Et cela peut être une première leçon à retenir de cet Evangile : dans quelle mesure sommes-nous accueillants, patients avec ces étrangers venus d’ailleurs et vivant parmi nous ? Comment accueillons-nous ces hommes et ces femmes que Dieu nous envoie, que Dieu nous offre sur notre chemin ? Seront-ils des lépreux que nous rejetons, ou des missionnaires, des porteurs de Dieu que nous accueillons ?

Mais il y a pire encore : l’Evangile parle d’un lépreux, l’Evangile nous parle d’un corps en décomposition. Et cela me fait penser à un roman de Dostoïevsky, Crime et Châtiment. Le héros principal rencontre une jeune femme prostituée, qui livre son corps pour pouvoir soutenir financièrement sa famille. Le héros monte dans la chambre de la jeune femme. Il voit sur la table de chevet un livre : c’est la Bible. Ce livre est ouvert. Il offre une page de l’Evangile selon saint Jean. Le héros pousse la cruauté à exiger que la jeune fille lise cette page. C’est la résurrection de Lazare et la prostituée lit la protestation effarée de Marthe, la sœur de Lazare, quand Jésus demande qu’on roule la pierre et qu’on ouvre le tombeau : « mais, Seigneur, il sent déjà ; voilà quatre jours qu’il est là ! » Ici, comme là, Jésus nous rejoint dans nos plus profondes turpitudes, que ce soit celles de la solitude, du désespoir ou de l’échec. Dieux va à notre recherche là où nous sommes et nous ne sommes jamais trop loin pour lui. Il nous guérit. Nous pouvons alors aller vers les autres, tout rayonnant de cette grâce de son amour infini. Plus de lèpre, plus rien d ‘autre que la grâce de la résurrection.

Offrons-nous, frères et sœurs, cette grâce de la guérison, même à celui qui nous paraît bien lépreux, car nous avons tous telleemnt besoin de la grâce de Dieu.

6ème dimanche ordinaire B

Auteur: Didier Croonenberghs
Date de rédaction: 15/02/15
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2014-2015

Vous avez probablement déjà entendu parler des générations X, Y, et Z ! Après la génération du « baby boom », qui va de l’après guerre jusqu’aux années 60, les sociologues ont parlé de la « génération X ». Ce serait une génération active, réactive, revendicative… Il y a eu ensuite la « génération Y ». « Y » comme le fil de leurs écouteurs… C’est la génération qui a assisté dans les années 80 au développement d’internet. Et puis on parle maintenant d’une nouvelle génération, la Z : celle qui a toujours baigné dans un monde hyperconnecté. On dit qu’elle est peu revendicative… et les sociologues la rapprochent de la génération d’avant la seconde guerre, la génération dite « silencieuse » ! Comme s’il y avait des cycles générationnels ! Tout cela est bien entendu réducteur, presque amusant, mais ce qui est intéressant, c’est de voir que deux points reviennent de manière cyclique à des degrés divers dans ces analyses sociologiques:
le rapport au « silence » et à « l’action »…

Dans le passage que nous venons d’entendre, se trouve justement interconnectés ces deux points. Et la parole de Jésus dans l’Evangile est une invitation paradoxale à vivre ces deux pôles. Le silence et l’action, le témoignage. « Attention, ne dis rien à personne, fais silence… Tais-toi… mais n’en reste pas là ! Ne sois pas passif ! Va te montrer, sois actif, ce sera pour les gens un témoignage. Voilà une invitation à vivre un équilibre entre silence, d’une part, et témoignage d’autre part.

Saint Marc évoque à plusieurs reprises dans son Evangile ce silence imposé par Jésus, qui est presque un secret. Vous connaissez probablement ce vieil adage qui dit que « un secret, c’est quelque chose que l’on ne dit qu’à une seule personne à la fois ». Aujourd’hui, j’ai parfois l’impression qu’un secret est devenu quelque chose que l’on dévoile à tout le monde en même temps… L’évangile nous rappelle aujourd’hui d’une part la sagesse du silence… Ne dis rien à personne. Ne va pas trop vite sur ton mur facebook. Commence par faire silence... C’est à dire, découvre que ta radicale solitude n’est pas un isolement. Commence par te taire… pour accueillir, assumer, accepter au fond de toi ce que tu es en train de vivre… Car c’est peut-être une transformation. C’est peut-être une résurrection.

Redécouvre le silence. Le silence n’est pas ce qui te coupe de la relation, il est ce qui te permet justement d’entrer en relation.

Silence ! C’est-à-dire : fais monter du fond de toi ce qui donne sens, ce qui te rend sensible. Voilà ce qu’a découvert le lépreux grâce à la parole de Jésus. La lèpre, vous le savez, atteint la peau, c’est à dire ce qui nous socialise, ce qui nous sépare et nous rapproche des autres,

ce qui nous rend sensible.
Lorsque nous devenons lépreux, nous ne pouvons plus toucher, plus toucher les autres. Nous sommes comme coupés, exclus. Et pire encore, nous ne pouvons plus nous laisser toucher. Nous devenons comme insensibles. Presque insensés…

Mais s’il y a un nécessaire silence, il ne faut jamais s’y enfermer. La parole du Christ est en effet double et paradoxale. Silence et va te montrer ! Le silence, comme la prière, s’épanouit en action, en témoignage, en gestes concrets qui attestent une transformation. Témoigner, c’est finalement montrer que nous sommes touchés par l’autre ; c’est redécouvrir sa propre sensibilité, ce qui met du sens à notre vie, ce qui nous ouvre un futur. C’est cela être purifié ! Un terme qui est plus qu’une simple guérison. C’est une transformation.
Le mot choisi - « purifier » - a un sens très large. Il s’adresse tant aulépreux, qu’à chacun de nous : « Je le veux, retrouve ton vrai visage, ta vraie dignité - d’homme et d’enfant de Dieu-, retrouve ta vraie beauté ». Car Dieu est caché tout autant qu'il est manifesté dans le visage de l'humain. Il n'est abimé que par la haine et la violence faite à n'importe quel visage. Mais il est restauré dans sa beauté par la compassion et l'amour exprimé.Voilà la double sagesse à laquelle nous sommes invités. Celle d’un silence qui s’épanouit en témoignage. « Silence », nous dit Jésus. Découvre au fond de toi ce qui te rend sensible, ce qui donne sens. Alors, tu seras touché par la vie. Amen.

Fête du bienheureux Fra Angelico

Auteur: Stéphane Braun
Date de rédaction: 14/02/15
Temps liturgique: Fêtes des Saints Dominicains
Année liturgique : B
Année: 2014-2015

5ème dimanche ordinaire B

Auteur: Dominique Collin
Date de rédaction: 1/02/14
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2014-2015

5ème dimanche ordinaire B

Auteur: Raphaël Devillers
Date de rédaction: 8/02/15
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2014-2015

DE LA SYNAGOGUE A L’EGLISE ; DU SHABBAT AU DIMANCHE

En rencontrant aujourd’hui la (fameuse !) belle-mère de Pierre, nous pourrions débattre du mariage ou célibat des apôtres… puis des prêtres. Il y a autre chose bien plus important à faire : méditer la chronologie des événements de cette journée inaugurale de Jésus dans l’évangile de Marc pour comprendre notre façon chrétienne de vivre le temps. Top chrono :

SHABBAT MATIN

Dimanche passé, Marc nous a raconté le coup d’éclat de Jésus dans la synagogue de Capharnaüm. Sa prédication était absolument différente de celle des scribes : au lieu d’être un commentaire savant et pieux des Ecritures, elle frappait comme la foudre, pénétrait dans le cœur du pécheur le plus endurci et en éradiquait l’esprit mauvais. Stupéfaite, l’assemblée était abasourdie par « cet enseignement nouveau ». Continuons.

SHABBAT MIDI

En quittant la synagogue de Capharnaüm, Jésus, accompagné de Jacques et Jean, alla dans la maison de Simon et André. Or, la belle-mère de Simon était au lit, elle avait de la fièvre. Aussitôt, on parla à Jésus de la malade. Jésus s’approcha, la saisit par la main et la fit lever. La fièvre la quitta, et elle les servait.

A la sortie de cet office du matin, Jésus est invité chez Simon : ainsi les 4 premiers pêcheurs qu’il a appelés récemment se retrouvent dans cette maison qui va devenir le centre de rayonnement de Jésus en Galilée. La belle-mère de Simon, infectée par une mauvaise fièvre, est couchée sur son lit, allongée comme dans la posture de la mort.

Ici pas de cri de refus d’un esprit impur qui voudrait garder sa proie et pas d’exorcisme violent mais confiance et intercession. On prie Jésus d’intervenir, on le conduit à la malade : le simple contact suffit et Jésus « la fait lever » - or c’est le verbe qui sera employé pour désigner la résurrection de Jésus.

D’un coup la guérison est effectuée et la femme est capable « de les servir » - comprenons : la maîtresse de maison peut accueillir le groupe et préparer le repas. Mais « servir », plus profondément, désigne aussi et surtout la disponibilité à obéir au Seigneur, à faire sa volonté, à l’aimer de tout son cœur.

LE LENDEMAIN = 1er JOUR DE LA SEMAINE

Evidemment la nouvelle de l’événement du matin à la synagogue s’est répandue dans la petite ville : un nouveau guérisseur est apparu en puissance ! Au cours du shabbat, tout travail est interdit, même le transfert des malades mais, au crépuscule, dès qu’apparaissent les premières étoiles, commence le premier jour de la semaine suivante (puisque le shabbat est le 7ème jour qui termine la semaine précédente). C’est pourquoi des groupes se pressent vers la maison où l’on sait que Jésus a été accueilli.

Le soir venu, après le coucher du soleil, on lui amenait tous ceux qui étaient atteints d’un mal ou possédés par des démons. La ville entière se pressait à la porte.

Il guérit beaucoup de gens atteints de toutes sortes de maladies, et il expulsa beaucoup de démons et il les empêchait de parler, parce qu’ils savaient qui il était.

Amusé, Marc gonfle l’affluence : « la ville entière» converge vers la maison de Pierre. Pleins d’espoir, les gens amènent les malades et handicapés et Jésus, de façon toute naturelle, sans gestes ni pratiques spectaculaires, opère guérisons et exorcismes. Qui donc est-il pour posséder une telle maîtrise ?

Comme le possédé du matin à la synagogue, les esprits mauvais débusquent la personnalité profonde de Jésus et ils révèlent qui il est : le Saint, le Consacré, le Messie de Dieu. Il n’est pas qu’un simple guérisseur, plus puissant et efficace que les autres : il est l’envoyé de Dieu qui vient détruire l’emprise diabolique sur l’homme pour instaurer le Règne de Dieu. Mais Jésus leur interdit de dévoiler son titre : non qu’il le récuse mais parce que « Messie » est compris dans le peuple comme un roi redoutable qui allumera la révolution et rétablira la grandeur nationale.

1er JOUR DE LA SEMAINE : LA NUIT

Le lendemain, Jésus se leva, bien avant l’aube. Il sortit et se rendit dans un endroit désert, et là il priait.

La nuit est tombée, les gens sont retournés chez eux et chez Pierre, tous se sont endormis. Tous sauf Jésus qui, sans bruit, se lève et sort. Tout seul sous les étoiles, dans la nuit, IL PRIE. Après le travail près des hommes et des malades, dans le grand silence, il se tourne vers son Père : celui-ci lui a donné sa vocation au baptême, à présent que dois-je faire ? Car le Messie n’est pas un automate dans les mains de Dieu : l’Esprit qu’il partage avec Lui le rend libre. A son écoute, il doit décider de l’avenir.

SUITE : A L’AUBE

Simon et ceux qui étaient avec lui partirent à sa recherche. Ils le trouvent et lui disent : « Tout le monde te cherche. » Jésus leur dit : « Allons ailleurs, dans les villages voisins, afin que là aussi je proclame l’Évangile ; car c’est pour cela que je suis sorti. »

La maison se réveille : stupeur ! Jésus a disparu ! Bouleversés, les disciples se lancent à sa recherche et enfin le trouvent : « Il y a déjà beaucoup de gens devant la maison et ils t’attendent ». Mais Jésus refuse de revenir à la maison : dans sa prière, il a compris qu’il ne devait pas s’installer quelque part pour accueillir ceux qui viennent à lui. Le monde l’attend, c’est à lui d’aller à sa rencontre pour lui annoncer la Bonne Nouvelle. « C’est pour cela que je suis sorti ».

LES JOURS SUIVANTS

Et il parcourait toute la Galilée, proclamant l’Évangile dans leurs synagogues, et expulsant les esprits mauvais.

Jésus est un marcheur, un héraut toujours en mouvement, il fréquente les synagogues pour y proclamer un « enseignement nouveau » et pour libérer tous les hommes des aliénations qui les emprisonnent.

CONCLUSION

Une lecture superficielle voit simplement dans ce texte une suite de miracles. La chronologie notée par Marc révèle trois déplacements radicaux qui fondent le rythme de vie de l’Eglise.

UN ENSEIGNEMENT NOUVEAU.      Jésus n’est pas plus éloquent que les scribes et il ne tonitrue pas. La nouveauté de sa Parole réside dans le fait qu’elle réalise ce qu’elle énonce. Elle est tellement authentique qu’elle fouaille le cœur humain, descend dans ses profondeurs pour en éradiquer les maux que nous voulons y dissimuler. Notre aliénation profonde en effet est diabolique au sens où « diable » signifie séparateur, diviseur. La Bonne Nouvelle, c’est que, en acceptant cette Parole, nous sommes exorcisés, pardonnés du péché, donc unifiés, libérés. Si l’Evangile n’était qu’un enseignement de choses permises et défendues, il ne serait pas une « Bonne Nouvelle ».

UN LIEU NOUVEAU.       En Israël, chaque semaine se terminait par l’assemblée du peuple dans la synagogue : on lisait et commentait quelques pages des Ecritures et on chantait la gloire de Dieu. Mais on y invitera de moins en moins Jésus jugé subversif et blasphémateur et on en interdira l’entrée plus tard à ses disciples. C’est pourquoi ceux-ci se réuniront dans leurs maisons particulières pour y partager le Pain de l’Eucharistie dans l’allégresse. Ces « maisons de Pierre » toutefois ne devront pas se fermer sur elles-mêmes : dans la prière, elles comprendront qu’elles doivent demeurer ouvertes afin que les disciples, entraînés par le Souffle de l’Esprit, se dispersent et proclament la Bonne Nouvelle de Jésus dans toutes les nations jusqu’à la fin du monde.

UNE SEMAINE NOUVELLE.      Israël a apporté au monde le rythme hebdomadaire : 6 jours de travail culminant dans un jour de repos. Mais Jésus sera crucifié le 6ème jour et le lendemain, shabbat, sera son repos total, sa disparition dans la mort. A l’aube, premier jour de la semaine suivante, il réapparaîtra à ses disciples : c’est pourquoi ils l’appelleront « Jour du Seigneur » - en français « dimanche » - au cours duquel les disciples se rassemblent pour être guéris et remis debout par une « Parole nouvelle ».

*****     Notre vie chrétienne est ainsi rythmée par la semaine : ouverte par la célébration de l’Eucharistie où l’assemblée se laisse libérer par une « Parole neuve », intercède pour les malades, se met « au service »du Seigneur et « sort » en mission vers les hommes.

4ème dimanche ordinaire

Auteur: Didier Croonenberghs
Date de rédaction: 1/02/14
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2014-2015

Cette scène du premier chapitre de l’évangile de Marc est, comme dans une bonne pièce de théâtre, une merveilleuse scène d’exposition! C’est-à-dire une séquence qui au tout début de l’histoire fournit une clé de compréhension à l’entièreté du récit. Cette clé, c’est celle de l’autorité. L’Evangile de Marc est en effet traversé par cette question de l’autorité.

Dans le récit que nous venons d’entendre, il y a d’un côté Jésus —et son autorité qui frappe et est mise en question— et de l’autre, ceux qui sont du côté du savoir, du pouvoir, de la connaissance: les scribes, et même des esprits impurs ! Voilà deux pôles qui ne cesseront de s’affronter par la suite dans tout l’évangile! Pour nous rappeler que l’autorité n’est pas de l’ordre du pouvoir !

Mais ce qui est frappant dans ce récit —vous l’aurez sans doute remarqué— c’est que l’esprit impur ne se trompe pas. Il reconnait immédiatement l’identité du Christ. Il est d’ailleurs la première créature à le faire depuis le baptême du Christ… “Je sais qui tu es, le Saint de Dieu” dit-il. Comme pour nous dire qu’il ne suffit pas de connaître la vérité, il faut avant tout en vivre !

Dans toute relation, il ne s’agit pas simplement de connaître, de savoir, encore faut-il que cette connaissance de l’autre amène des gestes concrets, soit incarnée. Ce qui donne de l’autorité à une parole, ce n’est pas ce qu’elle dit, mais justement son efficacité à toucher, à guérir, à transformer. “Tu crois que Dieu est un ! La belle affaire. Les démons le croient aussi !” écrira Saint Jacques. Voilà ce que nous rappelle ce récit au tout début de l’Evangile de Marc. Voilà qui est nouveau par rapport à l’enseignement des scribes. Croire, c’est avant tout croire en quelqu’un, c’est-à-dire s’en remettre à lui, lui accorder sa confiance. Il ne s’agit pas d’une certitude, une foi sans risque… Cela, tout le monde peut le faire, mêmes les esprits plus démoniaques. Ceux-ci croient sans faire confiance.

Croire en quelqu’un, en l’autre, en Dieu: seuls peuvent s’y aventurer ceux qui aiment. Car accorder sa confiance, c’est ce qui nous fait sortir de nous mêmes, qui expulse loin de nous nos démons, pour tendre vers l’autre, et nous en remettre à lui. L’autorité se donne, elle ne se prend pas.

Et voilà bien l’erreur qui peut parfois nous traverser. Il y a en effet au fond de chacun une sorte de méfiance, que les événements et les blessures de la vie ont peut-être fait grandir en nous. Un forme de suspicion, un sentiment qui refuse la réalité telle qu’elle est, qui comprend l’autorité comme du pouvoir. L’esprit impur dans l’évangile, c’est finalement la figure du paranoïaque ! “Es-tu venu pour nous perdre” dit l’esprit impur. Comme pour tout rapporter à lui dans un sentiment de victime. Paranoïa signifie d’ailleurs “contre l’esprit”. Et non au sens pathologique mais le plus large, il y a parfois de la paranoïa qui nous guette. Lorsque de la méfiance s’installe.

L’invitation de l’évangile est tout autre. Elle nous convie à nous en remettre à l’autre, à entrer dans la confiance. A avoir une foi-confiante. Il y a d’ailleurs deux mots en grec pour exprimer la foi. D’un part, la foi-qui-a-peur et a besoin de se rassurer (celle des démons, celle qui veut connaitre, maitriser) et d’autre la foi-confiance, celle qui nous sommes invités à vivre. L’esprit impur connait certes l’identité du Christ, mais il ne lui donne pas sa confiance… Cet homme, c’est vous, c’est moi chaque fois que notre foi est sans actes concrets de bienveillance. Car si impureté il y a, elle est bien dans l’inaction, dans la sclérose, dans le formalisme. Lorsqu’un “Je t’aime” n’est plus habité par de la tendresse.

Car ce sont bien nos actes qui disent ce que nous sommes et vérifient nos paroles. Pas nos paroles qui affirmeraient ce que nous sommes. Il est d’ailleurs frappant de voir que suite à la guérison qu’opère Jésus, la foule est frappée… non pas par cette guérison, mais par l’enseignement de Jésus ! Comme pour nous dire qu’en Jésus, il n’y a pas d’écart entre la parole et le geste, entre la foi exprimée et la confiance donnée.

Pour entrer dans cette confiance, il faut peut-être redécouvrir un peu de silence dans sa vie. C’est à dire faire taire en nous cet esprit impur qui amène de la méfiance, ou nous met au centre. Redécouvrir un silence habité par une présence qui n’a pas besoin de mots pour se dire. Une présence qui nous invite sans cesse à la joie. Un silence qui nous amène à nous en remettre à l’autre. A croire en l’autre. Amen.

4ème dimanche ordinaire

Auteur: Raphaël Devillers
Date de rédaction: 1/02/15
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2014-2015

LE VERITABLE COMBAT POUR LE SALUT DE L’HOMME

Un jour, un jeune charpentier de Nazareth en Galilée quitta sa mère, son établi, son village et seul, démuni, fragile, se mit en route à la rencontre des hommes. Il n’avait ni argent ni diplômes, ni auréole ni appui des puissants. Comme la première hirondelle, il annonçait le printemps. Non il n’était pas fatal que les hommes se déchirent dans les ténèbres du mal, qu’ils se jalousent, se tuent et qu’ils ignorent Dieu.

Il ne fallait plus avoir la nostalgie du bon vieux temps, il était vain de faire des plans sur la comète et de rêver d’un avenir meilleur : tout se jouait aujourd’hui. Tout de suite.

Jésus parlait. Il ne voulait pas être éloquent, enfiler des belles phrases ; il ne distillait pas des discours théologiques abstraits; il ne gigotait pas pour devenir l’idole d’une nuée de fans ; il ne faisait nulle promesse fallacieuse ; il ne flattait pas le public dans l’espoir de faire carrière ; il ne condamnait pas tous ceux qui erraient dans le péché ; il ne cherchait ni gloire ni argent et il ne faisait pas de collectes. Il se fichait éperdument des sondages et de l’audimat.

Il se savait envoyé de Dieu son Père ; et lui, son Fils, avait reçu la mission la plus capitale, la plus urgente, la plus difficile à accomplir : inaugurer chez les hommes un Royaume de droit et de justice, de réconciliation et de paix. Respecter les droits de l’homme et la gloire de Dieu.

« Le temps est accompli : Dieu vient régner et les idoles de la cupidité, de la haine, du racisme vont basculer ». Mais cela ne se réalisera pas d’un coup de baguette magique car Dieu ne violente pas la conscience et il veut des réponses libres.

Une seule chose est demandée à chacun : « Convertissez-vous » c.à.d. subvertissez votre existence, modifiez vos manières de voir, adoptez d’autres comportements. Refusez la fatalité, n’attendez pas que d’autres commencent. « Croyez » c.à.d. faites confiance à ce pauvre marcheur et à son message. Osez rompre avec la pensée régnante. Aller à contre-courant.

La tâche essentielle de Jésus, que Marc a noté d’emblée, est d’être le héraut de la Bonne Nouvelle. L’Evangile n’est pas d’abord un livre, un catéchisme, un règlement mais un cri, un appel, une interpellation : on dit LE KERYGME. Seul le comprend celui qui y répond.

APRES LE KERYGME LA CATECHESE

Cet appel primordial, sans jamais cesser d’être lancé et répercuté partout, exige, par la suite, d’être développé: quelles en sont les raisons et les conséquences ? A quoi la foi engage-t-elle ? Quel est le rapport de cet Evangile avec les saintes Ecritures ? Et d’abord qui est cet inconnu appelé Jésus ?

Marc nous explique ce qu’est ce second type de prédication : la CATECHESE.

Jésus, accompagné de ses disciples, entre à Capharnaüm. Aussitôt, le jour du sabbat, Jésus se rendit à la synagogue, et là, il enseignait. On était frappé par son enseignement, car il enseignait en homme qui a autorité, et non pas comme les scribes.

Si la Grèce a été le peuple qui a exalté la beauté dans l’espace, Israël est celui qui a organisé le rythme du temps. L’homme a vocation de travailler 6 jours puis, le 7ème, il s’arrête : c’est le SHABBAT (le mot signifie cesser). Non dans le but normal de se reposer et reprendre des forces (chacun pourrait le faire selon ses besoins) mais pour se donner à l’essentiel : prendre le temps ensemble de rendre gloire à Dieu et d’approfondir les relations humaines. Pour que le travail n’abrutisse pas, on laisse les outils afin de se regarder et de s’écouter. Le shabbat est le haut lieu de la prière et de l’humanisation.

Shabbat matin : office à la synagogue. Le local est plein comme chaque semaine pour chanter les psaumes, louer Dieu et écouter la grande lecture des Ecritures commentées par le rabbin. Celui-ci peut néanmoins céder la tribune à quelqu’un qu’il en juge capable. Ce jour-là le rabbin a invité Jésus, ce nouveau prédicateur ambulant.

JESUS ENSEIGNE. Marc va beaucoup répéter cette expression mais sans en détailler le contenu. Que dit Jésus ? Avant tout, ce qui frappe, c’est la manière dont il s’exprime et qui ébahit l’auditoire : il parle AVEC AUTORITE. Cela ne signifie pas que Jésus prend des airs solennels, qu’il roule de grands yeux en tapant du poing sur le lutrin mais que, contrairement aux scribes (les spécialistes des Ecritures), il n’appuie pas la force de son discours sur de grands auteurs. D’ailleurs il ne dira jamais, comme les Prophètes : « Oracle de YHWH ». Jésus ne cite personne : il parle. Sa parole a « autorité » par elle-même. Du jamais entendu dans aucune synagogue. Qui donc est cet homme ?...

UN EXORCISME

Il y avait dans leur synagogue un homme tourmenté par un esprit impur, qui se mit à crier : « Que nous veux-tu, Jésus de Nazareth ? Es-tu venu pour nous perdre ? Je sais qui tu es : tu es le Saint de Dieu. » Jésus l’interpella vivement : « Tais-toi ! Sors de cet homme. » L’esprit impur le fit entrer en convulsions, puis, poussant un grand cri, sortit de lui. Ils furent tous frappés de stupeur et se demandaient entre eux : « Qu’est-ce que cela veut dire ? Voilà un enseignement nouveau, donné avec autorité ! Il commande même aux esprits impurs, et ils lui obéissent. » Sa renommée se répandit aussitôt partout, dans toute la région de la Galilée.

Tout à coup un cri arrête le prédicateur. Dans l’assemblée, seul un homme a perçu l’identité de Jésus : il est le Saint de Dieu, le Messie consacré ! Ou plutôt, dit Marc, c’est « l’esprit impur » qui l’habitait. Cet homme n’était pas seulement un pécheur comme les autres, conscient de ses faiblesses mais il avait laissé s’incruster en lui un désir profond d’un grand mal. Il ne parvenait pas à en guérir : il l’acceptait, l’entretenait, en était comme possédé.

Jésus tout de suite réplique : « SILENCE…SORS… ». Il ne veut pas que l’on sache – maintenant - qu’il est le messie, titre qui entraîne la confusion car il connote la puissance militaire et politique. Il faudra du temps pour que les disciples eux-mêmes comprennent quel genre de Messie est Jésus.

Et il guérit l’homme. Les guérisseurs du temps pratiquaient aussi les exorcismes mais ils se lançaient dans de grandes invocations et toutes sortes de manipulations magiques, appelant l’intervention de grands saints. Une parole de Jésus suffit. Un ordre. L’homme est libéré.

La stupeur de l’assemblée s’accentue. On ne comprend pas. D’où lui vient ce pouvoir ? Quelle est cette parole neuve ? Neuve non par son contenu, par une révélation inédite, par une nouvelle pratique médicale, par l’usage d’une formule plus efficace. Elle est neuve parce que, d’elle-même, elle agit.

Ainsi se révèle le grand combat que Jésus est venu mener, en obéissance à son Père. Après son baptême, lors de sa retraite au désert, il avait vaincu le satan, la puissance maléfique qui suggérait des solutions mensongères au salut de l’humanité. Ici il écrase un de ses esprits qui tentent sans cesse de détruire l’humanité en l’entraînant sur des chemins de mort, en insérant dans les cœurs les décisions perverses, les penchants libidineux, les soumissions à l’envie, la jalousie, la cupidité, la haine.

En tout cas, cette intervention spectaculaire de Jésus sidère l’assemblée et très vite sa renommée se répand dans toute la région.

Cet épisode inaugural de l’activité de Jésus nous plonge dans la profondeur abyssale de son combat. Que signifie le véritable progrès ? A quelle profondeur l’homme est-il blessé ? Qui peut sauver l’homme ? Et comment ? Faire progresser les sciences, éradiquer la pauvreté, instaurer la paix : quel homme n’approuverait cet idéal ? Améliorer le confort, donner la santé, permettre « la grande bouffe » : le véritable salut de l’homme n’est pas là. Et l’histoire récente a montré les dérapages catastrophiques des idéologies ruisselantes de bonnes intentions : la promesse du 3ème Reich a basculé dans l’épouvante d’Auschwitz et le chant de l’Internationale dans les cris d’horreur du Goulag et ses millions de victimes.

Il ne faut pas se tromper d’adversaire. Ni confondre satan avec un escogriffe grimaçant touillant dans un chaudron fumant. La vie n’est pas du cinéma ni de la science fiction.

3ème dimanche ordinaire

Auteur: Dominique Collin
Date de rédaction: 25/01/14
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2014-2015